1. Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Recevabilité - Conditions

L’article 241 CE (devenu, après modification, article 277 TFUE) prévoit que toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause la légalité d’un règlement visé par cette disposition, se prévaloir, en particulier à l’appui d’un recours contre une mesure d’application, des moyens prévus à l’article 230, deuxième alinéa, CE (devenu, après modification, article 263, deuxième alinéa, TFUE), même après l’expiration du délai de recours contre le règlement. Cette voie de droit incidente constitue l’expression d’un principe général qui tend à garantir que toute personne dispose ou ait disposé d’une possibilité de contester un acte émanant de l’Union qui sert de fondement à une décision qui lui est opposée. La règle posée par l’article 241 CE s’impose assurément dans le cadre du contentieux porté devant le juge de l'Union au titre de l’article 236 CE (devenu, après modification, article 270 TFUE).

Toutefois, la possibilité que donne l’article 241 CE d’invoquer l’inapplicabilité d’un règlement ne constitue pas un droit d’action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente, de telle sorte que l’absence d’un droit de recours principal ou l’irrecevabilité du recours principal entraîne l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité.

Arrêt du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones / Commission (F-29/09) (cf. points 29-30)



Arrêt du 4 octobre 2018, Tataram / Commission (T-546/16) (cf. points 32, 33, 45, 46, 49)

Ordonnance du 11 décembre 2018, QC / Conseil européen (T-834/16) (cf. point 46)

Ordonnance du 16 mai 2019, ITSA / Commission (T-396/18) (cf. point 39)



Ordonnance du 10 mai 2022, Girardi / EUIPO (T-497/21) (cf. point 35)

2. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté

Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question.

Arrêt du 6 septembre 2013, Deutsche Bahn e.a. / Commission (T-289/11, T-290/11 et T-521/11) (cf. points 56-58)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat / ECHA (T-177/12) (cf. points 24, 25)

Arrêt du 19 juin 2015, Italie / Commission (T-358/11) (cf. points 180, 181)

Arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a. / Conseil (T-14/14 et T-87/14) (cf. point 55)

Arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a. / SEAE (T-575/16) (cf. point 26)

La possibilité offerte par l’article 277 TFUE d’invoquer l’illégalité d’un acte de portée générale ne constitue pas un droit d’action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente, l’irrecevabilité de l’action principale entraînant dès lors celle de l’exception d’illégalité. En outre, une exception d’illégalité soulevée de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE, à l’occasion de la contestation au principal de la légalité d’un acte tiers, n’est recevable que dès lors qu’il existe un lien de connexité entre cet acte et la norme dont l’illégalité prétendue est excipée. Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours.

À cet égard, l’existence d’un tel lien de connexité peut se déduire, notamment, du constat que l’acte attaqué au principal repose essentiellement sur une disposition de l’acte dont la légalité est contestée.

Arrêt du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers' Association e.a. / Commission (T-296/12) (cf. points 169, 170, 172)

Une exception d’illégalité, soulevée de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE à l’occasion de la contestation au principal de la légalité d’un acte tiers, n’est recevable que dès lors qu’il existe un lien de connexité entre cet acte et la norme dont l’illégalité prétendue est excipée. Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question.

L’article 277 TFUE doit recevoir une interprétation suffisamment large afin que soit assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions de caractère général en faveur des personnes exclues du recours direct contre de tels actes. Aussi le champ d’application de l’article 277 TFUE doit-il s’étendre aux actes des institutions qui ont été pertinents pour l’adoption de la décision qui fait l’objet du recours en annulation, en ce sens que ladite décision repose essentiellement sur ceux-ci, même s’ils n’en constituaient pas formellement la base juridique.

Il convient dès lors de rappeler que la nature même d’une période transitoire est d’organiser le passage progressif d’un régime à un autre pour résoudre des difficultés inhérentes à la mise en place du nouveau régime ou éviter une modification abrupte du régime antérieur.

Au vu du lien qui unit les dispositions transitoires aux dispositions définitives, les premières n’ayant aucune raison d’exister sans les secondes, et au vu de l’absence de marge de manœuvre de l’autorité compétente, il y a lieu de considérer qu’il existe un lien juridique direct entre les décisions portant réduction des congés annuels des fonctionnaires affectés aux pays tiers et le nouvel article 6, premier alinéa, de l’annexe X du statut et que, ce premier alinéa étant l’aboutissement du nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut, il est au moins indirectement applicable auxdites décisions en ce qu’il était pertinent pour leur adoption, dans la mesure où elles reposaient essentiellement sur celui-ci, même s’il n’en constituait pas formellement la base juridique.

Arrêt du 4 décembre 2018, Carreras Sequeros e.a. / Commission (T-518/16) (cf. points 30, 31, 34, 35)

Dans l’arrêt Tàpias/Conseil (T-527/16), rendu le 12 décembre 2019, le Tribunal a rejeté le recours introduit par une fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne contre la décision fixant sa rémunération et lui appliquant le prélèvement de solidarité de 6 %.

La requérante avait introduit une réclamation à l’encontre de son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 au motif que ce bulletin révélait, d’une part, la décision explicite de lui appliquer un prélèvement de solidarité de 6 % du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015, alors que l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations était gelée au cours de cette même période, et, d’autre part, la décision implicite de ne pas appliquer à sa rémunération un ajustement annuel pour la période allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015. Ces décisions trouvent leur origine dans le règlement no 1023/2013 modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union (ci-après le « statut »){1}.

À la suite du rejet de sa réclamation, la requérante a introduit un recours auprès du Tribunal. Tout d’abord, s’agissant du gel des rémunérations sur deux années, le Tribunal a constaté que le bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 de la requérante ne porte que la décision confirmative de celle établissant sa rémunération pour le mois de décembre 2013. Cette dernière, ayant pour la première fois mis en œuvre la décision introduite par le règlement no 1023/2013 de suspendre l’application de la méthode d’actualisation, n’a pas été attaquée par la requérante et, partant, est devenue définitive, raison pour laquelle le Tribunal a déclaré le recours irrecevable en ce qui concerne la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations pour 2013 et 2014. Toutefois, le Tribunal a estimé que le recours était recevable en ce qu’il visait à obtenir l’annulation de la décision établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014 qui a fait application pour la première fois à son égard du prélèvement de solidarité.

S’agissant du fond de l’affaire, la requérante a soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de la modification du statut introduisant le prélèvement de solidarité. Cette exception s’appuyait sur sept moyens, tirés, respectivement, de la violation de la liberté d’association et des droits à l’information, à la consultation et à la négociation collective, de la violation de la procédure législative, de la violation de l’obligation de motivation, de la violation de la rupture du lien entre l’application de la méthode d’adaptation automatique des rémunérations prévue à l’annexe XI du statut et le prélèvement de solidarité et de la violation du principe du parallélisme, de la violation des droits acquis, de la violation du principe de proportionnalité et de la violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que le législateur n’aurait pas prévu de mesures transitoires.

Le Tribunal a rejeté tous les moyens invoqués par la requérante. Concernant l’obligation de la Commission européenne de saisir le comité du statut de la première proposition de modification du statut qu’elle a adoptée le 29 juin 2011, qui comportait un prélèvement de solidarité de 5,5 %, et non de la seconde proposition de modification du statut, prévoyant un prélèvement de solidarité de 6 %, qu’elle lui a soumise le 21 novembre 2011, le Tribunal a relevé que, d’une part, il ressortait du dossier, que le texte adopté par la Commission le 29 juin 2011 n’était pas formellement une proposition de modification du statut, mais un projet de proposition de modification du statut destiné à faire l’objet d’une consultation des organisations syndicales et professionnelles avant la présentation d’une proposition formelle de modification du statut au Conseil et au Parlement européen. D’autre part, le texte soumis par la Commission au comité du statut le 21 novembre 2011 avait ensuite été transmis par la Commission au Parlement et au Conseil en tant que proposition législative dans le cadre de la procédure législative ordinaire, qui régit l’adoption et la modification du statut par ces institutions.

Dans le cadre du moyen tiré de la violation de la procédure législative, la requérante a fait valoir que le Conseil européen avait porté atteinte à la légalité de la procédure législative, en adoptant ses conclusions des 7 et 8 février 2013, qui prévoyaient, contrairement à la proposition législative de la Commission, la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations en 2013 et 2014 et l’application du prélèvement de solidarité au cours de cette même période. Le Tribunal a d’abord observé que la procédure législative ordinaire avait été respectée en l’espèce. Il a ensuite relevé que la répartition des compétences ne s’oppose pas à ce que le Conseil européen prenne position sur une question qui fait l’objet d’une procédure législative. Le Tribunal a enfin rappelé que l’incidence de nature « politique » des conclusions du Conseil européen sur le pouvoir législatif du Parlement et du Conseil ne saurait constituer un motif d’annulation par le Tribunal de la décision attaquée en l’espèce.

S’agissant de l’argument de la requérante concernant le principe du droit de l’Union selon lequel le prélèvement de solidarité ne pourrait être appliqué que concomitamment à l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations, le Tribunal a relevé que l’existence d’un tel principe ne ressortait ni de la jurisprudence, ni des considérants du règlement no 1023/2013, ni du lien entre les mesures en cause. Le Tribunal a précisé que, dans les limites de sa large marge d’appréciation, le législateur était libre de prévoir expressément, dans le règlement no 1023/2013, que le prélèvement de solidarité s’appliquerait pendant une période au cours de laquelle l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations était suspendue. Il a rappelé que le législateur a justifié ce choix par la volonté de tenir compte, non seulement des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, mais également « des contraintes budgétaires futures », « du contexte socio-économique particulièrement difficile dans les États membres et l’ensemble de l’Union » et d’exprimer « la solidarité de la fonction publique européenne face aux mesures draconiennes prises par les États membres par suite de la crise financière sans précédent ». Or, le Tribunal a constaté que la requérante ne démontrait pas que ce choix était constitutif d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir.

En conséquence, le Tribunal a rejeté le recours.

{1 Règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15).}

Arrêt du 12 décembre 2019, Tàpias / Conseil (T-527/16) (cf. points 119, 120)

M. Carreras Sequeros et les autres personnes parties à la procédure devant la Cour (ci-après « Carreras Sequeros e.a. ») sont des fonctionnaires ou agents contractuels de la Commission ayant été affectés dans des pays tiers avant le 1er janvier 2014. Lors de la mise à jour de leurs dossiers personnels, afin de tenir compte du nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »){1}, ils se sont vu allouer 36 jours ouvrables de congé annuel pour l’année 2014 contre 42 l’année précédente. Carreras Sequeros e.a ont introduit des réclamations qui ont été rejetées, selon les cas, par l’autorité investie du pouvoir de nomination ou par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement.

Dans leur recours introduit devant le Tribunal, Carreras Sequeros e.a. ont demandé de déclarer illégal le nouvel article 6 de l’annexe X du statut et d’annuler les décisions de la Commission, portant réduction de leurs congés annuels à compter de l’année 2014 (ci-après les « décisions litigieuses »). Le Tribunal a accueilli le recours{2} et a annulé ces décisions au motif que la Commission ne pouvait pas valablement se fonder sur le nouvel article 6 de l’annexe X du statut pour adopter les décisions litigieuses, dans la mesure où cet article, en réduisant de manière significative la durée du congé des fonctionnaires et des agents affectés dans des pays tiers, ne saurait être regardé comme étant compatible avec la nature et la finalité du droit à un congé annuel, telles qu’elles ressortent de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), lu à la lumière de la directive 2003/88{3}.

Saisie de pourvois formés par la Commission (affaire C-119/19 P) et par le Conseil (C-126/19 P), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal par un arrêt de la grande chambre du 8 septembre 2020. Dans ce même arrêt, après avoir statué elle-même définitivement sur le litige, la Cour a rejeté le recours introduit par Carreras Sequeros e.a. dans l’affaire T-518/16.

Tout d’abord, la Cour a considéré que c’est à bon droit que le Tribunal avait jugé recevable l’exception d’illégalité invoquée par Carreras Sequeros e.a., laquelle visait l’ensemble du régime de congé annuel prévu au nouvel article 6 de l’annexe X du statut, y compris sa phase définitive applicable à partir de l’année 2016. La Cour a jugé, à cet égard, que, la nature même d’une période transitoire étant d’organiser le passage progressif d’un régime à un autre, la période transitoire, prévue au nouvel article 6, second alinéa, de l’annexe X du statut, ne tire sa justification que de l’adoption du régime définitif instauré par le premier alinéa dudit article. Dans ces conditions, les décisions litigieuses constituent des mesures d’application du régime mis en place, à compter du 1er janvier 2014, par ce nouvel article 6 de l’annexe X du statut et entretiennent un lien juridique direct avec ce régime dans son ensemble.

Ensuite, la Cour s’est prononcée sur la nature et la finalité du droit au congé annuel, tel que consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte. À cet égard, la Cour a relevé qu’il découle des explications afférentes à cette disposition que la référence faite par celles-ci à la directive 2003/88 renvoie aux dispositions de cette directive qui reflètent et précisent le droit fondamental à une période annuelle de congés payés. Tel est le cas de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, qui prévoit un droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines et qui doit, sous réserve des dispositions plus favorables contenues dans le statut, être appliqué aux fonctionnaires et aux agents des institutions de l’Union. Par conséquent, et contrairement à ce que le Tribunal a jugé, ne saurait être considérée comme constituant une atteinte au droit fondamental au congé annuel payé une disposition du droit de l’Union qui, à l’instar du nouvel article 6, de l’annexe X du statut, et même si elle prive graduellement les personnes concernées d’un certain nombre de jours de congé annuel payé, leur assure toujours un droit à ce congé d’une durée supérieure aux quatre semaines minimales. La Cour a ajouté que, dans ces conditions, une disposition telle que le nouvel article 6 de l’annexe X du statut est de nature à garantir la satisfaction de la double finalité du droit au congé annuel, à savoir, permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches qui lui incombent et disposer d’une période de détente et de loisir. La Cour a donc accueilli les pourvois et annulé l’arrêt du Tribunal.

Enfin, statuant définitivement sur le litige en première instance, la Cour a rejeté comme étant non fondés l’ensemble des moyens présentés devant le Tribunal par Carreras Sequeros e.a, dont ceux tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime ainsi que du droit au respect de la vie privée.

S’agissant du principe d’égalité de traitement, qui est applicable au droit de la fonction publique de l’Union, la Cour a relevé que le législateur de l’Union a bien tenu compte de la situation particulière qui distingue les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers du personnel affecté dans l’Union. En effet, il a maintenu, en faveur de ces fonctionnaires et agents, la possibilité de solliciter un congé spécial de détente qui s’ajoute au droit au congé annuel payé reconnu par le statut à tout fonctionnaire ou agent de l’Union.

Quant au principe de protection de la confiance légitime, la Cour a rappelé que, d’une part, le lien juridique entre les fonctionnaires et l’administration de l’Union est de nature statutaire et non contractuelle. Dès lors, les droits et les obligations de ces fonctionnaires peuvent être modifiés à tout moment par le législateur de l’Union. D’autre part, le droit de se prévaloir dudit principe suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies aux intéressés par les autorités compétentes de l’Union. Or, dans le cas d’espèce, il n’a pas été établi qu’une quelconque assurance ait été donnée par les autorités compétentes de l’Union quant au fait que l’article 6 de l’annexe X du statut ne serait jamais modifié.

S’agissant du droit au respect de la vie privée et de la vie familiale, la Cour a essentiellement souligné l’existence, dans le statut, d’une série de dispositions tenant spécifiquement compte de la situation familiale particulière des fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers. Elle a ajouté que l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans le cas particulier d’un requérant.

{1} Depuis la prise d’effet, le 1er janvier 2014, de l’article 1er, point 70, sous a), du règlement (UE, Euratom) nº 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), l’article 6 de l’annexe X du statut prévoit, en ce qui concerne les fonctionnaires affectés dans un pays tiers :

« Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de deux jours ouvrables [contre trois jours et demi ouvrables précédemment] par mois de service.

Nonobstant le premier alinéa du présent article, les fonctionnaires déjà affectés dans un pays tiers au 1er janvier 2014 ont droit :

- à trois jours ouvrables du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

- à deux jours ouvrables et demi du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. »

Le nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut constitue ainsi une disposition transitoire organisant le passage progressif vers le régime définitif du congé annuel mis en place par le premier alinéa de cet article, afin, notamment, d’éviter ou d’atténuer les effets d’une modification abrupte du régime antérieur pour les membres du personnel concernés, déjà affectés dans un pays tiers au 1er janvier 2014, tels que Carreras Sequeros e.a.

{2} Arrêt du 4 décembre 2018, Carreras Sequeros e.a./Commission (T-518/16, EU:T:2018:873).

{3} Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

Arrêt du 8 septembre 2020, Commission / Carreras Sequeros e.a. (C-119/19 P et C-126/19 P) (cf. points 66-70, 74, 75)

Par son arrêt du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T-411/17), rendu en chambre élargie, le Tribunal a annulé la décision du Conseil de résolution unique (CRU){1}, déterminant le montant des contributions ex ante pour l’année 2017 au Fonds de résolution unique (FRU), dans la mesure où cette décision concerne la requérante, Landesbank Baden-Württemberg, un établissement de crédit allemand.

Cette affaire s’inscrit dans le cadre du second pilier de l’union bancaire, relatif au mécanisme de résolution unique, mis en place par le règlement nº 806/2014{2}. Plus spécifiquement, elle concerne le FRU instauré par ce règlement{3}. Le FRU est financé par les contributions des établissements perçues au niveau national sous la forme, notamment, de contributions ex ante{4}. Par décision du 11 avril 2017, le CRU, sur le fondement du règlement nº 806/2014, a adopté la décision attaquée, fixant, pour l’année 2017, le montant des contributions ex ante des établissements, y compris de la requérante, devant être transférées au FRU. Par avis de perception du 21 avril 2017, l’autorité de résolution allemande a informé la requérante de cette décision et lui a indiqué le montant à payer. Contestant ladite décision à plusieurs égards, la requérante a introduit le présent recours devant le Tribunal.

Tout d’abord, s’agissant de la qualité pour agir, le Tribunal a constaté que, bien que les destinataires des décisions du CRU sur le calcul des contributions ex ante au FRU sont, conformément à la réglementation applicable, les autorités de résolution nationales, les établissements débiteurs de ces contributions sont, sans aucun doute, directement et individuellement concernés par ces décisions. Il s’ensuit que la requérante a qualité pour agir en annulation de la décision du CRU.

Ensuite, après avoir rappelé que le juge de l’Union est tenu de relever d’office le moyen d’ordre public tiré de la violation des formes substantielles et qu’une telle violation recouvre, notamment, le défaut d’authentification de l’acte attaqué et l’absence ou l’insuffisance de la motivation, le Tribunal a procédé à l’examen de la violation de l’exigence d’authentification de la décision attaquée.

À cet égard, il a constaté que, en l’espèce, cette exigence n’est pas satisfaite, car le CRU n’a apporté aucune preuve de l’authentification de l’annexe de la décision attaquée, qui comporte les montants des contributions ex ante et constitue donc un élément essentiel de cette décision. Plus particulièrement, le Tribunal a notamment souligné que, ladite annexe étant un document électronique, sa signature ne pouvait être qu’électronique. Toutefois, le CRU n’a produit aucune version de l’annexe comportant une telle signature, alors même que l’annexe n’est nullement liée de manière indissociable au texte de la décision attaquée que la présidente du CRU a signé à la main. Le Tribunal a également rejeté les autres arguments du CRU tendant à démontrer l’authentification de l’annexe par d’autres moyens.

Après avoir accueilli le moyen tiré de la violation de l’exigence d’authentification, le Tribunal a estimé opportun de se prononcer sur les moyens invoqués par la requérante, tirés de la violation de l’obligation de motivation, de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une exception d’illégalité de certaines dispositions du règlement délégué 2015/63{5}, moyens qu’il a examinés ensemble.

Le Tribunal a relevé que la décision attaquée ne contenait, au-delà des explications générales figurant dans son texte, quasi aucun élément du calcul de la contribution de la requérante. Quant à l’autre document référencé, portant sur les détails du calcul des contributions ex ante, à supposer qu’il émanât effectivement du CRU, il ne comportait aucun élément suffisant pour vérifier l’exactitude de la contribution de la requérante. Le Tribunal n’a pas contesté la nature confidentielle, invoquée par le CRU, des données relatives aux autres établissements prises en compte pour calculer cette contribution. Mais il a relevé que, dans la mesure où le calcul de celle-ci reposait de manière interdépendante sur ces données, ce calcul s’avérait intrinsèquement opaque. Le Tribunal a conclu que la méthode de calcul appliquée porte atteinte à la possibilité de la requérante de contester utilement la décision attaquée.

En l’occurrence, après avoir rappelé la jurisprudence selon laquelle l’obligation de motivation s’applique à tout acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation , selon laquelle un défaut de motivation ne saurait être justifié par l’obligation de respecter le secret professionnel et selon laquelle l’obligation de respecter les secrets d’affaires ne saurait être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’exigence de motivation de son contenu essentiel, le Tribunal a constaté que la motivation fournie à la requérante ne lui permet pas de vérifier le montant de sa contribution, lequel constitue pourtant l’élément essentiel de la décision attaquée en ce qu’elle la concerne. Cette dernière place la requérante dans une position où elle n’est pas en mesure de savoir si ce montant a été calculé correctement ou si elle doit le contester devant le Tribunal, sans toutefois pouvoir, comme il lui incombe pourtant dans un recours juridictionnel, identifier, s’agissant dudit montant, les éléments contestés de la décision attaquée, formuler des griefs à cet égard et apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés.

Enfin, en ce qui concerne l’exception d’illégalité soulevée par la requérante à l’égard du règlement délégué 2015/63, le Tribunal, au vu de l’argument de la Commission selon lequel la légalité de la décision attaquée ne saurait être ainsi contestée dès lors que la méthode de calcul découlait du règlement nº 806/2014 et de la directive 2014/59{6} à l’encontre desquels n’a pas été soulevée d’exception d’illégalité, a examiné la méthode de calcul. Il a conclu que le fait que le calcul de la contribution ex ante de la requérante soit opaque et, partant, que cette dernière ne soit pas en mesure d’en vérifier l’exactitude résulte, à tout le moins en partie, de la méthode de calcul définie dans le règlement délégué 2015/63 par la Commission elle-même, sans que cela lui ait été imposé par le législateur. Le Tribunal a jugé que la violation de l’obligation de motivation trouvait sa cause, pour la partie du calcul de la contribution ex ante relative à l’adaptation en fonction du profil de risque, dans l’illégalité de certaines dispositions{7} dudit règlement.

Le Tribunal a ajouté que, en tout état de cause, dès lors que l’exigence d’une motivation suffisamment précise des actes, consacrée par l’article 296 TFUE, constitue l’un des principes fondamentaux du droit de l’Union, dont il appartient au juge d’assurer le respect, au besoin en soulevant d’office un moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation et que, en violation de cette obligation, la requérante ne dispose pas des éléments suffisants pour vérifier l’exactitude de sa contribution, le CRU ne saurait pallier une telle violation par l’invocation d’une réglementation de droit dérivé.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal a conclu que la décision attaquée doit également être annulée sur le fondement de la violation de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective.

{1} Décision du Conseil de résolution unique (CRU), du 11 avril 2017, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05).

{2} Règlement (UE) nº 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) nº 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

{3} Article 67, paragraphe 1, du règlement nº 806/2014.

{4} Article 67, paragraphe 4, du règlement nº 806/2014.

{5} Règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

{6} Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil nº 1093/2010 et (UE) nº 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

{7} Articles 4 à 7 et 9, ainsi qu’annexe I du règlement délégué 2015/63.

Arrêt du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg / CRU (T-411/17) (cf. points 31-34)

Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji (ci-après la « requérante ») est une entreprise polonaise dont l’activité donne lieu à des émissions de gaz à effet de serre fluorés, notamment des hydrofluorocarbones (HFC). Les HFC sont une catégorie de gaz à effet de serre fluorés dont le potentiel de réchauffement climatique est beaucoup plus élevé que celui du dioxyde de carbone (CO2) et qui sont utilisés, notamment, dans les systèmes de réfrigération et de climatisation, les aérosols et la fabrication de mousses isolantes. Le règlement nº 517/2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés{1} vise à limiter ces émissions de HFC à long terme en réduisant progressivement les quantités de HFC mises sur le marché par les producteurs ou importateurs. À cette fin, la Commission détermine chaque année une quantité maximale de HFC pouvant être mise sur le marché de l’Union européenne. Elle a également établi un registre électronique des quotas de mise sur le marché de HFC, dans lequel les producteurs et les importateurs actifs sur ce marché doivent s’enregistrer.

En 2014, la requérante s’est enregistrée dans ce registre en tant que « nouvel acteur du marché », c’est-à-dire en tant qu’entreprise n’ayant pas déclaré avoir mis des HFC sur le marché entre 2009 et 2012. L’allocation des quotas pour cette catégorie d’entreprises est fondée exclusivement sur les déclarations annuelles présentées à la Commission. Pour l’année 2019, la requérante a déclaré un besoin de 207 433 tonnes équivalent CO2 de HFC. Par décision de la Commission du 11 décembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la requérante s’est vue allouer un quota de 4 096 tonnes équivalent CO2 de HFC.

La requérante a contesté cette décision devant le Tribunal en soulevant une exception d’illégalité visant l’article 16 du règlement nº 517/2014, lu en combinaison avec ses annexes V et VI, qui instaure le système d’allocation de quotas en cause et qui constitue le fondement de la décision attaquée. À cet égard, elle a notamment fait valoir que les règles de répartition des quotas sont contraires au principe de non-discrimination. Dans son arrêt, le Tribunal rejette le recours de la requérante et confirme la validité de l’article 16 du règlement nº 517/2014.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, que le principe de non-discrimination impose le traitement égal des situations comparables. Selon la jurisprudence, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe de non-discrimination, il faut qu’il ait traité d’une façon différente des situations comparables entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres. Ensuite, il faut que cette différence de traitement ne puisse pas être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et qu’elle ne soit pas proportionnée au but poursuivi par cette différenciation. En outre, lorsqu’il est appelé à effectuer des choix de nature, notamment, politique et des appréciations complexes, le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

Ainsi, le Tribunal constate, premièrement, qu’il y a une différence de traitement lors de l’allocation des quotas pour la mise sur le marché de HFC entre les entreprises historiques, à savoir celles ayant déclaré avoir mis des HFC sur le marché entre 2009 et 2012, et les nouveaux entrants, qui n’ont pas déclaré avoir mis des HFC sur le marché pendant cette période. En effet, les entreprises historiques se sont vues allouer, pendant la première période triennale de l’application du règlement nº 517/2014, des quotas représentant 89 % de la quantité maximale de HFC pouvant être mise sur le marché de l’Union chaque année, tandis que l’ensemble des nouveaux entrants n’ont disposé que de 11 % de celle-ci.

Deuxièmement, les entreprises historiques et les nouveaux entrants se trouvent dans une situation comparable au regard de l’objet et de l’objectif du règlement nº 517/2014. Les deux catégories d’entreprises produisent des émissions de gaz à effet de serre ayant un effet tout aussi négatif sur le climat et ont besoin de quotas pour la mise sur le marché des HFC.

Troisièmement, la différence de traitement engendre des désavantages pour les nouveaux entrants, tels que la requérante, résultant, notamment, de l’allocation aux entreprises historiques de quotas représentant la majorité des quantités disponibles de HFC pouvant être mises sur le marché de l’Union chaque année.

Quant à la justification de cette différence de traitement, le Tribunal relève, quatrièmement, que celle-ci repose sur une prise en considération des données pertinentes résultant d’une analyse d’impact, ainsi que d’une large consultation publique ayant précédé l’adoption du règlement. D’une part, il ressort de ces données que le système d’attribution gratuite de quotas a été privilégié par le législateur par rapport à l’option consistant à vendre aux enchères des quotas. En effet, cette dernière option serait disproportionnée par rapport à la taille du marché des HFC et son bon fonctionnement ne serait pas assuré, compte tenu de du caractère hautement concentré de ce marché. D’autre part, le législateur a opté pour un système d’allocation de quotas basé sur les émissions historiques et non sur les demandes des entreprises, afin de lutter contre la pratique de « surdéclaration » concernant les émissions. Il s’ensuit que la différenciation se fonde sur des critères objectifs et appropriés en vue d’assurer le bon fonctionnement du système d’allocation de quotas et de garantir un accès au marché suffisant pour les nouveaux entrants.

Enfin, le Tribunal conclut que la différence de traitement est proportionnée au but poursuivi et que le législateur n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation en la matière, dès lors qu’il a tenu compte des intérêts des nouveaux entrants en leur aménageant une réserve fixée, pour la première période triennale d’allocation des quotas, à 11 % des quantités de HFC disponibles. À cet égard, le Tribunal remarque que la proportion des quotas allouée à partir de la réserve et, donc, disponible pour les nouveaux entrants, continuera à augmenter au fil des années, tandis que la proportion des quantités à allouer aux entreprises historiques diminuera continuellement.

{1} Règlement (UE) nº 517/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) nº 842/2006 (JO 2014, L 150, p. 195).

Arrêt du 16 juin 2021, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji / Commission (T-126/19) (cf. points 33, 34)

En 2015, FGSZ Földgázszállító Zrt., gestionnaire du réseau de transport de gaz hongrois (ci après « FGSZ »), ainsi que ses homologues bulgare, roumain et autrichien se sont lancés dans un projet de coopération régionale visant à accroître l’indépendance énergétique en introduisant le gaz de la mer Noire. Ce projet prévoyait l’augmentation des capacités supplémentaires à deux points d’interconnexion, dont celui existant entre la Hongrie et l’Autriche (ci-après le « projet HUAT »). À ce titre, FGSZ et son homologue autrichien, Gas Connect Austria GmbH (ci-après « GCA »), ont publié un rapport d’évaluation conjoint, conformément au règlement 2017/459 établissant un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz{1}.

En application du même règlement{2}, FGSZ a formellement soumis à l’autorité de régulation de l’énergie et des services publics hongroise, Magyar Energetikai és Közmű-szabályozási Hivatal (MEKH), la proposition de projet HUAT, tout en soulignant qu’elle n’était pas en faveur de la mise en œuvre de ce projet. GCA a, quant à elle, soumis la proposition à l’autorité de régulation des secteurs de l’électricité et du gaz naturel autrichienne, Energie-Control Austria für die Regulierung der Elektrizitäts- und Erdgaswirtschaft (E-Control).

E-Control a approuvé la proposition de projet HUAT, tandis que MEKH l’a rejetée. Les autorités de régulation nationales n’étant pas parvenues à un accord, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a adopté, à son tour, une décision portant approbation de la proposition de projet HUAT (ci-après la « décision initiale »).

MEKH et FGSZ ont chacune introduit un recours contre la décision initiale devant la commission de recours de l’ACER. Leurs recours ayant été rejetés par ladite commission, MEKH (affaire T-684/19) et FGSZ (affaire T-704/19) ont saisi le Tribunal de deux recours en annulation de cette décision de rejet, le recours de MEKH tendant également à l’annulation de la décision initiale. Au soutien de son recours, MEKH excipait notamment de l’illégalité du chapitre V du règlement 2017/459.

Dans son arrêt, la deuxième chambre élargie du Tribunal, tout en déclarant irrecevable le recours en annulation de MEKH pour autant qu’il est dirigé contre la décision initiale, fait droit à l’exception d’illégalité soulevée par cette dernière et annule, en conséquence, la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER.

Appréciation du Tribunal

À titre liminaire, le Tribunal déclare irrecevable le recours en annulation de MEKH en ce qu’il est dirigé contre la décision initiale. À cet égard, il relève que la recevabilité d’un recours en annulation formé par des personnes physiques ou morales contre des actes d’ACER destinés à produire des effets juridiques à leur égard est à examiner au regard des modalités particulières prévues par l’acte instituant cette agence, à savoir le règlement 2019/942{3}. Or, conformément audit règlement, seule la décision de la commission de recours de l’ACER est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal{4}.

En revanche, nonobstant le fait que MEKH n’avait pas soulevé d’exception d’illégalité du chapitre V du règlement 2017/459 devant la commission de recours de l’ACER, cette exception, invoquée par MEKH devant le Tribunal, est déclarée recevable par celui-ci. En effet, dès lors que seul le juge de l’Union est habilité à constater l’illégalité d’un acte de portée générale{5}, MEKH était en droit de soulever cette exception pour la première fois devant le Tribunal en vue de contester la validité de la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER.

Quant au bien-fondé de cette exception d’illégalité, le Tribunal relève d’abord que le règlement 2017/459, qui établit un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz, instaure, par son chapitre V, un processus relatif aux capacités supplémentaires qui est susceptible d’imposer une obligation, à la charge des gestionnaires de réseau de transport, de consacrer les investissements nécessaires à la création de capacités supplémentaires sur le réseau. En effet, il ressort des termes mêmes dudit chapitre V{6} qu’un projet de capacités supplémentaires est lancé lorsque les différentes conditions y prévues sont réunies, ce qui implique que les gestionnaires du réseau de transport sont tenus de procéder aux investissements nécessaires à cette fin.

Ensuite, le Tribunal examine si, en élaborant un code de réseau prévoyant un tel processus de création de capacités supplémentaires, la Commission a dépassé les limites de l’habilitation attribuée par le règlement de base, à savoir le règlement nº 715/2009 concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel{7}.

Compte tenu du fait que, en vertu dudit règlement de base, la Commission est seulement habilitée à adopter des codes de réseau dans certains domaines limitativement énumérés et à condition que le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport pour le gaz (ci-après le « REGRT ») n’ait pas encore élaboré un tel code dans le domaine concerné{8}, le Tribunal vérifie, en premier lieu, si le chapitre V du règlement 2017/459 est rattachable à l’un des domaines visés.

À cet égard, il découle d’une interprétation littérale du règlement de base que les domaines y énumérés ne sont pas susceptibles d’inclure la question de la création des capacités supplémentaires sur le réseau. De même, l’interprétation contextuelle dudit règlement révèle une distinction entre, d’une part, les domaines pour lesquels le REGRT est compétent pour élaborer des codes de réseau et, d’autre part, l’encadrement des investissements nécessaires à la création de capacités supplémentaires sur le réseau, pour lesquels le REGRT coordonne l’exercice par les États membres de leur propre compétence. En outre, le Tribunal relève que c’est au titre de la directive 2009/73 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel{9} que les gestionnaires de réseau de transport sont soumis, le cas échéant, à l’obligation de consacrer les investissements nécessaires à la création de telles capacités supplémentaires. Dans ce cadre, il appartient aux États membres de veiller au respect de cette obligation, sans qu’il soit reconnu au REGRT ou à la Commission une compétence normative à cet égard. Enfin, aucun des motifs du règlement de base ne permet de déceler une finalité consistant à habiliter le REGRT et, par voie de conséquence, la Commission à élaborer un code de réseau s’étendant à la question des investissements nécessaires à la création des capacités supplémentaires.

Le chapitre V du règlement 2017/459 n’étant pas rattachable à l’un des domaines limitativement énumérés dans le règlement de base, le Tribunal examine, en second lieu, si la Commission était habilitée à adopter les règles régissant le processus relatif aux capacités supplémentaires en vertu d’autres dispositions dudit règlement de base, autorisant la Commission à en modifier les éléments non essentiels à l’occasion de l’adoption d’un code de réseau{10}.

Or, en vertu d’une jurisprudence constante, les éléments essentiels d’une réglementation de base sont ceux dont l’adoption nécessite d’effectuer des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union. En l’espèce, le législateur de l’Union a fait le choix politique de confier la mise en œuvre des règles relatives à la création des capacités supplémentaires aux seuls États membres, l’habilitation reconnue au REGRT et, par extension, à la Commission dans le domaine des règles d’attribution des capacités{11} ne concernant que les capacités existantes sur le réseau. Il s’ensuit que la modification apportée par le chapitre V, consistant à étendre cette habilitation à la création de capacités supplémentaires, concerne un élément essentiel du règlement de base.

Concluant, ainsi, que la Commission n’était pas habilitée à instaurer un processus relatif aux capacités supplémentaires, le Tribunal fait droit à l’exception d’illégalité et déclare inapplicable le chapitre V du règlement 2017/459. Comme la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER faisait application dudit chapitre, le Tribunal accueille, en outre, les recours en annulation en ce qu’ils sont dirigés contre cette décision, en l’annulant avec effet erga omnes.

{1} Article 26 du règlement (UE) 2017/459 de la Commission, du 16 mars 2017, établissant un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz et abrogeant le règlement (UE) nº 984/2013 (JO 2017, L 72, p. 1).

{2} Article 28, paragraphe 1, du règlement 2017/459.

{3} Règlement (UE) 2019/942 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (refonte) (JO 2019, L 158, p. 22).

{4} Considérant 34 et articles 28 et 29 du règlement 2019/942.

{5} Article 277 TFUE.

{6} Article 22, paragraphe 3, du règlement 2017/459.

{7} Règlement (CE) nº 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) nº 1775/2005 (JO 2009, L 211, p. 36) (ci-après le « règlement de base »).

{8} Article 6 du règlement de base.

{9} Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94).

{10} Article 6, paragraphe 11, second alinéa, et 7, paragraphe 3, du règlement de base.

{11} Article 8, paragraphe 6, sous g), du règlement de base.

Arrêt du 16 mars 2022, MEKH / ACER (T-684/19 et T-704/19) (cf. point 58)



Arrêt du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès / Commission et EACEA (T-439/08, Rec._p._II-230*) (cf. points 49-51, 53-54)

Arrêt du 10 juillet 2014, Moallem Insurance / Conseil (T-182/13) (cf. points 25, 26)

Arrêt du 17 mai 2017, Piessevaux / Conseil (T-519/16) (cf. point 56)

Arrêt du 22 novembre 2017, von Blumenthal e.a. / BEI (T-558/16) (cf. points 69, 70)

Arrêt du 14 décembre 2017, Campo e.a. / SEAE (T-577/16) (cf. point 25)

Arrêt du 4 décembre 2018, Janoha e.a. / Commission (T-517/16) (cf. points 40, 41, 44-47)

Arrêt du 12 décembre 2019, OS / Commission (T-528/16) (cf. points 75, 76)

Arrêt du 12 décembre 2019, Feral / Comité des régions (T-529/16) (cf. points 76, 77)



Arrêt du 24 novembre 2021, YP / Commission (T-581/20) (cf. points 139, 140)



Ordonnance du 27 mars 2024, Commission / Amazon Services Europe (C-639/23 P(R)) (cf. points 79 -84, 90)



Arrêt du 17 avril 2024, NLVOW / Commission (T-331/22) (cf. points 55-59)



Arrêt du 17 avril 2024, Stichting Nationaal Kritisch Platform Windenergie / Commission (T-344/22) (cf. points 55-59)



Arrêt du 17 avril 2024, Stöttingfjällets Miljöskyddsförening / Commission (T-345/22) (cf. points 55-59)



Arrêt du 17 avril 2024, Föreningen Svenskt Landskapsskydd / Commission (T-346/22) (cf. points 55-59)

3. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée

L’article 241 CE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 230 CE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation.

L’article 241 CE a ainsi pour but de protéger le justiciable contre l’application d’un acte normatif illégal, étant entendu que les effets d’un arrêt qui constate l’inapplicabilité d’un tel acte sont limités aux seules parties au litige et que cet arrêt ne met pas en cause l’acte lui-même, devenu inattaquable.

Arrêt du 15 février 2011, Marcuccio / Commission (F-81/09) (cf. point 60)

4. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Lignes directrices de la Commission concernant les aides d'État à finalité régionale - Inclusion - Conditions

L’article 241 CE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, qui, même s’ils n’ont pas la forme d’un règlement, constituent la base juridique de la décision litigieuse, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 230 CE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation.

S'agissant des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, il découle de leur partie introductive qu'elles fixent, de manière générale et abstraite, les critères que la Commission applique aux fins de l'appréciation de la compatibilité avec le marché commun des aides à finalité régionale, en application de l'article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des États membres accordant de telles aides. En particulier, la condition établie au point 4.2 desdites lignes directrices s'applique à l'ensemble des aides visées par celles-ci, indépendamment de leur objet, de leur forme ou de leur montant.

Dès lors que la Commission, dans sa décision finale, se prévaut expressément du point 4.2 des lignes directrices, dans le cadre de son appréciation de la compatibilité de certaines aides avec le marché commun, même si ce point 4.2 ne constitue pas le fondement juridique de cette décision, la condition qui y est formulée peut être considérée comme déterminant de manière générale et abstraite la façon dont la Commission a apprécié la compatibilité des aides concernées avec le marché commun. Dans ce cas, il existe un lien juridique direct entre la décision finale de la Commission et les lignes directrices et, dès lors qu'une partie n'était pas en mesure de demander l'annulation de ces lignes directrices, en tant qu'acte général, celles-ci peuvent faire l'objet d'une exception d'illégalité.

Arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a. / Commission (T-394/08, T-408/08, T-453/08 et T-454/08, Rec._p._II-6255) (cf. points 206, 208-210)

5. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Absence de délai fixe

Le mécanisme de l’exception d’illégalité vise à permettre aux requérants de pouvoir contester, par voie d’exception, la légalité d’un acte de portée générale applicable dans une espèce faisant l’objet d’un recours, que cet acte ait la nature de mesure d’exécution ou d’acte législatif, dès lors qu’il existe un lien direct entre la décision qui fait l’objet du recours et l’acte de portée générale en question. Par suite, le seul fait qu'un requérant excipe, dans le cadre de son moyen, de l’illégalité d’un acte de nature législative n’a pas pour effet de rendre le moyen irrecevable.

Par ailleurs, aux termes de l'article 241 CE, la possibilité de soulever une exception d’illégalité à l’encontre d’un acte de portée générale n’est pas encadrée dans un délai particulier. Il n’existe pas de raison de ne pas appliquer la même règle aux recours fondés sur les articles 236 CE, 152 EA ou 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.

Arrêt du 27 septembre 2011, Whitehead / BCE (F-98/09) (cf. points 73-74)

6. Exception d'illégalité - Caractère incident - Requérant disposant du droit d'introduire un recours en annulation contre l'acte faisant l'objet de l'exception, mais n'en ayant pas fait usage - Impossibilité d'invoquer l'illégalité à titre incident

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank / Conseil (T-15/11) (cf. point 43)

7. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant l'acte attaqué

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 25 avril 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a. / Commission (T-526/10) (cf. point 24)



Arrêt du 1er mars 2017, SEAE / KL (T-278/15 P) (cf. point 27)

Arrêt du 1er mars 2017, SEAE / Gross (T-472/15 P) (cf. point 24)

Ordonnance du 7 décembre 2017, Durazzo / SEAE (T-559/16) (cf. point 54)

8. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Exception d'illégalité dirigée contre des dispositions sans incidence pour la solution du litige principal et ne présentant aucun lien juridique direct avec ce dernier - Possibilité d'attaquer l'acte général par voie de recours en annulation - Irrecevabilité manifeste



Ordonnance du 29 août 2013, Iran Liquefied Natural Gas / Conseil (T-5/13 R) (cf. points 32-36)

9. Concurrence - Procédure administrative - Pouvoirs de la Commission - Cumul des pouvoirs d'enquête, poursuite et sanction - Exception d'illégalité - Incompatibilité avec les principes du procès équitable - Absence



Arrêt du 13 septembre 2013, Total / Commission (T-548/08) (cf. points 182-187)

10. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Communication sur la coopération - Inclusion - Conditions

L'article 277 TFUE est l'expression d'un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d'obtenir l'annulation d'une décision dont elle est le destinataire ou qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, qui même s'ils n'ont pas la forme d'un règlement, constituent la base juridique de la décision litigieuse, si cette partie ne disposait pas du droit d'introduire, en vertu de l'article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d'en demander l'annulation. Étant donné que l'article 277 TFUE n'a pas pour but de permettre à une partie de contester l'applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d'un recours quelconque, l'acte général dont l'illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l'espèce qui fait l'objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l'acte général en question.

S'agissant de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, la Commission y prévoit aux points 8 à 27, d'une part, de manière générale et abstraite, les conditions que les entreprises doivent remplir pour bénéficier d'une réduction totale ou partielle d'amendes en matière d'infractions à l'article 101 TFUE et, au point 29, d'autre part, que ladite communication crée des attentes légitimes auprès des entreprises. S'il est certes vrai que la Commission n'adopte pas les décisions constatant une infraction aux règles de concurrence sur la base de la communication sur la coopération, dès lors que de telles décisions reposent sur l'article 7 du règlement nº 1/2003, toutefois, un lien juridique direct entre de telles décisions et l'acte général constitué par la communication sur la coopération peut exister. C'est notamment le cas, lorsque la Commission reçoit, sur la base de demandes de réduction faites par des concurrents dans le cadre de la communication sur la coopération, des informations lui permettant de mener des inspections et de réunir des preuves la conduisant à adopter sa décision.

Étant donné qu'une entreprise n'est pas en mesure de demander l'annulation de la communication sur la coopération, en tant qu'acte général, ladite communication peut faire l'objet d'une exception d'illégalité.

Arrêt du 16 septembre 2013, Mamoli Robinetteria / Commission (T-376/10) (cf. points 48-52)

11. Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Acte individuel portant restriction en matière d'admission - Incompétence du juge de l'Union



Arrêt du 3 juillet 2014, Zanjani / Conseil (T-155/13) (cf. points 52-54)

12. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière - Inclusion - Conditions



Arrêt du 16 juillet 2014, Grèce / Commission (T-52/12) (cf. points 150-155)

13. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Exception d'illégalité dirigée contre des actes préparatoires à une décision de la Commission autorisant la mise sur le marché d'un médicament orphelin - Irrecevabilité

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 22 janvier 2015, Teva Pharma et Teva Pharmaceuticals Europe / EMA (T-140/12) (cf. points 49-51, 53)

14. Union européenne - Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions - Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Mesures prises dans le cadre de la lutte contre la prolifération nucléaire - Compétence du juge de l'Union - Mesures restrictives de nature générale, leur champ d'application étant déterminé par référence à des critères objectifs - Exclusion

L'article 1er, point 6, de la décision 2012/635, modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, ne constitue pas, en lui-même, une décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE dès lors que cette disposition contient des mesures qui sont de nature générale, leur champ d’application étant déterminé par référence à des critères objectifs, et non pas par référence à des personnes physiques ou morales identifiées. Il s'ensuit que le Tribunal n'est pas compétent, en vertu de l'article 275 TFUE, pour statuer sur une exception d'illégalité visant l'article 1er, point 6, de la décision 2012/635, cette exception d'illégalité ayant été soulevée à l'appui d'un recours en annulation contre l’article 1er, point 15, du règlement nº 1263/2012, modifiant le règlement nº 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, cette dernière disposition n’étant pas non plus une décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE.

Arrêt du 2 juin 2016, Bank Mellat / Conseil (T-160/13) (cf. points 33, 34, 36, 38)

15. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Effet de l'illégalité d'un acte de portée générale

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 27 octobre 2016, BCE / Cerafogli (T-787/14 P) (cf. points 41-46)

Arrêt du 25 octobre 2018, KF / CSUE (T-286/15) (cf. points 155-157)



Arrêt du 15 mars 2017, Fernández González / Commission (T-455/16 P) (cf. points 33, 34)

Arrêt du 24 octobre 2018, Fernández González / Commission (T-162/17 RENV) (cf. points 56, 57)

16. Industrie - Actions nécessaires pour assurer la compétitivité de l'industrie - Recherche et développement technique - Programme-cadre pour la recherche et l'innovation "Horizon 2020" - Appel à propositions en vue de la désignation d'une communauté de la connaissance et de l'innovation - Contestation par un soumissionnaire - Absence de qualité d'acte attaquable du document d'appel à propositions - Conséquences - Recevabilité d'une exception d'illégalité soulevée dans le cadre d'un recours contre la décision de rejet de la proposition

S’agissant d’un recours formé par un consortium à l’encontre d’une décision de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) par laquelle ce dernier a rejeté la proposition dudit consortium présentée dans le cadre d’un appel à propositions pour la sélection d’une nouvelle communauté de la connaissance et de l’innovation, le fait que les membres dudit consortium n’ont pas contesté les termes de l’appel à propositions avant la clôture de cet appel ne saurait les priver de la possibilité de faire valoir, à l’occasion de leur recours, l’irrégularité de la procédure de sélection définie par cet appel à propositions. À cet égard, un document d’appel à la concurrence, tel que l’appel à propositions, n’étant pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la décision litigieuse est donc le premier acte attaquable par le requérant et, partant, le premier acte l’autorisant à contester incidemment la légalité de la procédure de sélection de la communauté de la connaissance et de l’innovation fixée par l’EIT. Partant, ce dernier ne saurait utilement faire valoir que l’exclusion du consortium résulte de la stricte application de la procédure d’appel à propositions définie par le comité directeur de l’EIT.

Arrêt du 18 janvier 2018, Kenup Foundation e.a. / EIT (T-76/15) (cf. point 66)

17. Recours des fonctionnaires - Agents de la Banque centrale européenne - Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Lignes directrices de la Banque concernant la révision annuelle des salaires et des primes des agents - Inclusion - Conditions



Arrêt du 28 février 2018, Paulini / BCE (T-764/16) (cf. points 28-32, 35)

18. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Lignes directrices du Parlement relatives à la gestion des congés - Recevabilité - Conditions - Lien juridique entre l'acte attaqué et les lignes directrices



Arrêt du 12 septembre 2018, De Geoffroy e.a. / Parlement (T-788/16) (cf. points 79-82, 169)

19. Recours des fonctionnaires - Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Recevabilité - Conditions



Arrêt du 7 février 2019, Arango Jaramillo e.a. / BEI (T-487/16) (cf. point 31)

20. Recours des fonctionnaires - Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Convention conclue entre l'Union, un État membre et un groupement d'hôpitaux nationaux sur la tarification des soins hospitaliers reçus par les affiliés au régime d'assurance maladie de l'Union - Assimilation à un acte adopté par une institution de l'Union - Recevabilité

Par son arrêt Wattiau/Parlement (T-737/17), rendu le 30 avril 2019, le Tribunal a annulé une décision du bureau liquidateur de Luxembourg du régime commun d’assurance maladie de l’Union européenne (RCAM) mettant à la charge du requérant, ancien fonctionnaire européen, actuellement à la retraite et affilié au RCAM, 15 % d’une facture médicale adressée par un centre hospitalier luxembourgeois en raison des séances d’oxygénothérapie en caisson hyperbare suivies par le requérant. Le requérant a estimé que le montant des factures portant sur les prestations en cause représentait une surfacturation par rapport au montant qui aurait été facturé à un affilié au système de santé national. À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant a soulevé une exception d’illégalité dirigée contre la convention conclue en 1996 entre, d’une part, les Communautés européennes et la Banque européenne d’investissement (BEI) et, d’autre part, l’Entente des hôpitaux luxembourgeois et le Grand-Duché de Luxembourg, portant sur la tarification des soins hospitaliers reçus par les affiliés au RCAM et à la caisse de maladie de la BEI (ci-après la « convention de 1996 »).

Au préalable, le Tribunal a jugé que l’exception d’illégalité était recevable. Il a, plus précisément, considéré que, d’une part, la convention de 1996 pouvait non seulement être assimilée à un acte adopté par les institutions de l’Union, au sens de l’article 277 TFUE, mais qu’elle était également un acte de portée générale. D’autre part, la convention de 1996 présentait un lien juridique direct avec la décision attaquée. En effet, l’un des montants figurant dans la décision attaquée découlait de la grille tarifaire, qui avait été elle-même établie en application de la convention de 1996 et figurait en annexe de celle-ci.

S’agissant du bien-fondé de l’exception d’illégalité, le Tribunal a considéré que le système de facturation en cause était constitutif d’une discrimination indirecte en raison de la nationalité. À cet égard, le Tribunal a jugé, en premier lieu, que les affiliés au RCAM se trouvaient dans une situation comparable aux affiliés à la Caisse nationale de santé luxembourgeoise lorsque ces deux catégories d’affiliés recevaient les mêmes soins médicaux.

En second lieu, le Tribunal a considéré que les tarifs appliqués aux affiliés au RCAM, qui découlaient de la grille tarifaire adoptée sur la base de la convention de 1996, étaient largement plus élevés que ceux appliqués aux affiliés à la Caisse nationale de santé luxembourgeoise. En effet, la convention de 1996 mettait en place un système de facturation conformément auquel les affiliés au RCAM prenaient en charge tant les coûts fixes que les coûts variables afférents à la prestation hospitalière en cause, alors que les affiliés à la Caisse nationale de santé luxembourgeoise ne supportaient aucun coût, sous forme de facturation, pour le même traitement.

En troisième et dernier lieu, le Tribunal a relevé qu’aucun objectif légitime ne justifiait, dans le cas d’espèce, la différence de traitement entre les bénéficiaires des deux régimes de remboursement de soins, telle qu’elle découlait de la grille tarifaire annexée à la convention de 1996.

Arrêt du 30 avril 2019, Wattiau / Parlement (T-737/17) (cf. points 55-61)

21. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Absence - Irrecevabilité

Dans les arrêts Amisi Kumba/Conseil (T-163/18) et Kande Mupompa/Conseil (T-170/18), prononcés le 12 février 2020, le Tribunal a rejeté les recours en annulation introduits par les requérants respectifs, à savoir le commandant militaire de la première zone de défense des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et le gouverneur du Kasaï Central, à l’encontre des actes du Conseil de l’Union européenne{1} par lesquels, essentiellement, leurs noms avaient été maintenus sur la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de la République démocratique du Congo en vue de l’instauration d’une paix durable dans ce pays, figurant à l’annexe II de la décision 2010/788 (ci-après la « liste litigieuse »).

Ces arrêts s’inscrivent dans le contexte de l’aggravation de la situation politique en République démocratique du Congo, du fait de la non-convocation des élections présidentielles à la fin de l’année 2016 et de la détérioration de la situation sécuritaire qui s’en est suivie. Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, des mesures restrictives avaient été adoptées par le Conseil à l’encontre des personnes ayant contribué à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo. Les FARDC ayant participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente de manifestations qui s’étaient tenues en septembre 2016 à Kinshasa, le commandant militaire de la première zone de défense des FARDC avait vu son nom inscrit sur la liste litigieuse au motif qu’il avait, au titre de ses fonctions, contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme. Le gouverneur du Kasaï Central avait, pour sa part, vu son nom inscrit sur la liste litigieuse au motif que, du fait de ses fonctions, il était « responsable du recours disproportionné à la force, de la répression violente et des exécutions extrajudiciaires » commis par les forces de sécurité dans cette région depuis 2016, y compris des assassinats illégaux présumés en février 2017. Par la décision 2017/2282, le Conseil a prolongé, le 11 décembre 2017, l’inscription des noms des requérants sur la liste litigieuse en maintenant les mêmes motifs à leur encontre. La motivation retenue à l’encontre du gouverneur du Kasaï Central a par la suite été modifiée le 12 avril 2018.

À l’appui de leurs recours, les requérants invoquaient plusieurs moyens, tirés, notamment, d’une violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense, ainsi que d’une erreur de droit.

S’agissant de la violation de l’obligation de motivation, le Tribunal a relevé que la motivation adoptée dans la décision 2017/2282, ainsi que dans la décision d’exécution 2018/569, exposait les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles les critères d’inscription étaient applicables aux requérants, dans la mesure où une telle motivation se rapportait à leurs fonctions et à leur implication, du fait de telles fonctions, dans des actes qualifiés de graves violations des droits de l’homme. À cet égard, le Tribunal a précisé que les requérants ne pouvaient pas ignorer que, au vu de leurs fonctions, ils disposaient du pouvoir d’influencer de façon directe les militaires des FARDC et les forces de sécurité dans la province du Kasaï Central, lesquelles étaient tenues, dans la motivation en question, pour responsables de la commission des graves violations des droits de l’homme précitées. Le Tribunal a conclu que la motivation des actes attaqués permettait ainsi, d’une part, aux requérants de contester la validité du maintien de l’inscription de leurs noms sur la liste litigieuse et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. Il a donc écarté le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

S’agissant ensuite des droits de la défense, le Tribunal a considéré que, bien que la prorogation des mesures adoptées contre les requérants dans la décision 2017/2282 fût fondée sur les mêmes motifs que ceux qui avaient justifié l’adoption des mesures initiales, cela n’exonérait pas le Conseil du respect des droits de la défense des requérants et, en particulier, de leur donner la possibilité de faire connaître utilement leur point de vue sur les éléments pris en compte pour l’adoption des actes attaqués. À cet égard, le Tribunal a souligné que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé, ce qu’il appartient au Conseil d’apprécier lors du réexamen périodique desdites mesures, en procédant à une appréciation actualisée de la situation et en établissant un bilan de l’impact desdites mesures. Le Tribunal a ainsi rappelé que le respect des droits de la défense implique que le Conseil communique à la partie requérante, avant d’adopter une décision portant prorogation des mesures restrictives à son égard, les éléments par lesquels il a procédé, lors du réexamen périodique des mesures en cause, à une réactualisation des informations qui avaient justifié leur adoption initiale. En l’espèce, au regard de l’objectif initial visé par les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo, consistant à assurer un climat propice à la tenue d’élections et à faire cesser toute violation des droits de l’homme, le Conseil était tenu, lors du réexamen périodique des mesures restrictives imposées aux requérants, de leur communiquer les éléments nouveaux dont il disposait et par lesquels il avait réactualisé les informations concernant non seulement leur situation personnelle, mais également la si

tuation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo. Le Tribunal a constaté à cet égard que, en ne recueillant pas les observations des requérants sur ces éléments avant l’adoption des actes attaqués, le Conseil avait méconnu les droits de la défense de ces derniers.

Cependant, le Tribunal a rappelé qu’il incombe au juge de l’Union européenne de vérifier, lorsqu’il est en présence d’une irrégularité affectant les droits de la défense, si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l’espèce, la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent dans la mesure où les requérants auraient pu mieux assurer leur défense en l’absence de cette irrégularité. Le Tribunal a alors conclu qu’aucun élément ne pouvait laisser supposer que, si les requérants s’étaient vu communiquer les éléments nouveaux en question, les mesures restrictives concernées auraient pu ne pas être maintenues à leur égard. Sur la base de ce qui précède, le Tribunal a écarté le moyen pris d’une violation des droits de la défense.

Enfin, les requérants soutenaient que le Conseil avait commis une erreur de droit en adoptant les actes attaqués sur la base de faits qui avaient cessé au moment d’une telle adoption, au mépris du critère d’inscription qui employait le participe présent et visait les personnes « contribuant […] à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ». À cet égard, le Tribunal a considéré que l’emploi du participe présent dans la définition des critères d’inscription sur la liste des personnes visées par des mesures restrictives n’implique pas que les faits à l’origine de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur cette liste doivent perdurer au moment où l’inscription ou le maintien de cette inscription sont décidés, étant donné que le participe présent renvoie au sens général propre aux définitions légales et non à une période temporelle donnée. Le Tribunal a ajouté que, dans la mesure où le Conseil avait décidé de se référer, dans les motifs d’inscription des requérants, à des faits et à des situations concrètes impliquant les forces de sécurité ayant opéré sous leur responsabilité, il ne pouvait être question que d’agissements dans le passé. Le Tribunal a finalement observé que, sauf à priver cette disposition d’effet utile, l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision 2017/2282, aux termes duquel « les mesures restrictives sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints », corroborait cette interprétation. Le Tribunal a dès lors écarté le moyen tiré de l’erreur de droit et a rejeté les recours dans leur intégralité.

{1 Décision (PESC) 2017/2282 du Conseil, du 11 décembre 2017, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2017, L 328, p. 19) ainsi que, pour Alex Kande Mupompa, la décision d’exécution (PESC) 2018/569 du Conseil, du 12 avril 2018, mettant en œuvre la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2018, L 95, p. 21) et le règlement d’exécution (UE) 2018/566, mettant en œuvre l’article 9 du règlement no 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2018, L 95, p. 9).}

Arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba / Conseil (T-163/18) (cf. points 145, 146)

Arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa / Conseil (T-170/18) (cf. points 167, 168)



Arrêt du 12 février 2020, Kampete / Conseil (T-164/18) (cf. points 118, 119)

Arrêt du 12 février 2020, Kahimbi Kasagwe / Conseil (T-165/18) (cf. points 149, 150)

Arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo / Conseil (T-166/18) (cf. points 167, 168)

Arrêt du 12 février 2020, Kanyama / Conseil (T-167/18) (cf. points 143, 144)

Arrêt du 12 février 2020, Numbi / Conseil (T-168/18) (cf. points 134, 135)

Arrêt du 12 février 2020, Kibelisa Ngambasai / Conseil (T-169/18) (cf. points 128, 129)

Arrêt du 12 février 2020, Boshab / Conseil (T-171/18) (cf. points 150, 151)

Arrêt du 12 février 2020, Akili Mundos / Conseil (T-172/18) (cf. points 181, 182)

Arrêt du 12 février 2020, Ramazani Shadary / Conseil (T-173/18) (cf. points 145, 146)

Arrêt du 12 février 2020, Mutondo / Conseil (T-174/18) (cf. points 150-154)

Arrêt du 12 février 2020, Ruhorimbere / Conseil (T-175/18) (cf. points 153, 154)

Arrêt du 12 février 2020, Mende Omalanga / Conseil (T-176/18) (cf. points 164, 165)

Arrêt du 12 février 2020, Kazembe Musonda / Conseil (T-177/18) (cf. points 127, 128)



Arrêt du 5 septembre 2024, SE / Commission (C-309/23 P) (cf. points 25-28)

22. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Inapplicabilité de la règle de concordance entre la requête et la réclamation



Arrêt du 10 juin 2020, Oosterbosch / Parlement (T-131/19) (cf. points 53-55)

23. Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Recevabilité - Conditions

Dans le cadre de la politique de défense commerciale de l’Union européenne, à la suite d’une enquête ouverte en 2012, la Commission européenne avait adopté, en juin 2013, un règlement instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels originaires ou en provenance de la République populaire de Chine{1}. En août 2013, la Commission avait accepté un engagement de prix offert par la chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques au nom de plusieurs producteurs-exportateurs{2}. À l’issue de l’enquête menée par la Commission, en décembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté deux règlements d’exécution par lesquels ont été institués, sur les produits visés par l’enquête, des droits antidumping{3} ainsi que des droits compensateurs définitifs{4} (ci-après les « règlements d’exécution instituant des droits définitifs »). Ces règlements d’exécution instituant des droits définitifs ont exonéré du prélèvement des droits antidumping et antisubventions les produits qui sont facturés par des sociétés dont la Commission a accepté les engagements de prix{5}. En outre, lesdits règlements prévoient que la dette douanière est née au moment de l’importation pour les transactions et factures correspondantes que la Commission identifie lorsqu’elle retire a posteriori son acceptation de l’engagement de prix{6}. En décembre 2016, la Commission a adopté un règlement d’exécution (ci-après le « règlement d’exécution de la Commission ») par lequel elle a, d’une part, retiré l’acceptation de l’engagement pour les produits de la société Jiangsu Seraphim Solar System Co. Ltd{7} (ci-après la « requérante ») et, d’autre part, invalidé des factures conformes qui accompagnaient les ventes de cette société et exigé, en conséquence, la perception des droits antidumping et antisubventions correspondant auxdites factures invalidées{8}.

En février 2017, la requérante a introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la disposition du règlement d’exécution de la Commission invalidant certaines factures conformes et exigeant la perception des droits antidumping et antisubventions correspondant aux factures invalidées. En outre, dans son recours, elle a soulevé une exception d’illégalité tirée d’une violation, par les règlements d’exécution instituant des droits définitifs, des règlements de base antidumping{9} et antisubventions{10} (ci-après les « règlements de base »), en ce sens que lesdits règlements d’exécution prévoient que la Commission peut identifier des transactions pour lesquelles une dette douanière naît au moment de l’importation dans les situations où l’acceptation de l’engagement de prix est entretemps retirée. Dans cette affaire, la requérante n’a pas contesté le retrait par la Commission de l’acceptation de l’engagement ni les règles procédurales du règlement d’exécution de la Commission. Ce recours porte donc sur la légalité de l’invalidation des factures conformes de la requérante et sur les conséquences à en tirer, notamment quant à la récupération des droits antidumping et antisubventions.

Pour y répondre, le Tribunal a tout d’abord examiné si la Commission peut exiger la perception de droits antidumping et antisubventions correspondant à des factures conformes, invalidées à la suite du retrait de l’acceptation d’un engagement, en se fondant sur les règlements de base. Dans son arrêt, le Tribunal a souligné que c’est au regard des dispositions explicites des règlements de base qu’il convient d’évaluer si l’action entreprise par la Commission relevait d’un fondement juridique prévu par le législateur ou s’en écartait, dans le contexte spécifique des conséquences pouvant être tirées d’un retrait d’acceptation d’un engagement. À cet égard, il a relevé que les dispositions des règlements de bases, relatives aux engagements et à la rétroactivité{11}, prévoient des hypothèses, précisément délimitées, dans lesquelles les droits dus en cas de violation d’engagements peuvent être imposés rétroactivement. Or, il a constaté que la pratique de la Commission contestée par la requérante, consistant à invalider des factures conformes à la suite du retrait de l’acceptation d’un engagement et d’exiger, en conséquence, la perception des droits antidumping et subventions comme si aucune facture conforme n’avait été présentée, ne correspondait à aucune des hypothèses expressément prévues par les règlements de base et ne pouvait pas non plus être déduite de l’économie et des finalités de ces règlements. Le Tribunal en a conclu que ces derniers ne sauraient constituer le fondement juridique des dispositions contestées du règlement d’exécution de la Commission.

Ensuite, le Tribunal a accueilli l’exception d’illégalité soulevée par la requérante car les dispositions des règlements d’exécution instituant des droits définitifs relatives à la naissance d’une dette douanière consécutive au retrait d’un engagement ne relèvent pas des hypothèses prévues par les règlements de base et qu’elles ne sont pas conformes à celles-ci. En outre, selon le Tribunal, l’économie générale des règlements de base ne permet pas au Conseil d’habiliter la Commission, par un règlement d’exécution, à prévoir, sans limitation dans le temps, la naissance d’une dette douanière par suite du retrait d’un engagement. Partant, dans le cas d’espèce, ces dispositions des règlements d’exécution instituant des droits définitifs sont inapplicables.

Dès lors, le Tribunal a annulé les dispositions du règlement d’exécution de la Commission attaquées par la requérante.

{1 Règlement (UE) no 513/2013 de la Commission, du 4 juin 2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) no 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 152, p. 5).}

{2 Décision 2013/423/UE de la Commission, du 2 août 2013, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 209, p. 26).}

{3 Règlement d’exécution (UE) no 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 1).}

{4 Règlement d’exécution (UE) no 1239/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 66).}

{5 Article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1238/2013 et article 2, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 1239/2013.}

{6 Article 3, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 1238/2013 et article 2, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 1239/2013.}

{7 Article premier du règlement d’exécution (UE) 2016/2146 de la Commission, du 7 décembre 2016, retirant l’acceptation de l’engagement de deux producteurs-exportateurs au titre de la décision d’exécution 2013/707/UE (JO 2016, L 333, p. 4).}

{8 Article 2 du règlement d’exécution (UE) 2016/2146.}

{9 Règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51).}

{10 Règlement (CE) no 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 188, p. 93).}

{11 Articles 8 et 10, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1225/2009 et articles 13 et 16, paragraphe 5, du règlement (CE) no 597/2009.}

Arrêt du 8 juillet 2020, Jiangsu Seraphim Solar System / Commission (T-110/17) (cf. points 56-64)

24. Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Recevabilité d'un recours en annulation dirigé contre l'acte de caractère général - Forclusion - Absence

La requérante, Pharmaceutical Works Polpharma S.A., est une société pharmaceutique qui développe et commercialise divers médicaments, y compris des médicaments génériques. En juin 2018, la requérante a déposé, auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), une demande d’autorisation de mise sur le marché d’une version générique du médicament Tecfidera, composé d’une seule substance active{1}.

Par sa décision du 30 juillet 2018 (ci-après la « décision attaquée »), l’EMA a rejeté cette demande en se fondant sur les appréciations qui figuraient dans la décision d’exécution de la Commission de 2014 (ci-après la « décision d’exécution »), par laquelle celle-ci avait délivré à la société Biogen Idec une autorisation de mise sur le marché du médicament Tecfidera{2}. L’EMA a notamment précisé que, étant donné que, à compter de la délivrance de cette autorisation, ce médicament de référence bénéficiait d’une période de protection des données d’une durée de huit ans{3}, la demande d’autorisation de la requérante serait uniquement acceptée à l’expiration de cette période. De plus, elle a rappelé que, dans sa décision d’exécution, la Commission avait considéré que le Tecfidera ne relevait pas de la même autorisation globale de mise sur le marché{4} qu’un autre médicament, le Fumaderm, autorisé et mis sur le marché en Allemagne, composé, entre autres, de la même substance active que le Tecfidera. L’autorisation relative au Fumaderm a été délivrée en 1994 et transférée à la même société Biogen Idec.

Par son recours introduit devant le Tribunal, la requérante a, d’une part, soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de la décision d’exécution dans la mesure où la Commission y avait considéré que le Tecfidera ne relevait pas de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm. D’autre part, elle a demandé l’annulation de la décision attaquée.

Le Tribunal annule la décision attaquée, tout en se prononçant, d’une part, sur la recevabilité de l’exception d’illégalité et, d’autre part, sur les conditions dans lesquelles la Commission peut considérer qu’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament composé d’une seule substance active, qui entre dans la composition d’une association médicamenteuse précédemment autorisée, ne relève pas de la même autorisation globale de mise sur le marché que cette association.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal constate que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante à l’encontre de la décision d’exécution est recevable.

Tout d’abord, il qualifie la décision d’exécution d’« acte de portée générale »{5}, en ce qu’elle constate que le Tecfidera ne fait pas partie de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm précédemment autorisé. En effet, cette décision s’applique à des situations déterminées objectivement en raison de la constatation des caractéristiques de ces deux médicaments. Par ailleurs, dans la mesure où cette décision implique l’applicabilité d’une période de protection réglementaire des données relatives au Tecfidera, elle est susceptible de produire des effets juridiques à l’égard de tout opérateur dont l’activité est liée au Tecfidera et notamment, de tout opérateur susceptible de fabriquer un médicament générique du Tecfidera.

Ensuite, le Tribunal souligne que, afin de démontrer l’illégalité de la décision d’exécution, la requérante est en droit de contester les appréciations figurant dans les documents du comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP »){6} afférents au Tecfidera, qui fondent cette décision et font partie intégrante de sa motivation. En effet, la Commission s’est fondée explicitement sur les appréciations du CHMP pour déduire que le Tecfidera et le Fumaderm ne faisaient pas partie d’une même autorisation globale de mise sur le marché.

Enfin, après avoir procédé à une analyse détaillée des éléments du dossier, le Tribunal conclut que la requérante n’aurait pas été recevable à introduire un recours direct visant l’annulation de la décision d’exécution car elle ne satisfaisait pas aux critères y relatifs. À cet égard, d’une part, le Tribunal souligne que la requérante n’était pas individuellement concernée par cette décision dans la mesure où celle-ci la concernait uniquement en raison de sa qualité objective de fabricant de médicaments génériques, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant dans une situation identique. D’autre part, il considère que la décision d’exécution comporte des mesures d’exécution, en ce qu’elle constate que le Tecfidera ne fait pas partie de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm, et que la décision attaquée, adressée à la requérante, constitue l’une de ces mesures. En tout état de cause, il relève que l’intérêt de la requérante à demander l’annulation de la décision d’exécution n’était pas né et actuel, mais futur et incertain à la date à laquelle elle aurait été en droit d’introduire un recours en annulation contre cette décision, dans la mesure où il n’était pas envisageable qu’elle dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament générique du Tecfidera à cette date.

En second lieu, le Tribunal fait droit à l’exception d’illégalité et constate que la décision attaquée, qui repose sur la décision d’exécution, est dépourvue de fondement et doit être annulée.

Tout d’abord, le Tribunal observe que, en adoptant la décision d’exécution, la Commission a été confrontée, pour la première fois au niveau de l’Union, à la question de savoir si une association médicamenteuse autorisée, d’une part, et un composant de cette association, d’autre part, appartenaient ou non à la même autorisation globale de mise sur le marché. Par ailleurs, en répondant à la question de savoir si l’autorisation de mise sur le marché du Tecfidera, dont la seule substance active était un composant du Fumaderm, faisait ou non partie de la même autorisation globale de mise sur le marché, la Commission a dû tenir compte du fait que l’état du droit de l’Union afférent aux associations médicamenteuses, ainsi que les connaissances scientifiques, étaient significativement différents de ceux qui se présentaient en 1994, lorsque l’autorité nationale avait délivré l’autorisation pour le Fumaderm. Partant, c’est à bon droit que la Commission a demandé au CHMP d’évaluer si la seule substance active du Tecfidera était différente du Fumaderm composé, entre autres, de cette substance.

Ensuite, le Tribunal note que, dans des cas particuliers présentant un intérêt pour l’Union, les États membres, la Commission, le demandeur ou le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché peuvent saisir le CHMP, auquel il incombe de réaliser, à l’échelle de l’Union, sa propre évaluation du médicament concerné, indépendante de celle accomplie par les autorités nationales. Ainsi, dans le cadre des procédures d’autorisation de mise sur le marché des médicaments, notamment au niveau de l’Union, l’EMA et la Commission sont dotées d’une fonction particulière, différente de celle des autorités nationales. En ce sens, le principe de reconnaissance mutuelle ne s’oppose pas à ce que le CHMP examine les évaluations précédemment réalisées par une autorité nationale ou à ce qu’il procède à une évaluation indépendante. Tel est le cas lorsqu’une demande d’autorisation de mise sur le marché est déposée au niveau de l’Union pour une substance qui entre dans la composition d’une association médicamenteuse ayant été autorisée quinze ans auparavant au niveau national. Il en va d’autant plus ainsi que la question de savoir si le Tecfidera relevait de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm, sur laquelle l’EMA, par le biais du CHMP, et puis la Commission, se sont prononcées, constituait un cas particulier présentant un intérêt pour l’Union au regard des objectifs poursuivis par la directive 2001/83, en général, et par la notion d’autorisation globale de mise sur le marché, en particulier.

Enfin, le Tribunal relève que, lors de l’adoption de la décision d’exécution, l’EMA et la Commission disposaient ou pouvaient disposer de données de nature à priver de plausibilité l’hypothèse que l’autre substance active, faisant partie du Fumaderm mais non incluse dans le Tecfidera, jouait un rôle au sein du Fumaderm. Ainsi, la Commission n’était pas en droit de conclure que le Tecfidera relevait d’une autorisation globale de mise sur le marché différente du Fumaderm précédemment autorisé sans avoir vérifié ou demandé au CHMP de vérifier le rôle joué par cette autre substance active. Partant, en l’absence d’une telle vérification et au vu du fait que la Commission n’a pas analysé l’ensemble des données pertinentes qui devaient être prises en considération pour conclure que le Tecfidera et le Fumaderm relevaient d’une autorisation globale de mise sur le marché distincte, la décision d’exécution est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

{1} Sur la base de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).

{2} Décision d’exécution C (2014) 601 final de la Commission, du 30 janvier 2014, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Tecfidera - dimethyl fumarate au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

{3} En vertu de l’article 14, paragraphe 11, du règlement nº 726/2004.

{4} Au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

{5} Article 277 TFUE.

{6} Institué par l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 726/2004 et relevant de l’EMA.

Arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma / EMA (T-611/18) (cf. points 107-109)

25. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général - Notion - Décision de la Commission autorisant la mise sur le marché d'un composant d'une association médicamenteuse précédemment autorisée - Constat d'existence de deux autorisations globales de mise sur le marché différentes - Applicabilité d'une période de protection des données au composant de l'association médicamenteuse - Inclusion

La requérante, Pharmaceutical Works Polpharma S.A., est une société pharmaceutique qui développe et commercialise divers médicaments, y compris des médicaments génériques. En juin 2018, la requérante a déposé, auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), une demande d’autorisation de mise sur le marché d’une version générique du médicament Tecfidera, composé d’une seule substance active{1}.

Par sa décision du 30 juillet 2018 (ci-après la « décision attaquée »), l’EMA a rejeté cette demande en se fondant sur les appréciations qui figuraient dans la décision d’exécution de la Commission de 2014 (ci-après la « décision d’exécution »), par laquelle celle-ci avait délivré à la société Biogen Idec une autorisation de mise sur le marché du médicament Tecfidera{2}. L’EMA a notamment précisé que, étant donné que, à compter de la délivrance de cette autorisation, ce médicament de référence bénéficiait d’une période de protection des données d’une durée de huit ans{3}, la demande d’autorisation de la requérante serait uniquement acceptée à l’expiration de cette période. De plus, elle a rappelé que, dans sa décision d’exécution, la Commission avait considéré que le Tecfidera ne relevait pas de la même autorisation globale de mise sur le marché{4} qu’un autre médicament, le Fumaderm, autorisé et mis sur le marché en Allemagne, composé, entre autres, de la même substance active que le Tecfidera. L’autorisation relative au Fumaderm a été délivrée en 1994 et transférée à la même société Biogen Idec.

Par son recours introduit devant le Tribunal, la requérante a, d’une part, soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de la décision d’exécution dans la mesure où la Commission y avait considéré que le Tecfidera ne relevait pas de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm. D’autre part, elle a demandé l’annulation de la décision attaquée.

Le Tribunal annule la décision attaquée, tout en se prononçant, d’une part, sur la recevabilité de l’exception d’illégalité et, d’autre part, sur les conditions dans lesquelles la Commission peut considérer qu’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament composé d’une seule substance active, qui entre dans la composition d’une association médicamenteuse précédemment autorisée, ne relève pas de la même autorisation globale de mise sur le marché que cette association.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal constate que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante à l’encontre de la décision d’exécution est recevable.

Tout d’abord, il qualifie la décision d’exécution d’« acte de portée générale »{5}, en ce qu’elle constate que le Tecfidera ne fait pas partie de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm précédemment autorisé. En effet, cette décision s’applique à des situations déterminées objectivement en raison de la constatation des caractéristiques de ces deux médicaments. Par ailleurs, dans la mesure où cette décision implique l’applicabilité d’une période de protection réglementaire des données relatives au Tecfidera, elle est susceptible de produire des effets juridiques à l’égard de tout opérateur dont l’activité est liée au Tecfidera et notamment, de tout opérateur susceptible de fabriquer un médicament générique du Tecfidera.

Ensuite, le Tribunal souligne que, afin de démontrer l’illégalité de la décision d’exécution, la requérante est en droit de contester les appréciations figurant dans les documents du comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP »){6} afférents au Tecfidera, qui fondent cette décision et font partie intégrante de sa motivation. En effet, la Commission s’est fondée explicitement sur les appréciations du CHMP pour déduire que le Tecfidera et le Fumaderm ne faisaient pas partie d’une même autorisation globale de mise sur le marché.

Enfin, après avoir procédé à une analyse détaillée des éléments du dossier, le Tribunal conclut que la requérante n’aurait pas été recevable à introduire un recours direct visant l’annulation de la décision d’exécution car elle ne satisfaisait pas aux critères y relatifs. À cet égard, d’une part, le Tribunal souligne que la requérante n’était pas individuellement concernée par cette décision dans la mesure où celle-ci la concernait uniquement en raison de sa qualité objective de fabricant de médicaments génériques, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant dans une situation identique. D’autre part, il considère que la décision d’exécution comporte des mesures d’exécution, en ce qu’elle constate que le Tecfidera ne fait pas partie de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm, et que la décision attaquée, adressée à la requérante, constitue l’une de ces mesures. En tout état de cause, il relève que l’intérêt de la requérante à demander l’annulation de la décision d’exécution n’était pas né et actuel, mais futur et incertain à la date à laquelle elle aurait été en droit d’introduire un recours en annulation contre cette décision, dans la mesure où il n’était pas envisageable qu’elle dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament générique du Tecfidera à cette date.

En second lieu, le Tribunal fait droit à l’exception d’illégalité et constate que la décision attaquée, qui repose sur la décision d’exécution, est dépourvue de fondement et doit être annulée.

Tout d’abord, le Tribunal observe que, en adoptant la décision d’exécution, la Commission a été confrontée, pour la première fois au niveau de l’Union, à la question de savoir si une association médicamenteuse autorisée, d’une part, et un composant de cette association, d’autre part, appartenaient ou non à la même autorisation globale de mise sur le marché. Par ailleurs, en répondant à la question de savoir si l’autorisation de mise sur le marché du Tecfidera, dont la seule substance active était un composant du Fumaderm, faisait ou non partie de la même autorisation globale de mise sur le marché, la Commission a dû tenir compte du fait que l’état du droit de l’Union afférent aux associations médicamenteuses, ainsi que les connaissances scientifiques, étaient significativement différents de ceux qui se présentaient en 1994, lorsque l’autorité nationale avait délivré l’autorisation pour le Fumaderm. Partant, c’est à bon droit que la Commission a demandé au CHMP d’évaluer si la seule substance active du Tecfidera était différente du Fumaderm composé, entre autres, de cette substance.

Ensuite, le Tribunal note que, dans des cas particuliers présentant un intérêt pour l’Union, les États membres, la Commission, le demandeur ou le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché peuvent saisir le CHMP, auquel il incombe de réaliser, à l’échelle de l’Union, sa propre évaluation du médicament concerné, indépendante de celle accomplie par les autorités nationales. Ainsi, dans le cadre des procédures d’autorisation de mise sur le marché des médicaments, notamment au niveau de l’Union, l’EMA et la Commission sont dotées d’une fonction particulière, différente de celle des autorités nationales. En ce sens, le principe de reconnaissance mutuelle ne s’oppose pas à ce que le CHMP examine les évaluations précédemment réalisées par une autorité nationale ou à ce qu’il procède à une évaluation indépendante. Tel est le cas lorsqu’une demande d’autorisation de mise sur le marché est déposée au niveau de l’Union pour une substance qui entre dans la composition d’une association médicamenteuse ayant été autorisée quinze ans auparavant au niveau national. Il en va d’autant plus ainsi que la question de savoir si le Tecfidera relevait de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm, sur laquelle l’EMA, par le biais du CHMP, et puis la Commission, se sont prononcées, constituait un cas particulier présentant un intérêt pour l’Union au regard des objectifs poursuivis par la directive 2001/83, en général, et par la notion d’autorisation globale de mise sur le marché, en particulier.

Enfin, le Tribunal relève que, lors de l’adoption de la décision d’exécution, l’EMA et la Commission disposaient ou pouvaient disposer de données de nature à priver de plausibilité l’hypothèse que l’autre substance active, faisant partie du Fumaderm mais non incluse dans le Tecfidera, jouait un rôle au sein du Fumaderm. Ainsi, la Commission n’était pas en droit de conclure que le Tecfidera relevait d’une autorisation globale de mise sur le marché différente du Fumaderm précédemment autorisé sans avoir vérifié ou demandé au CHMP de vérifier le rôle joué par cette autre substance active. Partant, en l’absence d’une telle vérification et au vu du fait que la Commission n’a pas analysé l’ensemble des données pertinentes qui devaient être prises en considération pour conclure que le Tecfidera et le Fumaderm relevaient d’une autorisation globale de mise sur le marché distincte, la décision d’exécution est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

{1} Sur la base de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).

{2} Décision d’exécution C (2014) 601 final de la Commission, du 30 janvier 2014, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Tecfidera - dimethyl fumarate au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

{3} En vertu de l’article 14, paragraphe 11, du règlement nº 726/2004.

{4} Au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

{5} Article 277 TFUE.

{6} Institué par l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 726/2004 et relevant de l’EMA.

Arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma / EMA (T-611/18) (cf. points 90-96)

26. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Exception d'illégalité dirigée contre une décision de la Commission fondée sur les avis d'une autorité scientifique - Avis faisant partie intégrante de la décision - Recevabilité

La requérante, Pharmaceutical Works Polpharma S.A., est une société pharmaceutique qui développe et commercialise divers médicaments, y compris des médicaments génériques. En juin 2018, la requérante a déposé, auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), une demande d’autorisation de mise sur le marché d’une version générique du médicament Tecfidera, composé d’une seule substance active{1}.

Par sa décision du 30 juillet 2018 (ci-après la « décision attaquée »), l’EMA a rejeté cette demande en se fondant sur les appréciations qui figuraient dans la décision d’exécution de la Commission de 2014 (ci-après la « décision d’exécution »), par laquelle celle-ci avait délivré à la société Biogen Idec une autorisation de mise sur le marché du médicament Tecfidera{2}. L’EMA a notamment précisé que, étant donné que, à compter de la délivrance de cette autorisation, ce médicament de référence bénéficiait d’une période de protection des données d’une durée de huit ans{3}, la demande d’autorisation de la requérante serait uniquement acceptée à l’expiration de cette période. De plus, elle a rappelé que, dans sa décision d’exécution, la Commission avait considéré que le Tecfidera ne relevait pas de la même autorisation globale de mise sur le marché{4} qu’un autre médicament, le Fumaderm, autorisé et mis sur le marché en Allemagne, composé, entre autres, de la même substance active que le Tecfidera. L’autorisation relative au Fumaderm a été délivrée en 1994 et transférée à la même société Biogen Idec.

Par son recours introduit devant le Tribunal, la requérante a, d’une part, soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de la décision d’exécution dans la mesure où la Commission y avait considéré que le Tecfidera ne relevait pas de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm. D’autre part, elle a demandé l’annulation de la décision attaquée.

Le Tribunal annule la décision attaquée, tout en se prononçant, d’une part, sur la recevabilité de l’exception d’illégalité et, d’autre part, sur les conditions dans lesquelles la Commission peut considérer qu’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament composé d’une seule substance active, qui entre dans la composition d’une association médicamenteuse précédemment autorisée, ne relève pas de la même autorisation globale de mise sur le marché que cette association.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal constate que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante à l’encontre de la décision d’exécution est recevable.

Tout d’abord, il qualifie la décision d’exécution d’« acte de portée générale »{5}, en ce qu’elle constate que le Tecfidera ne fait pas partie de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm précédemment autorisé. En effet, cette décision s’applique à des situations déterminées objectivement en raison de la constatation des caractéristiques de ces deux médicaments. Par ailleurs, dans la mesure où cette décision implique l’applicabilité d’une période de protection réglementaire des données relatives au Tecfidera, elle est susceptible de produire des effets juridiques à l’égard de tout opérateur dont l’activité est liée au Tecfidera et notamment, de tout opérateur susceptible de fabriquer un médicament générique du Tecfidera.

Ensuite, le Tribunal souligne que, afin de démontrer l’illégalité de la décision d’exécution, la requérante est en droit de contester les appréciations figurant dans les documents du comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP »){6} afférents au Tecfidera, qui fondent cette décision et font partie intégrante de sa motivation. En effet, la Commission s’est fondée explicitement sur les appréciations du CHMP pour déduire que le Tecfidera et le Fumaderm ne faisaient pas partie d’une même autorisation globale de mise sur le marché.

Enfin, après avoir procédé à une analyse détaillée des éléments du dossier, le Tribunal conclut que la requérante n’aurait pas été recevable à introduire un recours direct visant l’annulation de la décision d’exécution car elle ne satisfaisait pas aux critères y relatifs. À cet égard, d’une part, le Tribunal souligne que la requérante n’était pas individuellement concernée par cette décision dans la mesure où celle-ci la concernait uniquement en raison de sa qualité objective de fabricant de médicaments génériques, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant dans une situation identique. D’autre part, il considère que la décision d’exécution comporte des mesures d’exécution, en ce qu’elle constate que le Tecfidera ne fait pas partie de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm, et que la décision attaquée, adressée à la requérante, constitue l’une de ces mesures. En tout état de cause, il relève que l’intérêt de la requérante à demander l’annulation de la décision d’exécution n’était pas né et actuel, mais futur et incertain à la date à laquelle elle aurait été en droit d’introduire un recours en annulation contre cette décision, dans la mesure où il n’était pas envisageable qu’elle dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament générique du Tecfidera à cette date.

En second lieu, le Tribunal fait droit à l’exception d’illégalité et constate que la décision attaquée, qui repose sur la décision d’exécution, est dépourvue de fondement et doit être annulée.

Tout d’abord, le Tribunal observe que, en adoptant la décision d’exécution, la Commission a été confrontée, pour la première fois au niveau de l’Union, à la question de savoir si une association médicamenteuse autorisée, d’une part, et un composant de cette association, d’autre part, appartenaient ou non à la même autorisation globale de mise sur le marché. Par ailleurs, en répondant à la question de savoir si l’autorisation de mise sur le marché du Tecfidera, dont la seule substance active était un composant du Fumaderm, faisait ou non partie de la même autorisation globale de mise sur le marché, la Commission a dû tenir compte du fait que l’état du droit de l’Union afférent aux associations médicamenteuses, ainsi que les connaissances scientifiques, étaient significativement différents de ceux qui se présentaient en 1994, lorsque l’autorité nationale avait délivré l’autorisation pour le Fumaderm. Partant, c’est à bon droit que la Commission a demandé au CHMP d’évaluer si la seule substance active du Tecfidera était différente du Fumaderm composé, entre autres, de cette substance.

Ensuite, le Tribunal note que, dans des cas particuliers présentant un intérêt pour l’Union, les États membres, la Commission, le demandeur ou le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché peuvent saisir le CHMP, auquel il incombe de réaliser, à l’échelle de l’Union, sa propre évaluation du médicament concerné, indépendante de celle accomplie par les autorités nationales. Ainsi, dans le cadre des procédures d’autorisation de mise sur le marché des médicaments, notamment au niveau de l’Union, l’EMA et la Commission sont dotées d’une fonction particulière, différente de celle des autorités nationales. En ce sens, le principe de reconnaissance mutuelle ne s’oppose pas à ce que le CHMP examine les évaluations précédemment réalisées par une autorité nationale ou à ce qu’il procède à une évaluation indépendante. Tel est le cas lorsqu’une demande d’autorisation de mise sur le marché est déposée au niveau de l’Union pour une substance qui entre dans la composition d’une association médicamenteuse ayant été autorisée quinze ans auparavant au niveau national. Il en va d’autant plus ainsi que la question de savoir si le Tecfidera relevait de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm, sur laquelle l’EMA, par le biais du CHMP, et puis la Commission, se sont prononcées, constituait un cas particulier présentant un intérêt pour l’Union au regard des objectifs poursuivis par la directive 2001/83, en général, et par la notion d’autorisation globale de mise sur le marché, en particulier.

Enfin, le Tribunal relève que, lors de l’adoption de la décision d’exécution, l’EMA et la Commission disposaient ou pouvaient disposer de données de nature à priver de plausibilité l’hypothèse que l’autre substance active, faisant partie du Fumaderm mais non incluse dans le Tecfidera, jouait un rôle au sein du Fumaderm. Ainsi, la Commission n’était pas en droit de conclure que le Tecfidera relevait d’une autorisation globale de mise sur le marché différente du Fumaderm précédemment autorisé sans avoir vérifié ou demandé au CHMP de vérifier le rôle joué par cette autre substance active. Partant, en l’absence d’une telle vérification et au vu du fait que la Commission n’a pas analysé l’ensemble des données pertinentes qui devaient être prises en considération pour conclure que le Tecfidera et le Fumaderm relevaient d’une autorisation globale de mise sur le marché distincte, la décision d’exécution est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

{1} Sur la base de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).

{2} Décision d’exécution C (2014) 601 final de la Commission, du 30 janvier 2014, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Tecfidera - dimethyl fumarate au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

{3} En vertu de l’article 14, paragraphe 11, du règlement nº 726/2004.

{4} Au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

{5} Article 277 TFUE.

{6} Institué par l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 726/2004 et relevant de l’EMA.

Arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma / EMA (T-611/18) (cf. points 98, 99, 101-105)

27. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Affectation individuelle par un acte de caractère général - Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen - Modification du régime de pension complémentaire volontaire - Inadmissibilité



Arrêt du 6 mai 2021, Gollnisch / Parlement (C-122/20 P) (cf. points 55-57)

28. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Lignes directrices ayant servi à l'adoption de la décision attaquée - Recevabilité

Les requérants, M. Ruben Alba Aguilera et autres, sont des fonctionnaires ou des agents du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) qui étaient affectés en Éthiopie lorsque le SEAE a adopté la décision révisant le taux de l’indemnisation de conditions de vie (ci-après l’« ICV ») versée aux agents affectés dans des pays tiers à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « décision attaquée »){1}.

Par cette décision, le taux d’ICV applicable au personnel de l’Union affecté en Éthiopie a été réduit, passant du 30 % à 25 % du montant de référence. Cette réduction a entraîné, pour les requérants, la perte du bénéfice du congé de détente{2}.

Afin de contester la réduction du taux d’ICV, les requérants ont individuellement introduit des réclamations à l’encontre de la décision attaquée, en tant qu’elle porte réduction, à compter du 1er janvier 2016, de l’ICV versée au personnel de l’Union européenne affecté en Éthiopie. Ces réclamations n’ayant pas été accueillies, les requérants ont introduit un recours auprès du Tribunal, visant, en substance, l’annulation de la décision attaquée.

Le Tribunal annule la décision attaquée et se prononce pour la première fois sur la question relative au principe de la cohérence régionale afin de fixer l’ICV dans un lieu d’affectation.

Appréciation du Tribunal

Tout d’abord, le Tribunal se prononce sur une prétendue obligation du SEAE d’adopter des dispositions générales d’exécution concernant l’article 10 de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), qui vise l’ICV. À cet égard, le Tribunal estime que, en raison de son libellé, de ses finalités et des garanties de procédure qu’il prévoit pour la révision de l’ICV, dans un cadre annuel et après avis du comité du personnel, cet article, en ce qu’il régit l’ICV, ne manque pas de clarté ni de précision permettant d’éviter son application arbitraire, et, dès lors, n’exige pas l’adoption, à titre exceptionnel, de dispositions générales d’exécution.

Ensuite, s’agissant des modalités d’application de l’article 10 de l’annexe X du statut, le Tribunal relève que l’autorité investie du pouvoir de nomination dispose d’une large marge d’appréciation quant aux facteurs et aux éléments à prendre en considération lors de l’adaptation des rémunérations des fonctionnaires. Par conséquent, le Tribunal estime que les lignes directrices adoptées par le SEAE et établissant la méthodologie pour fixer, notamment, les ICV (ci-après les « lignes directrices »), en ce qu’elles tiennent compte du principe de cohérence régionale, ne violent pas l’article 10 de l’annexe X du statut.

À cet égard, le Tribunal relève que le principe de cohérence régionale vise à assurer l’objectivité de la comparaison des conditions de vie prévalant aux lieux d’affectation avec celles existant dans l’Union, tout en respectant la finalité de l’ICV. En effet, l’application de ce principe tend à garantir que des conditions similaires prévalant dans deux pays situés dans la même région soient évaluées de manière similaire.

Enfin, le Tribunal se prononce sur l’appréciation faite par le SEAE des paramètres de l’« environnement sanitaire et hospitalier » et des « autres conditions locales ».

À cet égard, le Tribunal constate que les lignes directrices disposent que le score pour le paramètre de l’« environnement sanitaire et hospitalier » est déterminé sur la base de la carte sanitaire comparative établie par International SOS, mais n’imposent pas une correspondance entre les échelons de l’échelle utilisée par cette carte et le score qui doit être attribué pour ce paramètre. Partant, la décision du SEAE d’attribuer à l’Éthiopie un score de 4 points sur un total de 5 n’outrepasse pas les limites encadrant la marge d’appréciation que le législateur a entendu confier au SEAE dans la fixation de l’ICV.

Finalement, le Tribunal s’est prononcé sur le critère des « services publics » qui a conduit à une modification du score attribué au paramètre « autres conditions locales ». À cet égard, tenant compte, d’une part, des arguments des requérants selon lesquels la qualité des services publics en Éthiopie ne se serait pas améliorée entre les années 2014 et 2015 et, d’autre part, de l’absence d’explications de la part du SEAE pour justifier la diminution du score attribué à ce critère, le Tribunal conclut que le SEAE a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant l’évaluation dudit critère. Cette erreur est de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, vu que le critère des « services publics » était celui ayant conduit à une diminution d’un point du score attribué au paramètre « autres conditions locales », faisant ainsi passer le score total attribué à l’Éthiopie sous le seuil de 14 points exigé pour la fixation du taux de l’ICV à 30 %.

{1} Décision ADMIN (2016) 7 du directeur général pour le budget et l’administration du SEAE, du 19 avril 2016, relative à la fixation de l’indemnisation de conditions de vie visée à l’article 10 de l’annexe X du statut - Exercice 2016.

{2} L’article 8 de l’annexe X du statut, cette dernière étant intitulée « Dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers », dispose que « [l]’autorité investie du pouvoir de nomination peut exceptionnellement octroyer au fonctionnaire, par décision spéciale et motivée, un congé de détente en raison de conditions de vie particulièrement éprouvantes au lieu de son affectation. L’autorité investie du pouvoir de nomination détermine, pour chacun de ces lieux, la ou les villes où ce congé peut être pris ».

Arrêt du 12 mai 2021, Alba Aguilera e.a. / SEAE (T-119/17 RENV) (cf. points 69-77, 79)

29. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Règlement n'ayant pas été attaqué sur le fondement de l'article 263 TFUE - Exception d'illégalité introduite par une autorité nationale n'étant pas à l'évidence recevable à agir en annulation - Recevabilité

En 2015, FGSZ Földgázszállító Zrt., gestionnaire du réseau de transport de gaz hongrois (ci après « FGSZ »), ainsi que ses homologues bulgare, roumain et autrichien se sont lancés dans un projet de coopération régionale visant à accroître l’indépendance énergétique en introduisant le gaz de la mer Noire. Ce projet prévoyait l’augmentation des capacités supplémentaires à deux points d’interconnexion, dont celui existant entre la Hongrie et l’Autriche (ci-après le « projet HUAT »). À ce titre, FGSZ et son homologue autrichien, Gas Connect Austria GmbH (ci-après « GCA »), ont publié un rapport d’évaluation conjoint, conformément au règlement 2017/459 établissant un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz{1}.

En application du même règlement{2}, FGSZ a formellement soumis à l’autorité de régulation de l’énergie et des services publics hongroise, Magyar Energetikai és Közmű-szabályozási Hivatal (MEKH), la proposition de projet HUAT, tout en soulignant qu’elle n’était pas en faveur de la mise en œuvre de ce projet. GCA a, quant à elle, soumis la proposition à l’autorité de régulation des secteurs de l’électricité et du gaz naturel autrichienne, Energie-Control Austria für die Regulierung der Elektrizitäts- und Erdgaswirtschaft (E-Control).

E-Control a approuvé la proposition de projet HUAT, tandis que MEKH l’a rejetée. Les autorités de régulation nationales n’étant pas parvenues à un accord, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a adopté, à son tour, une décision portant approbation de la proposition de projet HUAT (ci-après la « décision initiale »).

MEKH et FGSZ ont chacune introduit un recours contre la décision initiale devant la commission de recours de l’ACER. Leurs recours ayant été rejetés par ladite commission, MEKH (affaire T-684/19) et FGSZ (affaire T-704/19) ont saisi le Tribunal de deux recours en annulation de cette décision de rejet, le recours de MEKH tendant également à l’annulation de la décision initiale. Au soutien de son recours, MEKH excipait notamment de l’illégalité du chapitre V du règlement 2017/459.

Dans son arrêt, la deuxième chambre élargie du Tribunal, tout en déclarant irrecevable le recours en annulation de MEKH pour autant qu’il est dirigé contre la décision initiale, fait droit à l’exception d’illégalité soulevée par cette dernière et annule, en conséquence, la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER.

Appréciation du Tribunal

À titre liminaire, le Tribunal déclare irrecevable le recours en annulation de MEKH en ce qu’il est dirigé contre la décision initiale. À cet égard, il relève que la recevabilité d’un recours en annulation formé par des personnes physiques ou morales contre des actes d’ACER destinés à produire des effets juridiques à leur égard est à examiner au regard des modalités particulières prévues par l’acte instituant cette agence, à savoir le règlement 2019/942{3}. Or, conformément audit règlement, seule la décision de la commission de recours de l’ACER est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal{4}.

En revanche, nonobstant le fait que MEKH n’avait pas soulevé d’exception d’illégalité du chapitre V du règlement 2017/459 devant la commission de recours de l’ACER, cette exception, invoquée par MEKH devant le Tribunal, est déclarée recevable par celui-ci. En effet, dès lors que seul le juge de l’Union est habilité à constater l’illégalité d’un acte de portée générale{5}, MEKH était en droit de soulever cette exception pour la première fois devant le Tribunal en vue de contester la validité de la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER.

Quant au bien-fondé de cette exception d’illégalité, le Tribunal relève d’abord que le règlement 2017/459, qui établit un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz, instaure, par son chapitre V, un processus relatif aux capacités supplémentaires qui est susceptible d’imposer une obligation, à la charge des gestionnaires de réseau de transport, de consacrer les investissements nécessaires à la création de capacités supplémentaires sur le réseau. En effet, il ressort des termes mêmes dudit chapitre V{6} qu’un projet de capacités supplémentaires est lancé lorsque les différentes conditions y prévues sont réunies, ce qui implique que les gestionnaires du réseau de transport sont tenus de procéder aux investissements nécessaires à cette fin.

Ensuite, le Tribunal examine si, en élaborant un code de réseau prévoyant un tel processus de création de capacités supplémentaires, la Commission a dépassé les limites de l’habilitation attribuée par le règlement de base, à savoir le règlement nº 715/2009 concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel{7}.

Compte tenu du fait que, en vertu dudit règlement de base, la Commission est seulement habilitée à adopter des codes de réseau dans certains domaines limitativement énumérés et à condition que le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport pour le gaz (ci-après le « REGRT ») n’ait pas encore élaboré un tel code dans le domaine concerné{8}, le Tribunal vérifie, en premier lieu, si le chapitre V du règlement 2017/459 est rattachable à l’un des domaines visés.

À cet égard, il découle d’une interprétation littérale du règlement de base que les domaines y énumérés ne sont pas susceptibles d’inclure la question de la création des capacités supplémentaires sur le réseau. De même, l’interprétation contextuelle dudit règlement révèle une distinction entre, d’une part, les domaines pour lesquels le REGRT est compétent pour élaborer des codes de réseau et, d’autre part, l’encadrement des investissements nécessaires à la création de capacités supplémentaires sur le réseau, pour lesquels le REGRT coordonne l’exercice par les États membres de leur propre compétence. En outre, le Tribunal relève que c’est au titre de la directive 2009/73 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel{9} que les gestionnaires de réseau de transport sont soumis, le cas échéant, à l’obligation de consacrer les investissements nécessaires à la création de telles capacités supplémentaires. Dans ce cadre, il appartient aux États membres de veiller au respect de cette obligation, sans qu’il soit reconnu au REGRT ou à la Commission une compétence normative à cet égard. Enfin, aucun des motifs du règlement de base ne permet de déceler une finalité consistant à habiliter le REGRT et, par voie de conséquence, la Commission à élaborer un code de réseau s’étendant à la question des investissements nécessaires à la création des capacités supplémentaires.

Le chapitre V du règlement 2017/459 n’étant pas rattachable à l’un des domaines limitativement énumérés dans le règlement de base, le Tribunal examine, en second lieu, si la Commission était habilitée à adopter les règles régissant le processus relatif aux capacités supplémentaires en vertu d’autres dispositions dudit règlement de base, autorisant la Commission à en modifier les éléments non essentiels à l’occasion de l’adoption d’un code de réseau{10}.

Or, en vertu d’une jurisprudence constante, les éléments essentiels d’une réglementation de base sont ceux dont l’adoption nécessite d’effectuer des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union. En l’espèce, le législateur de l’Union a fait le choix politique de confier la mise en œuvre des règles relatives à la création des capacités supplémentaires aux seuls États membres, l’habilitation reconnue au REGRT et, par extension, à la Commission dans le domaine des règles d’attribution des capacités{11} ne concernant que les capacités existantes sur le réseau. Il s’ensuit que la modification apportée par le chapitre V, consistant à étendre cette habilitation à la création de capacités supplémentaires, concerne un élément essentiel du règlement de base.

Concluant, ainsi, que la Commission n’était pas habilitée à instaurer un processus relatif aux capacités supplémentaires, le Tribunal fait droit à l’exception d’illégalité et déclare inapplicable le chapitre V du règlement 2017/459. Comme la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER faisait application dudit chapitre, le Tribunal accueille, en outre, les recours en annulation en ce qu’ils sont dirigés contre cette décision, en l’annulant avec effet erga omnes.

{1} Article 26 du règlement (UE) 2017/459 de la Commission, du 16 mars 2017, établissant un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz et abrogeant le règlement (UE) nº 984/2013 (JO 2017, L 72, p. 1).

{2} Article 28, paragraphe 1, du règlement 2017/459.

{3} Règlement (UE) 2019/942 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (refonte) (JO 2019, L 158, p. 22).

{4} Considérant 34 et articles 28 et 29 du règlement 2019/942.

{5} Article 277 TFUE.

{6} Article 22, paragraphe 3, du règlement 2017/459.

{7} Règlement (CE) nº 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) nº 1775/2005 (JO 2009, L 211, p. 36) (ci-après le « règlement de base »).

{8} Article 6 du règlement de base.

{9} Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94).

{10} Article 6, paragraphe 11, second alinéa, et 7, paragraphe 3, du règlement de base.

{11} Article 8, paragraphe 6, sous g), du règlement de base.

Arrêt du 16 mars 2022, MEKH / ACER (T-684/19 et T-704/19) (cf. points 54, 55)

30. Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Procédure antidumping - Arrêt déclarant des règlements instituant des droits antidumping invalides - Adoption d'un règlement visant à exécuter l'arrêt d'invalidation - Réinstitution de droits antidumping sur des importations réalisées durant la période d'application des règlements invalidés - Règlement enjoignant aux autorités nationales de procéder à l'enregistrement des importations du produit concerné dans le contexte de la procédure de réinstitution - Acte préparatoire non susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation - Recevabilité de l'exception d'illégalité



Arrêt du 1er juin 2022, Jindal Saw et Jindal Saw Italia / Commission (Réinstitution d’un droit antidumping définitif) (T-440/20) (cf. points 142-151)

31. Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Procédure antisubventions - Arrêt déclarant des règlements instituant des droits compensateurs invalides - Adoption d'un règlement visant à exécuter l'arrêt d'invalidation - Réinstitution de droits compensateurs sur des importations réalisées durant la période d'application des règlements invalidés - Règlement enjoignant aux autorités nationales de procéder à l'enregistrement des importations du produit concerné dans le contexte de la procédure de réinstitution - Acte préparatoire non susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation - Recevabilité de l'exception d'illégalité



Arrêt du 1er juin 2022, Jindal Saw et Jindal Saw Italia / Commission (Réinstitution d’un droit compensateur définitif) (T-441/20) (cf. points 145-154)

32. Recours des fonctionnaires - Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique direct entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Effet de l'illégalité d'un acte de portée générale



Arrêt du 21 septembre 2022, Casanova / BEI (T-266/21) (cf. points 24-28, 30-32)

33. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Exception d'illégalité dirigée contre la communication de la Commission sur la COVID-19 et contre l'approche coordonnée publiées sur la base des rapports d'évaluation des risques établis par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) - Documents adoptés postérieurement aux actes attaqués, n'ayant pas servi de base juridique à ces derniers - Irrecevabilité



Ordonnance du 17 octobre 2022, Swords / Commission et ECDC (T-55/22) (cf. points 27-29)

34. Recours des fonctionnaires - Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique direct entre l'acte attaqué et l'acte général contesté



Arrêt du 8 mars 2023, SE / Commission (T-763/21) (cf. points 25-28, 31, 34, 35, 38, 40)

35. Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Règlement retirant l'acceptation des engagements offerts dans le cadre de procédures antidumping et antisubventions - Recevabilité de l'exception d'illégalité des règlements instituant le droit antidumping et le droit compensateur - Conditions

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 mars 2023, Commission / Jiangsu Seraphim Solar System (C-439/20 P et C-441/20 P) (cf. points 73-81)

36. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté - Lignes directrices n'ayant pas fondé la décision attaquée - Irrecevabilité



Arrêt du 20 septembre 2023, PB / CRU (T-293/22) (cf. points 254-260)

37. Recours des fonctionnaires - Exception d'illégalité - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant la décision attaquée - Acte individuel fixant une indemnisation - Incompétence du juge de l'Union



Arrêt du 18 octobre 2023, BZ / BCE (T-162/21) (cf. point 70)

38. Référé - Sursis à exécution - Mesures provisoires - Conditions d'octroi - Urgence - Préjudice grave et irréparable - Charge de la preuve - Préjudice prévisible avec un degré de probabilité suffisant



Ordonnance du 27 mars 2024, Commission / Amazon Services Europe (C-639/23 P(R)) (cf. point 120)

39. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général - Notion - Décision de la Banque centrale européenne (BCE) adoptant une mesure d'intervention précoce à l'égard d'un établissement de crédit soumis à sa surveillance - Exclusion

Statuant en formation élargie à cinq juges, le Tribunal rejette le recours en indemnité introduit par Malacalza Investimenti Srl et M. Vittorio Malacalza demandant la réparation du préjudice qu’ils auraient subi du fait du comportement illégal de la Banque centrale européenne (BCE) dans l’exercice de sa fonction de surveillance prudentielle de Banca Carige (ci-après la « banque »), établissement de crédit italien, entre 2014 et 2019. Le Tribunal se prononce sur la responsabilité non contractuelle de la BCE en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit et fournit des éclaircissements en ce qui concerne notamment l’interprétation des règles de droit conférant des droits aux particuliers et l’appréciation de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée par la BCE de plusieurs dispositions applicables.

La banque est soumise à la surveillance prudentielle directe de la BCE. Malacalza Investimenti et M. Malacalza, les requérants, comptent parmi ses actionnaires. M. Malacalza a été membre et vice-président du conseil d’administration de cette banque entre 2016 et 2018. Le 9 décembre 2016, la BCE a adopté une mesure d’intervention précoce à l’encontre de la banque en lui demandant de présenter un plan stratégique et un plan opérationnel pour la réduction des émissions de prêts non performants, comportant une indication claire des mesures à prendre et du calendrier à respecter pour y parvenir (ci-après la « mesure d’intervention précoce »). Compte tenu des échecs de la banque dans sa tentative d’émission d’instruments de fonds propres en 2018 et en raison de désaccords au sein du conseil d’administration ayant entraîné la démission de certains membres et conduit à la formation d’un nouveau conseil, la BCE a, par décision du 14 septembre 2018, demandé à la banque de faire approuver par son conseil d’administration un nouveau plan visant à rétablir et à garantir durablement le respect des exigences patrimoniales pour le 31 décembre 2018 au plus tard. À la suite du rejet d’une augmentation de capital, par une assemblée générale extraordinaire des actionnaires, plusieurs membres du conseil d’administration ont démissionné, entraînant la déchéance de celui-ci en application des statuts de la banque et du code civil italien.

Le 1er janvier 2019, la BCE a décidé de placer la banque sous administration temporaire (ci-après la « décision de placement sous administration temporaire ») en application d’un décret législatif relatif aux lois en matière bancaire et de crédit{1} et transposant l’article 29 de la directive 2014/59{2} (ci-après le « texte unique bancaire »). Cette décision a pour effet la dissolution du conseil d’administration et le remplacement de ses anciens membres par trois administrateurs temporaires, dont la mission consistait à prendre les mesures nécessaires afin de garantir le respect des exigences patrimoniales de manière durable par la banque. Cette mesure a été prorogée à trois reprises en 2019. Par lettre du 18 septembre 2019, la BCE a considéré que l’augmentation de capital envisagée n’était pas contraire à une gestion saine et prudente de la banque et une assemblée générale extraordinaire des actionnaires l’a finalement approuvée le 20 septembre 2019. Après sa mise en œuvre, le 31 janvier 2020, un nouveau conseil d’administration et un nouveau conseil de surveillance ont été élus, mettant ainsi fin à l’administration temporaire de la banque.

Appréciation du Tribunal

S’agissant de l’absence de rectification par la BCE des déclarations trompeuses formulées sur la solidité de la banque par des administrateurs de celle-ci, le Tribunal relève, en premier lieu, que le texte unique bancaire{3} impose à la BCE une obligation générale de publication visant des catégories d’information sur des établissements de crédit dans un but présentant un caractère d’intérêt public. En revanche, aucune obligation de réagir ne lui est directement ou indirectement imposée, de manière spécifique, lorsque sont formulées sur le marché, par des acteurs, à propos de la solidité de certains établissements soumis à sa surveillance, des déclarations analysées comme trompeuses par d’autres.

Certes, lesdites déclarations, en ce qu’elles ont pu être formulées par des administrateurs de la banque, peuvent revêtir une forme de crédibilité, susceptible d’affecter la valeur des actions et de causer un préjudice aux requérants. Toutefois, le Tribunal rappelle que l’existence d’un prétendu dommage financier ne suffit pas, à elle seule, pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. En effet, pour ce faire, un comportement illégal doit être établi par les requérants, qui doivent démontrer qu’une règle conférant des droits aux particuliers a été violée d’une manière suffisamment caractérisée. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

En second lieu, l’article 53 bis du texte unique bancaire{4} prévoit que, lorsque la situation l’exige, l’autorité de surveillance peut adopter des mesures spécifiques à l’égard d’une ou plusieurs banques ou de l’ensemble du système bancaire. Au regard de son libellé, le Tribunal juge que cet article est sans pertinence pour déterminer l’existence d’une obligation pour la BCE de rectifier de telles déclarations et rejette le premier chef d’illégalité allégué quant à son comportement.

S’agissant de l’allégation de la violation de la réglementation de l’Union par la BCE, dans ses relations avec le conseil d’administration de la banque, le Tribunal souligne, en premier lieu, que les comportements reprochés à la BCE sont sans relation avec l’article 4 du règlement no 1024/2013{5}. En effet, cette disposition porte sur la répartition des différentes missions en matière prudentielle entre les autorités nationales et la BCE, qui est seule compétente pour exercer un certain nombre d’entre elles. Elle vise à mettre en œuvre l’objectif d’organiser un système réglementaire portant sur un domaine d’activité au profit de l’intérêt public sans octroyer, en elle-même, des droits à des particuliers. En second lieu, l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1024/2013 habilite la BCE à exiger des établissements de crédit qu’ils prennent à un stade précoce diverses mesures lorsque ces établissements ne respectent pas ou risquent de ne pas respecter les exigences prudentielles, ou présentent des faiblesses ne permettant pas d’assurer une bonne gestion ou une couverture satisfaisante des risques. Le Tribunal considère qu’une telle disposition procède seulement à une habilitation et ne comporte pas, en elle-même, de règles conférant des droits aux particuliers, mais organise le système de surveillance bancaire dans un intérêt public. Ainsi, le Tribunal rejette le deuxième chef d’illégalité allégué.

S’agissant de l’approbation par la BCE d’une augmentation de capital prétendument contraire au droit de préemption des actionnaires prévu par les statuts de la banque, après avoir constaté que l’article 56 du texte unique bancaire s’applique à la BCE, en vertu du règlement no 1024/2013, le Tribunal relève que, selon cet article, l’autorité de surveillance doit vérifier la compatibilité, avec les contraintes découlant d’une gestion saine et prudente, des modifications des statuts des établissements de crédit, avant leur inscription au registre des sociétés. Or, cette vérification porte sur la compatibilité de la modification statutaire, non pas avec les droits de préemption des actionnaires, mais avec l’impératif d’une gestion saine et prudente. Dès lors, l’objectif à prendre en compte est la stabilité de l’établissement de crédit et, plus largement, du système financier. Par conséquent, le Tribunal considère que ladite disposition ne confère pas de droits aux particuliers.

S’agissant de la contestation de la nomination par la BCE de certains administrateurs temporaires affectés par un conflit d’intérêts, le Tribunal relève, tout d’abord, que l’annulation par lui de la décision de placement sous administration temporaire{6} ne fait pas obstacle à son examen dans la présente procédure. Ensuite, le Tribunal précise, d’une part, que cette annulation n’est pas intervenue au titre d’une violation liée à un conflit d’intérêts et, d’autre part, que le recours en indemnité constitue une voie de recours autonome et subordonnée à des conditions d’exercice propres. Enfin, il résulte du texte unique bancaire{7} que les administrateurs temporaires doivent notamment être exempts de conflits d’intérêts. Or, cette exigence relève, de manière générale, du principe d’impartialité, lequel vise à protéger, selon la jurisprudence, d’une part, l’intérêt général et, d’autre part, l’intérêt des particuliers qui pourraient être affectés négativement à la suite de la présence de ce conflit d’intérêts. Ainsi, ce principe crée, à l’égard de ces particuliers, un droit subjectif qui, s’il est violé de manière suffisamment caractérisée, est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un éventuel dommage causé par une institution dans l’exercice de ses missions, ce qui confère, dès lors, des droits aux particuliers.

Au titre de la vérification de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de cette disposition par la BCE, le Tribunal note que, pour motiver l’adoption de la décision de placement sous administration temporaire, la BCE n’a pas indiqué que cette décision était justifiée par l’existence de « graves irrégularités » commises « dans le cadre de l’administration » de la banque{8}. En l’espèce, si des irrégularités avaient été commises, seule une action en responsabilité à l’égard des anciens membres des organes d’administration aurait été de nature à permettre l’indemnisation, par ces responsables, des dommages subis par les actionnaires. Dans une telle hypothèse, il aurait pu être inapproprié de nommer l’un de ces anciens membres comme administrateur temporaire. Toutefois, la situation était différente en l’espèce, dès lors que la décision de placement sous administration temporaire était fondée sur la « détérioration significative de la situation de la banque ».

Par ailleurs, les difficultés financières affectant la banque ont précédé la nomination des deux administrateurs temporaires concernés. Du reste, le Tribunal rappelle que, dans l’exercice de sa mission prudentielle, la BCE jouit d’un large pouvoir d’appréciation. Sur ce fondement, le Tribunal considère que la BCE a utilisé son pouvoir d’appréciation d’une manière raisonnable en nommant comme administrateurs temporaires des personnes qui étaient suffisamment introduites dans les affaires de la banque pour agir promptement face à la situation de crise qu’elle connaissait. Il ajoute que, certes, l’action en responsabilité susmentionnée à l’égard des anciens membres est exercée, pendant la durée de l’administration temporaire, par les administrateurs temporaires. Toutefois, dès la reprise de la gestion ordinaire de la banque, conformément au droit italien et aux statuts de la banque, une action en responsabilité pouvait être intentée, notamment par l’assemblée des actionnaires, à l’encontre des deux administrateurs concernés. Le Tribunal considère que la BCE s’est tenue dans les limites du raisonnable dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, lors de la nomination des personnes concernées comme administrateurs temporaires, et conclut ainsi qu’aucune violation suffisamment caractérisée n’a été établie.

S’agissant de l’adoption par la BCE de la mesure d’intervention précoce, le Tribunal précise, premièrement, concernant ladite adoption sur le fondement d’un simple risque d’infraction au cadre réglementaire, que l’article 69 octiesdecies du texte unique bancaire{9} s’applique à la BCE en vertu du règlement no 1024/2013. Dans la mesure où cette disposition se limite à donner à l’autorité de surveillance, au terme de son appréciation, le pouvoir d’adopter une mesure d’intervention précoce, sous réserve de la réunion de certaines conditions, il ne confère pas de droits aux particuliers. En effet, la mesure d’intervention précoce a été adoptée pour assurer la mise en œuvre de l’objectif d’intérêt public. Ainsi, la BCE a motivé l’adoption de ladite mesure par le risque de violation des exigences établies par le cadre réglementaire applicable, et notamment à la lumière des critères prévus par cette disposition, laquelle se réfère à l’existence d’une détérioration rapide de la situation de l’entité surveillée comme l’un des indices d’une possible violation par celle-ci des exigences de fonds propres. Dans ces conditions, le Tribunal considère que, poursuivant un objectif d’intérêt public, la disposition en question n’a pas pour objet de conférer des droits aux particuliers.

Deuxièmement, concernant l’obligation prévue par la mesure d’intervention précoce de céder à des conditions peu avantageuses des prêts prétendument non performants, après avoir estimé que l’article 69 noviesdecies du texte unique bancaire s’appliquait à la BCE, le Tribunal souligne que cette disposition se limite à donner à l’autorité de surveillance le pouvoir, sous certaines conditions, de demander aux établissements de crédit de préparer ou de mettre en œuvre un plan pour négocier une restructuration de la dette. Dès lors, il ne confère pas, par lui-même, des droits aux particuliers. Ainsi, en l’espèce, c’est pour atteindre un objectif d’intérêt public que la BCE a demandé à la banque, dans la mesure d’intervention précoce, de présenter un plan stratégique et un plan opérationnel, sans pour autant exiger que celle-ci cède des prêts non performants, et encore moins à des prix définis au cours d’une période déterminée. Toutefois, ces plans devaient être préparés et approuvés par la banque, à qui il revenait notamment d’identifier et de mettre en œuvre les mesures adéquates en indiquant, par exemple, les prêts non performants susceptibles d’être cédés et les modalités de cession. De plus, cette disposition ne s’oppose pas à ce que la mesure d’intervention précoce indique des objectifs minimaux et fixe des délais pour la réduction des prêts non performants. Dans ces conditions, le Tribunal considère que l’article 69 noviesdecies poursuit un objectif d’intérêt public sans avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers.

Troisièmement, concernant le respect, dans une période déterminée, des exigences imposées en matière de fonds propres, le Tribunal rappelle que l’article 16 du règlement no 1024/2013 attribue des pouvoirs à la BCE en matière de surveillance prudentielle en poursuivant un objectif d’intérêt public sans conférer de droits aux particuliers.

Quatrièmement, concernant la violation du principe d’égalité de traitement en raison de l’adoption de la mesure d’intervention précoce, le Tribunal relève que, dans l’exercice de sa mission prudentielle, la BCE doit effectuer des évaluations techniques tenant compte d’un large éventail de variables{10}, ce qui va de pair avec un large pouvoir d’appréciation. Dans ladite mesure, la BCE a constaté la violation des exigences patrimoniales, mais a aussi fait référence à plusieurs éléments témoignant, selon elle, de la fragilité de cet établissement. Or, les requérants n’ont pas mis en relation cette situation particulière avec les décisions prises par la BCE de manière à établir l’existence d’une véritable différence de traitement entre la banque et d’autres établissements de crédit italiens.

Cinquièmement, concernant la violation du principe de proportionnalité, le Tribunal rappelle que la BCE jouit d’une large marge d’appréciation dans l’exercice de ses missions de surveillance prudentielle. Pour justifier l’adoption de la mesure d’intervention précoce, la BCE a analysé la proportionnalité de l’obligation qu’elle envisageait d’adopter à l’égard des prêts qui figuraient dans le patrimoine de la banque sans présenter le caractère performant qu’elle estimait requis pour que soient respectées les exigences de fond propres découlant de la réglementation de l’Union . Ainsi, elle a pu considérer, compte tenu du risque pesant sur la banque, qu’il était approprié et nécessaire d’adopter la mesure d’intervention précoce sans qu’existent des solutions de remplacement permettant de mettre fin, d’une manière satisfaisante, aux difficultés que connaissait la banque. Dès lors, le Tribunal estime que les requérants n’ont pas mis en évidence des éléments permettant de considérer que, en adoptant cette mesure, la BCE a violé d’une manière grave et manifeste le principe de proportionnalité.

Enfin, concernant l’exception d’illégalité soulevée par les requérants vis-à-vis de la mesure d’intervention précoce, le Tribunal rappelle qu’elle s’applique, sous peine d’irrecevabilité, aux seuls actes de portée générale, qui eux-mêmes visent des situations déterminées objectivement et produisent des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière abstraite. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce en ce que la mesure d’intervention précoce a été adressée de manière spécifique par la BCE à la banque, en lui imposant des obligations propres. Dès lors, le Tribunal rejette l’exception d’illégalité comme étant irrecevable.

{1} Decreto legislativo n. 385 - Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (décret législatif no 385, portant texte unique des lois en matière bancaire et de crédit), du 1er septembre 1993 (GURI no 230, du 30 septembre 1993, et supplément ordinaire à la GURI no 92).

{2} Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

{3} En l’occurrence, l’article 53, paragraphe 1, sous d bis), et l’article 67, paragraphe 1, sous e), du texte unique bancaire, portant sur la publication d’informations par la BCE sur des établissements de crédit aux fins d’assurer la transparence des marchés et ainsi leur bon fonctionnement et la stabilité du système financier.

{4} Selon l’article 53 bis, paragraphe 1, sous d) du texte unique bancaire.

{5} Règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

{6} Arrêt du 12 octobre 2022, Corneli/BCE (T 502/19, EU:T:2022:627).

{7} Article 71, paragraphe 6, du texte unique bancaire.

{8} Au sens de l’article 69 octiesdecies, paragraphe 1, sous b), du texte unique bancaire, lu en combinaison avec son article 70.

{9} En l’occurrence, l’article 69 octiesdecies, paragraphe 1, sous a).

{10} Il s’agit notamment des niveaux de fonds propres et de liquidité, des modèles économiques, de la gouvernance, des risques, de l’impact systémique et des scénarios macroéconomiques.

Arrêt du 5 juin 2024, Malacalza Investimenti et Malacalza / BCE (T-134/21) (cf. points 170, 172, 173)

40. Exception d'illégalité - Portée - Actes dont l'illégalité peut être excipée - Acte de caractère général fondant l'acte attaqué - Nécessité d'un lien juridique entre l'acte attaqué et l'acte général contesté



Arrêt du 20 novembre 2024, Uss / Conseil (T-571/23) (cf. points 56, 57)