1. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale prévoyant des distances minimales obligatoires entre les installations routières de distribution de carburant, dans le seul cas de la réalisation de nouvelles installations - Inadmissibilité - Justification - Protection de la sécurité routière, de la santé, de l'environnement et rationalisation du service rendu aux usagers - Appréciation par le juge national
L'article 43 CE, lu en combinaison avec l'article 48 CE, doit être interprété en ce sens qu'une réglementation de droit interne, qui prévoit des distances minimales obligatoires entre les installations routières de distribution de carburants, ne s'appliquant que dans le cas de la réalisation de nouvelles installations, constitue une restriction à la liberté d'établissement consacrée par le traité CE. Cette restriction ne paraît pas de nature à être justifiée par les objectifs de sécurité routière, de protection de la santé et de l'environnement ainsi que de rationalisation du service rendu aux usagers, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
En effet, une telle réglementation, qui ne s'applique qu'à de nouvelles installations et non à des installations existant avant l'entrée en vigueur de celle-ci, soumet à des conditions l'accès à l'activité de distribution de carburants. En favorisant ainsi les opérateurs déjà présents sur le territoire national, cette réglementation est de nature à décourager, voire à empêcher, l'accès au marché national des opérateurs provenant d'autres États membres et constitue une restriction à la liberté d'établissement au sens de l'article 43 CE.
Cette restriction n'apparait pas pouvoir être justifiée par des objectifs de sécurité routière, de protection de la santé et de l'environnement, dès lors qu'elle ne semble pas répondre véritablement au souci d'atteindre ces objectifs de manière cohérente et systématique et, partant, ne semble pas propre à garantir la réalisation de ces objectifs invoqués sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction nationale.
S'agissant de la rationalisation du service rendu aux passagers, des motifs de nature purement économique ne peuvent constituer des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité. Par ailleurs, même à supposer que cet objectif puisse être considéré, en tant qu'il relèverait de la protection des consommateurs, comme constituant une raison impérieuse d'intérêt général et non un motif de nature purement économique, il est difficile de discerner la manière dont cette réglementation peut être propre à protéger les consommateurs ou à leur procurer des bénéfices. Au contraire, en entravant l'accès de nouveaux opérateurs sur le marché, une telle réglementation semble plutôt favoriser la position des opérateurs déjà présents sur le territoire national, sans que les consommateurs en tirent de véritables avantages. En tout état de cause, il apparaît que ladite réglementation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un éventuel objectif de protection des consommateurs, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
2. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Services de transport médical d'urgence et de transport sanitaire qualifié - Exclusion
La dérogation prévue aux articles 45 CE et 55 CE doit être restreinte aux activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique. Tel n'est pas le cas des activités de transport médical d'urgence et de transport sanitaire qualifié.
En effet, la contribution à la protection de la santé publique, à laquelle tout individu peut être appelé, notamment en prêtant son assistance à une personne courant un danger vital ou sanitaire, ne suffit pas pour constituer une participation à l’exercice de l’autorité publique. Ne sauraient pas davantage être considérés comme traduisant un exercice suffisamment qualifié de prérogatives de puissance publique ou de pouvoirs exorbitants du droit commun le droit, pour les prestataires de services de transport sanitaire, de recourir à des instruments tels que le gyrophare ou la sirène ainsi que le droit de passage prioritaire qui leur est reconnu par le code de la route, ni des éléments ayant trait à des compétences organisationnelles particulières dans le domaine des services rendus, au pouvoir de solliciter des informations auprès de tiers ou l’intervention d’autres services spécialisés, ou encore à la participation à la désignation de fonctionnaires administratifs en relation avec les services en cause et à la collaboration avec les autorités publiques ainsi qu’avec des membres de corps professionnels investis de prérogatives de puissance publique.
Arrêt du 29 avril 2010, Commission / Allemagne (C-160/08, Rec._p._I-3713) (cf. points 78, 80-84)
3. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale exigeant une autorisation administrative préalable pour l'ouverture de nouvelles pharmacies dans une région déterminée - Conditions d'octroi privilégiant l'expérience professionnelle acquise dans cette région - Discrimination - Inadmissibilité
L'article 49 TFUE, lu en combinaison avec l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 85/432 visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités du domaine de la pharmacie, et l'article 45, paragraphe 2, sous e) et g), de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des critères prévus dans une réglementation nationale, en vertu desquels sont sélectionnés les titulaires de nouvelles pharmacies, et tenant, premièrement, à la majoration de 20 % des mérites professionnels concernant l’exercice de la profession obtenus sur une partie déterminée du territoire national et, deuxièmement, à ce que, en cas d’égalité résultant de l’application du barème, les autorisations sont accordées selon un ordre donnant la priorité aux pharmaciens qui ont exercé leur activité professionnelle dans ladite partie du territoire national.
En effet, ces critères sont naturellement plus faciles à respecter pour les pharmaciens nationaux, qui exercent leur activité économique le plus souvent sur le territoire national, que pour les pharmaciens ressortissants d'autres États membres, qui exercent cette activité plus fréquemment dans un autre État membre.
4. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale exigeant une autorisation administrative préalable pour l'ouverture de nouvelles pharmacies dans une région déterminée - Conditions d'octroi liées à la densité démographique et à la distance minimale entre les pharmacies - Admissibilité - Conditions - Vérification par le juge national
L'article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas, en principe, à une réglementation nationale qui impose des limites à la délivrance d'autorisations d'établissement de nouvelles pharmacies, en prévoyant que:
- dans chaque zone pharmaceutique, une seule pharmacie peut être créée, en principe, par tranche de 2 800 habitants;
- une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce seuil est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction supérieure à 2 000 habitants, et
- chaque pharmacie doit respecter une distance minimale par rapport aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle générale, de 250 mètres.
Cependant, l'article 49 TFUE s'oppose à une telle réglementation nationale pour autant que les règles de base de 2 800 habitants ou de 250 mètres empêchent, dans toute zone géographique ayant des caractéristiques démographiques particulières, la création d'un nombre suffisant de pharmacies susceptibles d'assurer un service pharmaceutique approprié, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
En effet, un État membre peut estimer qu'il existe un risque de pénurie de pharmacies dans certaines parties de son territoire et, par conséquent, de défaut d'approvisionnement en médicaments sûr et de qualité et, par suite, il peut adopter, eu égard à ce risque, une réglementation qui prévoit qu'une seule pharmacie peut être créée par rapport à un certain nombre d'habitants, de façon à répartir les pharmacies d'une manière équilibrée sur le territoire national. Afin de constater si la réglementation nationale en question poursuit d'une manière cohérente et systématique l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si les autorités compétentes font usage des mesures d’ajustement prévues par cette réglementation et permettant 1º d’atténuer les conséquences de l’application de la règle de base de 2 800 habitants, 2º d'autoriser, en fonction de la concentration de la population, une distance inférieure entre les pharmacies et augmenter de cette manière le nombre de pharmacies disponibles dans les zones à très forte concentration de population et 3º d'interpréter la règle générale comme une règle permettant d’accorder une autorisation pour la création d’une pharmacie à une distance inférieure à 250 mètres, non seulement dans des cas tout à fait exceptionnels, mais chaque fois que l’application stricte de la règle générale de 250 mètres, risque de ne pas assurer un accès approprié au service pharmaceutique dans certaines zones géographiques à forte concentration démographique.
Par ailleurs, étant donné que, au regard de la marge d’appréciation dont bénéficient les États membres en matière de protection de la santé publique, un État membre peut estimer que le système "a minima", fixant un nombre minimal de pharmacies dans des zones géographiques déterminées, ne permet pas d’atteindre, avec la même efficacité que le système actuel, l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité dans les zones peu attractives, il ne saurait être considéré que la réglementation nationale en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.
Ordonnance du 29 septembre 2011, Grisoli (C-315/08, Rec._p._I-139*) (cf. points 21-38 et disp.)
5. Droit de l'Union - Effet direct - Primauté - Réglementation nationale relative à un monopole public sur les paris sur les compétitions sportives - Réglementation comportant des restrictions jugées incompatibles par une juridiction nationale avec la liberté d'établissement et la libre prestation des services - Maintien en vigueur, pendant une période transitoire, de ladite réglementation - Inadmissibilité
En raison de la primauté du droit de l’Union directement applicable, une réglementation nationale relative à un monopole public sur les paris sur les compétitions sportives qui, selon les constatations opérées par une juridiction nationale, comporte des restrictions incompatibles avec la liberté d’établissement et la libre prestation des services, faute pour lesdites restrictions de contribuer à limiter les activités de paris d’une manière cohérente et systématique ainsi que l'exige la jurisprudence de la Cour, ne peut continuer à s’appliquer pendant une période transitoire.
Il ne saurait en effet être admis que des règles de droit national, fussent-elles d’ordre constitutionnel, portent atteinte à l’unité et à l’efficacité du droit de l’Union.
À supposer même que des considérations similaires à celles concernant le maintien des effets d'un acte de l’Union annulé ou invalidé, qui a pour objet de ne pas laisser naître un vide juridique jusqu'à ce qu'un nouvel acte vienne remplacer l'acte ainsi annulé ou invalidé, soient de nature à conduire, par analogie et à titre exceptionnel, à une suspension provisoire de l’effet d’éviction exercé par une règle de droit de l’Union directement applicable à l’égard du droit national contraire à celle-ci, une telle suspension, dont les conditions ne pourraient être déterminées que par la seule Cour, est à exclure d’emblée en l'absence de considérations impérieuses de sécurité juridique propres à justifier celle-ci.
6. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale établissant un monopole public afférent aux paris sur les compétitions sportives et aux loteries - Justification - Prévention de l'incitation à des dépenses excessives liées au jeu et lutte contre l'assuétude à celui-ci - Conditions d'admissibilité
Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens que:
a) pour pouvoir justifier un monopole public afférent aux paris sur les compétitions sportives et aux loteries, tel que ceux en cause dans les affaires au principal, par un objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci, les autorités nationales concernées ne doivent pas nécessairement être en mesure de produire une étude établissant la proportionnalité de ladite mesure qui soit antérieure à l’adoption de celle-ci;
b) le fait, pour un État membre, de privilégier un tel monopole par rapport à un régime autorisant l’activité d’opérateurs privés qui seraient admis à exercer leurs activités dans le cadre d’une réglementation à caractère non exclusif est susceptible de satisfaire à l’exigence de proportionnalité, pour autant que, s’agissant de l’objectif relatif à un haut niveau de protection des consommateurs, l’institution dudit monopole s’accompagne de la mise en place d’un cadre normatif assurant que le titulaire de celui-ci sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, un tel objectif au moyen d’une offre quantitativement mesurée et qualitativement aménagée en fonction dudit objectif et soumise à un contrôle strict de la part des autorités publiques;
c) la circonstance que les autorités compétentes d’un État membre pourraient être confrontées à certaines difficultés aux fins d’assurer le respect d’un tel monopole à l’égard d’organisateurs de jeux et de paris établis à l’étranger, qui concluraient, via Internet et en infraction avec ledit monopole, des paris avec des personnes se trouvant dans le ressort territorial desdites autorités, n’est pas de nature, en tant que telle, à affecter la conformité éventuelle d’un tel monopole avec lesdites dispositions du traité;
d) dans une situation dans laquelle une juridiction nationale constate, tout à la fois:
- que les mesures de publicité émanant du titulaire d’un tel monopole et afférentes à d’autres types de jeux de hasard également proposés par celui-ci ne demeurent pas limitées à ce qui est nécessaire pour canaliser les consommateurs vers l’offre émanant de ce titulaire en les détournant d’autres canaux de jeux non autorisés, mais visent à encourager la propension des consommateurs au jeu et à stimuler leur participation active à celui-ci à des fins de maximisation des recettes escomptées de telles activités,
- que d’autres types de jeux de hasard peuvent être exploités par des opérateurs privés bénéficiant d’une autorisation, et
- que, à l’égard d’autres types de jeux de hasard ne relevant pas dudit monopole et présentant en outre un potentiel de risque d’assuétude supérieur aux jeux soumis à ce monopole, les autorités compétentes mènent ou tolèrent des politiques d’expansion de l’offre de nature à développer et à stimuler les activités de jeu, notamment en vue de maximiser les recettes provenant de celles-ci,
ladite juridiction nationale peut légitimement être amenée à considérer qu’un tel monopole n’est pas propre à garantir la réalisation de l’objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci en vue duquel il a été institué en contribuant à réduire les occasions de jeu et à limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente et systématique.
7. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Opérateur autorisé par l'État membre de son établissement à offrir des jeux de hasard - Possibilité, pour cet opérateur, d'offrir de tels services dans un autre État membre subordonnée à une autorisation délivrée par les autorités de ce dernier État - Admissibilité
Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens que, en l’état actuel du droit de l’Union, la circonstance qu’un opérateur dispose, dans l’État membre dans lequel il est établi, d’une autorisation lui permettant d’offrir des jeux de hasard ne fait pas obstacle à ce qu’un autre État membre subordonne, dans le respect des exigences du droit de l’Union, la possibilité, pour un tel opérateur, d’offrir de tels services à des consommateurs se trouvant sur son territoire à la détention d’une autorisation délivrée par ses propres autorités.
En effet, eu égard au pouvoir d’appréciation dont disposent les États membres pour fixer, selon leur propre échelle de valeurs, le niveau de protection qu’ils entendent assurer et les exigences que comporte ladite protection, l’appréciation de la proportionnalité du système de protection mis en place par un État membre ne saurait notamment être influencée par la circonstance qu’un autre État membre a choisi un système de protection différent. Eu égard à cette marge d’appréciation et à l’absence de toute harmonisation communautaire en la matière, une obligation de reconnaissance mutuelle des autorisations délivrées par les divers États membres ne saurait exister au regard de l’état actuel du droit de l’Union. Il s’ensuit notamment que chaque État membre demeure en droit de subordonner la possibilité pour tout opérateur désireux d’offrir des jeux de hasard à des consommateurs se trouvant sur son territoire à la détention d’une autorisation délivrée par ses autorités compétentes, sans que la circonstance qu’un opérateur particulier dispose déjà d’une autorisation délivrée dans un autre État membre puisse y faire obstacle.
8. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale réservant l'exploitation des jeux de hasard dans les établissements de jeux aux opérateurs ayant leur siège sur le territoire de l'État membre concerné - Incompatibilité avec le principe de proportionnalité
L’article 43 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui réserve l’exploitation des jeux de hasard dans les établissements de jeux exclusivement aux opérateurs ayant leur siège sur le territoire de cet État membre. En effet, l’obligation faite aux titulaires de concessions d’exploitation d’établissements de jeux d’avoir leur siège sur le territoire national constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de cette disposition en ce qu’elle opère une discrimination envers les sociétés dont le siège se trouve dans un autre État membre et empêche ces sociétés d’exploiter, par l’intermédiaire d’une agence, d’une succursale ou d’une filiale, des établissements de jeux sur le territoire de l'État membre concerné.
À cet égard, sans qu'il soit nécessaire de déterminer si l'objectif consistant à permettre un contrôle efficace des opérateurs actifs dans le secteur des jeux de hasard, dans le but de prévenir l’exploitation de ces activités à des fins criminelles ou frauduleuses, est susceptible de relever de la notion d'ordre public, de manière à rendre la restriction en cause compatible avec le droit de l’Union, il suffit de constater que l’exclusion catégorique des opérateurs ayant leur siège dans un autre État membre apparaît disproportionnée, car allant au-delà de ce qui est nécessaire pour combattre la criminalité. En effet, divers moyens existent pour contrôler les activités et les comptes de ces opérateurs, comme la possibilité d'exiger la tenue de comptes séparés pour chaque établissement de jeux d’un même opérateur, vérifiés par un comptable extérieur, celle d’obtenir la communication systématique des décisions des organes des titulaires de concessions ainsi que celle de recueillir des informations au sujet de leurs dirigeants ou de leurs principaux actionnaires. En outre, des contrôles peuvent être effectués sur toute entreprise établie dans un État membre et des sanctions peuvent lui être infligées, quel que soit le lieu de résidence de ses dirigeants.
Arrêt du 9 septembre 2010, Engelmann (C-64/08, Rec._p._I-8219) (cf. points 32, 34-38, 40, disp. 1)
9. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Réglementation nationale relative aux concessions d'exploitation d'établissements de jeux - Égalité de traitement - Obligation de transparence - Attribution de la totalité des concessions en dehors de toute mise en concurrence - Inadmissibilité
L’obligation de transparence découlant des articles 43 CE et 49 CE ainsi que des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité s’oppose à l’octroi, en dehors de toute mise en concurrence, de la totalité des concessions d’exploitation d’établissements de jeux sur le territoire d’un État membre.
En effet, d'une part, bien que, en l’état actuel du droit de l’Union, les concessions de services ne soient régies par aucune des directives par lesquelles le législateur de l’Union a réglementé le domaine des marchés publics, les autorités publiques qui octroient de telles concessions sont néanmoins tenues de respecter les règles fondamentales des traités, notamment les articles 43 CE et 49 CE, ainsi que l’obligation de transparence qui en découle. Sans nécessairement impliquer une obligation de procéder à un appel d’offres, ladite obligation de transparence, qui s’applique lorsque la concession de services concernée est susceptible d’intéresser une entreprise située dans un État membre autre que celui dans lequel cette concession est attribuée, impose à l’autorité concédante de garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture de la concession de services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’attribution.
D'autre part, le fait que la délivrance d’autorisations d’exploiter des établissements de jeux n’équivaudrait pas à des contrats de concession de services ne saurait, à lui seul, justifier que les exigences qui découlent de l’article 49 CE, notamment le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence, soient méconnues. L’obligation de transparence apparaît dès lors comme une condition préalable obligatoire du droit d’un État membre d’attribuer des autorisations d’exploitation des établissements de jeux, quel que soit le mode de sélection des opérateurs puisque les effets de l’attribution de telles autorisations à l’égard des entreprises établies dans d’autres États membres et qui seraient potentiellement intéressées par l’exercice de cette activité sont les mêmes que ceux d’un contrat de concession de services.
10. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Détermination du caractère équitable de l'indemnité - Circonstances à prendre en compte - Comportement de l'agent commercial
Conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous a), deuxième tiret, de la directive 86/653, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, l’agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances. Il ne saurait, dès lors, être exclu que le comportement dudit agent puisse être pris en compte dans le cadre de l’analyse visant à déterminer le caractère équitable de son indemnité.
Arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany (C-203/09, Rec._p._I-10721) (cf. point 44)
11. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité ou à la réparation du préjudice après cessation du contrat - Résiliation du contrat avec préavis par le commettant - Constatation ultérieure de l'existence d'un manquement de l'agent commercial de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat - Privation de l'indemnité - Inadmissibilité
L’article 18, sous a), de la directive 86/653, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, s’oppose à ce qu’un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l’existence d’un manquement de l’agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l'échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause.
Arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany (C-203/09, Rec._p._I-10721) (cf. point 45 et disp.)
12. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Assurance responsabilité civile automobile - Contrat d'assurance facultative - Réglementation nationale excluant de la couverture de l'assurance les dommages causés par un conducteur se trouvant sous l'influence de l'alcool - Inadmissibilité - Justification tirée de l'intérêt général - Appréciation par la juridiction de renvoi
Ordonnance du 28 octobre 2010, Bejan (C-102/10, Rec._p._I-139*) (cf. point 46, disp. 3)
13. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Avocats - Exercice permanent de la profession dans un État membre autre que celui d'acquisition de la qualification - Directive 98/5 - Réglementation nationale imposant aux avocats inscrits dans l'État membre d'acquisition des restrictions sur l'exercice concomitant de la profession d'avocat et d'un autre emploi - Admissibilité - Conditions
L’article 8 de la directive 98/5, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit être interprété en ce sens qu’il est loisible à l’État membre d’accueil d’imposer, aux avocats y inscrits et employés - que ce soit à temps plein ou à temps partiel - par un autre avocat, une association ou société d’avocats, ou une entreprise publique ou privée, des restrictions sur l’exercice concomitant de la profession d’avocat et dudit emploi, pourvu que ces restrictions n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de prévention de conflits d’intérêts et s’appliquent à l’ensemble des avocats inscrits dans ledit État membre.
L'article 8 de la directive 98/5 porte, en effet, sur l’ensemble des règles que l’État membre d’accueil a instauré afin de prévenir les conflits d’intérêts qui pourraient, selon ses appréciations, résulter d’une situation dans laquelle un avocat est, d’une part, inscrit au tableau de l’ordre des avocats et, d’autre part, employé par un autre avocat, par une association ou société d’avocats, ou par une entreprise publique ou privée. Ainsi, l’interdiction imposée aux avocats inscrits dans l'État membre concerné d’être employés, même si ce n’est qu’à temps partiel, par une entité publique fait partie des règles visées à cet article 8, du moins pour autant que ladite interdiction porte sur l’exercice concomitant de la profession d’avocat et d’un emploi auprès d’une entreprise publique. Au demeurant, le fait que cette réglementation puisse être considérée comme stricte n’est pas en soi critiquable. En effet, l’absence de conflit d’intérêts est indispensable à l’exercice de la profession d’avocat et implique, notamment, que les avocats se trouvent dans une situation d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et des autres opérateurs dont il convient qu’ils ne subissent aucune influence. Il convient, certes, que les règles fixées à cet égard n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de prévention de conflits d’intérêts. Enfin, ledit article 8 implique que les règles de l’État membre d’accueil soient appliquées à l’ensemble des avocats inscrits dans cet État membre, qu’ils le soient sous le titre professionnel obtenu dans celui-ci ou sous celui obtenu dans un autre État membre.
Arrêt du 2 décembre 2010, Jakubowska (C-225/09, Rec._p._I-12329) (cf. points 59-62, 64, disp. 2)
14. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Restrictions relatives à la participation au capital des sociétés - Réglementation nationale interdisant à un non-biologiste de détenir plus de 25% des parts sociales d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée exploitant des laboratoires d'analyses de biologie médicale - Justification - Protection de la santé publique - Admissibilité
Des dispositions nationales interdisant à un non-biologiste de détenir plus de 25 % des parts sociales et donc des droits de vote d’une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) exploitant des laboratoires d’analyses de biologie médicale, limitent la possibilité pour des personnes physiques ou morales n’ayant pas la qualité de biologiste, établies dans d’autres États membres, de participer au capital social d’une telle société. En outre, ces dispositions découragent, voire empêchent, l’établissement dans l'État membre en cause, sous forme de Selarl, d’opérateurs économiques établis dans d’autres États membres dans lesquels ils exploitent des laboratoires qui ne satisfont pas aux critères de répartition du capital requis par lesdites dispositions. Ces dernières ont ainsi pour effet de gêner et de rendre moins attrayant l’exercice, par lesdits opérateurs, de leurs activités sur le territoire dudit État membre au moyen d’un établissement stable, ainsi que d’affecter l’accès de ces derniers au marché des analyses de biologie médicale.
Toutefois, la protection de la santé publique figure parmi les raisons pouvant justifier des restrictions aux libertés de circulation garanties par le traité, telles que la liberté d’établissement. Dans ce contexte, l'objectif consistant à maintenir la qualité des services médicaux peut relever de l'une des dérogations prévues à l'article 46 CE, dans la mesure où il contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé.
Compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de déterminer le niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique, ces derniers peuvent exiger que les analyses de biologie médicale soient exécutées par des biologistes jouissant d’une indépendance professionnelle réelle. Ils peuvent également prendre des mesures susceptibles d’éliminer ou de réduire un risque d’atteinte à cette indépendance dès lors qu’une telle atteinte serait de nature à affecter la santé publique et la qualité des services médicaux. Un État membre peut également estimer, dans le cadre de sa marge d'appréciation, que la détention par des non-biologistes de plus de 25 % des parts sociales et des droits de vote d’une Selarl exploitant des laboratoires d'analyses de biologie médicale peut représenter un risque pour la santé publique, en particulier pour la qualité des services médicaux.
N'étant pas établi qu'une mesure moins restrictive de la liberté garantie par l'article 43 CE, autre que l'interdiction pour un non-biologiste de détenir plus de 25 % des parts sociales et des droits de vote d'une telle société, permettrait d’assurer, de manière aussi efficace, le niveau de protection de la santé publique recherché, de telles dispositions nationales sont propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.
Par ailleurs, de telles dispositions apparaissent également proportionnées à l’objectif poursuivi, étant donné que, tout en assurant que les biologistes conservent leur indépendance dans l’exercice de leur pouvoir de décision, elles permettent une certaine ouverture des Selarl exploitant des laboratoires d’analyses de biologie médicale aux capitaux extérieurs dans la limite de 25 % du capital social de celles-ci.
15. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Restrictions relatives à la participation au capital des sociétés - Réglementation nationale interdisant à un biologiste de participer au capital de plus de deux sociétés constituées en vue de l'exploitation en commun d'un ou de plusieurs laboratoires d'analyses de biologie médicale - Inadmissibilité
Une disposition nationale interdisant aux biologistes de détenir une participation dans plus de deux sociétés constituées en vue de l’exploitation en commun d’un ou de plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale a pour effet de gêner et de rendre moins attrayant l'exercice de leur liberté d'établisement et constitue une restriction à la liberté d'établissement au sens de l'article 43 CE.
Arrêt du 16 décembre 2010, Commission / France (C-89/09, Rec._p._I-12941) (cf. points 98-100)
16. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale exigeant une autorisation administrative préalable pour l'ouverture et le transfert de pharmacies dans une région déterminée - Conditions d'octroi liées à la densité démographique et à la distance minimale entre les pharmacies - Admissibilité - Conditions - Vérification par le juge national - Réglementation empêchant, dans des zones à densité démographique particulière, la création d'un nombre suffisant de pharmacies - Inadmissibilité
Ordonnance du 17 décembre 2010, Polisseni (C-217/09, Rec._p._I-175*) (cf. points 33-34, disp. 1-2)
17. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans - Directive 89/48 - Notion de "diplôme" - Titre délivré dans l'État membre d'accueil et sanctionnant un cycle d'études postsecondaires de plus de trois ans - Titre complété par un second titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et habilitant son titulaire à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d'avocat - Inclusion
En vue d’accéder, sous réserve de subir avec succès une épreuve d’aptitude, à la profession réglementée d’avocat dans l’État membre d’accueil, les dispositions de la directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, peuvent être invoquées par le titulaire d’un titre délivré dans cet État membre et sanctionnant un cycle d’études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d’un titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l’habilitant à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d’avocat qu’il exerçait effectivement dans celui-ci à la date à laquelle il a demandé à être autorisé à présenter l’épreuve d’aptitude.
En effet, une telle personne est bien titulaire d’un "diplôme" au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 89/48 modifiée. En particulier, le titre obtenu dans l'autre État membre dont se prévaut ledit titulaire atteste de l’acquisition par ce dernier d’une qualification supplémentaire par rapport à celle obtenue dans l'État membre d'accueil. Dès lors, s’il est vrai qu’un titre attestant de qualifications professionnelles ne peut être assimilé à un "diplôme" au sens de la directive 89/48 modifiée sans qu’il existe une acquisition, en tout ou en partie, de qualifications dans le cadre du système éducatif de l’État membre de délivrance de ce titre, tel n’est pas le cas du titre concerné. En outre, la circonstance que ce titre n’atteste pas d’une formation professionnelle de trois ans suivie dans l'autre État membre est dépourvue de pertinence à cet égard, dès lors que l’article 1er, sous a), premier alinéa, de ladite directive n’exige pas que le cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans, ou d’une durée équivalente à temps partiel, soit effectué dans un État membre autre que l’État membre d’accueil.
Arrêt du 22 décembre 2010, Koller (C-118/09, Rec._p._I-13627) (cf. points 32-36, disp. 1)
18. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans - Directive 89/48 - Épreuve d'aptitude - Possession d'un diplôme donnant accès à la profession réglementée d'avocat dans un État membre - Absence de preuve de l'accomplissement du stage pratique exigé par l'État membre d'accueil - Refus, par les autorités compétentes de cet État membre, de l'autorisation de présenter l'épreuve d'aptitude à la profession d'avocat - Inadmissibilité
La directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les autorités compétentes de l’État membre d’accueil refusent au titulaire d’un titre délivré dans cet État membre et sanctionnant un cycle d’études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d’un titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l’habilitant à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d’avocat qu’il exerçait effectivement dans celui-ci, l’autorisation de présenter une épreuve d’aptitude à la profession d’avocat en l’absence de preuve de l’accomplissement du stage pratique exigé par la réglementation de l'État membre d'accueil.
Arrêt du 22 décembre 2010, Koller (C-118/09, Rec._p._I-13627) (cf. points 36, 41, disp. 2)
19. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale soumettant l'exploitation d'une ligne urbaine de transport public de personnes par autobus à l'obtention d'une autorisation préalable - Obligation pour les opérateurs économiques demandeurs établis dans d'autres États membres de disposer d'un siège ou d'un autre établissement sur le territoire de cet État membre avant même l'octroi d'une telle autorisation - Inadmissibilité - Obligation pour ces mêmes opérateurs économiques de disposer d'un tel établissement après l'octroi de l'autorisation et avant le début de l'exploitation - Admissibilité
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, qui, aux fins de l’octroi d’une autorisation d’exploitation d’une ligne urbaine de transport public de personnes par autobus desservant régulièrement des arrêts déterminés suivant un horaire préétabli, requiert que les opérateurs économiques demandeurs, établis dans d’autres États membres, disposent d’un siège ou d’un autre établissement sur le territoire de cet État membre avant même que l’autorisation d’exploitation de cette ligne ne leur soit accordée.
En effet, un opérateur économique normalement prudent ne serait pas disposé à procéder à des investissements, éventuellement importants, dans l’incertitude complète quant à l’obtention d’une telle autorisation. En outre, la restriction qu’engendre une telle exigence n’apparaît aucunement justifiée au regard des objectifs tenant à la nécessité d’assurer l’égalité des conditions de concurrence dans l’exploitation de lignes d’autobus et de garantir le respect du droit social et du droit du travail en vigueur dans l'État membre concerné.
En revanche, l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant une exigence d’établissement, lorsque celle-ci est requise après l’octroi de l'autorisation d'exploitation précitée et avant que le demandeur n’entame l’exploitation de la ligne de transport public concernée.
20. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale soumettant l'exploitation d'une ligne urbaine de transport public de personnes par autobus à l'obtention d'une autorisation préalable - Refus d'octroi d'une autorisation en raison de la diminution de la rentabilité économique d'une société concurrente déjà titulaire d'une telle autorisation, sur la base des seules affirmations de cette entreprise - Inadmissibilité - Justification - Absence
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant le refus de l’octroi d’une autorisation aux fins de l’exploitation d’une ligne d’autobus touristique, en raison de la diminution de la rentabilité d’une entreprise concurrente titulaire d’une autorisation d’exploitation concernant une ligne en tout ou en partie identique à celle sollicitée, et ce sur le fondement des seules affirmations de cette entreprise concurrente.
En effet, une telle réglementation nationale constitue, en principe, une restriction à la liberté d’établissement, au sens de l’article 49 TFUE, en ce qu’elle tend à limiter le nombre de prestataires de services, nonobstant l’absence alléguée de discrimination tenant à la nationalité des professionnels concernés.
Une telle réglementation ne peut être justifiée par l’objectif de garantir la rentabilité d’une ligne d’autobus concurrente dès lors qu'un tel objectif, en tant que motif de nature purement économique, ne peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité. En outre, pour l’examen de la proportionnalité, un régime d’autorisation administrative préalable ne saurait légitimer un comportement discrétionnaire de la part des autorités nationales, de nature à priver les dispositions de l’Union, notamment celles relatives à une liberté fondamentale telle que la liberté d'établissement, de leur effet utile. Aussi, pour qu’un régime d’autorisation préalable soit justifié alors même qu’il déroge à une telle liberté fondamentale, il doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui assurent qu’il soit propre à encadrer suffisamment l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales. Dès lors, si la réglementation nationale est interprétée en ce sens que l’appréciation d’une demande d’autorisation est effectuée par l’administration nationale compétente sur la base des seules affirmations du titulaire d’une autorisation relatives à la rentabilité de son exploitation, et ce bien que cette entreprise soit un concurrent potentiel direct de l’entreprise qui sollicite l’octroi d’une nouvelle autorisation, cette modalité d’appréciation est contraire aux règles de l’Union, car susceptible de porter atteinte à l’objectivité et à l’impartialité du traitement de la demande d’autorisation concernée.
21. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Avocats - Exercice permanent de la profession dans un État membre autre que celui d'acquisition de la qualification - Directive 98/5 - Exercice de la profession sous le titre d'avocat de l'État membre d'accueil - Conditions - Exclusion, par la directive 98/5, de tout recours aux voies d'accès à la profession prévues par la directive 89/48 - Absence
La directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, et la directive 98/5, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, se complètent en instaurant pour les avocats des États membres deux voies d'accès à la profession d'avocat dans un État membre d'accueil sous le titre professionnel de ce dernier.
En effet, si, dans le cadre des modalités d'accès à l'exercice de la profession d'avocat sous le titre de l'État membre d'accueil, un avocat qualifié d'un autre État membre est dispensé des conditions visées à l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/48, toutefois, la directive 98/5 ne prive pas un tel avocat, notamment lorsqu'il ne justifie pas encore d'une activité effective et régulière d'une durée d'au moins trois ans dans l'État membre d'accueil, de la possibilité de prétendre à l'accès à la profession d'avocat sous le titre de cet État membre en invoquant la directive 89/48.
Arrêt du 3 février 2011, Ebert (C-359/09, Rec._p._I-269) (cf. points 32, 35, disp. 2)
22. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans - Directive 89/48 - Avocats - Exercice permanent de la profession dans un État membre autre que celui d'acquisition de la qualification - Directive 98/5 - Exercice de la profession sous le titre d'avocat de l'État membre d'accueil - Conditions - Obligation d'être membre de l'ordre des avocats - Admissibilité
Ni la directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, ni la directive 98/5, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, ne s'opposent à une réglementation nationale instituant, pour exercer l'activité d'avocat sous le titre d'avocat de l'État membre d'accueil, l'obligation d'être membre d'une entité telle qu'un ordre des avocats.
Arrêt du 3 février 2011, Ebert (C-359/09, Rec._p._I-269) (cf. point 42, disp. 1)
23. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Notion de profession réglementée - Experts judiciaires traducteurs inscrits sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation française - Exclusion
Les missions des experts judiciaires traducteurs prestées par des experts inscrits sur une liste telle que la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation française ne relèvent pas de la notion de "profession réglementée" au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, dès lors que les dispositions régissant l'inscription sur cette liste ont pour seul objet de faciliter le recours à des professionnels, membres ou non de professions réglementées, et non d’organiser la reconnaissance d’une qualification déterminée, compétence qui n’appartient ni aux cours d’appel ni au bureau de la Cour de cassation, et que, au surplus, ces juridictions peuvent légalement avoir recours à des experts qui ne figurent pas sur lesdites listes.
24. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale imposant aux avocats l'obligation de respecter des tarifs maximaux pour la détermination de leurs honoraires - Admissibilité
Ne manque pas aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 49 CE un État membre dont la réglementation impose aux avocats l’obligation de respecter des tarifs maximaux pour la détermination de leurs honoraires, dès lors qu'une telle réglementation n'est pas conçue d’une manière qui porte atteinte à l’accès, dans des conditions de concurrence normales et efficaces, au marché des services des avocats. Il en est ainsi pour un régime qui est caractérisé par une flexibilité permettant une rémunération correcte de tout type de prestations fournies par les avocats étant donné qu'il est possible de dépasser, dans certaines conditions, les limites maximales du montant des honoraires en les portant au double ou au quadruple ou même au-delà. Aussi, dans plusieurs situations, il est loisible aux avocats de conclure un accord spécial avec leur client pour fixer le montant des honoraires.
En effet, la réglementation d'un État membre ne constitue pas une restriction au sens du traité CE du seul fait que d'autres États membres appliquent des règles moins strictes ou économiquement plus intéressantes aux prestataires de services similaires établis sur leur territoire. L'existence d'une restriction au sens du traité ne saurait donc être déduite du seul fait que les avocats établis dans des États membres autres que l'État membre d'accueil doivent, pour le calcul de leurs honoraires pour les prestations fournies dans l'État membre d'accueil, s'habituer aux règles applicables dans ce dernier État membre mais doit être fondée sur le fait qu'un tel régime entrave l'accès des avocats provenant d'autres États membres au marché de l'État membre d'accueil.
Arrêt du 29 mars 2011, Commission / Italie (C-565/08, Rec._p._I-2101) (cf. points 49-50, 53-54)
25. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans - Directive 89/48 - Accès à une profession réglementée ou exercice de celle-ci dans les mêmes conditions que les nationaux - Professions assimilées aux professions réglementées - Application du mécanisme de reconnaissance prévu à l'article 3, premier alinéa, sous b), de la directive, indépendamment de l'affiliation ou non de l'intéressé à une association ou à une organisation professionnelle reconnue
L’article 3, premier alinéa, sous b), de la directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, doit être interprété en ce sens que le mécanisme de reconnaissance qu’il prévoit est applicable lorsque, dans l’État membre d’origine, la profession en cause relève de l’article 1er, sous d), deuxième alinéa, de la même directive, indépendamment du point de savoir si l’intéressé est membre ou non à part entière de l’association ou de l’organisation concernée.
26. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans - Directive 89/48 - Accès à une profession réglementée ou exercice de celle-ci dans les mêmes conditions que les nationaux - Professions assimilées aux professions réglementées - Accès fondé sur une expérience professionnelle - Conditions
Pour pouvoir être prise en compte aux fins de l’article 3, premier alinéa, sous b), de la directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, l’expérience professionnelle dont justifie l’auteur d’une demande tendant à obtenir l’autorisation d’exercer une profession réglementée dans l’État membre d’accueil doit répondre aux trois conditions suivantes:
- l’expérience invoquée doit consister en un travail à temps plein pendant au moins deux ans au cours des dix années précédentes;
- ce travail doit avoir consisté en l’exercice constant et régulier d’un ensemble d’activités professionnelles qui caractérisent la profession concernée dans l’État membre d’origine, sans qu’il soit nécessaire que ce travail ait couvert la totalité de ces activités, et
- la profession, telle que normalement exercée dans l’État membre d’origine, doit être équivalente, en ce qui concerne les activités qu’elle recouvre, à celle pour l’exercice de laquelle une autorisation a été sollicitée dans l’État membre d’accueil.
27. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Activités de notaire - Exclusion - Condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire - Inadmissibilité
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.
En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.
D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus si l'acte sous seing privé a, conformément à la loi de l'État membre concerné, la même foi que l'acte authentique.
Il en va de même d'autres activités confiées au notaire, telles les saisies-exécutions immobilières, certaines ventes d'immeubles, les activités en matière d’inventaire de successions, de communautés ou d’indivisions, en matière d’apposition et de levée des scellés, ainsi qu'en matière de partage judiciaire, la procédure d’ordre faisant suite à une vente publique, les actes tels que les donations entre vifs, les testaments et les contrats de mariage ou de cohabitation légale ainsi que les actes de constitution des sociétés, des associations et des fondations et, enfin, les missions de collecte de l’impôt.
Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, les notaires sont directement et personnellement responsables, à l’égard de leurs clients, des dommages résultant de toute faute commise dans l’exercice de leurs activités.
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.
En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.
D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus si l'acte sous seing privé a, conformément à la loi de l'État membre concerné, la même foi que l'acte authentique.
Il en va de même des actes, tels que les libéralités-partages, les contrats de mariage, les constitutions d’hypothèques, les ventes en état futur d’achèvement et les baux ruraux cessibles, qui doivent être conclus par acte notarié sous peine de nullité, actes dans lesquels la volonté des parties est prépondérante et la poursuite d'un intérêt général ne saurait suffire pour que ces activités soient considérées comme participant directement et spécifiquement à l'exercice de l'autorité publique. En ce qui concerne les missions de collecte d’impôts, dont est chargé le notaire, celles-ci ne sauraient être considérées en elles-mêmes comme constituant une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique. Cette collecte est réalisée par le notaire pour le compte du débiteur, est suivie d’une remise des sommes correspondantes au service compétent de l’État et, ainsi, n’est pas fondamentalement différente de celle afférente à la taxe sur la valeur ajoutée.
Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, les notaires sont directement et personnellement responsables, à l’égard de leurs clients, des dommages résultant de toute faute commise dans l’exercice de leurs activités.
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.
En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.
D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus si l'acte sous seing privé a, conformément à la loi de l'État membre concerné, la même foi que l'acte authentique.
Il en va de même d'autres activités confiées au notaire, telles les saisies immobilières, certaines ventes d'immeubles, les activités en matière d’inventaire de successions, de communautés ou d’indivisions, en matière d’apposition et de levée des scellés, ainsi qu'en matière de partage judiciaire, la transcription des actes authentiques translatifs de droits réels immobiliers et les missions de collecte de l’impôt.
Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, les notaires sont directement et personnellement responsables, à l’égard de leurs clients, des dommages résultant de toute faute commise dans l’exercice de leurs activités.
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.
En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.
D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus que l’acte notarié ne lie pas inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, celui-ci prenant sa décision d’après son intime conviction.
Ne sauraient pas davantage être considérées comme participant directement et spécifiquement à l'exercice de l'autorité publique d'autres activités confiées au notaire, comme la rédaction de certains actes sous seing privé et la représentation des parties dans des cas bien définis ainsi que certaines tâches en matière de droit successoral, telles que, notamment, la constatation du décès, l’établissement de l’inventaire de la succession, l’identification des héritiers, la sauvegarde de l’héritage et l’adoption de mesures conservatoires à cette fin, tâches qui sont accomplies sous la surveillance du juge. Il en va de même d'autres tâches confiées au notaire, telles que, notamment, l’estimation et la mise en vente de biens mobiliers et immobiliers, l’établissement des inventaires ainsi que le règlement de partages amiables de patrimoines, ces tâches étant également exercées sous la surveillance du juge.
Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, en dehors d'une hypothèse particulière, le notaire est seul responsable des actes accomplis dans le cadre de son activité professionnelle.
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.
En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.
D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus que l’acte notarié ne lie pas inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, celui-ci prenant sa décision d’après son intime conviction.
Ces considérations s’appliquent, mutatis mutandis, aux actes devant être conclus par acte notarié sous peine de nullité, tels que, notamment, les contrats portant sur l’acquisition et le transfert du droit de propriété sur un terrain et sur le transfert d’un patrimoine actuel, les promesses de donation, les contrats de mariage, les pactes sur succession future ainsi que les contrats de renonciation à une succession ou à la réserve héréditaire ainsi qu'en ce qui concerne l’intervention du notaire en matière de droit des sociétés.
Un État membre ne saurait non plus invoquer, à cet égard, la compétence, conférée aux notaires dans un Land déterminé, pour authentifier les actes établissant un partenariat enregistré entre personnes du même sexe, dès lors qu'un tel partenariat doit, en outre, pour produire ses effets, être inscrit au registre de l’état civil par les soins de l’office de l’état civil, lequel est par ailleurs chargé de l’administration dudit registre.
Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, le notaire est seul responsable des actes accomplis dans le cadre de son activité professionnelle.
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.
En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.
D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus que l’acte notarié ne lie pas inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, celui-ci prenant sa décision d’après son intime conviction.
Il en va de même d'autres activités confiées au notaire, telles les missions confiées dans le cadre de l’exécution forcée, lors de laquelle il est chargé principalement d’effectuer la vente aux enchères et, en cas d’adjudication, de dresser le cahier des charges, les activités exercées dans le cadre de la liquidation spéciale d’entreprises en difficulté, l’intervention en cas de non-acceptation ou de non-paiement de traites ou de chèques, les transactions et les actes, tels que la constitution et le transfert de droits réels sur des immeubles, la donation d’immeubles, la reconnaissance volontaire de paternité et le legs, les actes de constitution des sociétés et des fondations.
Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, les notaires sont directement et personnellement responsables, à l’égard de leurs clients, des dommages résultant de toute faute commise dans l’exercice de leurs activités.
28. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Assurance-protection juridique - Directive 87/344 - Droit du preneur d'assurance de choisir librement son représentant légal - Portée - Réglementation nationale autorisant des clauses de limitation du remboursement des frais de représentation - Admissibilité - Condition
L’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale en vertu de laquelle il peut être convenu que l’assuré en protection juridique ne peut choisir, pour la représentation de ses intérêts dans les procédures administratives ou judiciaires, qu’une personne professionnellement habilitée à cet effet, qui a son cabinet au lieu du siège de la juridiction ou de l’administration compétente en première instance, pour autant, afin de ne pas vider de sa substance la liberté du choix, par l’assuré, de la personne mandatée pour le représenter, que cette limitation ne concerne que l’étendue de la couverture, par l’assureur de la protection juridique, des frais liés à l’intervention d’un représentant et que l’indemnisation effectivement payée par cet assureur soit suffisante, ce qu’il revient à la juridiction nationale de vérifier.
Arrêt du 26 mai 2011, Stark (C-293/10, Rec._p._I-4711) (cf. point 36 et disp.)
29. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale ne faisant pas la distinction entre le libre établissement et la libre prestation de services pour les sociétés d'intermédiation immobilière et les agents immobiliers - Obligation imposée aux sociétés d'intermédiation immobilière et aux agents immobiliers établis dans un autre État membre de créer une agence immobilière dans l'État membre concerné afin de pouvoir y exercer leur activité - Inadmissibilité - Justification - Absence
30. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe autre que sur la vie - Directive 73/239 - Obligation pour les entreprises d'assurances d'obtenir un agrément - Exemption de certaines entreprises - Interprétation restrictive
Arrêt du 29 septembre 2011, Commission / Irlande (C-82/10, Rec._p._I-140*) (cf. points 42-44, 47-48)
31. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale imposant aux prestataires de services postaux ne relevant pas du service universel de mettre en place une procédure externe de traitement des réclamations des utilisateurs - Admissibilité
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui rend obligatoire pour les prestataires de services postaux ne relevant pas du service universel une procédure externe de traitement des réclamations des utilisateurs de ces services.
En effet, une telle réglementation ne comporte aucune restriction à la liberté d'établissement. D'abord, elle est appliquée, sans distinction tenant à la nationalité, à tout prestataire de services postaux ne relevant pas du service universel. Ensuite, les opérateurs ne sauraient prétendre à ce qu'un État membre n'ait pas de structures de protection juridique des intérêts de leurs clients qui offrent des modes de résolution extrajudiciaire des litiges. Enfin, la quasi-totalité des États membres a également étendu les systèmes externes de traitement des réclamations aux prestataires de services postaux ne relevant pas du service universel.
32. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Refus de concession ou d'autorisation en violation du droit de l'Union - Attribution de nouvelles concessions pour y remédier - Obligation pour les nouveaux opérateurs de respecter des distances minimales d'implantation - Inadmissibilité - Justification tenant à l'intérêt général - Conditions - Vérification par les juridictions nationales
Les articles 43 CE et 49 CE ainsi que les principes d’égalité de traitement et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre qui a, en violation du droit de l’Union, exclu une catégorie d’opérateurs de l’attribution de concessions pour l’exercice d’une activité économique, et qui cherche à remédier à cette violation en mettant en concours un nombre important de nouvelles concessions, protège les positions commerciales acquises par les opérateurs existants en prévoyant notamment des distances minimales entre les implantations des nouveaux concessionnaires et celles des opérateurs existants.
Un régime de distance minimale entre points de vente ne peut être justifié que si de telles règles, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier, n’ont pas pour véritable objectif de protéger les positions commerciales des opérateurs existants plutôt que celui de canaliser la demande pour les jeux de hasard dans des circuits contrôlés. Par ailleurs, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que l’obligation de respecter des distances minimales, qui empêche l’implantation de points de vente additionnels dans des zones fortement fréquentées par le public, est vraiment de nature à atteindre l’objectif invoqué et a effectivement pour conséquence que les nouveaux opérateurs choisiront de s’établir à des endroits peu fréquentés et assureront ainsi une couverture nationale.
Arrêt du 16 février 2012, Costa et Cifone (C-72/10 et C-77/10) (cf. points 65-66, disp. 1)
33. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation de police - Exclusion d'un opérateur d'un appel d'offres visant à l'attribution d'une telle concession, en violation du droit de l'Union - Application de sanctions pénales à des personnes liées à un tel opérateur, agissant sans autorisation de police - Inadmissibilité faute d'avoir remédié de manière effective à l'exclusion illégale de cet opérateur d'un appel d'offres antérieur
Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que des sanctions soient appliquées pour l’exercice d’une activité organisée de collecte de paris sans concession ou sans autorisation de police à des personnes liées à un opérateur qui avait été exclu d’un appel d’offres en violation du droit de l’Union, même après le nouvel appel d’offres destiné à remédier à cette violation du droit de l’Union, dans la mesure où cet appel d’offres et l’attribution conséquente de nouvelles concessions n’ont pas effectivement remédié à l’exclusion illégale dudit opérateur de l’appel d’offres antérieur.
Tel est le cas lorsque des procédures pénales engagées à l’encontre d’un opérateur, qui se sont révélées ultérieurement dénuées de fondement légal, étaient pendantes au moment de l’appel d’offres destiné à rémedier aux défaillances du premier appel d'offres, de façon à rendre pratiquement impossible la participation de cet opérateur au second appel d'offres sous peine de se voir immédiatement déchu de sa concession. En effet, s'il peut, sous certaines conditions, s’avérer justifié de prendre des mesures préventives à l’encontre d’un opérateur de jeux de hasard soupçonné, sur le fondement d’indices probants, d’être impliqué dans des activités criminelles, une exclusion du marché par la déchéance de la concession devrait, en principe, être considérée comme proportionnée à l’objectif de lutte contre la criminalité uniquement si elle est fondée sur un jugement ayant autorité de chose jugée et concernant un délit suffisamment grave. Par ailleurs, une réglementation nationale prévoyant, même de façon temporaire, l’exclusion d’opérateurs du marché pourrait être considérée comme proportionnée uniquement à condition de prévoir un recours en justice efficace ainsi qu’un dédommagement du préjudice subi au cas où, par la suite, cette exclusion se révélerait injustifiée.
Arrêt du 16 février 2012, Costa et Cifone (C-72/10 et C-77/10) (cf. points 81, 84, 91 et disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Ferazzoli e.a. (C-164/10 à C-176/10) (cf. point 9, disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Sacchi (C-255/10) (cf. point 8, disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Minesi (C-279/10) (cf. point 8, disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Pulignani e.a. (C-413/10) (cf. point 13, disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Russo (C-501/10) (cf. point 8, disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Rizzo (C-107/11) (cf. point 8, disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Arrichiello (C-368/11) (cf. point 8, disp. 2)
Ordonnance du 16 février 2012, Veneruso (C-612/11) (cf. point 8, disp. 2)
34. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Conditions de déchéance de concessions octroyées au terme d'un appel d'offres - Obligation de formulation claire, précise et univoque de ces conditions et respect des principes d'égalité de traitement et de sécurité juridique
Il découle des articles 43 CE et 49 CE, du principe d’égalité de traitement, de l’obligation de transparence ainsi que du principe de sécurité juridique que les conditions et les modalités d’un appel d’offres relatif aux jeux de hasard autres que les courses de chevaux, et notamment les dispositions prévoyant la déchéance de concessions octroyées au terme d’un tel appel d’offres, doivent être formulées de manière claire, précise et univoque, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Arrêt du 16 février 2012, Costa et Cifone (C-72/10 et C-77/10) (cf. points 89, 92, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Ferazzoli e.a. (C-164/10 à C-176/10) (cf. point 10, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Sacchi (C-255/10) (cf. point 9, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Minesi (C-279/10) (cf. point 9, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Pulignani e.a. (C-413/10) (cf. point 14, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Russo (C-501/10) (cf. point 9, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Rizzo (C-107/11) (cf. point 9, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Arrichiello (C-368/11) (cf. point 9, disp. 3)
Ordonnance du 16 février 2012, Veneruso (C-612/11) (cf. point 9, disp. 3)
35. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Refus de concession ou d'autorisation en violation du droit de l'Union - Attribution de nouvelles concessions pour y remédier - Obligation pour les nouveaux opérateurs de respecter des distances minimales d'implantation - Inadmissibilité
Ordonnance du 16 février 2012, Ferazzoli e.a. (C-164/10 à C-176/10) (cf. point 8, disp. 1)
Ordonnance du 16 février 2012, Sacchi (C-255/10) (cf. point 7, disp. 1)
Ordonnance du 16 février 2012, Minesi (C-279/10) (cf. point 7, disp. 1)
Ordonnance du 16 février 2012, Pulignani e.a. (C-413/10) (cf. point 12, disp. 1)
Ordonnance du 16 février 2012, Russo (C-501/10) (cf. point 7, disp. 1)
Ordonnance du 16 février 2012, Rizzo (C-107/11) (cf. point 7, disp. 1)
Ordonnance du 16 février 2012, Arrichiello (C-368/11) (cf. point 7, disp. 1)
Ordonnance du 16 février 2012, Veneruso (C-612/11) (cf. point 7, disp. 1)
36. Liberté d'établissement - Dispositions du traité - Champ d'application - Législation nationale excluant, aux fins du calcul des droits de succession, l'application de certains avantages fiscaux à un héritage sous forme de participation dans une société de capitaux établie dans un État tiers - Invocabilité des articles 49 TFUE et suivants - Absence - Inapplicabilité des dispositions régissant la libre circulation des capitaux
La législation d’un État membre qui exclut, aux fins du calcul des droits de succession, l’application de certains avantages fiscaux à un héritage sous forme de participation dans une société de capitaux établie dans un État tiers, alors qu’elle confère les mêmes avantages en cas d’héritage d’une telle participation lorsque le siège de la société est situé dans un État membre, affecte de manière prépondérante l’exercice de la liberté d’établissement au sens des articles 49 TFUE et suivants, dès lors que cette participation permet à son détenteur d’exercer une influence certaine sur les décisions de ladite société et d’en déterminer les activités. À supposer qu’une telle mesure nationale ait des effets restrictifs sur la libre circulation des capitaux, de tels effets seraient à considérer comme la conséquence inéluctable d’une éventuelle entrave à la liberté d’établissement et ne justifient pas un examen de ladite mesure au regard des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.
Toutefois, les articles 49 TFUE et suivants n’ont pas vocation à s’appliquer dans une situation concernant la participation détenue dans une société dont le siège se trouve dans un État tiers. En effet, le chapitre du traité relatif à la liberté d’établissement ne comporte aucune disposition qui étende le champ d’application de ses dispositions à une telle situation.
Arrêt du 19 juillet 2012, Scheunemann (C-31/11) (cf. points 30, 33-35 et disp.)
37. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale octroyant un régime d'exclusivité pour l'organisation de ces jeux à un opérateur unique soumis à un contrôle étatique - Inadmissibilité - Justification - Raisons impérieuses d'intérêt général - Objectif de limitation de l'offre de jeux de hasard et de lutte contre la criminalité - Obligation de satisfaire aux conditions de proportionnalité et de non-discrimination - Appréciation par la juridiction nationale
Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui octroie le droit exclusif d’administrer, de gérer, d’organiser et d’exploiter des jeux de hasard à un organisme unique, lorsque, d’une part, cette réglementation ne répond pas véritablement au souci de réduire les occasions de jeu et de limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente et systématique et, d’autre part, lorsqu’un contrôle strict par les autorités publiques de l’expansion du secteur de jeux de hasard, dans la seule mesure nécessaire à la lutte contre la criminalité liée à ces jeux, n’est pas assuré, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
38. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale octroyant un régime d'exclusivité pour l'organisation de ces jeux à un opérateur unique soumis à un contrôle étatique - Inadmissibilité - Possibilité, pour l'administration nationale, de s'abstenir, à titre transitoire, d'examiner des demandes d'autorisation dans le secteur des jeux de hasard - Absence
En cas d’incompatibilité d'une réglementation nationale en matière d’organisation de jeux de hasard avec les dispositions du traité relatives à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement, les autorités nationales ne peuvent pas s’abstenir, durant une période transitoire, d’examiner des demandes concernant l’octroi d’autorisations dans le secteur des jeux de hasard.
39. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale octroyant un régime d'exclusivité pour l'organisation de ces jeux à un opérateur unique soumis à un contrôle étatique - Inadmissibilité - Refus d'octroi à l'administration nationale concernée d'une période transitoire afin de ne pas examiner, à titre transitoire, des demandes d'autorisation dans ce secteur - Conditions d'octroi des autorisations d'organisation de jeux de hasard en présence de telles demandes - Respect des règles fondamentales des traités et des principes d'égalité de traitement et de transparence
En cas d’incompatibilité d'une réglementation nationale avec les articles 43 CE et 49 CE, le refus d’octroi à l'administration nationale concernée d’une période transitoire afin de ne pas examiner, à titre transitoire, des demandes concernant l’octroi d’autorisations dans le secteur des jeux de hasard n’entraîne pas nécessairement l’obligation de l’État membre concerné de libéraliser le marché des jeux de hasard s’il devait estimer qu’une telle libéralisation n’est pas compatible avec le niveau de protection des consommateurs et de l’ordre social que cet État membre entend assurer. En effet, en l’état actuel du droit de l’Union, une réforme du monopole existant afin de le rendre compatible avec les dispositions du traité, en le soumettant notamment à un contrôle effectif et strict de la part des autorités publiques, reste ouverte aux États membres.
En tout état de cause, si l’État membre concerné devait estimer qu’une réforme du monopole existant, afin de le rendre compatible avec les dispositions du traité, n’est pas envisageable et que la libéralisation du marché des jeux de hasard répond mieux au niveau de protection des consommateurs et de l’ordre social qu’il entend assurer, il sera tenu de respecter les règles fondamentales des traités, notamment les articles 43 CE et 49 CE, les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité ainsi que l’obligation de transparence qui en découle. Dans un tel cas, l’introduction dans cet État membre d’un régime d’autorisation administrative préalable en ce qui concerne l’offre de certains types de jeux de hasard doit être fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales afin que celui-ci ne puisse être utilisé de manière arbitraire.
40. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directive 2002/83 - Régime fiscal applicable - État membre de l'engagement - Notion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 février 2013, RVS Levensverzekeringen (C-243/11) (cf. points 38-40)
41. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directive 2002/83 - Taxes sur les primes - Taxation dans l'État membre de l'engagement - Preneur d'assurance ayant transféré sa résidence habituelle dans un autre État membre que celui de la conclusion du contrat - Perception de la taxe par l'État membre de la résidence habituelle de l'assuré - Admissibilité
L’article 50 de la directive 2002/83, concernant l’assurance directe sur la vie, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre perçoive une taxe indirecte sur les primes d’assurance sur la vie payées par des preneurs personnes physiques ayant leur résidence habituelle dans cet État membre, lorsque les contrats d’assurance concernés ont été souscrits dans un autre État membre dans lequel lesdits preneurs avaient, à la date de la souscription, leur résidence habituelle.
Une interprétation "dynamique" de la notion d'État membre de l'engagement, visée à l’article 50, paragraphe 1, de la directive 2002/83, permet, en effet, de mieux atteindre les objectifs de la prévention de la double imposition et des distorsions de la concurrence, poursuivis par cette directive, tout en étant compatible avec l’objectif général de celle-ci relatif à l’achèvement du marché intérieur dans le secteur de l’assurance directe sur la vie, notamment, sous l’aspect de la libre prestation des services.
Tout d'abord, en prévoyant que tout contrat d'assurance est exclusivement soumis aux impôts indirects et aux taxes parafiscales grevant les primes d'assurance dans l'État membre de l'engagement, ledit article 50, paragraphe 1, a pour objet d'attribuer la compétence pour imposer les primes d'assurance sur la vie à un seul État membre, afin d'éliminer ainsi les doubles impositions de telles primes. À cet égard, rien n'indique que cette attribution doit demeurer inchangée pendant toute la durée du contrat. Lorsqu’il s’agit d’impôts indirects grevant les primes d’assurance, le fait générateur de l’imposition est non pas la conclusion du contrat d’assurance, mais bien le versement des primes d’assurance. Il s’ensuit que l’État membre compétent pour imposer les primes d’assurance devrait être l’État membre avec le territoire duquel le preneur présente un lien à la date du paiement de ces primes sous forme de résidence habituelle.
Ensuite, en rattachant la compétence pour imposer les primes d'assurance à la résidence habituelle du preneur, la directive 2002/83 vise à garantir que l'offre des contrats d'assurance sur la vie accessible à un preneur soit soumise au même régime fiscal, indépendamment de l'État membre de l'établissement de l'entreprise d'assurance, et que, par conséquent, le choix du prestataire de services d'assurance sur la vie ne soit pas influencé par les considérations relatives à l'imposition de ces primes. Les entreprises d'assurance ne sont pas ainsi avantagées ou désavantagées par une fiscalité plus ou moins favorable dans leur État membre d'origine et peuvent participer au jeu de la concurrence sur un pied d'égalité avec les entreprises d'assurance établies dans l'État membre de la résidence habituelle du preneur. Or, seule une interprétation "dynamique" de l'article 50, paragraphe 1, de la directive 2002/83 permet de garantir une telle égalité et de prévenir les distorsions de concurrence en garantissant que le même régime fiscal s'applique à un contrat en cours et à un éventuel nouveau contrat.
Enfin, une telle interprétation est compatible avec l'objectif général de la directive 2002/83, laquelle vise à l’achèvement du marché intérieur dans le secteur de l’assurance directe sur la vie, sous le double aspect de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services dans les États membres, afin de faciliter aux entreprises d’assurance ayant leur siège dans l’Union la prise d’engagements à l’intérieur de l’Union et de permettre aux preneurs de faire appel non seulement à des entreprises établies dans leur État membre, mais également à des entreprises ayant leur siège social dans l’Union et établies dans d’autres États membres.
42. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe autre que sur la vie - Directive 92/49 - Liberté tarifaire - Réglementation nationale instaurant un cadre technique pour le calcul des primes des entreprises d'assurances - Admissibilité
Les articles 29 et 39, paragraphes 2 et 3, de la directive 92/49, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239 et 88/357 (troisième directive "assurance non vie"), et l'article 8, paragraphe 3, de la première directive 73/239, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité de l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, et son exercice, telle que modifiée par la directive 92/49, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui prévoit, dans le cadre des contrats d’assurance maladie non liés à l’activité professionnelle, des dispositions aux termes desquelles la prime, la franchise et la prestation ne peuvent être adaptées annuellement que:
- sur la base de l’indice des prix à la consommation, ou,
- sur la base d’un indice dit "médical" si et dans la mesure où l’évolution de cet indice dépasse celle de l’indice des prix à la consommation, ou,
- après avoir obtenu l’autorisation d’une autorité administrative, chargée du contrôle des entreprises d’assurances, saisie à la demande de l’entreprise d’assurances concernée, lorsque cette autorité constate que l’application du tarif de cette entreprise, nonobstant les adaptations tarifaires calculées sur la base de ces deux types d’indices, donne lieu ou risque de donner lieu à des pertes.
En effet, dès lors qu’une harmonisation complète du domaine tarifaire en matière d’assurance non-vie excluant toute mesure nationale susceptible d’avoir des répercussions sur les tarifs ne saurait être présumée, en l’absence d’une volonté clairement exprimée en ce sens par le législateur de l’Union, une réglementation nationale instaurant un cadre technique dans lequel les entreprises d’assurance doivent calculer leurs primes n’est pas contraire au principe de liberté tarifaire au seul motif que ce cadre technique a des répercussions sur l’évolution des tarifs. Tel est le cas de ladite règlementation laquelle, en permettant des augmentations tarifaires sur la base de deux types d’indices, fonctionne comme un cadre technique limité à l’encadrement de l’évolution des tarifs, dans lequel les entreprises d’assurance doivent calculer leurs primes. Dans ces conditions, le seul fait que l’autorité administrative chargée du contrôle des entreprises d’assurance puisse, à la demande d’une entreprise d’assurance, décider d’autoriser celle-ci à prendre des mesures afin de mettre ses tarifs en équilibre lorsqu’ils donnent lieu ou risquent de donner lieu à des pertes ne suffit pas à remettre en cause la nature du cadre technique du système d’augmentation tarifaire en cause.
Arrêt du 7 mars 2013, DKV Belgium (C-577/11) (cf. points 22-23, 26-27, 48 et disp.)
43. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Contrôle exercé par l'État membre d'accueil sur les modalités du calcul des primes d'assurance, appliquées par des entreprises d'assurances établies dans d'autres États membres - Justification - Protection des consommateurs - Admissibilité
Les articles 49 TFUE et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens que constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services une réglementation nationale qui prévoit, dans le cadre des contrats d’assurance maladie non liés à l’activité professionnelle, des dispositions aux termes desquelles la prime, la franchise et la prestation ne peuvent être adaptées annuellement que :
- sur la base de l’indice des prix à la consommation, ou,
- sur la base d’un indice dit "médical" si et dans la mesure où l’évolution de cet indice dépasse celle de l’indice des prix à la consommation, ou,
- après avoir obtenu l’autorisation d’une autorité administrative, chargée du contrôle des entreprises d’assurances, saisie à la demande de l’entreprise d’assurances concernée, lorsque cette autorité constate que l’application du tarif de cette entreprise, nonobstant les adaptations tarifaires calculées sur la base de ces deux types d’indices, donne lieu ou risque de donner lieu à des pertes. En effet, un tel système d'augmentation tarifaire est susceptible de dissuader les entreprises d'assurance dont le siège social se trouve dans un État membre autre que celui ayant instauré ce système d'ouvrir une succursale dans ce dernier État ou de venir y offrir leurs produits en régime de libre prestation des services.
Néanmoins, ce système peut être admis dans la mesure où il a pour objectif de protéger le consommateur, objectif qui constitue une raison impérieuse d’intérêt général, et, en particulier, d'empêcher que l'assuré soit confronté à des hausses importantes et inattendues des primes d'assurance. En outre, il apparaît propre à garantir la réalisation de cet objectif. Enfin, compte tenu, d'une part, des caractéristiques de l'assurance hospitalisation, dont, alors que celle-ci peut être offerte à des tarifs bas à des assurés relativement jeunes, les tarifs sont de nature à subir des hausses avec l'avancée de l'âge de l'assuré et l'augmentation des coûts que celui-ci occasionne pour son assureur, et dès lors que, d'autre part, un tel système n'interdit pas aux entreprises d'assurance de fixer librement la prime de base et permet à l'autorité administrative chargée du contrôle des entreprises d'assurance d'autoriser une entreprise d'assurance, à sa demande, à prendre des mesures afin de mettre ses tarifs en équilibre lorsqu'ils risquent de donner lieu à des pertes, le système, pour autant qu’il n’existe pas de mesure moins contraignante permettant d’atteindre, dans les mêmes conditions, ledit objectif de protection du consommateur, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le même objectif.
Arrêt du 7 mars 2013, DKV Belgium (C-577/11) (cf. points 34, 37, 40-47, 49 et disp.)
44. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Règles de conduite pour la fourniture de services d'investissement à des clients - Obligation, pour l'entreprise d'investissement, d'évaluer l'adéquation ou le caractère approprié du service fourni - Dérogation - Conditions
L’article 19, paragraphe 9, de la directive 2004/39, concernant les marchés d’instruments financiers, doit être interprété en ce sens que, d’une part, un service d’investissement n’est proposé dans le cadre d’un produit financier que s’il en fait partie intégrante au moment où ledit produit financier est proposé au client et, d’autre part, les dispositions de la législation de l’Union et les normes communes européennes auxquelles cette disposition fait référence doivent permettre une évaluation des risques des clients et/ou comporter des exigences en matière d’information, qui englobent également le service d’investissement faisant partie intégrante du produit financier en question, pour que ce service ne soit plus soumis aux obligations énoncées audit article 19.
45. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Service de conseil en investissement - Notion - Contrat d'échange visant à couvrir le risque de variation des taux d'intérêts afférents à des produits financiers - Inclusion - Conditions
L’article 4, paragraphe 1, point 4, de la directive 2004/39, concernant les marchés d’instruments financiers, doit être interprété en ce sens que le fait de proposer un contrat d’échange à un client afin de couvrir le risque de variation du taux d’intérêt d’un produit financier que ce client a souscrit constitue un service de conseil en investissement, tel que défini à cette disposition, pour autant que la recommandation portant sur la souscription d’un tel contrat d’échange est adressée à ce client en raison de sa qualité d’investisseur, qu’elle est présentée comme adaptée audit client ou fondée sur l’examen de la situation propre à celui-ci et qu’elle n’est pas exclusivement diffusée par des canaux de distribution ou destinée au public.
46. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Règles de conduite pour la fourniture de services d'investissement à des clients - Obligation, pour l'entreprise d'investissement, d'évaluer l'adéquation et le caractère approprié du service fourni - Non-respect de ladite obligation - Conséquences contractuelles - Application du droit national - Limites - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité
Il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les conséquences contractuelles que doit entraîner le non-respect, par une entreprise d’investissement qui propose un service d’investissement, des exigences en matière d’évaluation prévues à l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la directive 2004/39, concernant les marchés d’instruments financiers, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité.
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 décembre 2015, Banif Plus Bank (C-312/14) (cf. point 79)
47. Liberté d'établissement - Responsabilité solidaire des sociétés mères envers les créanciers de leurs filiales - Réglementation nationale excluant l'application du principe de responsabilité solidaire à des sociétés mères ayant leur siège dans un autre État membre - Admissibilité
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui exclut l’application du principe de responsabilité solidaire des sociétés mères envers les créanciers de leurs filiales à des sociétés mères ayant leur siège sur le territoire d’un autre État membre.
Arrêt du 20 juin 2013, Impacto Azul (C-186/12) (cf. point 39 et disp.)
48. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des diplômes et des titres - Réglementation nationale excluant l'accès partiel à une profession réglementée dans l'État membre d'accueil - Restriction - Justification - Objectifs de protection de la santé publique et des consommateurs - Prise en compte de l'ampleur des différences entre les domaines d'activités
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui exclut l’accès partiel à la profession de kinésithérapeute, réglementée dans l’État membre d’accueil, à un ressortissant de ce même État ayant obtenu dans un autre État membre un titre, tel que celui de masseur-balnéothérapeute médical, l’autorisant à exercer, dans ce second État membre, une partie des activités couvertes par la profession de kinésithérapeute, lorsque les différences entre les domaines d’activités sont si importantes qu’il faudrait en réalité suivre une formation complète pour accéder à la profession de kinésithérapeute.
En effet, une telle réglementation est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement et ne saurait être justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général. À cet égard, d'une part, même si la profession de kinésithérapeute et, partant, celle de masseur de quelque type que ce soit, ne relève pas du secteur des professions médicales proprement dites mais du domaine paramédical, ce domaine, couvrant une large gamme d’activités de nature hétérogène, ne saurait échapper par définition au système de reconnaissance mutuel des professions réglementées, tel qu’établi par le droit de l’Union. D'autre part, le destinataire des services fournis par un masseur-balnéothérapeute médical jouit de facto de la vigilance particulière qui s’impose par rapport à la protection de la santé. Dès lors, l’exclusion d’un accès même partiel à la profession de kinésithérapeute va au-delà non seulement de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de la protection des consommateurs mais aussi de ce qui est requis au niveau de la protection de la santé dans le cas où, dans l’État membre d’origine et dans celui d’accueil, le degré de similitude des deux professions est tel qu’elles peuvent être qualifiées de "comparables" et, partant, de "même profession", au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Dans de tels cas, les lacunes que comporte la formation du demandeur par rapport à celle exigée dans l’État membre d’accueil peuvent être comblées par l’application des mesures de compensation prévues à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2005/36, assurant ainsi une intégration complète de l’intéressé dans le système professionnel de l’État membre d’accueil.
En revanche, dans des cas non couverts par la directive 2005/36, lorsque les différences entre les domaines d’activités sont si importantes que, en réalité, le demandeur devrait suivre une formation complète pour pouvoir exercer, dans un autre État membre, les activités pour lesquelles il est qualifié, une telle exigence constitue un facteur susceptible, d’un point de vue objectif, d’inciter l’intéressé à ne pas exercer ces activités dans l’État membre d’accueil.
Arrêt du 27 juin 2013, Nasiopoulos (C-575/11) (cf. points 28-33, 35 et disp.)
49. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Justification tenant à l'intérêt général - Lutte contre la criminalité - Vérification par les juridictions nationales
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a. (C-660/11 et C-8/12) (cf. points 21-25)
50. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Exigence d'une autorisation de police en plus d'une concession - Admissibilité
Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale qui impose, aux sociétés souhaitant exercer des activités liées aux jeux de hasard, l’obligation d’obtenir une autorisation de police, en plus d’une concession délivrée par l’État afin d’exercer de telles activités, et qui limite l’octroi d’une telle autorisation notamment aux demandeurs qui détiennent déjà une telle concession.
En effet, l’exigence d’une autorisation de police en vertu de laquelle les opérateurs actifs dans ce secteur ainsi que leurs locaux sont soumis à un contrôle initial et à une surveillance continue contribue clairement à l’objectif visant à éviter que ces opérateurs ne soient impliqués dans des activités criminelles ou frauduleuses. En outre, le fait qu’un opérateur doit disposer à la fois d’une concession et d’une autorisation de police pour pouvoir accéder au marché en cause n’est pas, en soi, disproportionné au regard de l’objectif de lutte contre la criminalité liée aux jeux de hasard.
Arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a. (C-660/11 et C-8/12) (cf. points 26, 27, disp. 1)
51. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Refus de concession ou d'autorisation en violation du droit de l'Union - Attribution de nouvelles concessions pour y remédier - Obligation pour les nouveaux opérateurs de respecter des distances minimales d'implantation - Inadmissibilité
Les articles 43 CE et 49 CE ainsi que les principes d’égalité de traitement et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre qui a, en violation du droit de l’Union, exclu une catégorie d’opérateurs de l’attribution de concessions pour l’exercice d’une activité économique, et qui cherche à remédier à cette violation en mettant en concours un nombre important de nouvelles concessions, protège les positions commerciales acquises par les opérateurs existants en prévoyant, notamment, des distances minimales entre les implantations des nouveaux concessionnaires et celles des opérateurs existants.
Arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a. (C-660/11 et C-8/12) (cf. points 32, 38, disp. 2)
52. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Conditions de déchéance de concessions octroyées au terme d'un appel d'offres - Obligation de formulation claire, précise et univoque de ces conditions - Respect des principes d'égalité de traitement et de sécurité juridique - Vérification par la juridiction nationale
Il découle des articles 43 CE et 49 CE, du principe d’égalité de traitement, de l’obligation de transparence ainsi que du principe de sécurité juridique que les conditions et les modalités d’un appel d’offres relatif aux jeux de hasard, et notamment les dispositions prévoyant la déchéance de concessions octroyées au terme d’un tel appel d’offres, doivent être formulées de manière claire, précise et univoque, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a. (C-660/11 et C-8/12) (cf. points 33, 38, disp. 2)
53. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale interdisant, sous peine de sanctions pénales, la collecte de paris en l'absence de concession ou d'autorisation - Réglementation nationale empêchant de fait toute activité transfrontalière - Inadmissibilité - Concessionnaire établi dans un État membre commercialisant des jeux au moyen de sites télématiques situés en dehors du territoire de cet État - Vérification par la juridiction nationale
Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui empêche de fait toute activité transfrontalière dans le secteur des jeux, indépendamment de la forme sous laquelle cette activité s’exerce et, en particulier, dans les cas où un contact direct entre le consommateur et l’opérateur a lieu, et où les intermédiaires de l’entreprise présents sur le territoire national peuvent être soumis à un contrôle physique à des fins de police. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas en ce qui concerne une réglementation nationale qui prononce la déchéance d’une concession d’exercer des activités de collecte de paris lorsque le concessionnaire commercialise, directement ou indirectement, sur le territoire de l’État membre concerné ou au moyen de sites télématiques situés en dehors du territoire national, des jeux assimilables à des jeux publics ou à d’autres jeux gérés par l’autorité nationale compétente ou des jeux prohibés par l’ordre juridique de cet État membre.
Arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a. (C-660/11 et C-8/12) (cf. points 37, 38, disp. 2)
54. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Reconnaissance mutuelle des licences délivrées par les États membres en matière de jeux de hasard - Absence
Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens que, en l’état actuel du droit de l’Union, la circonstance qu’un opérateur dispose, dans l’État membre dans lequel il est établi, d’une autorisation lui permettant d’offrir des jeux de hasard ne fait pas obstacle à ce qu’un autre État membre subordonne, dans le respect des exigences du droit de l’Union, la possibilité, pour un tel opérateur, d’offrir de tels services à des consommateurs se trouvant sur son territoire, à la détention d’une autorisation délivrée par ses propres autorités.
En effet, eu égard à la large marge d’appréciation appartenant aux États membres en ce qui concerne les objectifs qu’ils entendent poursuivre et le niveau de protection de consommateurs qu’ils recherchent et à l’absence de toute harmonisation en matière de jeux de hasard, une obligation de reconnaissance mutuelle des autorisations délivrées par les divers États membres ne saurait exister au regard de l’état actuel du droit de l’Union. Les différents États membres ne disposent pas nécessairement des mêmes moyens pour contrôler les jeux de hasard et ne font pas forcément les mêmes choix à cet égard. Le fait qu’un niveau particulier de protection des consommateurs peut être atteint dans un État membre donné par l’application de techniques sophistiquées de contrôle et de surveillance ne permet pas de conclure que le même niveau de protection peut être atteint dans d’autres États membres ne disposant pas de ces moyens ou n’ayant pas fait les mêmes choix. Un État membre peut, par ailleurs, légitimement être amené à vouloir surveiller une activité économique se déroulant sur son territoire, ce qui lui serait impossible s’il devait se fier à des contrôles effectués par les autorités d’un autre État membre au moyen de systèmes régulateurs qu’il ne maîtrise pas lui-même.
Arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a. (C-660/11 et C-8/12) (cf. points 40-43, disp. 3)
55. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Réglementation nationale créant un cycle de formation spécialisée tant dans le domaine médical que dans celui de l'art dentaire, sa dénomination ne correspondant pas à celles énumérées à l'annexe V de ladite directive - Admissibilité - Conditions
La directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à la création, par un État membre, d’un cycle de formation spécialisée, tant dans le domaine médical que dans celui de l’art dentaire, dont la dénomination ne correspond pas à celles énumérées, en ce qui concerne cet État membre, à l’annexe V de cette directive. Une telle formation spécialisée peut être ouverte tant aux personnes ayant accompli seulement une formation médicale de base qu’à celles qui ont accompli et validé uniquement les études dans le cadre de la formation de base de praticien de l’art dentaire. En effet, si un État membre crée une formation spécialisée qui ne correspond pas, par sa dénomination, à une spécialisation énumérée à l’annexe V de la directive 2005/36 et ne donne pas droit à l’attribution d’un titre mentionné à cette annexe, cette spécialisation n’est pas une formation au sens des articles 25 et 35 de cette directive, de sorte que cette dernière ne régit pas les conditions d’admission et le contenu de la formation ainsi créée.
Toutefois, au regard de la directive 2005/36, une telle formation spécialisée, qui n’est pas visée à ladite annexe V, ne saurait, dans la mesure où elle ne remplit pas les exigences énoncées aux articles 24 ou 34 de cette directive en ce qui concerne les formations de base de médecin ou de praticien de l’art dentaire, conduire à la délivrance d’un titre de formation de médecin avec formation de base ou d’un titre de formation de praticien de l’art dentaire avec formation de base. En effet, la directive 2005/36 s’oppose à ce qu’une personne ne possédant pas un titre d’une formation médicale de base exerce la profession de médecin et à ce qu’une personne ne possédant pas un titre d’une formation de base de praticien de l’art dentaire exerce la profession de praticien de l’art dentaire.
56. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Réglementation nationale incluant dans une formation spécialisée dans le domaine de l'art dentaire des matières relevant du domaine médical - Admissibilité
La directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que les matières relevant du domaine médical fassent partie d’une formation spécialisée dans le domaine de l’art dentaire.
57. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation régionale exigeant une autorisation administrative préalable pour l'ouverture de nouveaux magasins d'optique - Conditions d'octroi liées à la densité démographique et à la distance minimale entre les magasins d'optique - Admissibilité - Conditions - Vérification par le juge national
L'article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation régionale qui impose des limites à la délivrance d'autorisations d'établissement de nouveaux magasins d'optique, en prévoyant que:
- dans chaque zone géographique, un seul magasin d'optique peut être établi, en principe, par tranche de 8 000 habitants, et
- chaque nouveau magasin d'optique doit respecter, en principe, une distance minimale de 300 mètres par rapport aux magasins d'optique déjà existants,
pour autant que les autorités compétentes fassent un usage approprié, en respectant des critères transparents et objectifs, des habilitations offertes par la réglementation concernée en vue de réaliser, de manière cohérente et systématique, les objectifs poursuivis par celle-ci, tenant à la protection de la santé publique sur l'ensemble du territoire donné, ce qu'il appartient au juge national de vérifier.
Arrêt du 26 septembre 2013, Ottica New Line di Accardi Vincenzo (C-539/11) (cf. point 57 et disp.)
58. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Directive visant uniquement des fins comptables, n'ayant pas pour objet de fixer les conditions de détermination de l'assiette fiscale
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE (C-322/12) (cf. point 28)
Arrêt du 15 juin 2017, Immo Chiaradia (C-444/16 et C-445/16) (cf. points 31, 33)
Arrêt du 23 avril 2020, Wagram Invest (C-640/18) (cf. point 28)
59. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Évaluation des actifs sur la base de leur prix d'acquisition ou de leur coût de revient - Dérogations - Cas exceptionnels - Notion - Acquisition de certains actifs à un prix nettement inférieur à leur valeur réelle donnant une image faussée du patrimoine de la société - Exclusion
Le principe de l’image fidèle énoncé à l’article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive 78/660, concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, ne permet pas de déroger au principe de l’évaluation des actifs sur la base de leur prix d’acquisition ou de leur coût de revient, figurant à l’article 32 de ladite directive, au profit d’une évaluation sur la base de leur valeur réelle, lorsque le prix d’acquisition ou le coût de revient desdits actifs est manifestement inférieur à leur valeur réelle.
En vertu de l’article 32 de ladite directive, l’image fidèle que doivent donner les comptes annuels d’une société se fonde sur une évaluation des actifs non pas sur la base de leur valeur réelle, mais sur celle de leur coût historique.
S'il est vrai que, en vertu de l’article 2, paragraphe 5, de ladite directive, il est envisageable de déroger, dans des cas exceptionnels, à cet article 32, lorsque l’application de cette méthode conduirait à donner une image faussée du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société, la sous-estimation d’actifs dans les comptes des sociétés ne saurait, toutefois, par elle-même, constituer un tel cas exceptionnel. En effet, la possibilité que certains actifs soient sous-estimés dans les comptes des sociétés, dans l’hypothèse où leur valeur d’acquisition est inférieure à leur valeur réelle, n’est que le corollaire nécessaire du choix opéré par le législateur de l’Union, à l’article 32 de ladite directive, en faveur d’une méthode d’évaluation fondée non pas sur la valeur réelle des actifs, mais sur le coût historique de ces derniers.
En outre, une telle sous-estimation de certains actifs dans les comptes d’une société est conforme au principe de prudence énoncé à l’article 31, paragraphe 1, sous c), de ladite directive. En particulier, l’évaluation de tels actifs à leur valeur réelle ferait apparaître une plus-value dans les comptes de la société, en contradiction avec l’article 31, paragraphe 1, sous c), aa), de ladite directive, selon lequel seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture du bilan peuvent y être inscrits.
Arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE (C-322/12) (cf. points 35, 37-40, 42 et disp.)
60. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Intermédiation en assurance - Directive 2002/92 - Salarié d'une entreprise d'assurance ne disposant pas des qualifications exigées exerçant à titre occasionnel et en dehors du cadre de son activité professionnelle principale, des activités d'intermédiation en assurance - Inadmissibilité
Les dispositions combinées des articles 2, point 3, deuxième alinéa, et 4, paragraphe 1, de la directive 2002/92, sur l'intermédiation en assurance, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’un salarié d’une entreprise d’assurance qui ne dispose pas des qualifications prévues à cette dernière disposition exerce, à titre occasionnel et non dans le cadre de son activité professionnelle principale, des activités d’intermédiation en assurance, lorsque ce salarié n’agit pas dans le cadre du rapport de subordination qui le lie à cette entreprise, mais que cette dernière exerce néanmoins une surveillance sur ses activités.
En effet, lorsque le salarié d’une entreprise d’assurance effectue des activités d’intermédiation d’assurance en dehors du rapport de subordination qui le lie avec cette entreprise, il doit, en principe, être considéré comme n’agissant pas sous la responsabilité de cette entreprise et, partant, comme agissant lui-même en tant qu’intermédiaire d’assurance au sens de l’article 2, point 5, de la directive 2002/92, avec pour conséquence qu’il doit remplir les exigences mentionnées à l’article 4 de cette directive. La circonstance que l’entreprise d’assurance exerce une certaine surveillance sur ses activités n’est pas suffisante pour dispenser ledit intermédiaire de l’obligation de remplir lesdites exigences professionnelles prévues par la directive.
Arrêt du 17 octobre 2013, EEAE e.a. (C-555/11) (cf. points 24, 32 et disp.)
61. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Intermédiation en assurance - Directive 2002/92 - Interprétation permettant à une certaine catégorie de personnes d'offrir des services d'intermédiation sans remplir les conditions de compétence - Inadmissibilité
La finalité de la directive 2002/92, sur l'intermédiation en assurance, poursuit un double objectif, à savoir, d’une part, l’achèvement et le bon fonctionnement du marché unique de l’assurance, par l’élimination des entraves à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services et, d’autre part, l’amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine.
Or, une interprétation permettant à une certaine catégorie de personnes d’offrir des services d’intermédiation, alors qu’elles ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/92 pour ce faire, porterait atteinte à cette double finalité. D’une part, une telle interprétation de cette directive créerait des différences notables entre les intermédiaires agissant sur le marché unique de l’assurance, dans la mesure où les intermédiaires, qu’ils remplissent ou non ces conditions, pourraient effectuer des activités d’intermédiation pour les mêmes types de contrats d’assurance. Cette interprétation se heurterait, de surcroît, à l’objectif d’assurer l’égalité de traitement entre toutes les catégories d’intermédiaires d’assurance. D’autre part, une telle interprétation ne permettrait pas d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs sur le marché de l’assurance, à savoir, des preneurs d’assurance. En effet, il n’est pas possible de considérer que les salariés d’une entreprise d’assurance qui s’occupent de la vente directe des services d’assurance au sein de cette entreprise possèdent, en tout état de cause, les connaissances et les aptitudes appropriées qui sont nécessaires pour effectuer, à titre individuel, l’intermédiation d’assurance, et qu’ils puissent ainsi garantir la qualité d’une telle intermédiation. Il ne peut non plus être supposé que de tels salariés soient en mesure, sans disposer de ces connaissances et de ces aptitudes, de fournir à leurs clients, lors de la conclusion, de la modification ou du renouvellement du contrat d’assurance de ces derniers, les informations prévues à l’article 12 de la directive 2002/92.
Arrêt du 17 octobre 2013, EEAE e.a. (C-555/11) (cf. points 27-30)
62. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Champ d'application - Reconnaissance mutuelle des mesures d'assainissement et de liquidation prises par les autorités administratives ou judiciaires - Crise bancaire et financière internationale - Acte du législateur dotant des mesures d'assainissement des effets d'une procédure de liquidation et ne produisant ses effets que par le biais des décisions judiciaires - Inclusion
Les articles 3 et 9 de la directive 2001/24, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, doivent être interprétés en ce sens que des mesures d’assainissement ou de liquidation adoptées par le législateur, qui soumettent les établissements financiers placés sous moratoire à un régime présentant certains effets liés à une procédure de liquidation, sont à considérer comme des mesures prises par une autorité administrative ou judiciaire au sens de ces articles de la directive 2001/24, dès lors que lesdites mesures, revêtant la forme de dispositions transitoires, ne produisent leurs effets que par le biais des décisions judiciaires accordant un moratoire à un établissement de crédit.
En effet, ce sont les mesures d’assainissement et de liquidation décidées par les autorités administratives et judiciaires de l’État membre d’origine qui font l’objet d’une reconnaissance en vertu de la directive 2001/24, avec les effets que leur attribue le droit de cet État membre. Ainsi, les effets que peuvent produire des mesures d’assainissement et de liquidation prises par les autorités administratives ou judiciaires de l’État membre d’origine dans les autres États membres de l’Union sont déterminés, conformément aux articles 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, et 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/24, par le droit de l’État membre d’origine. Dès lors, ladite directive ne fait pas obstacle à ce que cet État membre modifie, même avec effet rétroactif, le régime légal applicable à de telles mesures.
Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des mêmes dispositions, dans le cadre du système établi par la directive 2001/24, les mesures d’assainissement et de liquidation de l’État membre d’origine sont reconnues sans aucune autre formalité. En particulier, ladite directive ne soumet pas la reconnaissance des mesures d’assainissement et de liquidation à la condition d’une possibilité de recours contre celles-ci. De même, selon ledit article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ladite directive, l’État membre d’accueil ne peut pas non plus faire dépendre cette reconnaissance d’une telle condition que prévoirait éventuellement sa réglementation nationale.
Arrêt du 24 octobre 2013, LBI (C-85/12) (cf. points 28, 30, 38, 40, 42, disp. 1)
63. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Réglementation nationale prohibant ou suspendant toute action judiciaire à l'encontre d'un établissement de crédit bénéficiant d'un moratoire - Effets à l'égard de mesures conservatoires prises dans un autre État membre - Admissibilité
L’article 32 de la directive 2001/24, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à ce qu’une disposition nationale relative aux établissements financiers, qui prohibait ou suspendait toute action judiciaire à l’encontre d’un établissement financier dès que celui-ci bénéficiait d’un moratoire, produise ses effets à l’égard de mesures conservatoires prises dans un autre État membre antérieurement au prononcé du moratoire. Cette disposition constitue une exception à la règle générale selon laquelle les effets des mesures d’assainissement et de liquidation sont régis par la loi de l’État membre d’origine, et doit faire l’objet d’une interprétation stricte.
La portée de cette disposition est éclairée par le considérant 30 de la directive 2001/24, qui établit une distinction entre les instances en cours et les actions en exécution forcée individuelles. Il y a donc lieu de distinguer, en ce qui concerne la détermination de la loi applicable aux effets de mesures d’assainissement ou d’une procédure de liquidation, entre les instances en cours et des mesures d’exécution forcée individuelles découlant de ces instances, ces dernières mesures étant soumises, conformément à la règle générale établie par la directive 2001/24, à la législation de l’État membre d’origine. Ainsi, les termes "instance en cours" couvrent seulement les procédures au fond.
S’agissant des mesures conservatoires ayant pour effet de dessaisir un établissement de crédit de la libre disposition d’une partie de son patrimoine dans l’attente du règlement, quant au fond, d’un litige qui l’oppose à l’un de ses créanciers, elles constituent des mesures d’exécution forcée individuelles. Il s’ensuit que de telles mesures conservatoires ne relèvent pas de l’article 32 de la directive 2001/24, mais sont régies par la législation de l’État membre d’origine en tant que lex concursus.
Arrêt du 24 octobre 2013, LBI (C-85/12) (cf. points 52-54, 56, 58, disp. 2)
64. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Assurance-protection juridique - Directive 87/344 - Droit du preneur d'assurance de choisir librement son représentant légal - Dérogation - Contrat d'assurance prévoyant une assistance juridique assurée, en principe, par les collaborateurs de l'assureur - Possibilité pour l'assureur de prendre en charge les coûts d'assistance juridique du représentant légal du preneur d'assurance uniquement en cas de nécessité de déléguer le traitement de l'affaire à un conseil externe - Exclusion - Caractère obligatoire ou non de l'assistance juridique - Absence d'incidence
L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un assureur de la protection juridique, qui prévoit dans ses contrats d’assurance que l’assistance juridique est en principe assurée par ses collaborateurs, prévoie également que les coûts d’assistance juridique d’un avocat ou d’un représentant choisi librement par le preneur d’assurance ne sont susceptibles d’être pris en charge que si l’assureur estime que le traitement de l’affaire doit être délégué à un conseil externe.
Le caractère obligatoire ou non de l’assistance juridique en vertu du droit national dans la procédure judiciaire ou administrative en cause n’a pas d’incidence sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344.
En effet, le droit de l’assuré de choisir librement son représentant a une portée générale et une valeur obligatoire. Il ressort tant du onzième considérant de la directive 87/344 que de l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci que l’intérêt de l’assuré en protection juridique implique que ce dernier ait la liberté de choisir lui-même son avocat ou toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale dans le cadre de toute procédure judiciaire ou administrative. Ainsi, il découle de la lecture combinée de ces dispositions que le libre choix de l’avocat par le preneur d’assurance ne peut pas être limité aux seules situations dans lesquelles l’assureur décide qu’il faut faire appel à un conseil externe.
Arrêt du 7 novembre 2013, Sneller (C-442/12) (cf. points 22, 23, 25, 29, 32, disp. 1, 2)
65. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Assurance-protection juridique - Directive 87/344 - Droit du preneur d'assurance de choisir librement son représentant légal - Portée - Possibilité de limiter le remboursement des frais de représentation - Admissibilité - Condition
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2013, Sneller (C-442/12) (cf. points 26, 27)
66. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Concession de services présentant un intérêt transfrontalier certain - Convention conclue entre des entités publiques d'un État membre et un opérateur économique de cet État et accordant le droit exclusif d'exercer une activité économique - Attribution directe d'une concession relative à la fourniture de services de télévision conférant un droit exclusif d'exploitation des réseaux câblés - Inadmissibilité - Justifications - Motifs de nature économique - Principe de sécurité juridique - Inadmissibilité
Les articles 49 TFUE et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens que la volonté de ne pas méconnaître certains droits que, par une convention préexistante, des entités publiques ont octroyés à un opérateur économique quant à l'utilisation de réseaux câblés leur appartenant ne saurait justifier que soit donnée à cette convention une extension contraire au droit de l'Union sous la forme d'une attribution directe d'une concession de services ou d'un droit exclusif d'exercer une activité présentant un intérêt transfrontalier certain, fût-ce en vue de mettre fin à un litige survenu entre les parties concernées, pour des raisons totalement indépendantes de leur volonté, quant à la portée de cette convention. De plus, des motifs de nature économique, telle la volonté d'éviter la dépréciation d'une activité économique, ne sont pas des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier l'attribution directe d'une concession de services portant sur cette activité ou d'un droit exclusif d'exercer ladite activité et présentant un intérêt transfrontalier certain, par dérogation aux principes d'égalité de traitement et de non-discrimination consacrés par lesdits articles.
Au demeurant, la circonstance que la conclusion d’un accord coïnciderait avec l’intérêt des consommateurs, qui, à défaut, ne pourraient pas bénéficier de la télévision interactive, ne se distingue pas réellement du motif relatif à la dépréciation d’une activité économique, mais est intimement liée à celui-ci. Par conséquent, des considérations qui, prises isolément, ne peuvent pas constituer des raisons impérieuses d'intérêt général ne sauraient acquérir cette qualité du simple fait de leur addition.
Par ailleurs, si le principe de sécurité juridique, qui est un principe général du droit de l’Union, est de nature à justifier que les effets juridiques d’une convention soient respectés y compris, dans la mesure que ce principe commande, dans le cas d’une convention conclue avant que la Cour ne se soit prononcée sur les implications du droit primaire à l’égard des conventions de ce type et qui, a posteriori, se révélerait contraire à certaines de ces implications, ledit principe ne saurait être invoqué pour donner à une convention une extension contraire aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi qu’à l’obligation de transparence qui en découle.
Arrêt du 14 novembre 2013, Belgacom (C-221/12) (cf. points 40, 42-44, disp. 2)
67. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale interdisant aux parapharmacies de commercialiser des médicaments soumis à prescription médicale et entièrement payés par l'acheteur - Inadmissibilité - Justification - Protection de la santé publique - Conditions
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne permet pas à un pharmacien, habilité et inscrit à l’ordre professionnel, mais non titulaire d’une pharmacie incluse dans le tableau, de distribuer au détail, dans la parapharmacie dont il est titulaire, également les médicaments soumis à prescription médicale qui ne sont pas à la charge du service national de santé et sont entièrement payés par l’acheteur.
En effet, une telle réglementation nationale qui réserve la distribution desdits médicaments aux seules pharmacies, dont l’installation est subordonnée à un régime de planification, s’avère propre à garantir la réalisation de l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité ainsi que la protection de la santé publique. Une telle réglementation, dans la mesure où elle réduit substantiellement le risque lié à une éventuelle situation de pénurie des pharmacies, n’apparaît pas aller au-delà de ce qui est nécessaire afin d’atteindre l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population qui soit sûr et de qualité.
Arrêt du 5 décembre 2013, Venturini (C-159/12 à C-161/12) (cf. points 55, 63, 66 et disp.)
68. Liberté d'établissement - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Portée - Activité de certification d'un contrôle technique prenant uniquement acte des résultats de la visite technique - Exclusion - Conditions
La dérogation prévue à l'article 51 TFUE est restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Les décisions de certifier ou non un contrôle technique, lesquelles, en substance, prennent uniquement acte des résultats de la visite technique, dans la mesure où, d’une part, elles sont dépourvues de l’autonomie décisionnelle propre à l’exercice de prérogatives de puissance publique et, d’autre part, sont prises dans le cadre d’une surveillance étatique directe, n’entrent pas dans le champ d’application de ladite dérogation. De même, le rôle auxiliaire et préparatoire dévolu à des organismes privés vis-à-vis de l’autorité de supervision ne saurait être considéré comme une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 51 TFUE.
Par conséquent, ne tombe pas dans le champ d’application de cette disposition la vérification, entièrement déterminée par le cadre réglementaire national, de la capacité technique et financière d’entreprises soumises à la certification, de la véracité et du contenu des déclarations, certificats et documents présentés par les personnes auxquelles une attestation est délivrée ainsi que du maintien des conditions relatives à la situation personnelle du candidat ou du soumissionnaire, ladite vérification étant, en outre, accomplie sous une surveillance étatique directe et ayant pour fonction de faciliter la tâche des pouvoirs adjudicateurs dans le domaine des marchés publics de travaux, sa finalité étant de permettre à ces derniers d’accomplir leur mission en ayant une connaissance précise et circonstanciée de la capacité tant technique que financière des soumissionnaires.
Arrêt du 12 décembre 2013, Soa Nazionale Costruttori (C-327/12) (cf. points 51, 53, 54)
69. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directives 90/619 et 92/96 - Droit de renonciation d'un preneur d'assurance n'ayant pas été informé dudit droit - Disposition nationale limitant le délai pour l'exercice dudit droit à un an, au plus, à compter du versement de la première prime d'assurance - Inadmissibilité
L’article 15, paragraphe 1, de la directive 90/619, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services (deuxième directive assurance vie), telle que modifiée par la directive 92/96 (troisième directive assurance vie), lu en combinaison avec l’article 31 de cette dernière directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale qui ne reconnaît au preneur d’assurance un droit de renonciation que durant un an, au plus, à compter du versement de la première prime d’assurance, lorsque celui-ci n’a pas été informé de son droit de renonciation.
En effet, une telle disposition nationale, prévoyant l’expiration du droit du preneur d’assurance de renoncer au contrat à un moment où il n’a pas été informé de ce droit va à l’encontre de la réalisation de l'objectif essentiel d'information poursuivi par les deuxième et troisième directives assurance vie et, partant, de l’effet utile de celles-ci. Étant donné que les contrats d’assurance sont des produits financiers juridiquement complexes, susceptibles de différer considérablement selon l’assureur qui les offre et d’impliquer des engagements financiers importants et potentiellement d’une très longue durée, le preneur d’assurance se trouve dans une situation de faiblesse par rapport à l’assureur, laquelle situation est analogue à celle dans laquelle se trouve un consommateur dans le cadre de la conclusion d’un contrat en dehors d’un établissement commercial. Partant, l’assureur ne saurait valablement invoquer des motifs de sécurité juridique pour remédier à une situation causée par son propre défaut de se conformer à l’exigence, découlant du droit de l’Union, de communiquer une liste définie d’informations, au nombre desquelles figurent, notamment, celles relatives au droit du preneur de renoncer au contrat.
Arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C-209/12) (cf. points 26, 29, 30, 32 et disp.)
70. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale exigeant une autorisation administrative préalable pour l'ouverture de nouvelles pharmacies dans une région déterminée - Conditions d'octroi liées à la densité démographique et à la distance minimale entre les pharmacies - Critère essentiel consistant en une limite rigide de "personnes toujours à approvisionner" - Absence de possibilité de déroger à cette limite pour tenir compte de particularités locales - Inadmissibilité
L’article 49 TFUE, en particulier l’exigence de cohérence dans la poursuite de l’objectif recherché, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre, qui fixe, comme critère essentiel pour vérifier l’existence d’un besoin pour la création d’une nouvelle officine de pharmacie, une limite rigide de "personnes toujours à approvisionner", dans la mesure où les autorités nationales compétentes n’ont pas la possibilité de déroger à cette limite pour tenir compte de particularités locales.
Certes, une réglementation nationale reposant sur certains critères auxquels est subordonnée la délivrance des autorisations d’établissement de nouvelles pharmacies est, en principe, propre à atteindre l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.
Toutefois, une telle réglementation n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d’atteindre celui-ci d’une manière cohérente et systématique.
Une application uniforme, sur l’ensemble du territoire concerné, de conditions liées à la densité démographique et à la distance minimale entre les pharmacies, fixées par la réglementation nationale aux fins de la création d’une nouvelle officine de pharmacie, risque, dans certaines circonstances, de ne pas assurer un accès approprié au service pharmaceutique dans des zones présentant certaines particularités démographiques. S'agissant plus particulièrement des conditions liées à la densité démographique, l'application uniforme de ces conditions, sans dérogation possible, pourrait conduire, dans certaines zones rurales dont la population est généralement dispersée et moins nombreuse, à ce que certains habitants intéressés se trouvent hors d’une distance raisonnable d’une officine de pharmacie et soient ainsi privés d’un accès approprié au service pharmaceutique. Il s’ensuit que, en application du critère tenant au nombre de "personnes toujours à approvisionner", il existe un risque que ne soit pas assuré un accès égal et approprié aux services pharmaceutiques pour certaines personnes résidant dans les régions rurales et isolées.
Arrêt du 13 février 2014, Sokoll-Seebacher (C-367/12) (cf. points 25, 39, 41, 42, 50, 51 et disp.)
71. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Directive visant uniquement des fins comptables, n'ayant pas pour objet de fixer les conditions de détermination de l'assiette fiscale
Ordonnance du 6 mars 2014, Bloomsbury (C-510/12) (cf. point 16)
72. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Évaluation des actifs sur la base de leur prix d'acquisition ou de leur coût de revient - Dérogations - Cas exceptionnels - Notion - Acquisition de certains actifs à un prix nettement inférieur à leur valeur réelle donnant une image faussée du patrimoine de la société - Exclusion
Ordonnance du 6 mars 2014, Bloomsbury (C-510/12) (cf. points 22-30 et disp.)
73. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Accès à la profession d'architecte - Exigence de stage professionnel ou d'expérience professionnelle équivalente par l'État membre d'accueil - Inadmissibilité
Les articles 21 et 49 de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que l’État membre d’accueil exige du titulaire d’une qualification professionnelle obtenue dans l’État membre d’origine et visée aux annexes V, point 5.7.1., ou VI de cette directive, qu’il effectue un stage, ou prouve qu’il possède une expérience professionnelle équivalente, pour être autorisé à exercer la profession d’architecte.
En effet, le système de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles prévu, s’agissant de la profession d’architecte, par les articles 21, 46 et 49 de la directive 2005/36 ne laisse aucune marge d’appréciation aux États membres. Ainsi, dès lors qu’un ressortissant d’un État membre est titulaire de l’un des titres de formation et des certificats complémentaires figurant au point 5.7.1. de l’annexe V ou à l’annexe VI de cette directive, il doit pouvoir exercer la profession d’architecte dans un autre État membre sans que ce dernier ne puisse lui imposer d’obtenir ou de prouver qu’il a obtenu des qualifications professionnelles supplémentaires.
L’exclusion de toute exigence complémentaire s’impose d’autant plus, s’agissant de ladite directive, que celle-ci renforce le caractère automatique de la reconnaissance des titres professionnels, en ce qui concerne la profession d’architecte, par rapport à la directive 85/384, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l'architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services. En effet, cette dernière directive prévoyait, à son article 23, paragraphe 1, la possibilité pour un État membre d’imposer des conditions de stage complémentaires aux titulaires de titres de formation issus d’un autre État membre alors même que lesdits titres bénéficiaient de la reconnaissance mutuelle. La directive 2005/36 a supprimé cette faculté sans modifier, dans leur principe, les dispositions relatives à la reconnaissance mutuelle.
Toutefois, le bon fonctionnement du système de reconnaissance mutuelle automatique prévu par la directive 2005/36 suppose que les États membres aient correctement transposé non seulement les articles 21, 46 et 49 de cette directive, mais aussi les annexes V et VI de ladite directive.
Arrêt du 30 avril 2014, Ordre des architectes (C-365/13) (cf. points 24-27 et disp.)
74. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale octroyant un régime d'exclusivité pour l'organisation de ces jeux à un opérateur unique soumis à un contrôle étatique - Inadmissibilité - Justification - Raisons impérieuses d'intérêt général - Protection des consommateurs et prévention de la fraude et de l'incitation des citoyens à une dépense excessive - Marge d'appréciation des États membres dans la détermination de ces objectifs
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 juin 2014, Digibet et Albers (C-156/13) (cf. points 22-24)
75. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Avocats - Exercice permanent de la profession dans un État membre autre que celui d'acquisition de la qualification - Directive 98/5 - Retour dans l'État membre d'origine peu de temps après l'acquisition de la qualification professionnelle dans un autre État membre - Pratique abusive - Absence
L’article 3 de la directive 98/5, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit être interprété en ce sens que ne saurait constituer une pratique abusive le fait, pour le ressortissant d’un État membre, de se rendre dans un autre État membre afin d’y acquérir la qualification professionnelle d’avocat à la suite de la réussite d’épreuves universitaires et de revenir dans l’État membre dont il est le ressortissant pour y exercer la profession d’avocat sous le titre professionnel obtenu dans l’État membre où cette qualification professionnelle a été acquise.
En effet, l’objectif de la directive 98/5 est de faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle.
À cet égard, le droit pour les ressortissants d’un État membre de choisir, d’une part, l’État membre dans lequel ils souhaitent acquérir leurs qualifications professionnelles et, d’autre part, celui où ils ont l’intention d’exercer leur profession est inhérent à l’exercice, dans un marché unique, des libertés fondamentales garanties par les traités.
Ainsi, le fait, pour un ressortissant d’un État membre qui a obtenu un diplôme universitaire dans ce même État, de se rendre dans un autre État membre, afin d’y acquérir la qualification professionnelle d’avocat, et de revenir par la suite dans l’État membre dont il est le ressortissant pour y exercer la profession d’avocat sous le titre professionnel obtenu dans l’État membre où cette qualification a été acquise constitue l’une des hypothèses dans lesquelles l’objectif de la directive 98/5 est atteint et ne saurait constituer, par lui-même, un usage abusif du droit d’établissement découlant de l’article 3 de la directive 98/5.
En outre, la circonstance que le ressortissant d’un État membre a choisi d’acquérir une qualification professionnelle dans un État membre autre que celui dans lequel il réside afin d’y bénéficier d’une législation plus favorable ne permet pas, à lui seul, de conclure à l’existence d’un abus de droit.
Par ailleurs, une telle constatation ne saurait être infirmée par le fait que la présentation de la demande d’inscription au tableau des avocats établis auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil a eu lieu peu de temps après l’obtention du titre professionnel dans l’État membre d’origine. En effet, l’article 3 de la directive 98/5 ne prévoit nullement que l’inscription d’un avocat voulant exercer dans un État membre autre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil puisse être subordonnée à la condition qu’une période d’expérience pratique ait été accomplie en tant qu’avocat dans l’État membre d’origine.
Arrêt du 17 juillet 2014, Torresi (C-58/13 et C-59/13) (cf. points 47-52, disp. 1)
76. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Avocats - Exercice permanent de la profession dans un État membre autre que celui d'acquisition de la qualification - Directive 98/5 - Article 3 - Appréciation de validité au regard du respect de l'identité nationale des États membres - Validité
L’article 3 de la directive 98/5, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle, en ce qu’il permet aux ressortissants d’un État membre obtenant le titre professionnel d’avocat dans un autre État membre d’exercer la profession d’avocat dans l’État dont ils sont les ressortissants sous le titre professionnel obtenu dans l’État membre d’origine, n’est pas susceptible d’affecter les structures fondamentales politiques et constitutionnelles ni les fonctions essentielles de l’État membre d’accueil au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE.
En effet, l’article 3 de la directive 98/5 concerne uniquement le droit de s’établir dans un État membre pour y exercer la profession d’avocat sous le titre professionnel obtenu dans l’État membre d’origine. Cette disposition ne réglemente pas l’accès à la profession d’avocat ni l’exercice de cette profession sous le titre professionnel délivré dans l’État membre d’accueil. Il en résulte nécessairement qu’une demande d’inscription au tableau des avocats établis, présentée au titre de l’article 3 de la directive 98/5, n’est pas de nature à permettre d’éluder l’application de la législation de l’État membre d’accueil relative à l’accès à la profession d’avocat.
Arrêt du 17 juillet 2014, Torresi (C-58/13 et C-59/13) (cf. points 56-59, disp. 2)
77. Libre circulation des personnes - Travailleurs - Liberté d'établissement - Restrictions - Commerce d'armements et de munitions militaires et intermédiation dans l'achat et la vente de ceux-ci - Condition de nationalité pour les membres des organes de représentation légale ou pour l'associé gérant d'une société - Inadmissibilité - Justification - Protection des intérêts essentiels de la sécurité - Appréciation par le juge national
Les articles 45 TFUE et 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui impose aux sociétés souhaitant exercer des activités dans le domaine du commerce d’armements et de munitions militaires et dans celui de l’intermédiation dans l’achat et la vente de ces derniers que les membres de leurs organes de représentation légale ou leur associé gérant détiennent la nationalité de cet État membre.
En effet, cette réglementation institue une différence de traitement en raison de la nationalité prohibée, en principe, tant par l’article 49 TFUE que par l’article 45, paragraphe 2, TFUE.
Il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier si l’État membre qui invoque le bénéfice de l’article 346, paragraphe 1, sous b), TFUE en vue de justifier une telle réglementation peut démontrer la nécessité de recourir à la dérogation prévue à cette disposition dans le but de protéger les intérêts essentiels de sa sécurité.
À cet égard, d’une part, la dérogation prévue à l’article 346 TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte. D’autre part, bien que le paragraphe 1, sous b), de cet article fasse état des mesures qu’un État membre peut estimer nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, celui-ci ne saurait toutefois être interprété de manière à conférer aux États membres le pouvoir de déroger aux dispositions du traité par la seule invocation desdits intérêts. En effet, l’État membre qui invoque le bénéfice de l’article 346, paragraphe 1, sous b), TFUE doit démontrer la nécessité de recourir à la dérogation prévue à cette disposition dans le but de protéger les intérêts essentiels de sa sécurité.
À supposer qu’il soit démontré que l’objectif visant à garantir la fiabilité des personnes autorisées à exercer des activités dans le domaine du commerce d’armements et de munitions militaires et dans celui de l’intermédiation dans l’achat et la vente de ces derniers, l’objectif de sécurité de l’approvisionnement en matériel de défense et l’objectif visant à empêcher la divulgation d’informations stratégiques constituent des intérêts essentiels de la sécurité de l’État membre, au sens de l’article 346, paragraphe 1, sous b), TFUE, encore faudrait-il que la condition de nationalité, conformément au principe de proportionnalité, ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.
Arrêt du 4 septembre 2014, Schiebel Aircraft (C-474/12) (cf. points 29, 33-35, 37, 39 et disp.)
78. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Demande d'informations dans le cadre d'une procédure administrative - Informations concernant une entreprise d'investissement ayant eu un comportement frauduleux et en liquidation judiciaire - Situation ne relevant ni du droit pénal ni d'une procédure civile ou commerciale, au sens de l'article 54 de la directive - Possibilité, pour les autorités nationales de surveillance financière, d'invoquer leur obligation de garder le secret professionnel
L’article 54, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/39, concernant les marchés d’instruments financiers, doit être interprété en ce sens qu’une autorité nationale de surveillance peut invoquer, dans le cadre d’une procédure administrative, l’obligation de garder le secret professionnel à l’encontre d’une personne qui, en dehors d’un cas relevant du droit pénal ou d’une procédure civile ou commerciale, lui a demandé l’accès à des informations concernant une entreprise d’investissement qui se trouve désormais en liquidation judiciaire, quand bien même le principal modèle commercial de cette entreprise aurait consisté dans une fraude de grande ampleur visant à escroquer sciemment les investisseurs et plusieurs des responsables de ladite entreprise auraient été condamnés à des peines privatives de liberté.
En effet, c’est afin de protéger non seulement les entreprises directement concernées, mais aussi le fonctionnement normal des marchés d’instruments financiers de l’Union, que l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39 impose, en tant que règle générale, l’obligation de garder le secret professionnel. Les cas spécifiques dans lesquels l’interdiction générale de divulguer des informations confidentielles couvertes par le secret professionnel ne fait pas obstacle à leur transmission ou utilisation sont énoncés de manière détaillée audit article 54. Il s’ensuit que l’interdiction générale de divulgation d’informations confidentielles ne saurait trouver des exceptions en dehors des situations spécifiquement prévues à cet article. S’agissant des informations concernant des entreprises d’investissement déclarées en faillite ou mises en liquidation forcée, l’obligation de garder le secret professionnel ne saurait être écartée, sans préjudice des cas relevant du droit pénal, que lorsque les informations confidentielles ne concernent pas des tiers, que la divulgation de ces informations intervient dans le cadre de procédures civiles ou commerciales et que lesdites informations sont nécessaires au déroulement de ces procédures.
Arrêt du 12 novembre 2014, Altmann e.a. (C-140/13) (cf. points 33-35, 38, 42 et disp.)
79. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale imposant aux entreprises de manutention de marchandises opérant dans les ports d'intérêt général de s'inscrire auprès d'une société anonyme de gestion des dockers et fixant des restrictions relatives au recrutement de leur personnel - Inadmissibilité - Justification - Protection des travailleurs - Garantie de sécurité dans les eaux portuaires - Absence
Arrêt du 11 décembre 2014, Commission / Espagne (C-576/13) (cf. points 37, 38, 48-58 et disp.)
80. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale prévoyant l'organisation d'un nouvel appel d'offres portant sur des concessions d'une durée inférieure à celle des concessions précédemment octroyées en raison d'une réorganisation du système au moyen d'un alignement temporel des échéances - Justification tenant à l'intérêt général - Proportionnalité - Admissibilité
Les articles 49 TFUE et 56 TFUE ainsi que les principes d’égalité de traitement et d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale qui prévoit l’organisation d’un nouvel appel d’offres portant sur des concessions d’une durée inférieure à celle des concessions précédemment octroyées en raison d’une réorganisation du système au moyen d’un alignement temporel des échéances des concessions.
En effet, même si cette législation constitue une entrave aux libertés garanties par les articles 49 TFUE et 56 TFUE, la réorganisation du système des concessions précitée peut contribuer à une poursuite cohérente des objectifs légitimes de la réduction des occasions de jeux ou de la lutte contre la criminalité liée à ces jeux et peut satisfaire également aux conditions de proportionnalité requises.
S’il s’avérait que, à l’avenir, les autorités nationales souhaitent réduire le nombre de concessions accordées ou exercer un contrôle plus strict sur les activités dans le domaine des jeux de hasard, de telles mesures seraient facilitées dans l’hypothèse où toutes les concessions sont octroyées pour la même durée et prennent fin en même temps.
Ordonnance du 12 février 2015, Lb Group (C-651/13) (cf. point 8 et disp.)
Ordonnance du 12 février 2015, Saba (C-652/13) (cf. point 10 et disp.)
Ordonnance du 12 février 2015, Concu et Melis (C-457/14) (cf. point 10 et disp.)
Ordonnance du 12 février 2015, Siddu (C-478/14) (cf. point 11 et disp.)
Ordonnance du 12 février 2015, Sogno di Tolosa e.a. (C-480/14) (cf. point 8 et disp.)
81. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Régime général de reconnaissance des titres de formation - Accès à la profession d'architecte - Conditions - Détention d'un titre ne figurant pas à l'annexe 5, point 5.7 - Motif spécifique et exceptionnel - Conditions cumulatives
L’article 10, sous c), de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle que modifiée par le règlement nº 279/2009, doit être interprété en ce sens que le demandeur souhaitant bénéficier du régime général de reconnaissance des titres de formation, prévu au chapitre I du titre III de cette directive, doit, outre le fait d’être détenteur d’un titre de formation ne figurant pas dans l’annexe V, point 5.7.1, de ladite directive, également démontrer l’existence d’un "motif spécifique et exceptionnel".
Arrêt du 16 avril 2015, Angerer (C-477/13) (cf. point 38, disp. 1)
82. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Régime général de reconnaissance des titres de formation - Accès à la profession d'architecte - Notion de "motif spécifique et exceptionnel" - Portée
L’article 10, sous c), de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle que modifiée par le règlement nº 279/2009, doit être interprété en ce sens que la notion de "motif spécifique et exceptionnel", au sens de cette disposition, fait référence aux circonstances pour lesquelles le demandeur n’est pas détenteur d’un titre figurant dans l’annexe V, point 5.7.1, de cette directive, étant entendu que ledit demandeur ne saurait se prévaloir du fait qu’il possède des qualifications professionnelles lui ouvrant, dans son État membre d’origine, l’accès à une profession autre que celle qu’il souhaite exercer dans l’État membre d’accueil.
En outre, le "motif spécifique et exceptionnel" est susceptible de couvrir tant des circonstances tenant à de possibles obstacles institutionnels et structurels résultant de la situation concrète de l’État membre concerné que des circonstances liées à la situation personnelle du demandeur.
Arrêt du 16 avril 2015, Angerer (C-477/13) (cf. points 43, 45, disp. 2)
83. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Régime général de reconnaissance des titres de formation - Notion d'architecte - Critères
L’article 10, sous c), de la directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle que modifiée par le règlement nº 279/2009, doit être interprété en ce sens que la notion d’architecte, visée à cette disposition, doit être définie eu égard à la législation de l’État membre d’accueil et, par suite, qu’elle n’impose pas nécessairement que le demandeur dispose d’une formation et d’une expérience qui s’étendent non seulement à des activités techniques de planification, de surveillance et de mise en œuvre, mais aussi à des activités relevant du domaine de la conception artistique et économique du bâtiment, de l’urbanisme, voire de la conservation des monuments.
Arrêt du 16 avril 2015, Angerer (C-477/13) (cf. point 51, disp. 3)
84. Liberté d'établissement - Restrictions - Exercice d'une activité de transport collectif urbain par route sur le territoire d'un État membre - Réglementation nationale imposant aux seuls transporteurs étrangers, disposant d'une succursale dans cet État membre, d'obtenir une autorisation spéciale délivrée de manière discrétionnaire par les autorités compétentes - Inadmissibilité - Justification - Absence
85. Liberté d'établissement - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Notion - Activités d'attestation du respect des conditions requises par la règlementation nationale par les entreprises réalisant des travaux publics - Exclusion
L’article 51, premier alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens que l’exception au droit d’établissement, inscrite à cette disposition, ne s’applique pas aux activités d’attestation exercées par les sociétés ayant la qualité d’organismes d’attestation.
En effet, au regard du fait que lesdites sociétés sont des entreprises à but lucratif exerçant leurs activités dans des conditions de concurrence et ne disposant d’aucun pouvoir décisionnel se rattachant à l’exercice de prérogatives de puissance publique, les activités d’attestation desdites sociétés ne constituent pas une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 51 TFUE.
Plus particulièrement, la vérification de la capacité technique et financière des entreprises soumises à la certification, de la véracité et du contenu des déclarations, des certificats et des documents présentés par les personnes auxquelles l’attestation est délivrée ainsi que du maintien des conditions relatives à la situation personnelle du candidat ou du soumissionnaire ne saurait être considérée comme une activité relevant de l’autonomie décisionnelle propre à l’exercice de prérogatives de puissance publique, cette vérification étant entièrement déterminée par le cadre réglementaire national. En outre, ladite vérification est accomplie sous une surveillance étatique directe et elle a pour fonction de faciliter la tâche des pouvoirs adjudicateurs dans le domaine des marchés publics de travaux, sa finalité étant de permettre à ces derniers d’accomplir leur mission en ayant une connaissance précise et circonstanciée de la capacité tant technique que financière des soumissionnaires.
Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C-593/13) (cf. points 19, 20, 22, disp. 1)
86. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Faculté pour les États membres d'exclure certains déposants ou dépôts de la garantie - Conditions - Possibilité d'exclure de la garantie uniquement les certificats possédant toutes les caractéristiques d'un instrument financier - Absence
L’article 7, paragraphe 2, de la directive 94/19, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2009/14, et le point 12 de l’annexe I de celle-ci doivent être interprétés en ce sens que les États membres peuvent exclure de la garantie prévue par cette directive les certificats de dépôt émis par un établissement de crédit, s’ils ont le caractère de titres cessibles, ce qu’il appartient au juge national de déterminer, sans qu’il soit nécessaire de s’assurer que ces certificats présentent toutes les caractéristiques d’un instrument financier au sens de la directive 2004/39, concernant les marchés d’instruments financiers.
À cet égard, ni l’article 7, paragraphe 2, de la directive 94/19 ni le point 12 de l’annexe I de celle-ci ne prévoient, aux fins de l’exclusion de la garantie des dépôts, que les instruments en cause doivent présenter toutes les caractéristiques d’un instrument financier au sens de la directive 2004/39. En outre, aux termes de l’article 1er, point 1, de la directive 94/19, la définition du terme "dépôt" aux fins de cette directive inclut, d’une part, tout solde créditeur résultant des fonds laissés en compte ou de situations transitoires provenant d’opérations bancaires normales et, d’autre part, toute créance représentée par un titre de créance émis par l’établissement de crédit. Ainsi, il ressort des termes de cette disposition que la notion de dépôt, aux fins de cette directive, n’est pas définie par référence aux caractéristiques d’un instrument financier, au sens de la directive 2004/39. De même, il ressort de ladite disposition que ce qui caractérise le deuxième type de dépôt est le fait d’être représenté par un titre qui peut être cédé, permettant ainsi la circulation du droit de crédit incorporé.
87. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts et d'indemnisation des investisseurs - Directives 94/19 et 97/9 - Instruments relevant simultanément des deux directives - Faculté pour les États membres d'exclure certains déposants ou dépôts des garanties visées par ces directives - Réglementation nationale portant exclusion des créances sur un établissement de crédit des systèmes de protection des directives 94/19 et 97/9 - Inadmissibilité
La directive 94/19, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2009/14, et la directive 97/9, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs, doivent être interprétées en ce sens que, lorsque des créances sur un établissement de crédit sont susceptibles de relever à la fois de la notion de dépôt, au sens de cette directive 94/19, et de celle d’instrument, au sens de la directive 97/9, mais que le législateur national a fait usage de la faculté prévue au point 12 de l’annexe I de ladite directive 94/19 d’exclure ces créances du système de protection prévu par cette dernière directive, une telle exclusion ne saurait avoir pour conséquence que lesdites créances soient également exclues du système de protection prévu par la directive 97/9, en dehors des conditions visées à l’article 4, paragraphe 2, de cette dernière.
À cet égard, compte tenu des définitions des notions de dépôt et d’instrument contenues, respectivement, dans les directives 94/19 et 97/9, un même titre de créance peut relever simultanément de l’une et de l’autre de ces notions et, partant, du champ d’application de ces deux directives. Or, les systèmes de garantie prévus par ces deux directives répondent à des conditions distinctes, notamment en termes d’exclusion. En effet, tandis que l’article 7, paragraphe 2, et l’annexe I de la directive 94/19 prévoient des exclusions fondées soit sur le type de déposants, soit sur le type de dépôts, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 97/9 envisage des exclusions uniquement en fonction du type d’investisseur. Dans ces conditions, si le droit de l’Union ne s’oppose certes pas à ce qu’un État membre choisisse de transposer les directives 94/19 et 97/9 par un même acte législatif, il convient toutefois, ainsi que cela est souligné au considérant 9 de la directive 97/9, que le régime institué par cet acte réponde aux exigences des deux directives.
88. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Services d'investissement - Systèmes d'indemnisation des investisseurs - Directive 97/9 - Conditions d'application - Réglementation nationale subordonnant le bénéfice d'une indemnisation à une condition non prévue dans la directive - Inadmissibilité
Les articles 2, paragraphe 2, et 4, paragraphe 2, de la directive 97/9, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui fait dépendre la possibilité de bénéficier du système d’indemnisation prévu par cette directive du fait que l’établissement de crédit concerné ait transféré ou utilisé les fonds ou les titres en cause sans le consentement de l’investisseur. En effet, une telle condition n’est nullement requise par la directive 97/9 pour que les investisseurs puissent bénéficier du système de protection prévu par celle-ci. Par ailleurs, les investisseurs titulaires de tels instruments ne sont pas mentionnés parmi ceux qui, en vertu de l’annexe I de la directive 97/9, peuvent être exclus de ce système.
89. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Services d'investissement - Systèmes d'indemnisation des investisseurs - Directive 97/9 - Conditions d'application - Effet direct - Portée
La directive 97/9, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs, doit être interprétée en ce sens que le juge national, pour autant qu’il estime que cette directive est invoquée à l’encontre d’un organisme remplissant les conditions pour se voir opposer les dispositions de ladite directive, est tenu de ne pas appliquer une disposition nationale qui fait dépendre la possibilité de bénéficier du système d’indemnisation prévu par cette même directive du fait que l’établissement de crédit concerné ait transféré ou utilisé les fonds ou les titres en cause sans le consentement de l’investisseur.
En effet, la directive 97/9 est, en tant qu’elle est relative à la détermination des cas protégés, suffisamment claire, précise et inconditionnelle pour être invoquée directement par les particuliers devant les juridictions nationales à l’encontre dudit État membre. Par conséquent, dans le cas d’un recours dirigé contre un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, la juridiction nationale devrait écarter toute disposition nationale contraire à la directive 97/9 et, par la suite, ne pas appliquer la condition de l’utilisation des fonds sans consentement de l’investisseur, lors de la détermination du cadre des investissements relevant du système de protection prévu par cette directive.
90. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Faculté pour les États membres d'exclure certains déposants ou dépôts de la garantie - Conditions - Caractère exhaustif de la liste des exclusions énumérées dans l'annexe I - Possibilité pour les États membres d'exclure d'autres catégories de déposants ou de dépôts - Absence
Les dépôts exclus au titre de l’annexe I, point 7, de la directive 94/19, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2009/14, y sont énumérés de manière exhaustive, de sorte que les États membres ne peuvent prévoir, dans leur droit national, d’autres catégories de déposants qui ne relèvent pas, du point de vue des fonctions exercées, des notions énumérées par ce même point, afin de leur appliquer l’exclusion de la garantie des dépôts.
À cet égard, les catégories auxquelles se réfère l’annexe I, point 7, de la directive 94/19 pour déterminer les dépôts ou déposants exclus de la garantie doivent être définies d’un point de vue fonctionnel. Par conséquent, l’exclusion de la garantie des dépôts s’applique aux personnes qui exercent des fonctions qui peuvent être considérées, eu égard au droit national et à la pratique commerciale de l’État membre, comme relevant des notions visées audit point de cette annexe, quelle que soit la dénomination même des fonctions ainsi exercées, ce qu’il appartient au juge national de vérifier. En outre, dès lors que les catégories prévues à l’annexe I de la directive 94/19 constituent une exception à la règle générale prévue à l’article 3 de ladite directive, elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte.
Arrêt du 2 septembre 2015, Surmačs (C-127/14) (cf. points 24-26, disp. 1)
91. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Faculté pour les États membres d'exclure certains déposants ou dépôts de la garantie - Exclusion des dirigeants des établissements de crédit - Notion de dirigeant - Critères d'appréciation
L’annexe I, point 7, de la directive 94/19, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2009/14, doit être interprétée en ce sens que les États membres peuvent exclure de la garantie prévue par cette directive, en tant que dirigeant, les personnes qui, en raison de la fonction occupée au sein de l’établissement de crédit, disposent, quelle que soit la dénomination de cette fonction, d’un niveau d’informations et de compétences leur permettant d’apprécier la situation financière réelle et les risques associés aux activités de l’établissement de crédit.
En effet, l’exclusion facultative des déposants énumérés audit point de l’annexe I de la directive 94/19 repose sur le postulat que ces personnes possèdent, en principe, un niveau de compétences et d’informations relatives à l’établissement de crédit auquel elles confient leurs dépôts dont ne disposent pas la plupart des déposants. Il appartient au juge national de vérifier si, en l’espèce, l’intéressé possède ces informations et ces compétences et se trouve dans une situation lui permettant d’apprécier la situation financière réelle et les risques associés aux activités de l’établissement de crédit. À cette fin, le juge national devra prendre en considération toutes les circonstances pertinentes de l’affaire et, notamment, la description du poste de l’intéressé, les activités qu’il a effectivement exercées ainsi que les rapports juridiques et factuels entre ce dernier et le conseil d’administration de la banque. Dans ce cadre, la question de savoir si l’intéressé est responsable de l’ensemble des activités de la banque ou seulement d’une branche d’activité spécifique de celle-ci ne constitue qu’un des éléments à prendre en compte dans la vérification susmentionnée.
Arrêt du 2 septembre 2015, Surmačs (C-127/14) (cf. points 33, 37, 38, disp. 2)
92. Liberté d'établissement - Législation fiscale - Impôt sur les sociétés - Réglementation nationale établissant une exonération totale des dividendes versés par les filiales en vertu d'un régime d'intégration fiscale réservé aux seules sociétés résidentes - Exonération partielle des dividendes versés par les filiales non-résidentes ne pouvant appartenir à un tel groupe - Inadmissibilité - Justification - Absence
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre relative à un régime d’intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d’une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l’intégration, alors qu’une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option.
En effet, au contraire d’un cas où la condition de résidence en tant que condition d’accès à un régime d’intégration fiscale est justifiée en tenant compte du fait qu’un tel régime permet le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal intégré, en ce qui concerne, en revanche, les avantages fiscaux autres que le transfert des pertes à l’intérieur d’un groupe fiscal intégré, une telle différence de traitement ne peut être justifiée par la nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. Cette différence de traitement ne porte que sur des dividendes entrants, perçus par des sociétés mères résidentes, de sorte que la souveraineté fiscale d’un seul et même État membre est concernée.
Par ailleurs, dans la mesure où aucun lien direct ne peut être identifié entre cet avantage et un désavantage fiscal résultant de la neutralisation des opérations internes au groupe, un tel avantage ne saurait pas non plus être justifié par la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal de l’État membre concerné. En effet, même si la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges résulte de l’assimilation du groupe constitué par la société mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements, cette neutralisation ne procure aucun désavantage fiscal à la société mère tête du groupe fiscal intégré mais lui confère, au contraire, ledit avantage fiscal.
Arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C-386/14) (cf. points 27-29, 34-36, 40 et disp.)
93. Rapprochement des législations - Régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents - Directive 90/435 - Article 4, paragraphe 2 - Faculté des États membres de prévoir la non-déductibilité des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale du bénéfice imposable de la société mère - Limite - Obligation de respecter les dispositions fondamentales du traité, dont l'article 49 TFUE
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C-386/14) (cf. point 39)
94. Liberté d'établissement - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Activités de notaire - Exclusion - Condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire - Inadmissibilité
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 TFUE un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 51, premier alinéa, TFUE.
En effet, en premier lieu, s’agissant de l’activité d’authentification, celle-ci se caractérise par le fait que le notaire est tenu de vérifier, notamment, que toutes les conditions légalement exigées pour la réalisation de l’acte sont réunies. En outre, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que l'intervention du notaire suppose l'existence préalable d'un consentement des parties ou d'un accord de volonté entre celles-ci. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique. De plus, l'authentification par le notaire des signatures de citoyens dans le cadre de la procédure de dépôt d'initiatives législatives citoyennes ne saurait davantage être considérée comme une participation à l'exercice de l'autorité publique.
En deuxième lieu, par rapport aux autres activités confiées au notaire, les tâches en matière successorale étant exercées, soit sur une base consensuelle, soit en tant que tâches préparatoires sous la surveillance du juge, elles ne sauraient, en conséquence, être considérées comme participant, en tant que telles, directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique. En outre, la compétence du notaire en matière de divorce, qui repose exclusivement sur la volonté des parties et laisse intactes les prérogatives du juge en l’absence d’accord de celles-ci, ne comporte aucune participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires dans l’ordre juridique national, c’est au regard de la nature des activités exercées par ces notaires, prises en elles-mêmes, et non pas au regard de ce statut en tant que tel, qu’il convient de vérifier si ces activités relèvent de la dérogation prévue à l’article 51, premier alinéa, TFUE. À cet égard, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique.
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 TFUE un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique, au sens de l’article 51, premier alinéa, TFUE.
En effet, en premier lieu, s’agissant de l’activité de délivrance d’injonctions de payer, force est de constater que la compétence du notaire en cette matière, qui repose exclusivement sur la concordance de la volonté du créancier et de celle du débiteur et laisse intactes les prérogatives du juge en l’absence d’accord de ceux-ci en ce qui concerne la réalité de la créance, ne comporte aucune participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
En deuxième lieu, en matière successorale, les tâches confiées au notaire étant exercées sur une base consensuelle et laissant intactes les prérogatives du juge en l’absence d’accord des parties, elles ne sauraient, en conséquence, non plus, être considérées comme participant, en tant que telles, directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.
En troisième lieu, s’agissant des activités des notaires en matière de dépôt notarié, elles ne comportent pas l’exercice de pouvoirs décisionnels, le rôle des notaires se limitant à la vérification du respect des conditions légalement requises.
En quatrième lieu, quant à l’activité d’authentification confiée aux notaires, elle ne comporte pas, en tant que telle, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, au sens de l’article 51, premier alinéa, TFUE dans la mesure où l’intervention du notaire suppose l’existence préalable d’un consentement des parties ou d’un accord de volonté entre celles-ci. De même, la force exécutoire de l’acte authentique ne traduit pas non plus la détention par le notaire de pouvoirs comportant une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, étant donné qu’elle repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire.
En cinquième lieu, en ce qui concerne les compétences du notaire en matière de constitution préalable de preuves et de désignation d’un expert judiciaire, les compétences du notaire constituent des activités auxiliaires ou préparatoires par rapport à l’exercice de l’autorité publique.
En sixième lieu, quant à la compétence du notaire pour procéder à l’annulation des titres négociables et des certificats perdus, volés ou détruits, elle ne comporte pas l’exercice de pouvoirs décisionnels dans la mesure où elle n’implique pas la nullité, au sens du droit civil, du rapport juridique qui sous-tend le titre, mais crée uniquement la possibilité de pouvoir émettre un titre nouveau, qui remplace le précédent.
Enfin, s’agissant des activités exercées en matière de dissolution du partenariat enregistré, la compétence du notaire repose exclusivement sur la volonté des parties et laisse intactes les prérogatives du juge en l’absence d’accord de celles-ci et, dès lors, ne comporte aucune participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique. Quant à l’inscription d’informations dans le registre des déclarations de partenariat et dans le registre national des contrats de mariage et le registre national des contrats de partenariat, la Cour a déjà jugé que les activités qui se rapportent aux mesures de publicité des actes ne traduisent pas un exercice direct et spécifique de l’autorité publique par le notaire.
95. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Notion de profession réglementée - Référendaire près la Cour de cassation - Exclusion
La directive 2005/36, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, doit être interprétée en ce sens que la fonction de référendaire près la Cour de cassation n’est pas une profession réglementée, au sens de cette directive.
En effet, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette directive, la notion de profession réglementée vise une activité ou un ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées.
Il résulte de l’article 3, paragraphe 1, sous b), c) et e), de ladite directive que la notion de qualification professionnelle déterminée, figurant à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette directive vise non pas toute qualification attestée par un titre de formation de nature générale, mais celle correspondant à un titre de formation spécifiquement conçu pour préparer ses titulaires à l’exercice d’une profession donnée.
Or, les titres de formation requis pour pouvoir accéder à la fonction de référendaire près la Cour de cassation ne visent pas spécifiquement à préparer leurs titulaires à exercer cette fonction, mais donnent accès à un large éventail de professions juridiques.
Dès lors, ces titres ne confèrent pas des qualifications professionnelles déterminées, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2005/36, à la possession desquelles l’accès ou l’exercice de la fonction de référendaire près la Cour de cassation serait subordonné.
Par conséquent, ladite fonction ne constitue pas une profession réglementée, au sens de la directive 2005/36.
Arrêt du 6 octobre 2015, Brouillard (C-298/14) (cf. points 37-40, 42, 45, disp. 2)
96. Liberté d'établissement - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Portée - Activités des centres de contrôle technique des véhicules - Pouvoir d'immobilisation des véhicules présentant des défauts de sécurité entraînant un danger imminent - Exclusion
L’article 51, premier alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens que les activités des centres de contrôle technique des véhicules, visés par une réglementation nationale, ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de cette disposition, nonobstant la circonstance que les opérateurs de ces centres disposent d’un pouvoir d’immobilisation lorsque les véhicules présentent, lors du contrôle, des défauts de sécurité entraînant un danger imminent, dès lors que ce pouvoir d’immobilisation est exercé dans les conditions suivantes:
- que, d’une part, une surveillance étatique ait été mise en place par la réglementation nationale en cause, conformément aux exigences de l’article 2 de la directive 2009/40, relative au contrôle technique des véhicules à moteur et de leurs remorques, et
- que, d’autre part, le propriétaire d’un véhicule immobilisé ait la faculté de présenter une réclamation auprès d’un intervenant technique, fonctionnaire de l’administration en charge de la supervision et du contrôle des centres de contrôle technique des véhicules, et que cet intervenant puisse réformer la décision d’immobilisation. En outre, en cas d’opposition du propriétaire du véhicule à l’immobilisation de ce dernier, seules les autorités publiques compétentes en matière de circulation et de police sont habilitées à adopter des mesures de coercition ou de contrainte physique. La faculté d’immobilisation du véhicule dont disposent les opérateurs lorsqu’ils détectent des défauts entraînant un danger imminent n’est ainsi assortie d’aucun pouvoir de coercition ou de contrainte physique.
Arrêt du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a. (C-168/14) (cf. points 58-61, disp. 2)
97. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale subordonnant l'autorisation d'ouverture d'un centre de contrôle technique des véhicules à l'existence d'une distance minimale entre les centres de contrôle et à la détention d'une part de marché ne dépassant pas 50 % - Inadmissibilité - Justification - Protection des consommateurs et sécurité routière dans le respect du principe de proportionnalité - Vérification par le juge national
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne l’autorisation d’ouverture par une entreprise ou par un groupe d’entreprises d’un centre de contrôle technique des véhicules à la condition, d’une part, qu’il existe une distance minimale entre ce centre et les centres déjà autorisés de cette entreprise ou de ce groupe d’entreprises et, d’autre part, que ladite entreprise ou ledit groupe d’entreprises ne détienne pas, si une telle autorisation était accordée, une part de marché supérieure à 50 %, à moins qu’il ne soit établi, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier, que cette condition est véritablement appropriée pour atteindre les objectifs de protection des consommateurs et de sécurité routière et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à cet effet.
En effet, d’une part, de telles restrictions sont susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté d’établissement garantie par le traité FUE.
D’autre part, s’agissant de l’absence de justification objective de ces restrictions, en ce qui concerne, en premier lieu, le respect de distances minimales entre des centres appartenant non pas à des entreprises concurrentes mais à une même entreprise ou à un même groupe d’entreprises, il n’est nullement établi qu’une telle condition permettrait, par elle-même, de satisfaire à l’objectif d’inciter les opérateurs à s’implanter dans les zones isolées du territoire.
En ce qui concerne, en second lieu, l’interdiction faite aux opérateurs de détenir une part de marché supérieure à 50 %, une telle condition, en ce qu’elle est susceptible d’avoir une incidence sur l’activité préexistante des centres de contrôle technique des véhicules dans la région concernée ainsi que sur la structure du marché, n’apparaît pas d’emblée comme de nature à contribuer à la protection des consommateurs. À cet égard, en ce qui concerne l’objectif tenant à la qualité du service, le contenu des prestations de contrôle technique des véhicules fait l’objet d’une harmonisation au niveau de l’Union.
Arrêt du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a. (C-168/14) (cf. points 67, 78-81, 84, disp. 3)
98. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Services ou activités d'investissement - Notion - Opérations de change, effectuées par un établissement de crédit en vertu de clauses d'un contrat de prêt libellé en devise - Fixation du montant du prêt sur la base du cours d'achat de la devise applicable lors du déblocage des fonds - Détermination des montants des mensualités sur la base du cours de vente de cette devise lors du calcul de chaque mensualité - Exclusion
L’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39, concernant les marchés d’instruments financiers, doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ne constituent pas un service ou une activité d’investissement au sens de cette disposition certaines opérations de change, effectuées par un établissement de crédit en vertu de clauses d’un contrat de prêt libellé en devise, consistant à fixer le montant du prêt sur la base du cours d’achat de la devise applicable lors du déblocage des fonds et à déterminer les montants des mensualités sur la base du cours de vente de cette devise applicable lors du calcul de chaque mensualité.
En effet, constituent des services et activités d’investissement, conformément à la disposition précitée, tout service et toute activité répertoriés à la section A de l’annexe I de la directive 2004/39 et portant sur tout instrument visé à la section C de la même annexe. Or, les opérations en question, en ce qu’elles constituent des activités de change qui sont purement accessoires à l’octroi et au remboursement d’un prêt à la consommation libellé en devise, ne relèvent pas de ladite section A, dans la mesure où elles sont limitées à la conversion, sur la base du cours de change d’achat ou de vente de la devise considérée, des montants du prêt et des mensualités libellés dans cette devise (monnaie de compte) en monnaie nationale (monnaie de paiement). De telles opérations n’ont pas d’autre fonction que celle de servir de modalités d’exécution des obligations essentielles de paiement du contrat de prêt, à savoir la mise à disposition du capital par le prêteur et le remboursement de ce capital assorti des intérêts par l’emprunteur. Ces opérations n’ont pas pour finalité la réalisation d’un investissement, le consommateur visant uniquement à obtenir des fonds en vue de l’achat d’un bien de consommation ou de la fourniture d’un service et non pas, par exemple, à gérer un risque de change ou à spéculer sur le taux de change d’une devise.
Par ailleurs, il ressort de la directive que des services de change ne constituent pas, en soi, des services d’investissement relevant de l’annexe I, section A, de ladite directive.
Or, les opérations de change en cause sont liées non pas à un service d’investissement, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39, mais à une opération qui ne constitue pas elle-même un instrument financier, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 17, de cette directive.
En effet, il ne semble pas que les opérations de change qu’effectue un établissement de crédit dans le cadre de l’exécution d’un contrat de prêt portent sur l’un des instruments financiers visés à l’annexe I, section C, de ladite directive, dont, en particulier, le contrat à terme, dans la mesure où un contrat de prêt à la consommation n’a pas pour objet la vente d’un actif financier à un prix qui est fixé lors de la conclusion du contrat.
Dans le cadre d’un contrat de prêt tel que celui en cause, la valeur des devises devant être prise en compte pour le calcul des remboursements n’est pas fixée à l’avance dès lors qu’elle est déterminée sur la base du cours de vente de ces devises à la date de l’échéance de chaque mensualité.
Arrêt du 3 décembre 2015, Banif Plus Bank (C-312/14) (cf. points 54-57, 66-68, 70, 74, 76 et disp.)
99. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Objectif
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 décembre 2015, Quenon K. (C-338/14) (cf. points 21-23)
Arrêt du 16 février 2017, Agro Foreign Trade & Agency (C-507/15) (cf. points 28-31)
100. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Indemnité ne couvrant pas l'intégralité du préjudice réellement subi - Octroi de dommages et intérêts complémentaires - Admissibilité - Marge d'appréciation des États membres - Conditions
L’article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant que l’agent commercial a droit, lors de la cessation du contrat d’agence, à la fois à une indemnité de clientèle limitée au maximum à une année de sa rémunération et, si cette indemnité ne couvre pas l’intégralité du préjudice réellement subi, à l’octroi de dommages et intérêts complémentaires, pour autant qu’une telle règlementation n’aboutit pas à une double indemnisation de l’agent au titre de la perte des commissions à la suite de la rupture du contrat.
En effet, il résulte des termes mêmes de l’article 17, paragraphe 2, sous c), de la directive 86/653, ainsi que d’une interprétation systématique de cette disposition, que des dommages et intérêts peuvent être accordés aux agents commerciaux à titre complémentaire de l'indemnité de clientèle et qu’ils ne sont pas soumis aux conditions énoncées à l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la directive ni à la limite maximale prévue à l’article 17, paragraphe 2, sous b), de celle-ci. À cet égard, étant donné que la directive ne donne pas d’indications précises quant aux conditions dans lesquelles un agent commercial peut prétendre à des dommages et intérêts, il appartient aux États membres, dans l’exercice de leur marge d’appréciation, de déterminer lesdites conditions et les modalités procédurales. Toutefois, la marge d’appréciation que les États membres peuvent exercer lors de la transposition de l’article 17, paragraphe 2, sous c), de la directive est encadrée par l’obligation de choisir l’un des deux systèmes d’indemnisation prévus, respectivement, aux paragraphes 2 et 3 dudit article, sans pouvoir les cumuler. Par conséquent, l’octroi des dommages et intérêts ne peut pas aboutir à octroyer une double réparation en combinant l’indemnité de clientèle avec la réparation du préjudice résultant notamment de la perte des commissions à la suite de la rupture du contrat.
Arrêt du 3 décembre 2015, Quenon K. (C-338/14) (cf. points 30, 32, 34, 35, disp. 1)
101. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Octroi de dommages et intérêts complémentaires - Conditions
L’article 17, paragraphe 2, sous c), de la directive 86/653, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu’il ne subordonne pas l’octroi des dommages et intérêts à la démonstration de l’existence d’une faute imputable au commettant qui soit en relation causale avec le préjudice allégué, mais exige que le préjudice allégué soit distinct de celui réparé par l’indemnité de clientèle.
En effet, la directive 86/653, et notamment son article 17, paragraphe 2, sous c), ne précise pas les conditions dans lesquelles des dommages et intérêts sont dus à l’agent commercial. Il appartient dès lors aux États membres de déterminer, dans leur droit national, si l’octroi des dommages et intérêts dépend de l’existence d’une faute, qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, imputable au commettant et qui soit en relation causale avec le préjudice allégué.
En outre, il résulte de l’emploi de termes différents pour désigner les deux éléments du système de l’indemnité de clientèle, prévu à l’article 17, paragraphe 2, de la directive, à savoir l’"indemnité" et les "dommages-intérêts", du caractère complémentaire et facultatif de ces derniers ainsi que du degré d’harmonisation distinct envisagé par la directive par rapport à ces deux éléments, que l’indemnisation de l’agent commercial par des dommages et intérêts ne peut que porter sur un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité de clientèle. S’il en était autrement, le plafond du montant de l’indemnité prévu à l’article 17, paragraphe 2, sous b), de la directive serait contourné.
Arrêt du 3 décembre 2015, Quenon K. (C-338/14) (cf. points 37, 38, 40-42, disp. 2)
102. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale imposant au concessionnaire de céder à titre gratuit, lors de la cessation de l'activité du fait de l'expiration de la période de concession, l'usage des biens matériels et immatériels détenus en propriété et constituant le réseau de gestion et de collecte du jeu - Inadmissibilité - Justification - Lutte contre la criminalité - Proportionnalité - Vérification par la juridiction nationale
Les articles 49 TFUE et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale restrictive qui impose au concessionnaire de céder à titre gratuit, lors de la cessation de l’activité du fait de l’expiration de la période de concession, l’usage des biens matériels et immatériels détenus en propriété et constituant le réseau de gestion et de collecte du jeu, pour autant que cette restriction aille au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif effectivement poursuivi par cette disposition, ce qu’il revient à la juridiction nationale de vérifier.
En effet, une telle disposition nationale peut rendre moins attractif l’exercice de cette activité. En outre, le risque pour une entreprise de devoir céder, sans contrepartie financière, l’usage de biens en sa possession est susceptible de l’empêcher de rentabiliser son investissement. À cet égard, si ladite disposition est susceptible d’être justifiée en ce qu’elle poursuit un objectif ayant trait à la lutte contre la criminalité liée aux jeux de hasard, lequel est de nature à constituer une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction aux libertés fondamentales, il appartient au juge national de vérifier si la restriction en cause satisfait au principe de proportionnalité.
Arrêt du 28 janvier 2016, Laezza (C-375/14) (cf. points 23, 32, 34, 37, 44 et disp.)
103. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Dispositions du traité - Champ d'application - Émission de titres pour repas froids octroyés dans des conditions fiscalement avantageuses par les employeurs à leurs salariés - Inclusion - Réglementation nationale créant un monopole au profit d'un organisme public pour l'émission de tels titres - Restriction - Justification - Absence
Un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 TFUE et 56 TFUE dans la mesure où sa réglementation nationale crée un monopole au profit d’organismes publics dans le domaine de l’émission des titres permettant l’acquisition de repas froids et pouvant être octroyés, dans des conditions fiscalement avantageuses, par les employeurs à leurs travailleurs salariés en tant qu’avantages en nature.
En effet, d’une part, une telle activité revêt un caractère économique dans la mesure où elle est exercée contre rémunération et relève, à ce titre, du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives à la libre prestation des services. Il n’est pas nécessaire, à cet égard, que le prestataire poursuive le but de réaliser un bénéfice. De manière analogue, la circonstance que cette réglementation nationale prévoit que les bénéfices réalisés au moyen de ladite activité doivent être exclusivement utilisés à certains objectifs d’intérêt général ne saurait suffire à modifier la nature de l’activité en cause et à la priver de son caractère économique.
D’autre part, dans la mesure où cette réglementation nationale soumet l’exercice de cette activité économique à un régime d’exclusivité en faveur d’un seul opérateur public ou privé, elle constitue une restriction tant à la liberté d’établissement qu’à la libre prestation de services.
Enfin, ni des considérations de politique sociale, ni celles de protection des consommateurs et de politique salariale et fiscale ne justifient une telle restriction.
104. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale prévoyant l'organisation d'un nouvel appel d'offres portant sur des concessions d'une durée inférieure à celle des concessions précédemment octroyées en raison d'une réorganisation du système au moyen d'un alignement temporel des échéances - Admissibilité
Ordonnance du 7 avril 2016, Tomassi (C-210/14 à C-214/14) (cf. point 13, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Rosa (C-433/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Mignone (C-434/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Barletta (C-435/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Cazzorla (C-436/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Seminario (C-437/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Carlucci (C-462/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Baldo (C-467/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Pontillo (C-474/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Gaiti e.a. (C-534/14) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 7 avril 2016, Santoro (C-65/15) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 4 avril 2017, D'Andria (C-555/16) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 4 avril 2017, Turco (C-581/16) (cf. point 11, disp. 1)
Ordonnance du 4 avril 2017, Consalvo (C-582/16) (cf. point 11, disp. 1)
105. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Législation nationale imposant au concessionnaire de céder à titre gratuit, lors de la cessation de l'activité du fait de l'expiration de la période de concession, l'usage des biens matériels et immatériels détenus en propriété et constituant le réseau de gestion et de collecte du jeu - Inadmissibilité - Justification - Raisons impérieuses d'intérêt général - Proportionnalité - Vérification par la juridiction nationale
Ordonnance du 7 avril 2016, Tomassi (C-210/14 à C-214/14) (cf. point 16, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Rosa (C-433/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Mignone (C-434/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Barletta (C-435/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Cazzorla (C-436/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Seminario (C-437/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Carlucci (C-462/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Baldo (C-467/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Pontillo (C-474/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Gaiti e.a. (C-534/14) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Santoro (C-65/15) (cf. point 14, disp. 2)
Ordonnance du 7 avril 2016, Conti (C-504/15) (cf. point 11 et disp.)
Ordonnance du 7 avril 2016, Tonachella (C-8/16) (cf. point 11 et disp.)
Ordonnance du 4 avril 2017, D'Andria (C-555/16) (cf. point 12, disp. 2)
Ordonnance du 4 avril 2017, Turco (C-581/16) (cf. point 12, disp. 2)
Ordonnance du 4 avril 2017, Consalvo (C-582/16) (cf. point 12, disp. 2)
106. Droit de l'Union européenne - Interprétation - Méthodes - Interprétation littérale, systématique et téléologique
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 avril 2016, Marchon Germany (C-315/14) (cf. point 29)
107. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Nouveaux clients - Notion - Clients apportés par l'agent commercial pour les marchandises relevant de son mandat - Clients entretenant déjà des relations d'affaires avec le commettant concernant d'autres marchandises - Inclusion - Condition - Mise en place d'une relation d'affaires spécifique par l'agent - Vérification par la juridiction nationale
L’article 17, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive 86/653, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que les clients apportés par l’agent commercial pour les marchandises qu’il est chargé par le commettant de vendre doivent être considérés comme de nouveaux clients, au sens de cette disposition, et ce alors même que ces clients entretenaient déjà des relations d’affaires avec ce commettant concernant d’autres marchandises, lorsque la vente, par cet agent, des premières marchandises a nécessité la mise en place d’une relation d’affaires spécifique, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier.
En effet, en prenant en compte les objectifs poursuivis par la directive 86/653, laquelle tend, notamment, à protéger l’agent commercial dans sa relation avec le commettant, et l'importance déterminante de l'article 17 de ladite directive à cet égard, il convient d’interpréter les termes du paragraphe 2 de cet article dans un sens qui contribue à cette protection de l’agent commercial et qui prenne, dès lors, pleinement en compte les mérites de ce dernier dans l’accomplissement des opérations dont il est chargé. La notion de "nouveaux clients", au sens de cette disposition, ne saurait donc être lue de manière restrictive.
Par conséquent, c’est par rapport aux marchandises dont l’agent commercial est chargé par le commettant de négocier et, le cas échéant, de conclure l’achat ou la vente qu’il convient d’apprécier si un client est nouveau ou existant, au sens de l’article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653.
Ainsi, dans une situation dans laquelle, conformément aux termes de son contrat d’agence, l’agent commercial est chargé de négocier la vente d’un segment de la gamme de marchandises du commettant et non de l’ensemble de celle-ci, la circonstance qu’une personne entretenait déjà des relations d’affaires avec ce commettant concernant d’autres marchandises n’exclut pas qu’elle puisse être considérée comme un nouveau client apporté par cet agent commercial, lorsque ce dernier est parvenu, par ses efforts, à instaurer une relation d’affaires entre cette personne et ledit commettant pour les marchandises qu’il est chargé d’écouler.
En outre, le fait que le commettant confie à un agent commercial la commercialisation de nouvelles marchandises auprès de clients avec lesquels il entretient déjà certaines relations d’affaires peut constituer une indication de ce que ces marchandises relèvent d’une partie de la gamme différente de celle que ces clients achetaient jusque-là et que l’écoulement desdites nouvelles marchandises auprès de ces derniers exigera de cet agent commercial la mise en place d’une relation d’affaires spécifique, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
Arrêt du 7 avril 2016, Marchon Germany (C-315/14) (cf. points 32-35, 39, 43 et disp.)
108. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Assurance-protection juridique - Directive 87/344 - Droit du preneur d'assurance de choisir librement son représentant légal - Procédure administrative - Notion - Procédure devant un organisme public autorisant un employeur à procéder au licenciement d'un salarié assuré en protection juridique - Inclusion
L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique, doit être interprété en ce sens que la notion de procédure administrative visée à cette disposition comprend une procédure au terme de laquelle un organisme public autorise l’employeur à procéder au licenciement du salarié, assuré en protection juridique.
En effet, d'une part, une interprétation de ladite notion qui entend limiter sa portée aux seules procédures juridictionnelles en matière administrative, à savoir celles qui se déroulent devant une juridiction proprement dite, viderait de son sens l’expression, expressément utilisée par le législateur de l’Union, de "procédure administrative".
D'autre part, l’objectif poursuivi par la directive 87/344, et en particulier par l’article 4 de celle-ci, relatif au libre choix de l’avocat ou du représentant, est de protéger de manière large les intérêts des assurés. La portée générale et la valeur obligatoire qui sont reconnues au droit de choisir son avocat ou représentant s’opposent à une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive.
Dans le cas où un travailleur licencié ne dispose d’aucun recours contre la décision d’un Institut de gestion des assurances qui accorde à l’employeur l’autorisation de licenciement pour motif économique et où, s'il intente ultérieurement un recours en dommages et intérêts pour licenciement manifestement injustifié devant la juridiction civile, la décision à intervenir n’est pas susceptible de remettre en cause celle prise par cet Institut, ses droits se trouvent affectés par la décision de cet Institut et ses intérêts en tant qu’assuré nécessitent d’être protégés dans le cadre de la procédure devant cet organisme.
Par ailleurs, une telle interprétation large de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 s’impose d’autant plus que la Cour a déjà reconnu le droit au libre choix de l’avocat ou du représentant à un travailleur qui se trouvait dans la même situation, mais dont il avait été mis fin au contrat de travail par décision judiciaire.
Enfin, pour ce qui est des conséquences financières éventuelles sur les systèmes d’assurance-protection juridique, elles ne sauraient conduire à une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344. En effet, celle-ci ne vise pas une harmonisation complète des règles applicables aux contrats d’assurance-protection juridique et les États membres restent libres, en l’état actuel du droit de l’Union, de déterminer le régime applicable auxdits contrats, pour autant que les principes prévus par cette directive ne sont pas vidés de leur substance. Ainsi, l’exercice du droit de l’assuré de choisir librement son représentant n’exclut pas que, dans certains cas, des limitations aux frais supportés par les assureurs puissent être apportées.
Arrêt du 7 avril 2016, Massar (C-460/14) (cf. points 18, 20, 23-28 et disp.)
109. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Assurance-protection juridique - Directive 87/344 - Droit du preneur d'assurance de choisir librement son représentant légal - Procédure administrative - Notion - Phase de réclamation devant un organisme public émettant une décision susceptible de recours juridictionnels - Inclusion
L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique, doit être interprété en ce sens que la notion de procédure administrative visée à cette disposition comprend la phase de réclamation devant un organisme public au cours de laquelle cet organisme émet une décision susceptible de recours juridictionnels.
En effet, d'une part, une interprétation de ladite notion qui entend limiter sa portée aux seules procédures juridictionnelles en matière administrative, à savoir celles qui se déroulent devant une juridiction proprement dite, qui visent à contrôler la légalité de la décision attaquée et qui fixent de façon définitive la situation juridique de l’intéressé, viderait de son sens l’expression, expressément utilisée par le législateur de l’Union, de "procédure administrative".
D'autre part, l’objectif poursuivi par la directive 87/344, et en particulier par l’article 4 de celle-ci, relatif au libre choix de l’avocat ou du représentant, est de protéger de manière large les intérêts des assurés. La portée générale et la valeur obligatoire qui sont reconnues au droit de choisir son avocat ou représentant s’opposent à une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive.
Dans le cas où les droits de l’assuré se trouvent affectés tant par la décision initiale dudit organisme que par celle prise sur réclamation, dans la mesure où l’examen factuel intervient au cours de cette phase administrative et où celui-ci constitue la base décisionnelle dans le cadre de la procédure juridictionnelle administrative consécutive, l’assuré a besoin d’une protection juridique lors d’une procédure qui constitue le préalable indispensable à l’introduction d’un recours devant la juridiction administrative.
Par ailleurs, une telle interprétation large du droit au libre choix d’un avocat ou d’un représentant n’aurait pas pour effet de transformer toute assurance-protection juridique en une assurance fondée sur le principe de la couverture des coûts, au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous c), de la directive 87/344, étant donné que les mesures prévues à l’article 3, paragraphe 2, sous a) et b), conservent leur champ d’application même dans le cas où un droit autonome de l’assuré en protection juridique à choisir librement son représentant est déduit de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive.
Enfin, pour ce qui est des conséquences financières éventuelles sur les systèmes d’assurance-protection juridique, elles ne sauraient conduire à une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344. En effet, celle-ci ne vise pas une harmonisation complète des règles applicables aux contrats d’assurance-protection juridique et les États membres restent libres, en l’état actuel du droit de l’Union, de déterminer le régime applicable auxdits contrats, pour autant que les principes prévus par cette directive ne sont pas vidés de leur substance. Ainsi l’exercice du droit de l’assuré de choisir librement son représentant n’exclut pas que, dans certains cas, des limitations aux frais supportés par les assureurs puissent être apportées.
Arrêt du 7 avril 2016, AK (C-5/15) (cf. points 18, 21-26 et disp.)
110. Liberté d'établissement - Restrictions - Législation fiscale - Réglementation nationale imposant aux établissements de crédit de communiquer à l'administration fiscale les informations relatives aux actifs de clients décédés déposés ou gérés auprès de leurs succursales établies dans un autre État membre - Imposition du secret bancaire, protégé par des sanctions pénales, dans le second État membre - Admissibilité de l'obligation de communication
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui impose aux établissements de crédit ayant leur siège social dans cet État membre de déclarer aux autorités nationales les actifs déposés ou gérés auprès de leurs succursales non indépendantes établies dans un autre État membre, en cas de décès du propriétaire de ces actifs résidant dans le premier État membre, lorsque le second État membre ne prévoit pas d’obligation de déclaration comparable et que les établissements de crédit y sont soumis à un secret bancaire protégé par des sanctions pénales.
En premier lieu, les conséquences défavorables que pourrait entraîner une telle obligation de déclaration découlent de l’exercice parallèle par deux États membres de leur compétence en matière, d’une part, de réglementation des obligations des banques et des autres établissements de crédit à l’égard de leurs clients en ce qui concerne le respect du secret bancaire et, d’autre part, de contrôles fiscaux, l’État membre de la succursale imposant le respect du secret bancaire à l’égard de tous, y compris les autorités fiscales, alors que, dans l’État membre du siège, le respect du secret bancaire ne saurait primer l’exigence consistant à assurer l’efficacité des contrôles fiscaux, si bien que la réglementation en cause institue, dans les circonstances qu’elle vise, une obligation de transmission d’informations aux autorités fiscales, sans l’accord du titulaire du compte concerné.
En deuxième lieu, en l’absence de toute mesure d’harmonisation en matière d’échange d’informations pour les besoins des contrôles fiscaux, les États membres sont libres d’imposer aux établissements de crédit nationaux une telle obligation de déclaration, en ce qui concerne leurs succursales opérant à l’étranger, visant à assurer l’efficacité des contrôles fiscaux, sous réserve que les opérations réalisées au sein desdites succursales ne fassent pas l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport aux opérations réalisées par leurs succursales nationales. En effet, la liberté d’établissement ne saurait être comprise en ce sens qu’un État membre soit obligé d’établir ses règles fiscales et, en particulier, une obligation de déclaration en fonction de celles d’un autre État membre, afin de garantir, dans toutes les situations, que toute disparité découlant des réglementations nationales soit effacée.
Arrêt du 14 avril 2016, Sparkasse Allgäu (C-522/14) (cf. points 25, 26, 29, 31, 32 et disp.)
111. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements d'assurance - Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) - Pouvoirs d'enquête de l'AEAPP en cas de prétendue violation du droit de l'Union par une autorité nationale de surveillance - Obligation d'agir - Absence
L’article 17 du règlement nº 1094/2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) (AEAPP), prévoit un mécanisme permettant à l’AEAPP de traiter les cas de violation du droit de l’Union par les autorités nationales dans leurs pratiques de surveillance. L’article 17, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement nº 1094/2010 définit les trois étapes de ce mécanisme.
Il ressort de cette disposition que l’AEAPP dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière d’enquêtes, tant lorsqu’elle est saisie d’une demande par l’une des entités expressément visées à l’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1094/2010, à savoir une ou plusieurs autorités compétentes, le Parlement européen, le Conseil, la Commission ou le groupe des parties intéressées concerné que lorsqu’elle agit de sa propre initiative. Il s’ensuit que l’AEAPP n’est nullement tenue d’agir en application de l’article 17 du règlement nº 1094/2010.
Cette lecture est par ailleurs conforme aux objectifs et missions de l’AEAPP ainsi qu’à l’économie du mécanisme institué par l’article 17 du règlement nº 1094/2010. En effet, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de ce règlement, l’AEAPP a pour objectif de protéger l’intérêt public en contribuant à la stabilité et à l’efficacité à court, à moyen et à long terme du système financier, pour l’économie de l’Union, ses citoyens et ses entreprises. Il ressort en outre du considérant 26 dudit règlement que le mécanisme mis en place par l’article 17 du même règlement tend à assurer l’intégrité, la transparence, l’efficience et le bon fonctionnement des marchés financiers, la stabilité du système financier et l’existence de conditions de concurrence neutres pour les établissements financiers dans l’Union. La garantie de l’application correcte et intégrale du droit de l’Union en constituerait un préalable nécessaire. En d’autres termes, ledit mécanisme n’a pas pour objectif d’accorder une protection ou réparation à titre individuel dans des litiges entre une personne physique ou morale et une autorité compétente au niveau national.
Ordonnance du 24 juin 2016, Onix Asigurări / AEAPP (T-590/15) (cf. points 51-55)
112. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale exigeant une autorisation administrative préalable pour l'ouverture de nouvelles pharmacies dans une région déterminée - Conditions d'octroi liées à la densité démographique et à la distance minimale entre les pharmacies - Critère essentiel consistant en une limite rigide de "personnes toujours à approvisionner" - Absence de possibilité de déroger à cette limite pour tenir compte de particularités locales - Inadmissibilité - Inapplicabilité du critère de manière générale, dans chaque situation concrète faisant l'objet de vérification
L'arrêt du 13 février 2014, Sokoll-Seebacher (C-367/12), doit être lu en ce sens que le critère tenant à une limite rigide du nombre de "personnes toujours à approvisionner", fixé par la législation nationale en cause au principal, ne doit pas s'appliquer, aux fins de vérifier l'existence d'un besoin pour la création d'une nouvelle officine de pharmacie, d'une manière générale, dans chaque situation concrète qui fera l'objet de vérification.
En effet, une législation nationale n'est propre à garantir la réalisation de l'objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d'atteindre celui-ci d'une manière cohérente et systématique.
Or, malgré la mesure d'ajustement prévue par la législation nationale, il existe, en application du critère tenant au nombre de "personnes toujours à approvisionner", un risque que ne soit pas assuré un accès égal et approprié aux services pharmaceutiques pour certaines personnes résidant dans des zones qui présentent certaines particularités locales, telles que les régions rurales et isolées situées hors des zones d'approvisionnement des pharmacies existantes, en particulier en ce qui concerne les personnes à mobilité réduite.
Cela étant, en se référant aux régions rurales ou isolées ainsi qu'aux personnes à mobilité réduite, la Cour n'a pas pour autant entendu limiter la portée de son appréciation de la cohérence de la législation nationale à ce type de régions ainsi qu'à cette catégorie de personnes.
En effet, en raison de la limite rigide du nombre de "personnes toujours à approvisionner" qu'elle fixe, la législation nationale ne permet pas à l'autorité compétente de tenir dûment compte des spécificités de chaque situation examinée et de garantir ainsi la réalisation cohérente et systématique de l'objectif principal recherché par cette législation, qui est d'assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.
C’est dans cette perspective que la Cour a conclu qu'une législation d'un État membre qui fixe, comme critère essentiel pour vérifier l'existence d'un besoin pour la création d'une nouvelle pharmacie, une limite rigide du nombre de "personnes toujours à approvisionner", est contraire à l'article 49 TFUE, notamment à l'exigence de cohérence dans la poursuite de l'objectif recherché, dans la mesure où les autorités nationales compétentes n'ont pas la possibilité de déroger à cette limite pour tenir compte de particularités locales, c'est-à-dire en définitive de particularités propres aux différentes situations concrètes, chacune d'entre elles devant faire l'objet d'une vérification.
Il en résulte que l'incohérence liée à l'application du critère tenant à une limite rigide du nombre de "personnes toujours à approvisionner" revêt un caractère systémique. Dès lors, les risques qu'une telle application engendre sont susceptibles d'affecter l'appréciation de toute situation particulière.
Ordonnance du 30 juin 2016, Sokoll-Seebacher e.a. (C-634/15) (cf. points 27, 31-36 et disp.)
113. Liberté d'établissement - Marchés publics - Concessions exclues du champ d'application des directives en matière de marchés publics mais présentant un intérêt transfrontalier certain - Obligation du pouvoir adjudicateur de respecter les règles fondamentales du traité - Réglementation nationale prévoyant la prorogation automatique des concessions sur le domaine public, en l'absence de toute transparence - Inadmissibilité - Violation du principe d'égalité de traitement
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui permet une prorogation automatique des concessions sur le domaine public en cours et destinées à l’exercice d’activités touristico-récréatives, dans la mesure où ces concessions présentent un intérêt transfrontalier certain.
En effet, les autorités publiques sont tenues, lorsqu’elles envisagent d’attribuer une concession qui n’entre pas dans le champ d’application des directives relatives aux différentes catégories de marchés publics, de respecter les règles fondamentales du traité FUE en général et le principe de non-discrimination en particulier. Plus particulièrement, dans la mesure où une telle concession présente un intérêt transfrontalier certain, son attribution, en l’absence de toute transparence, à une entreprise située dans l’État membre dont relève le pouvoir adjudicateur est constitutive d’une différence de traitement au détriment des entreprises susceptibles d’être intéressées par celle-ci et qui sont situées dans un autre État membre. Une telle différence de traitement est, en principe, interdite par l’article 49 TFUE.
Arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa (C-458/14 et C-67/15) (cf. points 64, 65, 74, disp. 2)
114. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale subordonnant la participation à une procédure d'octroi des concessions pour la collecte de paris à la condition de présenter des déclarations bancaires attestant la capacité économique et financière de l'opérateur - Inadmissibilité - Justification - Raisons impérieuses d'intérêt général - Objectif de lutte contre la criminalité - Obligation de satisfaire à la condition de proportionnalité - Appréciation par la juridiction nationale
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d’offres visant à l’octroi de concessions en matière de jeux et de paris l’obligation d’apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux établissements bancaires, sans permettre que cette capacité puisse également être autrement établie, dès lors qu’une telle disposition est susceptible de satisfaire aux conditions de proportionnalité, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.
En effet, les États membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché en ce qui concerne la protection des consommateurs et de l’ordre social. Toutefois, les restrictions que les États membres imposent doivent satisfaire aux conditions en ce qui concerne notamment leur justification par des raisons impérieuses d’intérêt général et leur proportionnalité. À cet égard, s’agissant d’une disposition nationale justifiée, dans le cadre de l’objectif de lutte contre la criminalité liée aux jeux de hasard, par l’intérêt d’assurer la continuité de l’activité légale de collecte de paris afin d’endiguer le développement d’une activité illégale parallèle et par l’intérêt de protéger les consommateurs, un tel objectif est de nature à constituer une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction aux libertés fondamentales.
S’agissant de la question de savoir si ladite restriction est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, l’obligation de fournir des déclarations bancaires émanant de deux établissements bancaires est manifestement de nature à assurer que l’opérateur économique dispose d’une capacité économique et financière lui permettant de répondre aux obligations qu’il pourrait contracter envers les parieurs gagnants. Compte tenu de la nature particulière des activités économiques relevant du secteur des jeux de hasard, l’exigence imposée aux soumissionnaires ayant moins de deux années d’existence et dont les recettes globales liées à l’activité d’opérateur de jeux étaient inférieures à deux millions d’euros au cours des deux derniers exercices de fournir des déclarations appropriées délivrées par au moins deux établissements bancaires n’apparaît pas aller au-delà de ce qui est nécessaire afin d’atteindre l’objectif poursuivi.
Arrêt du 8 septembre 2016, Politanò (C-225/15) (cf. points 40, 42, 43, 45, 46, 48, 50, disp. 2)
Ordonnance du 28 septembre 2016, Durante (C-438/15) (cf. points 10-13, 15 et disp.)
Ordonnance du 28 septembre 2016, Manzo (C-542/15) (cf. points 13-17, disp. 1)
115. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Champ d'application - Dépôt - Notion - Parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier - Exclusion
S’agissant du champ d’application matériel de la directive 94/19, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2005/1, il ressort de l’intitulé même de cette directive que celle-ci est relative aux systèmes de garantie des dépôts. En vertu de l’article 1er, point 1, premier alinéa, de ladite directive, il est entendu par "dépôt", aux fins de celle-ci, d’une part, tout solde créditeur résultant de fonds laissés en compte ou de situations transitoires provenant d’opérations bancaires normales, qu’un établissement de crédit doit restituer conformément aux conditions légales et contractuelles applicables, ainsi que, d’autre part, toute créance représentée par un titre de créance émis par cet établissement. Ne relèvent pas de cette définition les parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier. En effet, il apparaît que de telles parts relèvent fondamentalement d’une participation dans le capital propre d’une société, alors que les dépôts visés par la directive 94/19 s’en distinguent en ce qu’ils participent du passif exigible d’un établissement de crédit.
En outre, si les dépôts doivent, en vertu de la définition qu’en donne l’article 1er, premier alinéa, de la directive 94/19, être restitués à leur titulaire conformément aux conditions légales et contractuelles applicables, le montant perçu, en cas de retrait, par le titulaire de parts des sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, reflète l’évolution du rendement de ces sociétés. L’acquisition de telles parts s’apparente ainsi davantage à l’acquisition d’actions de sociétés, à l’égard desquelles la directive 94/19 ne prévoit aucune garantie, qu’à un placement sur un compte bancaire. Par ailleurs, les parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier ne sont pas assimilables aux parts de "building societies" britanniques ou irlandaises, qui sont considérées comme des dépôts, conformément à l'extension particulière de la notion de dépôt prévue à l’article 1er, point 1, deuxième alinéa, de la directive 94/19. Aucun élément, dans le libellé ou dans la genèse de cet alinéa, n’indique que cette disposition a vocation à englober des instruments autres que ceux qui y sont expressément mentionnés. De plus, ladite disposition exclut expressément de ladite extension les parts de ces "building societies" qui constituent un élément de capital.
Arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C-76/15) (cf. points 65-69)
Ordonnance du 9 février 2018, Arcofin e.a. / Commission (T-711/14) (cf. point 145)
116. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Champ d'application - Sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier - Exclusion
S’agissant du champ d’application personnel de la directive 94/19, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2005/1, les deux types de dépôts visés à l’article 1er, point 1, premier alinéa, de cette directive ont pour point commun d’avoir été effectués auprès d’un établissement de crédit. L’article 1er, point 4, de la directive 94/19 définit la notion d’établissement de crédit comme visant les entreprises dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour leur propre compte. Il n’apparaît pas que les sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier reçoivent des dépôts du public ou octroient régulièrement, à l’instar des banques, des crédits pour leur propre compte. Il s’ensuit que les parts de ces sociétés ne relèvent pas du champ d’application personnel de la directive 94/19.
Arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C-76/15) (cf. points 70-72)
117. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Réglementation nationale prévoyant un régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier - Admissibilité - Conditions
Les articles 2 et 3 de la directive 94/19, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2005/1, doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’imposent pas aux États membres d’adopter un régime de garantie des parts de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier, ni ne s’opposent à ce qu’un État membre adopte un tel régime, pour autant que ce régime ne compromet pas l’efficacité pratique du régime de garantie des dépôts que cette directive impose aux États membres d’instaurer, ce qu’il appartient au juge national de vérifier, et qu’il soit conforme au traité FUE, notamment aux articles 107 et 108 TFUE.
Arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C-76/15) (cf. point 87, disp. 1)
118. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale conférant à une autorité administrative le pouvoir de s'opposer à des licenciements collectifs après évaluation des conditions du marché du travail, de la situation de l'entreprise et de l'intérêt de l'économie nationale - Inadmissibilité - Crise économique aiguë et taux de chômage national particulièrement élevé - Absence d'incidence
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un employeur ne peut, en l’absence d’accord avec les représentants des travailleurs sur un projet de licenciement collectif, procéder à un tel licenciement qu’à la condition que l’autorité publique nationale compétente à laquelle doit être notifié ce projet n’adopte pas, dans le délai prévu par ladite réglementation et après examen du dossier et évaluation des conditions du marché du travail, de la situation de l’entreprise ainsi que de l’intérêt de l’économie nationale, une décision motivée de ne pas autoriser la réalisation de tout ou partie des licenciements envisagés.
En effet, une telle réglementation nationale constitue une ingérence importante dans certaines libertés dont jouissent, généralement, les opérateurs économiques. Par conséquent, elle est de nature à rendre moins attrayant un accès au marché national, en cas d’accès à ce marché, à réduire considérablement, voire à supprimer, les possibilités, pour les opérateurs d’autres États membres ayant ainsi fait le choix de s’installer sur un nouveau marché, de moduler, par la suite, leur activité sur celui-ci ou d’y renoncer, en se séparant, dans ces perspectives, des travailleurs précédemment engagés. Dans ces conditions, une telle réglementation nationale est susceptible de constituer un obstacle sérieux à l’exercice de la liberté d’établissement dans cet État membre.
Une telle restriction ne saurait être admise que si elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. De plus, une telle réglementation nationale ne peut bénéficier d’une telle justification que si elle est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect. En l’occurrence, la réglementation nationale en cause emporte une limitation à l’exercice de la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Parmi les raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par la Cour, figurent la protection des travailleurs et la promotion de l’emploi et de l’embauche. Ainsi, il a été notamment admis que des considérations tenant au maintien de l’emploi puissent constituer, dans certaines circonstances et sous certaines conditions, des justifications acceptables d’une réglementation nationale ayant pour effet d’entraver la liberté d’établissement.
Pour qu'il en aille ainsi, il faut que les restrictions imposées soient propres à garantir l’objectif d’intérêt général qu’elles poursuivent et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. À cet égard, le simple fait pour un État membre de prévoir, dans sa législation nationale, que les projets de licenciement collectif doivent, préalablement à toute mise en œuvre, être notifiés à une autorité nationale, laquelle se trouve dotée de pouvoirs de contrôle lui permettant, en certaines circonstances, de s’opposer à un tel projet pour des motifs ayant trait à la protection des travailleurs et de l’emploi, ne saurait être tenu pour contraire à la liberté d’établissement garantie par l’article 49 TFUE ni à la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la charte. En premier lieu, un tel régime n’a aucunement pour conséquence d’exclure, de par sa nature même, toute possibilité pour les entreprises de procéder à des licenciements collectifs, dès lors qu’il vise uniquement à encadrer une telle possibilité en tendant, dans ce domaine sensible, à une conciliation et à un juste équilibre entre les intérêts liés à la protection des travailleurs et de l’emploi, notamment contre des licenciements injustifiés et contre les conséquences des licenciements collectifs pour les travailleurs, et, ceux ayant trait à la liberté d’établissement et à la liberté d’entreprendre des opérateurs économiques que consacrent les articles 49 TFUE et 16 de la charte. Ainsi envisagé dans son principe, un tel encadrement des conditions dans lesquelles il peut être procédé à des licenciements collectifs est donc susceptible de satisfaire aux exigences découlant du principe de proportionnalité, et, partant, d’être compatible, sous cet angle, avec les articles 49 TFUE et 16 de la charte.
S'agissant, en second lieu, des modalités concrètes caractérisant ledit régime d'encadrement des licenciements collectifs et, singulièrement, des trois critères dont l'autorité publique compétente est appelée à tenir compte aux fins de décider si elle s'oppose ou non à un licenciement collectif, le premier d'entre eux, à savoir le critère de l'"intérêt de l'économie nationale", ne saurait être admis car il poursuit un objectif de nature économique qui ne peut constituer une raison d’intérêt général justifiant une restriction d’une liberté fondamentale garantie par le traité. En revanche, s’agissant des deux autres critères d’appréciation auxquels se réfère la réglementation nationale en cause, à savoir la "situation de l’entreprise" et les "conditions du marché du travail", ceux-ci paraissent, a priori, certes, pouvoir être rattachés aux objectifs légitimes d’intérêt général que sont la protection des travailleurs et de l’emploi. Toutefois, de tels critères sont formulés de manière très générale et imprécise. De tels critères qui ne sont pas précis et ne reposent ainsi pas sur des conditions objectives et contrôlables vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les buts indiqués et ne sauraient dès lors satisfaire aux exigences du principe de proportionnalité. Il s’ensuit qu’un régime de contrôle et d’opposition tel que celui mis en place par la réglementation en cause méconnaît, à raison de ses modalités concrètes, les exigences du principe de proportionnalité et enfreint, dès lors, l’article 49 TFUE. Par identité de motifs, une telle réglementation méconnaît également le principe de proportionnalité prévu à l’article 52, paragraphe 1, de la charte et, partant, l’article 16 de celle-ci.
Par ailleurs, l’existence éventuelle, dans un État membre, d’un contexte caractérisé par une crise économique aiguë et un taux de chômage particulièrement élevé n’est pas de nature à affecter cette interprétation. En effet, hormis la possibilité que certaines entraves à la liberté d’établissement résultant de mesures nationales puissent se trouver justifiées au regard de certaines raisons impérieuses d’intérêt général, les traités ne prévoient, en revanche, pas qu’il puisse, en dehors desdites hypothèses, être dérogé à cette disposition du droit primaire ou que celle-ci puisse purement et simplement être écartée du fait de l’existence d’un tel contexte national.
119. Liberté d'établissement - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Notion - Activités constituant une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 1er février 2017, Commission / Hongrie (C-392/15) (cf. points 105-108)
Arrêt du 15 mars 2018, Commission / République tchèque (C-575/16) (cf. points 99-102)
120. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Réglementation nationale excluant du champ d'application de ladite directive un contrat d'agence commerciale conclu entre un agent commercial établi en Turquie et exerçant ses activités dans cet État, et un commettant établi dans l'État membre concerné - Admissibilité - Accord d'association CEE-Turquie n'étendant pas le régime de protection prévu par la directive aux agents commerciaux établis en Turquie
La directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, et l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé le 12 septembre 1963 à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale transposant cette directive dans le droit de l’État membre concerné, qui exclut de son champ d’application un contrat d’agence commerciale dans le cadre duquel l’agent commercial est établi en Turquie, où il exerce les activités découlant de ce contrat, et le commettant est établi dans ledit État membre, de telle sorte que, dans de telles circonstances, l’agent commercial ne peut pas se prévaloir des droits que ladite directive garantit aux agents commerciaux après la cessation d’un tel contrat d’agence commerciale.
En effet, il n’est pas nécessaire, aux fins d’uniformiser les conditions de concurrence à l’intérieur de l’Union entre les agents commerciaux, d’offrir aux agents commerciaux qui sont établis et exercent leurs activités en dehors de l’Union une protection comparable à celle des agents qui sont établis et/ou exercent leurs activités à l’intérieur de l’Union.
Dans ces conditions, un agent commercial exerçant les activités découlant d’un contrat d’agence commerciale en Turquie, tel que le requérant au principal, ne relève pas du champ d’application de la directive 86/653, indépendamment du fait que le commettant soit établi dans un État membre, et ne doit pas, dès lors, bénéficier impérativement de la protection offerte par cette directive aux agents commerciaux.
Par ailleurs, s’agissant en particulier de l’association entre l’Union et la République de Turquie, la Cour a déjà jugé que, pour décider si une disposition du droit de l’Union se prête à une application par analogie dans le cadre de cette association, il importe de comparer la finalité poursuivie par l’accord d’association ainsi que le contexte dans lequel il s’insère, d’une part, avec ceux de l’instrument en cause du droit de l’Union, d’autre part (arrêt du 24 septembre 2013, Demirkan, C-221/11, EU:C:2013:583, point 48). Or, il convient de rappeler que l’accord d’association et le protocole additionnel visent essentiellement à favoriser le développement économique de la Turquie et poursuivent, dès lors, une finalité exclusivement économique (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2013, Demirkan, C-221/11, EU:C:2013:583, point 50).
En revanche, dans le cadre du droit de l’Union, la protection de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services, par l’intermédiaire du régime prévu par la directive 86/653 au regard des agents commerciaux, repose sur l’objectif consistant à établir un marché intérieur conçu comme un espace sans frontières intérieures, en supprimant les obstacles s’opposant à l’établissement d’un tel marché.
Ainsi, les différences existant entre les traités et l’accord d’association en ce qui concerne la finalité poursuivie par ceux-ci font obstacle à ce que le régime de protection prévu par la directive 86/653 au regard des agents commerciaux puisse être considéré comme étant étendu aux agents commerciaux établis en Turquie, dans le cadre dudit accord.
121. Libre prestation des services - Dérogations - Activités participant à l'exercice de l'autorité publique - Notion - Authentification notariale de la signature d'une demande d'inscription au livre foncier - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 9 mars 2017, Piringer (C-342/15) (cf. points 53-55)
122. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Rémunération - Droit de l'agent à la commission - Extinction - Inexécution du contrat entre le commettant et le tiers - Notion - Inexécution partielle du contrat - Inclusion
L’article 11, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu’il vise non seulement les cas d’inexécution totale du contrat conclu entre le commettant et le tiers, mais également les cas d’inexécution partielle de ce contrat, tels que le non-respect du volume d’opérations ou de la durée prévus par ledit contrat.
Arrêt du 17 mai 2017, ERGO Poist’ovňa (C-48/16) (cf. point 44, disp. 1)
123. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Rémunération - Droit de l'agent à la commission - Extinction - Dérogation au détriment de l'agent commercial - Notion - Obligation contractuelle d'un agent de rembourser, au prorata, une partie de sa commission en cas d'inexécution partielle du contrat conclu entre le commettant et le tiers - Exclusion - Conditions
L’article 11, paragraphes 2 et 3, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que la clause d’un contrat d’agence commerciale en vertu de laquelle l’agent est tenu de rembourser, au prorata, une partie de sa commission en cas d’inexécution partielle du contrat conclu entre le commettant et le tiers ne constitue pas une "dérogation au détriment de l’agent commercial", au sens de cet article 11, paragraphe 3, si la partie de la commission soumise à l’obligation de remboursement est proportionnée à l’ampleur de l’inexécution dudit contrat et à condition que cette inexécution ne soit pas due à des circonstances imputables au commettant.
Une obligation de rembourser une partie de la commission proportionnellement plus importante que l’ampleur de cette inexécution constituerait, en effet, une dérogation au détriment de l’agent, interdite par l’article 11, paragraphe 3, de la directive 86/653. En revanche, une dérogation en faveur de l’agent, consistant à exiger le remboursement d’une partie de la commission proportionnellement moins importante que l’ampleur de l’inexécution du contrat demeure possible.
Arrêt du 17 mai 2017, ERGO Poist’ovňa (C-48/16) (cf. points 49, 51, disp. 2)
124. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Rémunération - Droit de l'agent à la commission - Extinction - Circonstances imputables au commettant - Notion - Toutes circonstances de droit et de fait imputables au commettant, étant à l'origine de l'inexécution du contrat
L’article 11, paragraphe 1, second tiret, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que la notion de "circonstances imputables au commettant" ne se rapporte pas aux seuls motifs de droit ayant directement entraîné la rupture du contrat conclu entre le commettant et le tiers, mais vise toutes les circonstances de droit et de fait imputables au commettant, qui sont à l’origine de l’inexécution de ce contrat.
Arrêt du 17 mai 2017, ERGO Poist’ovňa (C-48/16) (cf. point 61, disp. 3)
125. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Services ou activités d'investissement - Réception et transmission d'ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers - Notion d'"ordre portant sur un ou plusieurs instruments financiers" - Ordres d'achat ou de vente d'un ou de plusieurs instruments financiers
S’agissant du libellé de l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39, si la juridiction de renvoi constate une certaine divergence entre les différentes versions linguistiques des termes « portant sur » qui, selon les cas, pourraient suggérer un lien plus ou moins direct entre les ordres et le ou les instruments financiers visés à cette disposition, il y a toutefois lieu de relever que le terme « ordre », dont la réception et la transmission constituent le service ou l’activité d’investissement faisant l’objet de ladite disposition, demeure le même dans les versions linguistiques de cette directive citées par cette juridiction, à savoir celles en langues espagnole, allemande, anglaise et française. Or, même si ce terme n’est pas défini en tant que tel dans la directive 2004/39, il convient de constater que les mots « portant sur un ou plusieurs instruments financiers » ne font que préciser le type d’ordre dont il est question, c’est-à-dire les ordres visant l’achat ou la vente de tels instruments financiers. Cette interprétation du terme « ordre » est confirmée par le contexte dans lequel celui-ci s’insère. Plus particulièrement, il doit être interprété à la lumière de l’annexe I, section A, point 2, de cette directive, qui mentionne le service d’investissement consistant en l'« [e]xécution d’ordres au nom de clients ». Or, le service d’investissement visé à l’annexe I, section A, point 2, de la directive 2004/39, consistant en l’« [e]xécution d’ordres au nom de clients », est défini à l’article 4, paragraphe 1, point 5, de cette directive comme étant « le fait de conclure des accords d’achat ou de vente d’un ou de plusieurs instruments financiers pour le compte de clients ». Il s’ensuit que les ordres faisant l’objet du service d’investissement mentionné à l’annexe I, section A, point 1, de ladite directive sont des ordres d’achat ou de vente d’un ou de plusieurs instruments financiers.
Arrêt du 14 juin 2017, Khorassani (C-678/15) (cf. points 27-29, 31, 32)
126. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Services ou activités d'investissement - Réception et transmission d'ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers - Notion - Intermédiation en vue de la conclusion d'un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille - Exclusion
L’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, lu en combinaison avec l’annexe I, section A, point 1, de cette directive, doit être interprété en ce sens que le service d’investissement consistant en la réception et la transmission d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers ne comprend pas l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille.
En effet, même si la conclusion de ce contrat donne lieu, à un stade ultérieur, à la réception et à la transmission d’ordres d’achat ou de vente d’instruments financiers par le gestionnaire du portefeuille dans le cadre de son activité de gestion, ledit contrat n’a pas, en lui-même, pour objet une telle réception ou transmission d’ordres.
La finalité de la directive 2004/39 n’impose pas une interprétation différente de cette disposition. Certes, il ressort, notamment, des considérants 2 et 31 de cette directive que l’un des objectifs de celle-ci est de garantir la protection des investisseurs (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2013, Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos, C-604/11, EU:C:2013:344, point 39). Toutefois, cet objectif ne saurait, en soi, justifier une acception particulièrement large du service d’investissement visé à l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39, qui inclurait l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille. En effet, pareille acception irait à l’encontre de l’interprétation de cette disposition résultant, en particulier, du contexte dans lequel celle-ci s’insère.
Arrêt du 14 juin 2017, Khorassani (C-678/15) (cf. points 35, 41-44 et disp.)
127. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Vérification par la juridiction nationale de la conformité au droit de l'Union d'une réglementation nationale restreignant l'exercice d'une liberté fondamentale de l'Union européenne - Droit à une protection juridictionnelle effective - Obligation de la juridiction saisie, dans le cadre de l'examen de l'existence d'infractions administratives, d'instruire d'office les éléments de l'affaire - Admissibilité - Condition
Les articles 49 et 56 TFUE, tels qu’interprétés notamment par l’arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C-390/12, EU:C:2014:281), lus à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime procédural national selon lequel, dans le cadre des procédures administratives à caractère pénal, la juridiction appelée à se prononcer sur la conformité au droit de l’Union d’une réglementation restreignant l’exercice d’une liberté fondamentale de l’Union européenne, telle que la liberté d’établissement ou la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union européenne, est tenue d’instruire d’office les éléments de l’affaire dont elle est saisie dans le cadre de l’examen de l’existence d’infractions administratives, pourvu qu’un tel régime n’ait pas pour conséquence que cette juridiction est tenue de se substituer aux autorités compétentes de l’État membre concerné, auxquelles il appartient de fournir les éléments de preuve nécessaires afin de permettre à ladite juridiction de contrôler si cette restriction est justifiée.
En l’occurrence, il résulte des dispositions du droit national, citées aux points 3 à 5 et 12 à 20 du présent arrêt, que les décisions des autorités administratives peuvent faire l’objet d’un recours en annulation pour illégalité devant les juridictions administratives, ces dernières statuant au fond sur ces recours. Dans son office, le juge est tenu d’instruire les éléments de l’affaire dont il est saisi dans les limites de sa saisine, en tenant compte de la même manière des circonstances atténuantes et aggravantes. Dans le cadre de ces procédures, l’autorité administrative ayant appliqué la sanction administrative à caractère pénal a qualité de partie. Sur le fondement de ces seuls éléments, il n’y a pas lieu de considérer qu’un tel régime procédural soit de nature à faire naître des doutes concernant l’impartialité du juge national, dans la mesure où celui-ci est chargé d’instruire l’affaire dont il est saisi afin non pas de soutenir l’accusation, mais d’aboutir à la manifestation de la vérité.
Arrêt du 14 juin 2017, Online Games e.a. (C-685/15) (cf. points 63, 64, 67 et disp.)
128. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Principe de l'image fidèle - Principe de prudence - Société émettrice d'une option sur action comptabilisant le prix de la cession de l'option au cours de l'exercice comptable de la levée de l'option ou au terme de la durée de validité de celle-ci - Admissibilité
Les principes de l’image fidèle et de prudence énoncés respectivement à l’article 2, paragraphe 3, et à l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article [50, paragraphe 2, sous g), TFUE], et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, telle que modifiée par la directive 2003/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2003, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une méthode de comptabilisation selon laquelle une société émettrice d’un droit d’option sur actions comptabilise en produit le prix de la cession de cette option au cours de l’exercice comptable pendant lequel ladite option est levée ou au terme de la durée de validité de celle-ci.
S’agissant des droits d’option sur actions, tels que ceux en cause au principal, ladite directive ne contient aucune indication spécifique relative à la méthode selon laquelle le prix de ces options doit être comptabilisé. Ainsi que la Commission l’a fait remarquer dans ses observations soumises à la Cour, il existe donc nécessairement différentes méthodes compatibles avec la directive 78/660 pour autant qu’elles respectent les principes généraux établis par cette directive.
À cet égard, il convient de relever qu’il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour qu’une méthode de comptabilisation, telle que celle en cause dans les litiges au principal, selon laquelle une société émettrice d’un droit d’option sur actions peut comptabiliser en produit le prix de la cession de cette option au cours de l’exercice comptable pendant lequel ladite option est levée ou au terme de la durée de validité de celle-ci, ne respecte pas lesdits principes.
D’une part, le fait pour une société émettrice d’un droit d’option sur actions de ne comptabiliser en produit le prix de la cession de cette option qu’après l’exercice de l’option ou à son échéance n’est pas contraire au principe de prudence.
D’autre part, il ne saurait être exclu, ainsi que les requérantes au principal le font valoir dans leurs observations soumises à la Cour, que, lorsque le prix de la cession de l’option est comptabilisé en produit au cours de l’exercice pendant lequel le droit d’option est émis et avant l’exercice de celui-ci ou, le cas échéant, son échéance, la comptabilité des sociétés émettrices présente, dans les exercices suivant l’émission du droit d’option, un risque plus important que celui qui se présente en cas de comptabilisation au cours de l’exercice pendant lequel l’option est levée ou l’option vient à échéance.
Arrêt du 15 juin 2017, Immo Chiaradia (C-444/16 et C-445/16) (cf. points 44-47 et disp.)
129. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 2004/25 - Offres publiques d'acquisition - Protection des actionnaires minoritaires, offre obligatoire et prix équitable - Possibilité pour les États membres d'autoriser leurs autorités de contrôle à modifier le prix de l'offre dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés - Condition - Fixation desdites circonstances dans le respect du principe de protection des intérêts des détenteurs de titres de la société concernée en cas de prise de contrôle de celle-ci par une personne physique ou morale
Tout d’abord, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25 fixe le principe de l’offre obligatoire d’acquisition des titres de participation d’une société donnée. Il prévoit ainsi que, lorsqu’une personne physique ou morale détient, à la suite d’une acquisition faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société entrant dans le champ d’application de cette directive, qui, additionnés à toutes les participations qu’elle et les personnes agissant de concert avec elle détiennent déjà, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de celle-ci, les États membres veillent à ce que cette personne soit obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société, cette offre devant porter sur la totalité des participations de ces actionnaires au prix équitable défini à l’article 5, paragraphe 4, de ladite directive.
Ensuite, afin également d’assurer la protection des actionnaires minoritaires de la société visée par l’OPA, l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2004/25 considère, à titre principal, comme étant le prix équitable le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l’offrant, ou par les personnes agissant de concert avec lui, pendant une période déterminée par les États membres, de six mois au minimum à douze mois au maximum précédant l’offre visée à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive.
Enfin, l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 prévoit que, sous réserve du respect des principes énoncés à l’article 3, paragraphe 1, les États membres peuvent autoriser leurs autorités de contrôle, visées à l’article 4 de cette directive, à modifier le prix équitable dans des circonstances et selon des critères déterminés. À cette fin, les États membres peuvent, d’une part, dresser une liste de circonstances dans lesquelles ce prix équitable peut être modifié, vers le haut ou vers le bas, et, d’autre part, définir les critères à utiliser dans ces cas, étant précisé que ces circonstances et critères doivent être clairement déterminés. Des exemples de telles circonstances et de tels critères sont mentionnés à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de ladite directive.
Il ressort de ces dispositions que, lorsqu’un État membre a décidé d’autoriser l’autorité de contrôle à modifier le prix équitable, défini à l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2004/25, afin de fixer le prix auquel une OPA doit avoir lieu, ce pouvoir de modification doit être exercé dans le respect des principes directeurs visés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.
À cet égard, lorsqu’il fixe, conformément à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de ladite directive, les circonstances déterminées dans lesquelles ledit pouvoir de modification peut être exercé, l’État membre doit tenir tout particulièrement compte du principe de protection des intérêts des détenteurs de titres de la société dont le contrôle a été pris par une personne physique ou morale, énoncé audit article 3, paragraphe 1.
Arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a. (C-206/16) (cf. points 29-33)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 décembre 2020, Euromin Holdings (Cyprus) (C-735/19) (cf. points 38-45)
130. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 2004/25 - Offres publiques d'acquisition - Protection des actionnaires minoritaires, offre obligatoire et prix équitable - Possibilité pour les États membres d'autoriser leurs autorités de contrôle à modifier le prix de l'offre dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés - Réglementation nationale permettant d'augmenter le prix d'une offre publique d'acquisition en cas de collusion entre l'offrant ou les personnes agissant de concert avec lui et un ou plusieurs vendeurs - Absence de précisions quant aux comportements spécifiques caractérisant la notion de collusion - Admissibilité - Condition - Notion se déduisant d'une façon suffisamment claire, précise et prévisible de ladite réglementation
L’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d’acquisition, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet à l’autorité nationale de contrôle d’augmenter le prix d’une offre publique d’acquisition en cas de "collusion", sans préciser les comportements spécifiques qui caractérisent cette notion, pour autant que l’interprétation de ladite notion puisse se déduire d’une façon suffisamment claire, précise et prévisible de cette réglementation, au moyen des méthodes d’interprétation reconnues par le droit interne.
En premier lieu, il convient de constater que l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 confère aux États membres une marge d’appréciation pour définir les circonstances dans lesquelles leurs autorités de contrôle peuvent modifier le prix équitable, à la condition, cependant, que ces circonstances soient clairement déterminées.
Cette disposition indique que les États membres peuvent dresser une liste de telles circonstances et mentionne, à cet effet, plusieurs exemples qui renvoient à des formulations générales pour illustrer les circonstances susceptibles de justifier une modification à la hausse ou à la baisse du prix équitable, telles qu’un accord entre acheteur et vendeur, des évènements exceptionnels ou une manipulation du prix des titres en cause.
Dans un tel contexte, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 52 et 53 de ses conclusions, l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 ne peut être interprété comme s’opposant à ce qu’un État membre ait recours, dans la réglementation qu’il adopte aux fins de transposer cette disposition, à une notion juridique abstraite, telle que, en l’occurrence, celle de "collusion", comme circonstance clairement déterminée au sens de ladite disposition.
Certes, tant le respect du principe de la sécurité juridique que la nécessité de garantir la pleine application des directives, en droit et non seulement en fait, exigent que tous les États membres reprennent les prescriptions de la directive en cause dans un cadre légal clair, précis et transparent prévoyant des dispositions contraignantes dans le domaine concerné par celle-ci (arrêts du 16 novembre 2000, Commission/Grèce, C-214/98, EU:C:2000:624, point 23, et du 14 janvier 2010, Commission/République tchèque, C-343/08, EU:C:2010:14, point 40).
Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme imposant qu’une norme utilisant une notion juridique abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par le législateur.
Dès lors, l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 ne saurait être interprété comme exigeant d’un État membre, qui, dans la réglementation qu’il adopte aux fins de transposer cette disposition, prévoit, comme dans l’affaire au principal, la "collusion entre l’offrant ou les personnes qui agissent de concert avec celui-ci et un ou plusieurs vendeurs" comme étant l’une des circonstances clairement déterminées au sens de ladite disposition, qu’il précise les comportements spécifiques qui caractérisent une telle collusion.
Cela étant, afin de satisfaire à l’exigence de sécurité juridique, les États membres doivent veiller à ce que l’interprétation qu’il convient de donner à une telle notion dans le domaine des OPA puisse se déduire d’une façon suffisamment claire, précise et prévisible de la réglementation nationale en cause, au moyen des méthodes d’interprétation reconnues par le droit interne.
131. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Notion de qualifications professionnelles déterminées - Qualification correspondant à un titre de formation spécifiquement conçu pour préparer ses titulaires à l'exercice d'une profession donnée
Voir le texte de la décision.
132. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Régime général de reconnaissance des titres de formation - Conditions de la reconnaissance - Notion de même profession - Profession étant, dans l'État membre d'origine et dans celui d'accueil, identique, analogue ou simplement équivalente
Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, lorsque, dans un État membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l’autorité compétente de cet État membre permet aux demandeurs d’accéder à cette profession et de l’exercer, dans les mêmes conditions que pour ses nationaux, s’ils possèdent une attestation de compétences ou un titre de formation visé à l’article 11 de la même directive, qui est requis par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l’y exercer.
L’expression « cette même profession », figurant à l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2005/36, doit être comprise comme visant des professions qui, dans l’État membre d’origine et dans celui d’accueil, sont soit identiques, soit analogues, soit, dans certains cas, simplement équivalentes, en termes d’activités qu’elles recouvrent (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2006, Colegio de Ingenieros de Caminos, Canales y Puertos, C-330/03, EU:C:2006:45, point 20).
133. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Réglementation nationale soumettant l'exercice des activités de prothésiste dentaire à la collaboration avec un praticien de l'art dentaire - Exigence applicable à l'égard de prothésistes dentaires cliniques ayant acquis leurs qualifications professionnelles dans un autre État membre et souhaitant exercer leur profession dans l'État membre d'accueil - Admissibilité au regard de l'article 49 TFUE et de la directive
L’article 49 TFUE, l’article 4, paragraphe 1, ainsi que l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les activités de prothésiste dentaire doivent être exercées en collaboration avec un praticien de l’art dentaire, dans la mesure où cette exigence est applicable, conformément à ladite réglementation, à l’égard de prothésistes dentaires cliniques ayant acquis leurs qualifications professionnelles dans un autre État membre et souhaitant exercer leur profession dans ce premier État membre.
Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier le respect par un État membre du principe de proportionnalité dans le domaine de la santé publique, il convient de tenir compte du fait que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et intérêts protégés par le traité FUE et qu’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il y a lieu de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation dans ce domaine (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung, C-148/15, EU:C:2016:776, point 30 ainsi que jurisprudence citée).
Compte tenu du risque pour la santé du patient qui est inhérent à toutes les activités visées au point 57 du présent arrêt, de l’importance de l’objectif de la protection de la santé publique ainsi que de la marge d’appréciation, rappelée au point 60 du présent arrêt, dont disposent les États membres dans la mise en œuvre de cet objectif, il convient de constater que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 26 à 30 de ses conclusions, l’exigence de l’intermédiation obligatoire d’un praticien de l’art dentaire est propre à atteindre ledit objectif et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin.
134. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Système multilatéral - Notion
Si la notion de système multilatéral n’est pas définie, en tant que telle, par cette directive, il est énoncé au considérant 6 de celle-ci que la définition des notions de "marché réglementé" et de "système multilatéral de négociation (MTF)", lesquels sont les deux types de système multilatéral visés par ladite directive, devrait exclure les systèmes bilatéraux dans le cadre desquels une entreprise d’investissement intervient, pour chaque négociation pour compte propre et non en tant qu’intermédiaire, sans assumer de risque, entre l’acheteur et le vendeur. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, point 6, de la directive 2004/39, négocier pour compte propre signifie engager ses propres capitaux en vue de conclure des transactions portant sur des instruments financiers. Il y a lieu de déduire de la nette distinction faite entre un système multilatéral et un système bilatéral que l’opérateur de marché ou l’entreprise d’investissement qui exploite un système multilatéral agit sans assumer de risque et sans engager ses propres capitaux dans la conclusion de transactions effectuées au sein de ce système.
Arrêt du 16 novembre 2017, Robeco Hollands Bezit e.a. (C-658/15) (cf. points 30, 31)
135. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Marché réglementé - Notion - Système basé sur la participation, d'une part, des courtiers représentant des investisseurs et, d'autre part, des agents d'organismes d'investissement de "type ouvert" ayant l'obligation d'exécuter des ordres afférents à leurs fonds - Inclusion
L’article 4, paragraphe 1, point 14, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de "marché réglementé", au sens de cette disposition, un système de négociation dans le cadre duquel de multiples agents de fonds et courtiers représentent respectivement des organismes d’investissement de "type ouvert" et des investisseurs, et qui a pour seule vocation d’assister ces organismes d’investissement dans leur obligation d’exécuter les ordres d’achat et de vente de parts placés par lesdits investisseurs.
Arrêt du 16 novembre 2017, Robeco Hollands Bezit e.a. (C-658/15) (cf. point 44 et disp.)
136. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Médecins - Acquisition des titres de spécialité - Conditions de formation - Allocation nationale de financement de ladite formation dispensée dans un autre État membre - Octroi subordonné à l'exercice, par le médecin spécialiste en bénéficiant, de cinq années d'activité professionnelle sur le territoire de l'État membre l'accordant, ou au remboursement de 70 % du montant de l'allocation perçue, majoré d'intérêts - Admissibilité
L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 75/363/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin, telle que modifiée par la directive 82/76/CEE du Conseil, du 26 janvier 1982, ainsi que l’article 24, paragraphe 1, sous c), de la directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’octroi de l’allocation nationale destinée à financer une formation, dispensée dans un autre État membre, conduisant à l’obtention du titre de médecin spécialiste est subordonné à la condition que le médecin bénéficiaire exerce son activité professionnelle dans ce premier État membre pendant une durée de cinq ans au cours d’une période de dix ans à l’issue de la spécialisation ou, à défaut, qu’il rembourse jusqu’à 70 % du montant de l’allocation perçue, majoré des intérêts.
Arrêt du 20 décembre 2017, Simma Federspiel (C-419/16) (cf. point 31, disp. 1)
137. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale subordonnant l'octroi d'une allocation finançant la formation d'un médecin spécialiste dispensée dans un autre État membre à l'exercice, par le bénéficiaire, de cinq années d'activité professionnelle sur son territoire, ou au remboursement de 70 % du montant de l'allocation perçue, majoré d'intérêts - Inadmissibilité - Justification - Protection de la santé publique et de l'équilibre financier du système de sécurité sociale - Appréciation par le juge national
Les articles 45 et 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’octroi de l’allocation nationale destinée à financer une formation, dispensée dans un autre État membre, conduisant à l’obtention du titre de médecin spécialiste est subordonné à la condition que le médecin bénéficiaire exerce son activité professionnelle dans ce premier État membre pendant une durée de cinq ans au cours d’une période de dix ans à l’issue de la spécialisation ou, à défaut, qu’il rembourse jusqu’à 70 % du montant de l’allocation perçue, majoré des intérêts, à moins que les mesures prévues par cette réglementation ne contribuent effectivement pas à la poursuite des objectifs de protection de la santé publique et d’équilibre financier du système de sécurité sociale et aillent au-delà de ce qui est nécessaire à cet égard, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier.
Arrêt du 20 décembre 2017, Simma Federspiel (C-419/16) (cf. point 51, disp. 2)
138. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 2004/25 - Offres publiques d'acquisition - Protection des actionnaires minoritaires, offre obligatoire et prix équitable - Possibilité pour les États membres d'autoriser leurs autorités de contrôle à modifier le prix de l'offre dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés - Réglementation nationale permettant d'augmenter le prix d'une offre publique d'acquisition en cas de collusion entre l'offrant ou les personnes agissant de concert avec lui et un ou plusieurs vendeurs - Recours au prix constaté par l'autorité de contrôle - Admissibilité - Condition - Prix se déduisant d'une façon suffisamment claire, précise et prévisible de ladite réglementation
139. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Médecins - Acquisition des titres de spécialité - Obligation de rémunérer les périodes de formation - Portée - Toute formation à plein temps ou à temps partiel de médecin spécialiste commencée au cours de l'année 1982 et continuée après le 1er janvier 1983 - Inclusion
L’article 2, paragraphe 1, sous c), l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe de la directive 75/363/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin, telle que modifiée par la directive 82/76/CEE du Conseil, du 26 janvier 1982, doivent être interprétés en ce sens que toute formation à plein temps ou à temps partiel de médecin spécialiste commencée au cours de l’année 1982 et continuée jusqu’à l’année 1990 doit faire l’objet d’une rémunération appropriée, au sens de ladite annexe, à condition que cette formation concerne une spécialité médicale commune à tous les États membres ou à deux ou à plusieurs d’entre eux et mentionnée aux articles 5 ou 7 de la directive 75/362/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de libre prestation de services.
À cet égard, il convient de relever que ladite obligation, qui n’était pas prévue initialement par la directive 75/363, a été introduite par la directive 82/76, entrée en vigueur le 29 janvier 1982 et à laquelle les États membres, conformément à l’article 16 de celle-ci, étaient tenus de se conformer le 31 décembre 1982 au plus tard.
Arrêt du 24 janvier 2018, Pantuso e.a. (C-616/16 et C-617/16) (cf. points 30, 38, disp. 1)
140. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Médecins - Acquisition des titres de spécialité - Obligation de rémunérer les périodes de formation - Absence de mesures nationales de transposition - Obligations des juridictions nationales - Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers - Réparation du préjudice par l'application rétroactive et complète des mesures d'exécution de la directive
L’article 2, paragraphe 1, sous c), l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe de la directive 75/363, telle que modifiée par la directive 82/76, doivent être interprétés en ce sens que l’existence de l’obligation, pour un État membre, de prévoir une rémunération appropriée, au sens de cette annexe, pour toute formation à plein temps ou à temps partiel de médecin spécialiste commencée au cours de l’année 1982 et continuée jusqu’à l’année 1990 ne dépend pas de l’adoption, par cet État, de mesures de transposition de la directive 82/76. La juridiction nationale est tenue, lorsqu’elle applique des dispositions de droit national, antérieures comme postérieures à une directive, de les interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte et de la finalité de ces directives.
Dans le cas où, du fait de l’absence de mesures nationales transposant la directive 82/76, le résultat prescrit par cette directive ne pourrait être atteint par la voie de l’interprétation en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, le droit de l’Union impose à l’État membre concerné de réparer les dommages qu’il a causés aux particuliers en raison de l’absence de transposition de ladite directive. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si l’ensemble des conditions posées à cet égard par la jurisprudence de la Cour sont réunies pour que, en vertu du droit de l’Union, la responsabilité de cet État membre se trouve engagée.
À cet égard, l’application rétroactive et complète des mesures d’exécution de la directive 82/76 permettra de remédier aux conséquences dommageables de la transposition tardive de celle-ci, à la condition que cette directive ait été régulièrement transposée. Toutefois, il appartient au juge national de veiller à ce que la réparation du préjudice subi par les bénéficiaires soit adéquate. Une application rétroactive, régulière et complète des mesures d’exécution de la directive 82/76 suffira à cette fin, sauf si les bénéficiaires établissent l’existence de pertes complémentaires qu’ils auraient subies en raison du fait qu’ils n’ont pu bénéficier en temps voulu des avantages pécuniaires garantis par la directive et qu’il conviendrait donc de réparer également (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 1999, Carbonari e.a., C-131/97, EU:C:1999:98, point 53, ainsi que du 3 octobre 2000, Gozza e.a., C-371/97, EU:C:2000:526, point 39).
Arrêt du 24 janvier 2018, Pantuso e.a. (C-616/16 et C-617/16) (cf. points 50, 51, disp. 2)
141. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Médecins - Acquisition des titres de spécialité - Obligation de rémunérer les périodes de formation - Portée - Périodes de formation postérieures à l'expiration du délai de transposition de la directive 82/76
L’article 2, paragraphe 1, sous c), l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe de la directive 75/363, telle que modifiée par la directive 82/76, doivent être interprétés en ce sens qu’une rémunération appropriée, au sens de ladite annexe, pour la formation à plein temps et à temps partiel des médecins spécialistes commencée au cours de l’année 1982 et continuée jusqu’à l’année 1990 doit être payée pour la période de cette formation à partir du 1er janvier 1983 et jusqu’à la fin de ladite formation.
Arrêt du 24 janvier 2018, Pantuso e.a. (C-616/16 et C-617/16) (cf. point 57, disp. 3)
142. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts et d'indemnisation des investisseurs - Directives 94/19 et 97/9 - Instruments relevant simultanément des deux directives - Absence d'imputation par un État membre d'un type de créance à un système relevant de l'une des directives - Choix du système applicable appartenant au titulaire de la créance
L’article 2, paragraphe 3, de la directive 97/9 doit être interprété en ce sens que, dans une situation dans laquelle des créances relèvent tant des systèmes de garantie des dépôts prévus par la directive 94/19 que des systèmes d’indemnisation des investisseurs prévus par la directive 97/9, et dans laquelle le législateur national n’a pas imputé de telles créances à un système relevant de l’une ou de l’autre de ces directives, le juge saisi ne peut pas décider lui-même, sur le fondement de cette disposition, du système dont les titulaires desdites créances peuvent bénéficier. En revanche, dans une telle situation, il revient à ces derniers de choisir d’être indemnisés par l’un ou l’autre des systèmes prévus dans le droit national pour mettre en œuvre ces deux directives.
Arrêt du 22 mars 2018, Anisimovienė e.a. (C-688/15 et C-109/16) (cf. point 105, disp. 2)
143. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts et d'indemnisation des investisseurs - Directives 94/19 et 97/9 - Entreprise publique chargée desdits systèmes - Invocabilité des directives à l'encontre de cette entreprise - Portée
D’une part, l’article 1er, point 1, de la directive 94/19, telle que modifiée par la directive 2009/14, et, d’autre part, l’article 1er, point 4, ainsi que l’article 2, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 97/9 doivent être interprétés en ce sens qu’ils peuvent être invoqués par des particuliers devant le juge national à l’appui de demandes d’indemnisation à l’encontre d’une entreprise publique chargée, dans un État membre, des systèmes de garantie des dépôts et d’indemnisation des investisseurs.
Arrêt du 22 mars 2018, Anisimovienė e.a. (C-688/15 et C-109/16) (cf. point 111, disp. 3)
144. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Services ou activités d'investissement - Exécution d'ordres au nom de clients - Notion - Conclusion d'un contrat de souscription portant sur des instruments financiers - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 mars 2018, Anisimovienė e.a. (C-688/15 et C-109/16) (cf. points 62-64)
145. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Services ou activités d'investissement - Notion - Conclusion par un établissement de crédit de contrats de souscription avec ses clients portant sur de futures valeurs mobilières - Inclusion - Établissement de crédit ayant la qualité d'émetteur des valeurs mobilières - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 mars 2018, Anisimovienė e.a. (C-688/15 et C-109/16) (cf. points 66-69)
146. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts et d'indemnisation des investisseurs - Directives 94/19 et 97/9 - Champ d'application - Créances se rapportant aux fonds remis par des particuliers à un établissement de crédit au titre de la souscription de futures valeurs mobilières émises par cet établissement et inscrits à un compte ouvert à son nom - Inclusion
D’une part, les dispositions de la directive 97/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 mars 1997, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs, et, d’autre part, celles de la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2009/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009, doivent être interprétées en ce sens que des créances se rapportant à des fonds, débités de comptes dont des particuliers étaient titulaires auprès d’un établissement de crédit et portés au crédit de comptes ouverts au nom de cet établissement, au titre de la souscription de futures valeurs mobilières dont ce dernier devait être l’émetteur, dans des circonstances dans lesquelles l’émission de ces valeurs n’a finalement pas été réalisée du fait de la faillite dudit établissement, relèvent tant des systèmes d’indemnisation des investisseurs prévus par la directive 97/9 que des systèmes de garantie des dépôts prévus par la directive 94/19.
Arrêt du 22 mars 2018, Anisimovienė e.a. (C-688/15 et C-109/16) (cf. point 99, disp. 1)
147. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité ou à la réparation du préjudice après cessation du contrat - Exclusion du droit à indemnité en cas de résiliation du contrat au cours de la période d'essai stipulée dans le contrat - Inadmissibilité
L’article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que les régimes d’indemnisation et de réparation que cet article prévoit, respectivement à ses paragraphes 2 et 3, en cas de cessation du contrat d’agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule.
Or, l’interprétation selon laquelle aucune indemnité n’est due en cas de rupture du contrat d’agence commerciale pendant la période d’essai n’est pas compatible avec le caractère impératif du régime instauré par l’article 17 de la directive 86/653.
Arrêt du 19 avril 2018, Conseils et mise en relations (CMR) (C-645/16) (cf. points 36, 38 et disp.)
148. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Intermédiation en assurance - Directive 2002/92 - Notion d'intermédiation en assurance - Réalisation de travaux préparatoires à la conclusion d'un contrat d'assurance - Inclusion - Absence d'intention de l'intermédiaire d'assurance de procéder à la conclusion d'un véritable contrat d'assurance - Absence d'incidence
L’article 2, point 3, de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 décembre 2002, sur l’intermédiation en assurance, doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’"intermédiation en assurance" la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat d’assurance, même en l’absence d’intention de l’intermédiaire d’assurance concerné de procéder à la conclusion d’un véritable contrat d’assurance.
S’agissant, d’abord, du libellé de l’article 2, point 3, de la directive 2002/92, il résulte, en particulier, des termes "activité", "présenter", "proposer", "réaliser" et "contribuer" que la notion d’"intermédiation en assurance" y est définie par référence aux seuls actes objectivement accomplis par l’intermédiaire d’assurance.
En ce qui concerne, ensuite, le contexte de ladite disposition, l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2002/92 oblige les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les clients contre l’incapacité de l’intermédiaire d’assurance à transférer la prime à l’entreprise d’assurances. En l’absence de précision contraire, il y a lieu de considérer que cette disposition vise la protection des clients contre toute incapacité dudit intermédiaire à effectuer un tel transfert, quelle qu’en soit la raison. Par conséquent, cette protection doit couvrir l’impossibilité de transférer ladite prime à l’entreprise d’assurances également lorsqu’un employé de la société intermédiaire d’assurance se l’est appropriée dans le cadre de la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat d’assurance.
Il convient enfin de rappeler que cette directive a notamment comme objectif, ainsi que cela ressort de ses considérants 8, 9 et 17, l’amélioration de la protection des consommateurs dans le domaine de l’intermédiation en assurance. À cette fin, comme il est énoncé à ce considérant 9, toute personne et toute institution distribuant des produits d’assurance doivent être couvertes par ladite directive.
Il découle de ce qui précède que la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion de contrats d’assurance est une notion objective. Elle constitue donc une activité d’intermédiation en assurance, au sens de l’article 2, point 3, de cette directive, quelle que soit l’intention de l’intermédiaire d’assurance en ce qui concerne la conclusion ou non desdits contrats.
Il s’ensuit que le moment auquel l’absence d’intention de l’intermédiaire de conclure les contrats d’assurance survient ainsi que la perception subjective des clients concernés relative à l’activité dudit intermédiaire consistant en la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion de contrats d’assurance sont sans pertinence aux fins de la qualification de cette activité d’intermédiation en assurance, au sens de ladite disposition.
149. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Intermédiation en assurance - Directive 2002/92 - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Champ d'application desdites directives - Conseils financiers relatifs au placement d'un capital portant sur la conclusion d'un contrat d'assurance-vie en capital - Inclusion dans le champ d'application de la directive 2002/92 et exclusion du champ d'application de la directive 2004/39
Les conseils financiers relatifs au placement d’un capital prodigués dans le cadre d’une intermédiation d’assurance portant sur la conclusion d’un contrat d’assurance-vie en capital relèvent du champ d’application de la directive 2002/92 et non pas de celui de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil.
Un tel conseil financier pourrait donc, en principe, relever du champ d’application matériel de la directive 2004/39 dans la mesure où, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, point 2, et de l’annexe I, section A, point 5, de cette directive, il constitue un service d’investissement et où, conformément au point 1 dudit paragraphe, l’intermédiaire d’assurance peut être qualifié d’"entreprise d’investissement" dès lors que celui-ci prodigue ces conseils en tant qu’occupation ou activité habituelle.
Toutefois, l’article 2, sous c), de la directive 2004/39 exclut du champ d’application de cette dernière les personnes qui fournissent un service d’investissement à titre accessoire dans le cadre d’une activité professionnelle, dès lors que celle-ci est régie par des dispositions législatives ou réglementaires ou par un code déontologique qui n’exclut pas la fourniture de ce service.
Or, il y a lieu de constater que l’activité professionnelle d’un intermédiaire d’assurance consiste, conformément à l’article 2, point 5, de la directive 2002/92, en l’intermédiation en assurance. Dans la mesure où un tel intermédiaire propose, parmi les produits d’assurance disponibles, un produit tel que l’assurance-vie en capital en cause au principal, il doit être considéré que les conseils relatifs au placement du capital visé par ce produit sont fournis à titre accessoire, dès lors qu’ils sont prodigués dans le cadre d’une activité d’intermédiation portant sur la conclusion d’un contrat d’assurance, activité qui est soumise à des dispositions législatives du droit de l’Union, à savoir celles de la directive 2002/92.
150. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Autorités nationales de surveillance financière - Obligation de secret professionnel - Portée - Notion d'information confidentielle
L’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que toutes les informations relatives à l’entreprise surveillée et communiquées par celle-ci à l’autorité compétente, ainsi que toutes les déclarations de cette autorité figurant dans son dossier de surveillance, y compris sa correspondance avec d’autres services, ne constituent pas, de manière inconditionnelle, des informations confidentielles, couvertes, dès lors, par l’obligation de garder le secret professionnel prévue à cette disposition. Relèvent de cette qualification les informations détenues par les autorités désignées par les États membres pour remplir les fonctions prévues par cette directive qui, premièrement, n’ont pas un caractère public et dont, deuxièmement, la divulgation risquerait de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement que le législateur de l’Union a institué en adoptant la directive 2004/39.
Il importe encore de souligner que l’article 54 de la directive 2004/39 pose un principe général d’interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par les autorités compétentes et énonce de manière exhaustive les cas spécifiques dans lesquels cette interdiction générale ne fait, exceptionnellement, pas obstacle à leur transmission ou utilisation (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2014, Altmann e.a., C-140/13, EU:C:2014:2362, points 34 et 35). Ledit article n’a ainsi pas pour but de créer un droit d’accès en faveur du public aux informations détenues par les autorités compétentes ou de réglementer de manière détaillée l’exercice d’un tel droit d’accès reconnu, le cas échéant, par le droit national. Il importe enfin de souligner que, l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39 ayant pour seul objet d’obliger les autorités compétentes à refuser, en principe, la divulgation d’informations confidentielles, au sens de cette disposition, les États membres demeurent libres de décider d’étendre la protection contre la divulgation à l’ensemble du contenu des dossiers de surveillance des autorités compétentes ou, à l’inverse, de permettre l’accès aux informations en possession des autorités compétentes qui ne sont pas des informations confidentielles au sens de ladite disposition.
Arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C-15/16) (cf. points 38, 39, 44, 46, disp. 1)
151. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Autorités nationales de surveillance financière - Obligation de secret professionnel - Date d'appréciation du caractère confidentiel d'une information
L’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39 doit être interprété en ce sens que le caractère confidentiel d’informations relatives à l’entreprise surveillée et communiquées aux autorités désignées par les États membres pour remplir les fonctions prévues par cette directive doit s’apprécier à la date de l’examen que ces autorités sont appelées à effectuer aux fins de se prononcer sur la demande de divulgation portant sur lesdites informations, indépendamment de la qualification de celles-ci lors de leur communication auxdites autorités.
Arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C-15/16) (cf. point 51, disp. 2)
152. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Autorités nationales de surveillance financière - Obligation de secret professionnel - Limites - Présomption d'inapplicabilité aux informations commerciales revêtant un caractère historique
L’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39 doit être interprété en ce sens que les informations détenues par les autorités désignées par les États membres pour remplir les fonctions prévues par cette directive qui ont pu constituer des secrets d’affaires, mais qui datent de cinq ans ou plus, sont considérées, en principe, du fait de l’écoulement du temps, comme historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère secret, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés. De telles considérations ne valent pas pour les informations détenues par ces autorités, dont la confidentialité pourrait se justifier pour des raisons autres que leur importance pour la position commerciale des entreprises concernées.
Arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C-15/16) (cf. point 57, disp. 3)
153. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Autorités nationales de surveillance financière - Obligation de secret professionnel - Exception visant des cas relevant du droit pénal - Champ d'application - Adoption par une autorité nationale d'une interdiction pour une personne d'exercer des fonctions d'administrateur auprès d'une entité surveillée - Exclusion - Refus de divulgation des informations par ladite autorité à une personne visée par un acte faisant grief - Obligations du juge national afin d'assurer les droits à la défense de cette personne
L’article 54 de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que:
- les termes "cas relevant du droit pénal", figurant aux paragraphes 1 et 3 de cet article, ne recouvrent pas la situation dans laquelle les autorités désignées par les États membres pour remplir les fonctions prévues par cette directive adoptent une mesure, telle que celle en cause au principal, consistant à interdire à une personne d’exercer auprès d’une entreprise surveillée une fonction d’administrateur ou une autre fonction dont l’exercice est subordonné à l’obtention d’un agrément, avec ordre de démissionner de toutes ses fonctions dans les meilleurs délais, au motif que cette personne ne remplit plus les exigences d’honorabilité professionnelle prévues à l’article 9 de ladite directive, laquelle fait partie des mesures que les autorités compétentes doivent prendre dans l’exercice des compétences dont elles disposent en vertu des dispositions du titre II de la même directive. En effet, ladite disposition, lorsqu’elle prévoit que l’obligation de secret professionnel peut être, à titre exceptionnel, écartée dans de tels cas, vise la transmission ou l’utilisation d’informations confidentielles à des fins de poursuites ainsi que de sanctions respectivement menées ou infligées conformément au droit pénal national;
- l’obligation de secret professionnel prévue au paragraphe 1 dudit article, lu en combinaison avec les articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être garantie et mise en œuvre de manière à la concilier avec le respect des droits de la défense. Ainsi, il appartient à la juridiction nationale compétente, lorsqu’une autorité compétente invoque ladite obligation pour refuser la communication d’informations en sa possession qui ne figurent pas dans le dossier concernant la personne visée par un acte lui faisant grief, de vérifier si ces informations présentent un lien objectif avec les griefs retenus à son égard et, dans l’affirmative, de mettre en balance l’intérêt de la personne en cause à disposer des informations nécessaires aux fins d’être en mesure d’exercer pleinement les droits de la défense et les intérêts liés au maintien de la confidentialité des informations couvertes par l’obligation de secret professionnel, avant de décider de la communication de chacune des informations sollicitées.
Arrêt du 13 septembre 2018, UBS Europe e.a. (C-358/16) (cf. point 71 et disp.)
154. Liberté d'établissement - Libre circulation des capitaux - Champ d'application - Législation fiscale - Impôt sur les sociétés - Imposition des dividendes - Traitement fiscal de dividendes distribués par une société résidente d'un pays tiers - Traitement fiscal fondé sur une réglementation nationale n'ayant pas pour objet de s'appliquer exclusivement en cas d'une influence décisive exercée par la société bénéficiaire sur la société distributrice - Inapplicabilité des dispositions régissant la liberté d'établissement - Applicabilité des dispositions régissant la libre circulation des capitaux
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 20 septembre 2018, EV (C-685/16) (cf. points 38-41, 43-46)
155. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Droits conférés aux particuliers - Article 1er, point 3, sous i) - Violation par un État membre - Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers - Conditions - Violation suffisamment caractérisée - Lien de causalité entre cette violation et le dommage - Vérification par la juridiction nationale
L’article 1er, point 3, sous i), de la directive 94/19, telle que modifiée par la directive 2009/14, est d’effet direct et constitue une règle de droit visant à conférer des droits aux particuliers permettant aux déposants d’intenter un recours en réparation du préjudice causé par le remboursement tardif des dépôts. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, d’une part, si le défaut de constat d’indisponibilité des dépôts dans le délai de cinq jours prévu à cette disposition, en dépit du fait que les conditions clairement énoncées à ladite disposition étaient réunies, constitue, dans les circonstances de l’affaire au principal, une violation suffisamment caractérisée, au sens du droit de l’Union, et, d’autre part, s’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par un déposant, tel que M. Nikolay Kantarev.
Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C-571/16) (cf. point 117, disp. 4)
156. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Indisponibilité d'un dépôt - Réglementation nationale subordonnant le constat de ladite indisponibilité à l'insolvabilité de l'établissement de crédit et à la révocation de l'agrément bancaire de ce dernier - Inadmissibilité - Dérogation aux délais prévus pour constater l'indisponibilité des dépôts et pour rembourser ceux-ci - Inadmissibilité
L’article 1er, point 3, et l’article 10, paragraphe 1, de la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de garantie des dépôts, telle que modifiée par la directive 2009/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, d’une part, à une législation nationale selon laquelle le constat de l’indisponibilité des dépôts dépend de l’insolvabilité de l’établissement de crédit et de la révocation de l’agrément bancaire de cet établissement et, d’autre part, à ce qu’il soit dérogé aux délais prévus, par ces dispositions, pour constater l’indisponibilité des dépôts et pour rembourser ces dépôts, au motif qu’il serait nécessaire que l’établissement de crédit soit placé sous surveillance spéciale.
Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C-571/16) (cf. point 69, disp. 1)
157. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Indisponibilité d'un dépôt - Constat par acte explicite de l'autorité nationale compétente
L’article 1er, point 3, sous i), de la directive 94/19, telle que modifiée par la directive 2009/14, doit être interprété en ce sens que l’indisponibilité des dépôts, au sens de cette disposition, doit être constatée par un acte explicite de l’autorité nationale compétente et ne peut être déduite d’autres actes, tels que la décision de la Balgarska Narodna Banka (Banque nationale bulgare) de placer la Korporativna Targovska Banka sous surveillance spéciale, ni présumée de circonstances telles que celles de l’affaire au principal.
Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C-571/16) (cf. point 78, disp. 2)
158. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Indisponibilité d'un dépôt - Subordination du constat de ladite indisponibilité à une demande préalable de retrait des fonds - Inadmissibilité
L’article 1er, point 3, sous i), de la directive 94/19, telle que modifiée par la directive 2009/14, doit être interprété en ce sens que le constat de l’indisponibilité d’un dépôt bancaire, au sens de cette disposition, ne saurait être subordonné à la condition que le titulaire de ce dépôt ait préalablement fait, auprès de l’établissement de crédit concerné, une demande de retrait des fonds, restée infructueuse.
Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C-571/16) (cf. point 87, disp. 3)
159. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale interdisant toute activité lucrative portant sur la conservation des urnes cinéraires - Inadmissibilité - Justification - Absence
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit, même en dépit de la volonté expresse du défunt, au dépositaire d’une urne cinéraire d’en confier la garde à un tiers, qui lui impose de la conserver dans son habitation, sauf à la confier à un cimetière municipal, et, en outre, qui proscrit toute activité exercée à titre lucratif ayant pour objet, même non exclusif, la garde d’urnes cinéraires, à quelque titre que ce soit et quelle qu’en soit la durée.
À cet égard, s’agissant, premièrement, de la justification tenant à la protection de la santé publique, il découle, certes, d’une jurisprudence constante de la Cour que la protection de la santé publique figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par le droit de l’Union et que les États membres disposent dans ce domaine d’une large marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-570/07 et C-571/07, EU:C:2010:300, points 44, 68 et 106). Toutefois, un tel objectif ne saurait justifier la restriction en cause au principal dans la mesure où les cendres funéraires, à la différence des dépouilles mortelles, sont inertes d’un point de vue biologique, puisque rendues stériles par la chaleur, de sorte que leur conservation ne saurait représenter une contrainte imposée par des considérations de santé publique.
En ce qui concerne, deuxièmement, l’objectif de protection du respect dû à la mémoire des défunts, celui-ci est également susceptible de constituer une raison impérieuse d’intérêt général. Cependant, il doit être constaté qu’il existe des mesures moins contraignantes permettant de réaliser ledit objectif, telles que, notamment, l’obligation d’assurer la garde des urnes cinéraires dans des conditions analogues à celles des cimetières communaux et, en cas de cessation d’activité, de transférer ces urnes à un cimetière public ou de les restituer aux proches du défunt.
160. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Notion d'agent commercial - Personne exerçant son activité depuis l'établissement du commettant - Inclusion - Condition - Exercice de cette activité de manière indépendante
L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’une personne chargée de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte de celle-ci, exerce son activité depuis l’établissement de cette dernière ne fait pas obstacle à ce qu’elle puisse être qualifiée d’"agent commercial", au sens de cette disposition, pourvu que cette circonstance n’empêche pas cette personne d’exercer son activité de manière indépendante, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
En effet, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 énonce trois conditions nécessaires et suffisantes pour qu’une personne puisse être qualifiée d’"agent commercial". Premièrement, cette personne doit posséder la qualité d’intermédiaire indépendant. Deuxièmement, elle doit être liée contractuellement de façon permanente au commettant. Troisièmement, elle doit exercer une activité consistant soit à négocier la vente ou l’achat de marchandises pour le commettant, soit à négocier et à conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci.
Ainsi, il suffit qu’une personne réponde à ces trois conditions pour pouvoir être qualifiée d’"agent commercial", au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, indépendamment des modalités dans lesquelles elle exerce son activité et pour autant qu’elle ne relève pas des exclusions prévues à l’article 1er, paragraphe 3, et à l’article 2 de cette directive.
Dans ce contexte, en l’absence de disposition dans ladite directive exigeant que l’"agent commercial" exerce son activité de manière itinérante ou en dehors de l’établissement du commettant, il y a lieu de constater que le bénéfice de la protection conférée par la même directive doit également s’étendre aux personnes qui, comme dans l’affaire au principal, exercent leur activité depuis cet établissement (voir, par analogie, arrêt du 30 avril 1998, Bellone, C 215/97, EU:C:1998:189, point 13).
Arrêt du 21 novembre 2018, ZAKO (C-452/17) (cf. points 23, 24, 28, 36, disp. 1)
161. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Notion d'agent commercial - Personne exerçant pour le commettant, outre les activités propres d'un agent commercial, des activités d'une autre nature - Inclusion - Condition - Exercice des premières activités de manière indépendante
L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’une personne exerce non seulement des activités consistant, soit à négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, soit à négocier et à conclure ces opérations au nom et pour le compte de celle-ci, mais également, pour cette même personne, des activités d’une autre nature, sans que les secondes soient accessoires par rapport aux premières, ne fait pas obstacle à ce qu’elle puisse être qualifiée d’"agent commercial", au sens de ladite disposition, pour autant que cette circonstance ne l’empêche pas d’exercer les premières activités de manière indépendante, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 49 à 51 de ses conclusions, ladite directive ne s’oppose pas, par principe, à ce que l’activité d’agent commercial puisse être cumulée à des activités d’une autre nature, y compris dans le cas où la personne concernée n’exercerait cette première activité qu’à titre accessoire ou dans le cas où, comme en l’occurrence, ladite activité serait de même importance que les autres tâches qu’elle effectue, la possibilité d’un tel cumul n’étant exclue par aucune autre disposition de la même directive.
Dès lors, hormis dans l’hypothèse où, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 86/653, un État membre choisit d’exclure du champ d’application de cette directive les personnes qui exercent une activité d’agent commercial à titre accessoire, ce qui ne semble, au demeurant, pas être le cas dans l’affaire au principal, les personnes exerçant une telle activité d’agent commercial doivent être considérées comme relevant de ce champ d’application, quand bien même cette activité serait cumulée à une activité d’une autre nature.
Arrêt du 21 novembre 2018, ZAKO (C-452/17) (cf. points 42, 43, 51, disp. 2)
162. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Principe de reconnaissance automatique - Réglementation nationale prévoyant l'obligation de formation à temps plein et l'interdiction d'inscription simultanée à deux formations - Titres de formation délivrés dans un autre État membre à l'issue de formations partiellement concomitantes - Obligation de reconnaissance automatique
Les articles 21, 22 et 24 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, doivent être interprétés en ce sens qu’ils obligent un État membre, dont la législation prévoit l’obligation de formation à temps plein et l’interdiction d’inscription simultanée à deux formations, à reconnaître automatiquement des titres de formation visés par cette directive et délivrés dans un autre État membre à l’issue de formations partiellement concomitantes.
Arrêt du 6 décembre 2018, Preindl (C-675/17) (cf. point 32, disp. 1)
163. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Principe de reconnaissance automatique - Pouvoirs de vérification de l'État membre d'accueil - Vérification du respect de la condition relative à la durée totale, le niveau et la qualité des formations à temps partiel par rapport aux formations à temps plein en continu - Inadmissibilité
L’article 21 et l’article 22, sous a), de la directive 2005/36 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que l’État membre d’accueil vérifie le respect de la condition selon laquelle la durée totale, le niveau et la qualité des formations à temps partiel ne sont pas inférieurs à ceux des formations à temps plein en continu.
À cet égard, il peut être relevé qu’un système de reconnaissance automatique et inconditionnelle des titres de formation tel que celui prévu à l’article 21 de la directive 2005/36 serait gravement compromis s’il était loisible aux États membres de remettre en question, à leur discrétion, le bien-fondé de la décision de l’autorité compétente d’un autre État membre de délivrer ledit titre (voir, par analogie, arrêt du 19 juin 2003, Tennah Durez, C-110/01, EU:C:2003:357, point 75).
Or, le caractère automatique et inconditionnel de la reconnaissance des titres de formation reste inchangé lorsque l’État membre d’origine délivre un titre de formation à la suite d’une formation médicale de base ou d’une formation de praticien de l’art dentaire, dispensée en application de l’article 22, sous a), de la directive 2005/36. Dans ce contexte également, il incombe aux autorités compétentes de l’État membre d’origine, à l’exclusion de celles de l’État membre d’accueil, de veiller à ce que la durée totale, le niveau et la qualité des formations à temps partiel ne soient pas inférieurs à ceux des formations à temps plein en continu, et, plus généralement, à ce que toutes les exigences établies par la directive 2005/36 soient pleinement respectées.
Ainsi, lorsqu’un cursus satisfait aux exigences de formation établies par la directive 2005/36, ce qu’il appartient à l’autorité de l’État membre qui délivre le titre de formation de vérifier, les autorités de l’État membre d’accueil ne peuvent pas refuser la reconnaissance de ce titre. La circonstance que l’intéressé a suivi une formation à temps partiel, en application de l’article 22, sous a), de cette directive, ou plusieurs cursus simultanément ou encore durant des périodes qui se superposent partiellement est sans incidence à cet égard dès lors que les exigences de formation établies par ladite directive sont remplies.
Arrêt du 6 décembre 2018, Preindl (C-675/17) (cf. points 36, 37, 40, 41, disp. 2)
164. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale prévoyant, pour la concession de la gestion du service du loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe, un modèle à concessionnaire unique et, pour les autres jeux, concours de pronostics et paris, un modèle à concessionnaires multiples - Admissibilité - Condition - Vérification par la juridiction nationale
Les articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit, pour la concession de la gestion du service du jeu de loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe, un modèle à concessionnaire unique, à la différence des autres jeux, concours de pronostics et paris, auxquels s’applique un modèle à concessionnaires multiples, pour autant que la juridiction nationale établit que la réglementation nationale poursuit effectivement de manière cohérente et systématique les objectifs légitimes invoqués par l’État membre concerné.
En effet, une telle divergence de régimes juridiques n’est pas, en soi, de nature à affecter l’aptitude d’un tel système à concession unique à atteindre l’objectif de prévention de l’incitation des citoyens à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci pour lequel il a été institué (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2018, Sporting Odds, C-3/17, EU:C:2018:130, point 23 et jurisprudence citée).
Toutefois, un système dual d’organisation du marché des jeux de hasard pourra s’avérer contraire à l’article 56 TFUE s’il est constaté que les autorités compétentes mènent des politiques visant à encourager la participation à des jeux de hasard, autres que ceux relevant du système de concession unique, plutôt qu’à réduire les occasions de jeu et à limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente et systématique de telle sorte que l’objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci qui était à la base de l’institution du système de concession unique ne peut plus être efficacement poursuivi au moyen de ce dernier (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2018, Sporting Odds, C-3/17, EU:C:2018:130, point 24 et jurisprudence citée). Un tel système dual est, en revanche, compatible avec l’article 56 TFUE, dès lors que la juridiction de renvoi établit que la réglementation restreignant la libre prestation des services poursuit effectivement, de manière cohérente et systématique, les objectifs invoqués par l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Sporting Odds, C-3/17, EU:C:2018:130, point 33).
165. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Réglementation nationale prévoyant, pour la concession de la gestion du service du loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe, une valeur de base du marché élevée - Admissibilité - Condition - Vérification par la juridiction nationale
Les articles 49 et 56 TFUE ainsi que les principes de non-discrimination, de transparence et de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale et aux actes adoptés en vue de son application, tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, qui prévoient, pour la concession de la gestion du service du jeu de loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe, une valeur de base du marché élevée, à condition que cette valeur soit formulée de manière claire, précise et univoque et qu’elle soit objectivement justifiée, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier.
166. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Déchéance de la concession pour la gestion du service du loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe - Déchéance en cas de renvoi du concessionnaire devant un juge en raison de la commission d'un délit lié à l'objet de l'activité donnée en concession - Faculté, pour le pouvoir adjudicateur, de prononcer la déchéance en l'absence d'un jugement définitif dans des conditions strictement encadrées par la loi - Admissibilité
Voir le texte de la décision.
167. Libre prestation des services - Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Disposition, contenue dans un modèle de convention de concession, prévoyant la déchéance de la concession pour la gestion du service du loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe - Déchéance en cas de renvoi du concessionnaire devant un juge en raison de la commission d'un délit lié à l'objet de l'activité donnée en concession - Déchéance en cas de violation, par le concessionnaire, de la réglementation en matière de répression du jeu irrégulier, illicite et clandestin - Admissibilité - Condition - Vérification par la juridiction nationale
Les articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition, telle que celle en cause au principal, contenue dans un modèle de convention de concession accompagnant un appel d’offres et qui prévoit la déchéance de la concession pour la gestion du service du jeu de loto automatisé et des autres jeux numériques à cote fixe :
- dans toute hypothèse de délit pour lequel le renvoi devant un juge a été ordonné et que le pouvoir adjudicateur, en raison de sa nature, de sa gravité, de ses modalités d’exécution et de son lien avec l’objet de l’activité donnée en concession, juge de nature à exclure la fiabilité, le professionnalisme et la qualité morale du concessionnaire,
- ou si le concessionnaire commet une violation de la réglementation en matière de répression du jeu irrégulier, illicite et clandestin et, en particulier, lorsque, en propre ou à travers des sociétés détenues ou liées, quel que soit leur lieu d’établissement, il commercialise d’autres jeux assimilables au jeu de loto automatisé et aux autres jeux numériques à cote fixe sans avoir obtenu le titre requis à cet effet,
à condition que ces clauses soient justifiées, s’avèrent proportionnées à l’objectif poursuivi et soient conformes au principe de transparence, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier à la lumière des indications que comporte le présent arrêt.
Il convient néanmoins d’ajouter que, dans l’examen de la proportionnalité de ces clauses, la juridiction de renvoi devra également tenir compte du fait que la déchéance du contrat de concession d’un opérateur économique ne saurait être considérée comme proportionnée dans le cas où la législation nationale ne prévoit ni recours en justice efficace ni dédommagement du préjudice subi au cas où, par la suite, cette déchéance se révélerait injustifiée (voir, par analogie, arrêt du 16 février 2012, Costa et Cifone, C-72/10 et C-77/10, EU:C:2012:80, point 81).
168. Liberté d'établissement - Restrictions - Conditions régissant la reprivatisation d'une société de transport aérien - Exigences imposées à l'acquéreur de la participation faisant l'objet de la procédure de reprivatisation - Garantie d'exécution des obligations de service public incombant à la société de transport aérien - Admissibilité - Exigence de maintien du siège et de la direction effective de la société de transport aérien dans l'État membre concerné - Inadmissibilité - Justification - Raisons impérieuses d'intérêt général - Garantie d'un service d'intérêt général - Exigence de maintien et de développement du centre opérationnel (hub) national existant - Inadmissibilité - Justification - Absence
Voir le texte de la décision.
169. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Avocats - Exercice permanent de la profession dans un État membre autre que celui d'acquisition de la qualification - Directive 98/5 - Inscription auprès de l'autorité compétente de l'État membre d'accueil - Réglementation nationale interdisant à un moine, inscrit en tant qu'avocat dans l'État membre d'origine, de s'inscrire dans l'État membre d'accueil - Inadmissibilité - Obligation de respecter les règles professionnelles et déontologiques de l'État membre d'accueil - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 mai 2019, Monachos Eirinaios (C-431/17) (cf. points 26-31, 36 et disp.)
170. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Champ d'application - Agent lié exerçant l'activité de "conseiller financier en dehors des locaux de l'entreprise" - Réglementation nationale prévoyant une interdiction temporaire d'exercer ladite activité - Exclusion - Admissibilité au regard de la directive, des articles 49 et 56 TFUE et des principes de non-discrimination et de proportionnalité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 8 mai 2019, Mastromartino (C-53/18) (cf. points 27-33, 36, 39, 40 et disp.)
171. Liberté d'établissement - Dispositions du traité - Champ d'application - Activité consistant à exploiter une maison de prostitution - Inclusion - Conditions - Activité exercée pour une durée indéterminée au moyen d'une infrastructure stable
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 8 mai 2019, PI (C-230/18) (cf. points 47, 48)
172. Liberté d'établissement - Restrictions - Fermeture d'un établissement commercial sur décision non motivée d'une autorité administrative en raison d'un soupçon d'exercice illégal d'une activité de prostitution - Restriction à la liberté d'établissement - Justifications - Prévention de la commission d'infractions pénales et protection de la santé publique - Absence - Violation du principe de proportionnalité - Non-respect de certains droits procéduraux
Arrêt du 8 mai 2019, PI (C-230/18) (cf. points 59-66, 70-72, 75, 78-83, 91 et disp.)
173. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directives 2004/39 et 2014/65 - Champ d'application ratione temporis - Contrats de souscription d'obligations et contrats de prêts conclus antérieurement à l'expiration du délai de transposition des directives - Exclusion
Ordonnance du 16 mai 2019, Luminor Bank (C-8/18) (cf. points 31-34, 37, 38, 52 et disp.)
174. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Réglementation nationale subordonnant la procédure de reconnaissance des qualifications académiques des médiateurs à des exigences supplémentaires concernant le contenu des certificats requis et à des mesures de compensation sans évaluation préalable de l'existence éventuelle de différences substantielles avec la formation nationale - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 juin 2019, Commission / Grèce (C-729/17) (cf. points 100-103)
175. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Services dans le marché intérieur - Directive 2006/123 - Exigences à évaluer - Réglementation nationale instaurant un système de tarifs minimums et maximums pour les prestations de planification des architectes et des ingénieurs - Inadmissibilité - Justification - Assurance de la qualité des prestations et protection des consommateurs - Violation du principe de proportionnalité
Dans l’arrêt Commission/Allemagne (C-377/17), rendu le 4 juillet 2019, la Cour a jugé que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2006/123{1} en maintenant des tarifs obligatoires pour les prestations de planification des architectes et des ingénieurs.
La Cour a été amenée à examiner une réglementation allemande instaurant un système de tarifs minimum et maximum pour les prestations de planification des architectes et des ingénieurs. Selon la République fédérale d’Allemagne, les tarifs minimums visaient, notamment, à atteindre un objectif de qualité des prestations de planification et de protection des consommateurs, alors que les tarifs maximums visaient à assurer la protection des consommateurs en garantissant une transparence des honoraires et en empêchant des tarifs excessifs.
Selon la Cour, les tarifs en cause relèvent de la disposition de la directive 2006/123 obligeant les États membres à examiner si leur système juridique prévoit des exigences qui subordonnent l’exercice d’une activité au respect par le prestataire de tarifs minimums et/ou maximums{2}. Pour être conformes aux objectifs de cette directive, de telles exigences doivent être non discriminatoires, nécessaires et proportionnées à la réalisation d’une raison impérieuse d’intérêt général{3}.
Les objectifs invoqués par la République fédérale d’Allemagne étant reconnus par la jurisprudence de la Cour en tant que raisons impérieuses d’intérêt général, la Cour s’est livrée à une analyse de l’aptitude et de la proportionnalité du système tarifaire allemand.
En premier lieu, s’agissant des tarifs minimums, la Cour a d’abord constaté, à la lumière de l’arrêt du 5 décembre 2006, Cipolla e.a. (C-94/04 et C-202/04), que l’existence de tarifs minimums pour les prestations de planification est, en principe, apte, au regard des caractéristiques du marché allemand, à contribuer à garantir un niveau de qualité élevé de ces prestations. En effet, au regard, d’une part, du nombre très élevé d’opérateurs intervenant sur le marché des prestations de planification, et, d’autre part, de la forte asymétrie d’information entre les prestataires de planification et les consommateurs caractérisant ce marché, il peut exister un risque que ces prestataires se livrent à une concurrence pouvant se traduire par l’offre de prestations au rabais, voire par l’élimination des opérateurs offrant des prestations de qualité par le biais d’une sélection adverse. Dans un tel contexte, l’imposition de tarifs minimums peut être de nature à contribuer à limiter ce risque, en empêchant que des prestations soient offertes à des prix insuffisants pour assurer, à long terme, la qualité de celles-ci.
Toutefois, la Cour a ensuite jugé que les tarifs minimums ne sont pas propres à garantir la réalisation des objectifs recherchés. Selon la Cour, la circonstance que les prestations de planification ne sont pas réservées à certaines professions soumises à une surveillance obligatoire en vertu de la législation professionnelle ou par des chambres des métiers traduit une incohérence dans la réglementation allemande au regard de l’objectif de préservation d’un niveau de qualité élevé. En effet, des tarifs minimums ne sauraient être propres à atteindre un tel objectif si l’exercice des prestations qui y sont soumises n’est pas lui-même entouré de garanties minimales permettant d’assurer la qualité desdites prestations.
En second lieu, s’agissant des tarifs maximums, la Cour a relevé que, bien que de tels tarifs soient de nature à contribuer à la protection des consommateurs, la République fédérale d’Allemagne n’avait pas démontré les raisons pour lesquelles le fait de mettre à la disposition des clients une orientation en matière de prix pour les différentes catégories de prestations en tant que mesure moins contraignante ne suffirait pas pour atteindre ledit objectif de manière adéquate. Il s’ensuit que l’exigence consistant en la fixation de tarifs maximums ne saurait être considérée comme proportionnée à cet objectif.
{1 Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).}
{2 Article 15, paragraphe 2, sous g), de la directive 2006/123.}
{3 Article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123.}
176. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 1215/2012 - Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs - Notion de consommateur - Personne physique effectuant des opérations sur le marché international des changes - Inclusion - Absence d'incidence de l'exclusion des instruments financiers du champ d'application de l'article 6 du règlement nº 593/2008 - Absence d'incidence de la qualité de "client de détail" de ladite personne, au sens de l'article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 octobre 2019, Petruchová (C-208/18) (cf. points 62-78 et disp.)
177. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directives 90/619, 2002/83 et 2009/138 - Droit de renonciation du preneur - Réglementation nationale prévoyant uniquement le remboursement de la valeur de rachat en cas d'exercice du droit de renonciation - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
178. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directives 90/619, 2002/83 et 2009/138 - Droit de renonciation du preneur - Délai de prescription de trois ans pour l'exercice du droit aux intérêts rémunératoires associé à la restitution de sommes indues demandée par un preneur d'assurance ayant exercé son droit de renonciation - Admissibilité - Condition - Appréciation par la juridiction nationale
Voir le texte de la décision.
179. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directives 90/619, 92/96, 2002/83 et 2009/138 - Droit de renonciation du preneur - Délai pour l'exercice dudit droit - Défaut d'information sur l'absence d'exigences de forme aux fins de l'exercice de ce droit ou information erronée sur ces exigences - Absence d'incidence sur le point de départ du délai - Condition - Appréciation par la juridiction nationale
Voir le texte de la décision.
180. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directives 90/619 et 92/96 - Droit de renonciation du preneur - Délai pour l'exercice dudit droit - Absence d'information concernant le droit de renonciation ou transmission d'information erronée privant le preneur de la possibilité d'exercer ce droit - Absence de déclenchement dudit délai - Prise de connaissance de l'existence du droit de renonciation par d'autres moyens - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
181. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directives 90/619, 92/96 et 2002/83 - Droit de renonciation du preneur - Exercice dudit droit après la résiliation du contrat - Admissibilité - Condition
Voir le texte de la décision.
182. Liberté d'établissement - Restrictions - Droit de préemption accordé aux employés d'une pharmacie en cas de cession par adjudication - Inadmissibilité - Justification - Absence
Dans l’arrêt Comune di Bernareggio (C-465/18), rendu le 19 décembre 2019, la Cour a jugé que l’article 49 TFUE, qui garantit la liberté d’établissement, s’oppose à une mesure nationale qui accorde un droit de préemption inconditionnel en faveur des pharmaciens employés d’une pharmacie municipale en cas de cession de cette dernière par voie d’adjudication.
La commune italienne de Bernareggio a ouvert, en 2014, une procédure d’appel d’offres aux fins de la vente d’une pharmacie municipale. L’offre faite par deux soumissionnaires s’est avérée la plus avantageuse économiquement, de telle sorte qu’ils ont été désignés adjudicataires provisoires. L’adjudication a cependant été attribuée à un pharmacien employé de l’entreprise municipale gérant les pharmacies de Vimercate (Italie). Ce pharmacien, bien que n’ayant pas participé à l’appel d’offres, s’est en effet vu accorder la priorité en application d’une disposition du droit italien en vertu de laquelle, en cas de transfert de la propriété d’une pharmacie municipale, les pharmaciens salariés ont un droit de préemption. Les deux soumissionnaires précités ont alors introduit un recours en annulation de la décision d’adjudication devant les juridictions italiennes.
Dans un premier temps, la Cour a relevé que le droit de préemption inconditionnel accordé aux pharmaciens employés d’une pharmacie municipale en cas de cession de cette dernière par voie d’adjudication, en octroyant un avantage à tout pharmacien employé d’une pharmacie municipale, tend à dissuader, voire à empêcher, les pharmaciens en provenance d’autres États membres d’acquérir un établissement stable dédié à l’exercice de leur activité professionnelle sur le territoire italien. Elle a ainsi conclu qu’un tel droit de préemption constitue une restriction à la liberté d’établissement garantie à l’article 49 TFUE.
Dans un second temps, la Cour a examiné l’éventuelle existence d’une justification à cette restriction. En ce qui concerne l’objectif poursuivi par le droit de préemption en cause au principal, la Cour a relevé que ce dernier vise à assurer une meilleure gestion du service pharmaceutique, d’une part en garantissant la continuité de la relation de travail des pharmaciens salariés et, d’autre part, en valorisant l’expérience de gestion acquise par ces derniers. Un tel objectif, en ce qu’il rejoint celui de la protection de la santé publique, expressément visé à l’article 52, paragraphe 1, TFUE, peut justifier une restriction à la liberté d’établissement.
Cependant, la Cour a jugé qu’un tel droit de préemption inconditionnel, à supposer qu’il poursuive effectivement un objectif tenant à la protection de la santé publique, n’est pas propre à garantir la réalisation de cet objectif. En premier lieu, en ce qui concerne l’objectif de la continuité de la relation de travail des pharmaciens salariés, la Cour a noté qu’il n’est pas apte à garantir l’objectif de santé publique. En second lieu, s’agissant de la valorisation de l’expérience de gestion acquise par les pharmaciens, elle a fait observer que le droit de préemption en cause au principal ne repose sur aucune appréciation concrète de l’expérience effectivement acquise, de la qualité du service presté, ni des fonctions concrètement exercées au sein de la pharmacie municipale et n’est donc pas propre à atteindre l’objectif poursuivi. Elle a en outre souligné qu’en tout état de cause, ce droit de préemption va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de valorisation de l’expérience professionnelle. En effet, celui-ci peut être atteint par des mesures moins contraignantes telles que l’attribution de points supplémentaires, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, en faveur des soumissionnaires apportant la preuve d’une expérience dans la gestion d’une pharmacie.
Arrêt du 19 décembre 2019, Comune di Bernareggio (C-465/18) (cf. points 39-46, 50-53 et disp.)
183. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Services dans le marché intérieur - Directive 2006/123 - Exigences à évaluer - Réglementation nationale instaurant un système de tarifs minimums et maximums pour les prestations de planification des architectes et des ingénieurs - Inadmissibilité - Justification - Assurance de la qualité des prestations et protection des consommateurs - Absence
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 6 février 2020, hapeg dresden (C-137/18) (cf. points 15-22 et disp.)
184. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale interdisant l'exercice conjoint de l'activité de comptable avec celles de courtier ou d'agent d'assurances, d'agent immobilier ou toute activité bancaire ou de services financiers - Réglementation nationale permettant à des chambres professionnelles d'interdire l'exercice conjoint de l'activité de comptable avec toute activité artisanale, agricole et commerciale - Inadmissibilité - Justification - Absence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 février 2020, Commission / Belgique (Comptables) (C-384/18) (cf. points 75-81, disp. 1)
185. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Principe de l'image fidèle - Principe de prudence - Contrat d'acquisition d'une immobilisation financière prévoyant le paiement du prix de manière échelonnée à long terme, sans intérêts - Méthode de comptabilisation - Inscription en charge au compte de résultat d'un escompte lié à une dette à plus d'un an, non productive d'intérêts, et inscription du prix d'acquisition de l'immobilisation à l'actif du bilan, sous déduction de l'escompte - Admissibilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 23 avril 2020, Wagram Invest (C-640/18) (cf. points 32-37, 42 et disp.)
186. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Assurance directe sur la vie - Directives 2002/83 et 2009/138 - Droit de renonciation du preneur - Exercice du droit de renonciation - Recouvrement du paiement à l'assureur au titre d'une taxe sur les primes d'assurance - Modalités - Réglementation nationale excluant le recouvrement du paiement à l'assureur au titre d'une taxe sur les primes d'assurance perçues par l'entreprise d'assurance - Admissibilité - Condition
187. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Notion d'agent commercial - Nécessité de disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises - Absence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 4 juin 2020, Trendsetteuse (C-828/18) (cf. points 24, 27, 28, 30-39 et disp.)
188. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Avocats - Accès à la profession - Dispense de formation et de diplôme - Conditions d'octroi - Réglementation nationale réservant le bénéfice d'une telle dispense à certains agents de la fonction publique d'un État membre - Agents devant avoir exercé dans cet État membre en cette qualité, dans une administration, un service public ou une organisation internationale - Exclusion des agents de la fonction publique de l'Union européenne ayant exercé en cette qualité au sein d'une institution européenne et en dehors du territoire national - Inadmissibilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 17 décembre 2020, Onofrei (C-218/19) (cf. points 30-32, 34-36, 42 et disp.)
189. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Avocats - Accès à la profession - Dispense de formation et de diplôme - Conditions d'octroi - Réglementation nationale réservant le bénéfice d'une telle dispense à la condition d'une pratique professionnelle du droit national - Exclusion des agents de la fonction publique de l'Union européenne ayant exercé en cette qualité des activités juridiques relevant du droit de l'Union - Admissibilité - Condition - Nécessaire prise en compte des activités juridiques comportant la pratique du droit national
Voir texte de la décision.
Arrêt du 17 décembre 2020, Onofrei (C-218/19) (cf. points 30-32, 34-40, 42 et disp.)
190. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale subordonnant la reconnaissance comme ouvrier portuaire à des exigences d'aptitude médicale, de réussite de tests psychologiques et de formation préalable - Désignation des organes chargés d'effectuer de tels examens, tests ou épreuves - Mission confiée à l'organisation d'employeurs et aux syndicats des ouvriers portuaires impliqués dans cette désignation - Mission ne devant pas remettre en cause le caractère transparent, objectif et impartial des différents examens, tests et épreuves - Admissibilité
En droit belge, le travail portuaire est notamment régi par la loi organisant le travail portuaire, selon laquelle le travail portuaire ne peut être effectué que par des ouvriers portuaires reconnus. En 2014, la Commission européenne avait adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, dans laquelle elle lui indiquait que sa réglementation relative au travail portuaire enfreignait la liberté d’établissement (article 49 TFUE). À la suite de cette lettre, en 2016, cet État membre avait adopté un arrêté royal relatif à la reconnaissance des ouvriers portuaires dans les zones portuaires, établissant les modalités de mise en œuvre de la loi organisant le travail portuaire, ce qui avait conduit la Commission à clore la procédure d’infraction à son encontre.
Dans l’affaire Katoen Natie Bulk Terminals et General Services Antwerp (C-407/19), les deux sociétés éponymes, qui effectuaient des opérations portuaires en Belgique et à l’étranger, demandaient au Raad van State (Conseil d’État, Belgique) l’annulation de cet arrêté royal de 2016, estimant qu’il entravait leur liberté d’engager des ouvriers portuaires provenant d’autres États membres que la Belgique pour travailler dans des zones portuaires belges.
Dans l’affaire Middlegate Europe (C-471/19), la société concernée avait été contrainte de payer une amende à la suite du constat, par les services de police belges, de l’infraction de travail portuaire effectué par un ouvrier portuaire non reconnu. Dans le cadre d’une procédure parvenue devant la juridiction de renvoi dans cette seconde affaire, à savoir le Grondwetteljk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), cette société contestait la constitutionnalité de la loi organisant le travail portuaire, estimant qu’elle méconnaissait la liberté de commerce et d’industrie des entreprises. Cette juridiction, relevant que cette liberté garantie par la Constitution belge était étroitement liée à plusieurs libertés fondamentales garanties par le traité FUE, comme la libre prestation des services (article 56 TFUE) et la liberté d’établissement (article 49 TFUE), avait décidé d’interroger la Cour, tout comme l’avait fait le Raad van State (Conseil d’État) dans le cadre de la première affaire, sur la compatibilité de ces règles nationales, qui maintiennent un régime spécial de recrutement des ouvriers portuaires, avec ces deux dispositions. Par ces affaires jointes, en plus de la réponse qu’elle devait donner à cette question, la Cour était invitée à dégager des critères supplémentaires permettant de clarifier la conformité du régime des ouvriers portuaires aux exigences du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
La Cour constate tout d’abord que la réglementation en cause, qui oblige les entreprises non résidentes souhaitant s’établir en Belgique pour y exercer des activités portuaires ou qui, sans s’y établir, souhaitent y fournir des services portuaires à ne recourir qu’à des ouvriers portuaires reconnus comme tels conformément à cette réglementation, empêche de telles entreprises d’avoir recours à leur propre personnel ou de recruter d’autres ouvriers non reconnus. Dès lors, cette réglementation, qui peut rendre moins attrayant l’établissement de ces entreprises en Belgique ou la prestation, par celles-ci, de services dans cet État membre, constitue une restriction à ces deux libertés d’établissement et de prestation de services, garanties respectivement par les articles 49 et 56 TFUE. La Cour rappelle alors qu’une telle restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à condition qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En l’espèce, la Cour relève que la réglementation en cause ne saurait être considérée à elle seule comme inapte ou disproportionnée pour atteindre l’objectif qu’elle vise, à savoir la garantie de la sécurité dans les zones portuaires et la prévention des accidents du travail. Appréciant de manière globale le régime en cause, la Cour juge qu’une telle réglementation est compatible avec les articles 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions et modalités fixées en application de cette réglementation, d’une part, soient fondées sur des critères objectifs, non discriminatoires, connus à l’avance et permettant aux ouvriers portuaires d’autres États membres de démontrer qu’ils répondent, dans leur État d’origine, à des exigences équivalentes à celles appliquées aux ouvriers portuaires nationaux et, d’autre part, n’établissent pas un contingent limité d’ouvriers pouvant faire l’objet d’une telle reconnaissance.
Ensuite, examinant la compatibilité avec les différentes libertés de circulation garanties par le traité FUE de l’arrêté royal attaqué, la Cour indique que la réglementation nationale en cause constitue également une restriction à la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 45 TFUE, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un effet dissuasif envers les employeurs et les travailleurs provenant d’autres États membres. La Cour évalue alors le caractère nécessaire et proportionné, par rapport à l’objectif visant à garantir la sécurité dans les zones portuaires et à prévenir les accidents du travail, des différentes mesures contenues dans cette réglementation.
À cet égard, en premier lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, selon laquelle, en particulier :
- la reconnaissance des ouvriers portuaires est effectuée par une commission administrative paritairement constituée de membres désignés par les organisations d’employeurs et par les organisations de travailleurs ;
- cette commission décide également, selon le besoin en main-d’œuvre, si les ouvriers reconnus doivent ou non être repris dans un contingent de travailleurs portuaires, étant entendu que, pour les ouvriers portuaires non repris dans ce contingent, la durée de leur reconnaissance est limitée à la durée de leur contrat de travail, de sorte qu’une nouvelle procédure de reconnaissance doit être entamée pour chaque nouveau contrat qu’ils concluent ;
- aucun délai maximal dans lequel ladite commission doit statuer n’est prévu,
en ce qu’elle n’est ni nécessaire ni appropriée pour atteindre l’objectif visé, n’est pas compatible avec les libertés de circulation inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En deuxième lieu, la Cour examine les conditions de reconnaissance des ouvriers portuaires. D’après la réglementation en cause, un travailleur doit, à moins qu’il puisse démontrer qu’il satisfait dans un autre État membre à des conditions équivalentes, satisfaire à des exigences d’aptitude médicale, de réussite d’un test psychologique et de formation professionnelle préalable. Selon la Cour, ces exigences sont des conditions propres à assurer la sécurité dans les zones portuaires et proportionnelles par rapport à un tel objectif. En conséquence, de telles mesures sont compatibles avec les libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Cependant, la Cour estime qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que la mission confiée à l’organisation d’employeurs et, le cas échéant, aux syndicats des ouvriers portuaires reconnus dans la désignation des organes chargés d’effectuer ces examens, tests ou épreuves ne soit pas de nature à remettre en cause leur caractère transparent, objectif et impartial.
En troisième lieu, la Cour juge que la réglementation concernée, qui prévoit le maintien de la reconnaissance obtenue par un ouvrier portuaire au titre d’un régime légal antérieur et sa reprise dans le contingent des ouvriers portuaires, n’apparaît pas impropre à atteindre l’objectif poursuivi ni disproportionnée à l’égard de ce dernier, de sorte que, sur ce point, elle est également compatible avec les libertés consacrées dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En quatrième lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, en vertu de laquelle le transfert d’un ouvrier portuaire dans le contingent de travailleurs d’une zone portuaire autre que celle dans laquelle il a obtenu sa reconnaissance est soumis à des conditions et des modalités fixées par une convention collective de travail, est conforme aux libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions et modalités fixées sont nécessaires et proportionnées au regard de l’objectif d’assurer la sécurité dans chaque zone portuaire.
En dernier lieu, la Cour énonce qu’une réglementation selon laquelle les travailleurs logistiques doivent disposer d’un « certificat de sécurité » dont les modalités d’émission sont prévues par une convention collective de travail n’est pas incompatible avec les libertés inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions de délivrance d’un tel certificat soient nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif de garantir la sécurité dans les zones portuaires et que la procédure prévue pour son obtention n’impose pas de charges administratives déraisonnables et disproportionnées.
191. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale prévoyant le maintien de la reconnaissance des ouvriers portuaires ayant déjà été reconnus conformément au régime légal antérieur - Réglementation nationale prévoyant la reprise de ces ouvriers dans le contingent des ouvriers portuaires institué par elle-même - Admissibilité
En droit belge, le travail portuaire est notamment régi par la loi organisant le travail portuaire, selon laquelle le travail portuaire ne peut être effectué que par des ouvriers portuaires reconnus. En 2014, la Commission européenne avait adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, dans laquelle elle lui indiquait que sa réglementation relative au travail portuaire enfreignait la liberté d’établissement (article 49 TFUE). À la suite de cette lettre, en 2016, cet État membre avait adopté un arrêté royal relatif à la reconnaissance des ouvriers portuaires dans les zones portuaires, établissant les modalités de mise en œuvre de la loi organisant le travail portuaire, ce qui avait conduit la Commission à clore la procédure d’infraction à son encontre.
Dans l’affaire Katoen Natie Bulk Terminals et General Services Antwerp (C-407/19), les deux sociétés éponymes, qui effectuaient des opérations portuaires en Belgique et à l’étranger, demandaient au Raad van State (Conseil d’État, Belgique) l’annulation de cet arrêté royal de 2016, estimant qu’il entravait leur liberté d’engager des ouvriers portuaires provenant d’autres États membres que la Belgique pour travailler dans des zones portuaires belges.
Dans l’affaire Middlegate Europe (C-471/19), la société concernée avait été contrainte de payer une amende à la suite du constat, par les services de police belges, de l’infraction de travail portuaire effectué par un ouvrier portuaire non reconnu. Dans le cadre d’une procédure parvenue devant la juridiction de renvoi dans cette seconde affaire, à savoir le Grondwetteljk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), cette société contestait la constitutionnalité de la loi organisant le travail portuaire, estimant qu’elle méconnaissait la liberté de commerce et d’industrie des entreprises. Cette juridiction, relevant que cette liberté garantie par la Constitution belge était étroitement liée à plusieurs libertés fondamentales garanties par le traité FUE, comme la libre prestation des services (article 56 TFUE) et la liberté d’établissement (article 49 TFUE), avait décidé d’interroger la Cour, tout comme l’avait fait le Raad van State (Conseil d’État) dans le cadre de la première affaire, sur la compatibilité de ces règles nationales, qui maintiennent un régime spécial de recrutement des ouvriers portuaires, avec ces deux dispositions. Par ces affaires jointes, en plus de la réponse qu’elle devait donner à cette question, la Cour était invitée à dégager des critères supplémentaires permettant de clarifier la conformité du régime des ouvriers portuaires aux exigences du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
La Cour constate tout d’abord que la réglementation en cause, qui oblige les entreprises non résidentes souhaitant s’établir en Belgique pour y exercer des activités portuaires ou qui, sans s’y établir, souhaitent y fournir des services portuaires à ne recourir qu’à des ouvriers portuaires reconnus comme tels conformément à cette réglementation, empêche de telles entreprises d’avoir recours à leur propre personnel ou de recruter d’autres ouvriers non reconnus. Dès lors, cette réglementation, qui peut rendre moins attrayant l’établissement de ces entreprises en Belgique ou la prestation, par celles-ci, de services dans cet État membre, constitue une restriction à ces deux libertés d’établissement et de prestation de services, garanties respectivement par les articles 49 et 56 TFUE. La Cour rappelle alors qu’une telle restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à condition qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En l’espèce, la Cour relève que la réglementation en cause ne saurait être considérée à elle seule comme inapte ou disproportionnée pour atteindre l’objectif qu’elle vise, à savoir la garantie de la sécurité dans les zones portuaires et la prévention des accidents du travail. Appréciant de manière globale le régime en cause, la Cour juge qu’une telle réglementation est compatible avec les articles 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions et modalités fixées en application de cette réglementation, d’une part, soient fondées sur des critères objectifs, non discriminatoires, connus à l’avance et permettant aux ouvriers portuaires d’autres États membres de démontrer qu’ils répondent, dans leur État d’origine, à des exigences équivalentes à celles appliquées aux ouvriers portuaires nationaux et, d’autre part, n’établissent pas un contingent limité d’ouvriers pouvant faire l’objet d’une telle reconnaissance.
Ensuite, examinant la compatibilité avec les différentes libertés de circulation garanties par le traité FUE de l’arrêté royal attaqué, la Cour indique que la réglementation nationale en cause constitue également une restriction à la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 45 TFUE, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un effet dissuasif envers les employeurs et les travailleurs provenant d’autres États membres. La Cour évalue alors le caractère nécessaire et proportionné, par rapport à l’objectif visant à garantir la sécurité dans les zones portuaires et à prévenir les accidents du travail, des différentes mesures contenues dans cette réglementation.
À cet égard, en premier lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, selon laquelle, en particulier :
- la reconnaissance des ouvriers portuaires est effectuée par une commission administrative paritairement constituée de membres désignés par les organisations d’employeurs et par les organisations de travailleurs ;
- cette commission décide également, selon le besoin en main-d’œuvre, si les ouvriers reconnus doivent ou non être repris dans un contingent de travailleurs portuaires, étant entendu que, pour les ouvriers portuaires non repris dans ce contingent, la durée de leur reconnaissance est limitée à la durée de leur contrat de travail, de sorte qu’une nouvelle procédure de reconnaissance doit être entamée pour chaque nouveau contrat qu’ils concluent ;
- aucun délai maximal dans lequel ladite commission doit statuer n’est prévu,
en ce qu’elle n’est ni nécessaire ni appropriée pour atteindre l’objectif visé, n’est pas compatible avec les libertés de circulation inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En deuxième lieu, la Cour examine les conditions de reconnaissance des ouvriers portuaires. D’après la réglementation en cause, un travailleur doit, à moins qu’il puisse démontrer qu’il satisfait dans un autre État membre à des conditions équivalentes, satisfaire à des exigences d’aptitude médicale, de réussite d’un test psychologique et de formation professionnelle préalable. Selon la Cour, ces exigences sont des conditions propres à assurer la sécurité dans les zones portuaires et proportionnelles par rapport à un tel objectif. En conséquence, de telles mesures sont compatibles avec les libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Cependant, la Cour estime qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que la mission confiée à l’organisation d’employeurs et, le cas échéant, aux syndicats des ouvriers portuaires reconnus dans la désignation des organes chargés d’effectuer ces examens, tests ou épreuves ne soit pas de nature à remettre en cause leur caractère transparent, objectif et impartial.
En troisième lieu, la Cour juge que la réglementation concernée, qui prévoit le maintien de la reconnaissance obtenue par un ouvrier portuaire au titre d’un régime légal antérieur et sa reprise dans le contingent des ouvriers portuaires, n’apparaît pas impropre à atteindre l’objectif poursuivi ni disproportionnée à l’égard de ce dernier, de sorte que, sur ce point, elle est également compatible avec les libertés consacrées dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En quatrième lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, en vertu de laquelle le transfert d’un ouvrier portuaire dans le contingent de travailleurs d’une zone portuaire autre que celle dans laquelle il a obtenu sa reconnaissance est soumis à des conditions et des modalités fixées par une convention collective de travail, est conforme aux libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions et modalités fixées sont nécessaires et proportionnées au regard de l’objectif d’assurer la sécurité dans chaque zone portuaire.
En dernier lieu, la Cour énonce qu’une réglementation selon laquelle les travailleurs logistiques doivent disposer d’un « certificat de sécurité » dont les modalités d’émission sont prévues par une convention collective de travail n’est pas incompatible avec les libertés inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions de délivrance d’un tel certificat soient nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif de garantir la sécurité dans les zones portuaires et que la procédure prévue pour son obtention n’impose pas de charges administratives déraisonnables et disproportionnées.
192. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale soumettant le transfert d'un ouvrier portuaire reconnu dans le contingent de travailleurs d'une zone portuaire vers celui d'une autre zone portuaire à des conditions et des modalités fixées par une convention collective de travail - Admissibilité - Conditions - Vérification par la juridiction de renvoi
En droit belge, le travail portuaire est notamment régi par la loi organisant le travail portuaire, selon laquelle le travail portuaire ne peut être effectué que par des ouvriers portuaires reconnus. En 2014, la Commission européenne avait adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, dans laquelle elle lui indiquait que sa réglementation relative au travail portuaire enfreignait la liberté d’établissement (article 49 TFUE). À la suite de cette lettre, en 2016, cet État membre avait adopté un arrêté royal relatif à la reconnaissance des ouvriers portuaires dans les zones portuaires, établissant les modalités de mise en œuvre de la loi organisant le travail portuaire, ce qui avait conduit la Commission à clore la procédure d’infraction à son encontre.
Dans l’affaire Katoen Natie Bulk Terminals et General Services Antwerp (C-407/19), les deux sociétés éponymes, qui effectuaient des opérations portuaires en Belgique et à l’étranger, demandaient au Raad van State (Conseil d’État, Belgique) l’annulation de cet arrêté royal de 2016, estimant qu’il entravait leur liberté d’engager des ouvriers portuaires provenant d’autres États membres que la Belgique pour travailler dans des zones portuaires belges.
Dans l’affaire Middlegate Europe (C-471/19), la société concernée avait été contrainte de payer une amende à la suite du constat, par les services de police belges, de l’infraction de travail portuaire effectué par un ouvrier portuaire non reconnu. Dans le cadre d’une procédure parvenue devant la juridiction de renvoi dans cette seconde affaire, à savoir le Grondwetteljk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), cette société contestait la constitutionnalité de la loi organisant le travail portuaire, estimant qu’elle méconnaissait la liberté de commerce et d’industrie des entreprises. Cette juridiction, relevant que cette liberté garantie par la Constitution belge était étroitement liée à plusieurs libertés fondamentales garanties par le traité FUE, comme la libre prestation des services (article 56 TFUE) et la liberté d’établissement (article 49 TFUE), avait décidé d’interroger la Cour, tout comme l’avait fait le Raad van State (Conseil d’État) dans le cadre de la première affaire, sur la compatibilité de ces règles nationales, qui maintiennent un régime spécial de recrutement des ouvriers portuaires, avec ces deux dispositions. Par ces affaires jointes, en plus de la réponse qu’elle devait donner à cette question, la Cour était invitée à dégager des critères supplémentaires permettant de clarifier la conformité du régime des ouvriers portuaires aux exigences du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
La Cour constate tout d’abord que la réglementation en cause, qui oblige les entreprises non résidentes souhaitant s’établir en Belgique pour y exercer des activités portuaires ou qui, sans s’y établir, souhaitent y fournir des services portuaires à ne recourir qu’à des ouvriers portuaires reconnus comme tels conformément à cette réglementation, empêche de telles entreprises d’avoir recours à leur propre personnel ou de recruter d’autres ouvriers non reconnus. Dès lors, cette réglementation, qui peut rendre moins attrayant l’établissement de ces entreprises en Belgique ou la prestation, par celles-ci, de services dans cet État membre, constitue une restriction à ces deux libertés d’établissement et de prestation de services, garanties respectivement par les articles 49 et 56 TFUE. La Cour rappelle alors qu’une telle restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à condition qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En l’espèce, la Cour relève que la réglementation en cause ne saurait être considérée à elle seule comme inapte ou disproportionnée pour atteindre l’objectif qu’elle vise, à savoir la garantie de la sécurité dans les zones portuaires et la prévention des accidents du travail. Appréciant de manière globale le régime en cause, la Cour juge qu’une telle réglementation est compatible avec les articles 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions et modalités fixées en application de cette réglementation, d’une part, soient fondées sur des critères objectifs, non discriminatoires, connus à l’avance et permettant aux ouvriers portuaires d’autres États membres de démontrer qu’ils répondent, dans leur État d’origine, à des exigences équivalentes à celles appliquées aux ouvriers portuaires nationaux et, d’autre part, n’établissent pas un contingent limité d’ouvriers pouvant faire l’objet d’une telle reconnaissance.
Ensuite, examinant la compatibilité avec les différentes libertés de circulation garanties par le traité FUE de l’arrêté royal attaqué, la Cour indique que la réglementation nationale en cause constitue également une restriction à la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 45 TFUE, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un effet dissuasif envers les employeurs et les travailleurs provenant d’autres États membres. La Cour évalue alors le caractère nécessaire et proportionné, par rapport à l’objectif visant à garantir la sécurité dans les zones portuaires et à prévenir les accidents du travail, des différentes mesures contenues dans cette réglementation.
À cet égard, en premier lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, selon laquelle, en particulier :
- la reconnaissance des ouvriers portuaires est effectuée par une commission administrative paritairement constituée de membres désignés par les organisations d’employeurs et par les organisations de travailleurs ;
- cette commission décide également, selon le besoin en main-d’œuvre, si les ouvriers reconnus doivent ou non être repris dans un contingent de travailleurs portuaires, étant entendu que, pour les ouvriers portuaires non repris dans ce contingent, la durée de leur reconnaissance est limitée à la durée de leur contrat de travail, de sorte qu’une nouvelle procédure de reconnaissance doit être entamée pour chaque nouveau contrat qu’ils concluent ;
- aucun délai maximal dans lequel ladite commission doit statuer n’est prévu,
en ce qu’elle n’est ni nécessaire ni appropriée pour atteindre l’objectif visé, n’est pas compatible avec les libertés de circulation inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En deuxième lieu, la Cour examine les conditions de reconnaissance des ouvriers portuaires. D’après la réglementation en cause, un travailleur doit, à moins qu’il puisse démontrer qu’il satisfait dans un autre État membre à des conditions équivalentes, satisfaire à des exigences d’aptitude médicale, de réussite d’un test psychologique et de formation professionnelle préalable. Selon la Cour, ces exigences sont des conditions propres à assurer la sécurité dans les zones portuaires et proportionnelles par rapport à un tel objectif. En conséquence, de telles mesures sont compatibles avec les libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Cependant, la Cour estime qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que la mission confiée à l’organisation d’employeurs et, le cas échéant, aux syndicats des ouvriers portuaires reconnus dans la désignation des organes chargés d’effectuer ces examens, tests ou épreuves ne soit pas de nature à remettre en cause leur caractère transparent, objectif et impartial.
En troisième lieu, la Cour juge que la réglementation concernée, qui prévoit le maintien de la reconnaissance obtenue par un ouvrier portuaire au titre d’un régime légal antérieur et sa reprise dans le contingent des ouvriers portuaires, n’apparaît pas impropre à atteindre l’objectif poursuivi ni disproportionnée à l’égard de ce dernier, de sorte que, sur ce point, elle est également compatible avec les libertés consacrées dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En quatrième lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, en vertu de laquelle le transfert d’un ouvrier portuaire dans le contingent de travailleurs d’une zone portuaire autre que celle dans laquelle il a obtenu sa reconnaissance est soumis à des conditions et des modalités fixées par une convention collective de travail, est conforme aux libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions et modalités fixées sont nécessaires et proportionnées au regard de l’objectif d’assurer la sécurité dans chaque zone portuaire.
En dernier lieu, la Cour énonce qu’une réglementation selon laquelle les travailleurs logistiques doivent disposer d’un « certificat de sécurité » dont les modalités d’émission sont prévues par une convention collective de travail n’est pas incompatible avec les libertés inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions de délivrance d’un tel certificat soient nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif de garantir la sécurité dans les zones portuaires et que la procédure prévue pour son obtention n’impose pas de charges administratives déraisonnables et disproportionnées.
193. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale exigeant l'obtention, par les travailleurs logistiques dans les zones portuaires, d'un certificat de sécurité - Modalités d'émission et procédure à suivre pour l'obtention dudit certificat étant fixées dans une convention collective de travail - Admissibilité - Conditions
En droit belge, le travail portuaire est notamment régi par la loi organisant le travail portuaire, selon laquelle le travail portuaire ne peut être effectué que par des ouvriers portuaires reconnus. En 2014, la Commission européenne avait adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, dans laquelle elle lui indiquait que sa réglementation relative au travail portuaire enfreignait la liberté d’établissement (article 49 TFUE). À la suite de cette lettre, en 2016, cet État membre avait adopté un arrêté royal relatif à la reconnaissance des ouvriers portuaires dans les zones portuaires, établissant les modalités de mise en œuvre de la loi organisant le travail portuaire, ce qui avait conduit la Commission à clore la procédure d’infraction à son encontre.
Dans l’affaire Katoen Natie Bulk Terminals et General Services Antwerp (C-407/19), les deux sociétés éponymes, qui effectuaient des opérations portuaires en Belgique et à l’étranger, demandaient au Raad van State (Conseil d’État, Belgique) l’annulation de cet arrêté royal de 2016, estimant qu’il entravait leur liberté d’engager des ouvriers portuaires provenant d’autres États membres que la Belgique pour travailler dans des zones portuaires belges.
Dans l’affaire Middlegate Europe (C-471/19), la société concernée avait été contrainte de payer une amende à la suite du constat, par les services de police belges, de l’infraction de travail portuaire effectué par un ouvrier portuaire non reconnu. Dans le cadre d’une procédure parvenue devant la juridiction de renvoi dans cette seconde affaire, à savoir le Grondwetteljk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), cette société contestait la constitutionnalité de la loi organisant le travail portuaire, estimant qu’elle méconnaissait la liberté de commerce et d’industrie des entreprises. Cette juridiction, relevant que cette liberté garantie par la Constitution belge était étroitement liée à plusieurs libertés fondamentales garanties par le traité FUE, comme la libre prestation des services (article 56 TFUE) et la liberté d’établissement (article 49 TFUE), avait décidé d’interroger la Cour, tout comme l’avait fait le Raad van State (Conseil d’État) dans le cadre de la première affaire, sur la compatibilité de ces règles nationales, qui maintiennent un régime spécial de recrutement des ouvriers portuaires, avec ces deux dispositions. Par ces affaires jointes, en plus de la réponse qu’elle devait donner à cette question, la Cour était invitée à dégager des critères supplémentaires permettant de clarifier la conformité du régime des ouvriers portuaires aux exigences du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
La Cour constate tout d’abord que la réglementation en cause, qui oblige les entreprises non résidentes souhaitant s’établir en Belgique pour y exercer des activités portuaires ou qui, sans s’y établir, souhaitent y fournir des services portuaires à ne recourir qu’à des ouvriers portuaires reconnus comme tels conformément à cette réglementation, empêche de telles entreprises d’avoir recours à leur propre personnel ou de recruter d’autres ouvriers non reconnus. Dès lors, cette réglementation, qui peut rendre moins attrayant l’établissement de ces entreprises en Belgique ou la prestation, par celles-ci, de services dans cet État membre, constitue une restriction à ces deux libertés d’établissement et de prestation de services, garanties respectivement par les articles 49 et 56 TFUE. La Cour rappelle alors qu’une telle restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à condition qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En l’espèce, la Cour relève que la réglementation en cause ne saurait être considérée à elle seule comme inapte ou disproportionnée pour atteindre l’objectif qu’elle vise, à savoir la garantie de la sécurité dans les zones portuaires et la prévention des accidents du travail. Appréciant de manière globale le régime en cause, la Cour juge qu’une telle réglementation est compatible avec les articles 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions et modalités fixées en application de cette réglementation, d’une part, soient fondées sur des critères objectifs, non discriminatoires, connus à l’avance et permettant aux ouvriers portuaires d’autres États membres de démontrer qu’ils répondent, dans leur État d’origine, à des exigences équivalentes à celles appliquées aux ouvriers portuaires nationaux et, d’autre part, n’établissent pas un contingent limité d’ouvriers pouvant faire l’objet d’une telle reconnaissance.
Ensuite, examinant la compatibilité avec les différentes libertés de circulation garanties par le traité FUE de l’arrêté royal attaqué, la Cour indique que la réglementation nationale en cause constitue également une restriction à la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 45 TFUE, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un effet dissuasif envers les employeurs et les travailleurs provenant d’autres États membres. La Cour évalue alors le caractère nécessaire et proportionné, par rapport à l’objectif visant à garantir la sécurité dans les zones portuaires et à prévenir les accidents du travail, des différentes mesures contenues dans cette réglementation.
À cet égard, en premier lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, selon laquelle, en particulier :
- la reconnaissance des ouvriers portuaires est effectuée par une commission administrative paritairement constituée de membres désignés par les organisations d’employeurs et par les organisations de travailleurs ;
- cette commission décide également, selon le besoin en main-d’œuvre, si les ouvriers reconnus doivent ou non être repris dans un contingent de travailleurs portuaires, étant entendu que, pour les ouvriers portuaires non repris dans ce contingent, la durée de leur reconnaissance est limitée à la durée de leur contrat de travail, de sorte qu’une nouvelle procédure de reconnaissance doit être entamée pour chaque nouveau contrat qu’ils concluent ;
- aucun délai maximal dans lequel ladite commission doit statuer n’est prévu,
en ce qu’elle n’est ni nécessaire ni appropriée pour atteindre l’objectif visé, n’est pas compatible avec les libertés de circulation inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En deuxième lieu, la Cour examine les conditions de reconnaissance des ouvriers portuaires. D’après la réglementation en cause, un travailleur doit, à moins qu’il puisse démontrer qu’il satisfait dans un autre État membre à des conditions équivalentes, satisfaire à des exigences d’aptitude médicale, de réussite d’un test psychologique et de formation professionnelle préalable. Selon la Cour, ces exigences sont des conditions propres à assurer la sécurité dans les zones portuaires et proportionnelles par rapport à un tel objectif. En conséquence, de telles mesures sont compatibles avec les libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Cependant, la Cour estime qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que la mission confiée à l’organisation d’employeurs et, le cas échéant, aux syndicats des ouvriers portuaires reconnus dans la désignation des organes chargés d’effectuer ces examens, tests ou épreuves ne soit pas de nature à remettre en cause leur caractère transparent, objectif et impartial.
En troisième lieu, la Cour juge que la réglementation concernée, qui prévoit le maintien de la reconnaissance obtenue par un ouvrier portuaire au titre d’un régime légal antérieur et sa reprise dans le contingent des ouvriers portuaires, n’apparaît pas impropre à atteindre l’objectif poursuivi ni disproportionnée à l’égard de ce dernier, de sorte que, sur ce point, elle est également compatible avec les libertés consacrées dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En quatrième lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, en vertu de laquelle le transfert d’un ouvrier portuaire dans le contingent de travailleurs d’une zone portuaire autre que celle dans laquelle il a obtenu sa reconnaissance est soumis à des conditions et des modalités fixées par une convention collective de travail, est conforme aux libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions et modalités fixées sont nécessaires et proportionnées au regard de l’objectif d’assurer la sécurité dans chaque zone portuaire.
En dernier lieu, la Cour énonce qu’une réglementation selon laquelle les travailleurs logistiques doivent disposer d’un « certificat de sécurité » dont les modalités d’émission sont prévues par une convention collective de travail n’est pas incompatible avec les libertés inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions de délivrance d’un tel certificat soient nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif de garantir la sécurité dans les zones portuaires et que la procédure prévue pour son obtention n’impose pas de charges administratives déraisonnables et disproportionnées.
194. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale imposant aux entreprises souhaitant exercer des activités portuaires dans une zone portuaire le recours exclusif à des ouvriers portuaires reconnus - Admissibilité - Conditions
En droit belge, le travail portuaire est notamment régi par la loi organisant le travail portuaire, selon laquelle le travail portuaire ne peut être effectué que par des ouvriers portuaires reconnus. En 2014, la Commission européenne avait adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, dans laquelle elle lui indiquait que sa réglementation relative au travail portuaire enfreignait la liberté d’établissement (article 49 TFUE). À la suite de cette lettre, en 2016, cet État membre avait adopté un arrêté royal relatif à la reconnaissance des ouvriers portuaires dans les zones portuaires, établissant les modalités de mise en œuvre de la loi organisant le travail portuaire, ce qui avait conduit la Commission à clore la procédure d’infraction à son encontre.
Dans l’affaire Katoen Natie Bulk Terminals et General Services Antwerp (C-407/19), les deux sociétés éponymes, qui effectuaient des opérations portuaires en Belgique et à l’étranger, demandaient au Raad van State (Conseil d’État, Belgique) l’annulation de cet arrêté royal de 2016, estimant qu’il entravait leur liberté d’engager des ouvriers portuaires provenant d’autres États membres que la Belgique pour travailler dans des zones portuaires belges.
Dans l’affaire Middlegate Europe (C-471/19), la société concernée avait été contrainte de payer une amende à la suite du constat, par les services de police belges, de l’infraction de travail portuaire effectué par un ouvrier portuaire non reconnu. Dans le cadre d’une procédure parvenue devant la juridiction de renvoi dans cette seconde affaire, à savoir le Grondwetteljk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), cette société contestait la constitutionnalité de la loi organisant le travail portuaire, estimant qu’elle méconnaissait la liberté de commerce et d’industrie des entreprises. Cette juridiction, relevant que cette liberté garantie par la Constitution belge était étroitement liée à plusieurs libertés fondamentales garanties par le traité FUE, comme la libre prestation des services (article 56 TFUE) et la liberté d’établissement (article 49 TFUE), avait décidé d’interroger la Cour, tout comme l’avait fait le Raad van State (Conseil d’État) dans le cadre de la première affaire, sur la compatibilité de ces règles nationales, qui maintiennent un régime spécial de recrutement des ouvriers portuaires, avec ces deux dispositions. Par ces affaires jointes, en plus de la réponse qu’elle devait donner à cette question, la Cour était invitée à dégager des critères supplémentaires permettant de clarifier la conformité du régime des ouvriers portuaires aux exigences du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
La Cour constate tout d’abord que la réglementation en cause, qui oblige les entreprises non résidentes souhaitant s’établir en Belgique pour y exercer des activités portuaires ou qui, sans s’y établir, souhaitent y fournir des services portuaires à ne recourir qu’à des ouvriers portuaires reconnus comme tels conformément à cette réglementation, empêche de telles entreprises d’avoir recours à leur propre personnel ou de recruter d’autres ouvriers non reconnus. Dès lors, cette réglementation, qui peut rendre moins attrayant l’établissement de ces entreprises en Belgique ou la prestation, par celles-ci, de services dans cet État membre, constitue une restriction à ces deux libertés d’établissement et de prestation de services, garanties respectivement par les articles 49 et 56 TFUE. La Cour rappelle alors qu’une telle restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à condition qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En l’espèce, la Cour relève que la réglementation en cause ne saurait être considérée à elle seule comme inapte ou disproportionnée pour atteindre l’objectif qu’elle vise, à savoir la garantie de la sécurité dans les zones portuaires et la prévention des accidents du travail. Appréciant de manière globale le régime en cause, la Cour juge qu’une telle réglementation est compatible avec les articles 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions et modalités fixées en application de cette réglementation, d’une part, soient fondées sur des critères objectifs, non discriminatoires, connus à l’avance et permettant aux ouvriers portuaires d’autres États membres de démontrer qu’ils répondent, dans leur État d’origine, à des exigences équivalentes à celles appliquées aux ouvriers portuaires nationaux et, d’autre part, n’établissent pas un contingent limité d’ouvriers pouvant faire l’objet d’une telle reconnaissance.
Ensuite, examinant la compatibilité avec les différentes libertés de circulation garanties par le traité FUE de l’arrêté royal attaqué, la Cour indique que la réglementation nationale en cause constitue également une restriction à la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 45 TFUE, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un effet dissuasif envers les employeurs et les travailleurs provenant d’autres États membres. La Cour évalue alors le caractère nécessaire et proportionné, par rapport à l’objectif visant à garantir la sécurité dans les zones portuaires et à prévenir les accidents du travail, des différentes mesures contenues dans cette réglementation.
À cet égard, en premier lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, selon laquelle, en particulier :
- la reconnaissance des ouvriers portuaires est effectuée par une commission administrative paritairement constituée de membres désignés par les organisations d’employeurs et par les organisations de travailleurs ;
- cette commission décide également, selon le besoin en main-d’œuvre, si les ouvriers reconnus doivent ou non être repris dans un contingent de travailleurs portuaires, étant entendu que, pour les ouvriers portuaires non repris dans ce contingent, la durée de leur reconnaissance est limitée à la durée de leur contrat de travail, de sorte qu’une nouvelle procédure de reconnaissance doit être entamée pour chaque nouveau contrat qu’ils concluent ;
- aucun délai maximal dans lequel ladite commission doit statuer n’est prévu,
en ce qu’elle n’est ni nécessaire ni appropriée pour atteindre l’objectif visé, n’est pas compatible avec les libertés de circulation inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En deuxième lieu, la Cour examine les conditions de reconnaissance des ouvriers portuaires. D’après la réglementation en cause, un travailleur doit, à moins qu’il puisse démontrer qu’il satisfait dans un autre État membre à des conditions équivalentes, satisfaire à des exigences d’aptitude médicale, de réussite d’un test psychologique et de formation professionnelle préalable. Selon la Cour, ces exigences sont des conditions propres à assurer la sécurité dans les zones portuaires et proportionnelles par rapport à un tel objectif. En conséquence, de telles mesures sont compatibles avec les libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Cependant, la Cour estime qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que la mission confiée à l’organisation d’employeurs et, le cas échéant, aux syndicats des ouvriers portuaires reconnus dans la désignation des organes chargés d’effectuer ces examens, tests ou épreuves ne soit pas de nature à remettre en cause leur caractère transparent, objectif et impartial.
En troisième lieu, la Cour juge que la réglementation concernée, qui prévoit le maintien de la reconnaissance obtenue par un ouvrier portuaire au titre d’un régime légal antérieur et sa reprise dans le contingent des ouvriers portuaires, n’apparaît pas impropre à atteindre l’objectif poursuivi ni disproportionnée à l’égard de ce dernier, de sorte que, sur ce point, elle est également compatible avec les libertés consacrées dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En quatrième lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, en vertu de laquelle le transfert d’un ouvrier portuaire dans le contingent de travailleurs d’une zone portuaire autre que celle dans laquelle il a obtenu sa reconnaissance est soumis à des conditions et des modalités fixées par une convention collective de travail, est conforme aux libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions et modalités fixées sont nécessaires et proportionnées au regard de l’objectif d’assurer la sécurité dans chaque zone portuaire.
En dernier lieu, la Cour énonce qu’une réglementation selon laquelle les travailleurs logistiques doivent disposer d’un « certificat de sécurité » dont les modalités d’émission sont prévues par une convention collective de travail n’est pas incompatible avec les libertés inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions de délivrance d’un tel certificat soient nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif de garantir la sécurité dans les zones portuaires et que la procédure prévue pour son obtention n’impose pas de charges administratives déraisonnables et disproportionnées.
195. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale soumettant la reconnaissance des ouvriers portuaires à la décision d'une commission administrative constituée paritairement - Commission décidant également de la possible reprise des travailleurs reconnus dans un contingent de travailleurs portuaires - Limitation de la durée de reconnaissance des ouvriers portuaires non repris dans le contingent à la durée de leur contrat de travail - Absence de délai maximal fixé pour la prise de décision de cette commission - Inadmissibilité - Justification - Absence
En droit belge, le travail portuaire est notamment régi par la loi organisant le travail portuaire, selon laquelle le travail portuaire ne peut être effectué que par des ouvriers portuaires reconnus. En 2014, la Commission européenne avait adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, dans laquelle elle lui indiquait que sa réglementation relative au travail portuaire enfreignait la liberté d’établissement (article 49 TFUE). À la suite de cette lettre, en 2016, cet État membre avait adopté un arrêté royal relatif à la reconnaissance des ouvriers portuaires dans les zones portuaires, établissant les modalités de mise en œuvre de la loi organisant le travail portuaire, ce qui avait conduit la Commission à clore la procédure d’infraction à son encontre.
Dans l’affaire Katoen Natie Bulk Terminals et General Services Antwerp (C-407/19), les deux sociétés éponymes, qui effectuaient des opérations portuaires en Belgique et à l’étranger, demandaient au Raad van State (Conseil d’État, Belgique) l’annulation de cet arrêté royal de 2016, estimant qu’il entravait leur liberté d’engager des ouvriers portuaires provenant d’autres États membres que la Belgique pour travailler dans des zones portuaires belges.
Dans l’affaire Middlegate Europe (C-471/19), la société concernée avait été contrainte de payer une amende à la suite du constat, par les services de police belges, de l’infraction de travail portuaire effectué par un ouvrier portuaire non reconnu. Dans le cadre d’une procédure parvenue devant la juridiction de renvoi dans cette seconde affaire, à savoir le Grondwetteljk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), cette société contestait la constitutionnalité de la loi organisant le travail portuaire, estimant qu’elle méconnaissait la liberté de commerce et d’industrie des entreprises. Cette juridiction, relevant que cette liberté garantie par la Constitution belge était étroitement liée à plusieurs libertés fondamentales garanties par le traité FUE, comme la libre prestation des services (article 56 TFUE) et la liberté d’établissement (article 49 TFUE), avait décidé d’interroger la Cour, tout comme l’avait fait le Raad van State (Conseil d’État) dans le cadre de la première affaire, sur la compatibilité de ces règles nationales, qui maintiennent un régime spécial de recrutement des ouvriers portuaires, avec ces deux dispositions. Par ces affaires jointes, en plus de la réponse qu’elle devait donner à cette question, la Cour était invitée à dégager des critères supplémentaires permettant de clarifier la conformité du régime des ouvriers portuaires aux exigences du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
La Cour constate tout d’abord que la réglementation en cause, qui oblige les entreprises non résidentes souhaitant s’établir en Belgique pour y exercer des activités portuaires ou qui, sans s’y établir, souhaitent y fournir des services portuaires à ne recourir qu’à des ouvriers portuaires reconnus comme tels conformément à cette réglementation, empêche de telles entreprises d’avoir recours à leur propre personnel ou de recruter d’autres ouvriers non reconnus. Dès lors, cette réglementation, qui peut rendre moins attrayant l’établissement de ces entreprises en Belgique ou la prestation, par celles-ci, de services dans cet État membre, constitue une restriction à ces deux libertés d’établissement et de prestation de services, garanties respectivement par les articles 49 et 56 TFUE. La Cour rappelle alors qu’une telle restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à condition qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En l’espèce, la Cour relève que la réglementation en cause ne saurait être considérée à elle seule comme inapte ou disproportionnée pour atteindre l’objectif qu’elle vise, à savoir la garantie de la sécurité dans les zones portuaires et la prévention des accidents du travail. Appréciant de manière globale le régime en cause, la Cour juge qu’une telle réglementation est compatible avec les articles 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions et modalités fixées en application de cette réglementation, d’une part, soient fondées sur des critères objectifs, non discriminatoires, connus à l’avance et permettant aux ouvriers portuaires d’autres États membres de démontrer qu’ils répondent, dans leur État d’origine, à des exigences équivalentes à celles appliquées aux ouvriers portuaires nationaux et, d’autre part, n’établissent pas un contingent limité d’ouvriers pouvant faire l’objet d’une telle reconnaissance.
Ensuite, examinant la compatibilité avec les différentes libertés de circulation garanties par le traité FUE de l’arrêté royal attaqué, la Cour indique que la réglementation nationale en cause constitue également une restriction à la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 45 TFUE, dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un effet dissuasif envers les employeurs et les travailleurs provenant d’autres États membres. La Cour évalue alors le caractère nécessaire et proportionné, par rapport à l’objectif visant à garantir la sécurité dans les zones portuaires et à prévenir les accidents du travail, des différentes mesures contenues dans cette réglementation.
À cet égard, en premier lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, selon laquelle, en particulier :
- la reconnaissance des ouvriers portuaires est effectuée par une commission administrative paritairement constituée de membres désignés par les organisations d’employeurs et par les organisations de travailleurs ;
- cette commission décide également, selon le besoin en main-d’œuvre, si les ouvriers reconnus doivent ou non être repris dans un contingent de travailleurs portuaires, étant entendu que, pour les ouvriers portuaires non repris dans ce contingent, la durée de leur reconnaissance est limitée à la durée de leur contrat de travail, de sorte qu’une nouvelle procédure de reconnaissance doit être entamée pour chaque nouveau contrat qu’ils concluent ;
- aucun délai maximal dans lequel ladite commission doit statuer n’est prévu,
en ce qu’elle n’est ni nécessaire ni appropriée pour atteindre l’objectif visé, n’est pas compatible avec les libertés de circulation inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En deuxième lieu, la Cour examine les conditions de reconnaissance des ouvriers portuaires. D’après la réglementation en cause, un travailleur doit, à moins qu’il puisse démontrer qu’il satisfait dans un autre État membre à des conditions équivalentes, satisfaire à des exigences d’aptitude médicale, de réussite d’un test psychologique et de formation professionnelle préalable. Selon la Cour, ces exigences sont des conditions propres à assurer la sécurité dans les zones portuaires et proportionnelles par rapport à un tel objectif. En conséquence, de telles mesures sont compatibles avec les libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Cependant, la Cour estime qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que la mission confiée à l’organisation d’employeurs et, le cas échéant, aux syndicats des ouvriers portuaires reconnus dans la désignation des organes chargés d’effectuer ces examens, tests ou épreuves ne soit pas de nature à remettre en cause leur caractère transparent, objectif et impartial.
En troisième lieu, la Cour juge que la réglementation concernée, qui prévoit le maintien de la reconnaissance obtenue par un ouvrier portuaire au titre d’un régime légal antérieur et sa reprise dans le contingent des ouvriers portuaires, n’apparaît pas impropre à atteindre l’objectif poursuivi ni disproportionnée à l’égard de ce dernier, de sorte que, sur ce point, elle est également compatible avec les libertés consacrées dans les articles 45, 49 et 56 TFUE.
En quatrième lieu, la Cour estime que la réglementation en cause, en vertu de laquelle le transfert d’un ouvrier portuaire dans le contingent de travailleurs d’une zone portuaire autre que celle dans laquelle il a obtenu sa reconnaissance est soumis à des conditions et des modalités fixées par une convention collective de travail, est conforme aux libertés de circulation prévues par les articles 45, 49 et 56 TFUE. Il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions et modalités fixées sont nécessaires et proportionnées au regard de l’objectif d’assurer la sécurité dans chaque zone portuaire.
En dernier lieu, la Cour énonce qu’une réglementation selon laquelle les travailleurs logistiques doivent disposer d’un « certificat de sécurité » dont les modalités d’émission sont prévues par une convention collective de travail n’est pas incompatible avec les libertés inscrites dans les articles 45, 49 et 56 TFUE, pour autant que les conditions de délivrance d’un tel certificat soient nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif de garantir la sécurité dans les zones portuaires et que la procédure prévue pour son obtention n’impose pas de charges administratives déraisonnables et disproportionnées.
196. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Accès partiel - Exclusion - Portée - Distinction entre professions et professionnels - Réglementation nationale admettant la possibilité d'un accès partiel à l'une des professions relevant du mécanisme de la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles - Admissibilité
Voir le texte de la décision.
197. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Biologistes - Reconnaissance des diplômes et des titres - Établissements de transfusion sanguine - Personne responsable - Fonction ne relevant pas du domaine d'activités de la profession de biologiste à la lumière de la réglementation nationale - Méconnaissance de l'exigence de la reconnaissance mutuelle - Absence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 mars 2021, Ordine Nazionale dei Biologi e.a. (C-96/20) (cf. points 43-45)
198. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Mesures d'assainissement - Notion - Mesures de suspension des paiements - Inclusion - Condition - Mesures adoptées par une autorité administrative ou judiciaire
Arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka (C-501/18) (cf. point 105)
199. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Suspension des paiements - Admissibilité - Condition - Respect du droit de propriété - Limitations dudit droit - Admissibilité - Limites
Arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka (C-501/18) (cf. points 106-108, 111, disp. 4)
200. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 94/19 - Droits conférés aux particuliers - Article 1er, point 3, sous i) - Violation par un État membre - Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers - Conditions - Règle de droit visant à conférer des droits aux particuliers - Violation suffisamment caractérisée - Lien de causalité entre cette violation et le dommage - Conditions supplémentaires prévues par le droit national - Inadmissibilité
Arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka (C-501/18) (cf. points 113-115)
201. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Droit à indemnisation du déposant - Droit devant pouvoir faire l'objet d'un recours du déposant - Portée - Restitution des dépôts indisponibles du déposant - Inclusion - Réparation d'un préjudice causé par une restitution tardive ou par une surveillance défaillante - Exclusion
Arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka (C-501/18) (cf. points 55-57, 60, disp. 1)
202. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Exigibilité des dépôts conditionnée par la révocation de l'agrément bancaire et la demande expresse de la restitution du dépôt - Inadmissibilité
Arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka (C-501/18) (cf. points 66, 69, 70, 75, disp. 2)
203. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Instances en cours - Effets de mesures d'assainissement sur une instance en cours - Exception à l'application de la lex concursus - Conditions d'application cumulatives - Portée
En 2008, VR, une personne physique, a conclu un contrat avec Banco Espirito Santo, Sucursal en España (ci-après « BES Espagne »), la succursale espagnole de la banque portugaise Banco Espirito Santo (ci-après « BES »), par lequel elle a acquis des actions privilégiées d’un établissement de crédit islandais. Dans le contexte des graves difficultés financières de BES, Banco de Portugal, par une décision adoptée en août 2014, a décidé de créer une « banque relais », dénommée Novo Banco SA, à laquelle ont été transférés les actifs, passifs et autres éléments extrapatrimoniaux de BES. Certains éléments de passifs étaient toutefois exclus du transfert à Novo Banco. À la suite dudit transfert, Novo Banco SA, Sucursal en España (ci-après « Novo Banco Espagne ») a maintenu la relation commerciale que VR avait instaurée avec BES Espagne.
Le 4 février 2015, VR a introduit un recours devant le Juzgado de Primera Instancia de Vitoria (tribunal de première instance de Vitoria, Espagne) contre Novo Banco Espagne visant, à titre principal, à obtenir la nullité du contrat ou, à titre subsidiaire, la résiliation de celui-ci. Novo Banco Espagne a objecté ne pas avoir qualité pour être attraite en justice car, en vertu de la décision d’août 2014, la responsabilité alléguée constituait un passif qui ne lui avait pas été transféré.
Le tribunal de première instance de Vitoria ayant fait droit à la demande de VR, Novo Banco Espagne a interjeté appel devant l’Audiencia Provincial de Álava (cour provinciale d’Álava, Espagne). En cours d’instance, elle a déposé deux décisions adoptées par Banco de Portugal le 29 décembre 2015. Ces décisions apportaient des modifications à la décision d’août 2014, en précisant notamment que « à compter de ce jour, les passifs suivants de BES n’ont pas été transmis à Novo Banco : [...] toute responsabilité faisant l’objet de l’une des procédures décrites à l’annexe I », parmi lesquelles figurait l’action introduite par VR. De plus, elles prévoyaient que, dans la mesure où des actifs, des passifs ou des éléments extrapatrimoniaux auraient dû rester dans le domaine patrimonial de BES, mais avaient, de fait, été transférés à Novo Banco, ils étaient retransmis de Novo Banco à BES, avec effet au 3 août 2014.
La cour provinciale d’Álava ayant rejeté l’appel interjeté par Novo Banco Espagne, cette dernière a formé un recours devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne). Novo Banco Espagne estime que, en vertu de la directive 2001/24, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, les décisions du 29 décembre 2015 produisent, sans aucune autre formalité, leurs effets dans tous les États membres. La Cour suprême, considérant que ces décisions ont modifié la décision d’août 2014 avec effet rétroactif, a saisi la Cour afin de savoir si de telles modifications de fond doivent être reconnues dans les procédures judiciaires en cours.
Appréciation de la Cour
La Cour note que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, les mesures d’assainissement sont, en principe, appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Toutefois, par exception à ce principe, l’article 32 de cette directive prévoit que les effets de mesures d’assainissement sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont l’établissement de crédit est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l’État membre dans lequel cette instance est en cours.
En premier lieu, la Cour relève que l’application de cet article 32 nécessite que trois conditions cumulatives soient réunies et que celles-ci sont remplies dans le litige au principal. En effet, premièrement, il doit s’agir de mesures d’assainissement au sens de l’article 2 de la directive 2001/24, ce qui est le cas, en l’occurrence, puisque les décisions du 29 décembre 2015 sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit.
Deuxièmement, il doit exister une instance en cours, notion qui couvre seulement les procédures au fond. En l’occurrence, d’une part, la procédure au principal doit être considérée comme une procédure au fond et, d’autre part, les décisions du 29 décembre 2015 ont été adoptées à un moment où la procédure initiée par VR le 4 février 2015 était déjà en cours.
Troisièmement, l’instance en cours doit concerner « un bien ou un droit dont l’établissement de crédit est dessaisi ». Eu égard aux disparités entre les versions linguistiques de l’article 32 de la directive 2001/24, la Cour examine la finalité de cette disposition et constate qu’elle vise à soumettre les effets des mesures d’assainissement ou des procédures de liquidation sur une instance en cours à la loi de l’État membre où se déroule cette instance. Or, il ne serait pas cohérent, au regard d’une telle finalité, d’exclure de l’application de cette dernière loi les effets produits par des mesures d’assainissement sur une instance en cours lorsque cette instance concerne des responsabilités éventuelles qui, au moyen de telles mesures d’assainissement, ont été transférées à une autre entité. Ainsi, cet article 32 doit s’appliquer concernant un ou plusieurs éléments patrimoniaux de l’établissement de crédit, relevant tant de l’actif que du passif, qui font l’objet de mesures d’assainissement, comme c’est le cas de la responsabilité éventuelle en cause au principal.
En deuxième lieu, s’agissant de l’étendue des effets des mesures d’assainissement régis par la loi de l’État membre dans lequel l’instance est en cours, la Cour relève que la loi de cet État membre régit tous les effets que de telles mesures peuvent avoir sur une telle instance, qu’ils soient procéduraux ou substantiels.
Par conséquent, il découle de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 32 de la directive 2001/24 que les effets, tant procéduraux que substantiels, d’une mesure d’assainissement sur une procédure judiciaire au fond en cours sont exclusivement ceux déterminés par la loi de l’État membre dans lequel cette procédure est en cours.
Par ailleurs, la Cour relève, d’une part, que la reconnaissance, dans la procédure au principal, des effets des décisions du 29 décembre 2015, en ce qu’elle serait de nature à remettre en cause les décisions judiciaires déjà prises en faveur de VR, contreviendrait au principe général de sécurité juridique. D’autre part, admettre que des mesures d’assainissement prises par l’autorité compétente de l’État membre d’origine postérieurement à l’introduction d’un recours dans un autre État membre et ayant pour conséquence de modifier, avec effet rétroactif, le cadre juridique pertinent pour trancher le litige ayant donné lieu à ce recours, puissent amener le juge saisi à rejeter celui-ci constituerait une limitation au droit à un recours effectif, au sens de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
La Cour conclut que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 32 de la directive 2001/24, lus à la lumière du principe de sécurité juridique et de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux s’opposent à la reconnaissance, sans autre condition, dans une procédure judiciaire au fond en cours, des effets d’une mesure d’assainissement telle que les décisions du 29 décembre 2015, lorsqu’une telle reconnaissance conduit à ce que l’établissement de crédit auquel le passif avait été transmis par une première mesure d’assainissement perde, avec effet rétroactif, sa qualité pour être attrait en justice aux fins de cette procédure en cours, remettant ainsi en cause des décisions judiciaires déjà intervenues au profit de la partie requérante faisant l’objet de cette même procédure.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
Arrêt du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a. (C-504/19) (cf. points 35-39, 41-43, 46-49)
204. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Mesure d'assainissement d'un établissement de crédit prise dans l'État membre d'origine - Transfert d'un élément du passif à un second établissement de crédit - Retransfert de cet élément au premier établissement de crédit - Reconnaissance, dans une procédure en cours dans un autre État membre, des effets de ce retransfert avec effet rétroactif - Perte, par le second établissement de crédit, de sa qualité pour être attrait en justice aux fins de cette procédure - Inadmissibilité
En 2008, VR, une personne physique, a conclu un contrat avec Banco Espirito Santo, Sucursal en España (ci-après « BES Espagne »), la succursale espagnole de la banque portugaise Banco Espirito Santo (ci-après « BES »), par lequel elle a acquis des actions privilégiées d’un établissement de crédit islandais. Dans le contexte des graves difficultés financières de BES, Banco de Portugal, par une décision adoptée en août 2014, a décidé de créer une « banque relais », dénommée Novo Banco SA, à laquelle ont été transférés les actifs, passifs et autres éléments extrapatrimoniaux de BES. Certains éléments de passifs étaient toutefois exclus du transfert à Novo Banco. À la suite dudit transfert, Novo Banco SA, Sucursal en España (ci-après « Novo Banco Espagne ») a maintenu la relation commerciale que VR avait instaurée avec BES Espagne.
Le 4 février 2015, VR a introduit un recours devant le Juzgado de Primera Instancia de Vitoria (tribunal de première instance de Vitoria, Espagne) contre Novo Banco Espagne visant, à titre principal, à obtenir la nullité du contrat ou, à titre subsidiaire, la résiliation de celui-ci. Novo Banco Espagne a objecté ne pas avoir qualité pour être attraite en justice car, en vertu de la décision d’août 2014, la responsabilité alléguée constituait un passif qui ne lui avait pas été transféré.
Le tribunal de première instance de Vitoria ayant fait droit à la demande de VR, Novo Banco Espagne a interjeté appel devant l’Audiencia Provincial de Álava (cour provinciale d’Álava, Espagne). En cours d’instance, elle a déposé deux décisions adoptées par Banco de Portugal le 29 décembre 2015. Ces décisions apportaient des modifications à la décision d’août 2014, en précisant notamment que « à compter de ce jour, les passifs suivants de BES n’ont pas été transmis à Novo Banco : [...] toute responsabilité faisant l’objet de l’une des procédures décrites à l’annexe I », parmi lesquelles figurait l’action introduite par VR. De plus, elles prévoyaient que, dans la mesure où des actifs, des passifs ou des éléments extrapatrimoniaux auraient dû rester dans le domaine patrimonial de BES, mais avaient, de fait, été transférés à Novo Banco, ils étaient retransmis de Novo Banco à BES, avec effet au 3 août 2014.
La cour provinciale d’Álava ayant rejeté l’appel interjeté par Novo Banco Espagne, cette dernière a formé un recours devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne). Novo Banco Espagne estime que, en vertu de la directive 2001/24, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, les décisions du 29 décembre 2015 produisent, sans aucune autre formalité, leurs effets dans tous les États membres. La Cour suprême, considérant que ces décisions ont modifié la décision d’août 2014 avec effet rétroactif, a saisi la Cour afin de savoir si de telles modifications de fond doivent être reconnues dans les procédures judiciaires en cours.
Appréciation de la Cour
La Cour note que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, les mesures d’assainissement sont, en principe, appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Toutefois, par exception à ce principe, l’article 32 de cette directive prévoit que les effets de mesures d’assainissement sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont l’établissement de crédit est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l’État membre dans lequel cette instance est en cours.
En premier lieu, la Cour relève que l’application de cet article 32 nécessite que trois conditions cumulatives soient réunies et que celles-ci sont remplies dans le litige au principal. En effet, premièrement, il doit s’agir de mesures d’assainissement au sens de l’article 2 de la directive 2001/24, ce qui est le cas, en l’occurrence, puisque les décisions du 29 décembre 2015 sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit.
Deuxièmement, il doit exister une instance en cours, notion qui couvre seulement les procédures au fond. En l’occurrence, d’une part, la procédure au principal doit être considérée comme une procédure au fond et, d’autre part, les décisions du 29 décembre 2015 ont été adoptées à un moment où la procédure initiée par VR le 4 février 2015 était déjà en cours.
Troisièmement, l’instance en cours doit concerner « un bien ou un droit dont l’établissement de crédit est dessaisi ». Eu égard aux disparités entre les versions linguistiques de l’article 32 de la directive 2001/24, la Cour examine la finalité de cette disposition et constate qu’elle vise à soumettre les effets des mesures d’assainissement ou des procédures de liquidation sur une instance en cours à la loi de l’État membre où se déroule cette instance. Or, il ne serait pas cohérent, au regard d’une telle finalité, d’exclure de l’application de cette dernière loi les effets produits par des mesures d’assainissement sur une instance en cours lorsque cette instance concerne des responsabilités éventuelles qui, au moyen de telles mesures d’assainissement, ont été transférées à une autre entité. Ainsi, cet article 32 doit s’appliquer concernant un ou plusieurs éléments patrimoniaux de l’établissement de crédit, relevant tant de l’actif que du passif, qui font l’objet de mesures d’assainissement, comme c’est le cas de la responsabilité éventuelle en cause au principal.
En deuxième lieu, s’agissant de l’étendue des effets des mesures d’assainissement régis par la loi de l’État membre dans lequel l’instance est en cours, la Cour relève que la loi de cet État membre régit tous les effets que de telles mesures peuvent avoir sur une telle instance, qu’ils soient procéduraux ou substantiels.
Par conséquent, il découle de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 32 de la directive 2001/24 que les effets, tant procéduraux que substantiels, d’une mesure d’assainissement sur une procédure judiciaire au fond en cours sont exclusivement ceux déterminés par la loi de l’État membre dans lequel cette procédure est en cours.
Par ailleurs, la Cour relève, d’une part, que la reconnaissance, dans la procédure au principal, des effets des décisions du 29 décembre 2015, en ce qu’elle serait de nature à remettre en cause les décisions judiciaires déjà prises en faveur de VR, contreviendrait au principe général de sécurité juridique. D’autre part, admettre que des mesures d’assainissement prises par l’autorité compétente de l’État membre d’origine postérieurement à l’introduction d’un recours dans un autre État membre et ayant pour conséquence de modifier, avec effet rétroactif, le cadre juridique pertinent pour trancher le litige ayant donné lieu à ce recours, puissent amener le juge saisi à rejeter celui-ci constituerait une limitation au droit à un recours effectif, au sens de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
La Cour conclut que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 32 de la directive 2001/24, lus à la lumière du principe de sécurité juridique et de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux s’opposent à la reconnaissance, sans autre condition, dans une procédure judiciaire au fond en cours, des effets d’une mesure d’assainissement telle que les décisions du 29 décembre 2015, lorsqu’une telle reconnaissance conduit à ce que l’établissement de crédit auquel le passif avait été transmis par une première mesure d’assainissement perde, avec effet rétroactif, sa qualité pour être attrait en justice aux fins de cette procédure en cours, remettant ainsi en cause des décisions judiciaires déjà intervenues au profit de la partie requérante faisant l’objet de cette même procédure.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
Arrêt du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a. (C-504/19) (cf. points 49, 50, 54, 63, 66 et disp.)
205. Liberté d'établissement - Restrictions - Ressortissants de pays tiers employés sur un navire battant pavillon d'un État membre - Obligation d'être en possession d'un permis de travail dans cet État membre - Exception visant les navires ne faisant pas escale dans les ports dudit État membre plus de 25 fois par an - Réglementation nationale visant à fixer les volumes d'entrée des ressortissants de pays tiers, en provenance de pays tiers, sur le territoire de l'État membre, dans le but d'y rechercher un emploi - Admissibilité
VAS Shipping, une société établie au Danemark et détenue par une société suédoise, est l’armateur gérant de quatre sociétés quirataires établies en Suède. Ces dernières ont fait immatriculer quatre navires au Danemark aux fins d’y exercer leur activité de transport maritime. Selon le droit danois, VAS Shipping est compétente pour tous les actes juridiques que cette activité implique habituellement.
En 2018, une juridiction danoise a condamné VAS Shipping à une amende pour avoir employé à bord de ces quatre navires, battant pavillon danois, des marins ressortissants de pays tiers non titulaires d’un permis de travail danois et non exemptés de l’obligation d’avoir ce permis. En effet, ce n’est que lorsque le nombre d’escales d’un navire dans des ports danois n’a pas dépassé 25 au cours d’une année que les ressortissants de pays tiers y travaillant sont exonérés de l’obligation d’être en possession d’un permis de travail au Danemark. En l’espèce, les quatre navires avaient fait escale dans des ports danois plus de 25 fois, d’août 2010 à août 2011. Selon ladite juridiction, bien que l’exigence d’un permis de travail, prévue par la réglementation nationale, constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 49 TFUE, cette exigence serait, toutefois, justifiée et proportionnée, afin d’éviter des perturbations sur le marché du travail national.
Saisi en appel par VAS Shipping, l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark) a décidé d’interroger la Cour sur la conformité à la liberté d’établissement de la réglementation danoise exigeant des ressortissants de pays tiers employés sur un navire battant pavillon danois et détenu par une société établie dans un autre État membre de disposer d’un permis de travail au Danemark, à moins que le navire concerné n’y ait pas effectué, au cours d’une année, plus de 25 escales.
Dans son arrêt, la Cour précise la portée des obligations des États membres au titre de la liberté d’établissement, à la lumière du droit dont ils bénéficient, en vertu de l’article 79, paragraphe 5, TFUE, de fixer les volumes d’entrée des ressortissants de pays tiers sur leur territoire dans le but d’y rechercher un emploi salarié ou non salarié.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour constate que la situation en cause au principal relève de la liberté d’établissement consacrée à l’article 49 TFUE. La Cour rappelle, à cet égard, que cette liberté confère, conformément à l’article 54 TFUE, aux sociétés établies légalement dans un État membre, le droit d’exercer leur activité dans un autre État membre par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence, y inclus l’acquisition d’une participation dans le capital d’une société établie dans cet autre État membre, permettant d’exercer une influence certaine sur celle-ci et d’en déterminer les activités. En outre, s’agissant de l’immatriculation d’un bateau, la Cour souligne que celle-ci ne peut pas être dissociée de la liberté d’établissement lorsque ce bateau constitue un instrument pour l’exercice d’une activité économique comportant une installation stable dans l’État membre d’immatriculation.
C’est au regard de ces précisions que la Cour examine si la réglementation nationale concernée est susceptible de constituer une restriction à la liberté d’établissement.
À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, que, en vertu de l’article 79, paragraphe 5, TFUE, les États membres conservent le droit de fixer les volumes d’entrée des ressortissants de pays tiers, en provenance de tels pays, sur leur territoire pour y rechercher un emploi, l’État du pavillon d’un navire étant, dans ce contexte, l’État dans lequel est employé un ressortissant de pays tiers travaillant à bord de ce navire.
En prenant appui sur cette disposition, la Cour considère, ensuite, que l’exigence, pour les ressortissants de pays tiers employés sur le territoire d’un État membre, y compris sur un navire immatriculé dans cet État, de disposer d’un permis de travail est une mesure visant à réguler l’accès au travail et au séjour de ces ressortissants sur le territoire national. Dès lors, l’État membre concerné est en droit de prévoir que lesdits ressortissants de pays tiers doivent obtenir un permis de travail, en prévoyant également, le cas échéant, des exceptions à cette obligation. Partant, la Cour juge que la réglementation nationale en cause, qui s’applique sans distinction à tous les navires battant pavillon de l’État membre concerné, qui prévoit l’obligation, pour tous les ressortissants de pays tiers employés en tant que membres de l’équipage de tels navires, de disposer d’un permis de travail et qui exempte de cette obligation uniquement les membres d’équipage des navires qui n’effectuent pas, au cours d’une année, plus de 25 escales dans les ports de cet État membre, ne constitue pas une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 49, premier alinéa, TFUE.
Enfin, la Cour relève qu’une telle réglementation peut, certes, défavoriser les sociétés établies dans un premier État membre qui s’installent dans un second État membre pour y exploiter un navire battant pavillon de ce dernier État membre par rapport aux sociétés qui exploitent, dans le second État membre, des navires battant pavillon d’un autre État membre que ce dernier et dont la réglementation ne prévoit pas une obligation analogue. Toutefois, de telles conséquences défavorables découlent des éventuelles différences d’application, par les États membres, du droit prévu à l’article 79, paragraphe 5, TFUE, permettant le contrôle des volumes d’entrée des ressortissants de pays tiers recherchant un emploi sur leur territoire, droit qui leur est expressément réservé.
Arrêt du 8 juillet 2021, VAS Shipping (C-71/20) (cf. points 25, 27, 29-32 et disp.)
206. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Absence de titre de formation permettant l'exercice d'une profession réglementée dans l'État membre d'origine - Demande de reconnaissance introduite dans l'État membre d'accueil - Exclusion
Voir texte de la décision.
207. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Absence de titre attestant la qualification professionnelle de pharmacien, au sens de la directive 2005/36 - Compétences relatives à cette profession acquises tant dans l'État membre d'origine que dans l'État membre d'accueil - Demande de reconnaissance introduite dans l'État membre d'accueil - Obligations des autorités nationales compétentes concernant ladite demande - Portée
Voir texte de la décision.
208. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Directive 2005/36 - Professionnel établi dans un État membre disposant, par le passé, d'un établissement dans un autre État membre et fournissant actuellement des prestations avec une certaine récurrence dans cet autre État membre - Réglementation nationale de cet autre État membre interdisant à ce professionnel d'exercer de façon temporaire et occasionnelle sa profession sur le territoire national - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
209. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Notion d'agent commercial - Portée - Notion de vente de marchandises - Interprétation autonome et uniforme - Fourniture d'un logiciel informatique aux clients par voie électronique - Octroi d'une licence perpétuelle d'utilisation de ce logiciel - Inclusion
Voir texte de la décision.
210. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2014/65 - Informations concernant la catégorisation des clients - Informations sur les coûts et les frais liés aux services d'investissement - Obligation des entreprises d'investissement de conserver les enregistrements relatifs auxdites informations dans des registres indépendants uniques - Absence - Condition
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 octobre 2021, VARCHEV FINANS (C-95/20) (cf. points 29-35 et disp.)
211. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Faillite d'un citoyen de l'Union établi dans l'État membre d'accueil afin d'y exercer une activité non salariée - Droits à pension tirés d'un plan d'épargne retraite agréé dans son État membre d'origine - Législation de l'État membre d'accueil prévoyant la distraction de la masse de la faillite de droits à pension tirés uniquement d'un tel plan agréé dans cet État membre - Discrimination indirecte - Inadmissibilité - Exception - Justification - Respect du principe de proportionnalité
Voir le texte de la décision.
212. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Pratique de l'administration fiscale d'un État membre contestant des écritures comptables d'une société au motif du non-respect des principes d'exhaustivité et d'indépendance des exercices - Absence de dérogation exceptionnelle et nécessaire pour assurer le respect du principe de l'image fidèle - Respect de tous les autres principes comptables - Admissibilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 13 janvier 2022, MARCAS MC (C-363/20) (cf. points 41-43, 45, 48, 49, 54, disp. 2)
213. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et exercice de ces activités - Directive 2009/138 - Assainissement et liquidation des entreprises d'assurance - Exception à l'application de la lex concursus - Notion d'instances en cours - Portée - Indemnisation sollicitée par un preneur d'assurance, au titre des dommages supportés dans un État membre, auprès de son assureur soumis à une procédure de liquidation dans un autre État membre - Inclusion
Voir le texte de la décision.
214. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et exercice de ces activités - Directive 2009/138 - Assainissement et liquidation des entreprises d'assurance - Instances en cours - Effets des procédures de liquidation sur les instances en cours - Exception à l'application de la lex concursus - Portée - Limites
Voir le texte de la décision.
215. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Médecins - Acquisition des titres de spécialité - Obligation de rémunérer les périodes de formation - Portée - Formation à plein temps ou à temps partiel de médecin spécialiste commencée avant le 29 janvier 1982 et poursuivie après le 1er janvier 1983 - Période de formation allant de l'expiration du délai de transposition de la directive 82/76 à la fin de cette formation - Inclusion - Condition - Formation devant concerner une spécialité médicale commune à deux ou plusieurs États membres et mentionnée aux articles 5 ou 7 de la directive 75/362
Voir le texte de la décision.
216. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Absence de certificat de formation permettant l'exercice d'une profession réglementée dans l'État membre d'origine - Demande de reconnaissance introduite dans l'État membre d'accueil - Exclusion - Restrictions résultant de la réglementation de l'État membre d'accueil relative à l'exercice de certaines activités - Obligation dudit État membre d'examiner la correspondance entre les diplômes et qualifications exigés par le droit national et ceux obtenus par l'intéressé
Voir le texte de la décision.
217. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Droit d'exercer la profession de médecin - Intéressé ayant suivi une formation médicale de base dans l'État membre d'origine et y disposant d'un titre de formation - Intéressé ne disposant pas du certificat de formation requis par l'État membre d'origine comme condition supplémentaire des qualifications professionnelles - Réglementation de l'État membre d'accueil prévoyant une limitation d'un tel droit à trois ans, le subordonnant également à une double condition, pendant cette période, de soumission à une supervision et de réussite à une formation spécifique - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
218. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Professions réglementées - Non-satisfaction de la condition relative à l'exercice de la profession concernée dans un autre État membre - Demande de reconnaissance introduite dans l'État membre d'accueil - Exclusion - Restrictions résultant de la réglementation de l'État membre d'accueil relative à l'exercice de certaines activités - Obligation dudit État membre d'examiner la correspondance entre les diplômes et qualifications exigés par le droit national et ceux obtenus par le demandeur
A, une ressortissante finlandaise, a suivi une formation en psychologie organisée en Finlande et en langue finnoise par une université du Royaume-Uni, en partenariat avec une société finlandaise, et à l’issue de laquelle, en novembre 2017, elle s’est vu délivrer, par cette université, un diplôme de troisième cycle. Elle a alors sollicité auprès du Sosiaali- ja terveysalan lupa- ja valvontavisasto (Office d’autorisation et de supervision en matière sociale et sanitaire, Finlande, ci-après le « Valvira ») le droit de porter le titre professionnel de psychothérapeute, qui est protégé par la réglementation finlandaise. Plus tôt dans l’année, le Valvira avait été contacté par d’anciens participants à cette formation, signalant de possibles insuffisances concernant son contenu effectif.
En 2018, le Valvira a rejeté la demande de A, estimant qu’il ne pouvait s’assurer que cette formation répondait aux exigences applicables à la formation de psychothérapeute en Finlande. En avril 2019, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Finlande) a rejeté le recours formé par A contre cette décision, validant l’interprétation retenue par le Valvira.
A s’est alors pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi, le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande). Cette juridiction relève que la profession de psychothérapeute n’est pas réglementée au Royaume-Uni et que l’intéressée, qui n’a pas exercé la profession de psychothérapeute dans un autre État membre où la profession n’est pas réglementée, comme l’exige l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2005/36{1}, ne peut pas revendiquer le droit d’accéder à cette profession en Finlande sur le fondement de cette directive. Elle s’interroge toutefois sur le point de savoir si la situation de A devrait également être examinée au regard des principes de libre circulation des travailleurs{2} et de liberté d’établissement{3} et, dans l’affirmative, si l’autorité compétente de l’État membre d’accueil peut se fonder, dans le cadre de l’examen de l’équivalence des connaissances et qualifications, sur d’autres informations que celles fournies par l’université ayant délivré le diplôme concerné.
La Cour répond par l’affirmative à la première de ces questions, estimant qu’une demande d’accès à une profession réglementée, soumise dans ces conditions, doit être appréciée au regard des articles 45 ou 49 TFUE. Elle juge par ailleurs que l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, saisie d’une telle demande, est tenue de considérer comme véridique un diplôme délivré par l’autorité d’un autre État membre. Ce n’est que lorsqu’elle éprouve des doutes sérieux, fondés sur certains éléments concrets dont la Cour précise la portée, que cette autorité peut demander à l’autorité émettrice de réexaminer le bien-fondé de la délivrance de ce diplôme, et le cas échéant, de le retirer. À défaut de retrait de ce dernier, ce n’est qu’à titre exceptionnel, au cas où les circonstances de l’espèce révéleraient de manière manifeste l’absence de véracité du diplôme concerné, que l’autorité de l’État membre d’accueil peut remettre en cause le bien-fondé de la délivrance dudit diplôme.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour précise que la situation en cause relève du champ d’application de la directive 2005/36, le titre de formation concerné ayant été délivré dans un autre État membre que l’État membre d’accueil. Toutefois, il apparaît que l’intéressée ne satisfait pas à l’exigence, prévue à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2005/36, d’avoir exercé la profession de psychothérapeute pendant la période minimum visée à cette disposition, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir d’aucun régime de reconnaissance des qualifications professionnelles institué par cette directive.
Appréciant la situation de A au regard des articles 45 et 49 TFUE, la Cour rappelle que la réalisation de la libre circulation des personnes implique que les États membres ne peuvent pas refuser le bénéfice des libertés reconnues par ces deux dispositions à leurs ressortissants qui ont acquis des qualifications professionnelles dans un autre État membre. En outre, les autorités d’un État membre saisies d’une demande d’autorisation d’exercer une profession réglementée sont tenues de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience et, d’autre part, les connaissances et les qualifications exigées par la législation nationale. Ce principe étant inhérent aux libertés fondamentales consacrées par le traité FUE, l’adoption de directives relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes, dont la directive 2005/36 fait partie, ne saurait avoir pour effet de rendre plus difficile la reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres dans les situations non couvertes par elles. Ainsi, dans une situation dans laquelle aucun des régimes de reconnaissance des qualifications professionnelles institués par la directive 2005/36 n’est invocable, c’est au regard des articles 45 et 49 TFUE que l’État membre d’accueil concerné doit respecter ses obligations en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles.
En second lieu, la Cour indique que la procédure d’examen comparatif des différents titres et expériences précitée doit permettre aux autorités de l’État membre d’accueil de vérifier objectivement si le diplôme étranger atteste, dans le chef de son titulaire, de connaissances et de qualifications, sinon identiques, du moins équivalentes à celles attestées par le diplôme national. Cette appréciation de l’équivalence du diplôme étranger doit être faite exclusivement en tenant compte du degré des connaissances et des qualifications que ce diplôme permet de présumer, compte tenu de la nature et de la durée des études et de la formation pratique qui s’y rapporte, dans le chef du titulaire. Cette comparaison présupposant la confiance mutuelle entre les États membres dans les titres délivrés, l’autorité de l’État membre d’accueil est en principe tenue de considérer comme véridique un diplôme délivré par l’autorité d’un autre État membre. Ce n’est que lorsqu’elle éprouve des doutes sérieux, fondés sur des éléments concrets constitutifs d’un faisceau concordant d’indices qui donnent à penser que le diplôme dont se prévaut le demandeur ne reflète pas le degré des connaissances et des qualifications qu’il permet de présumer acquis par celui-ci, que cette autorité peut demander à l’autorité émettrice de réexaminer, à la lumière de ces éléments, le bien-fondé de la délivrance de ce diplôme, cette dernière autorité devant, le cas échéant, le retirer. Au nombre desdits éléments concrets, peuvent figurer, notamment, des informations transmises par des personnes autres que les organisateurs de la formation concernée. Lorsque l’autorité émettrice a réexaminé, à la lumière desdits éléments, le bien fondé de la délivrance de ce diplôme, sans le retirer, ce n’est qu’à titre exceptionnel, au cas où les circonstances de l’espèce révéleraient de manière manifeste l’absence de véracité du diplôme concerné, que l’autorité de l’État membre d’accueil peut remettre en cause le bien-fondé de lad
élivrance dudit diplôme.
{1} Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22).
{2} Le principe de libre circulation des travailleurs est prévu par l’article 45 TFUE.
{3} Le principe de liberté d’établissement est quant à lui régi par l’article 49 TFUE.
219. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Droit d'exercer une profession réglementée dans l'État membre d'accueil - Autorité compétente de cet État membre devant considérer comme véridique un diplôme délivré par l'autorité d'un autre État membre - Doutes sérieux, fondés sur des éléments concrets, éprouvés par cette autorité quant au degré de connaissances et de qualifications présumé acquis par le demandeur - Droit, pour l'autorité concernée, de demander à l'autorité émettrice de réexaminer le bien-fondé de la délivrance du diplôme - Éléments pouvant consister en des informations transmises par des personnes autres que les organisateurs de la formation concernée ou les autorités d'un autre État membre dans le cadre de leurs fonctions - Marge d'appréciation de l'autorité émettrice du diplôme concerné
A, une ressortissante finlandaise, a suivi une formation en psychologie organisée en Finlande et en langue finnoise par une université du Royaume-Uni, en partenariat avec une société finlandaise, et à l’issue de laquelle, en novembre 2017, elle s’est vu délivrer, par cette université, un diplôme de troisième cycle. Elle a alors sollicité auprès du Sosiaali- ja terveysalan lupa- ja valvontavisasto (Office d’autorisation et de supervision en matière sociale et sanitaire, Finlande, ci-après le « Valvira ») le droit de porter le titre professionnel de psychothérapeute, qui est protégé par la réglementation finlandaise. Plus tôt dans l’année, le Valvira avait été contacté par d’anciens participants à cette formation, signalant de possibles insuffisances concernant son contenu effectif.
En 2018, le Valvira a rejeté la demande de A, estimant qu’il ne pouvait s’assurer que cette formation répondait aux exigences applicables à la formation de psychothérapeute en Finlande. En avril 2019, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Finlande) a rejeté le recours formé par A contre cette décision, validant l’interprétation retenue par le Valvira.
A s’est alors pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi, le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande). Cette juridiction relève que la profession de psychothérapeute n’est pas réglementée au Royaume-Uni et que l’intéressée, qui n’a pas exercé la profession de psychothérapeute dans un autre État membre où la profession n’est pas réglementée, comme l’exige l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2005/36{1}, ne peut pas revendiquer le droit d’accéder à cette profession en Finlande sur le fondement de cette directive. Elle s’interroge toutefois sur le point de savoir si la situation de A devrait également être examinée au regard des principes de libre circulation des travailleurs{2} et de liberté d’établissement{3} et, dans l’affirmative, si l’autorité compétente de l’État membre d’accueil peut se fonder, dans le cadre de l’examen de l’équivalence des connaissances et qualifications, sur d’autres informations que celles fournies par l’université ayant délivré le diplôme concerné.
La Cour répond par l’affirmative à la première de ces questions, estimant qu’une demande d’accès à une profession réglementée, soumise dans ces conditions, doit être appréciée au regard des articles 45 ou 49 TFUE. Elle juge par ailleurs que l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, saisie d’une telle demande, est tenue de considérer comme véridique un diplôme délivré par l’autorité d’un autre État membre. Ce n’est que lorsqu’elle éprouve des doutes sérieux, fondés sur certains éléments concrets dont la Cour précise la portée, que cette autorité peut demander à l’autorité émettrice de réexaminer le bien-fondé de la délivrance de ce diplôme, et le cas échéant, de le retirer. À défaut de retrait de ce dernier, ce n’est qu’à titre exceptionnel, au cas où les circonstances de l’espèce révéleraient de manière manifeste l’absence de véracité du diplôme concerné, que l’autorité de l’État membre d’accueil peut remettre en cause le bien-fondé de la délivrance dudit diplôme.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour précise que la situation en cause relève du champ d’application de la directive 2005/36, le titre de formation concerné ayant été délivré dans un autre État membre que l’État membre d’accueil. Toutefois, il apparaît que l’intéressée ne satisfait pas à l’exigence, prévue à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2005/36, d’avoir exercé la profession de psychothérapeute pendant la période minimum visée à cette disposition, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir d’aucun régime de reconnaissance des qualifications professionnelles institué par cette directive.
Appréciant la situation de A au regard des articles 45 et 49 TFUE, la Cour rappelle que la réalisation de la libre circulation des personnes implique que les États membres ne peuvent pas refuser le bénéfice des libertés reconnues par ces deux dispositions à leurs ressortissants qui ont acquis des qualifications professionnelles dans un autre État membre. En outre, les autorités d’un État membre saisies d’une demande d’autorisation d’exercer une profession réglementée sont tenues de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience et, d’autre part, les connaissances et les qualifications exigées par la législation nationale. Ce principe étant inhérent aux libertés fondamentales consacrées par le traité FUE, l’adoption de directives relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes, dont la directive 2005/36 fait partie, ne saurait avoir pour effet de rendre plus difficile la reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres dans les situations non couvertes par elles. Ainsi, dans une situation dans laquelle aucun des régimes de reconnaissance des qualifications professionnelles institués par la directive 2005/36 n’est invocable, c’est au regard des articles 45 et 49 TFUE que l’État membre d’accueil concerné doit respecter ses obligations en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles.
En second lieu, la Cour indique que la procédure d’examen comparatif des différents titres et expériences précitée doit permettre aux autorités de l’État membre d’accueil de vérifier objectivement si le diplôme étranger atteste, dans le chef de son titulaire, de connaissances et de qualifications, sinon identiques, du moins équivalentes à celles attestées par le diplôme national. Cette appréciation de l’équivalence du diplôme étranger doit être faite exclusivement en tenant compte du degré des connaissances et des qualifications que ce diplôme permet de présumer, compte tenu de la nature et de la durée des études et de la formation pratique qui s’y rapporte, dans le chef du titulaire. Cette comparaison présupposant la confiance mutuelle entre les États membres dans les titres délivrés, l’autorité de l’État membre d’accueil est en principe tenue de considérer comme véridique un diplôme délivré par l’autorité d’un autre État membre. Ce n’est que lorsqu’elle éprouve des doutes sérieux, fondés sur des éléments concrets constitutifs d’un faisceau concordant d’indices qui donnent à penser que le diplôme dont se prévaut le demandeur ne reflète pas le degré des connaissances et des qualifications qu’il permet de présumer acquis par celui-ci, que cette autorité peut demander à l’autorité émettrice de réexaminer, à la lumière de ces éléments, le bien-fondé de la délivrance de ce diplôme, cette dernière autorité devant, le cas échéant, le retirer. Au nombre desdits éléments concrets, peuvent figurer, notamment, des informations transmises par des personnes autres que les organisateurs de la formation concernée. Lorsque l’autorité émettrice a réexaminé, à la lumière desdits éléments, le bien fondé de la délivrance de ce diplôme, sans le retirer, ce n’est qu’à titre exceptionnel, au cas où les circonstances de l’espèce révéleraient de manière manifeste l’absence de véracité du diplôme concerné, que l’autorité de l’État membre d’accueil peut remettre en cause le bien-fondé de lad
élivrance dudit diplôme.
{1} Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22).
{2} Le principe de libre circulation des travailleurs est prévu par l’article 45 TFUE.
{3} Le principe de liberté d’établissement est quant à lui régi par l’article 49 TFUE.
220. Liberté d'établissement - Sociétés - Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) - Fonds d'investissement alternatifs (FIA) - Politiques et pratiques de rémunération d'une société de gestion d'OPCVM ou d'un gestionnaire de FIA - Champ d'application matériel - Dividendes versés à certains membres de la direction d'une société de gestion d'OPCVM ou d'un gestionnaire de FIA - Inclusion - Conditions
En 2019, HOLD Alapkezelő Befektetési Alapkezelő Zrt. (ci-après « HOLD »), une société dont l’activité habituelle est la gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et de fonds d’investissement alternatifs (FIA), s’est vu imposer une amende par la Magyar Nemzeti Bank (Banque nationale de Hongrie). La pratique qui lui est reprochée concerne le versement de dividendes à certains de ses employés, qui détiennent, directement ou au moyen de sociétés qu’ils contrôlent, des actions émises par elle. Il s’agit, en particulier, d’employés exerçant la fonction de directeur général, de directeur des investissements ou de gestionnaire de portefeuilles.
Selon la Banque nationale de Hongrie, les dividendes payés aux employés actionnaires pouvaient avoir pour conséquence que ceux-ci aient intérêt à ce que HOLD génère des profits à court terme et soient ainsi incités à prendre des risques non compatibles avec le profil de risque des fonds d’investissement gérés par celle-ci ainsi qu’avec son règlement de gestion et les intérêts des titulaires de parts des fonds. Partant, les modalités de paiement de ces dividendes contourneraient les règles relatives aux politiques de rémunération dans le secteur des services financiers.
Le recours de HOLD à l’encontre de la décision de la Banque nationale de Hongrie prise à cet égard a conduit à la saisine de la Kúria (Cour suprême, Hongrie). Cette juridiction interroge la Cour sur l’applicabilité des exigences des directives 2009/65{1} et 2011/61{2} relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération des gestionnaires d’investissements, telles que transposées en droit hongrois, aux dividendes payés en l’espèce.
Saisie à titre préjudiciel, la Cour précise le champ d’application matériel de ces exigences. Elle juge que le versement de dividendes à certains employés peut relever des dispositions des directives 2009/65 et 2011/61 relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération{3}, bien que les dividendes ne soient pas versés en contrepartie de services rendus par ces employés mais relèvent du droit de propriété de ces derniers en tant qu’actionnaires. Selon la Cour, ces dispositions s’appliquent à de tels dividendes lorsque la politique de versement de ces derniers est de nature à inciter les employés concernés à des prises de risques nuisibles aux intérêts des OPCVM ou des FIA gérés par leur société ainsi qu’à ceux des investisseurs dans ceux-ci et à faciliter ainsi le contournement des exigences découlant de ces dispositions.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour interprète les directives 2009/65 et 2011/61 afin de déterminer le champ d’application matériel des politiques et des pratiques de rémunération définies par ces directives. Ces politiques s’appliquent à tout paiement ou à tout autre avantage versé en contrepartie des services professionnels rendus par les employés des sociétés de gestion d’OPCVM ou des gestionnaires de FIA qui entrent dans le champ d’application personnel desdites politiques et pratiques.
S’agissant des dividendes d’actions d’une société de gestion d’OPCVM ou d’un gestionnaire de FIA, ils ne sont, certes, pas versés au titre d’une telle contrepartie, mais en vertu d’un droit de propriété sur les actions de la société. Toutefois, en vertu des directives 2009/65 et 2011/61, il doit être évité que la rémunération variable soit versée au moyen d’instruments ou de méthodes qui facilitent le contournement des exigences de ces directives encadrant les politiques et les pratiques de rémunération.
Lorsque la politique de versement de dividendes incite à prendre des risques incompatibles avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des OPCVM ou des FIA gérés par cette société ou ce gestionnaire, ou nuisibles aux intérêts de ces OPCVM ou de ces FIA et des personnes ayant investi dans ceux-ci, et facilite ainsi le contournement des exigences découlant des dispositions des directives 2009/65 et 2011/61 relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération, ce versement doit être soumis aux principes encadrant ces politiques et pratiques de rémunération. Dans ce cadre, la juridiction de renvoi doit vérifier, en particulier, s’il existe entre les bénéfices réalisés par les OPCVM et les FIA, ceux réalisés par la société concernée et les montants versés au titre des dividendes, un lien tel que les employés auraient un intérêt à ce que les OPCVM et les FIA réalisent, à court terme, les bénéfices les plus élevés possibles. Tel serait notamment le cas si une commission de résultat était versée par l’OPCVM ou par le FIA à la société concernée dès le dépassement d’un rendement cible durant une période de référence donnée et si cette commission était redistribuée, en tout ou en partie, par cette société, sous forme de dividendes, aux employés concernés ou aux sociétés contrôlées par ceux-ci, indépendamment des résultats réalisés par l’OPCVM ou le FIA postérieurement à cette période, et, en particulier, des pertes encourues par l’OPCVM ou le FIA. D’autres éléments à vérifier sont, notamment, l’ampleur et le type des participations détenues par les employés concernés, les droits de vote y attachés, la politique et le processus décisionnel de distribution des bénéfices de la société ainsi que le caractère éventuellement modeste, au regard des services professionnels rendus, du montant de la rémunération fixe versée aux employés.
En second lieu, la Cour précise que l’interprétation des directives ainsi obtenue est conforme à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui consacre le droit de propriété et est applicable à la propriété d’actions et au droit de percevoir les dividendes tels que ceux en l’espèce.
La Cour constate que l’interprétation des directives 2009/65 et 2011/61 n’a pas pour effet de remettre en cause le droit de propriété des employés concernés sur les actions de la société pour laquelle ils travaillent et n’est, dès lors, pas constitutive d’une privation de propriété, au sens de l’article 17, paragraphe 1, deuxième phrase, de la Charte. Il n’en demeure pas moins que l’application, corrélative à cette interprétation, des principes encadrant les politiques et les pratiques de rémunération à des dividendes d’actions constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte. Cette réglementation est susceptible de porter atteinte à l’exercice du droit de propriété, et, en particulier, à la possibilité pour les employés actionnaires de tirer profit de cette propriété.
Toutefois, les limitations aux droits des actionnaires qui en résulteraient respectent les conditions requises par la Charte. En effet, elles sont prévues par la loi, à savoir par les directives 2009/65 et 2011/61 et la législation nationale transposant celles-ci, ne portent pas atteinte à la substance même du droit de propriété, et elles répondent à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, à savoir la protection des investisseurs et la stabilité du système financier, au regard desquels elles apparaissent proportionnées.
{1} Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO 2009, L 302, p. 32), telle que modifiée par la directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 2014 (JO 2014, L 257, p. 186).
{2} Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) no 1060/2009 et (UE) no 1095/2010 (JO 2011, L 174, p. 1).
{3} À savoir les articles 14 à 14 ter de la directive 2009/65 et l’article 13, paragraphe 1, et l’annexe II, points 1 et 2, de la directive 2011/61.
Arrêt du 1er août 2022, HOLD Alapkezelő (C-352/20) (cf. points 43-52, 54, 59-67, 83 et disp.)
221. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Surveillance prudentielle des établissements de crédit - Obligation de secret professionnel - Portée - Informations obtenues ou créées lors de la mise en œuvre de mesures d'assainissement et n'ayant pas fait l'objet de procédures d'information ou de consultation - Exclusion
À la suite de la crise financière mondiale, des dispositions législatives nationales ont autorisé la Banka Slovenije (Banque centrale de Slovénie) à supprimer certains instruments financiers lorsque leur maintien crée un risque de faillite pour un établissement de crédit et menace le système financier dans son ensemble{1}. Par la suite, une loi a institué deux régimes de responsabilité distincts et alternatifs de cette banque centrale pour des dommages causés aux anciens titulaires d’instruments financiers supprimés.
D’une part, cette responsabilité peut être engagée lorsqu’il est établi que la suppression d’un instrument financier ne constituait pas une mesure nécessaire ou que le principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus désavantagé qu’en cas de faillite a été méconnu. La Banque centrale de Slovénie peut toutefois se décharger de sa responsabilité en prouvant qu’elle ou les personnes qu’elle a habilitées à agir en son nom ont agi avec la diligence requise. D’autre part, les personnes physiques titulaires d’un instrument financier supprimé et dont les revenus annuels sont inférieurs à un certain seuil peuvent obtenir de cette banque centrale le paiement d’une indemnité sur une base forfaitaire.
La loi prévoit que les coûts découlant de l’application de ces régimes de responsabilité sont financés, tout d’abord, par le recours à des réserves spéciales auxquelles sont affectés les bénéfices réalisés par la Banque centrale de Slovénie depuis le 1er janvier 2019, puis par l’utilisation de ses réserves générales, jusqu’à 50 % de celles-ci, et, enfin, par un emprunt auprès des autorités slovènes.
La Banque centrale de Slovénie a introduit une demande de contrôle de constitutionnalité de cette loi auprès de l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie), en faisant valoir, entre autres, l’incompatibilité des régimes de responsabilité qu’elle institue avec le droit de l’Union. C’est dans ce contexte que cette juridiction a décidé d’interroger la Cour, notamment, sur la compatibilité de ces régimes avec deux principes fondamentaux encadrant l’action du Système européen de banques centrales (SEBC), à savoir l’interdiction du financement monétaire{2} et le principe d’indépendance des banques centrales{3}.
Par son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour juge que l’interdiction du financement monétaire ne s’oppose pas à un régime de responsabilité lié à la méconnaissance, par une banque centrale, de règles encadrant l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national, pour autant que cette banque centrale ne soit tenue responsable que lorsqu’elle-même ou les personnes qu’elle a habilitées à agir en son nom ont agi en méconnaissance grave de leur obligation de diligence. En revanche, cette interdiction s’oppose à un régime dans lequel la responsabilité d’une banque centrale est engagée du seul fait de la suppression d’instruments financiers. Par ailleurs, le principe d’indépendance s’oppose à un régime de responsabilité pouvant impliquer qu’une banque centrale nationale est tenue responsable pour un montant susceptible d’affecter sa capacité à remplir efficacement ses missions et qui est financé selon les modalités susmentionnées.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour examine la compatibilité de régimes de responsabilité tels que ceux visés par la demande préjudicielle avec l’interdiction du financement monétaire. À cet égard, elle constate d’emblée que la mise en œuvre de mesures d’assainissement des établissements de crédit, au sens de la directive 2001/24, ne constitue pas une mission incombant au SEBC, en général, ou aux banques centrales nationales, en particulier. Cela étant, le SEBC représente, dans le droit de l’Union, une construction juridique originale qui associe et fait coopérer étroitement des institutions nationales, à savoir les banques centrales nationales, ainsi qu’une institution de l’Union, à savoir la Banque centrale européenne. Dans ce système très intégré, où elles constituent à la fois des autorités nationales et des autorités agissant dans le cadre du SEBC, les banques centrales nationales peuvent exercer d’autres fonctions que celles qui sont spécifiées dans le protocole sur le SEBC et la BCE{4}. De telles fonctions sont toutefois exercées sous leur propre responsabilité, les modalités concrètes d’engagement de cette responsabilité étant déterminées en fonction du droit national. Partant, il incombe à l’État membre concerné de définir les conditions dans lesquelles la responsabilité de sa banque centrale peut être engagée en raison de la mise en œuvre, par celle-ci, d’une mesure d’assainissement, au sens de la directive 2001/24, dans le cas où cette banque centrale a été désignée comme étant l’autorité compétente pour mettre en œuvre une telle mesure. Cependant, dans l’exercice de cette compétence, les États membres sont tenus de respecter les obligations découlant du droit de l’Union.
À cet égard, le droit de l’Union interdit aux banques centrales nationales tout financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers. Or, il ne saurait être exclu que l’engagement de la responsabilité d’une banque centrale nationale, sur ses propres fonds, en raison de l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national puisse être regardé comme entraînant un tel financement. Toutefois, l’engagement d’une telle responsabilité ne peut être considéré comme constituant, en toutes circonstances, un tel financement.
Ainsi, l’engagement de la responsabilité d’une banque centrale nationale lorsque celle-ci a méconnu les règles encadrant l’exercice d’une fonction qui lui a été attribuée par le droit national ne saurait, en principe, être regardé comme impliquant un financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers. En effet, dans cette hypothèse, l’indemnisation de tiers lésés constitue la conséquence d’agissements de cette banque centrale et non la prise en charge d’une obligation préexistante à l’égard de tiers pesant sur les autres autorités publiques. Par ailleurs, un tel financement ne procède normalement pas directement de mesures arrêtées par ces autres autorités publiques et ne permet donc pas, en principe, à ces dernières d’engager des dépenses en se soustrayant à l’incitation au respect d’une politique budgétaire saine{5}. Cela étant, au regard du haut degré de complexité et d’urgence caractérisant la mise en œuvre de mesures d’assainissement au sens de la directive 2001/24, une telle responsabilité ne saurait être engagée sans exiger que la méconnaissance de l’obligation de diligence reprochée à la banque centrale soit grave.
En revanche, un régime de responsabilité qui s’applique du seul fait que la banque centrale nationale a exercé une fonction qui lui est attribuée par le droit national, même si elle s’est pleinement conformée aux règles s’imposant à elle, implique le financement d’une obligation du secteur public à l’égard de tiers. En effet, s’il est loisible au législateur national de garantir une indemnisation des conséquences inévitables des décisions prises par sa banque centrale en conformité avec les choix opérés par ce législateur, force est de constater qu’il institue ainsi une obligation de paiement émanant directement de ses choix politiques, et non de la manière dont la banque centrale exerce ses fonctions. Le versement, sur ses propres fonds, d’une telle indemnisation par la banque centrale doit, dès lors, être regardé comme conduisant celle-ci à assumer, à la place des autres autorités publiques, le financement d’obligations pesant sur le secteur public en application de la législation nationale, ce qui est contraire au droit de l’Union.
En second lieu, la Cour clarifie la portée du principe d’indépendance des banques centrales nationales en cas d’engagement de leur responsabilité pour un montant susceptible d’affecter leur capacité à remplir efficacement leurs missions. Certes, l’institution d’un régime de responsabilité dans le cadre de l’exercice d’une fonction qui leur a été attribuée par le droit national n’est pas, en soi, incompatible avec l’indépendance des banques centrales. Toutefois, les règles nationales mises en place à cette fin ne sauraient placer la banque centrale concernée dans une situation compromettant, d’une quelconque manière, sa capacité à s’acquitter de manière indépendante d’une mission relevant du SEBC.
Or, en vue de participer à une des missions fondamentales du SEBC, à savoir la mise en œuvre de la politique monétaire de l’Union, la constitution de réserves par les banques centrales nationales apparaît indispensable. Dans ce contexte, un prélèvement sur les réserves générales d’une banque centrale nationale, d’un montant susceptible d’affecter sa capacité à remplir efficacement ses missions au titre du SEBC, combiné à une incapacité à reconstituer ces réserves de manière autonome, en raison d’une affectation systématique de l’ensemble de ses bénéfices au remboursement du préjudice qu’elle a causé, est de nature à placer cette banque centrale dans une situation de dépendance à l’égard des autorités politiques, en violation du droit de l’Union. Il en va en particulier ainsi lorsqu’une banque centrale nationale est légalement tenue de contracter un emprunt auprès des autres autorités publiques de l’État membre dont elle relève lorsque des sources de financement liées à des réserves sont épuisées.
Une législation telle que celle en cause au principal présentant justement ces caractéristiques, elle expose potentiellement la banque centrale à des pressions politiques, alors que l’article 130 TFUE et l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE visent, au contraire, à préserver le SEBC de toutes pressions politiques afin de lui permettre de poursuivre efficacement les objectifs assignés à ses missions, grâce à l’exercice indépendant des pouvoirs spécifiques dont il dispose à cette fin en vertu du droit primaire.
{1} Il s’agit de mesures d’assainissement au sens de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15). La Cour s’est déjà prononcée à deux reprises dans un contexte relatif à ces mesures d’assainissement slovènes et leur mise en œuvre, mais sur des questions très différentes de celles en cause dans la présente affaire [arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C 526/14, EU:C:2016:570), ainsi que du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C 316/19, EU:C:2020:1030)].
{2} Énoncée à l’article 123 TFUE et à l’article 21 du protocole (no 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (ci-après le « protocole sur le SEBC et la BCE »).
{3} Découlant de l’article 130 TFUE et de l’article 7 du protocole sur le SEBC et la BCE.
{4} Conformément à l’article 14.4 du protocole sur le SEBC et la BCE.
{5} Contrairement à l’objectif de l’article 123, paragraphe 1, TFUE.
Arrêt du 13 septembre 2022, Banka Slovenije (C-45/21) (cf. points 116, 118, 122-124, disp. 4)
222. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Restrictions - Réglementation nationale subordonnant l'octroi d'une pension de préretraite sollicitée à la renonciation, par l'intéressé, à l'exercice de la profession d'avocat sur le territoire de l'État membre concerné et à l'étranger - Inadmissibilité - Justification - Absence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 septembre 2022, Rechtsanwaltskammer Wien (C-58/21) (cf. points 65-67, 69-76, disp. 2)
223. Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Prélèvement ayant pour effet de réduire la rémunération des concessionnaires chargés de la gestion des jeux pratiqués sur des appareils de jeu - Justification - Recherche de recettes fiscales - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
224. Liberté d'établissement - Restrictions - Jeux de hasard - Réduction temporaire, au cours de la durée de conventions de concession de gestion des jeux pratiqués sur des appareils de jeu, de la rémunération des concessionnaires stipulée dans lesdites conventions - Violation du principe de protection de la confiance légitime - Absence - Conditions
Voir le texte de la décision.
225. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Législation fiscale - Impôt sur les sociétés - Prise en compte des pertes définitives - État membre de résidence de la société ayant renoncé à exercer son pouvoir d'imposition sur les résultats d'un établissement stable situé dans un autre État membre en vertu d'une convention préventive de double imposition - Régime fiscal autorisant la déduction par une société résidente des pertes subies par son établissement stable situé dans l'État membre de résidence de ladite société mais l'excluant pour des pertes subies par un établissement stable situé dans un autre État membre - Admissibilité
W AG, société anonyme exploitant une banque de négociation de valeurs mobilières, a sa résidence fiscale en Allemagne. Au mois d’août 2004, W a ouvert une succursale au Royaume-Uni. Cette dernière n’ayant pas réalisé de bénéfices, W a procédé à sa fermeture au cours du premier semestre de l’année 2007, de sorte que les pertes subies par cet établissement n’ont pu être reportées au Royaume-Uni à des fins fiscales.
Le Finanzamt B (bureau des impôts B, Allemagne) a refusé de prendre ces pertes en compte pour le calcul de l’impôt dû par W en Allemagne au titre de l’année 2007. W a attaqué ce refus devant le Hessiches Finanzgericht (tribunal des finances de Hesse, Allemagne) qui, par jugement du 4 septembre 2018, a accueilli son recours.
Le bureau des impôts B a formé un pourvoi en Revision contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), la juridiction de renvoi. Cette juridiction relève que, si W est assujettie en Allemagne à l’impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle au titre de l’ensemble de ses revenus, conformément à la réglementation allemande{1}, les pertes subies par son établissement stable situé au Royaume-Uni sont exclues de la base de calcul de son impôt sur les sociétés en vertu d’une convention préventive de double imposition{2} qui exonère d’impôt sur les sociétés les résultats étrangers, ces résultats étant toutefois pris en compte aux fins de la détermination du taux d’imposition applicable. Il en va de même en ce qui concerne la taxe professionnelle. La juridiction de renvoi doute de la compatibilité de cette exclusion avec la liberté d’établissement dès lors que, contrairement aux pertes subies par un établissement stable situé dans un autre État membre, les sociétés résidentes peuvent prendre en compte les pertes subies par un établissement stable résident pour la détermination de leur revenu imposable.
Par son arrêt, la Cour estime toutefois qu’il n’en résulte aucune restriction à la liberté d’établissement, ces deux situations n’étant pas objectivement comparables.
Appréciation de la Cour
La Cour juge que les articles 49 et 54 TFUE ne s’opposent pas à un régime fiscal d’un État membre en vertu duquel une société résidente de celui-ci ne peut déduire de son bénéfice imposable les pertes définitives subies par son établissement stable situé dans un autre État membre dans le cas où l’État membre de résidence a renoncé à son pouvoir d’imposer les résultats de cet établissement stable en vertu d’une convention préventive de double imposition.
Certes, un tel régime fiscal instaure une différence de traitement entre une société résidente détenant un établissement stable situé dans un autre État membre et une société résidente détenant un établissement stable résident. Une telle différence est susceptible de dissuader une société résidente d’exercer ses activités par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans un autre État membre. Elle n’est admissible que si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnée à celle-ci.
Or, à cet égard, s’agissant des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d’atténuer la double imposition des bénéfices d’une société résidente, les sociétés qui détiennent un établissement stable situé dans un autre État membre ne se trouvent pas, en principe, dans une situation comparable à celle des sociétés possédant un établissement stable résident, sauf lorsque la législation fiscale nationale assimile elle-même ces deux catégories d’établissement aux fins de la prise en compte des pertes et des bénéfices réalisés par eux.
En revanche, lorsque, comme en l’espèce, l’État membre de résidence d’une société a renoncé, en vertu d’une convention préventive de double imposition, à exercer son pouvoir d’imposition sur les résultats de l’établissement stable non-résident de cette société, situé dans un autre État membre, la situation de la société résidente détenant un tel établissement stable n’est pas comparable à celle d’une société résidente détenant un établissement stable résident au regard des mesures prises par le premier État membre en vue de prévenir ou d’atténuer la double imposition des bénéfices et, symétriquement, la double déduction des pertes dans le chef des sociétés résidentes.
{1} Article 1er, paragraphe 1, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés), et le Gewerbesteuergesetz (loi sur la taxe professionnelle) renvoyant à la détermination des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés pour le calcul de l’assiette de la taxe professionnelle.
{2} Article XVIII, paragraphe 2, de la convention du 26 novembre 1964 entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, relative à l’élimination de la double imposition et à la prévention de l’évasion fiscale, telle que modifiée par avenant du 23 mars 1970 (BGBl. 1966 II, p. 359 ; BGBl. 1967 II, p. 828, et BGBl. 1971 II, p. 46).
226. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Intermédiation en assurance - Directive 2002/92 - Notion d'intermédiaire d'assurance - Directive 2016/97 - Notion de distributeur de produits d'assurance - Personne morale visant l'adhésion volontaire de ses clients, en contrepartie d'une rémunération, à un contrat d'assurance de groupe - Assurance de groupe préalablement souscrite auprès d'une compagnie d'assurances - Adhésion conférant le droit à des prestations d'assurance en cas de maladie ou d'accident à l'étranger - Inclusion
Voir le texte de la décision.
227. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Rémunération - Droit de l'agent à la commission pour les opérations conclues, pendant la durée du contrat d'agence, avec un tiers - Agent concerné ayant obtenu antérieurement la clientèle de ce tiers pour des opérations du même genre - Dérogation contractuelle à ce droit - Admissibilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 13 octobre 2022, Rigall Arteria Management (C-64/21) (cf. points 32-38 et disp.)
228. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Dispositions du traité - Champ d'application - Réglementation nationale imposant une obligation de documentation fiscale des relations commerciales transfrontalières entre sociétés liées - Lien d'interdépendance entre ces sociétés caractérisé par l'exercice d'une influence certaine - Inclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 13 octobre 2022, Finanzamt Bremen (C-431/21) (cf. points 25, 26)
229. Liberté d'établissement - Législation fiscale - Impôt sur les sociétés - Opérations en relation avec l'étranger - Réglementation nationale imposant une obligation de documentation fiscale des relations commerciales entre personnes présentant des liens d'interdépendance - Estimation et majoration du revenu imposable à titre de sanction en cas de violation de cette obligation - Admissibilité
Voir texte de la décision.
230. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Avantages substantiels - Notion - Indemnité d'éviction versée par le commettant à l'agent principal dans la mesure de la clientèle apportée par le sous-agent - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 octobre 2022, Herios (C-593/21) (cf. points 22-24, 26-31, 41 et disp.)
231. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Détermination du caractère équitable de l'indemnité - Circonstances à prendre en compte - Comportement de l'agent commercial - Indemnité d'éviction versée par le commettant à l'agent principal dans la mesure de la clientèle apportée par le sous-agent - Sous-agent commercial poursuivant ses activités d'agent commercial à l'égard des mêmes clients et pour les mêmes produits que l'agent principal - Activités poursuivies dans le cadre d'une relation directe avec le commettant principal, en remplacement de l'agent principal ayant précédemment engagé le sous-agent - Indemnité concernée susceptible d'être considérée comme inéquitable - Vérification par la juridiction nationale
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 octobre 2022, Herios (C-593/21) (cf. points 33-41 et disp.)
232. Liberté d'établissement - Sociétés - Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) - Directive 2009/65 - Obligations concernant l'information des investisseurs - Mise à jour des éléments essentiels du prospectus - Notion d'éléments essentiels - Informations portant sur le changement de la composition d'un organe de la société de gestion de l'OPCVM - Inclusion
Voir le texte de la décision.
233. Liberté d'établissement - Sociétés - Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) - Directive 2009/65 - Obligations concernant l'information des investisseurs - Mise à jour des éléments essentiels du prospectus - Réglementation nationale prévoyant une possibilité d'imposer à la société de gestion des OPCVM une sanction administrative à l'égard de chaque OPCVM gérée dans le cas d'un non-respect unique de cette obligation - Admissibilité - Condition
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 20 octobre 2022, INVEST FUND MANAGEMENT (C-473/20) (cf. points 55-64, disp. 2)
234. Liberté d'établissement - Restrictions - Réglementation nationale conditionnant l'octroi de subventions publiques destinées aux établissements d'enseignement privés reconnus comme écoles confessionnelles - Condition tenant à la reconnaissance, par le droit de l'État membre concerné, de l'Église ou de la société religieuse demandeuse, reconnue dans un autre État membre - Inadmissibilité - Justification - Liberté, pour les parents, de choisir l'éducation de leurs enfants en fonction de leurs convictions religieuses - Admissibilité - Condition - Respect du principe de proportionnalité
Voir texte de la décision.
235. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Demande de reconnaissance introduite dans l'État membre d'accueil - Notion de profession réglementée - Profession d'enseignant d'école maternelle - Exclusion - Justification - Réglementation nationale fixant les conditions d'accès et d'exercice de cette profession, tout en laissant aux employeurs le pouvoir discrétionnaire d'apprécier le respect de ces conditions d'aptitudes
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 2 mars 2023, A (Enseignant d’école maternelle) (C-270/21) (cf. points 42-44, 52, disp. 1)
236. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Demande de reconnaissance introduite dans l'État membre d'accueil - Droit d'accès à une profession sur la base d'un titre de formation obtenu dans un autre État membre existant non pas en tant qu'État indépendant, mais en tant que république socialiste soviétique au moment de son obtention - Assimilation à un titre délivré dans cet État après la ré-accession de celui-ci à l'indépendance - Inapplicabilité - Titre devant être considéré comme ayant été obtenu dans un État membre et non dans un pays tiers
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 2 mars 2023, A (Enseignant d’école maternelle) (C-270/21) (cf. points 61-65, disp. 2)
237. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Jeux de hasard - Prorogation de concessions déjà attribuées - Prorogation de droits issus d'une régularisation des centres de transmission de données exerçant la collecte de paris en l'absence de concession et de licence de police - Inadmissibilité - Justification - Continuité du contrôle sur le secteur afin de garantir la protection des consommateurs - Proportionnalité - Vérification par la juridiction nationale
238. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Détermination du caractère équitable de l'indemnité - Circonstances à prendre en compte - Commissions perdues par l'agent commercial - Commissions perçues en cas de poursuite hypothétique du contrat d'agence au titre des opérations éventuellement conclues après la cessation dudit contrat - Inclusion - Conditions
Voir texte de la décision.
Arrêt du 23 mars 2023, 02 Czech Republic (C-574/21) (cf. points 42-47, 49-51, 53-55, 57-60, disp. 1)
239. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Agents commerciaux indépendants - Directive 86/653 - Droit de l'agent commercial à une indemnité - Détermination du caractère équitable de l'indemnité - Circonstances à prendre en compte - Commissions perdues par l'agent commercial - Versement de commissions uniques n'excluant pas du calcul de l'indemnité les commissions perdues par cet agent
Voir texte de la décision.
Arrêt du 23 mars 2023, 02 Czech Republic (C-574/21) (cf. points 63-66, disp. 2)
240. Liberté d'établissement - Législation fiscale - Impôt sur les sociétés - Réglementation nationale établissant une exonération totale des dividendes versés par les filiales résidentes et non résidentes appartenant à un groupe fiscal intégré - Exclusion des dividendes perçus par une société résidente ayant des liens capitalistiques avec d'autres sociétés résidentes sans constitution d'un groupe fiscal intégré - Inadmissibilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 11 mai 2023, Manitou BF (C-407/22 et C-408/22) (cf. points 22, 34-37, 40-46 et disp.)
241. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale conférant à l'autorité réglementaire nationale le pouvoir d'imposer aux opérateurs de services de téléphonie une périodicité minimale pour le renouvellement des offres et une périodicité minimale pour la facturation - Admissibilité
Voir texte de la décision.
242. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Régime d'autorisation impliquant la délivrance, en sus d'une autorisation permettant de fournir des services urbains et interurbains de transport sur l'ensemble du territoire national, d'une seconde licence d'exploitation pour pouvoir fournir des services urbains de transport dans une zone métropolitaine - Justification par des raisons impérieuses d'intérêt général - Admissibilité - Conditions - Vérification par la juridiction de renvoi
Prestige and Limousine, SL (ci-après « P&L ») offre des services de location de véhicule de tourisme avec chauffeur (ci-après les « services de VTC ») dans l’agglomération de Barcelone (Espagne). P&L et quatorze autres entreprises qui fournissent les mêmes services, dont des entreprises liées à des plateformes internationales en ligne, contestent devant le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) la validité d’une réglementation de l’Área Metropolitana de Barcelona (Aire métropolitaine de Barcelone, Espagne, ci-après l’« AMB ») relative à l’organisation de tels services dans l’agglomération de Barcelone. Dans le cadre de ce litige, cette juridiction éprouve des doutes quant à la compatibilité de la réglementation en cause avec, en particulier, la liberté d’établissement.
Cette réglementation exige, d’une part, en plus de l’autorisation nationale requise pour la prestation de services de VTC urbains et interurbains en Espagne, l’obtention d’une licence supplémentaire afin d’exercer des services de VTC dans l’agglomération de Barcelone. D’autre part, elle limite le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. Selon la juridiction de renvoi, le but essentiel poursuivi par ladite réglementation était de réduire la concurrence exercée par les services de VTC sur les services de taxi.
Pour justifier les mesures en question, l’AMB invoque notamment l’objectif d’assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi. Elle indique que ces services sont considérés comme étant un « service d’intérêt général » dans la mesure où l’activité des taxis est fortement réglementée, les services de taxi étant soumis, notamment, à des quotas de licences, des tarifs réglementés, une obligation de transport universelle et une accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. L’AMB relève à cet égard que la viabilité économique de cette activité apparaît mise en danger par une concurrence croissante provenant de l’activité des services de VTC.
Par son arrêt, la Cour conclut que l’exigence d’une autorisation spécifique supplémentaire pour exercer les services de VTC dans l’agglomération de Barcelone peut, sous certaines conditions, être compatible avec l’article 49 TFUE. En revanche, cet article s’oppose à la limitation du nombre de licences des services de VTC, dès lors que cette mesure semble aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public de cette agglomération ainsi que de protection de l’environnement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour rejette les arguments avancés par les parties au litige au principal au soutien de la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon la Cour, la circonstance que les réponses à apporter aux questions préjudicielles découlent clairement de sa jurisprudence n’a pas pour effet de rendre une telle demande irrecevable, mais lui permet d’y répondre, le cas échéant, par voie d’ordonnance{1}. En outre, la circonstance qu’une juridiction suprême nationale a déjà examiné, dans le cadre d’un litige présentant des similitudes avec celui en cause au principal, la pertinence potentielle des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi n’est pas de nature à rendre irrecevable un renvoi préjudiciel visant à ce que la Cour se prononce sur l’interprétation de ces dispositions, conformément à l’article 267 TFUE.
Dans un second temps, après avoir conclu que les deux mesures prévues par la réglementation en cause n’apparaissent pas conférer des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux entreprises fournissant des services de taxi, la Cour examine la compatibilité de ces mesures avec l’article 49 TFUE. À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, qu’elles limitent effectivement l’accès au marché pour tout nouvel arrivant, restreignant le nombre de prestataires de services de VTC établis dans l’AMB, et doivent dès lors être qualifiées de restrictions à la liberté d’établissement garantie par cette dernière disposition.
Ensuite, quant à l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions, la Cour considère que l’objectif de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public d’une agglomération ainsi que celui de protection de l’environnement dans une telle agglomération peuvent constituer de telles raisons. Toutefois, tel n’est pas le cas s’agissant de l’objectif visant à assurer la viabilité économique des services de taxi, étant donné que la préservation d’un équilibre entre les deux modes de transports urbains en cause relève de considérations de nature purement économique. La circonstance que les services de taxi soient qualifiés, dans le droit espagnol, de « service d’intérêt général » n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, si les caractéristiques avancées par l’AMB font certes apparaître que la réglementation des services de taxi vise notamment à assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi, au bénéfice des usagers, il apparaît, en revanche, que les mesures en cause au principal ne poursuivent pas, par elles-mêmes, ces objectifs. La Cour constate également qu’il n’apparaît pas qu’une mission particulière de service public, susceptible de relever, le cas échéant, de la notion de service d’intérêt économique général (SIEG) au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ait été confiée aux prestataires de services de taxi.
Enfin, la Cour analyse la proportionnalité, d’une part, de l’exigence d’une autorisation supplémentaire et, d’autre part, de la limitation des licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi. Elle conclut que cette première mesure apparaît apte à atteindre les objectifs évoqués et peut être considérée comme nécessaire pour les atteindre. Compte tenu de la nature du service en cause ainsi que de l’impossibilité de distinguer entre les voitures utilisées pour fournir les services de VTC et celles utilisées à titre privé sur un vaste territoire urbain, il peut être considéré qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci. L’exigence d’une autorisation supplémentaire peut ainsi être justifiée, à condition, toutefois, que cette autorisation soit fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui excluent tout arbitraire et qui ne font pas double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre de la procédure d’autorisation nationale, mais qui répondent à des besoins particuliers de l’agglomération concernée. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites en l’espèce.
En revanche, la deuxième mesure n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs de la bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public. En effet, tout d’abord, n’ont pas été infirmés devant la Cour les arguments avancés en faveur des services de VTC qui tendent à démontrer que ces services peuvent en réalité favoriser la réalisation desdits objectifs, notamment par le biais de la réduction de l’utilisation de la voiture privée, par la contribution de ces services à l’objectif d’une mobilité efficace et inclusive, grâce à leur niveau de numérisation ainsi qu’à leur flexibilité dans la prestation de services, et par l’utilisation de véhicules à énergies alternatives, encouragée par la réglementation étatique relative aux services de VTC.
Ensuite, il ne saurait être exclu qu’un impact éventuel de la flotte des VTC sur le transport, le trafic et l’espace public dans l’agglomération de Barcelone puisse être adéquatement limité par des mesures moins contraignantes qu’une limitation des licences. Ainsi, la Cour se réfère, à titre d’exemples, à des mesures d’organisation des services de VTC, des limitations de ces services lors de certaines plages horaires ou encore des restrictions de circulation dans certains espaces. La Cour ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’objectif de protection de l’environnement dans l’agglomération de Barcelone puisse être atteint par des mesures moins attentatoires à la liberté d’établissement, telles que des limites d’émission applicables aux véhicules circulant dans cette agglomération.
{1} Voir article 99 du règlement de procédure de la Cour.
243. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Limitation du nombre de licences de services de location de voitures de tourisme avec chauffeur dans une zone métropolitaine à un trentième des licences de services de taxi - Justification par des raisons impérieuses d'intérêt général - Inadmissibilité - Principe de proportionnalité - Violation
Prestige and Limousine, SL (ci-après « P&L ») offre des services de location de véhicule de tourisme avec chauffeur (ci-après les « services de VTC ») dans l’agglomération de Barcelone (Espagne). P&L et quatorze autres entreprises qui fournissent les mêmes services, dont des entreprises liées à des plateformes internationales en ligne, contestent devant le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) la validité d’une réglementation de l’Área Metropolitana de Barcelona (Aire métropolitaine de Barcelone, Espagne, ci-après l’« AMB ») relative à l’organisation de tels services dans l’agglomération de Barcelone. Dans le cadre de ce litige, cette juridiction éprouve des doutes quant à la compatibilité de la réglementation en cause avec, en particulier, la liberté d’établissement.
Cette réglementation exige, d’une part, en plus de l’autorisation nationale requise pour la prestation de services de VTC urbains et interurbains en Espagne, l’obtention d’une licence supplémentaire afin d’exercer des services de VTC dans l’agglomération de Barcelone. D’autre part, elle limite le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. Selon la juridiction de renvoi, le but essentiel poursuivi par ladite réglementation était de réduire la concurrence exercée par les services de VTC sur les services de taxi.
Pour justifier les mesures en question, l’AMB invoque notamment l’objectif d’assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi. Elle indique que ces services sont considérés comme étant un « service d’intérêt général » dans la mesure où l’activité des taxis est fortement réglementée, les services de taxi étant soumis, notamment, à des quotas de licences, des tarifs réglementés, une obligation de transport universelle et une accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. L’AMB relève à cet égard que la viabilité économique de cette activité apparaît mise en danger par une concurrence croissante provenant de l’activité des services de VTC.
Par son arrêt, la Cour conclut que l’exigence d’une autorisation spécifique supplémentaire pour exercer les services de VTC dans l’agglomération de Barcelone peut, sous certaines conditions, être compatible avec l’article 49 TFUE. En revanche, cet article s’oppose à la limitation du nombre de licences des services de VTC, dès lors que cette mesure semble aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public de cette agglomération ainsi que de protection de l’environnement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour rejette les arguments avancés par les parties au litige au principal au soutien de la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon la Cour, la circonstance que les réponses à apporter aux questions préjudicielles découlent clairement de sa jurisprudence n’a pas pour effet de rendre une telle demande irrecevable, mais lui permet d’y répondre, le cas échéant, par voie d’ordonnance{1}. En outre, la circonstance qu’une juridiction suprême nationale a déjà examiné, dans le cadre d’un litige présentant des similitudes avec celui en cause au principal, la pertinence potentielle des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi n’est pas de nature à rendre irrecevable un renvoi préjudiciel visant à ce que la Cour se prononce sur l’interprétation de ces dispositions, conformément à l’article 267 TFUE.
Dans un second temps, après avoir conclu que les deux mesures prévues par la réglementation en cause n’apparaissent pas conférer des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux entreprises fournissant des services de taxi, la Cour examine la compatibilité de ces mesures avec l’article 49 TFUE. À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, qu’elles limitent effectivement l’accès au marché pour tout nouvel arrivant, restreignant le nombre de prestataires de services de VTC établis dans l’AMB, et doivent dès lors être qualifiées de restrictions à la liberté d’établissement garantie par cette dernière disposition.
Ensuite, quant à l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions, la Cour considère que l’objectif de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public d’une agglomération ainsi que celui de protection de l’environnement dans une telle agglomération peuvent constituer de telles raisons. Toutefois, tel n’est pas le cas s’agissant de l’objectif visant à assurer la viabilité économique des services de taxi, étant donné que la préservation d’un équilibre entre les deux modes de transports urbains en cause relève de considérations de nature purement économique. La circonstance que les services de taxi soient qualifiés, dans le droit espagnol, de « service d’intérêt général » n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, si les caractéristiques avancées par l’AMB font certes apparaître que la réglementation des services de taxi vise notamment à assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi, au bénéfice des usagers, il apparaît, en revanche, que les mesures en cause au principal ne poursuivent pas, par elles-mêmes, ces objectifs. La Cour constate également qu’il n’apparaît pas qu’une mission particulière de service public, susceptible de relever, le cas échéant, de la notion de service d’intérêt économique général (SIEG) au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ait été confiée aux prestataires de services de taxi.
Enfin, la Cour analyse la proportionnalité, d’une part, de l’exigence d’une autorisation supplémentaire et, d’autre part, de la limitation des licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi. Elle conclut que cette première mesure apparaît apte à atteindre les objectifs évoqués et peut être considérée comme nécessaire pour les atteindre. Compte tenu de la nature du service en cause ainsi que de l’impossibilité de distinguer entre les voitures utilisées pour fournir les services de VTC et celles utilisées à titre privé sur un vaste territoire urbain, il peut être considéré qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci. L’exigence d’une autorisation supplémentaire peut ainsi être justifiée, à condition, toutefois, que cette autorisation soit fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui excluent tout arbitraire et qui ne font pas double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre de la procédure d’autorisation nationale, mais qui répondent à des besoins particuliers de l’agglomération concernée. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites en l’espèce.
En revanche, la deuxième mesure n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs de la bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public. En effet, tout d’abord, n’ont pas été infirmés devant la Cour les arguments avancés en faveur des services de VTC qui tendent à démontrer que ces services peuvent en réalité favoriser la réalisation desdits objectifs, notamment par le biais de la réduction de l’utilisation de la voiture privée, par la contribution de ces services à l’objectif d’une mobilité efficace et inclusive, grâce à leur niveau de numérisation ainsi qu’à leur flexibilité dans la prestation de services, et par l’utilisation de véhicules à énergies alternatives, encouragée par la réglementation étatique relative aux services de VTC.
Ensuite, il ne saurait être exclu qu’un impact éventuel de la flotte des VTC sur le transport, le trafic et l’espace public dans l’agglomération de Barcelone puisse être adéquatement limité par des mesures moins contraignantes qu’une limitation des licences. Ainsi, la Cour se réfère, à titre d’exemples, à des mesures d’organisation des services de VTC, des limitations de ces services lors de certaines plages horaires ou encore des restrictions de circulation dans certains espaces. La Cour ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’objectif de protection de l’environnement dans l’agglomération de Barcelone puisse être atteint par des mesures moins attentatoires à la liberté d’établissement, telles que des limites d’émission applicables aux véhicules circulant dans cette agglomération.
{1} Voir article 99 du règlement de procédure de la Cour.
244. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Réglementations nationale et locale dans le domaine des services de taxi et de location de voitures avec chauffeur - Services d'intérêt économique général - Détermination - Pouvoir d'appréciation des États membres - Portée - Conditions - Circonstances insuffisantes pour constater l'existence d'un service d'intérêt économique général
Prestige and Limousine, SL (ci-après « P&L ») offre des services de location de véhicule de tourisme avec chauffeur (ci-après les « services de VTC ») dans l’agglomération de Barcelone (Espagne). P&L et quatorze autres entreprises qui fournissent les mêmes services, dont des entreprises liées à des plateformes internationales en ligne, contestent devant le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) la validité d’une réglementation de l’Área Metropolitana de Barcelona (Aire métropolitaine de Barcelone, Espagne, ci-après l’« AMB ») relative à l’organisation de tels services dans l’agglomération de Barcelone. Dans le cadre de ce litige, cette juridiction éprouve des doutes quant à la compatibilité de la réglementation en cause avec, en particulier, la liberté d’établissement.
Cette réglementation exige, d’une part, en plus de l’autorisation nationale requise pour la prestation de services de VTC urbains et interurbains en Espagne, l’obtention d’une licence supplémentaire afin d’exercer des services de VTC dans l’agglomération de Barcelone. D’autre part, elle limite le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. Selon la juridiction de renvoi, le but essentiel poursuivi par ladite réglementation était de réduire la concurrence exercée par les services de VTC sur les services de taxi.
Pour justifier les mesures en question, l’AMB invoque notamment l’objectif d’assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi. Elle indique que ces services sont considérés comme étant un « service d’intérêt général » dans la mesure où l’activité des taxis est fortement réglementée, les services de taxi étant soumis, notamment, à des quotas de licences, des tarifs réglementés, une obligation de transport universelle et une accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. L’AMB relève à cet égard que la viabilité économique de cette activité apparaît mise en danger par une concurrence croissante provenant de l’activité des services de VTC.
Par son arrêt, la Cour conclut que l’exigence d’une autorisation spécifique supplémentaire pour exercer les services de VTC dans l’agglomération de Barcelone peut, sous certaines conditions, être compatible avec l’article 49 TFUE. En revanche, cet article s’oppose à la limitation du nombre de licences des services de VTC, dès lors que cette mesure semble aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public de cette agglomération ainsi que de protection de l’environnement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour rejette les arguments avancés par les parties au litige au principal au soutien de la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon la Cour, la circonstance que les réponses à apporter aux questions préjudicielles découlent clairement de sa jurisprudence n’a pas pour effet de rendre une telle demande irrecevable, mais lui permet d’y répondre, le cas échéant, par voie d’ordonnance{1}. En outre, la circonstance qu’une juridiction suprême nationale a déjà examiné, dans le cadre d’un litige présentant des similitudes avec celui en cause au principal, la pertinence potentielle des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi n’est pas de nature à rendre irrecevable un renvoi préjudiciel visant à ce que la Cour se prononce sur l’interprétation de ces dispositions, conformément à l’article 267 TFUE.
Dans un second temps, après avoir conclu que les deux mesures prévues par la réglementation en cause n’apparaissent pas conférer des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux entreprises fournissant des services de taxi, la Cour examine la compatibilité de ces mesures avec l’article 49 TFUE. À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, qu’elles limitent effectivement l’accès au marché pour tout nouvel arrivant, restreignant le nombre de prestataires de services de VTC établis dans l’AMB, et doivent dès lors être qualifiées de restrictions à la liberté d’établissement garantie par cette dernière disposition.
Ensuite, quant à l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions, la Cour considère que l’objectif de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public d’une agglomération ainsi que celui de protection de l’environnement dans une telle agglomération peuvent constituer de telles raisons. Toutefois, tel n’est pas le cas s’agissant de l’objectif visant à assurer la viabilité économique des services de taxi, étant donné que la préservation d’un équilibre entre les deux modes de transports urbains en cause relève de considérations de nature purement économique. La circonstance que les services de taxi soient qualifiés, dans le droit espagnol, de « service d’intérêt général » n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, si les caractéristiques avancées par l’AMB font certes apparaître que la réglementation des services de taxi vise notamment à assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi, au bénéfice des usagers, il apparaît, en revanche, que les mesures en cause au principal ne poursuivent pas, par elles-mêmes, ces objectifs. La Cour constate également qu’il n’apparaît pas qu’une mission particulière de service public, susceptible de relever, le cas échéant, de la notion de service d’intérêt économique général (SIEG) au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ait été confiée aux prestataires de services de taxi.
Enfin, la Cour analyse la proportionnalité, d’une part, de l’exigence d’une autorisation supplémentaire et, d’autre part, de la limitation des licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi. Elle conclut que cette première mesure apparaît apte à atteindre les objectifs évoqués et peut être considérée comme nécessaire pour les atteindre. Compte tenu de la nature du service en cause ainsi que de l’impossibilité de distinguer entre les voitures utilisées pour fournir les services de VTC et celles utilisées à titre privé sur un vaste territoire urbain, il peut être considéré qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci. L’exigence d’une autorisation supplémentaire peut ainsi être justifiée, à condition, toutefois, que cette autorisation soit fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui excluent tout arbitraire et qui ne font pas double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre de la procédure d’autorisation nationale, mais qui répondent à des besoins particuliers de l’agglomération concernée. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites en l’espèce.
En revanche, la deuxième mesure n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs de la bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public. En effet, tout d’abord, n’ont pas été infirmés devant la Cour les arguments avancés en faveur des services de VTC qui tendent à démontrer que ces services peuvent en réalité favoriser la réalisation desdits objectifs, notamment par le biais de la réduction de l’utilisation de la voiture privée, par la contribution de ces services à l’objectif d’une mobilité efficace et inclusive, grâce à leur niveau de numérisation ainsi qu’à leur flexibilité dans la prestation de services, et par l’utilisation de véhicules à énergies alternatives, encouragée par la réglementation étatique relative aux services de VTC.
Ensuite, il ne saurait être exclu qu’un impact éventuel de la flotte des VTC sur le transport, le trafic et l’espace public dans l’agglomération de Barcelone puisse être adéquatement limité par des mesures moins contraignantes qu’une limitation des licences. Ainsi, la Cour se réfère, à titre d’exemples, à des mesures d’organisation des services de VTC, des limitations de ces services lors de certaines plages horaires ou encore des restrictions de circulation dans certains espaces. La Cour ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’objectif de protection de l’environnement dans l’agglomération de Barcelone puisse être atteint par des mesures moins attentatoires à la liberté d’établissement, telles que des limites d’émission applicables aux véhicules circulant dans cette agglomération.
{1} Voir article 99 du règlement de procédure de la Cour.
Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C-50/21) (cf. points 75-80)
245. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Exclusion de classes spécifiques de créances de la remise de dettes - Faculté des États membres d'exclure d'autres classes spécifiques de créances - Admissibilité - Condition - Justification en vertu du droit national
Voir texte de la décision.
Arrêt du 8 mai 2024, Instituto da Segurança Social e.a. (C-20/23) (cf. points 31-39, disp. 1)
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 58, 59, disp. 4)
246. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Obligations des États membres pendant le délai de transposition - Interprétation d'une réglementation nationale comme ne justifiant pas l'exclusion d'une classe de créances de la remise de dettes - Risque de compromettre, après l'expiration de ce délai, la réalisation de l'objectif poursuivi par cette directive - Absence
Voir texte de la décision.
247. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Systèmes de garantie des dépôts - Directive 2014/49 - Contributions d'un établissement de crédit au système de garantie des dépôts (SGD) - Transfert des activités d'un tel établissement du SGD d'un État membre au SGD d'un autre État membre - Obligation de transfert au SGD de l'État membre d'accueil des contributions versées au SGD de l'État membre d'origine au cours des douze mois précédant le transfert des activités de cet établissement - Refus du SGD de l'État membre d'origine de transférer les contributions versées se rapportant à cette période - Manquement
Voir texte de la décision.
248. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Champ d'application - Décision de remise de dettes adoptée après l'expiration du délai de transposition de la directive - Inclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 8 mai 2024, Instituto da Segurança Social e.a. (C-20/23) (cf. points 26-29)
249. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Exclusion de classes spécifiques de créances de la remise de dettes - Faculté des États membres d'exclure d'autres classes spécifiques de créances - Exclusion des créances fiscales et de sécurité sociale - Admissibilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 8 mai 2024, Instituto da Segurança Social e.a. (C-20/23) (cf. points 41-45, disp. 2)
250. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2014/65 - Exemptions optionnelles - Intermédiaire d'investissement - Réglementation d'un État membre interdisant à un intermédiaire exempté de transmettre des ordres de clients à une entreprise d'investissement agréée établie dans un autre État membre - Inadmissibilité
Saisie à titre préjudiciel par le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague, République tchèque) dans le cadre d’un litige relatif à la libre prestation de services d’un intermédiaire sur les marchés d’instruments financiers, la Cour confirme la possibilité pour un intermédiaire auquel ne s’applique pas la directive 2014/65{1} de transmettre des ordres de bourse à une entreprise d’investissement établie dans un État membre autre que celui de son lieu d’origine.
Fondee a.s. exerce, en République tchèque, l’activité d’intermédiaire d’investissement. En tant que tel, et en application de la faculté exercée par la République tchèque prévue par l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2014/65, Fondee est exemptée de l’application de cette directive, et ne bénéficie donc pas de la liberté de fournir des services d’investissement conformément au paragraphe 3 de ce même article.
Dans le cadre de son activité, Fondee a transmis, entre le 7 octobre et le 27 décembre 2019, 407 ordres d’achat de parts de fonds cotés, reçus de ses clients, à un courtier en valeurs mobilières établi aux Pays Bas.
Cependant, la législation nationale interdit à des intermédiaires d’investissement de transmettre des ordres à des entreprises d’investissement établies dans les autres États membres.
Par conséquent, la Banque nationale tchèque a infligé une amende à Fondee en raison de l’exercice de ses activités pendant la période en cause.
Après un recours infructueux devant le Conseil bancaire de la Banque nationale tchèque, Fondee a saisi la cour municipale de Prague, la juridiction de renvoi, de la question de savoir, en substance, si les intermédiaires d’investissement ont la possibilité d’invoquer le droit à la libre prestation de services en se fondant sur l’article 56 TFUE, afin de pouvoir transmettre les ordres d’un client à un courtier en valeurs mobilières étranger.
Appréciation de la Cour
Dans la mesure où la directive 2014/65 a procédé à une harmonisation complète des réglementations nationales relatives, notamment, à la réception et à la transmission transfrontalières d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers, la Cour décide, conformément à sa jurisprudence{2}, d’examiner les questions préjudicielles sur la seule base des dispositions de cette directive.
Par conséquent, la Cour considère que lui est posée la question de savoir, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, sous c), point i), de la directive 2014/65 doit être interprété en ce sens que les personnes qu’un État membre a exemptées de l’application de cette directive sont autorisées à transmettre pour exécution les ordres reçus de clients résidant ou établis dans cet État membre à des entreprises d’investissement agréées établies dans un autre État membre et, partant, si ladite disposition s’oppose à une réglementation nationale interdisant une telle transmission.
La Cour répond par l’affirmative à cette question.
Pour en arriver à cette conclusion, la Cour relève que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2014/65 autorise les États membres à ne pas appliquer cette directive aux personnes dont ils sont l’État membre d’origine, sous réserve du respect de certaines conditions. Parmi ces conditions, l’article 3, paragraphe 1, sous c), point i), de cette directive prévoit explicitement que ces personnes sont autorisées à transmettre les ordres qu’elles reçoivent à des entreprises d’investissement agréées.
Or, cet article vise la transmission des ordres à toute entreprise d’investissement agréée et non pas seulement à celles établies et agréées dans l’État membre d’origine de la personne exemptée de l’application de cette directive.
{1} Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO 2014, L 173, p. 349).
{2} Arrêt du 20 avril 2023, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Commune de Ginosa) (C 348/22, EU:C:2023:301, point 36 et jurisprudence citée).
Arrêt du 16 mai 2024, Fondee (C-695/22) (cf. points 31, 32 et disp.)
251. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 78/660 - Comptes annuels de certaines formes de sociétés - Champ d'application - Personnes physiques - Exclusion - Mesures de coordination prévues par la directive 78/660 - Obligations incombant aux formes de sociétés énumérées à la directive - Établissement de règles relatives à l'impôt sur le revenu des personnes physiques - Établissement de dispositions relatives au contrôle et à la sanction des infractions à ces règles - Pouvoir de légiférer relevant de la seule compétence des États membres
Ordonnance du 27 juin 2024, Pinta (C-225/23) (cf. points 35, 36, 38, 39, 42 et disp.)
252. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Titulaires d'une licence en génie civil délivrée par un État membre souhaitant exercer la profession d'architecte dans un autre État membre - Inclusion - Possibilité d'application autonome des dispositions du traité FUE - Conditions
253. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Obligation de reconnaître des qualifications professionnelles ou d'éliminer des obstacles à une telle reconnaissance - Absence - Obligation des États membres de vérifier l'existence d'exigences prévues par le droit national limitant l'accès à une profession ou son exercice - Portée
Arrêt du 29 juillet 2024, Commission / Portugal (Ingénieurs civils) (C-768/22) (cf. points 164-169)
254. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Accès à la profession d'architecte - Titulaires d'une licence en génie civil obtenue dans le même État membre - Exclusion - Violation des droits acquis - Absence
255. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 2011/61 - Gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (FIA) - Conditions d'exercice - Obligations relatives aux politiques et pratiques de rémunération d'un gestionnaire de FIA - Champ d'application ratione temporis - Dispositions transitoires - Date d'application de ces obligations pour les gestionnaires exerçant des activités avant le 22 juillet 2013 - Date d'obtention de l'agrément - Conditions
Voir texte de la décision.
256. Liberté d'établissement - Sociétés - Directive 2011/61 - Gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (FIA) - Conditions d'exercice - Obligations relatives aux politiques et pratiques de rémunération d'un gestionnaire de FIA - Champ d'application ratione temporis - Période transitoire - Obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter la législation nationale découlant de cette directive - Portée - Abstention de prendre des mesures de nature à compromettre sérieusement la réalisation de l'objectif de cette directive - Inclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 29 juillet 2024, Twenty First Capital (C-174/23) (cf. points 65, 67, disp. 2)
257. Droit de l'Union européenne - Principes - Protection de la confiance légitime - Conditions - Assurances précises fournies par l'administration - Invocation par un particulier à l'encontre d'une banque-relais créée dans le cadre de mesures d'assainissement d'un établissement de crédit - Inadmissibilité - Établissement concerné ayant été contrôlé temporairement par une autorité publique - Absence d'incidence
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour Suprême, Espagne) dans trois affaires distinctes, la Cour se prononce sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2001/24 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs{2}, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Novo Banco SA - Sucursal en España (ci-après « Novo Banco ») à plusieurs de ses clients au sujet de l’incidence, sur différents contrats de produits et de services financiers, des mesures d’assainissement prises, en 2014 et 2015, par Banco de Portugal (Banque du Portugal) à l’égard de Banco Espíritu Santo SA (BES), un établissement de crédit portugais, et de sa succursale espagnole (ci-après « BES Espagne »), à laquelle Novo Banco a succédé en tant que banque-relais et à laquelle ont été transférés certains éléments d’actif, de passif et extrapatrimoniaux de BES.
Dans l’affaire C 498/22, le requérant a demandé que soit constatée la nullité d’une clause dite « clause "plancher" », contenue dans un contrat de prêt avec garantie hypothécaire initialement conclu avec BES Espagne puis transféré à Novo Banco à la suite des mesures d’assainissement, estimant que cette clause présentait un caractère abusif, ainsi qu’un remboursement des sommes indûment versées en application de ladite clause. Dans l’affaire C 499/22, les requérants ont demandé l’annulation de leurs contrats financiers, la restitution des sommes reçues par chaque partie et l’indemnisation des pertes subies du fait de l’acquisition de ces produits financiers, en raison d’une erreur dans le consentement liée à la communication d’informations défectueuses par BES Espagne. Novo Banco a cependant contesté la transmission de tous les éléments de passif de BES Espagne et notamment des créances et indemnisations liées à l’annulation demandée de certaines clauses de contrats conclus par cette dernière. Dans l’affaire C 500/22, le requérant a, lui, réclamé à Novo Banco, outre la restitution de la valeur nominale d’une obligation prioritaire arrivée à échéance, le paiement des rendements de cette obligation achetée à BES, qui avait été transférée à Novo Banco du fait des mesures d’assainissement prises en 2014. Novo Banco considérait cependant qu’en 2015, Banque du Portugal avait « retransféré » à BES les éléments de passif liés à la même obligation et était donc fondée à refuser ce paiement.
Relevant que les mesures d’assainissement prises à l’égard de BES relèvent du droit de l’Union et que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue à l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24, alors qu’elles sont susceptibles d’affecter les tiers et notamment de les empêcher d’introduire un recours contre ces mesures, la juridiction de renvoi s’interroge tout d’abord sur la compatibilité de l’obligation de reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets de ces mesures d’assainissement avec le principe de protection juridictionnelle effective, le principe d’égalité et d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, le principe de sécurité juridique ainsi que le principe de protection de la confiance légitime. Elle s’interroge ensuite sur la question de savoir si la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des clients de Novo Banco. Elle se demande enfin, dans l’affaire C-498/22, si la « fragmentation » de la relation contractuelle liant le consommateur à Novo Banco et résultant des mesures d’assainissement en cause ne revient pas à faire supporter à ce consommateur les conséquences pécuniaires de la clause « plancher », judiciairement déclarée abusive, en violation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Partant, elle a décidé de saisir la Cour de plusieurs questions préjudicielles
Appréciation de la Cour
En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si le droit de l’Union{3} s’oppose, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, la Cour rappelle, tout d’abord, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les mesures d’assainissement sont en principe appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État membre dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Cette directive est ainsi fondée sur les principes d’unité et d’universalité et pose comme principe la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de leurs effets. S’agissant de l’obligation de publication des mesures d’assainissement{4}, celle-ci est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives. D’une part, ces mesures doivent être susceptibles d’affecter les droits de tiers dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, il doit exister un recours dans l’État membre d’origine contre la décision ordonnant lesdites mesures{5}.
La Cour estime que l’objet de l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24 est de régler l’information des créanciers de l’établissement de crédit concerné par les mesures d’assainissement, afin de leur permettre d’exercer, dans l’État membre d’origine, leur droit de recours contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement de cet établissement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre créanciers{6}. Les mesures d’assainissement s’appliquant indépendamment des mesures de publication prévues par l’article 6{7}, le défaut de publication des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine n’a pas pour effet de remettre en cause les principes d’unité et d’universalité ainsi que de reconnaissance mutuelle des effets de ces mesures dans l’État membre d’accueil. Un tel défaut de publication n’entraîne donc ni l’invalidation de ces mesures ni l’inopposabilité de leurs effets dans l’État membre d’accueil.
Cependant, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, dans le respect du principe d’équivalence, du principe d’effectivité et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte
La publication prévue à l’article 6 de la directive 2001/24 a pour objectif d’assurer, dans l’État membre d’origine, la protection du droit de recours des intéressés contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement d’un établissement de crédit, dont notamment celui des créanciers de cet établissement établis dans l’État membre d’accueil. Ainsi, lorsque les mesures d’assainissement n’ont pas été publiées conformément aux exigences prévues par cette disposition, le droit de l’État membre d’origine doit permettre aux personnes dont les droits garantis par le droit de l’Union sont affectés par de telles mesures et qui résident dans l’État membre d’accueil d’introduire un recours contre ces mesures dans un délai raisonnable à partir du moment où ces personnes se sont vu notifier lesdites mesures, en ont pris connaissance ou auraient raisonnablement dû en avoir connaissance.
S’agissant du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, garanti à l’article 21, paragraphe 2, de la Charte, la Cour constate qu’il n’est ni allégué ni démontré que la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement dans l’État membre d’accueil, telle qu’elle s’impose en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, s’appliquerait de façon différente en fonction de la nationalité du justiciable. Enfin, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, elle rappelle que celui-ci exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, notamment lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables.
En l’occurrence, selon les dispositions de la directive 2001/24, l’État membre d’accueil doit assurer la reconnaissance sur son territoire des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine, nonobstant la circonstance que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue par cette directive. Ces mesures ayant fait l’objet de différentes mesures de publicité au moment où les clients de Novo Banco ont introduit leurs recours respectifs devant les juridictions espagnoles, ceux-ci disposaient de l’ensemble des éléments nécessaires pour prendre, en pleine connaissance de cause, une décision quant à l’introduction de ces recours ainsi que pour identifier avec certitude l’entité contre laquelle ces derniers devaient être dirigés.
Ainsi, le droit de l’Union{8} ne s’oppose pas, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais.
La Cour examine, en deuxième lieu, la question de savoir si le droit de l’Union{9} s’oppose à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets d’une mesure d’assainissement prise dans l’État membre d’origine à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, contrôlée par une autorité publique appliquant le droit de l’Union, lorsque les clients de cette banque-relais prétendent avoir placé leur confiance légitime dans le fait que ladite banque-relais avait ultérieurement également assumé le passif correspondant à l’ensemble des obligations et responsabilités de cet établissement de crédit à l’égard de ces clients{10}.
À cet égard, la Cour relève que, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrivant parmi les principes fondamentaux de l’Union qui doivent être respectés par les institutions de l’Union et les États membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union, le droit de se prévaloir de ce principe s’étend dès lors à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Cependant, le droit, pour un justiciable, de se prévaloir de ce principe ne s’étend, en droit de l’Union, qu’à l’égard d’assurances précises qui lui auraient été fournies par une autorité publique.
En l’occurrence, Novo Banco a été créée sous la forme d’un établissement de crédit de droit privé opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers et dépourvue de tout pouvoir exorbitant du droit commun en vue de l’accomplissement d’une mission de service public. La Cour conclut qu’elle ne saurait, dès lors, être considérée comme une autorité administrative mettant en œuvre le droit de l’Union, de sorte que le justiciable ne peut pas invoquer, en l’espèce, le principe de protection de la confiance légitime.
Par conséquent, des particuliers ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime à l’égard d’une banque-relais, organisme de droit privé dépourvu de toute prérogative exorbitante du droit commun, créé dans le cadre de mesures d’assainissement d’un établissement de crédit dont ils étaient initialement les clients dans le but d’engager la responsabilité de cette banque-relais au titre des obligations précontractuelles et contractuelles liées aux contrats précédemment conclus avec cet établissement de crédit{11}. La simple circonstance que cet établissement de crédit ait été contrôlé temporairement par une autorité publique, en vue de sa privatisation, ne saurait faire du même établissement de crédit opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers une autorité administrative nationale.
La Cour répond, en troisième et dernier lieu, à la question de savoir si l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique s’opposent à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, prévoyant la création d’une banque-relais et le maintien au passif de la banque ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle{12}. En outre, la juridiction de renvoi s’interrogeait également sur la compatibilité d’une telle reconnaissance avec l’article 38 de la Charte{13} ainsi qu’avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13{14}.
S’agissant du droit de propriété reconnu à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, la Cour précise, d’une part, que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire. Des actions ou des obligations négociables sur les marchés de capitaux sont susceptibles de constituer de tels droits pouvant bénéficier de la protection garantie à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. À cet égard, la créance et l’obligation en cause dans les affaires C 498/22 et C 500/22 revêtent une valeur patrimoniale permettant à leurs détenteurs de prétendre avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété, de sorte qu’ils peuvent bénéficier de la protection garantie par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Pour ce qui est de la créance en cause dans l’affaire C 499/22, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si cette créance satisfait aux conditions précitées, en particulier, si la jurisprudence nationale consacrant, à l’égard d’un établissement de crédit, une obligation d’information précontractuelle est suffisamment établie pour que la personne invoquant la violation d’une telle obligation puisse avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective de cette créance
La Cour rappelle, d’autre part, que, selon sa propre jurisprudence, l’adoption par l’État membre d’origine de mesures d’assainissement, qui prévoient notamment le transfert d’éléments d’actif d’un établissement de crédit à une banque-relais, constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, susceptible de porter atteinte au droit de propriété des créanciers de cet établissement de crédit, tels que les détenteurs d’obligations, dont les créances n’ont pas été transférées à cette banque-relais. Ainsi, la Cour vérifie si, au regard des conditions énoncées par cette disposition, lue conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les effets, dans l’État membre d’accueil, des mesures d’assainissement en vertu desquels les créances en cause sont affectées au passif de BES Espagne sont prévus par la loi, respectent le contenu essentiel du droit de propriété et sont proportionnés, eu égard, notamment, à l’objectif d’intérêt général auquel répondent les mesures d’assainissement et la reconnaissance de leurs effets, également poursuivi par l’Union, à savoir celui d’assurer la stabilité du système bancaire, en particulier de la zone euro, et d’éviter un risque systémique.
S’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, la Cour confirme que les mesures d’assainissement en cause relèvent de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24. La Cour constate également que les créanciers dans les affaires au principal étaient en mesure de s’attendre à ce que certaines responsabilités, telles que celles résultant du caractère défectueux de l’information précontractuelle donnée par BES Espagne, en cause dans l’affaire C 499/22, ou certains aléas, tels que ceux faisant l’objet des litiges dans les affaires C 498/22 et C 500/22, ne soient pas transférés à la banque-relais concernée{15}.
S’agissant, enfin, de la conformité de ces mesures au droit des consommateurs de bénéficier d’un niveau élevé de protection, tel qu’il est garanti par l’article 38 de la Charte et la directive 93/13, la Cour rappelle que, compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et les consommateurs. Pour ce faire, les juridictions nationales doivent écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur concerné, sauf si celui-ci s’y oppose. Une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur concerné. Cependant, la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu. Ainsi, s’il existe un intérêt général clair à garantir, à travers l’Union, une protection forte et cohérente des investisseurs et des créanciers, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique.
En l’occurrence, la protection du consommateur contre l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec un professionnel, telle qu’elle résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, ne saurait aller jusqu’à faire abstraction de la répartition des responsabilités patrimoniales entre l’établissement de crédit défaillant et la banque-relais, telle que cette répartition a été fixée dans les mesures d’assainissement adoptées par l’État membre d’origine. En effet, si la protection accordée par la directive 93/13 devait autoriser chaque consommateur de l’État membre d’accueil, créancier de l’établissement de crédit défaillant, à contrecarrer la reconnaissance des mesures par lesquelles la répartition des responsabilités patrimoniales entre celui-ci et la banque-relais a été décidée par l’État membre d’origine, l’intervention des autorités publiques de cet État membre risquerait d’être privée d’effet utile dans l’ensemble des États membres dans lesquels l’établissement de crédit défaillant a des succursales.
Partant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière de l’article 38 de la Charte, ainsi que l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique ne s’opposent pas, en principe, à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, qui prévoient la création d’une banque-relais et le maintien au passif de l’établissement de crédit ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
{2} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{3} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{4} Conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/24, il appartient aux autorités compétentes de l’État membre d’origine de publier l’extrait, l’objet et la base juridique de la décision prise, les délais de recours, en particulier une indication aisément compréhensible de la date de l’expiration de ces délais et, de façon précise, l’adresse des autorités ou de la juridiction compétentes pour connaître du recours.
{5} Article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/24.
{6} Voir considérant 12 de la directive 2001/24.
{7} Article 6, paragraphe 5, de la directive 2001/24
{8} Article 3, paragraphe 2, et article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{9} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{10} Il s’agit des deuxièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{11} La Cour déduit cette conclusion de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte et du principe de sécurité juridique.
{12} Il s’agit des troisièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22 ainsi que de la seconde question dans l’affaire C 500/22.
{13} Dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{14} Dans l’affaire C 498/22. En vertu de cet article 6, paragraphe 1, de la directive 93/12, « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
{15} Dans l’affaire C 500/22, la Cour constate que la modification rétroactive de l’identité du débiteur de la créance en cause peut raisonnablement être justifiée par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique mais qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, au regard des circonstances spécifiques à l’origine de cette affaire, de vérifier le respect du principe de proportionnalité.
Arrêt du 5 septembre 2024, Novo Banco e.a. (C-498/22 à C-500/22) (cf. points 101-104, disp. 2)
258. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Mesure d'assainissement d'un établissement de crédit prise dans l'État membre d'origine - Absence de publication de ladite mesure - Reconnaissance, par une juridiction d'un autre État membre, des effets de cette mesure - Mesure ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de l'établissement de crédit concerné à une banque-relais - Admissibilité
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour Suprême, Espagne) dans trois affaires distinctes, la Cour se prononce sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2001/24 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs{2}, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Novo Banco SA - Sucursal en España (ci-après « Novo Banco ») à plusieurs de ses clients au sujet de l’incidence, sur différents contrats de produits et de services financiers, des mesures d’assainissement prises, en 2014 et 2015, par Banco de Portugal (Banque du Portugal) à l’égard de Banco Espíritu Santo SA (BES), un établissement de crédit portugais, et de sa succursale espagnole (ci-après « BES Espagne »), à laquelle Novo Banco a succédé en tant que banque-relais et à laquelle ont été transférés certains éléments d’actif, de passif et extrapatrimoniaux de BES.
Dans l’affaire C 498/22, le requérant a demandé que soit constatée la nullité d’une clause dite « clause "plancher" », contenue dans un contrat de prêt avec garantie hypothécaire initialement conclu avec BES Espagne puis transféré à Novo Banco à la suite des mesures d’assainissement, estimant que cette clause présentait un caractère abusif, ainsi qu’un remboursement des sommes indûment versées en application de ladite clause. Dans l’affaire C 499/22, les requérants ont demandé l’annulation de leurs contrats financiers, la restitution des sommes reçues par chaque partie et l’indemnisation des pertes subies du fait de l’acquisition de ces produits financiers, en raison d’une erreur dans le consentement liée à la communication d’informations défectueuses par BES Espagne. Novo Banco a cependant contesté la transmission de tous les éléments de passif de BES Espagne et notamment des créances et indemnisations liées à l’annulation demandée de certaines clauses de contrats conclus par cette dernière. Dans l’affaire C 500/22, le requérant a, lui, réclamé à Novo Banco, outre la restitution de la valeur nominale d’une obligation prioritaire arrivée à échéance, le paiement des rendements de cette obligation achetée à BES, qui avait été transférée à Novo Banco du fait des mesures d’assainissement prises en 2014. Novo Banco considérait cependant qu’en 2015, Banque du Portugal avait « retransféré » à BES les éléments de passif liés à la même obligation et était donc fondée à refuser ce paiement.
Relevant que les mesures d’assainissement prises à l’égard de BES relèvent du droit de l’Union et que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue à l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24, alors qu’elles sont susceptibles d’affecter les tiers et notamment de les empêcher d’introduire un recours contre ces mesures, la juridiction de renvoi s’interroge tout d’abord sur la compatibilité de l’obligation de reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets de ces mesures d’assainissement avec le principe de protection juridictionnelle effective, le principe d’égalité et d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, le principe de sécurité juridique ainsi que le principe de protection de la confiance légitime. Elle s’interroge ensuite sur la question de savoir si la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des clients de Novo Banco. Elle se demande enfin, dans l’affaire C-498/22, si la « fragmentation » de la relation contractuelle liant le consommateur à Novo Banco et résultant des mesures d’assainissement en cause ne revient pas à faire supporter à ce consommateur les conséquences pécuniaires de la clause « plancher », judiciairement déclarée abusive, en violation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Partant, elle a décidé de saisir la Cour de plusieurs questions préjudicielles
Appréciation de la Cour
En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si le droit de l’Union{3} s’oppose, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, la Cour rappelle, tout d’abord, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les mesures d’assainissement sont en principe appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État membre dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Cette directive est ainsi fondée sur les principes d’unité et d’universalité et pose comme principe la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de leurs effets. S’agissant de l’obligation de publication des mesures d’assainissement{4}, celle-ci est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives. D’une part, ces mesures doivent être susceptibles d’affecter les droits de tiers dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, il doit exister un recours dans l’État membre d’origine contre la décision ordonnant lesdites mesures{5}.
La Cour estime que l’objet de l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24 est de régler l’information des créanciers de l’établissement de crédit concerné par les mesures d’assainissement, afin de leur permettre d’exercer, dans l’État membre d’origine, leur droit de recours contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement de cet établissement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre créanciers{6}. Les mesures d’assainissement s’appliquant indépendamment des mesures de publication prévues par l’article 6{7}, le défaut de publication des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine n’a pas pour effet de remettre en cause les principes d’unité et d’universalité ainsi que de reconnaissance mutuelle des effets de ces mesures dans l’État membre d’accueil. Un tel défaut de publication n’entraîne donc ni l’invalidation de ces mesures ni l’inopposabilité de leurs effets dans l’État membre d’accueil.
Cependant, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, dans le respect du principe d’équivalence, du principe d’effectivité et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte
La publication prévue à l’article 6 de la directive 2001/24 a pour objectif d’assurer, dans l’État membre d’origine, la protection du droit de recours des intéressés contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement d’un établissement de crédit, dont notamment celui des créanciers de cet établissement établis dans l’État membre d’accueil. Ainsi, lorsque les mesures d’assainissement n’ont pas été publiées conformément aux exigences prévues par cette disposition, le droit de l’État membre d’origine doit permettre aux personnes dont les droits garantis par le droit de l’Union sont affectés par de telles mesures et qui résident dans l’État membre d’accueil d’introduire un recours contre ces mesures dans un délai raisonnable à partir du moment où ces personnes se sont vu notifier lesdites mesures, en ont pris connaissance ou auraient raisonnablement dû en avoir connaissance.
S’agissant du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, garanti à l’article 21, paragraphe 2, de la Charte, la Cour constate qu’il n’est ni allégué ni démontré que la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement dans l’État membre d’accueil, telle qu’elle s’impose en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, s’appliquerait de façon différente en fonction de la nationalité du justiciable. Enfin, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, elle rappelle que celui-ci exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, notamment lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables.
En l’occurrence, selon les dispositions de la directive 2001/24, l’État membre d’accueil doit assurer la reconnaissance sur son territoire des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine, nonobstant la circonstance que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue par cette directive. Ces mesures ayant fait l’objet de différentes mesures de publicité au moment où les clients de Novo Banco ont introduit leurs recours respectifs devant les juridictions espagnoles, ceux-ci disposaient de l’ensemble des éléments nécessaires pour prendre, en pleine connaissance de cause, une décision quant à l’introduction de ces recours ainsi que pour identifier avec certitude l’entité contre laquelle ces derniers devaient être dirigés.
Ainsi, le droit de l’Union{8} ne s’oppose pas, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais.
La Cour examine, en deuxième lieu, la question de savoir si le droit de l’Union{9} s’oppose à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets d’une mesure d’assainissement prise dans l’État membre d’origine à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, contrôlée par une autorité publique appliquant le droit de l’Union, lorsque les clients de cette banque-relais prétendent avoir placé leur confiance légitime dans le fait que ladite banque-relais avait ultérieurement également assumé le passif correspondant à l’ensemble des obligations et responsabilités de cet établissement de crédit à l’égard de ces clients{10}.
À cet égard, la Cour relève que, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrivant parmi les principes fondamentaux de l’Union qui doivent être respectés par les institutions de l’Union et les États membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union, le droit de se prévaloir de ce principe s’étend dès lors à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Cependant, le droit, pour un justiciable, de se prévaloir de ce principe ne s’étend, en droit de l’Union, qu’à l’égard d’assurances précises qui lui auraient été fournies par une autorité publique.
En l’occurrence, Novo Banco a été créée sous la forme d’un établissement de crédit de droit privé opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers et dépourvue de tout pouvoir exorbitant du droit commun en vue de l’accomplissement d’une mission de service public. La Cour conclut qu’elle ne saurait, dès lors, être considérée comme une autorité administrative mettant en œuvre le droit de l’Union, de sorte que le justiciable ne peut pas invoquer, en l’espèce, le principe de protection de la confiance légitime.
Par conséquent, des particuliers ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime à l’égard d’une banque-relais, organisme de droit privé dépourvu de toute prérogative exorbitante du droit commun, créé dans le cadre de mesures d’assainissement d’un établissement de crédit dont ils étaient initialement les clients dans le but d’engager la responsabilité de cette banque-relais au titre des obligations précontractuelles et contractuelles liées aux contrats précédemment conclus avec cet établissement de crédit{11}. La simple circonstance que cet établissement de crédit ait été contrôlé temporairement par une autorité publique, en vue de sa privatisation, ne saurait faire du même établissement de crédit opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers une autorité administrative nationale.
La Cour répond, en troisième et dernier lieu, à la question de savoir si l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique s’opposent à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, prévoyant la création d’une banque-relais et le maintien au passif de la banque ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle{12}. En outre, la juridiction de renvoi s’interrogeait également sur la compatibilité d’une telle reconnaissance avec l’article 38 de la Charte{13} ainsi qu’avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13{14}.
S’agissant du droit de propriété reconnu à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, la Cour précise, d’une part, que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire. Des actions ou des obligations négociables sur les marchés de capitaux sont susceptibles de constituer de tels droits pouvant bénéficier de la protection garantie à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. À cet égard, la créance et l’obligation en cause dans les affaires C 498/22 et C 500/22 revêtent une valeur patrimoniale permettant à leurs détenteurs de prétendre avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété, de sorte qu’ils peuvent bénéficier de la protection garantie par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Pour ce qui est de la créance en cause dans l’affaire C 499/22, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si cette créance satisfait aux conditions précitées, en particulier, si la jurisprudence nationale consacrant, à l’égard d’un établissement de crédit, une obligation d’information précontractuelle est suffisamment établie pour que la personne invoquant la violation d’une telle obligation puisse avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective de cette créance
La Cour rappelle, d’autre part, que, selon sa propre jurisprudence, l’adoption par l’État membre d’origine de mesures d’assainissement, qui prévoient notamment le transfert d’éléments d’actif d’un établissement de crédit à une banque-relais, constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, susceptible de porter atteinte au droit de propriété des créanciers de cet établissement de crédit, tels que les détenteurs d’obligations, dont les créances n’ont pas été transférées à cette banque-relais. Ainsi, la Cour vérifie si, au regard des conditions énoncées par cette disposition, lue conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les effets, dans l’État membre d’accueil, des mesures d’assainissement en vertu desquels les créances en cause sont affectées au passif de BES Espagne sont prévus par la loi, respectent le contenu essentiel du droit de propriété et sont proportionnés, eu égard, notamment, à l’objectif d’intérêt général auquel répondent les mesures d’assainissement et la reconnaissance de leurs effets, également poursuivi par l’Union, à savoir celui d’assurer la stabilité du système bancaire, en particulier de la zone euro, et d’éviter un risque systémique.
S’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, la Cour confirme que les mesures d’assainissement en cause relèvent de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24. La Cour constate également que les créanciers dans les affaires au principal étaient en mesure de s’attendre à ce que certaines responsabilités, telles que celles résultant du caractère défectueux de l’information précontractuelle donnée par BES Espagne, en cause dans l’affaire C 499/22, ou certains aléas, tels que ceux faisant l’objet des litiges dans les affaires C 498/22 et C 500/22, ne soient pas transférés à la banque-relais concernée{15}.
S’agissant, enfin, de la conformité de ces mesures au droit des consommateurs de bénéficier d’un niveau élevé de protection, tel qu’il est garanti par l’article 38 de la Charte et la directive 93/13, la Cour rappelle que, compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et les consommateurs. Pour ce faire, les juridictions nationales doivent écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur concerné, sauf si celui-ci s’y oppose. Une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur concerné. Cependant, la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu. Ainsi, s’il existe un intérêt général clair à garantir, à travers l’Union, une protection forte et cohérente des investisseurs et des créanciers, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique.
En l’occurrence, la protection du consommateur contre l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec un professionnel, telle qu’elle résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, ne saurait aller jusqu’à faire abstraction de la répartition des responsabilités patrimoniales entre l’établissement de crédit défaillant et la banque-relais, telle que cette répartition a été fixée dans les mesures d’assainissement adoptées par l’État membre d’origine. En effet, si la protection accordée par la directive 93/13 devait autoriser chaque consommateur de l’État membre d’accueil, créancier de l’établissement de crédit défaillant, à contrecarrer la reconnaissance des mesures par lesquelles la répartition des responsabilités patrimoniales entre celui-ci et la banque-relais a été décidée par l’État membre d’origine, l’intervention des autorités publiques de cet État membre risquerait d’être privée d’effet utile dans l’ensemble des États membres dans lesquels l’établissement de crédit défaillant a des succursales.
Partant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière de l’article 38 de la Charte, ainsi que l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique ne s’opposent pas, en principe, à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, qui prévoient la création d’une banque-relais et le maintien au passif de l’établissement de crédit ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
{2} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{3} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{4} Conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/24, il appartient aux autorités compétentes de l’État membre d’origine de publier l’extrait, l’objet et la base juridique de la décision prise, les délais de recours, en particulier une indication aisément compréhensible de la date de l’expiration de ces délais et, de façon précise, l’adresse des autorités ou de la juridiction compétentes pour connaître du recours.
{5} Article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/24.
{6} Voir considérant 12 de la directive 2001/24.
{7} Article 6, paragraphe 5, de la directive 2001/24
{8} Article 3, paragraphe 2, et article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{9} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{10} Il s’agit des deuxièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{11} La Cour déduit cette conclusion de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte et du principe de sécurité juridique.
{12} Il s’agit des troisièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22 ainsi que de la seconde question dans l’affaire C 500/22.
{13} Dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{14} Dans l’affaire C 498/22. En vertu de cet article 6, paragraphe 1, de la directive 93/12, « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
{15} Dans l’affaire C 500/22, la Cour constate que la modification rétroactive de l’identité du débiteur de la créance en cause peut raisonnablement être justifiée par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique mais qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, au regard des circonstances spécifiques à l’origine de cette affaire, de vérifier le respect du principe de proportionnalité.
259. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Instances en cours - Effets de mesures d'assainissement sur une instance en cours - Application de la lex concursus - Exceptions prévues par la directive
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour Suprême, Espagne) dans trois affaires distinctes, la Cour se prononce sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2001/24 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs{2}, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Novo Banco SA - Sucursal en España (ci-après « Novo Banco ») à plusieurs de ses clients au sujet de l’incidence, sur différents contrats de produits et de services financiers, des mesures d’assainissement prises, en 2014 et 2015, par Banco de Portugal (Banque du Portugal) à l’égard de Banco Espíritu Santo SA (BES), un établissement de crédit portugais, et de sa succursale espagnole (ci-après « BES Espagne »), à laquelle Novo Banco a succédé en tant que banque-relais et à laquelle ont été transférés certains éléments d’actif, de passif et extrapatrimoniaux de BES.
Dans l’affaire C 498/22, le requérant a demandé que soit constatée la nullité d’une clause dite « clause "plancher" », contenue dans un contrat de prêt avec garantie hypothécaire initialement conclu avec BES Espagne puis transféré à Novo Banco à la suite des mesures d’assainissement, estimant que cette clause présentait un caractère abusif, ainsi qu’un remboursement des sommes indûment versées en application de ladite clause. Dans l’affaire C 499/22, les requérants ont demandé l’annulation de leurs contrats financiers, la restitution des sommes reçues par chaque partie et l’indemnisation des pertes subies du fait de l’acquisition de ces produits financiers, en raison d’une erreur dans le consentement liée à la communication d’informations défectueuses par BES Espagne. Novo Banco a cependant contesté la transmission de tous les éléments de passif de BES Espagne et notamment des créances et indemnisations liées à l’annulation demandée de certaines clauses de contrats conclus par cette dernière. Dans l’affaire C 500/22, le requérant a, lui, réclamé à Novo Banco, outre la restitution de la valeur nominale d’une obligation prioritaire arrivée à échéance, le paiement des rendements de cette obligation achetée à BES, qui avait été transférée à Novo Banco du fait des mesures d’assainissement prises en 2014. Novo Banco considérait cependant qu’en 2015, Banque du Portugal avait « retransféré » à BES les éléments de passif liés à la même obligation et était donc fondée à refuser ce paiement.
Relevant que les mesures d’assainissement prises à l’égard de BES relèvent du droit de l’Union et que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue à l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24, alors qu’elles sont susceptibles d’affecter les tiers et notamment de les empêcher d’introduire un recours contre ces mesures, la juridiction de renvoi s’interroge tout d’abord sur la compatibilité de l’obligation de reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets de ces mesures d’assainissement avec le principe de protection juridictionnelle effective, le principe d’égalité et d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, le principe de sécurité juridique ainsi que le principe de protection de la confiance légitime. Elle s’interroge ensuite sur la question de savoir si la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des clients de Novo Banco. Elle se demande enfin, dans l’affaire C-498/22, si la « fragmentation » de la relation contractuelle liant le consommateur à Novo Banco et résultant des mesures d’assainissement en cause ne revient pas à faire supporter à ce consommateur les conséquences pécuniaires de la clause « plancher », judiciairement déclarée abusive, en violation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Partant, elle a décidé de saisir la Cour de plusieurs questions préjudicielles
Appréciation de la Cour
En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si le droit de l’Union{3} s’oppose, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, la Cour rappelle, tout d’abord, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les mesures d’assainissement sont en principe appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État membre dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Cette directive est ainsi fondée sur les principes d’unité et d’universalité et pose comme principe la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de leurs effets. S’agissant de l’obligation de publication des mesures d’assainissement{4}, celle-ci est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives. D’une part, ces mesures doivent être susceptibles d’affecter les droits de tiers dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, il doit exister un recours dans l’État membre d’origine contre la décision ordonnant lesdites mesures{5}.
La Cour estime que l’objet de l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24 est de régler l’information des créanciers de l’établissement de crédit concerné par les mesures d’assainissement, afin de leur permettre d’exercer, dans l’État membre d’origine, leur droit de recours contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement de cet établissement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre créanciers{6}. Les mesures d’assainissement s’appliquant indépendamment des mesures de publication prévues par l’article 6{7}, le défaut de publication des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine n’a pas pour effet de remettre en cause les principes d’unité et d’universalité ainsi que de reconnaissance mutuelle des effets de ces mesures dans l’État membre d’accueil. Un tel défaut de publication n’entraîne donc ni l’invalidation de ces mesures ni l’inopposabilité de leurs effets dans l’État membre d’accueil.
Cependant, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, dans le respect du principe d’équivalence, du principe d’effectivité et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte
La publication prévue à l’article 6 de la directive 2001/24 a pour objectif d’assurer, dans l’État membre d’origine, la protection du droit de recours des intéressés contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement d’un établissement de crédit, dont notamment celui des créanciers de cet établissement établis dans l’État membre d’accueil. Ainsi, lorsque les mesures d’assainissement n’ont pas été publiées conformément aux exigences prévues par cette disposition, le droit de l’État membre d’origine doit permettre aux personnes dont les droits garantis par le droit de l’Union sont affectés par de telles mesures et qui résident dans l’État membre d’accueil d’introduire un recours contre ces mesures dans un délai raisonnable à partir du moment où ces personnes se sont vu notifier lesdites mesures, en ont pris connaissance ou auraient raisonnablement dû en avoir connaissance.
S’agissant du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, garanti à l’article 21, paragraphe 2, de la Charte, la Cour constate qu’il n’est ni allégué ni démontré que la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement dans l’État membre d’accueil, telle qu’elle s’impose en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, s’appliquerait de façon différente en fonction de la nationalité du justiciable. Enfin, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, elle rappelle que celui-ci exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, notamment lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables.
En l’occurrence, selon les dispositions de la directive 2001/24, l’État membre d’accueil doit assurer la reconnaissance sur son territoire des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine, nonobstant la circonstance que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue par cette directive. Ces mesures ayant fait l’objet de différentes mesures de publicité au moment où les clients de Novo Banco ont introduit leurs recours respectifs devant les juridictions espagnoles, ceux-ci disposaient de l’ensemble des éléments nécessaires pour prendre, en pleine connaissance de cause, une décision quant à l’introduction de ces recours ainsi que pour identifier avec certitude l’entité contre laquelle ces derniers devaient être dirigés.
Ainsi, le droit de l’Union{8} ne s’oppose pas, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais.
La Cour examine, en deuxième lieu, la question de savoir si le droit de l’Union{9} s’oppose à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets d’une mesure d’assainissement prise dans l’État membre d’origine à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, contrôlée par une autorité publique appliquant le droit de l’Union, lorsque les clients de cette banque-relais prétendent avoir placé leur confiance légitime dans le fait que ladite banque-relais avait ultérieurement également assumé le passif correspondant à l’ensemble des obligations et responsabilités de cet établissement de crédit à l’égard de ces clients{10}.
À cet égard, la Cour relève que, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrivant parmi les principes fondamentaux de l’Union qui doivent être respectés par les institutions de l’Union et les États membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union, le droit de se prévaloir de ce principe s’étend dès lors à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Cependant, le droit, pour un justiciable, de se prévaloir de ce principe ne s’étend, en droit de l’Union, qu’à l’égard d’assurances précises qui lui auraient été fournies par une autorité publique.
En l’occurrence, Novo Banco a été créée sous la forme d’un établissement de crédit de droit privé opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers et dépourvue de tout pouvoir exorbitant du droit commun en vue de l’accomplissement d’une mission de service public. La Cour conclut qu’elle ne saurait, dès lors, être considérée comme une autorité administrative mettant en œuvre le droit de l’Union, de sorte que le justiciable ne peut pas invoquer, en l’espèce, le principe de protection de la confiance légitime.
Par conséquent, des particuliers ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime à l’égard d’une banque-relais, organisme de droit privé dépourvu de toute prérogative exorbitante du droit commun, créé dans le cadre de mesures d’assainissement d’un établissement de crédit dont ils étaient initialement les clients dans le but d’engager la responsabilité de cette banque-relais au titre des obligations précontractuelles et contractuelles liées aux contrats précédemment conclus avec cet établissement de crédit{11}. La simple circonstance que cet établissement de crédit ait été contrôlé temporairement par une autorité publique, en vue de sa privatisation, ne saurait faire du même établissement de crédit opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers une autorité administrative nationale.
La Cour répond, en troisième et dernier lieu, à la question de savoir si l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique s’opposent à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, prévoyant la création d’une banque-relais et le maintien au passif de la banque ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle{12}. En outre, la juridiction de renvoi s’interrogeait également sur la compatibilité d’une telle reconnaissance avec l’article 38 de la Charte{13} ainsi qu’avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13{14}.
S’agissant du droit de propriété reconnu à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, la Cour précise, d’une part, que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire. Des actions ou des obligations négociables sur les marchés de capitaux sont susceptibles de constituer de tels droits pouvant bénéficier de la protection garantie à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. À cet égard, la créance et l’obligation en cause dans les affaires C 498/22 et C 500/22 revêtent une valeur patrimoniale permettant à leurs détenteurs de prétendre avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété, de sorte qu’ils peuvent bénéficier de la protection garantie par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Pour ce qui est de la créance en cause dans l’affaire C 499/22, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si cette créance satisfait aux conditions précitées, en particulier, si la jurisprudence nationale consacrant, à l’égard d’un établissement de crédit, une obligation d’information précontractuelle est suffisamment établie pour que la personne invoquant la violation d’une telle obligation puisse avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective de cette créance
La Cour rappelle, d’autre part, que, selon sa propre jurisprudence, l’adoption par l’État membre d’origine de mesures d’assainissement, qui prévoient notamment le transfert d’éléments d’actif d’un établissement de crédit à une banque-relais, constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, susceptible de porter atteinte au droit de propriété des créanciers de cet établissement de crédit, tels que les détenteurs d’obligations, dont les créances n’ont pas été transférées à cette banque-relais. Ainsi, la Cour vérifie si, au regard des conditions énoncées par cette disposition, lue conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les effets, dans l’État membre d’accueil, des mesures d’assainissement en vertu desquels les créances en cause sont affectées au passif de BES Espagne sont prévus par la loi, respectent le contenu essentiel du droit de propriété et sont proportionnés, eu égard, notamment, à l’objectif d’intérêt général auquel répondent les mesures d’assainissement et la reconnaissance de leurs effets, également poursuivi par l’Union, à savoir celui d’assurer la stabilité du système bancaire, en particulier de la zone euro, et d’éviter un risque systémique.
S’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, la Cour confirme que les mesures d’assainissement en cause relèvent de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24. La Cour constate également que les créanciers dans les affaires au principal étaient en mesure de s’attendre à ce que certaines responsabilités, telles que celles résultant du caractère défectueux de l’information précontractuelle donnée par BES Espagne, en cause dans l’affaire C 499/22, ou certains aléas, tels que ceux faisant l’objet des litiges dans les affaires C 498/22 et C 500/22, ne soient pas transférés à la banque-relais concernée{15}.
S’agissant, enfin, de la conformité de ces mesures au droit des consommateurs de bénéficier d’un niveau élevé de protection, tel qu’il est garanti par l’article 38 de la Charte et la directive 93/13, la Cour rappelle que, compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et les consommateurs. Pour ce faire, les juridictions nationales doivent écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur concerné, sauf si celui-ci s’y oppose. Une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur concerné. Cependant, la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu. Ainsi, s’il existe un intérêt général clair à garantir, à travers l’Union, une protection forte et cohérente des investisseurs et des créanciers, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique.
En l’occurrence, la protection du consommateur contre l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec un professionnel, telle qu’elle résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, ne saurait aller jusqu’à faire abstraction de la répartition des responsabilités patrimoniales entre l’établissement de crédit défaillant et la banque-relais, telle que cette répartition a été fixée dans les mesures d’assainissement adoptées par l’État membre d’origine. En effet, si la protection accordée par la directive 93/13 devait autoriser chaque consommateur de l’État membre d’accueil, créancier de l’établissement de crédit défaillant, à contrecarrer la reconnaissance des mesures par lesquelles la répartition des responsabilités patrimoniales entre celui-ci et la banque-relais a été décidée par l’État membre d’origine, l’intervention des autorités publiques de cet État membre risquerait d’être privée d’effet utile dans l’ensemble des États membres dans lesquels l’établissement de crédit défaillant a des succursales.
Partant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière de l’article 38 de la Charte, ainsi que l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique ne s’opposent pas, en principe, à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, qui prévoient la création d’une banque-relais et le maintien au passif de l’établissement de crédit ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
{2} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{3} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{4} Conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/24, il appartient aux autorités compétentes de l’État membre d’origine de publier l’extrait, l’objet et la base juridique de la décision prise, les délais de recours, en particulier une indication aisément compréhensible de la date de l’expiration de ces délais et, de façon précise, l’adresse des autorités ou de la juridiction compétentes pour connaître du recours.
{5} Article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/24.
{6} Voir considérant 12 de la directive 2001/24.
{7} Article 6, paragraphe 5, de la directive 2001/24
{8} Article 3, paragraphe 2, et article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{9} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{10} Il s’agit des deuxièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{11} La Cour déduit cette conclusion de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte et du principe de sécurité juridique.
{12} Il s’agit des troisièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22 ainsi que de la seconde question dans l’affaire C 500/22.
{13} Dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{14} Dans l’affaire C 498/22. En vertu de cet article 6, paragraphe 1, de la directive 93/12, « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
{15} Dans l’affaire C 500/22, la Cour constate que la modification rétroactive de l’identité du débiteur de la créance en cause peut raisonnablement être justifiée par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique mais qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, au regard des circonstances spécifiques à l’origine de cette affaire, de vérifier le respect du principe de proportionnalité.
Arrêt du 5 septembre 2024, Novo Banco e.a. (C-498/22 à C-500/22) (cf. point 77)
260. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Mesure d'assainissement d'un établissement de crédit prise dans l'État membre d'origine - Obligation de publication - Conditions - Affectation des droits des tiers dans l'État membre d'accueil - Existence d'un recours, dans l'État membre d'origine, contre la décision ordonnant ladite mesure - Portée, pour la fixation du délai de recours, en cas d'absence de publication de ladite mesure
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour Suprême, Espagne) dans trois affaires distinctes, la Cour se prononce sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2001/24 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs{2}, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Novo Banco SA - Sucursal en España (ci-après « Novo Banco ») à plusieurs de ses clients au sujet de l’incidence, sur différents contrats de produits et de services financiers, des mesures d’assainissement prises, en 2014 et 2015, par Banco de Portugal (Banque du Portugal) à l’égard de Banco Espíritu Santo SA (BES), un établissement de crédit portugais, et de sa succursale espagnole (ci-après « BES Espagne »), à laquelle Novo Banco a succédé en tant que banque-relais et à laquelle ont été transférés certains éléments d’actif, de passif et extrapatrimoniaux de BES.
Dans l’affaire C 498/22, le requérant a demandé que soit constatée la nullité d’une clause dite « clause "plancher" », contenue dans un contrat de prêt avec garantie hypothécaire initialement conclu avec BES Espagne puis transféré à Novo Banco à la suite des mesures d’assainissement, estimant que cette clause présentait un caractère abusif, ainsi qu’un remboursement des sommes indûment versées en application de ladite clause. Dans l’affaire C 499/22, les requérants ont demandé l’annulation de leurs contrats financiers, la restitution des sommes reçues par chaque partie et l’indemnisation des pertes subies du fait de l’acquisition de ces produits financiers, en raison d’une erreur dans le consentement liée à la communication d’informations défectueuses par BES Espagne. Novo Banco a cependant contesté la transmission de tous les éléments de passif de BES Espagne et notamment des créances et indemnisations liées à l’annulation demandée de certaines clauses de contrats conclus par cette dernière. Dans l’affaire C 500/22, le requérant a, lui, réclamé à Novo Banco, outre la restitution de la valeur nominale d’une obligation prioritaire arrivée à échéance, le paiement des rendements de cette obligation achetée à BES, qui avait été transférée à Novo Banco du fait des mesures d’assainissement prises en 2014. Novo Banco considérait cependant qu’en 2015, Banque du Portugal avait « retransféré » à BES les éléments de passif liés à la même obligation et était donc fondée à refuser ce paiement.
Relevant que les mesures d’assainissement prises à l’égard de BES relèvent du droit de l’Union et que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue à l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24, alors qu’elles sont susceptibles d’affecter les tiers et notamment de les empêcher d’introduire un recours contre ces mesures, la juridiction de renvoi s’interroge tout d’abord sur la compatibilité de l’obligation de reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets de ces mesures d’assainissement avec le principe de protection juridictionnelle effective, le principe d’égalité et d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, le principe de sécurité juridique ainsi que le principe de protection de la confiance légitime. Elle s’interroge ensuite sur la question de savoir si la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des clients de Novo Banco. Elle se demande enfin, dans l’affaire C-498/22, si la « fragmentation » de la relation contractuelle liant le consommateur à Novo Banco et résultant des mesures d’assainissement en cause ne revient pas à faire supporter à ce consommateur les conséquences pécuniaires de la clause « plancher », judiciairement déclarée abusive, en violation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Partant, elle a décidé de saisir la Cour de plusieurs questions préjudicielles
Appréciation de la Cour
En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si le droit de l’Union{3} s’oppose, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, la Cour rappelle, tout d’abord, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les mesures d’assainissement sont en principe appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État membre dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Cette directive est ainsi fondée sur les principes d’unité et d’universalité et pose comme principe la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de leurs effets. S’agissant de l’obligation de publication des mesures d’assainissement{4}, celle-ci est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives. D’une part, ces mesures doivent être susceptibles d’affecter les droits de tiers dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, il doit exister un recours dans l’État membre d’origine contre la décision ordonnant lesdites mesures{5}.
La Cour estime que l’objet de l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24 est de régler l’information des créanciers de l’établissement de crédit concerné par les mesures d’assainissement, afin de leur permettre d’exercer, dans l’État membre d’origine, leur droit de recours contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement de cet établissement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre créanciers{6}. Les mesures d’assainissement s’appliquant indépendamment des mesures de publication prévues par l’article 6{7}, le défaut de publication des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine n’a pas pour effet de remettre en cause les principes d’unité et d’universalité ainsi que de reconnaissance mutuelle des effets de ces mesures dans l’État membre d’accueil. Un tel défaut de publication n’entraîne donc ni l’invalidation de ces mesures ni l’inopposabilité de leurs effets dans l’État membre d’accueil.
Cependant, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, dans le respect du principe d’équivalence, du principe d’effectivité et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte
La publication prévue à l’article 6 de la directive 2001/24 a pour objectif d’assurer, dans l’État membre d’origine, la protection du droit de recours des intéressés contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement d’un établissement de crédit, dont notamment celui des créanciers de cet établissement établis dans l’État membre d’accueil. Ainsi, lorsque les mesures d’assainissement n’ont pas été publiées conformément aux exigences prévues par cette disposition, le droit de l’État membre d’origine doit permettre aux personnes dont les droits garantis par le droit de l’Union sont affectés par de telles mesures et qui résident dans l’État membre d’accueil d’introduire un recours contre ces mesures dans un délai raisonnable à partir du moment où ces personnes se sont vu notifier lesdites mesures, en ont pris connaissance ou auraient raisonnablement dû en avoir connaissance.
S’agissant du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, garanti à l’article 21, paragraphe 2, de la Charte, la Cour constate qu’il n’est ni allégué ni démontré que la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement dans l’État membre d’accueil, telle qu’elle s’impose en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, s’appliquerait de façon différente en fonction de la nationalité du justiciable. Enfin, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, elle rappelle que celui-ci exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, notamment lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables.
En l’occurrence, selon les dispositions de la directive 2001/24, l’État membre d’accueil doit assurer la reconnaissance sur son territoire des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine, nonobstant la circonstance que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue par cette directive. Ces mesures ayant fait l’objet de différentes mesures de publicité au moment où les clients de Novo Banco ont introduit leurs recours respectifs devant les juridictions espagnoles, ceux-ci disposaient de l’ensemble des éléments nécessaires pour prendre, en pleine connaissance de cause, une décision quant à l’introduction de ces recours ainsi que pour identifier avec certitude l’entité contre laquelle ces derniers devaient être dirigés.
Ainsi, le droit de l’Union{8} ne s’oppose pas, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais.
La Cour examine, en deuxième lieu, la question de savoir si le droit de l’Union{9} s’oppose à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets d’une mesure d’assainissement prise dans l’État membre d’origine à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, contrôlée par une autorité publique appliquant le droit de l’Union, lorsque les clients de cette banque-relais prétendent avoir placé leur confiance légitime dans le fait que ladite banque-relais avait ultérieurement également assumé le passif correspondant à l’ensemble des obligations et responsabilités de cet établissement de crédit à l’égard de ces clients{10}.
À cet égard, la Cour relève que, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrivant parmi les principes fondamentaux de l’Union qui doivent être respectés par les institutions de l’Union et les États membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union, le droit de se prévaloir de ce principe s’étend dès lors à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Cependant, le droit, pour un justiciable, de se prévaloir de ce principe ne s’étend, en droit de l’Union, qu’à l’égard d’assurances précises qui lui auraient été fournies par une autorité publique.
En l’occurrence, Novo Banco a été créée sous la forme d’un établissement de crédit de droit privé opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers et dépourvue de tout pouvoir exorbitant du droit commun en vue de l’accomplissement d’une mission de service public. La Cour conclut qu’elle ne saurait, dès lors, être considérée comme une autorité administrative mettant en œuvre le droit de l’Union, de sorte que le justiciable ne peut pas invoquer, en l’espèce, le principe de protection de la confiance légitime.
Par conséquent, des particuliers ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime à l’égard d’une banque-relais, organisme de droit privé dépourvu de toute prérogative exorbitante du droit commun, créé dans le cadre de mesures d’assainissement d’un établissement de crédit dont ils étaient initialement les clients dans le but d’engager la responsabilité de cette banque-relais au titre des obligations précontractuelles et contractuelles liées aux contrats précédemment conclus avec cet établissement de crédit{11}. La simple circonstance que cet établissement de crédit ait été contrôlé temporairement par une autorité publique, en vue de sa privatisation, ne saurait faire du même établissement de crédit opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers une autorité administrative nationale.
La Cour répond, en troisième et dernier lieu, à la question de savoir si l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique s’opposent à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, prévoyant la création d’une banque-relais et le maintien au passif de la banque ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle{12}. En outre, la juridiction de renvoi s’interrogeait également sur la compatibilité d’une telle reconnaissance avec l’article 38 de la Charte{13} ainsi qu’avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13{14}.
S’agissant du droit de propriété reconnu à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, la Cour précise, d’une part, que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire. Des actions ou des obligations négociables sur les marchés de capitaux sont susceptibles de constituer de tels droits pouvant bénéficier de la protection garantie à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. À cet égard, la créance et l’obligation en cause dans les affaires C 498/22 et C 500/22 revêtent une valeur patrimoniale permettant à leurs détenteurs de prétendre avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété, de sorte qu’ils peuvent bénéficier de la protection garantie par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Pour ce qui est de la créance en cause dans l’affaire C 499/22, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si cette créance satisfait aux conditions précitées, en particulier, si la jurisprudence nationale consacrant, à l’égard d’un établissement de crédit, une obligation d’information précontractuelle est suffisamment établie pour que la personne invoquant la violation d’une telle obligation puisse avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective de cette créance
La Cour rappelle, d’autre part, que, selon sa propre jurisprudence, l’adoption par l’État membre d’origine de mesures d’assainissement, qui prévoient notamment le transfert d’éléments d’actif d’un établissement de crédit à une banque-relais, constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, susceptible de porter atteinte au droit de propriété des créanciers de cet établissement de crédit, tels que les détenteurs d’obligations, dont les créances n’ont pas été transférées à cette banque-relais. Ainsi, la Cour vérifie si, au regard des conditions énoncées par cette disposition, lue conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les effets, dans l’État membre d’accueil, des mesures d’assainissement en vertu desquels les créances en cause sont affectées au passif de BES Espagne sont prévus par la loi, respectent le contenu essentiel du droit de propriété et sont proportionnés, eu égard, notamment, à l’objectif d’intérêt général auquel répondent les mesures d’assainissement et la reconnaissance de leurs effets, également poursuivi par l’Union, à savoir celui d’assurer la stabilité du système bancaire, en particulier de la zone euro, et d’éviter un risque systémique.
S’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, la Cour confirme que les mesures d’assainissement en cause relèvent de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24. La Cour constate également que les créanciers dans les affaires au principal étaient en mesure de s’attendre à ce que certaines responsabilités, telles que celles résultant du caractère défectueux de l’information précontractuelle donnée par BES Espagne, en cause dans l’affaire C 499/22, ou certains aléas, tels que ceux faisant l’objet des litiges dans les affaires C 498/22 et C 500/22, ne soient pas transférés à la banque-relais concernée{15}.
S’agissant, enfin, de la conformité de ces mesures au droit des consommateurs de bénéficier d’un niveau élevé de protection, tel qu’il est garanti par l’article 38 de la Charte et la directive 93/13, la Cour rappelle que, compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et les consommateurs. Pour ce faire, les juridictions nationales doivent écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur concerné, sauf si celui-ci s’y oppose. Une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur concerné. Cependant, la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu. Ainsi, s’il existe un intérêt général clair à garantir, à travers l’Union, une protection forte et cohérente des investisseurs et des créanciers, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique.
En l’occurrence, la protection du consommateur contre l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec un professionnel, telle qu’elle résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, ne saurait aller jusqu’à faire abstraction de la répartition des responsabilités patrimoniales entre l’établissement de crédit défaillant et la banque-relais, telle que cette répartition a été fixée dans les mesures d’assainissement adoptées par l’État membre d’origine. En effet, si la protection accordée par la directive 93/13 devait autoriser chaque consommateur de l’État membre d’accueil, créancier de l’établissement de crédit défaillant, à contrecarrer la reconnaissance des mesures par lesquelles la répartition des responsabilités patrimoniales entre celui-ci et la banque-relais a été décidée par l’État membre d’origine, l’intervention des autorités publiques de cet État membre risquerait d’être privée d’effet utile dans l’ensemble des États membres dans lesquels l’établissement de crédit défaillant a des succursales.
Partant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière de l’article 38 de la Charte, ainsi que l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique ne s’opposent pas, en principe, à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, qui prévoient la création d’une banque-relais et le maintien au passif de l’établissement de crédit ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
{2} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{3} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{4} Conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/24, il appartient aux autorités compétentes de l’État membre d’origine de publier l’extrait, l’objet et la base juridique de la décision prise, les délais de recours, en particulier une indication aisément compréhensible de la date de l’expiration de ces délais et, de façon précise, l’adresse des autorités ou de la juridiction compétentes pour connaître du recours.
{5} Article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/24.
{6} Voir considérant 12 de la directive 2001/24.
{7} Article 6, paragraphe 5, de la directive 2001/24
{8} Article 3, paragraphe 2, et article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{9} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{10} Il s’agit des deuxièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{11} La Cour déduit cette conclusion de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte et du principe de sécurité juridique.
{12} Il s’agit des troisièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22 ainsi que de la seconde question dans l’affaire C 500/22.
{13} Dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{14} Dans l’affaire C 498/22. En vertu de cet article 6, paragraphe 1, de la directive 93/12, « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
{15} Dans l’affaire C 500/22, la Cour constate que la modification rétroactive de l’identité du débiteur de la créance en cause peut raisonnablement être justifiée par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique mais qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, au regard des circonstances spécifiques à l’origine de cette affaire, de vérifier le respect du principe de proportionnalité.
Arrêt du 5 septembre 2024, Novo Banco e.a. (C-498/22 à C-500/22) (cf. points 78-80, 82-84, 88-93)
261. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Mesure d'assainissement d'un établissement de crédit prise dans l'État membre d'origine - Absence de publication de ladite mesure - Application des règles nationales destinées à assurer aux justiciables la sauvegarde des droits tirés du droit de l'Union - Conditions - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité - Respect du droit à un recours effectif
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour Suprême, Espagne) dans trois affaires distinctes, la Cour se prononce sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2001/24 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs{2}, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Novo Banco SA - Sucursal en España (ci-après « Novo Banco ») à plusieurs de ses clients au sujet de l’incidence, sur différents contrats de produits et de services financiers, des mesures d’assainissement prises, en 2014 et 2015, par Banco de Portugal (Banque du Portugal) à l’égard de Banco Espíritu Santo SA (BES), un établissement de crédit portugais, et de sa succursale espagnole (ci-après « BES Espagne »), à laquelle Novo Banco a succédé en tant que banque-relais et à laquelle ont été transférés certains éléments d’actif, de passif et extrapatrimoniaux de BES.
Dans l’affaire C 498/22, le requérant a demandé que soit constatée la nullité d’une clause dite « clause "plancher" », contenue dans un contrat de prêt avec garantie hypothécaire initialement conclu avec BES Espagne puis transféré à Novo Banco à la suite des mesures d’assainissement, estimant que cette clause présentait un caractère abusif, ainsi qu’un remboursement des sommes indûment versées en application de ladite clause. Dans l’affaire C 499/22, les requérants ont demandé l’annulation de leurs contrats financiers, la restitution des sommes reçues par chaque partie et l’indemnisation des pertes subies du fait de l’acquisition de ces produits financiers, en raison d’une erreur dans le consentement liée à la communication d’informations défectueuses par BES Espagne. Novo Banco a cependant contesté la transmission de tous les éléments de passif de BES Espagne et notamment des créances et indemnisations liées à l’annulation demandée de certaines clauses de contrats conclus par cette dernière. Dans l’affaire C 500/22, le requérant a, lui, réclamé à Novo Banco, outre la restitution de la valeur nominale d’une obligation prioritaire arrivée à échéance, le paiement des rendements de cette obligation achetée à BES, qui avait été transférée à Novo Banco du fait des mesures d’assainissement prises en 2014. Novo Banco considérait cependant qu’en 2015, Banque du Portugal avait « retransféré » à BES les éléments de passif liés à la même obligation et était donc fondée à refuser ce paiement.
Relevant que les mesures d’assainissement prises à l’égard de BES relèvent du droit de l’Union et que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue à l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24, alors qu’elles sont susceptibles d’affecter les tiers et notamment de les empêcher d’introduire un recours contre ces mesures, la juridiction de renvoi s’interroge tout d’abord sur la compatibilité de l’obligation de reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets de ces mesures d’assainissement avec le principe de protection juridictionnelle effective, le principe d’égalité et d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, le principe de sécurité juridique ainsi que le principe de protection de la confiance légitime. Elle s’interroge ensuite sur la question de savoir si la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des clients de Novo Banco. Elle se demande enfin, dans l’affaire C-498/22, si la « fragmentation » de la relation contractuelle liant le consommateur à Novo Banco et résultant des mesures d’assainissement en cause ne revient pas à faire supporter à ce consommateur les conséquences pécuniaires de la clause « plancher », judiciairement déclarée abusive, en violation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Partant, elle a décidé de saisir la Cour de plusieurs questions préjudicielles
Appréciation de la Cour
En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si le droit de l’Union{3} s’oppose, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, la Cour rappelle, tout d’abord, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les mesures d’assainissement sont en principe appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État membre dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Cette directive est ainsi fondée sur les principes d’unité et d’universalité et pose comme principe la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de leurs effets. S’agissant de l’obligation de publication des mesures d’assainissement{4}, celle-ci est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives. D’une part, ces mesures doivent être susceptibles d’affecter les droits de tiers dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, il doit exister un recours dans l’État membre d’origine contre la décision ordonnant lesdites mesures{5}.
La Cour estime que l’objet de l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24 est de régler l’information des créanciers de l’établissement de crédit concerné par les mesures d’assainissement, afin de leur permettre d’exercer, dans l’État membre d’origine, leur droit de recours contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement de cet établissement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre créanciers{6}. Les mesures d’assainissement s’appliquant indépendamment des mesures de publication prévues par l’article 6{7}, le défaut de publication des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine n’a pas pour effet de remettre en cause les principes d’unité et d’universalité ainsi que de reconnaissance mutuelle des effets de ces mesures dans l’État membre d’accueil. Un tel défaut de publication n’entraîne donc ni l’invalidation de ces mesures ni l’inopposabilité de leurs effets dans l’État membre d’accueil.
Cependant, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, dans le respect du principe d’équivalence, du principe d’effectivité et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte
La publication prévue à l’article 6 de la directive 2001/24 a pour objectif d’assurer, dans l’État membre d’origine, la protection du droit de recours des intéressés contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement d’un établissement de crédit, dont notamment celui des créanciers de cet établissement établis dans l’État membre d’accueil. Ainsi, lorsque les mesures d’assainissement n’ont pas été publiées conformément aux exigences prévues par cette disposition, le droit de l’État membre d’origine doit permettre aux personnes dont les droits garantis par le droit de l’Union sont affectés par de telles mesures et qui résident dans l’État membre d’accueil d’introduire un recours contre ces mesures dans un délai raisonnable à partir du moment où ces personnes se sont vu notifier lesdites mesures, en ont pris connaissance ou auraient raisonnablement dû en avoir connaissance.
S’agissant du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, garanti à l’article 21, paragraphe 2, de la Charte, la Cour constate qu’il n’est ni allégué ni démontré que la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement dans l’État membre d’accueil, telle qu’elle s’impose en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, s’appliquerait de façon différente en fonction de la nationalité du justiciable. Enfin, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, elle rappelle que celui-ci exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, notamment lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables.
En l’occurrence, selon les dispositions de la directive 2001/24, l’État membre d’accueil doit assurer la reconnaissance sur son territoire des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine, nonobstant la circonstance que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue par cette directive. Ces mesures ayant fait l’objet de différentes mesures de publicité au moment où les clients de Novo Banco ont introduit leurs recours respectifs devant les juridictions espagnoles, ceux-ci disposaient de l’ensemble des éléments nécessaires pour prendre, en pleine connaissance de cause, une décision quant à l’introduction de ces recours ainsi que pour identifier avec certitude l’entité contre laquelle ces derniers devaient être dirigés.
Ainsi, le droit de l’Union{8} ne s’oppose pas, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais.
La Cour examine, en deuxième lieu, la question de savoir si le droit de l’Union{9} s’oppose à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets d’une mesure d’assainissement prise dans l’État membre d’origine à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, contrôlée par une autorité publique appliquant le droit de l’Union, lorsque les clients de cette banque-relais prétendent avoir placé leur confiance légitime dans le fait que ladite banque-relais avait ultérieurement également assumé le passif correspondant à l’ensemble des obligations et responsabilités de cet établissement de crédit à l’égard de ces clients{10}.
À cet égard, la Cour relève que, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrivant parmi les principes fondamentaux de l’Union qui doivent être respectés par les institutions de l’Union et les États membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union, le droit de se prévaloir de ce principe s’étend dès lors à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Cependant, le droit, pour un justiciable, de se prévaloir de ce principe ne s’étend, en droit de l’Union, qu’à l’égard d’assurances précises qui lui auraient été fournies par une autorité publique.
En l’occurrence, Novo Banco a été créée sous la forme d’un établissement de crédit de droit privé opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers et dépourvue de tout pouvoir exorbitant du droit commun en vue de l’accomplissement d’une mission de service public. La Cour conclut qu’elle ne saurait, dès lors, être considérée comme une autorité administrative mettant en œuvre le droit de l’Union, de sorte que le justiciable ne peut pas invoquer, en l’espèce, le principe de protection de la confiance légitime.
Par conséquent, des particuliers ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime à l’égard d’une banque-relais, organisme de droit privé dépourvu de toute prérogative exorbitante du droit commun, créé dans le cadre de mesures d’assainissement d’un établissement de crédit dont ils étaient initialement les clients dans le but d’engager la responsabilité de cette banque-relais au titre des obligations précontractuelles et contractuelles liées aux contrats précédemment conclus avec cet établissement de crédit{11}. La simple circonstance que cet établissement de crédit ait été contrôlé temporairement par une autorité publique, en vue de sa privatisation, ne saurait faire du même établissement de crédit opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers une autorité administrative nationale.
La Cour répond, en troisième et dernier lieu, à la question de savoir si l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique s’opposent à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, prévoyant la création d’une banque-relais et le maintien au passif de la banque ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle{12}. En outre, la juridiction de renvoi s’interrogeait également sur la compatibilité d’une telle reconnaissance avec l’article 38 de la Charte{13} ainsi qu’avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13{14}.
S’agissant du droit de propriété reconnu à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, la Cour précise, d’une part, que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire. Des actions ou des obligations négociables sur les marchés de capitaux sont susceptibles de constituer de tels droits pouvant bénéficier de la protection garantie à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. À cet égard, la créance et l’obligation en cause dans les affaires C 498/22 et C 500/22 revêtent une valeur patrimoniale permettant à leurs détenteurs de prétendre avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété, de sorte qu’ils peuvent bénéficier de la protection garantie par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Pour ce qui est de la créance en cause dans l’affaire C 499/22, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si cette créance satisfait aux conditions précitées, en particulier, si la jurisprudence nationale consacrant, à l’égard d’un établissement de crédit, une obligation d’information précontractuelle est suffisamment établie pour que la personne invoquant la violation d’une telle obligation puisse avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective de cette créance
La Cour rappelle, d’autre part, que, selon sa propre jurisprudence, l’adoption par l’État membre d’origine de mesures d’assainissement, qui prévoient notamment le transfert d’éléments d’actif d’un établissement de crédit à une banque-relais, constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, susceptible de porter atteinte au droit de propriété des créanciers de cet établissement de crédit, tels que les détenteurs d’obligations, dont les créances n’ont pas été transférées à cette banque-relais. Ainsi, la Cour vérifie si, au regard des conditions énoncées par cette disposition, lue conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les effets, dans l’État membre d’accueil, des mesures d’assainissement en vertu desquels les créances en cause sont affectées au passif de BES Espagne sont prévus par la loi, respectent le contenu essentiel du droit de propriété et sont proportionnés, eu égard, notamment, à l’objectif d’intérêt général auquel répondent les mesures d’assainissement et la reconnaissance de leurs effets, également poursuivi par l’Union, à savoir celui d’assurer la stabilité du système bancaire, en particulier de la zone euro, et d’éviter un risque systémique.
S’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, la Cour confirme que les mesures d’assainissement en cause relèvent de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24. La Cour constate également que les créanciers dans les affaires au principal étaient en mesure de s’attendre à ce que certaines responsabilités, telles que celles résultant du caractère défectueux de l’information précontractuelle donnée par BES Espagne, en cause dans l’affaire C 499/22, ou certains aléas, tels que ceux faisant l’objet des litiges dans les affaires C 498/22 et C 500/22, ne soient pas transférés à la banque-relais concernée{15}.
S’agissant, enfin, de la conformité de ces mesures au droit des consommateurs de bénéficier d’un niveau élevé de protection, tel qu’il est garanti par l’article 38 de la Charte et la directive 93/13, la Cour rappelle que, compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et les consommateurs. Pour ce faire, les juridictions nationales doivent écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur concerné, sauf si celui-ci s’y oppose. Une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur concerné. Cependant, la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu. Ainsi, s’il existe un intérêt général clair à garantir, à travers l’Union, une protection forte et cohérente des investisseurs et des créanciers, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique.
En l’occurrence, la protection du consommateur contre l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec un professionnel, telle qu’elle résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, ne saurait aller jusqu’à faire abstraction de la répartition des responsabilités patrimoniales entre l’établissement de crédit défaillant et la banque-relais, telle que cette répartition a été fixée dans les mesures d’assainissement adoptées par l’État membre d’origine. En effet, si la protection accordée par la directive 93/13 devait autoriser chaque consommateur de l’État membre d’accueil, créancier de l’établissement de crédit défaillant, à contrecarrer la reconnaissance des mesures par lesquelles la répartition des responsabilités patrimoniales entre celui-ci et la banque-relais a été décidée par l’État membre d’origine, l’intervention des autorités publiques de cet État membre risquerait d’être privée d’effet utile dans l’ensemble des États membres dans lesquels l’établissement de crédit défaillant a des succursales.
Partant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière de l’article 38 de la Charte, ainsi que l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique ne s’opposent pas, en principe, à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, qui prévoient la création d’une banque-relais et le maintien au passif de l’établissement de crédit ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
{2} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{3} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{4} Conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/24, il appartient aux autorités compétentes de l’État membre d’origine de publier l’extrait, l’objet et la base juridique de la décision prise, les délais de recours, en particulier une indication aisément compréhensible de la date de l’expiration de ces délais et, de façon précise, l’adresse des autorités ou de la juridiction compétentes pour connaître du recours.
{5} Article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/24.
{6} Voir considérant 12 de la directive 2001/24.
{7} Article 6, paragraphe 5, de la directive 2001/24
{8} Article 3, paragraphe 2, et article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{9} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{10} Il s’agit des deuxièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{11} La Cour déduit cette conclusion de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte et du principe de sécurité juridique.
{12} Il s’agit des troisièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22 ainsi que de la seconde question dans l’affaire C 500/22.
{13} Dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{14} Dans l’affaire C 498/22. En vertu de cet article 6, paragraphe 1, de la directive 93/12, « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
{15} Dans l’affaire C 500/22, la Cour constate que la modification rétroactive de l’identité du débiteur de la créance en cause peut raisonnablement être justifiée par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique mais qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, au regard des circonstances spécifiques à l’origine de cette affaire, de vérifier le respect du principe de proportionnalité.
Arrêt du 5 septembre 2024, Novo Banco e.a. (C-498/22 à C-500/22) (cf. points 86, 87)
262. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Établissements de crédit - Assainissement et liquidation des établissements de crédit - Directive 2001/24 - Mesure d'assainissement d'un établissement de crédit prise dans l'État membre d'origine - Reconnaissance des effets des mesures d'assainissement dans l'État membre d'accueil - Violation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité - Absence
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour Suprême, Espagne) dans trois affaires distinctes, la Cour se prononce sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2001/24 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit{1}, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs{2}, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Novo Banco SA - Sucursal en España (ci-après « Novo Banco ») à plusieurs de ses clients au sujet de l’incidence, sur différents contrats de produits et de services financiers, des mesures d’assainissement prises, en 2014 et 2015, par Banco de Portugal (Banque du Portugal) à l’égard de Banco Espíritu Santo SA (BES), un établissement de crédit portugais, et de sa succursale espagnole (ci-après « BES Espagne »), à laquelle Novo Banco a succédé en tant que banque-relais et à laquelle ont été transférés certains éléments d’actif, de passif et extrapatrimoniaux de BES.
Dans l’affaire C 498/22, le requérant a demandé que soit constatée la nullité d’une clause dite « clause "plancher" », contenue dans un contrat de prêt avec garantie hypothécaire initialement conclu avec BES Espagne puis transféré à Novo Banco à la suite des mesures d’assainissement, estimant que cette clause présentait un caractère abusif, ainsi qu’un remboursement des sommes indûment versées en application de ladite clause. Dans l’affaire C 499/22, les requérants ont demandé l’annulation de leurs contrats financiers, la restitution des sommes reçues par chaque partie et l’indemnisation des pertes subies du fait de l’acquisition de ces produits financiers, en raison d’une erreur dans le consentement liée à la communication d’informations défectueuses par BES Espagne. Novo Banco a cependant contesté la transmission de tous les éléments de passif de BES Espagne et notamment des créances et indemnisations liées à l’annulation demandée de certaines clauses de contrats conclus par cette dernière. Dans l’affaire C 500/22, le requérant a, lui, réclamé à Novo Banco, outre la restitution de la valeur nominale d’une obligation prioritaire arrivée à échéance, le paiement des rendements de cette obligation achetée à BES, qui avait été transférée à Novo Banco du fait des mesures d’assainissement prises en 2014. Novo Banco considérait cependant qu’en 2015, Banque du Portugal avait « retransféré » à BES les éléments de passif liés à la même obligation et était donc fondée à refuser ce paiement.
Relevant que les mesures d’assainissement prises à l’égard de BES relèvent du droit de l’Union et que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue à l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24, alors qu’elles sont susceptibles d’affecter les tiers et notamment de les empêcher d’introduire un recours contre ces mesures, la juridiction de renvoi s’interroge tout d’abord sur la compatibilité de l’obligation de reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets de ces mesures d’assainissement avec le principe de protection juridictionnelle effective, le principe d’égalité et d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, le principe de sécurité juridique ainsi que le principe de protection de la confiance légitime. Elle s’interroge ensuite sur la question de savoir si la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des clients de Novo Banco. Elle se demande enfin, dans l’affaire C-498/22, si la « fragmentation » de la relation contractuelle liant le consommateur à Novo Banco et résultant des mesures d’assainissement en cause ne revient pas à faire supporter à ce consommateur les conséquences pécuniaires de la clause « plancher », judiciairement déclarée abusive, en violation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Partant, elle a décidé de saisir la Cour de plusieurs questions préjudicielles
Appréciation de la Cour
En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si le droit de l’Union{3} s’oppose, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, la Cour rappelle, tout d’abord, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les mesures d’assainissement sont en principe appliquées conformément à la loi de l’État membre d’origine et produisent leurs effets selon la législation de cet État membre dans toute l’Union sans aucune autre formalité. Cette directive est ainsi fondée sur les principes d’unité et d’universalité et pose comme principe la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de leurs effets. S’agissant de l’obligation de publication des mesures d’assainissement{4}, celle-ci est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives. D’une part, ces mesures doivent être susceptibles d’affecter les droits de tiers dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, il doit exister un recours dans l’État membre d’origine contre la décision ordonnant lesdites mesures{5}.
La Cour estime que l’objet de l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive 2001/24 est de régler l’information des créanciers de l’établissement de crédit concerné par les mesures d’assainissement, afin de leur permettre d’exercer, dans l’État membre d’origine, leur droit de recours contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement de cet établissement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre créanciers{6}. Les mesures d’assainissement s’appliquant indépendamment des mesures de publication prévues par l’article 6{7}, le défaut de publication des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine n’a pas pour effet de remettre en cause les principes d’unité et d’universalité ainsi que de reconnaissance mutuelle des effets de ces mesures dans l’État membre d’accueil. Un tel défaut de publication n’entraîne donc ni l’invalidation de ces mesures ni l’inopposabilité de leurs effets dans l’État membre d’accueil.
Cependant, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, dans le respect du principe d’équivalence, du principe d’effectivité et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte
La publication prévue à l’article 6 de la directive 2001/24 a pour objectif d’assurer, dans l’État membre d’origine, la protection du droit de recours des intéressés contre les décisions ordonnant des mesures d’assainissement d’un établissement de crédit, dont notamment celui des créanciers de cet établissement établis dans l’État membre d’accueil. Ainsi, lorsque les mesures d’assainissement n’ont pas été publiées conformément aux exigences prévues par cette disposition, le droit de l’État membre d’origine doit permettre aux personnes dont les droits garantis par le droit de l’Union sont affectés par de telles mesures et qui résident dans l’État membre d’accueil d’introduire un recours contre ces mesures dans un délai raisonnable à partir du moment où ces personnes se sont vu notifier lesdites mesures, en ont pris connaissance ou auraient raisonnablement dû en avoir connaissance.
S’agissant du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, garanti à l’article 21, paragraphe 2, de la Charte, la Cour constate qu’il n’est ni allégué ni démontré que la reconnaissance des effets des mesures d’assainissement dans l’État membre d’accueil, telle qu’elle s’impose en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, s’appliquerait de façon différente en fonction de la nationalité du justiciable. Enfin, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, elle rappelle que celui-ci exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, notamment lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables.
En l’occurrence, selon les dispositions de la directive 2001/24, l’État membre d’accueil doit assurer la reconnaissance sur son territoire des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine, nonobstant la circonstance que celles-ci n’ont pas fait l’objet de la publication prévue par cette directive. Ces mesures ayant fait l’objet de différentes mesures de publicité au moment où les clients de Novo Banco ont introduit leurs recours respectifs devant les juridictions espagnoles, ceux-ci disposaient de l’ensemble des éléments nécessaires pour prendre, en pleine connaissance de cause, une décision quant à l’introduction de ces recours ainsi que pour identifier avec certitude l’entité contre laquelle ces derniers devaient être dirigés.
Ainsi, le droit de l’Union{8} ne s’oppose pas, en l’absence de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/24, à la reconnaissance, par une juridiction d’un État membre autre que l’État membre d’origine, des effets d’une mesure d’assainissement adoptée, préalablement à la saisine de cette juridiction, à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais.
La Cour examine, en deuxième lieu, la question de savoir si le droit de l’Union{9} s’oppose à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets d’une mesure d’assainissement prise dans l’État membre d’origine à l’égard d’un établissement de crédit et ayant transmis partiellement les obligations et responsabilités de ce dernier à une banque-relais, contrôlée par une autorité publique appliquant le droit de l’Union, lorsque les clients de cette banque-relais prétendent avoir placé leur confiance légitime dans le fait que ladite banque-relais avait ultérieurement également assumé le passif correspondant à l’ensemble des obligations et responsabilités de cet établissement de crédit à l’égard de ces clients{10}.
À cet égard, la Cour relève que, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrivant parmi les principes fondamentaux de l’Union qui doivent être respectés par les institutions de l’Union et les États membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union, le droit de se prévaloir de ce principe s’étend dès lors à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Cependant, le droit, pour un justiciable, de se prévaloir de ce principe ne s’étend, en droit de l’Union, qu’à l’égard d’assurances précises qui lui auraient été fournies par une autorité publique.
En l’occurrence, Novo Banco a été créée sous la forme d’un établissement de crédit de droit privé opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers et dépourvue de tout pouvoir exorbitant du droit commun en vue de l’accomplissement d’une mission de service public. La Cour conclut qu’elle ne saurait, dès lors, être considérée comme une autorité administrative mettant en œuvre le droit de l’Union, de sorte que le justiciable ne peut pas invoquer, en l’espèce, le principe de protection de la confiance légitime.
Par conséquent, des particuliers ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime à l’égard d’une banque-relais, organisme de droit privé dépourvu de toute prérogative exorbitante du droit commun, créé dans le cadre de mesures d’assainissement d’un établissement de crédit dont ils étaient initialement les clients dans le but d’engager la responsabilité de cette banque-relais au titre des obligations précontractuelles et contractuelles liées aux contrats précédemment conclus avec cet établissement de crédit{11}. La simple circonstance que cet établissement de crédit ait été contrôlé temporairement par une autorité publique, en vue de sa privatisation, ne saurait faire du même établissement de crédit opérant sur le marché concurrentiel des services bancaires et financiers une autorité administrative nationale.
La Cour répond, en troisième et dernier lieu, à la question de savoir si l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique s’opposent à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, prévoyant la création d’une banque-relais et le maintien au passif de la banque ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle{12}. En outre, la juridiction de renvoi s’interrogeait également sur la compatibilité d’une telle reconnaissance avec l’article 38 de la Charte{13} ainsi qu’avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13{14}.
S’agissant du droit de propriété reconnu à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, la Cour précise, d’une part, que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire. Des actions ou des obligations négociables sur les marchés de capitaux sont susceptibles de constituer de tels droits pouvant bénéficier de la protection garantie à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. À cet égard, la créance et l’obligation en cause dans les affaires C 498/22 et C 500/22 revêtent une valeur patrimoniale permettant à leurs détenteurs de prétendre avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété, de sorte qu’ils peuvent bénéficier de la protection garantie par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Pour ce qui est de la créance en cause dans l’affaire C 499/22, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si cette créance satisfait aux conditions précitées, en particulier, si la jurisprudence nationale consacrant, à l’égard d’un établissement de crédit, une obligation d’information précontractuelle est suffisamment établie pour que la personne invoquant la violation d’une telle obligation puisse avoir une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective de cette créance
La Cour rappelle, d’autre part, que, selon sa propre jurisprudence, l’adoption par l’État membre d’origine de mesures d’assainissement, qui prévoient notamment le transfert d’éléments d’actif d’un établissement de crédit à une banque-relais, constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, susceptible de porter atteinte au droit de propriété des créanciers de cet établissement de crédit, tels que les détenteurs d’obligations, dont les créances n’ont pas été transférées à cette banque-relais. Ainsi, la Cour vérifie si, au regard des conditions énoncées par cette disposition, lue conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les effets, dans l’État membre d’accueil, des mesures d’assainissement en vertu desquels les créances en cause sont affectées au passif de BES Espagne sont prévus par la loi, respectent le contenu essentiel du droit de propriété et sont proportionnés, eu égard, notamment, à l’objectif d’intérêt général auquel répondent les mesures d’assainissement et la reconnaissance de leurs effets, également poursuivi par l’Union, à savoir celui d’assurer la stabilité du système bancaire, en particulier de la zone euro, et d’éviter un risque systémique.
S’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, la Cour confirme que les mesures d’assainissement en cause relèvent de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24. La Cour constate également que les créanciers dans les affaires au principal étaient en mesure de s’attendre à ce que certaines responsabilités, telles que celles résultant du caractère défectueux de l’information précontractuelle donnée par BES Espagne, en cause dans l’affaire C 499/22, ou certains aléas, tels que ceux faisant l’objet des litiges dans les affaires C 498/22 et C 500/22, ne soient pas transférés à la banque-relais concernée{15}.
S’agissant, enfin, de la conformité de ces mesures au droit des consommateurs de bénéficier d’un niveau élevé de protection, tel qu’il est garanti par l’article 38 de la Charte et la directive 93/13, la Cour rappelle que, compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et les consommateurs. Pour ce faire, les juridictions nationales doivent écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur concerné, sauf si celui-ci s’y oppose. Une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur concerné. Cependant, la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu. Ainsi, s’il existe un intérêt général clair à garantir, à travers l’Union, une protection forte et cohérente des investisseurs et des créanciers, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique.
En l’occurrence, la protection du consommateur contre l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec un professionnel, telle qu’elle résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, ne saurait aller jusqu’à faire abstraction de la répartition des responsabilités patrimoniales entre l’établissement de crédit défaillant et la banque-relais, telle que cette répartition a été fixée dans les mesures d’assainissement adoptées par l’État membre d’origine. En effet, si la protection accordée par la directive 93/13 devait autoriser chaque consommateur de l’État membre d’accueil, créancier de l’établissement de crédit défaillant, à contrecarrer la reconnaissance des mesures par lesquelles la répartition des responsabilités patrimoniales entre celui-ci et la banque-relais a été décidée par l’État membre d’origine, l’intervention des autorités publiques de cet État membre risquerait d’être privée d’effet utile dans l’ensemble des États membres dans lesquels l’établissement de crédit défaillant a des succursales.
Partant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière de l’article 38 de la Charte, ainsi que l’article 17 de la Charte et le principe de sécurité juridique ne s’opposent pas, en principe, à la reconnaissance, dans l’État membre d’accueil, des effets des mesures d’assainissement adoptées dans l’État membre d’origine en application de la directive 2001/24, qui prévoient la création d’une banque-relais et le maintien au passif de l’établissement de crédit ayant fait l’objet de ces mesures de l’obligation d’acquitter les sommes dues au titre d’une responsabilité précontractuelle ou contractuelle.
{1} Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).
{2} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{3} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{4} Conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2001/24, il appartient aux autorités compétentes de l’État membre d’origine de publier l’extrait, l’objet et la base juridique de la décision prise, les délais de recours, en particulier une indication aisément compréhensible de la date de l’expiration de ces délais et, de façon précise, l’adresse des autorités ou de la juridiction compétentes pour connaître du recours.
{5} Article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/24.
{6} Voir considérant 12 de la directive 2001/24.
{7} Article 6, paragraphe 5, de la directive 2001/24
{8} Article 3, paragraphe 2, et article 6 de la directive 2001/24, lus à la lumière de l’article 21, paragraphe 2, et de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{9} Plus particulièrement, il s’agit de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ainsi que du principe de sécurité juridique.
{10} Il s’agit des deuxièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{11} La Cour déduit cette conclusion de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/24, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte et du principe de sécurité juridique.
{12} Il s’agit des troisièmes questions dans les affaires C 498/22 et C 499/22 ainsi que de la seconde question dans l’affaire C 500/22.
{13} Dans les affaires C 498/22 et C 499/22.
{14} Dans l’affaire C 498/22. En vertu de cet article 6, paragraphe 1, de la directive 93/12, « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
{15} Dans l’affaire C 500/22, la Cour constate que la modification rétroactive de l’identité du débiteur de la créance en cause peut raisonnablement être justifiée par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la stabilité du système bancaire et à éviter un risque systémique mais qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, au regard des circonstances spécifiques à l’origine de cette affaire, de vérifier le respect du principe de proportionnalité.
Arrêt du 5 septembre 2024, Novo Banco e.a. (C-498/22 à C-500/22) (cf. point 94)
263. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Travailleurs - Reconnaissance des qualifications professionnelles - Champ d'application de la directive 2005/36 - Application à la seule reconnaissance, dans un État membre, d'une qualification professionnelle obtenue dans un autre État membre
Dans le cadre d’un litige relatif à une interdiction générale opposée à une entreprise d’exercer conjointement l’activité d’intermédiaire immobilier et celle de syndic de copropriété d’immeubles, la Cour apporte des précisions sur les conditions que doivent remplir des restrictions à l’exercice d’activités pluridisciplinaires par une profession réglementée pour être compatibles avec la directive 2006/123{1}.
Tecno*37 est une entreprise individuelle exerçant conjointement les activités de syndic de copropriété et d’intermédiation immobilière en tant qu’agent immobilier.
Considérant que cet exercice conjoint d’activités de syndic de copropriété et d’intermédiation immobilière constituait une situation d’incompatibilité au sens de la réglementation nationale, la Camera di Commercio Industria Artigianato e Agricoltura di Bologna (chambre de commerce, de l’industrie, de l’artisanat et de l’agriculture de Bologne, Italie) a décidé d’interdire à Tecno*37 la poursuite de l’activité d’intermédiation immobilière.
Tecno*37 a contesté cette décision jusque devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), la juridiction de renvoi, en faisant notamment valoir que l’interdiction de cumuler les activités en cause méconnaîtrait le droit de l’Union européenne. En particulier, selon elle, la réglementation nationale en cause ferait l’objet d’une application abstraite et générale, conduisant à toujours reconnaître une incompatibilité entre l’activité d’intermédiation immobilière et celle de syndic de copropriété d’immeubles et empêchant toute appréciation au cas par cas d’un risque de conflit d’intérêts.
La juridiction de renvoi, émettant des doutes quant à la conformité au droit de l’Union des restrictions que cette réglementation prévoit, se demande notamment si l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123 s’oppose à une réglementation nationale qui établit, de manière générale, que l’activité d’intermédiation immobilière ne peut être exercée de manière conjointe à celle de syndic de copropriété.
La Cour répond par l’affirmative à cette question.
Appréciation de la Cour
Pour en arriver à cette conclusion, la Cour constate tout d’abord que, en interdisant de manière générale l’exercice conjoint des activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété, la réglementation nationale en cause soumet l’activité d’intermédiation, qui est une profession réglementée en Italie, à des exigences telles que celles prévues à l’article 25, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/123.
La Cour rappelle ensuite que, en vue d’assurer la protection des consommateurs, les États membres peuvent adopter des mesures visant à garantir l’indépendance et l’impartialité des professions réglementées, conformément à l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive 2006/123.
En l’occurrence, dès lors qu’un intermédiaire immobilier doit être un tiers par rapport aux parties à une transaction immobilière, il apparaît que l’interdiction d’exercer conjointement les activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété, en ce qu’elle vise à prévenir le risque d’un conflit d’intérêts, peut, en principe, être considérée comme étant apte à garantir l’indépendance et l’impartialité de la profession réglementée en cause.
Cependant, il apparaît qu’une telle interdiction générale excède ce qui est nécessaire et proportionné pour atteindre cet objectif.
En effet, s’il ne peut être exclu qu’une situation de conflit d’intérêts puisse se produire, notamment lorsque les activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété sont exercées à l’égard d’un même bien ou de biens comparables, un tel risque n’a pas nécessairement vocation à se réaliser en toutes circonstances, de sorte que l’existence d’un tel conflit d’intérêts ne saurait être présumée. De plus, des mesures moins attentatoires à la libre prestation de services qu’une interdiction générale d’exercice conjoint des deux activités, telles qu’une interdiction d’exercice conjoint d’activités limitée au cas où serait en cause un même bien immobilier, ou des obligations spécifiques de transparence et d’information concernant cet exercice conjoint, assortis à un contrôle ex post par les chambres professionnelles compétentes, peuvent également permettre de garantir l’indépendance et l’impartialité de la profession réglementée en cause.
La Cour précise enfin que les difficultés d’ordre pratique, relatives à l’impossibilité de vérifier l’absence d’un conflit d’intérêts dans chaque transaction lors d’un éventuel exercice conjoint d’activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété pour un même bien immobilier, ne sont pas insurmontables. Les actes de vente peuvent en effet, par exemple, comporter des déclarations expresses indiquant que l’agent immobilier, agissant en tant qu’intermédiaire, n’exerce pas en même temps la fonction de syndic de la copropriété dont fait partie l’immeuble acquis.
{1} Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).
Arrêt du 4 octobre 2024, Tecno*37 (C-242/23) (cf. points 41, 42)
264. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Restriction de l'accès au droit à la remise de dettes - Circonstances non exhaustives - Faculté des États membres de restreindre davantage l'accès au droit à la remise de dettes - Admissibilité - Conditions
Voir texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 26-33, disp. 1)
265. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Restriction de l'accès au droit à la remise de dettes - Réglementation nationale conditionnant le bénéfice d'une remise de dettes au paiement de créances publiques non privilégiées à la suite d'une procédure d'insolvabilité - Admissibilité - Condition
Voir texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 35-39, disp. 2)
266. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Exclusion de l'accès au droit à la remise de dettes - Débiteur ayant eu un comportement négligent ou imprudent - Débiteur n'ayant pas agi de manière malhonnête ou de mauvaise foi - Admissibilité - Débiteur ayant fait l'objet d'une sanction en matière fiscale ou de sécurité sociale ou d'une décision définitive d'extension de responsabilité - Débiteur n'ayant pas entièrement acquitté ses dettes - Admissibilité - Condition - Justification en vertu du droit national
Voir texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 40-52, disp. 2)
267. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Exclusion de l'accès au droit à la remise de dettes - Absence de justification en vertu du droit national - Inadmissibilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 54-56, disp. 3)
268. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Exclusion de classes spécifiques de créances de la remise de dettes - Réglementation nationale prévoyant une exclusion générale des créances publiques - Traitement privilégié accordé aux créanciers publics par rapport aux autres créanciers - Admissibilité - Condition - Justification en vertu du droit national
Voir texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 61-67, 69-73, disp. 5, 6)
269. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Restriction de l'accès au droit à la remise de dettes - Réglementation nationale limitant le bénéfice d'une remise de dettes pour une classe spécifique de créances par l'instauration d'un plafond - Plafond non fixé en fonction du montant de la dette concernée - Admissibilité - Condition - Justification en vertu du droit national
Voir texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 75-82, disp. 7)
270. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Champ d'application - Extension de l'application des procédures permettant une remise des dettes à des personnes physiques insolvables n'étant pas des entrepreneurs - Condition
Voir texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2024, Corván (C-289/23 et C-305/23) (cf. points 87-91, disp. 8)
271. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Action intentée dans l'intérêt des consommateurs - Intérêt des consommateurs - Notion - Intérêts individuels d'une pluralité de consommateurs - Inclusion
Dans le cadre d’un litige relatif à la validité de contrats d’acquisition d’instruments financiers conclus par des investisseurs-consommateurs défendus par une association de consommateurs, la Cour confirme que la qualité pour agir d’une telle association défendant les intérêts individuels d’une pluralité de ses membres ne peut être soumise à des restrictions tenant à la capacité financière de ces membres et aux caractéristiques des produits financiers dans lesquels ces membres ont investi. De tels critères peuvent néanmoins être pris en considération afin de décider si cette association peut bénéficier d’une aide juridictionnelle.
Deux personnes physiques avaient souscrit des produits financiers auprès de Banco Banif, devenue Banco Santander. Afin de faire constater la nullité de ces contrats d’acquisition pour vice de consentement, un recours a été introduit contre cette banque devant les juridictions espagnoles par l’Asociación de Consumidores y Usuarios de Servicios Generales - Auge (Association de consommateurs et d’usagers de services généraux, ci-après l’« Auge »), agissant en représentation de ces deux personnes physiques.
Les juridictions de première instance et d’appel ayant fait droit à ce recours, la banque précitée a introduit un recours extraordinaire pour vice de procédure et formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de l’instance d’appel devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), la juridiction de renvoi. La banque fait valoir devant cette juridiction que l’Auge n’a pas qualité pour ester en justice au nom de ses membres, au motif que les produits souscrits par ceux-ci sont des produits financiers spéculatifs de grande valeur économique, et non pas des produits d’utilisation courante et généralisée, ce qui impliquerait que l’action intentée ne relèverait pas de la protection des consommateurs selon le droit national.
En effet, selon la jurisprudence nationale, les organisations de consommateurs ne disposent pas de la qualité pour agir lorsque l’action porte sur des investissements dans des produits financiers spéculatifs ou d’une valeur économique élevée, ces produits n’étant pas d’utilisation courante, ordinaire et généralisée. Une telle absence de reconnaissance de la qualité pour agir dans ce cas permettrait d’éviter, selon la juridiction de renvoi, une utilisation frauduleuse ou abusive de la qualité pour agir spécifique des associations de consommateurs par des investisseurs dotés d’une grande capacité financière, en vue de profiter du droit à l’aide juridictionnelle que le droit national reconnaît à ces associations.
C’est dans ce contexte que cette juridiction se demande si la jurisprudence nationale limitant ainsi la qualité pour agir d’une association de consommateurs pour le compte de l’un de ces investisseurs-consommateurs en raison de la capacité financière de celui-ci, de la valeur économique, du type et de la complexité de ses investissements, est conforme à l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39{1}.
Appréciation de la Cour
La Cour rappelle tout d’abord que le « client de détail » au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, peut être qualifié de « consommateur » s’il est une personne physique agissant en dehors de toute activité commerciale{2}. Il ressort également du considérant 14 de la directive 2020/1828{3} que le « client de détail » constitue un consommateur et du considérant 13 de cette même directive que celle-ci couvre, outre le droit général de la consommation, des domaines tels que celui des services financiers.
Ensuite, la Cour précise que les États membres sont en droit de conférer à des organismes de protection des consommateurs la qualité pour agir afin de protéger les intérêts individuels d’une pluralité de leurs membres.
Pour en arriver à cette conclusion, la Cour relève que l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39 se réfère à l’intérêt des « consommateurs » au pluriel. Bien que l’utilisation du pluriel indique que l’action intentée par une organisation de consommateurs doit viser les intérêts d’une pluralité de consommateurs, cette disposition ne précise pas si cette dimension collective de l’action vise l’intérêt général des consommateurs ou, au contraire, les intérêts individuels de plusieurs consommateurs. Néanmoins, dans la mesure où cette disposition renvoie au droit des États membres tant en ce qui concerne la détermination des organismes pouvant représenter les intérêts de consommateurs qu’en ce qui concerne les modalités procédurales selon lesquelles cette représentation doit être effectivement exercée, les États membres restent libres de déterminer la nature individuelle ou collective des intérêts qui peuvent être défendus par les organismes de protection des consommateurs.
En outre, dès lors qu’un État membre a conféré aux organisations de consommateurs la qualité pour agir en justice afin de défendre les intérêts individuels d’une pluralité de leurs membres, il ne lui est cependant pas permis de limiter la qualité à agir d’une telle organisation à la défense d’une certaine catégorie de consommateurs identifiée en fonction de leur capacité financière et des instruments financiers dans lesquels ils ont investi. En effet, l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39 prévoit un droit de recours dans l’intérêt de tous les consommateurs-investisseurs, sans faire de distinction à cet égard.
En revanche, ni cette disposition ni aucune autre réglementation de l’Union européenne, n’imposent l’octroi d’une aide juridictionnelle aux organisations de consommateurs qui intentent des actions dans l’intérêt des consommateurs. Ainsi, chaque État membre doit établir ses propres règles concernant le régime d’aide juridictionnelle, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, sous réserve que ces règles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité). À cet égard, les frais de justice qu’une association est tenue d’acquitter si elle ne bénéficie pas d’une aide juridictionnelle ne doivent pas constituer des coûts insurmontables de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de recours prévu à l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39.
{1} Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1).
{2} Voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019 (Petruchová, C 208/18, EU:C:2019:825, point 76).
{3} Directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2020, relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE (JO 2020, L 409, p. 1). L’annexe I de cette directive renvoie à la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO 2014, L 173, p. 349), qui a abrogé et remplacé la directive 2004/39 et dont l’article 74, paragraphe 2, consacré au droit de recours dans l’intérêt des consommateurs, correspond à l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39, ces deux articles étant rédigés en des termes quasi identiques.
272. Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Marchés d'instruments financiers - Directive 2004/39 - Action intentée dans l'intérêt des consommateurs - Organisation de consommateurs défendant les intérêts individuels d'une pluralité de ses membres - Qualité pour agir - Limitation en fonction de la capacité financière des investisseurs défendus et des instruments financiers souscrits - Inadmissibilité - Refus d'octroi d'une aide juridictionnelle à cette organisation en raison de la capacité financière des investisseurs défendus et des instruments financiers souscrits - Admissibilité - Conditions
Dans le cadre d’un litige relatif à la validité de contrats d’acquisition d’instruments financiers conclus par des investisseurs-consommateurs défendus par une association de consommateurs, la Cour confirme que la qualité pour agir d’une telle association défendant les intérêts individuels d’une pluralité de ses membres ne peut être soumise à des restrictions tenant à la capacité financière de ces membres et aux caractéristiques des produits financiers dans lesquels ces membres ont investi. De tels critères peuvent néanmoins être pris en considération afin de décider si cette association peut bénéficier d’une aide juridictionnelle.
Deux personnes physiques avaient souscrit des produits financiers auprès de Banco Banif, devenue Banco Santander. Afin de faire constater la nullité de ces contrats d’acquisition pour vice de consentement, un recours a été introduit contre cette banque devant les juridictions espagnoles par l’Asociación de Consumidores y Usuarios de Servicios Generales - Auge (Association de consommateurs et d’usagers de services généraux, ci-après l’« Auge »), agissant en représentation de ces deux personnes physiques.
Les juridictions de première instance et d’appel ayant fait droit à ce recours, la banque précitée a introduit un recours extraordinaire pour vice de procédure et formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de l’instance d’appel devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), la juridiction de renvoi. La banque fait valoir devant cette juridiction que l’Auge n’a pas qualité pour ester en justice au nom de ses membres, au motif que les produits souscrits par ceux-ci sont des produits financiers spéculatifs de grande valeur économique, et non pas des produits d’utilisation courante et généralisée, ce qui impliquerait que l’action intentée ne relèverait pas de la protection des consommateurs selon le droit national.
En effet, selon la jurisprudence nationale, les organisations de consommateurs ne disposent pas de la qualité pour agir lorsque l’action porte sur des investissements dans des produits financiers spéculatifs ou d’une valeur économique élevée, ces produits n’étant pas d’utilisation courante, ordinaire et généralisée. Une telle absence de reconnaissance de la qualité pour agir dans ce cas permettrait d’éviter, selon la juridiction de renvoi, une utilisation frauduleuse ou abusive de la qualité pour agir spécifique des associations de consommateurs par des investisseurs dotés d’une grande capacité financière, en vue de profiter du droit à l’aide juridictionnelle que le droit national reconnaît à ces associations.
C’est dans ce contexte que cette juridiction se demande si la jurisprudence nationale limitant ainsi la qualité pour agir d’une association de consommateurs pour le compte de l’un de ces investisseurs-consommateurs en raison de la capacité financière de celui-ci, de la valeur économique, du type et de la complexité de ses investissements, est conforme à l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39{1}.
Appréciation de la Cour
La Cour rappelle tout d’abord que le « client de détail » au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, peut être qualifié de « consommateur » s’il est une personne physique agissant en dehors de toute activité commerciale{2}. Il ressort également du considérant 14 de la directive 2020/1828{3} que le « client de détail » constitue un consommateur et du considérant 13 de cette même directive que celle-ci couvre, outre le droit général de la consommation, des domaines tels que celui des services financiers.
Ensuite, la Cour précise que les États membres sont en droit de conférer à des organismes de protection des consommateurs la qualité pour agir afin de protéger les intérêts individuels d’une pluralité de leurs membres.
Pour en arriver à cette conclusion, la Cour relève que l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39 se réfère à l’intérêt des « consommateurs » au pluriel. Bien que l’utilisation du pluriel indique que l’action intentée par une organisation de consommateurs doit viser les intérêts d’une pluralité de consommateurs, cette disposition ne précise pas si cette dimension collective de l’action vise l’intérêt général des consommateurs ou, au contraire, les intérêts individuels de plusieurs consommateurs. Néanmoins, dans la mesure où cette disposition renvoie au droit des États membres tant en ce qui concerne la détermination des organismes pouvant représenter les intérêts de consommateurs qu’en ce qui concerne les modalités procédurales selon lesquelles cette représentation doit être effectivement exercée, les États membres restent libres de déterminer la nature individuelle ou collective des intérêts qui peuvent être défendus par les organismes de protection des consommateurs.
En outre, dès lors qu’un État membre a conféré aux organisations de consommateurs la qualité pour agir en justice afin de défendre les intérêts individuels d’une pluralité de leurs membres, il ne lui est cependant pas permis de limiter la qualité à agir d’une telle organisation à la défense d’une certaine catégorie de consommateurs identifiée en fonction de leur capacité financière et des instruments financiers dans lesquels ils ont investi. En effet, l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39 prévoit un droit de recours dans l’intérêt de tous les consommateurs-investisseurs, sans faire de distinction à cet égard.
En revanche, ni cette disposition ni aucune autre réglementation de l’Union européenne, n’imposent l’octroi d’une aide juridictionnelle aux organisations de consommateurs qui intentent des actions dans l’intérêt des consommateurs. Ainsi, chaque État membre doit établir ses propres règles concernant le régime d’aide juridictionnelle, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, sous réserve que ces règles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité). À cet égard, les frais de justice qu’une association est tenue d’acquitter si elle ne bénéficie pas d’une aide juridictionnelle ne doivent pas constituer des coûts insurmontables de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de recours prévu à l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39.
{1} Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1).
{2} Voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019 (Petruchová, C 208/18, EU:C:2019:825, point 76).
{3} Directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2020, relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE (JO 2020, L 409, p. 1). L’annexe I de cette directive renvoie à la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO 2014, L 173, p. 349), qui a abrogé et remplacé la directive 2004/39 et dont l’article 74, paragraphe 2, consacré au droit de recours dans l’intérêt des consommateurs, correspond à l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39, ces deux articles étant rédigés en des termes quasi identiques.
273. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Exclusion de l'accès au droit à la remise de dettes - Personne responsable de l'insolvabilité frauduleuse d'une société - Agissement malhonnête ou de mauvaise foi à l'égard des créanciers d'un tiers - Inclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 10 avril 2025, Amilla (C-723/23) (cf. points 21-35, disp. 1)
274. Liberté d'établissement - Procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes - Possibilité de remise de dettes - Dérogations - Restriction de l'accès au droit à la remise de dettes - Circonstances non exhaustives - Faculté des États membres de restreindre davantage l'accès au droit à la remise de dettes - Débiteur déclaré personne concernée au cours des dix années précédant la demande de remise dans un jugement qualifiant l'insolvabilité d'un tiers de frauduleuse - Admissibilité - Conditions
Voir texte de la décision.
Arrêt du 10 avril 2025, Amilla (C-723/23) (cf. points 43-59, disp. 2)