1. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Reconnaissance de la procédure d'insolvabilité ouverte par une juridiction d'un État membre - Décision ouvrant une procédure d'insolvabilité - Saisie de biens du débiteur insolvable ordonnée ultérieurement par une juridiction d'un autre État membre - Inadmissibilité

Le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, doit être interprété en ce sens que, postérieurement à l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans l'État membre de l'établissement principal d'une entreprise, les autorités compétentes d'un autre État membre dans lequel cette entreprise exerce des travaux de construction par le biais d'une succursale et dans lequel aucune procédure secondaire d'insolvabilité n'a été ouverte, sont tenues, sous réserve des motifs de refus tirés des articles 25, paragraphe 3, et 26 de ce règlement, de reconnaître et d'exécuter toutes les décisions relatives à cette procédure principale d'insolvabilité et, partant, ne sont pas en droit d'ordonner, en application de la législation de cet autre État membre, des mesures d'exécution portant sur les biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire dudit autre État membre, lorsque la législation de l'État d'ouverture ne le permet pas et que les conditions auxquelles est soumise l'application des articles 5 et 10 dudit règlement ne sont pas remplies.

En effet, sous cette réserve, en raison de la portée universelle qui doit être attribuée à toute procédure principale d’insolvabilité, la procédure d’insolvabilité ouverte dans un État membre inclut tous les actifs du débiteur, y compris ceux situés dans un autre État membre, et la loi de l'État d'ouverture détermine non seulement l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais également le déroulement ainsi que la clôture de celle-ci. À ce titre, cette loi est appelée à régir le sort des biens situés dans les autres États membres ainsi que les effets de la procédure d’insolvabilité sur les mesures dont ces biens sont susceptibles de faire l’objet.

Arrêt du 21 janvier 2010, MG Probud Gdynia (C-444/07, Rec._p._I-417) (cf. points 43, 46-47 et disp.)

2. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Centre des intérêts principaux du débiteur - Notion autonome du droit de l'Union

La notion de "centre des intérêts principaux" du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

En effet, il s'agit d'une notion propre au règlement qui doit donc être interprétée de manière uniforme et indépendante des législations nationales.

Arrêt du 20 octobre 2011, Interedil (C-396/09, Rec._p._I-9915) (cf. points 43-44, disp. 2)



Ordonnance du 24 mai 2016, Leonmobili et Leone (C-353/15) (cf. point 32)

3. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Critères de détermination - Présomption au bénéfice du siège statutaire des sociétés - Présomption réfragable - Nécessité d'éléments objectifs et vérifiables par les tiers - Transfert du siège statutaire de la société débitrice avant l'introduction de la demande d'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Présomption en faveur du nouveau siège statutaire

Aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre.

Dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

Arrêt du 20 octobre 2011, Interedil (C-396/09, Rec._p._I-9915) (cf. point 59, disp. 3)



Ordonnance du 24 mai 2016, Leonmobili et Leone (C-353/15) (cf. points 33-41 et disp.)

4. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Procédure secondaire - Débiteur possédant un établissement sur le territoire de cet État - Notion d'établissement

La notion d’"établissement" au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.

Arrêt du 20 octobre 2011, Interedil (C-396/09, Rec._p._I-9915) (cf. point 64, disp. 4)

5. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Ouverture d'une procédure territoriale avant l'ouverture d'une procédure principale - Conditions - Impossibilité d'ouvrir une procédure principale en raison des conditions établies par la loi de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Notion de conditions établies

L’impossibilité d'ouvrir une procédure principale d’insolvabilité prévue par l'article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être objective et ne saurait varier en fonction des circonstances spécifiques dans lesquelles l'ouverture d'une telle procédure est demandée. Si cette impossibilité peut résulter des caractéristiques tenant à la qualité du débiteur, elle ne peut pas, en revanche, résulter du seul fait qu'une personne déterminée, tel le représentant du ministère public d'un État membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, n'a pas, selon la loi de l'État membre où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, qualité pour demander l'ouverture d'une procédure principale dans cet État membre.

Par conséquent, l'expression "conditions établies" qui figure audit article 3, paragraphe 4, sous a), et qui renvoie aux conditions empêchant, selon la loi de l’État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans cet État, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas les conditions excluant certaines personnes déterminées du cercle de celles habilitées à demander l’ouverture d’une telle procédure.

Arrêt du 17 novembre 2011, Zaza Retail (C-112/10, Rec._p._I-11525) (cf. points 21, 23-24, 26, disp. 1)

6. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Ouverture d'une procédure territoriale avant l'ouverture d'une procédure principale - Conditions - Demande d'ouverture de la procédure territoriale présentée par un créancier ayant son domicile, sa résidence habituelle ou son siège dans l'État membre de l'établissement concerné - Notion de créancier

L'objectif poursuivi par le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, est, ainsi qu'il ressort du dix-septième considérant de celui-ci, de limiter au strict minimum les cas dans lesquels l'ouverture de procédures secondaires peut être demandée avant celle d'une procédure principale d'insolvabilité. Les conditions d'ouverture d'une procédure territoriale indépendante selon l'article 3, paragraphe 4, sous b), dudit règlement doivent donc être entendues strictement.

Ainsi, le terme "créancier", qui figure à cette disposition et qui est utilisé pour désigner le cercle des personnes habilitées à demander l’ouverture d’une procédure territoriale indépendante, doit être interprété en ce sens qu’il n’inclut pas une autorité d’un État membre qui, selon le droit national de celle-ci, a pour mission d’agir dans l’intérêt général, mais qui n’intervient pas en tant que créancier, ni au nom et pour le compte des créanciers.

Arrêt du 17 novembre 2011, Zaza Retail (C-112/10, Rec._p._I-11525) (cf. points 22, 29, 34, disp. 2)

7. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Ouverture d'une procédure d'insolvabilité à l'encontre d'une société ayant le centre de ses intérêts principaux dans un État membre - Extension de ladite procédure à une deuxième société ayant son siège statutaire dans un autre État membre - Admissibilité - Condition - Vérification de la présence du centre des intérêts principaux de la deuxième société dans le même État membre que celui de la première société

Le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre qui a ouvert une procédure principale d’insolvabilité à l’encontre d’une société, en retenant que le centre des intérêts principaux de celle-ci est situé sur le territoire de cet État, ne peut étendre, en application d’une règle de son droit national, cette procédure à une deuxième société, dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre, qu’à la condition qu’il soit démontré que le centre des intérêts principaux de cette dernière se trouve dans le premier État membre.

En effet, dans le système de détermination de la compétence des États membres mis en place par le règlement, qui est fondé sur le centre des intérêts principaux du débiteur, il existe une compétence juridictionnelle propre pour chaque débiteur constituant une entité juridiquement distincte.

La possibilité pour une juridiction, désignée conformément à l'article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000 comme compétente à l’égard d’un débiteur, de soumettre, en application de sa loi nationale, une autre entité juridique à une procédure d’insolvabilité au seul motif d’une confusion des patrimoines, sans rechercher où se trouve le centre des intérêts principaux de cette entité, constituerait un contournement du système mis en place par le règlement. Il en résulterait notamment un risque de conflits positifs de compétence entre juridictions d’États membres différents, conflits que le règlement a précisément voulu éviter afin d’assurer une unité du traitement des procédures d’insolvabilité au sein de l’Union.

Arrêt du 15 décembre 2011, Rastelli Davide e C. (C-191/10, Rec._p._I-13209) (cf. points 25, 28-29, disp. 1)

8. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Critères de détermination - Présomption réfragable au bénéfice du siège statutaire des sociétés - Extension d'une procédure d'insolvabilité ouverte à l'encontre d'une première société à une deuxième société ayant son siège statutaire dans un autre État membre au motif de la confusion de leur patrimoine - Inadmissibilité - Nécessité d'éléments objectifs et vérifiables par les tiers

Le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que dans l’hypothèse où une société, dont le siège statutaire est situé sur le territoire d’un État membre, est visée par une action tendant à lui étendre les effets d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre à l’encontre d’une autre société établie sur le territoire de ce dernier État, la seule constatation de la confusion des patrimoines de ces sociétés ne suffit pas à démontrer que le centre des intérêts principaux de la société visée par ladite action se trouve également dans ce dernier État. Il est nécessaire, pour renverser la présomption selon laquelle ce centre se trouve au lieu du siège statutaire, qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société visée par l’action aux fins d’extension se situe dans l’État membre où a été ouverte la procédure d’insolvabilité initiale.

Arrêt du 15 décembre 2011, Rastelli Davide e C. (C-191/10, Rec._p._I-13209) (cf. point 39, disp. 2)

9. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 44/2001 - Champ d'application - Matière civile et commerciale - Notion - Action introduite à l'encontre d'un tiers sur le fondement d'une cession de créance consentie par un syndic dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité et ayant pour objet un droit de révocation - Inclusion - Non-applicabilité du règlement nº 1346/2000

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que l’action introduite à l’encontre d’un tiers par un demandeur agissant sur le fondement d’une cession de créance consentie par le syndic désigné dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, ayant pour objet le droit de révocation que ce syndic tire de la loi nationale applicable à cette procédure, relève de la notion de matière civile et commerciale au sens de cette disposition.

En effet, l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 44/2001 n’exclut du champ d’application de ce règlement que les actions qui dérivent directement d’une procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement, ces dernières relevant du champ d'application du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d'insolvabilité. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans un cas où le droit sur lequel le demandeur fonde son action présente, certes, un lien avec l’insolvabilité du débiteur, dans la mesure où il tire son origine du droit de révocation conféré au syndic par la loi nationale applicable à la procédure d’insolvabilité, mais où, toutefois, l’exercice du droit acquis par le cessionnaire obéit à d’autres règles que celles applicables dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité.

Une telle différence de règles existe ainsi lorsque, en premier lieu, le cessionnaire est libre d'exercer ou non le droit de créance qu'il a acquis et que, en second lieu, le cessionnaire, lorsqu’il décide d’exercer son droit de créance, agit dans son intérêt propre et pour son bénéfice personnel. À l’instar du droit de créance qui sert de fondement à sa demande, le produit de l’action qu’il intente entre dans son patrimoine personnel. Les conséquences de son action sont ainsi différentes de celles d’une action révocatoire introduite par le syndic, laquelle a pour but l’accroissement de l’actif de l’entreprise faisant l’objet de la procédure d’insolvabilité.

Une différence entre les règles applicables dans un tel cas et celles qui s'appliquent en cas de procédure d'insolvabilité est en outre également présente lorsque la clôture de cette procédure n’a aucune incidence sur l’exercice par le cessionnaire du droit de révocation qu’il a acquis et que ce droit peut être exercé par le cessionnaire après la clôture de la procédure d’insolvabilité.

Arrêt du 19 avril 2012, F-Tex (C-213/10) (cf. points 29, 40, 42-44, 46, 49 et disp.)

10. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Application dans le temps - Reconnaissance de la décision ouvrant une procédure d'insolvabilité - Décision produisant ses effets, reconnus dans l'État d'ouverture, dans un État devenu membre de l'Union européenne à partir de la date de son adhésion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 juillet 2012, ERSTE Bank Hungary (C-527/10) (cf. points 30, 33-36)

11. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Application dans le temps - Droits réels des tiers - Biens du débiteur, soumis à une procédure d'insolvabilité, se trouvant sur le territoire d'un autre État devenu membre de l'Union après l'ouverture de cette procédure - Applicabilité du règlement - Conditions - Biens devant se trouver dans cet État à la date de son adhésion

L’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que cette disposition est applicable aux procédures d’insolvabilité ouvertes avant l’adhésion d'un nouvel État membre à l’Union dans le cas où, à la date de son adhésion, les biens du débiteur, une société en faillite dont le siège est établi dans un ancien État membre, sur lesquels portait le droit réel concerné, se trouvaient sur le territoire de ce nouvel État membre.

Arrêt du 5 juillet 2012, ERSTE Bank Hungary (C-527/10) (cf. point 46 et disp.)

12. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Champ d'application - Procédures inscrites à l'annexe A du règlement - Procédure d'effacement de créances - Procédure non inscrite à cette annexe et n'entrainant pas le dessaisissement du débiteur - Exclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 8 novembre 2012, Radziejewski (C-461/11) (cf. points 23-24)

13. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Champ d'application - Procédures inscrites à l'annexe A du règlement

Dès lors qu’une procédure est inscrite à l’annexe A du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, tel que modifié par le règlement nº 788/2008, elle doit être considérée comme relevant du champ d’application dudit règlement. Cette inscription bénéficie de l’effet direct et obligatoire attaché aux dispositions d’un règlement.

Arrêt du 22 novembre 2012, Bank Handlowy et Adamiak (C-116/11) (cf. point 33)

14. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Loi applicable - Notion de clôture de la procédure - Question relevant du droit national

L’article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, tel que modifié par le règlement nº 788/2008, doit être interprété en ce sens qu’il appartient au droit national de l’État membre dans lequel la procédure d’insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure.

En effet, l’article 4 du règlement nº 1346/2000 se présente comme une règle de conflit de lois qui remplace les règles nationales du droit international privé. Une telle règle de conflit a pour caractéristique qu’elle ne répond pas elle-même à une question de droit matériel, mais qu’elle se borne à désigner la loi dont dépend la réponse à cette question. Par conséquent, les questions telles que les conditions et les effets de la clôture de la procédure d’insolvabilité, à propos desquelles l’article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement contient un renvoi exprès au droit national, ne peuvent faire l’objet d’une interprétation autonome, mais doivent être tranchées en application de la lex concursus désignée comme applicable.

Arrêt du 22 novembre 2012, Bank Handlowy et Adamiak (C-116/11) (cf. points 47-48, 50, 52, disp.1)

15. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Procédure secondaire - Procédure principale poursuivant une finalité protectrice - Possibilité d'ouvrir une procédure secondaire

L’article 27 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, tel que modifié par le règlement nº 788/2008, doit être interprété en ce sens qu’il permet l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité dans l’État membre dans lequel se trouve un établissement du débiteur, alors que la procédure principale poursuit une finalité protectrice. Il incombe à la juridiction compétente pour ouvrir une procédure secondaire de prendre en considération les objectifs de la procédure principale et de tenir compte de l’économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale.

Arrêt du 22 novembre 2012, Bank Handlowy et Adamiak (C-116/11) (cf. point 63, disp. 2)

16. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Procédure secondaire - Impossibilité, dans ces procédures, d'examiner l'insolvabilité du débiteur

L’article 27 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, tel que modifié par le règlement nº 788/2008, doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité ne peut pas examiner l’insolvabilité du débiteur à l’encontre duquel une procédure principale a été ouverte dans un autre État membre, même si cette dernière poursuit une finalité protectrice.

En effet, étant donné que la procédure principale d’insolvabilité ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture, l’appréciation portée sur l’état d’insolvabilité du débiteur par la juridiction compétente pour ouvrir la procédure principale s’impose aux juridictions éventuellement saisies d’une demande d’ouverture d’une procédure secondaire. De plus, selon le règlement nº 1346/2000, l’ouverture d’une procédure principale requiert préalablement la vérification par la juridiction compétente de l’état d’insolvabilité du débiteur au regard de son droit national.

Arrêt du 22 novembre 2012, Bank Handlowy et Adamiak (C-116/11) (cf. points 68-70, 74, disp. 3)

17. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Exécution d'une obligation au profit du débiteur - Disposition de droit matériel

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 septembre 2013, Van Buggenhout et Van de Mierop (C-251/12) (cf. point 23)

18. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Exécution d'une obligation au profit du débiteur - Champ d'application - Paiement sur l'ordre d'un débiteur soumis à une procédure d'insolvabilité à un créancier de celui-ci - Exclusion

L’article 24, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que ne relève pas du champ d’application de cette disposition un paiement fait, sur l’ordre d’un débiteur soumis à une procédure d’insolvabilité, à un créancier de celui-ci.

En effet, les personnes protégées par ladite disposition, sont les débiteurs du débiteur failli qui, soit directement, soit par intermédiation, exécutent de bonne foi une obligation en faveur de ce dernier.

Ainsi, une banque, qui a effectué, sur l’ordre et pour le compte du débiteur failli, un paiement, même si elle a rempli une obligation contractée à l'égard de ce débiteur failli, n’a pas exécuté cette obligation "au profit de" ce dernier au sens de l’article 24 du règlement nº 1346/2000, étant donné que ledit débiteur n’a pas été le bénéficiaire dudit paiement.

Arrêt du 19 septembre 2013, Van Buggenhout et Van de Mierop (C-251/12) (cf. points 31, 32, 38 et disp.)

19. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Champ d'application - Élément d'extranéité concernant uniquement un État membre et un État tiers - Inclusion

L’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, ne saurait, en règle générale, dépendre de l’existence d’un lien d’extranéité impliquant un autre État membre.

Arrêt du 16 janvier 2014, Schmid (C-328/12) (cf. point 29)

20. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir la procédure d'insolvabilité - Action révocatoire fondée sur l'insolvabilité et dirigée contre un défendeur n'ayant pas son domicile sur le territoire d'un État membre - Compétence des juridictions de l'État membre d'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Inopposabilité aux États tiers des décisions rendues par ladite juridiction - Absence d'incidence

L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel s’est ouverte la procédure d’insolvabilité sont compétentes pour connaître d’une action révocatoire fondée sur l’insolvabilité contre un défendeur n’ayant pas son domicile sur le territoire d’un État membre.

En effet, une harmonisation, dans l’Union, des règles de compétence juridictionnelle pour les actions révocatoires fondées sur l’insolvabilité contribue à la réalisation des objectifs poursuivis par cette disposition, lesquels consistent à promouvoir la prévisibilité de la compétence juridictionnelle en matière de faillite et, partant, la sécurité juridique, indépendamment du point de savoir si le défendeur a son domicile dans un État membre ou dans un État tiers.

L’inopposabilité aux États tiers des dispositions dudit règlement relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions rendues par la juridiction ayant ouvert la procédure d’insolvabilité n’empêche pas l’application de la règle de compétence prévue à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement. De plus, même s’il n’est pas, dans un cas concret, possible de se fonder sur le règlement lui-même en matière de reconnaissance et d’exécution des décisions judiciaires, il est parfois possible d’obtenir, en vertu d’une convention bilatérale, la reconnaissance et l’exécution d’un jugement rendu par la juridiction compétente. Par ailleurs, même en l’absence de la reconnaissance et de l’exécution, sur le fondement d’une convention bilatérale, d’un tel jugement par l’État dans lequel le domicile du défendeur est situé, cet arrêt est susceptible d’être reconnu et exécuté par les autres États membres en vertu de l’article 25 du règlement nº 1346/2000, notamment au cas où une partie du patrimoine de ce défendeur se trouverait sur le territoire d’un de ces États.

Arrêt du 16 janvier 2014, Schmid (C-328/12) (cf. points 33, 37-39 et disp.)

21. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 44/2001 - Champ d'application - Matière civile et commerciale - Notion - Action en paiement d'une créance fondée sur la fourniture de services de transport, exercée par le syndic d'une entreprise en faillite, désigné dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un État membre, et dirigée contre le bénéficiaire de ces services, établi dans un autre État membre - Inclusion - Non-applicabilité du règlement nº 1346/2000

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de "matière civile et commerciale", au sens de cette disposition, l’action en paiement d’une créance fondée sur la fourniture de services de transport, exercée par le syndic d’une entreprise en faillite, désigné dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un État membre, et dirigée contre le bénéficiaire de ces services, établi dans un autre État membre.

En effet, le critère déterminant retenu par la Cour pour identifier le domaine dont relève une action est non pas le contexte procédural dans lequel s’inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière. Selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l’obligation qui sert de base à l’action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d’insolvabilité.

Une action en paiement d’une créance née de la fourniture de services en exécution d’un contrat de transport pourrait être introduite par le créancier lui-même, avant qu’il ne soit dessaisi par l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à son égard et, dans cette hypothèse, elle serait régie par les règles de compétence judiciaire applicables en matière civile ou commerciale. Le fait que, après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre du prestataire de services, l’action en paiement soit exercée par le syndic désigné dans le cadre de cette procédure et que ce dernier agisse dans l’intérêt des créanciers ne modifie pas substantiellement la nature de la créance invoquée, qui continue d’être soumise, quant au fond, à des règles de droit inchangées. Une telle action ne présente donc pas de lien direct avec la procédure d’insolvabilité ouverte à l’égard du demandeur. Dès lors et sans qu’il soit besoin de rechercher si elle s’insère étroitement dans la procédure d’insolvabilité, il y a lieu de considérer qu'une telle action n’entre pas dans le champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000 et, symétriquement, qu’elle ne relève pas de la faillite, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 44/2001.

Arrêt du 4 septembre 2014, Nickel & Goeldner Spedition (C-157/13) (cf. points 27-32, disp. 1)

22. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Procédure secondaire - Débiteur possédant un établissement sur le territoire de l'État de son siège social - Notion d'établissement - Établissement doté d'une personnalité juridique - Inclusion - Critères

L’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la mise en liquidation d’une société dans un État membre autre que celui dans lequel elle a son siège social, cette société peut également faire l’objet d’une procédure secondaire d’insolvabilité dans l’autre État membre, où elle a son siège social et où elle est dotée d’une personnalité juridique.

En effet, d'une part, l’article 2, sous h), du règlement nº 1346/2000 n’exclut pas qu’un établissement, aux fins de cette disposition, puisse être doté d’une personnalité juridique et se trouver dans l’État membre où sa société a son siège statutaire, à condition qu’il remplisse les critères prévus par cette disposition.

D'autre part, si la notion d’établissement devait être interprétée en ce sens qu’elle ne peut pas englober un lieu d’implantation d’une société débitrice, lieu qui remplit les critères expressément prévus audit article 2, sous h), et se trouve sur le territoire de l’État membre dans lequel le siège statutaire de cette société est situé, les intérêts locaux, dont notamment les intérêts des créanciers établis dans cet État membre, se verraient refuser la protection prévue par le règlement, sous forme de l’ouverture, dans cet État membre, d’une procédure secondaire. Enfin, une telle interprétation serait susceptible d’engendrer un traitement discriminatoire des créanciers établis dans l’État membre où la société débitrice a son siège social par rapport, notamment, aux créanciers établis dans d’autres États membres dans lesquels se trouvent, le cas échéant, d’autres établissements du débiteur.

Arrêt du 4 septembre 2014, Burgo Group (C-327/13) (cf. points 32, 35, 38, 39, disp. 1)

23. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Procédure secondaire - Personnes habilitées à demander l'ouverture d'une procédure secondaire - Appréciation au regard du droit national - Limitation aux seuls créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l'État membre de l'établissement concerné ou à ceux ayant une créance ayant son origine dans l'exploitation de cet établissement - Inadmissibilité

L’article 29, sous b), du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que la question de savoir quelle personne ou autorité est habilitée à demander l’ouverture d’une procédure secondaire doit être appréciée sur le fondement du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de cette procédure est demandée. Le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire ne peut toutefois pas être limité aux seuls créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné ou aux seuls créanciers dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement.

En effet, en adoptant les dispositions nationales régissant la question de savoir quelles personnes sont autorisées à demander l’ouverture d’une procédure secondaire, les États membres sont tenus de veiller à ce que l’effet utile du règlement, compte tenu de son objet, soit assuré. Or, d’une part, les dispositions du règlement concernant le droit d’un créancier de demander l’ouverture d’une procédure secondaire visent, notamment, à pallier les effets de l’application universelle du droit de l’État membre sur le territoire duquel la procédure principale est ouverte, en autorisant, sous certaines conditions, l’ouverture de procédures secondaires en vue de protéger les différents intérêts qui incluent des intérêts autres que les intérêts locaux.

D’autre part, le règlement fait une nette différence entre les procédures territoriales ouvertes avant l’ouverture d’une procédure principale et les procédures secondaires. Or, c’est seulement par rapport aux premières procédures que le droit de demander leur ouverture n’est accordé qu’aux créanciers dont le domicile, la résidence habituelle ou le siège se trouvent dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné, ou dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement. Il en découle, a contrario, que ces limitations ne s’appliquent pas aux procédures secondaires.

Enfin, une possible limitation du droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire aux seuls créanciers locaux constituerait une discrimination indirecte fondée sur la nationalité qui ne saurait être justifiée.

Arrêt du 4 septembre 2014, Burgo Group (C-327/13) (cf. points 46-51, disp. 2)

24. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Procédure secondaire - Ouverture d'une procédure secondaire à une procédure principale de liquidation - Prise en compte de critères d'opportunité - Application du droit national - Conditions

Le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que, dès lors que la procédure principale d’insolvabilité est une procédure de liquidation, la prise en compte de critères d’opportunité par la juridiction saisie d’une demande tendant à l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité relève du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de cette procédure est demandée. Les États membres, quand ils fixent les conditions pour l’ouverture d’une telle procédure, doivent toutefois respecter le droit de l’Union et, notamment, les principes généraux de celui-ci ainsi que les dispositions du règlement nº 1346/2000.

Par ailleurs, le juge saisi d’une demande tendant à l’ouverture d’une procédure secondaire doit tenir compte, en appliquant son droit national, des objectifs poursuivis par la possibilité d’ouvrir une telle procédure.

Enfin, après l’ouverture d’une procédure secondaire, la juridiction ayant ouvert cette procédure doit prendre en considération les objectifs de la procédure principale et tenir compte de l’économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale

Arrêt du 4 septembre 2014, Burgo Group (C-327/13) (cf. points 65-67, disp. 3)

25. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir la procédure d'insolvabilité - Action introduite dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité - Action à l'encontre du gérant d'une société tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l'insolvabilité de ladite société ou après la constatation du surendettement de celle-ci - Compétence des juridictions de l'État membre d'ouverture de la procédure d'insolvabilité

L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes, sur le fondement de cette disposition, pour connaître d’une action, introduite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci.

Le fait que la législation nationale permet en principe d’introduire une telle action même dans l’hypothèse où aucune procédure d’insolvabilité portant sur les biens de la société débitrice concernée ne serait ouverte ne saurait, par lui-même, s’opposer à la qualification d’une telle action comme une action dérivant directement d’une procédure d’insolvabilité et s’y insérant étroitement, à supposer que cette action soit effectivement introduite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité.

Arrêt du 4 décembre 2014, H (C-295/13) (cf. points 20, 26, disp. 1)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 10 décembre 2015, Kornhaas (C-594/14) (cf. point 15)

26. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir la procédure d'insolvabilité - Action introduite dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité - Action à l'encontre du gérant d'une société tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l'insolvabilité de ladite société ou après la constatation du surendettement de celle-ci - Compétence des juridictions de l'État membre d'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Non-applicabilité de la convention de Lugano II

L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes pour connaître d’une action, introduite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci, lorsque ce gérant a son domicile non pas dans un autre État membre, mais dans un État partie à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 30 octobre 2007, dont la conclusion a été approuvée au nom de la Communauté par la décision 2009/430 (convention de Lugano II).

En effet, dans la mesure où une action entre dans le champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, elle est exclue du champ d’application de ladite convention.

Arrêt du 4 décembre 2014, H (C-295/13) (cf. points 32, 34, disp. 2)

27. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Portée - Acte ayant fait l'objet de l'action révocatoire intervenu sur la base d'un droit réel constitué antérieurement à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Possibilité de réaliser ce droit après l'ouverture d'une telle procédure - Application de la lex causae

L’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens qu’il est applicable à une situation dans laquelle le paiement, contesté par un syndic, d’une somme d’argent saisie antérieurement à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’est intervenu qu’après l’ouverture de cette procédure.

En effet, l'exception à la règle générale, selon laquelle la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est la lex fori concursus, prévue à l’article 13 du règlement nº 1346/2000, doit être interprétée strictement et sa portée ne saurait aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Interpréter ledit article en ce sens qu’il serait également applicable aux actes intervenus postérieurement à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité irait au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l’ouverture de la procédure. Il y a donc lieu de constater que l’article 13 du règlement nº 1346/2000 n’est, en principe, pas applicable aux actes qui interviennent après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

Toutefois, nonobstant cette conclusion, ledit paiement est intervenu sur la base d’un droit réel et, dès lors que ce droit a été constitué antérieurement à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité contre la société débitrice, ce paiement pouvait bénéficier, selon notamment l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, d’une protection particulière. Or, pour permettre à un créancier de faire valoir utilement son droit réel, il est indispensable que ce créancier puisse procéder, après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, à la réalisation de ce droit, en principe en application de la lex causae.

Arrêt du 16 avril 2015, Lutz (C-557/13) (cf. points 34-37, 40, 43, disp. 1)

28. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Champ d'application - Délais d'ordre procédural - Inclusion

L’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que le régime d’exception qu’il instaure inclut également les délais de prescription, les délais d’exercice de l’action révocatoire et les délais de forclusion qui sont prévus par la loi à laquelle est soumis l’acte contesté par le syndic.

En effet, ledit article 13 n’opérant aucune distinction entre les dispositions d’ordre matériel et celles d’ordre procédural et ne contenant, en particulier, aucun critère permettant d’identifier parmi les délais ceux de nature procédurale, la qualification d’un délai comme étant de nature procédurale ou de nature matérielle devrait nécessairement être opérée au regard de la lex causae. Interpréter l’article 13 du règlement nº 1346/2000 en ce sens que les délais qualifiés par la lex causae de délais d’ordre procédural sont exclus du champ d’application de cet article aboutirait à une discrimination arbitraire en fonction des modèles théoriques retenus par les États membres et ferait clairement obstacle à une application uniforme dudit article.

Arrêt du 16 avril 2015, Lutz (C-557/13) (cf. points 47-49, disp. 2)

29. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Champ d'application - Règles de forme de l'action révocatoire - Inclusion

Les règles de forme à respecter pour l’exercice d’une action révocatoire sont déterminées, aux fins de l’application de l’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, par la loi à laquelle est soumis l’acte contesté par le syndic.

En effet, le libellé de l’article 13 du règlement nº 1346/2000 ne contient aucune indication qui permettrait d’exclure les règles de forme du champ d’application de cette disposition. En outre, cet article n'opère aucune distinction entre les dispositions d'ordre matériel et celles d'ordre procédural. Or, interpréter ledit article 13 en ce sens que les règles qualifiées de règles de forme par la lex causae doivent être exclues du champ d’application de cet article aboutirait à une discrimination arbitraire en fonction des modèles théoriques retenus par les États membres et ferait obstacle à une application uniforme de cet article.

Arrêt du 16 avril 2015, Lutz (C-557/13) (cf. points 51, 53, 55, 56, disp. 3)

30. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Champ d'application - Actions visant la répartition du produit de la vente des actifs d'une société en liquidation entre une procédure principale et une procédure secondaire d'insolvabilité - Inclusion - Non-applicabilité du règlement nº 44/2001

La compétence pour statuer sur un litige peut être régie par les dispositions du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, même si ledit litige oppose les liquidateurs de deux procédures d’insolvabilité, l’une principale et l’autre secondaire, qui relèvent chacune du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité. À cet égard, il a déjà été jugé, d'une part, que les règlements nº 44/2001 et nº 1346/2000 doivent être interprétés de manière à éviter tout chevauchement entre les règles de droit que ces textes énoncent ainsi que tout vide juridique et, d'autre part, que le champ d’application du règlement nº 1346/2000 ne doit pas faire l’objet d’une interprétation large et que seules les actions qui dérivent directement d’une procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement entrent dans le champ d’application du règlement nº 1346/2000. En outre, il a été retenu comme critère déterminant pour identifier le domaine dont relève une action non pas le contexte procédural dans lequel s’inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière. Selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l’obligation qui sert de base à l’action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d’insolvabilité.

S'agissant de la répartition du produit de la vente des actifs d'une société en liquidation entre une procédure principale d'insolvabilité et une procédure secondaire d'insolvabilité, dès lors que cette répartition doit s’effectuer, en substance, en appliquant les dispositions du règlement nº 1346/2000, ce règlement trouve à s'appliquer.

Arrêt du 11 juin 2015, Comité d'entreprise de Nortel Networks e.a. (C-649/13) (cf. points 25-28, 30)

31. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Procédure secondaire - Action visant à déterminer les biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets d'une procédure secondaire - Inclusion - Compétence alternative avec les juridictions de l'État membre d'ouverture de la procédure principale

Les articles 3, paragraphe 2, et 27 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doivent être interprétés en ce sens que les juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont compétentes, alternativement avec les juridictions de l’État membre d’ouverture de la procédure principale, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure secondaire.

En effet, eu égard à l’économie et à l’effet utile du règlement nº 1346/2000, l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement doit être considéré comme attribuant aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel une procédure secondaire d’insolvabilité a été ouverte une compétence internationale pour connaître des actions qui dérivent directement d’une procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement (actions "annexes"), dans la mesure où ces actions portent sur les biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire de ce dernier État. En prévoyant, en vertu de l'article 25, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1346/2000, une obligation de reconnaissance des décisions "annexes" adoptées par les juridictions compétentes en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement, ce dernier apparaît attribuer, au moins implicitement, auxdites juridictions la compétence pour adopter ces décisions. En outre, la protection des intérêts locaux, qui est l’un des objectifs essentiels poursuivis par la possibilité, prévue à l’article 27 dudit règlement, d’ouvrir une procédure secondaire d’insolvabilité, et, partant, l’effet utile, notamment, de cet article seraient sensiblement affaiblis si une action annexe tendant à faire constater que des biens déterminés relèvent d’une procédure secondaire d’insolvabilité ne pouvait pas être introduite devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel la procédure secondaire a été ouverte. Dès lors, les juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont compétentes, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure.

En outre, une compétence exclusive des juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure, priverait l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement, pour autant que cette disposition prévoit une compétence internationale pour statuer sur les actions "annexes", de son effet utile et, partant, ne saurait être retenue.

Arrêt du 11 juin 2015, Comité d'entreprise de Nortel Networks e.a. (C-649/13) (cf. points 27, 33, 35-38, 42, 46 et disp.)

32. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Procédure secondaire - Action visant à déterminer les biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets d'une procédure secondaire - État membre de situation d'un bien - Notion

La détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets d’une procédure secondaire d’insolvabilité doit être effectuée conformément aux dispositions de l’article 2, sous g), du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité.

En effet, ainsi qu’il découle des articles 3, paragraphe 2, et 27 du règlement nº 1346/2000, les effets d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont limités aux biens du débiteur qui se trouvaient, à la date de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, sur le territoire de l’État membre d’ouverture de la procédure secondaire. À cet égard, ce règlement prévoit des règles uniformes concernant la question de savoir si un bien doit être considéré comme s’étant trouvé sur le territoire d’un État membre à la date de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, excluant, dans cette mesure, tout recours au droit national. En outre, bien que l’article 2, sous g), dudit règlement ne fasse expressément référence qu’aux biens, aux droits et aux créances situés dans un État membre, il ne saurait en être déduit que cette disposition n’est pas applicable dans l’hypothèse où le bien, le droit ou la créance en question doivent être considérés comme étant situés dans un État tiers. Dès lors, pour identifier les biens relevant d’une procédure secondaire d’insolvabilité, il suffit de vérifier si, à la date de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, ceux-ci se trouvaient, au sens de cet article 2, sous g), sur le territoire de l’État membre dans lequel cette procédure a été ouverte, sans que la question de savoir, le cas échéant, dans quel autre État se sont trouvés ces biens à un stade ultérieur ait une incidence à cet égard.

Arrêt du 11 juin 2015, Comité d'entreprise de Nortel Networks e.a. (C-649/13) (cf. points 48, 50, 52, 53, 55 et disp.)

33. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Conditions d'application - Acte inattaquable sur le fondement de la lex causae - Obligation de prendre en compte toutes les circonstances de l'espèce

L’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que son application est soumise à la condition que l’acte concerné ne puisse pas être attaqué sur le fondement de la loi applicable à cet acte (lex causae), compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce.

En effet, l’article 13 dudit règlement vise à protéger la confiance légitime de celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers, en prévoyant que cet acte restera régi, même après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, par le droit qui lui était applicable à la date à laquelle il a été réalisé, à savoir la lex causae. Il résulte clairement de cet objectif que l’application dudit article exige la prise en compte de toutes les circonstances de l’espèce. En effet, il ne saurait y avoir de confiance légitime dans le fait que la validité d’un acte sera appréciée, après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, en faisant abstraction de ces circonstances, alors même que, en l’absence de l’ouverture d’une telle procédure, celles-ci devraient être prises en compte.

En outre, l’obligation d’interpréter strictement l’exception prévue à l’article 13 dudit règlement s’oppose à une interprétation extensive de la portée de cet article, qui permet à celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers d’échapper à l’application de la lex fori concursus en n’invoquant que de façon purement abstraite le caractère inattaquable de l’acte concerné sur le fondement d’une disposition de la lex causae.

Arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands (C-310/14) (cf. points 19-22, disp. 1)

34. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Conditions d'application - Acte inattaquable sur le fondement de la lex causae - Charge de la preuve incombant au défendeur à l'action en nullité, en annulation ou en inopposabilité

Aux fins de l’application de l’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, et dans l’hypothèse où le défendeur à une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité d’un acte soulève une disposition de la loi applicable à cet acte (lex causae) selon laquelle cet acte n’est attaquable que dans les circonstances prévues par cette disposition, il incombe à ce défendeur d’invoquer l’absence de ces circonstances et d’en apporter la preuve.

En effet, il ressort du libellé même de l’article 13 dudit règlement qu’il incombe au défendeur à une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité d’un acte d’apporter la preuve que cet acte, sur le fondement de la lex causae, ne peut être attaqué. Par ailleurs, en prévoyant que ce défendeur doit apporter la preuve que l’acte considéré ne peut être attaqué par aucun moyen, et ce, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, ledit article 13 impose également à ce défendeur, au moins implicitement, l’obligation d’apporter la preuve tant de l’existence des éléments de fait permettant de conclure que l’acte concerné est inattaquable que de l’absence de tout élément qui s’opposerait à cette conclusion.

Arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands (C-310/14) (cf. points 25, 31, disp. 2)

35. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Conditions d'application - Acte inattaquable sur le fondement de la lex causae - Charge de la preuve régie par le règlement - Absence de modalités procédurales - Application du droit national - Condition - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité

Si l’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, régit expressément l’attribution de la charge de la preuve, il ne contient pas de dispositions relatives aux aspects procéduraux plus spécifiques. Ainsi, cet article ne comporte pas de dispositions relatives, notamment, aux modalités d’administration de la preuve, aux moyens de preuve recevables devant la juridiction nationale compétente ou aux principes régissant l’appréciation, par cette juridiction, de la force probante des éléments de preuve qui lui sont soumis.

Or, en l’absence dans le droit de l’Union d’une harmonisation de ces règles, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de les établir, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité).

Ce dernier principe s’oppose, d’une part, à l’application de règles procédurales nationales qui rendraient impossible en pratique ou excessivement difficile le recours à l’article 13 du règlement nº 1346/2000, en prévoyant des règles trop strictes, en particulier en ce qui concerne la preuve négative de l’absence de circonstances déterminées. D’autre part, ce principe s’oppose à des règles nationales de preuve trop peu exigeantes dont l’application aboutirait, en pratique, à renverser la charge de la preuve prévue à l’article 13 dudit règlement.

Toutefois, la simple difficulté à apporter la preuve de l’existence des circonstances dans lesquelles la lex causae exclut d’attaquer l’acte en cause, ou, le cas échéant, de l’absence des circonstances, prévues par la lex causae, dans lesquelles cet acte est susceptible d’être attaqué, ne porterait pas atteinte, en soi, au principe d’effectivité, mais répondrait plutôt à l’exigence d’interpréter strictement ledit article.

Arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands (C-310/14) (cf. points 27-30)

36. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Conditions d'application - Acte inattaquable sur le fondement de la lex causae - Appréciation au regard de l'ensemble des dispositions et des principes généraux de cette loi

L’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les termes "ne permet [...], par aucun moyen, d’attaquer cet acte" visent, en sus des dispositions de la loi applicable à cet acte (lex causae) applicables en matière d’insolvabilité, l’ensemble des dispositions et des principes généraux de cette loi.

En effet, l’article 13 dudit règlement vise à protéger la confiance légitime de celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers, en prévoyant que cet acte restera régi, même après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, par la lex causae. En outre, l’application de cet article 13 en faveur d’un tel bénéficiaire requiert la prise en compte de toutes les circonstances de l’espèce.

Or, l’objectif de protection de la confiance légitime ainsi que la nécessité de tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce imposent une interprétation de l’article 13 du même règlement en ce sens que ledit bénéficiaire doit apporter la preuve que l’acte considéré n’est attaquable sur le fondement ni des dispositions de la lex causae applicables en matière d’insolvabilité, ni même de la lex causae dans son ensemble.

En effet, d’une part, le libellé de l’article 13 du règlement nº 1346/2000 milite clairement en faveur d’une telle interprétation, étant donné que celui-ci impose au bénéficiaire d’un acte préjudiciable la charge d’apporter la preuve que cet acte n’est attaquable "par aucun moyen". D’autre part, il ne saurait y avoir confiance légitime dans le fait qu’un acte, qui est attaquable sur le fondement d’une disposition ou d’un principe général de la lex causae, ne soit apprécié, après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, qu’au regard des seules dispositions de la lex causae applicables en matière d’insolvabilité.

Arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands (C-310/14) (cf. points 33-36, disp. 3)

37. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Conditions d'application - Acte inattaquable sur le fondement de la lex causae - Charge de la preuve incombant au défendeur à l'action en nullité, en annulation ou en inopposabilité - Charge de la preuve incombant au demandeur uniquement après l'établissement par le défendeur du caractère inattaquable de l'acte concerné

L’article 13 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que le défendeur à une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité d’un acte doit démontrer que la loi applicable à cet acte (lex causae), dans son ensemble, ne permet pas de contester ledit acte.

En effet, l’article 13 dudit règlement, selon lequel il incombe audit défendeur d’invoquer l’absence des circonstances permettant d’attaquer cet acte sur le fondement de la lex causae et d’en apporter la preuve, ne distingue pas les dispositions de la lex causae applicables en matière d’insolvabilité des dispositions et des principes de la lex causae applicables à d’autres matières, mais prévoit qu’il incombe audit défendeur d’apporter la preuve que l’acte concerné ne peut être attaqué "par aucun moyen". Il découle donc clairement du libellé de cet article que celui-ci doit être interprété en ce sens que le même défendeur doit démontrer que la lex causae, dans son ensemble, ne permet pas d’attaquer cet acte.

Cette conclusion est également conforme au principe selon lequel l’article 13 du règlement nº 1346/2000 doit être interprété strictement et correspond à l’objectif dudit article 13 de protéger la confiance légitime de celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers en prévoyant que cet acte restera régi par le droit qui lui était applicable à la date à laquelle il a été réalisé.

La juridiction nationale saisie d’une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité d’un acte ne peut estimer qu’il incombe au demandeur d’apporter la preuve de l’existence d’une disposition ou d’un principe de ladite loi en vertu desquels cet acte peut être attaqué que lorsque cette juridiction considère que le défendeur a, dans un premier temps, effectivement établi, au regard des règles habituellement applicables de son droit procédural national, que l’acte concerné, en vertu de la même loi, est inattaquable.

Arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands (C-310/14) (cf. points 38-41, 45, disp. 4)

38. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Loi applicable - Notion - Réglementation de l'État d'ouverture servant de base à une action contre le dirigeant d'une société relevant du droit d'un autre État membre, tendant au remboursement de paiements effectués par ce dirigeant avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Inclusion

L’article 4 du règlement nº 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application une action dirigée contre le dirigeant d’une société de droit d’un État membre, faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre, intentée devant une juridiction de ce dernier État par le curateur de cette société et tendant, sur le fondement d’une disposition nationale de ce même État, au remboursement de paiements effectués par ce dirigeant avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais après la date à laquelle la survenance de l’insolvabilité de cette société a été fixée.

En effet, une disposition nationale, en vertu de laquelle le gérant d’une société insolvable doit rembourser des paiements qu’il a effectués pour le compte de cette société après la survenance de l’insolvabilité de celle-ci, doit être regardée comme relevant de la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets, au sens de l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement. En outre, une telle disposition contribue à la réalisation d’un objectif qui est intrinsèquement lié, mutatis mutandis, à toute procédure d’insolvabilité, à savoir la prévention de possibles diminutions de la masse avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité en vue d’un désintéressement égalitaire des créanciers.

Arrêt du 10 décembre 2015, Kornhaas (C-594/14) (cf. points 16, 17, 20, 21, disp. 1)

39. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Société constituée conformément à la législation d'un État membre et ayant une succursale dans un autre État membre - Ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre de la succursale en vertu du règlement nº 1346/2000 - Action introduite dans l'État de l'ouverture contre le dirigeant de la société tendant au remboursement de paiements effectués avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Admissibilité

Les articles 49 TFUE et 54 TFUE ne s’opposent pas à l’application, au dirigeant d’une société relevant du droit d’un État membre faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre, d’une disposition nationale de ce second État membre en vertu de laquelle le gérant d’une société insolvable doit rembourser des paiements qu’il a effectués pour le compte de cette société après la survenance de l’insolvabilité de celle-ci ou après la constatation de son surendettement.

Arrêt du 10 décembre 2015, Kornhaas (C-594/14) (cf. points 16, 29, disp. 2)

40. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Modèle d'universalité atténuée - Applicabilité de la loi de l'État d'ouverture de la procédure principale d'insolvabilité comportant des exceptions, dont celle de l'article 5 du règlement

Le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, repose sur un modèle dit d’universalité atténuée, selon lequel, d’une part, la loi applicable à la procédure principale d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel cette procédure a été ouverte, alors que, d’autre part, ledit règlement prévoit plusieurs exceptions à cette règle. L’article 5, paragraphe 1, du même règlement prévoit l’une de ces exceptions. Cette disposition permet, en dérogeant à la règle de la loi de l’État membre d’ouverture, d’appliquer au droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur certains biens appartenant au débiteur la loi de l’État membre sur le territoire duquel se trouve le bien en question.

Arrêt du 26 octobre 2016, Senior Home (C-195/15) (cf. points 17, 18)

41. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Droits réels des tiers - Notion - Sûreté grevant de plein droit l'immeuble du débiteur de taxes foncières d'une charge foncière de droit public - Propriétaire devant tolérer l'exécution forcée sur l'immeuble du titre constatant la créance fiscale - Inclusion

L’article 5 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que constitue un droit réel, au sens de cet article, une sûreté constituée en vertu d’une disposition de droit national selon laquelle l’immeuble du débiteur de taxes foncières est grevé de plein droit d’une charge foncière de droit public et ce propriétaire doit tolérer l’exécution forcée du titre constatant la créance fiscale, sur cet immeuble.

À cet égard, si l’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1346/2000 ne définit pas la notion de droit réel, il précise néanmoins, au moyen d’une série d’exemples de droits qualifiés de réels par ce règlement, la portée et, partant, les limites de la protection accordée par cette disposition aux privilèges, aux garanties ou aux autres droits, prévus par le droit interne des États membres, des créanciers d’un débiteur insolvable. Un droit remplit les critères énumérés à l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, afin de ne pas priver de son effet utile la limitation du champ d’application de l’article 5 dudit règlement aux droits "réels", dans la mesure où, d’une part, il constitue une charge grevant directement et immédiatement un bien immobilier taxé et où, d’autre part, le propriétaire de l’immeuble doit en tolérer l’exécution forcée sur celui-ci. En outre, au cours d’une procédure d’insolvabilité, l’administration fiscale bénéficie, au titre de la charge foncière de la qualité de créancier privilégié.

Par ailleurs, ni le libellé des dispositions du règlement nº 1346/2000 ni les objectifs poursuivis par celui-ci ne permettent d’interpréter l’article 5 de ce règlement en ce sens qu’il ne couvrirait pas les droits réels accordés en dehors du cadre d’une transaction commerciale.

En tout état de cause, une interprétation de l’article 5 du règlement nº 1346/2000 en ce sens que l’exception qu’il prévoit ne couvrirait que les seuls droits réels constitués dans le cadre de transactions commerciales ou de crédit aboutirait à un traitement défavorable des titulaires de droits réels accordés dans le cadre de transactions autres que commerciales.

Arrêt du 26 octobre 2016, Senior Home (C-195/15) (cf. points 21, 23, 26, 30, 32 et disp.)

42. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Loi applicable - Notion - Réglementation de l'État d'ouverture prévoyant des effets sur les créances n'ayant pas fait l'objet de la procédure d'insolvabilité - Inclusion - Caractère fiscal de la créance - Absence d'incidence

L’article 4 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que relèvent de son champ d’application les dispositions du droit interne de l’État membre sur le territoire duquel une procédure d’insolvabilité est ouverte, qui prévoient, à l’égard d’un créancier qui n’a pas participé à cette procédure, la déchéance du droit de faire valoir sa créance ou la suspension de l’exécution forcée d’une telle créance dans un autre État membre.

En effet, il découle de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000 que, sauf disposition contraire de ce règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État d’ouverture (la lex fori concursus). À cet égard, s’il est vrai que l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, qui comporte une liste de matières relevant de la lex fori concursus, ne mentionne pas spécifiquement les créanciers qui n’ont pas participé à la procédure d’insolvabilité et, partant, les effets de cette procédure, ou de sa clôture, sur les droits de ces créanciers, il ne saurait pour autant faire de doute que ces effets doivent également être appréciés sur le fondement de ladite lex fori concursus. En effet, une interprétation selon laquelle la lex fori concursus déterminerait les effets de la clôture d’une procédure d’insolvabilité, notamment par concordat, et les droits des créanciers après cette clôture, mais pas les effets sur les droits des créanciers qui n’ont pas participé à cette procédure, risquerait de porter sérieusement atteinte à l’efficacité de ladite procédure.

La déchéance des créances non inscrites étant, en principe, permise, le règlement nº 1346/2000 doit, a fortiori, permettre aussi une règle de la lex fori concursus qui se borne à suspendre la procédure d’exécution forcée relative à ces créances. À cet égard, le caractère fiscal de la créance faisant l’objet d’une exécution forcée dans un État membre autre que l’État d’ouverture n’a pas d’incidence. En effet, les dispositions du règlement nº 1346/2000 n’accordent pas aux créances des autorités fiscales d’un État membre autre que l’État d’ouverture un statut préférentiel, en ce sens que celles-ci devraient pouvoir faire l’objet d’une procédure d’exécution forcée même après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

Arrêt du 9 novembre 2016, ENEFI (C-212/15) (cf. points 17, 20, 22, 29, 36, 40, 41, disp. 1, 2)

43. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Modalités procédurales - Délai applicable à la production des créances - Application du droit national - Conditions - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité

En raison du fait que le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, ne procède pas à une harmonisation des délais impartis pour la production des créances dans les affaires d’insolvabilité relevant de son champ d’application, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de les établir, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois que les règles y afférentes ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité).

Arrêt du 9 novembre 2016, ENEFI (C-212/15) (cf. point 30)

44. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Effets de la procédure d'insolvabilité sur les instances en cours - Notion d'instances en cours - Procédures d'exécution forcée - Exclusion

Les procédures d’exécution forcée ne relèvent pas du champ d’application de l’article 15 du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité. En effet, cette disposition doit être lue en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, sous f), dudit règlement, qui distingue les instances en cours des autres poursuites individuelles. Ainsi, les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles autres que les instances en cours sont en tout état de cause régis par la seule lex fori concursus. Or, les procédures visant à l’exécution forcée d’une créance relèvent de cette dernière catégorie.

Arrêt du 9 novembre 2016, ENEFI (C-212/15) (cf. points 32, 35)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 juin 2018, Tarragó da Silveira (C-250/17) (cf. points 30-32)

45. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Modalités procédurales - Application du droit procédural de l'État membre de la juridiction saisie de l'action révocatoire - Condition - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité

L’article 13 du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que la forme et le délai dans lesquels le bénéficiaire d’un acte préjudiciable à la masse des créanciers doit soulever une exception en vertu de cet article, pour s’opposer à une action tendant à la révocation de cet acte selon les dispositions de la lex fori concursus, ainsi que la question de savoir si cet article peut également être appliqué d’office par la juridiction compétente, le cas échéant après l’expiration du délai imparti à la partie concernée, relèvent du droit procédural de l’État membre sur le territoire duquel le litige est pendant. Ce droit ne doit toutefois pas être moins favorable que celui régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et ne pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité), ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Arrêt du 8 juin 2017, Vinyls Italia (C-54/16) (cf. point 33, disp. 1)

46. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Conditions d'application - Acte inattaquable sur le fondement de la lex causae - Charge de la preuve incombant au défendeur à l'action en nullité, en annulation ou en inopposabilité - Obligation d'invoquer l'absence des circonstances permettant d'attaquer l'acte en cause et d'en apporter la preuve

L’article 13 du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve doit prouver que, lorsque la lex causae permet d’attaquer un acte considéré comme étant préjudiciable, les conditions requises pour qu’un recours introduit contre cet acte puisse être accueilli, différentes de celles prévues par la lex fori concursus, ne sont pas concrètement réunies.

Arrêt du 8 juin 2017, Vinyls Italia (C-54/16) (cf. point 39, disp. 2)

47. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Champ d'application - Loi applicable à un contrat, choisie par les parties, étant la loi d'un État membre différent de l'État membre de localisation de tous les autres éléments de la situation - Inclusion - Non-applicabilité de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 593/2008

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 8 juin 2017, Vinyls Italia (C-54/16) (cf. points 48-50)

48. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Champ d'application - Loi applicable à un contrat, choisie par les parties, étant la loi d'un État membre différent de l'État membre de localisation de tous les éléments pertinents de la situation - Inclusion - Exception - Choix abusif ou frauduleux de la loi applicable - Vérification incombant à la juridiction nationale

L’article 13 du règlement nº 1346/2000 peut être valablement invoqué lorsque les parties à un contrat, qui ont leur siège dans un seul et même État membre, sur le territoire duquel sont également localisés tous les autres éléments pertinents de la situation concernée, ont désigné comme loi applicable à ce contrat celle d’un autre État membre, à condition que ces parties n’aient pas choisi cette loi d’une façon frauduleuse ou abusive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi à vérifier.

Arrêt du 8 juin 2017, Vinyls Italia (C-54/16) (cf. point 56, disp. 3)

49. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 44/2001 - Champ d'application - Matières exclues - Faillites, concordats et autres procédures analogues - Notion - Actions dérivant directement d'une procédure d'insolvabilité et s'y insérant étroitement - Applicabilité du règlement nº 1346/2000

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 9 novembre 2017, Tünkers France et Tünkers Maschinenbau (C-641/16) (cf. points 19, 20)

Arrêt du 14 novembre 2018, Wiemer & Trachte (C-296/17) (cf. points 28-30)

Arrêt du 6 février 2019, NK (C-535/17) (cf. points 26, 27)

50. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Champ d'application - Action en responsabilité pour concurrence déloyale dirigée contre le cessionnaire d'une branche d'activité acquise dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité - Exclusion

L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que ne relève pas de la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure d’insolvabilité une action en responsabilité pour concurrence déloyale par laquelle il est reproché au cessionnaire d’une branche d’activité acquise dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, de s’être présenté à tort comme assurant la distribution exclusive d’articles fabriqués par le débiteur.

Arrêt du 9 novembre 2017, Tünkers France et Tünkers Maschinenbau (C-641/16) (cf. point 31 et disp.)

51. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 1215/2012 - Champ d'application - Matières exclues - Faillites, concordats et autres procédures analogues - Notion - Actions dérivant directement d'une procédure d'insolvabilité et s'y insérant étroitement - Applicabilité du règlement nº 1346/2000

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 20 décembre 2017, Valach e.a. (C-649/16) (cf. points 26, 27)

Arrêt du 4 octobre 2018, Feniks (C-337/17) (cf. points 30, 31)

52. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 1215/2012 - Champ d'application - Matières exclues - Faillites, concordats et autres procédures analogues - Portée - Action en responsabilité délictuelle, formée contre les membres d'un comité des créanciers en raison de leur comportement lors d'un vote dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité - Exclusion - Applicabilité du règlement nº 1346/2000

L’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que cette disposition s’applique à une action en responsabilité délictuelle, formée contre les membres d’un comité des créanciers en raison de leur comportement lors d’un vote portant sur un plan de redressement dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, et que, dès lors, une telle action est exclue du champ d’application matériel de ce règlement.

Arrêt du 20 décembre 2017, Valach e.a. (C-649/16) (cf. point 40 et disp.)

53. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Effets de la procédure d'insolvabilité sur les instances en cours - Notion d'instances en cours - Procédure au fond visant la reconnaissance de l'existence d'une créance - Inclusion

L’article 15 du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une instance en cours devant une juridiction d’un État membre ayant pour objet la condamnation d’un débiteur au paiement d’une somme d’argent, due en vertu d’un contrat de prestation de services, ainsi qu’à une indemnisation pécuniaire pour non-respect de cette même obligation contractuelle, dans le cas où ce débiteur a été déclaré insolvable dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre et où cette déclaration d’insolvabilité s’étend à l’ensemble du patrimoine dudit débiteur.

Arrêt du 6 juin 2018, Tarragó da Silveira (C-250/17) (cf. point 35 et disp.)

54. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir la procédure d'insolvabilité - Action révocatoire fondée sur l'insolvabilité et dirigée contre un défendeur ayant son siège statutaire dans un autre État membre - Compétence des juridictions de l'État membre d'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Compétence exclusive

L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que la compétence des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité a été ouverte, pour statuer sur une action révocatoire fondée sur l’insolvabilité et dirigée contre un défendeur ayant son siège statutaire ou son domicile dans un autre État membre, est une compétence exclusive.

Arrêt du 14 novembre 2018, Wiemer & Trachte (C-296/17) (cf. point 43 et disp.)

55. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 1215/2012 - Champ d'application - Matières exclues - Faillites, concordats et autres procédures analogues - Notion - Actions dérivant directement d'une procédure d'insolvabilité et s'y insérant étroitement - Action en constatation de l'existence de créances aux fins de leur enregistrement dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité - Inclusion - Conséquence - Applicabilité du règlement nº 1346/2000

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 septembre 2019, Riel (C-47/18) (cf. points 33-40, disp. 1)

56. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 1215/2012 - Litispendance - Action exclue du champ d'application de ce règlement et relevant de celui du règlement nº 1346/2000 - Absence d'applicabilité, même par analogie, des règles de litispendance du règlement nº 1215/2012

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 septembre 2019, Riel (C-47/18) (cf. points 42-46, disp. 2)

57. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Loi applicable - Loi de l'État d'ouverture - Portée - Règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances - Exigences relatives au contenu de la production d'une créance énoncées à l'article 41 du règlement - Exigences maximales pouvant être imposées par la loi de l'État d'ouverture

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 septembre 2019, Riel (C-47/18) (cf. points 51-53)

58. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Information des créanciers et production de leurs créances - Contenu de la production d'une créance - Absence d'indication de la date de naissance de la créance - Admissibilité - Conditions

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 septembre 2019, Riel (C-47/18) (cf. points 54, 55, disp. 3)

59. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Loi applicable - Notion de procédure d'insolvabilité et de ses effets - Action en paiement de marchandises livrées en exécution d'un contrat conclu avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Action exercée par le syndic d'une société en faillite - Exclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 21 novembre 2019, CeDe Group (C-198/18) (cf. points 33-37, 39 et disp.)

60. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir la procédure d'insolvabilité - Action du syndic visant l'inopposabilité, à la masse des créanciers, de la vente d'un immeuble et de la constitution d'une hypothèque - Action dérivant directement d'une procédure d'insolvabilité et s'y insérant étroitement - Compétence exclusive des juridictions de l'État membre d'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Immeuble se trouvant sur le territoire d'un autre État membre - Absence d'incidence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 4 décembre 2019, Tiger e.a. (C-493/18) (cf. points 25, 29, 31-35, disp. 1)

61. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Compétence internationale pour ouvrir la procédure d'insolvabilité - Décision d'une juridiction de l'État membre d'ouverture autorisant le syndic à engager une action dans un autre État membre - Décision ne conférant pas une compétence internationale aux juridictions de ce dernier État membre

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 4 décembre 2019, Tiger e.a. (C-493/18) (cf. points 38-41, disp. 2)

62. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Centre des intérêts principaux du débiteur - Notion autonome du droit de l'Union

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 juillet 2020, Novo Banco (C-253/19) (cf. points 17, 18)

63. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Critères de détermination - Présomption au bénéfice de la résidence habituelle d'une personne physique n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant - Présomption réfragable - Nécessité d'éléments objectifs et vérifiables par les tiers - Unique bien immobilier de cette personne situé en dehors de l'État membre de résidence habituelle - Absence de renversement de la présomption

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 juillet 2020, Novo Banco (C-253/19) (cf. points 19-28, 31 et disp.)

64. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Actes préjudiciables - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Loi applicable à un paiement effectué par un tiers en exécution d'un contrat et contesté en tant qu'acte préjudiciable à l'ensemble des créanciers - Loi applicable au contrat en vertu du règlement nº 593/2008

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 22 avril 2021, Oeltrans Befrachtungsgesellschaft (C-73/20) (cf. points 22, 31-40 et disp.)

65. Coopération judiciaire en matière civile - Loi applicable aux obligations contractuelles - Règlement nº 593/2008 - Domaine de la loi du contrat - Paiment effectué par un tiers en exécution du contrat - Inclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 22 avril 2021, Oeltrans Befrachtungsgesellschaft (C-73/20) (cf. points 35-37, 40 et disp.)

66. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement nº 1346/2000 - Modalités procédurales - Délai applicable à la production des créances - Application du droit national - Conditions - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité - Procédure d'insolvabilité secondaire - Production de créances déjà produites dans la procédure d'insolvabilité principale soumise aux dispositions relatives aux délais de production des créances et aux conséquences des productions tardives, prévues par la loi de l'État d'ouverture de la procédure secondaire

Voir texte de la décision.

Arrêt du 25 novembre 2021, ALPINE BAU (C-25/20) (cf. points 32-33, 37, 40-42 et disp.)

67. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur au moment de la demande d'ouverture de la procédure - Transfert du centre des intérêts principaux dans un autre État membre avant la décision d'ouverture de ladite procédure - Juridiction d'un autre État membre ultérieurement saisie d'une demande introduite aux mêmes fins - Maintien de la compétence exclusive - Accord sur le retrait du Royaume-Uni - Conséquence de l'expiration de la période de transition

Galapagos, une société holding ayant son siège statutaire au Luxembourg, a transféré son administration centrale à Fareham (Royaume-Uni) en juin 2019. Le 22 août 2019, ses administrateurs ont saisi le juge britannique{1} d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Le lendemain, ces administrateurs ont été remplacés par un nouvel administrateur qui a établi, pour Galapagos, un bureau à Düsseldorf (Allemagne) et cherché, en vain, à faire retirer cette demande.

Par la suite, Galapagos a introduit une autre demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à son égard, cette fois auprès de l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne), qui a été jugée irrecevable au motif que cette juridiction n’était pas internationalement compétente. Cette même juridiction a été à nouveau saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, émanant cette fois de deux autres sociétés créancières de Galapagos. Dans le cadre de cette dernière demande, l’Amtsgericht Düsseldorf a désigné un administrateur judiciaire provisoire et a ordonné des mesures provisoires, considérant que le centre des intérêts principaux de Galapagos se trouvait à Düsseldorf lorsque cette demande a été introduite.

Galapagos BidCo., qui est à la fois une filiale et une créancière de Galapagos, a saisi le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne) d’un recours immédiat en vue d’obtenir l’annulation de l’ordonnance de l’Amtsgericht Düsseldorf pour défaut de compétence internationale de la juridiction allemande. Ce recours ayant été rejeté, Galapagos BidCo. a saisi le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), la juridiction de renvoi.

Cette juridiction indique que l’issue du pourvoi dont elle est saisie dépend de l’interprétation du règlement 2015/848{2}, et notamment de son article relatif aux règles de compétence internationale des juridictions des États membres pour connaître des procédures relatives à l’insolvabilité{3}. Précisant que, à la date à laquelle elle saisit la Cour d’un renvoi préjudiciel, le juge britannique n’avait toujours pas statué sur la première demande, elle s’interroge notamment sur le maintien de la compétence exclusive de la juridiction d’un État membre initialement saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité principale en cas de transfert du centre des intérêts principaux du débiteur vers un autre État membre après l’introduction de cette demande, mais avant que cette juridiction n’ait statué sur celle-ci.

Par son arrêt, la Cour interprète le règlement 2015/848 en ce sens que la juridiction d’un État membre saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité principale conserve une compétence exclusive pour ouvrir une telle procédure lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est transféré vers un autre État membre après l’introduction de cette demande, mais avant que cette juridiction n’ait statué sur celle-ci. Ainsi, pour autant que le règlement demeure applicable à la première demande, une juridiction d’un autre État membre ultérieurement saisie d’une demande introduite aux mêmes fins ne peut, en principe, se déclarer compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale tant que la première juridiction n’a pas statué et décliné sa compétence.

Appréciation de la Cour

D’emblée, la Cour relève, en ce qui concerne la compétence internationale des juridictions des États membres pour connaître des procédures relatives à l’insolvabilité, que le règlement 2015/848, applicable en l’espèce, poursuit dans les mêmes termes les mêmes objectifs que le précédent règlement nº 1346/2000{4}. Par conséquent, la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation des règles établies par le règlement no 1346/2000 en matière de compétence internationale demeure pertinente pour interpréter l’article correspondant du règlement 2015/848, visé par le renvoi préjudiciel.

Ainsi, la compétence exclusive conférée par lesdits règlements aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux demeure entre les mains de ces juridictions lorsque ce débiteur déplace le centre de ses intérêts principaux sur le territoire d’un autre État membre après l’introduction de la demande, mais avant l’intervention de l’ouverture de la procédure. La Cour parvient à ce constat en se référant aux considérations précisées dans sa jurisprudence antérieure{5}.

Ensuite, la Cour examine les conséquences de ce maintien de la compétence de la juridiction d’un État membre initialement saisie sur la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de nouvelles demandes d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité principale. Elle constate qu’il ressort du règlement 2015/848 que seule une procédure principale peut être ouverte et que celle-ci produit ses effets dans tous les États membres dans lesquels ce règlement est applicable. De surcroît, il appartient à la juridiction initialement saisie d’examiner d’office si elle est compétente et, à cette fin, de vérifier que le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire de l’État membre dont elle relève. Lorsque cette vérification aboutit à une réponse négative, la juridiction initialement saisie ne doit pas ouvrir de procédure principale d’insolvabilité. En revanche, si la vérification confirme sa compétence, toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité rendue par cette juridiction est, conformément au principe de confiance mutuelle, reconnue dans tous les autres États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État membre d’ouverture. Dès lors, les juridictions de ces derniers États membres ne sauraient, en principe, se déclarer compétentes pour ouvrir une telle procédure tant que la première juridiction n’a pas statué et décliné sa compétence.

Toutefois, lorsque la juridiction initialement saisie est une juridiction britannique, si, à l’expiration de la période de transition prévue dans l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique{6}, cette juridiction ne s’est pas prononcée, le règlement 2015/848 n’exige plus qu’une juridiction d’un État membre, sur le territoire duquel le centre des intérêts principaux de Galapagos serait situé, s’abstienne de se déclarer compétente aux fins de l’ouverture d’une telle procédure.

{1} En l’occurrence, la High Court of Justice (England and Wales), Chancery Division (Business and Property Courts, Insolvency and Companies list) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (tribunaux de commerce et de la propriété, Registre de l’insolvabilité et des sociétés), Royaume-Uni].

{2} Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2015, L 141, p. 19).

{3} Article 3, paragraphe 1, du règlement 2015/848. En substance, cette disposition prévoit que les juridictions compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale sont les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur.

{4} Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1), abrogé par le règlement 2015/848.

{5} Arrêt du 17 janvier 2006, Staubitz-Schreiber (C-1/04, EU:C:2006:39).

{6} JO 2020, L 29, p. 7.

Arrêt du 24 mars 2022, Galapagos BidCo. (C-723/20) (cf. points 29-31, 33-36, 38-40 et disp.)

68. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Dispositions de ce règlement qualifiées d'équivalentes à celles du règlement no 1346/2000 - Interprétation desdites dispositions conformément à la jurisprudence de la Cour relative au règlement no 1346/2000

Voir texte de la décision.

Arrêt du 18 avril 2024, Luis Carlos e.a. (C-765/22 et C-772/22) (cf. point 49)

69. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Procédure secondaire - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Champ d'application - Sort des créances nées entre l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale et celle de la procédure d'insolvabilité secondaire - Exclusion

Voir texte de la décision.

Arrêt du 18 avril 2024, Luis Carlos e.a. (C-765/22 et C-772/22) (cf. points 51-54, 57-62, disp. 1)

70. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Effets sur les contrats de travail - Loi applicable - Exception à la règle générale d'appliquer la lex fori concursus - Champ d'application - Privilèges et rang des créances des travailleurs - Exclusion

Voir texte de la décision.

Arrêt du 18 avril 2024, Luis Carlos e.a. (C-765/22 et C-772/22) (cf. points 55, 56)

71. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Procédure secondaire - Portée - Biens du débiteur situés dans l'État membre d'ouverture de la procédure secondaire - Notion - Limitation aux biens se trouvant sur le territoire de cet État membre au moment de l'ouverture de la procédure secondaire

Voir texte de la décision.

Arrêt du 18 avril 2024, Luis Carlos e.a. (C-765/22 et C-772/22) (cf. points 64-71, disp. 2)

72. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Procédure principale - Pouvoirs du praticien de l'insolvabilité - Déplacement d'actifs du débiteur situés dans un État membre dans un autre État membre différent de celui de l'ouverture de la procédure principale - Limites - Existence, dans ce premier État membre, de créances des travailleurs locaux et d'une saisie conservatoire d'actifs - Absence d'incidence

Voir texte de la décision.

Arrêt du 18 avril 2024, Luis Carlos e.a. (C-765/22 et C-772/22) (cf. points 73-81, disp. 3)

73. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Procédure secondaire - Pouvoirs du praticien de l'insolvabilité - Action révocatoire - Champ d'application - Acte accompli par le praticien de la procédure principale - Inclusion

Voir texte de la décision.

Arrêt du 18 avril 2024, Luis Carlos e.a. (C-765/22 et C-772/22) (cf. points 84-86, disp. 4)

74. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Procédure principale - Centre des intérêts principaux du débiteur personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant - Critères de détermination - Nécessité d'un établissement - Absence

Voir texte de la décision.

Arrêt du 19 septembre 2024, Finanzamt Wilmersdorf (Actifs d’indépendant) (C-501/23) (cf. points 35-41, disp. 1)

75. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité - Juridictions de l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur - Centre des intérêts principaux du débiteur personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant - Critères de détermination - Présomption au bénéfice du lieu d'activité principal du débiteur - Présomption réfragable - Nécessité d'éléments objectifs et vérifiables par les tiers - Activité ne nécessitant aucun moyen humain ou aucun actif - Absence de renversement de la présomption

Voir texte de la décision.

Arrêt du 19 septembre 2024, Finanzamt Wilmersdorf (Actifs d’indépendant) (C-501/23) (cf. points 43-54, disp. 2)

76. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 1215/2012 - Champ d'application - Matières exclues - Faillites, concordats et autres procédures analogues - Notion - Actions dérivant directement d'une procédure d'insolvabilité et s'y insérant étroitement - Action en paiement d'une créance introduite après la mise en insolvabilité de la société débitrice et la déclaration de cette créance dans la masse de l'insolvabilité - Exclusion

Saisie à titre préjudiciel par le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique), la Cour précise le champ d’application du règlement Bruxelles I bis{1} au regard d’une action en paiement de marchandises introduite contre une société après sa mise en insolvabilité.

Oilchart International NV (ci-après « Oilchart »), une société de droit belge, a livré, en octobre 2014, pour le compte de O.W. Bunker (Netherlands) BV (ci-après « OWB »), une société de droit néerlandais, du carburant à un navire amarré dans le port de Sluiskil (Pays-Bas). La facture y afférente émise par Oilchart est restée impayée.

En novembre 2014, un tribunal néerlandais a déclaré OWB en faillite. Oilchart a produit la créance résultant de cette facture impayée pour vérification auprès des curateurs de OWB.

En raison d’une série de factures impayées, Oilchart a fait procéder à la saisie conservatoire de certains navires de haute mer auxquels elle avait livré du carburant. Afin d’obtenir la mainlevée de ces saisies conservatoires, des garanties ont été constituées en faveur d’Oilchart, lesquelles pouvaient être sollicitées sur la base d’une décision judiciaire ou d’une sentence arbitrale en Belgique, condamnant soit OWB, soit le propriétaire du navire concerné.

En mars 2015, Oilchart a introduit un recours contre OWB devant un tribunal belge en vue d’obtenir, notamment, le paiement de ladite facture impayée. Tout en se reconnaissant compétente pour statuer sur ledit recours, cette juridiction a déclaré irrecevable le même recours, sur le fondement du droit néerlandais de la faillite. Oilchart a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

OWB n’ayant comparu à l’audience ni en première instance ni devant la juridiction de renvoi, cette dernière a estimé devoir examiner sa compétence internationale, conformément au règlement Bruxelles I bis{2}. La juridiction de renvoi se demande si l’action en cause au principal présente un lien étroit avec la procédure d’insolvabilité, de sorte qu’elle relève de la compétence du juge de la faillite, en vertu du règlement no 1346/2000{3}. Elle précise que le recours d’Oilchart a été introduit après la mise en faillite de OWB et sans faire état de celle-ci, en application d’une disposition néerlandaise particulière relative aux actions qui ne se rapportent pas à la masse de la faillite, mais qui concernent les intérêts personnels du failli.

Appréciation de la Cour

La Cour rappelle que les champs d’application respectifs du règlement Bruxelles I bis et du règlement no 1346/2000 sont clairement délimités. Seules les actions qui dérivent directement d’une procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement sont exclues du champ d’application du premier règlement, en vertu de son article 1er, paragraphe 2, sous b){4}.

S’agissant du premier critère, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’élément déterminant pour identifier le domaine dont relève une action est non pas le contexte procédural dans lequel s’inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière. Selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l’obligation qui sert de base à l’action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d’insolvabilité.

En l’occurrence, l’action en cause au principal tend à faire condamner une société au paiement de marchandises livrées conformément à un contrat conclu avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité concernant cette société. Aux termes de conventions ultérieurement contractées en vue de la mainlevée de saisies conservatoires auxquelles il a été procédé, une telle condamnation s’avère nécessaire afin que la requérante au principal puisse exécuter des garanties bancaires constituées en sa faveur. Or, tant les obligations contractuelles invoquées dans le cadre de cette action que les mécanismes d’exécution prévus à l’égard desdites obligations ont un fondement contractuel et sont indépendants des règles spécifiques aux procédures d’insolvabilité. En outre, une action judiciaire en paiement de marchandises livrées peut être introduite en dehors de toute procédure d’insolvabilité.

Par ailleurs, ni l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ni l’exercice, par la suite, d’une action en paiement dans l’intérêt des créanciers par un syndic désigné dans le cadre d’une telle procédure n’ont pour effet de modifier le fondement juridique d’une action relevant des règles communes du droit civil et commercial en vue de la faire entrer dans le champ d’application des règles spécifiques aux procédures d’insolvabilité.

Quant au second critère, à savoir l’intensité du lien existant entre une action juridictionnelle et la procédure d’insolvabilité, il permet de tenir compte d’éléments contextuels autres que ceux relatifs au fondement juridique de l’action.

Dans l’affaire au principal, l’existence d’un tel lien ne saurait être niée, dès lors que l’action a été introduite après la mise en insolvabilité de OWB dans le cadre de laquelle Oilchart a produit une déclaration de créance dans la masse de l’insolvabilité pour la même créance que celle visée par ladite action. Toutefois, il n’apparaît pas que la seule identité entre la créance réclamée devant la juridiction de renvoi et celle produite devant les curateurs de l’insolvabilité soit suffisante pour exclure cette même action du règlement Bruxelles I bis.

La Cour souligne que la détermination de la juridiction compétente ne préjuge en rien de la loi applicable à la demande en cause au principal, ni des règles pertinentes susceptibles de déterminer la loi applicable à l’action au principal, en ce que tant la question de l’admissibilité d’une action individuelle dirigée contre une société en insolvabilité que celle du sort réservé à une telle action en cas de déclaration de créance effectuée dans la masse de l’insolvabilité relèvent non pas des règles attributives de compétence, mais des règles de conflit déterminant la loi applicable.

La Cour ajoute que, alors même que le règlement no 1346/2000 vise, en principe, à obtenir une correspondance entre les juridictions qui sont internationalement compétentes et la loi applicable à la procédure d’insolvabilité, cette correspondance ne saurait être garantie en toutes circonstances, dans la mesure notamment où l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000 se limite à la question de la compétence juridictionnelle pour l’ouverture des procédures d’insolvabilité et que le champ d’application de l’article 4 de ce règlement est plus vaste, en ce qu’il s’applique aux procédures d’insolvabilité ainsi qu’à leurs effets.

Partant, la Cour conclut que l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de ce règlement ne s’applique pas à une action introduite dans un État membre contre une société, tendant au paiement de marchandises livrées, qui ne fait état ni de la procédure d’insolvabilité antérieurement ouverte contre cette société dans un autre État membre ni du fait que la créance a déjà été déclarée dans la masse de l’insolvabilité.

{1} Règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1, ci-après le « règlement Bruxelles I bis »).

{2} Aux termes de l’article 28, paragraphe 1, de ce règlement, « [l]orsque le défendeur domicilié sur le territoire d’un État membre est attrait devant une juridiction d’un autre État membre et ne comparaît pas, la juridiction se déclare d’office incompétente, sauf si sa compétence découle des dispositions du présent règlement ».

{3} Règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1).

{4} Ce double critère figure au considérant 6 du règlement no 1346/2000 et a été repris par l’article 6 du règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2015, L 141, p. 19), non applicable ratione temporis à l’affaire au principal.

Arrêt du 14 novembre 2024, Oilchart International (C-394/22) (cf. points 34, 35, 37, 42-49, 60 et disp.)

77. Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Règlement 2015/848 - Exécution d'une obligation au profit du débiteur - Notion - Exécution d'une obligation résultant d'un acte juridique postérieur à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité - Inclusion - Condition - Acte juridique opposable aux créanciers selon la loi de l'État d'ouverture de la procédure

Voir texte de la décision.

Arrêt du 27 mars 2025, Auto1 European Cars (C-186/24) (cf. points 20-29 et disp.)