1. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de mener une instruction et de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence

Les règlements nº 17, nº 2842/98, nº 1/2003 et nº 773/2004 ne contiennent pas de dispositions expresses concernant la suite à réserver, au fond, à une plainte et les obligations d’investigation éventuelles de la Commission en ce qui concerne l’instruction de celle-ci. La Commission n’a pas l’obligation d’engager des procédures visant à établir d’éventuelles violations du droit communautaire et, parmi les droits conférés aux plaignants par lesdits règlements, ne figure pas celui d’obtenir une décision définitive quant à l’existence ou non de l’infraction alléguée.

Si la Commission n’a pas l’obligation de se prononcer sur l’existence ou non d’une infraction, elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d’autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non d’une infraction qu’elle n’est pas tenue de constater.

Toutefois, bien que la Commission ne soit pas tenue de mener une instruction, elle est néanmoins tenue d’examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, en vue d’apprécier si lesdits éléments font apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun et à affecter le commerce entre États membres.

Par ailleurs, la Commission ayant pour seule obligation d’examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, il ne revient pas à cette institution d’établir qu’elle a pris des mesures d’instruction.

Arrêt du 12 mai 2010, EMC Development / Commission (T-432/05, Rec._p._II-1629) (cf. points 57-59)



Arrêt du 23 novembre 2011, Jones e.a. / Commission (T-320/07, Rec._p._II-417*) (cf. points 112-116)



Arrêt du 16 décembre 2020, Fakro / Commission (T-515/18) (cf. points 98, 99, 208)

2. Concurrence - Ententes - Appréciation de la compatibilité avec le marché commun - Respect des lignes directrices arrêtées par la Commission - Pouvoir d'appréciation de la Commission quant à la prise en considération des éléments mentionnés dans les lignes directrices - Contrôle juridictionnel - Portée - Accords de coopération horizontale - Accords de normalisation

La Commission peut s’imposer des orientations pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation par des actes tels que des lignes directrices, dans la mesure où ces actes contiennent des règles indicatives sur l’orientation à suivre par cette institution et qu’ils ne s’écartent pas des normes du traité.

Les lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 81 CE aux accords de coopération horizontale ont ainsi pour objet d’exposer les principes régissant l’appréciation par la Commission, au titre de l’article 81 CE, desdits accords et, en particulier, des accords de normalisation. Aux termes des points 162 et 163 de ces lignes directrices, les normes adoptées par des organismes de normalisation reconnus au titre de la directive 98/34, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, selon une procédure non discriminatoire, ouverte et transparente, et dont le respect n’est pas imposé, ne restreignent pas, en principe, la concurrence et ne relèvent pas de l’article 81, paragraphe 1, CE.

Dès lors qu'un plaignant n'apporte pas d’éléments de nature à remettre en cause les critères exposés dans les points 162 et 163 desdites lignes directrices, la Commission peut, à juste titre, examiner une plainte au regard de ces dispositions afin d’apprécier si la procédure d’adoption d'une norme est non discriminatoire, ouverte et transparente et si la norme est contraignante.

Lorsque le juge communautaire est saisi d'un recours en annulation à l'encontre de la décision rejetant une telle plainte déposée au titre du règlement nº 17, le contrôle juridictionnel de cette décision doit nécessairement être circonscrit aux règles de concurrence telles qu’elles résultent des articles 81 CE et 82 CE, et ne saurait par conséquent s’étendre au respect des autres dispositions du traité.

Arrêt du 12 mai 2010, EMC Development / Commission (T-432/05, Rec._p._II-1629) (cf. points 61-63, 65-66, 137)

3. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation

Pour apprécier l'intérêt communautaire à poursuivre l’examen d’une affaire, la Commission doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce et, notamment, des éléments de fait et de droit qui lui sont présentés dans la plainte dont elle est saisie. Il lui appartient, notamment, de mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée sur le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 81 CE et 82 CE.

Arrêt du 15 décembre 2010, CEAHR / Commission (T-427/08, Rec._p._II-5865) (cf. point 158)



Arrêt du 13 septembre 2012, Protégé International / Commission (T-119/09) (cf. points 39-40)

4. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Décision de classement motivée par la possibilité pour le plaignant de s'adresser au juge national - Légalité - Condition - Possibilité de sauvegarde des droits du plaignant par les instances nationales

Lorsque les effets des infractions alléguées dans une plainte ne sont ressentis, pour l’essentiel, que sur le territoire d’un seul État membre et que des litiges relatifs à ces infractions ont été portés par le plaignant devant des juridictions et des autorités administratives compétentes de cet État membre, la Commission est en droit de rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire, à condition toutefois que les droits du plaignant puissent être sauvegardés d’une façon satisfaisante par les instances nationales, ce qui suppose que celles-ci sont en mesure de réunir les éléments factuels pour déterminer si les pratiques en cause constituent une infraction aux dispositions précitées du traité.

Néanmoins, la seule considération que les autorités et juridictions nationales sont bien placées pour traiter les éventuelles infractions faisant l’objet d’une plainte est insuffisante pour conclure à l’absence d’un intérêt communautaire suffisant, quand la pratique critiquée est présente dans au moins cinq États membres, voire éventuellement dans tous les États membres, et est imputable à des entreprises ayant leurs sièges sociaux et lieux de production à l’extérieur de l’Union, ce qui constitue un indice qu’une action au niveau de l’Union pourrait être plus efficace que de multiples actions au niveau national.

Arrêt du 15 décembre 2010, CEAHR / Commission (T-427/08, Rec._p._II-5865) (cf. points 173, 176)

Dans le cadre d'une plainte pour violation des règles de concurrence, le fait qu’un juge national ou une autorité nationale de la concurrence soit déjà saisi de la question de la conformité d’une entente ou d’une pratique avec les articles 81 CE et 82 CE est un élément qui peut être pris en compte par la Commission pour évaluer l’intérêt communautaire de l’affaire.

En effet, lorsque les effets des infractions alléguées dans une plainte ne sont ressentis, pour l’essentiel, que sur le territoire d’un seul État membre et que des litiges relatifs à ces infractions ont été portés par le plaignant devant des juridictions et des autorités administratives compétentes de cet État membre, la Commission est en droit de rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire, à condition toutefois que les droits du plaignant puissent être sauvegardés d’une façon satisfaisante par les instances nationales, ce qui suppose que celles-ci sont en mesure de réunir les éléments factuels pour déterminer si les pratiques en cause constituent une infraction.

Ordonnance du 19 mars 2012, Associazione "Giùlemanidallajuve" / Commission (T-273/09) (cf. points 67-68)

5. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Obligation de motivation de la décision de classement - Contrôle juridictionnel

La Commission, investie par l’article 85, paragraphe 1, CE de la mission consistant à veiller à l’application des articles 81 CE et 82 CE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de la concurrence de l’Union et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes.

Lorsque, en exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Commission décide d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, elle peut non seulement arrêter l’ordre dans lequel les plaintes seront examinées, mais également rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’examen de l’affaire.

Le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’est cependant pas sans limites. Elle doit prendre en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte. Elle est plus particulièrement tenue d’examiner attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par le plaignant. De même, elle est astreinte à une obligation de motivation lorsqu’elle refuse de poursuivre l’examen d’une plainte, cette motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités.

Le contrôle du juge de l’Union sur l’exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

Arrêt du 15 décembre 2010, CEAHR / Commission (T-427/08, Rec._p._II-5865) (cf. points 26-28, 65)

6. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Motivation des décisions de classement - Portée



Ordonnance du 31 mars 2011, EMC Development / Commission (C-367/10 P, Rec._p._I-46*) (cf. points 72-76)

7. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Limites - Contrôle juridictionnel



Arrêt du 23 novembre 2011, Jones e.a. / Commission (T-320/07, Rec._p._II-417*) (cf. points 73-75)

Arrêt du 9 mars 2012, Comité de défense de la viticulture charentaise / Commission (T-192/07) (cf. points 65-67, 80, 105)

Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. points 156, 157, 212, 214-216, 218-220)

Arrêt du 11 juillet 2013, Spira / Commission (T-108/07 et T-354/08) (cf. points 97, 98, 108, 155, 156, 165-167, 184-186, 190, 196, 200, 201)

8. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Décision de classement motivée par la possibilité pour le plaignant de s'adresser au juge national - Légalité - Conditions



Arrêt du 23 novembre 2011, Jones e.a. / Commission (T-320/07, Rec._p._II-417*) (cf. points 92-94)

9. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Appréciation de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Prise en compte de la cessation des pratiques dénoncées - Conditions



Arrêt du 23 novembre 2011, Jones e.a. / Commission (T-320/07, Rec._p._II-417*) (cf. point 98)

10. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Obligation de motivation de la décision de classement - Contrôle juridictionnel - Portée et limites



Arrêt du 24 novembre 2011, EFIM / Commission (T-296/09, Rec._p._II-425*) (cf. points 38-40, 59)

11. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Examen des seuls éléments de fait et de droit portés à la connaissance de la Commission



Arrêt du 24 novembre 2011, EFIM / Commission (T-296/09, Rec._p._II-425*) (cf. point 41)

12. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Limites - Contrôle juridictionnel - Portée

Lorsque la Commission décide d’accorder des degrés de priorité aux plaintes dont elle est saisie portant sur la violation des articles 81 CE et 82 CE, elle peut arrêter l’ordre dans lequel ces plaintes seront examinées et se référer, comme critère de priorité, à l’intérêt communautaire que présente une affaire.

Pour apprécier l’intérêt communautaire à poursuivre l’examen d’une affaire, la Commission doit, notamment, mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée sur le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 81 CE et 82 CE.

Ainsi, dans l’hypothèse où il est conclu à l’existence d’une affectation du commerce intracommunautaire, une plainte portant sur la violation des articles 81 CE et 82 CE ne sera instruite par la Commission que s’il existe un intérêt communautaire suffisant. Tel peut, notamment, être le cas lorsque l’infraction dénoncée est susceptible de provoquer des dysfonctionnements importants dans le marché commun.

Le contrôle du juge de l’Union sur l’exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision attaquée ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

Ordonnance du 19 mars 2012, Associazione "Giùlemanidallajuve" / Commission (T-273/09) (cf. points 33-36)

13. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Rejet d'une plainte du fait de la cessation des pratiques dénoncées - Conditions - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction de l'affaire - Critères d'appréciation

En matière de concurrence, la Commission peut légitimement décider, sous réserve de motiver une telle décision, de ne pas donner suite à une plainte dénonçant des pratiques qui ont ultérieurement cessé. Toutefois, si la Commission souhaite fonder son raisonnement sur le fait que le comportement a cessé, elle est tenue de vérifier si des effets anticoncurrentiels persistent et de tenir compte de la gravité et de la durée de l’infraction dans l’appréciation de l’intérêt communautaire à poursuivre la plainte. Si elle respecte ces obligations, elle peut rejeter la plainte même si les infractions sont de longue durée et d’une gravité élevée, à condition qu’elle ne se fonde pas sur des faits matériellement inexacts et ne commette pas d’erreur manifeste d’appréciation.

Ordonnance du 19 mars 2012, Associazione "Giùlemanidallajuve" / Commission (T-273/09) (cf. point 59)

14. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Examen des seuls éléments de fait et de droit portés à la connaissance de la Commission - Obligation de mener une instruction et de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence

Dans le cadre d’un recours formé contre une décision de rejet d’une plainte en matière de concurrence, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en considération un élément qui n’avait pas été porté à sa connaissance par le plaignant et dont elle n’aurait pu découvrir l’existence qu’en engageant une enquête. En effet, la Commission ayant pour seule obligation d’examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, il ne revient pas à cette institution d’établir qu’elle a pris des mesures d’instruction. Elle n’a pas l’obligation d’engager des procédures visant à établir d’éventuelles violations du droit communautaire et, parmi les droits conférés aux plaignants, ne figure pas celui d’obtenir une décision définitive quant à l’existence ou non de l’infraction alléguée.

Ordonnance du 19 mars 2012, Associazione "Giùlemanidallajuve" / Commission (T-273/09) (cf. points 81, 101)

15. Recours en manquement - Procédure - Caractère indépendant par rapport à la procédure en matière de concurrence



Ordonnance du 16 avril 2012, F91 Diddeléng e.a. / Commission (T-341/10) (cf. point 43)

16. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Obligation de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Obligation de motivation de la décision de classement - Contrôle juridictionnel



Arrêt du 13 septembre 2012, Protégé International / Commission (T-119/09) (cf. points 32-38, 41)

17. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Appréciation de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Plainte faisant état de procédures contentieuses de nature anticoncurrentielle - Prise en compte des possibilités de traitement au niveau national - Admissibilité



Arrêt du 13 septembre 2012, Protégé International / Commission (T-119/09) (cf. points 77-79)

18. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation - Obligation de motivation de la décision de classement - Contrôle juridictionnel



Arrêt du 30 mai 2013, Omnis Group / Commission (T-74/11) (cf. points 42-50, 80, 93-95)

19. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Phases successives de la procédure - Communication par la Commission de sa première réaction au plaignant - Lettre prévue par l'article 7, paragraphe 1, du règlement nº 773/2004 - Confusion temporaire sur la nature de la lettre transmise par la Commission - Droit des plaignants d'être étroitement associés à la procédure - Absence d'incidence



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. points 123, 124, 126-132)

20. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Présentation de ses observations par le plaignant - Délais fixés par la Commission - Prorogation - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Contrôle juridictionnel - Limites - Point de départ du délai fixé - Notification - Notion



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. points 136-146)

21. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de mener une instruction et de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Pouvoir d'appréciation de la Commission quant à l'étendue de l'instruction d'une plainte - Limite - Obligation de diligence



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. points 155, 168, 169, 211)

Arrêt du 11 juillet 2013, Spira / Commission (T-108/07 et T-354/08) (cf. points 96, 115, 116)

22. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Appréciation de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Prise en compte de l'existence de nombreuses plaintes reprochant des comportements similaires - Évaluation de l'ensemble des éléments de preuve - Jonction des procédures administratives - Pouvoir d'appréciation de la Commission



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. points 190-195, 198)

Arrêt du 11 juillet 2013, Spira / Commission (T-108/07 et T-354/08) (cf. points 143-149)

23. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation - Inadmissibilité du rejet d'une plainte sur le seul fondement de la cessation de l'infraction dénoncée



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. point 201)

Arrêt du 11 juillet 2013, Spira / Commission (T-108/07 et T-354/08) (cf. point 178)

24. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de motivation de la décision de classement - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 23 octobre 2017, CEAHR / Commission (T-712/14) (cf. points 135-137)



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. points 362-364)

Arrêt du 14 septembre 2017, Contact Software / Commission (T-751/15) (cf. points 39, 40)

25. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation des priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction de l'affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Obligation de motivation de la décision de classement - Portée - Contrôle juridictionnel - Limites



Arrêt du 19 septembre 2013, EFIM / Commission (C-56/12 P) (cf. points 57-61, 71, 72, 82-89)

26. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Prise en compte de l'intérêt communautaire attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Obligation de motivation de la décision de classement - Contrôle juridictionnel



Arrêt du 16 octobre 2013, Vivendi / Commission (T-432/10) (cf. points 22-25, 27, 28, 33, 39, 68, 104-107, 126, 127)

27. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Limites - Contrôle juridictionnel - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 février 2014, CEEES et Asociación de Gestores de Estaciones de Servicio / Commission (T-342/11) (cf. points 60, 61, 70)

28. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Plainte visant le non-respect des engagements souscrits par une entreprise en infraction - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Prise en compte des mesures adoptées par une autorité de concurrence nationale à l'encontre de l'entreprise - Admissibilité

Eu égard au fait que la compétence de la Commission de rendre des engagements contraignants en vertu de l’article 9 du règlement nº 1/2003 a également pour objectif de garantir le respect des articles 101 TFUE et 102 TFUE et au fait que les compétences prévues à l’article 9, paragraphe 2, à l’article 24, paragraphe 1, sous c), et à l’article 23, paragraphe 2, sous c), dudit règlement visent à garantir le respect desdits engagements, les principes concernant les décisions de rejet de plainte pour violation des articles 101 TFUE et 102 TFUE s’appliquent également dans un cas où l’éventuel non-respect d’un engagement est porté à la connaissance de la Commission et où elle doit décider si elle rouvre la procédure.

Or, dès lors que la Commission doit apprécier la question de savoir s’il est dans l’intérêt de l’Union de poursuivre l’examen d’une plainte eu égard aux éléments de droit et de fait pertinents de l’espèce, elle doit prendre en compte la circonstance que la situation peut se présenter de manière différente selon que cette plainte concerne le non-respect éventuel d’une décision sur les engagements ou une éventuelle infraction aux articles 101 TFUE ou 102 TFUE. En effet, un non-respect des engagements étant, généralement, plus facile à démontrer qu’une violation des articles 101 TFUE ou 102 TFUE, l’étendue des mesures d’investigation nécessaires pour établir un tel non-respect des engagements sera, en principe, plus limitée.

Toutefois, il ne peut pas en être déduit que, dans un tel cas, la Commission devrait systématiquement rouvrir la procédure et infliger une amende ou une astreinte. En effet, une telle approche aurait pour conséquence de transformer les compétences qu’elle détient en vertu de l’article 9, paragraphe 2, de l’article 23, paragraphe 2, sous c), et de l’article 24, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 1/2003 en compétences liées, ce qui ne serait pas conforme au libellé de ces dispositions.

Dans ce contexte, rien ne s’oppose à ce que la Commission prenne en compte les mesures qu’une autorité de concurrence nationale a adoptées à l’encontre d’une entreprise, lorsqu’elle apprécie s’il est dans l’intérêt de l’Union de rouvrir la procédure à l’encontre de cette entreprise pour non-respect de ses engagements, afin de lui infliger une amende ou une astreinte. Au contraire, dans la mesure où les compétences de la Commission en vertu de l’article 9, paragraphe 2, de l’article 23, paragraphe 2, sous c), et de l’article 24, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 1/2003 lui ont été conférées en vue de sa mission de surveillance du respect des articles 101 TFUE et 102 TFUE, une telle prise en compte s’impose.

Arrêt du 6 février 2014, CEEES et Asociación de Gestores de Estaciones de Servicio / Commission (T-342/11) (cf. points 62-64, 68)

29. Concurrence - Procédure administrative - Principe de bonne administration - Obligation de diligence et d'impartialité - Obligation pour la Commission de se procurer certains documents à la demande d'une entreprise visée par une enquête - Conditions

En matière de concurrence, il appartient à la Commission de décider de la manière dont elle souhaite mener l’instruction et de décider quels documents elle doit recueillir afin d’avoir une image suffisamment complète de l’affaire. Par conséquent, il n’y a pas lieu de lui imposer une obligation de se procurer un maximum de documents afin de s’assurer d’obtenir tout élément potentiel à décharge.

En présence d’une demande de se procurer certains documents, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour trancher la question de savoir s’il convient de se procurer les documents en question. Les parties à une procédure ne disposent pas d’un droit inconditionnel à ce que la Commission se procure certains documents, car il appartient à cette dernière et non aux entreprises concernées de décider de la manière dont elle mène l’instruction d’une affaire.

Dans certaines conditions, il peut exister une obligation pour la Commission de se procurer certains documents à la demande d’une entreprise visée par une enquête. Une telle obligation pour la Commission doit toutefois être limitée à des circonstances exceptionnelles.

Dans ce cadre, il est nécessaire de mettre en balance l’obligation de la Commission d’instruire une affaire avec diligence et impartialité, d’une part, et la prérogative de la Commission de décider de la manière dont elle souhaite mener ses instructions et déployer ses ressources afin d’assurer de manière efficace le respect du droit de la concurrence, d’autre part.

Une obligation pour la Commission de se procurer certains documents à la demande d’une entreprise doit donc être soumise, outre la condition d’une demande en ce sens lors de la procédure administrative, au moins aux quatre conditions cumulatives suivantes.

Premièrement, une telle obligation est soumise à la condition qu’il soit effectivement impossible pour l’entreprise concernée de se procurer elle-même les documents en question ou de les divulguer à la Commission. Il appartient donc à l’entreprise concernée d’établir qu’elle a entrepris toutes les démarches afin de se procurer les documents en cause et/ou d’obtenir la permission de les utiliser dans l’enquête de la Commission.

Deuxièmement, il appartient à l'entreprise concernée d’identifier les documents qu’elle demande à la Commission d’obtenir de manière aussi précise qu’il lui est possible, ce qui présuppose une coopération de la part de cette entreprise.

Troisièmement, une obligation pour la Commission de se procurer certains documents à la demande d'une entreprise visée par une enquête est soumise à la condition que les documents en cause revêtent probablement une importance considérable pour la défense de l'entreprise concernée. La Commission dispose d'une marge d'appréciation afin de décider si l'importance de prétendus éléments à décharge justifie qu'elle se les procure et elle peut, par exemple, rejeter une demande au motif que les éléments potentiellement à décharge concernent des questions qui ne sont pas au centre des constatations nécessaires pour établir une infraction.

Quatrièmement, la Commission peut notamment rejeter une demande si le volume des documents en cause est disproportionné par rapport à l'importance que les documents peuvent avoir dans le cadre de l'enquête. Dans ce cadre, il est loisible à la Commission de prendre en considération, le cas échéant, le fait que l'obtention et l'analyse des documents en cause peuvent retarder de manière substantielle l'instruction de l'affaire. La Commission est en droit de mettre en balance le volume des documents sollicités et le retard que l'obtention et l'étude de ces documents pourront occasionner pour l'instruction de l'affaire, d'une part, et le degré de pertinence potentiel pour la défense de l'entreprise, d'autre part.

Arrêt du 12 juin 2014, Intel / Commission (T-286/09) (cf. points 360-362, 371, 373-378, 380, 382)

30. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Décision de classement de la Commission - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Motivation de la décision de classement - Portée - Contrôle juridictionnel

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 21 janvier 2015, easyJet Airline / Commission (T-355/13) (cf. points 17-20, 69, 70, 72)

31. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission de classer une plainte déjà traitée et rejetée pour des raisons de priorité par une autorité nationale de concurrence - Admissibilité - Conditions

L’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 vise, comme l’ensemble des dispositions dudit règlement, les situations dans lesquelles sont mis en œuvre les articles 101 TFUE et 102 TFUE. La Commission ne peut, par conséquent, rejeter une plainte sur le fondement de ladite disposition que lorsque celle-ci a fait l’objet d’un examen mené au regard des règles du droit de la concurrence de l’Union.

Dans ces conditions, dans un cas où une autorité nationale de concurrence ne s’est prononcée, dans une de ses décisions, qu’au regard du droit national de la concurrence, les dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 ne peuvent pas être utilisées et ne sont, dès lors, pas applicables.

Arrêt du 30 septembre 2016, Trajektna luka Split / Commission (T-70/15) (cf. points 26-29)

32. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Obligation de motivation de la décision de classement - Portée - Contrôle juridictionnel - Limites



Arrêt du 11 janvier 2017, Topps Europe / Commission (T-699/14) (cf. points 61-66, 70, 71)

33. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Décision de classement de la Commission - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Limites - Motivation de la décision de classement - Portée - Contrôle juridictionnel - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a. / Commission (T-480/15) (cf. points 34-39)



Arrêt du 12 mars 2020, LL-Carpenter / Commission (T-531/18) (cf. points 42, 43, 70, 90)



Arrêt du 16 décembre 2020, Fakro / Commission (T-515/18) (cf. points 66-77, 139, 140, 144-149, 173)

34. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Affaire permettant de contribuer au développement du droit de la concurrence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a. / Commission (T-480/15) (cf. point 73)

35. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de mener une instruction et de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Rejet antérieur d'une plainte analogue par une autorité nationale de concurrence - Absence de pertinence

L’article 7 du règlement nº 1/2003 ne confère pas au plaignant le droit d’exiger de la Commission qu’elle adopte une décision définitive quant à l’existence ou l’inexistence des violations alléguées des articles 101 et/ou 102 TFUE, de même qu’il n’oblige pas la Commission à poursuivre en tout état de cause la procédure jusqu’au stade d’une décision finale, même si une plainte, analogue à celle présentée devant elle, a déjà été antérieurement rejetée, éventuellement à tort, par une autorité nationale de concurrence.

Par ailleurs, admettre que la Commission devrait systématiquement procéder à l’ouverture d’une enquête dans une telle hypothèse ne serait pas compatible avec l’objectif de l’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 qui était de mettre en place, dans un souci d’efficacité, une allocation optimale des ressources au sein du réseau européen de concurrence. En tout état de cause, ni le règlement nº 1/2003 ni la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence ne crée de droits ni d’attentes pour une entreprise pour ce qui concerne le traitement de son affaire par une autorité de concurrence donnée afin, le cas échéant, de bénéficier de la collecte de preuves obtenue par cette autorité au moyen de ses pouvoirs d’enquête.

Arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a. / Commission (T-480/15) (cf. points 94, 95)

36. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation des priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction de l'affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Critères d'appréciation - Contrôle juridictionnel - Limites



Arrêt du 14 septembre 2017, Contact Software / Commission (T-751/15) (cf. points 29-34)

37. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Limites - Contrôle juridictionnel - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 23 octobre 2017, CEAHR / Commission (T-712/14) (cf. points 33-41)

38. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Plainte dénonçant l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée et faisant état d'un abus de position dominante - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Examen de l'existence d'un abus de position dominante - Prise en compte de la licéité du comportement dénoncé au titre de l'article 101 TFUE - Admissibilité

L’applicabilité à un accord de l’article 101 TFUE ne préjuge pas l’applicabilité de l’article 102 TFUE aux comportements des parties à ce même accord, dès lors que les conditions d’application de chaque disposition sont remplies. Le fait que des opérateurs soumis à une concurrence effective ont une pratique autorisée au titre de l’article 101 TFUE n’implique, par conséquent, pas que l’adoption de cette même pratique par une entreprise en position dominante ne puisse jamais constituer un abus de cette position. Dès lors, le constat de la licéité d’un comportement au titre de l’article 101 TFUE n’implique pas, en principe, de constater que ce comportement est licite au titre de l’article 102 TFUE, mais il convient, pour cela, de vérifier si les conditions d’application de cette dernière disposition ne sont pas remplies.

Cependant, dès lors que, parce qu’il est considéré comme étant un élément de concurrence en raison du respect de certaines conditions, un système de réparation sélective de montres ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la Commission, dans le cadre de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose dans le cadre du traitement d'une plainte dénonçant l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée et faisant état d'un abus de position dominante résultant dudit système de réparation sélective, peut considérer que la conformité d'un tel système avec l’article 101, paragraphe 1, TFUE constitue un indice susceptible d’établir, combiné avec d’autres éléments, qu’il est peu probable qu’il ait pour effet d’éliminer toute concurrence au sens de la jurisprudence relative à l’article 102 TFUE.

Arrêt du 23 octobre 2017, CEAHR / Commission (T-712/14) (cf. points 94, 96)

39. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir d'appréciation de la Commission

Il est vrai que lorsque la Commission évalue l’intérêt de l’Union à ouvrir une enquête en matière de droit de la concurrence, elle est tenue d’apprécier dans chaque espèce la gravité des atteintes alléguées à la concurrence et la persistance de leurs effets et que cette obligation implique notamment qu’elle tienne compte de la durée et de l’importance des infractions dénoncées ainsi que de leur incidence sur la situation de la concurrence dans l’Union. Toutefois, étant donné que l’évaluation de l’intérêt de l’Union présenté par une plainte est fonction des circonstances de chaque espèce, il ne convient ni de limiter le nombre des critères auxquels la Commission peut se référer ni, à l’inverse, de lui imposer le recours exclusif à certains critères. Compte tenu du fait que, dans un domaine tel que celui du droit de la concurrence, le contexte factuel et juridique peut varier considérablement d’une affaire à l’autre, il est possible d’appliquer des critères qui n’avaient pas été envisagés jusqu’alors ou de donner la priorité à un seul critère pour évaluer cet intérêt de l’Union.

Arrêt du 20 septembre 2018, Agria Polska e.a. / Commission (C-373/17 P) (cf. points 60, 61)

40. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 20 septembre 2018, Agria Polska e.a. / Commission (C-373/17 P) (cf. point 97)

41. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Appréciation de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Prise en compte de la cessation des pratiques dénoncées - Conditions

La Commission peut décider qu’il n’est pas opportun de donner suite à une plainte dénonçant des pratiques qui ont ultérieurement cessé. Par ailleurs, la Commission peut considérer qu’il n’y a plus d’intérêt de l’Union suffisant lorsque les entreprises concernées acceptent de modifier leur comportement dans un sens favorable à l’intérêt général.

Toutefois, la Commission ne peut se fonder sur le seul fait que de prétendues pratiques contraires au TFUE ont cessé pour décider de classer sans suite pour défaut d’intérêt de l’Union suffisant une plainte dénonçant ces pratiques sans avoir vérifié que des effets anticoncurrentiels ne persistaient pas et que, le cas échéant, la gravité des atteintes alléguées à la concurrence ou la persistance de leurs effets n’étaient pas de nature à conférer à cette plainte un intérêt de l’Union. Cette constatation s’applique seulement dans le cas où la Commission se fonde, pour adopter sa décision, sur la cessation des pratiques prétendument anticoncurrentielles.

Arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC / Commission (T-574/14) (cf. points 109, 115)

42. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Limites

L’article 7 du règlement nº 1/2003 ne confère pas au plaignant le droit d’exiger de la Commission une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée et n’oblige pas la Commission à poursuivre en tout état de cause la procédure jusqu’au stade d’une décision finale.

Pour apprécier l’intérêt de l’Union qu’il y a à poursuivre l’examen d’une affaire, la Commission doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce et, notamment, des éléments de fait et de droit qui lui sont présentés dans la plainte dont elle est saisie.

Il lui appartient, notamment, après avoir évalué, avec toute l’attention requise, les éléments de fait et de droit avancés par le plaignant, de mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée pour le fonctionnement du marché intérieur, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 101 et 102 TFUE.

Étant donné que l’évaluation de l’intérêt de l’Union présenté par une plainte est fonction des circonstances de chaque espèce, il ne convient ni de limiter le nombre des critères d’appréciation auxquels la Commission peut se référer ni, à l’inverse, de lui imposer le recours exclusif à certains critères. Compte tenu du fait que, dans un domaine tel que celui du droit de la concurrence, le contexte factuel et juridique peut varier considérablement d’une affaire à l’autre, il est possible, d’une part, d’appliquer des critères qui peuvent différer considérablement, et non des critères prédéterminés qui seraient d’application obligatoire, ou, d’autre part, d’appliquer des critères qui n’avaient pas été envisagés jusqu’alors ou de donner la priorité à un seul critère pour évaluer cet intérêt de l’Union.

La Commission peut prendre une décision de classement d’une plainte pour défaut d’intérêt de l’Union suffisant, non seulement avant d’avoir entamé une instruction de l’affaire, mais également après avoir pris des mesures d’instruction, si elle est amenée à cette constatation à ce stade de la procédure.

Le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’est cependant pas sans limites. D’une part, pour apprécier l’intérêt de l’Union à poursuivre l’examen d’une affaire, la Commission doit prendre en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte. Elle est plus particulièrement tenue d’examiner attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit que le plaignant porte à sa connaissance. À cet égard, lorsque les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et, parmi ces garanties, figure notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

Arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC / Commission (T-574/14) (cf. points 71-76)



Arrêt du 12 mars 2020, LL-Carpenter / Commission (T-531/18) (cf. points 64-69)

43. Procédure juridictionnelle - Requête introductive d'instance - Exigences de forme - Exposé sommaire des moyens invoqués - Absence - Irrecevabilité



Arrêt du 16 décembre 2020, Fakro / Commission (T-515/18) (cf. points 160, 161)

44. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Limites - Obligation d'examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant



Ordonnance du 26 avril 2021, Jouvin / Commission (T-472/20 et T-472/20 AJ II) (cf. points 30-44)

45. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligations de la Commission - Obligation de conseiller le plaignant - Absence



Ordonnance du 26 avril 2021, Jouvin / Commission (T-472/20 et T-472/20 AJ II) (cf. points 54-60)

46. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Décision de classement de la Commission - Plainte visant une société prestataire de services à la Commission ainsi qu'une société bénéficiaire de subventions - Détournement de pouvoir - Absence



Ordonnance du 26 avril 2021, Jouvin / Commission (T-472/20 et T-472/20 AJ II) (cf. points 69-71)

47. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Décision de classement de la Commission - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Contrôle juridictionnel - Limites



Ordonnance du 26 avril 2021, Jouvin / Commission (T-472/20 et T-472/20 AJ II) (cf. points 85-88)

48. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Obligations de la Commission - Ouverture d'une procédure distincte pour le traitement d'une plainte comportant des allégations faisant l'objet d'une autre enquête - Admissibilité

Entre 2011 et 2015, la Commission européenne a pris plusieurs mesures en vue d’enquêter sur le fonctionnement des marchés du gaz en Europe centrale et orientale. Dans ce cadre, elle a lancé une enquête à l’encontre de Gazprom PJSC et de Gazprom export LLC (ci-après, prises ensemble, « Gazprom »), au sujet de l’approvisionnement en gaz dans huit États membres, à savoir la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie (ci-après les « pays concernés »).

Le 22 avril 2015, la Commission a envoyé une communication des griefs{1} à Gazprom, lui reprochant d’abuser de sa position dominante sur les marchés nationaux de la fourniture de gaz en gros en amont dans les pays concernés aux fins d’y empêcher la libre circulation du gaz, en violation de l’article 102 TFUE prohibant de tels abus.

Dans la communication des griefs, la Commission a, plus particulièrement, estimé que la stratégie de Gazprom recouvrait trois ensembles de pratiques potentiellement anticoncurrentielles :

- premièrement, Gazprom aurait imposé des restrictions territoriales dans le cadre de ses contrats de fourniture de gaz avec des grossistes ainsi qu’avec certains clients industriels dans les pays concernés (ci-après les « griefs concernant les restrictions territoriales ») ;

- deuxièmement, ces restrictions territoriales auraient permis à Gazprom de mener une politique tarifaire déloyale dans cinq des pays concernés, à savoir la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, en imposant des prix excessifs (ci-après les « griefs concernant les pratiques tarifaires ») ;

- troisièmement, Gazprom aurait subordonné ses fournitures de gaz en Bulgarie et en Pologne à l’obtention de certaines assurances, de la part de grossistes, relatives à des infrastructures de transport gazier. Ces assurances auraient, notamment, porté sur l’acceptation, par la requérante, le grossiste polonais Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo S.A., du renforcement du contrôle de Gazprom sur la gestion des investissements sur le tronçon polonais du gazoduc Yamal, l’un des principaux gazoducs de transit en Pologne (ci-après les « griefs Yamal »).

Pour résoudre ces problèmes de concurrence, Gazprom a présenté un projet formel d’engagements à la Commission, et après avoir reçu les observations des parties intéressées, un projet modifié d’engagements (ci-après les « engagements finaux »).

En parallèle à cette procédure, la requérante a, le 9 mars 2017, déposé une plainte dénonçant des pratiques abusives de Gazprom qui recoupaient, en grande partie, les préoccupations déjà exprimées dans la communication des griefs. Cette plainte a néanmoins été rejetée par la Commission{2}.

Par décision du 24 mai 2018 (ci-après la « décision attaquée »){3}, la Commission a approuvé et rendu obligatoires les engagements finaux présentés par Gazprom et a clos la procédure administrative, conformément à l’article 9 du règlement nº 1/2003{4}.

La requérante a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de cette décision, estimant que la Commission avait, en particulier, violé à plusieurs égards l’article 9 du règlement nº 1/2003 et le principe de proportionnalité, en ce que les engagements seraient incomplets et insuffisants, ainsi que violé plusieurs dispositions du traité FUE, notamment en ce que la décision serait contraire à l’article 194 TFUE et aux objectifs de la politique énergétique de l’Union{5}.

Ce recours est rejeté par la huitième chambre élargie du Tribunal.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal estime que la décision attaquée n’est entachée d’aucune des erreurs, de procédure ou de fond, soulevées par la requérante dans le cadre de ses six moyens.

En particulier, premièrement, le Tribunal rejette le moyen reprochant à la Commission d’avoir accepté les engagements finaux alors que ceux-ci ne répondent pas aux griefs Yamal.

À ce propos, la juridiction relève que, dans le cadre de la procédure d’engagements prévue par l’article 9 du règlement nº 1/2003, les exigences liées au respect du principe de proportionnalité ne sauraient impliquer que toutes les préoccupations concurrentielles exposées dans une évaluation préliminaire, y compris lorsque cette évaluation prend, comme en l’espèce, la forme d’une communication des griefs, doivent nécessairement obtenir une réponse dans les engagements proposés par les entreprises concernées. Toutefois, la Commission devait justifier l’absence d’engagements répondant aux griefs Yamal en l’espèce.

Ainsi, conformément à l’obligation lui incombant à cet égard, la Commission a présenté les raisons pour lesquelles elle n’avait pas imposé de tels engagements. À cet égard, la Commission s’est, notamment, référée à une décision de l’Urząd Regulacji Energetyki (Office de régulation de l’énergie polonais) adoptée en mai 2015, certifiant, dans le cadre de la réglementation de l’Union européenne relative au secteur du gaz{6}, le gestionnaire du tronçon polonais du gazoduc Yamal, Gaz-System S.A., en tant que gestionnaire de réseau indépendant (ci-après la « décision de certification »). Partant, même si Gazprom avait essayé de renforcer son contrôle sur la gestion des investissements sur le tronçon polonais du gazoduc Yamal, il n’en reste pas moins que, au stade de l’approbation des engagements finaux, conformément à la décision de certification, c’est Gaz-System qui exerçait un contrôle décisif sur ces investissements et, de plus, que certains investissements importants relatifs à ce tronçon avaient été réalisés.

Ainsi, la décision de certification était de nature à dissiper les préoccupations faisant l’objet des griefs Yamal. Dès lors, eu égard à la marge d’appréciation dont jouit la Commission dans le cadre de l’acceptation d’engagements au titre de l’article 9 du règlement nº 1/2003, celle-ci était en droit d’accepter les engagements finaux, bien qu’ils n’incluent aucune mesure répondant aux griefs Yamal.

En acceptant les engagements finaux malgré l’absence d’engagements portant sur les griefs Yamal, la Commission n’a pas non plus violé le principe de coopération loyale. À cet égard, le Tribunal rejette l’allégation selon laquelle la Commission aurait empêché les autorités de la concurrence et les juridictions nationales d’agir contre les pratiques visées par lesdits griefs. En effet, si celles-ci ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision attaquée, la Commission n’a pas constaté l’absence d’infraction au droit de la concurrence de l’Union. Cette décision est, par conséquent, sans préjudice de la faculté qu’ont les autorités de la concurrence et les juridictions nationales d’intervenir quant au comportement de Gazprom lié aux griefs Yamal et de leur pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE.

Deuxièmement, le Tribunal écarte le moyen mettant en cause l’acceptation, par la Commission, des engagements finaux alors que ceux-ci ne répondraient pas adéquatement aux griefs concernant les pratiques tarifaires. À cet égard, Gazprom s’est engagée à introduire, dans les contrats de fourniture de gaz, d’une durée d’au moins trois ans, conclus avec ses clients dans les cinq pays concernés, un nouveau processus de révision des formules tarifaires qui déterminent les prix contractuels. Ce nouveau processus prévoit notamment la conformité de ces formules à des orientations tarifaires inscrites dans lesdits engagements et la possibilité de renvoyer les éventuels différends à ce sujet devant un tribunal arbitral institué au sein de l’Union. Selon le Tribunal, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard, en ce compris en acceptant un engagement prévoyant ledit nouveau processus de révision plutôt qu’en imposant une modification immédiate des formules tarifaires dans les contrats concernés.

La Commission n’a pas non plus commis d’erreur de droit en constatant, dans la décision attaquée, qu’un tribunal arbitral institué au sein de l’Union serait contraint de respecter et d’appliquer le droit de la concurrence de l’Union. En effet, dans son arrêt Eco Swiss{7}, la Cour a confirmé que les articles 101 et 102 TFUE constituent des dispositions d’ordre public, qui doivent être appliquées d’office par les juridictions nationales, lesquelles doivent faire droit à une demande d’annulation d’une sentence arbitrale si elles estiment que cette sentence est contraire auxdits articles. À l’aune de ces considérations et dès lors que le règlement nº 1/2003 est relatif à la mise en œuvre des articles 101 et 102 TFUE, le Tribunal juge que des juridictions nationales peuvent également faire droit à une demande d’annulation d’une sentence arbitrale si elles estiment que cette sentence est contraire à une décision d’engagements adoptée au titre de l’article 9 du règlement nº 1/2003.

Troisièmement, le Tribunal écarte le moyen mettant en cause l’acceptation, par la Commission, des engagements finaux alors que ceux-ci ne répondraient pas adéquatement aux griefs concernant les restrictions territoriales. Selon le Tribunal, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard, en ce compris s’agissant de l’engagement établissant un mécanisme de modification du point de livraison du gaz.

Quatrièmement, le Tribunal rejette le moyen selon lequel la Commission aurait méconnu les objectifs de la politique énergétique de l’Union, tels qu’énoncés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE.

À ce propos, le Tribunal relève que, s’agissant d’une procédure d’engagements, la Commission peut, dans le cadre de son évaluation préliminaire, tenir compte d’objectifs poursuivis par d’autres dispositions du traité en particulier pour conclure, à titre provisoire, à l’absence d’infraction aux règles de concurrence. Toutefois, en ce qui concerne l’examen des engagements présentés, la Commission se limite à vérifier, d’une part, si ces engagements répondent aux préoccupations dont elle a informé l’entreprise concernée et, d’autre part, si cette dernière n’a pas offert d’engagements moins contraignants répondant d’une façon aussi adéquate à ces préoccupations, même si la procédure ne saurait aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques des traités.

Par ailleurs et en tout état de cause, la requérante est restée en défaut de démontrer que les engagements finaux seraient, en tant que tels, contraires aux objectifs de la politique énergétique ou au principe de solidarité énergétique.

Cinquièmement, s’agissant de prétendues irrégularités procédurales liées au traitement des griefs Yamal, selon le Tribunal, la Commission n’a pas commis une telle irrégularité dans le cadre de sa consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes prévue à l’article 14 du règlement nº 1/2003. En effet, si la consultation du comité constitue une formalité substantielle, il ne saurait être question en l’espèce d’un comportement de la Commission ayant empêché ce comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause, ni, donc, d’une violation affectant la légalité de la décision attaquée. Dans ce contexte, le Tribunal écarte également l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission aurait induit en erreur les parties intéressées dans le cadre de la consultation du marché.

Sixièmement, le Tribunal rejette les arguments de la requérante tirés de la violation de divers droits procéduraux lors du traitement de sa plainte du 9 mars 2017 dénonçant des prétendues pratiques abusives de Gazprom qui recoupaient, en grande partie, les préoccupations exposées dans la communication des griefs.

S’agissant de la décision de la Commission de ne pas traiter cette plainte dans le cadre de la procédure administrative clôturée par la décision attaquée, le Tribunal considère que l’ouverture, en l’espèce, d’une procédure distincte pour le traitement de la plainte n’était pas irrégulière en soi, eu égard aux motifs légitimes avancés par la Commission, tirés d’une économie de procédure et de sa volonté de ne pas retarder l’instruction d’une affaire qui se trouvait à un stade avancé en élargissant son objet.

Le Tribunal précise néanmoins que l’ouverture d’une procédure distincte pour traiter la plainte ne saurait priver la requérante du bénéfice de son droit de recevoir, en tant que plaignante, une copie de la version non confidentielle de la communication des griefs et de faire connaître son point de vue par écrit dans le cadre de la procédure d’engagements. À cet égard, si, dans le cadre du déroulement en parallèle des deux procédures, la Commission a maintenu une ambiguïté quant à la participation de la requérante à la procédure d’engagements ainsi qu’à son droit à recevoir une copie de la communication des griefs et à déposer des observations relatives à ce document dans le cadre de cette procédure, ces circonstances n’ont pas été jusqu’à affecter l’exercice effectif de ses droits dans ladite procédure, clôturée par la décision attaquée.

{1} Conformément à l’article 10 du règlement (CE) nº 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).

{2} Décision C(2019) 3003 final de la Commission, du 17 avril 2019, relative à un rejet de plainte (affaire AT.40497 - Prix polonais du gaz). Le recours en annulation de cette décision a été accueilli par le Tribunal dans son arrêt du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (Rejet de plainte) (T-399/19).

{3} Décision C(2018) 3106 final de la Commission européenne, du 24 mai 2018, relative à une procédure d’application de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire AT.39816 - Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale) (JO 2018, C 258, p. 6).

{4} Règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{5} La République de Pologne et la République de Lituanie, notamment, sont intervenues dans cette procédure au soutien des conclusions de la requérante.

{6} Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94).

{7} Arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C-126/97, EU:C:1999:269).

Arrêt du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo / Commission (Engagements de Gazprom) (T-616/18) (cf. points 476-479)

49. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Critères d'appréciation - Contrôle juridictionnel - Limites



Arrêt du 30 juin 2022, Fakro / Commission (C-149/21 P) (cf. points 48-51, 56, 63-67, 71-75, 82, 83, 159, 160, 166, 167)

50. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Fixation de priorités par la Commission - Obligation de la Commission de statuer par voie de décision sur l'existence d'une infraction - Absence - Prise en compte de l'intérêt de l'Union attaché à l'instruction d'une affaire - Critères d'appréciation - Pouvoir discrétionnaire de la Commission - Limites - Obligation d'examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant - Contrôle juridictionnel - Portée



Arrêt du 13 juillet 2022, Design Light & Led Made in Europe et Design Luce & Led Made in Italy / Commission (T-886/19) (cf. points 38-51, 54-56, 71, 74, 92, 99)

51. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Plainte dénonçant un abus de position dominante - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Commission n'étant pas liée par le cadre et les appréciations juridiques formulées par le plaignant

Saisie d’un recours en annulation introduit par Qualcomm Inc. contre la décision de la Commission européenne lui imposant une amende pour abus de position dominante sur le marché des puces UMTS{1}, la première chambre élargie du Tribunal confirme la conclusion de la Commission selon laquelle Qualcomm a abusé de sa position dominante sur ce marché en appliquant, de manière sélective à l’égard de quelques clients essentiels, des prix inférieurs aux coûts dans le but d’évincer un concurrent. Néanmoins, en application de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal réduit légèrement le montant de l’amende imposée à Qualcomm.

Qualcomm est une entreprise américaine active dans le domaine des technologies cellulaires et sans fil, qui développe et fournit, avec ses filiales, des puces de bande de base. Ses puces sont vendues à des entreprises qui les utilisent pour équiper les téléphones mobiles, les tablettes, les ordinateurs portables, les modules de données et d’autres biens de consommation électroniques.

Le 30 juin 2009, Icera Inc. a déposé auprès de la Commission une plainte contre Qualcomm pour violation des règles de concurrence, remplacée ensuite par une version révisée et mise à jour du 8 avril 2010, sur la base de laquelle la Commission a entamé une enquête.

En 2012, Nvidia Corp., qui avait acquis Icera, a fourni des informations complémentaires, intégrant la plainte et formulant des allégations de prix prédateurs à l’encontre de Qualcomm.

Entre juin 2010 et juillet 2015, la Commission a adressé plusieurs demandes d’informations à Qualcomm, à Icera ou à Nvidia et à d’autres acteurs du secteur des puces de bande de base.

Le 16 juillet 2015, la Commission a ouvert une procédure à l’encontre de Qualcomm concernant une prétendue exploitation abusive de sa position dominante sous la forme de prix prédateurs sur le marché des puces UMTS. Une communication des griefs a été adressée à Qualcomm en décembre 2015, qui a notamment été suivie par une audition et par plusieurs démarches d’instruction entreprises par la Commission.

Une communication des griefs complémentaire a été adressée à Qualcomm en juillet 2018, alléguant une durée plus limitée de prédation et utilisant une méthode révisée pour procéder à une comparaison des prix et des coûts de cette entreprise relatifs aux ventes prétendument prédatrices concernées.

Après avoir obtenu la réponse de Qualcomm, organisé une nouvelle audition et adressé une autre demande d’informations ainsi qu’une lettre d’exposé des faits à cette dernière, la Commission a constaté, par décision du 18 juillet 2019{2}, que Qualcomm avait abusé de sa position dominante sur le marché des puces UMTS en fournissant, entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2011, certaines quantités de trois de ses puces UMTS à deux de ses principaux clients, à savoir Huawei et ZTE, à des prix inférieurs à ses coûts, dans l’objectif d’éliminer Icera, sa principale concurrente à l’époque sur le segment de pointe du marché des puces UMTS. Ainsi, la Commission a infligé à Qualcomm une amende de 242 042 000 euros.

Qualcomm a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de cette décision.

Appréciation du Tribunal

Sur les irrégularités de procédure prétendument commises par la Commission

À l’appui de son recours, Qualcomm invoquait plusieurs irrégularités de procédure prétendument commises par la Commission, dont notamment la durée excessive de l’enquête.

Sur ce point, le Tribunal rappelle que, prise dans sa globalité, l’enquête a certes duré environ sept ans depuis la réception des informations qui ont permis à la Commission d’entamer son investigation portant sur le comportement incriminé. Toutefois, eu égard aux circonstances propres de l’affaire et, en particulier, à sa complexité, cette durée n’était pas excessive.

De plus, la conduite de Qualcomm a également eu un impact sur la durée de cette procédure, dès lors qu’elle a fait appel à neuf reprises au conseiller-auditeur et sollicité plusieurs prorogations de délai, le report d’une audition et la tenue d’une audition supplémentaire. En introduisant, en outre, un recours en annulation contre une demande d’informations de la Commission, puis un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal ayant rejeté ce recours, Qualcomm ne pouvait ignorer que cela ralentirait nécessairement l’enquête.

En tout état de cause, à supposer même que la durée de l’enquête puisse être considérée comme étant excessive, cette violation du principe du délai raisonnable ne serait pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée, dès lors que Qualcomm n’avait pas démontré en quoi cette irrégularité procédurale alléguée aurait pu avoir une incidence négative sur ses possibilités de défense.

Le Tribunal écarte également les différentes critiques formulées par Qualcomm à l’encontre du dossier que la Commission lui avait transmis lors de la procédure administrative.

À cet égard, Qualcomm reprochait notamment à la Commission d’avoir manqué à son obligation de prendre des notes détaillées de l’ensemble des réunions, des conversations téléphoniques et des entrevues menées, notamment avec des tiers, aux fins de collecter des informations relatives à l’objet de son enquête, et de lui fournir utilement ces notes. Cependant, Qualcomm n’ayant pas démontré qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence des irrégularités procédurales alléguées, le Tribunal constate que, s’il est vrai que la Commission n’a pas procédé à l’enregistrement desdites réunions, conversations téléphoniques et entrevues et que certaines des notes s’y rapportant sont trop sommaires pour pallier ce manque d’enregistrement, cela ne saurait en tout état de cause entraîner l’annulation de la décision attaquée.

Sur la définition du marché pertinent au sens de l’article 102 TFUE

Sur le fond, le Tribunal rejette notamment le grief de Qualcomm selon lequel la Commission aurait dû appliquer le test « small but significant and non-transitory increase in price » pour définir le marché pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, qui interdit l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

À ce propos, le Tribunal relève que, si ce test constitue une méthode reconnue pour définir le marché pertinent dans le cadre de l’examen de l’existence d’un abus de position dominante, il ne s’agit pas de l’unique méthode à laquelle la Commission puisse recourir. Elle dispose, du reste, d’une certaine marge d’appréciation à cet égard.

Dès lors, pour définir le marché pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, la Commission peut également prendre en compte d’autres outils, tels que des études de marché ou une évaluation des points de vue des consommateurs et des concurrents, sans devoir respecter un ordre hiérarchique entre les différents éléments d’appréciation dont elle dispose.

Sur l’exploitation abusive par Qualcomm de sa position dominante sous la forme de prix prédateurs

Étant donné que l’abus de position dominante reproché à Qualcomm découlait, selon la décision attaquée, du fait qu’elle aurait fourni certaines quantités de trois de ses puces UMTS à deux de ses principaux clients à des prix inférieurs à ses coûts, dans l’objectif d’éliminer Icera du marché, Qualcomm contestait tant l’analyse prix-coûts des puces en cause effectuée par la Commission que les conclusions de celle-ci au sujet de l’éviction d’Icera du marché.

A. Sur l’analyse prix-coûts des puces UMTS en cause

En ce qui concerne l’analyse prix-coûts des puces UMTS effectuée dans la décision attaquée, Qualcomm critiquait notamment le choix de la Commission d’utiliser les coûts incrémentaux moyens à long terme (ci-après les « LRAIC ») comme coûts de référence.

Sur ce point, le Tribunal précise que, selon une jurisprudence constante, des prix inférieurs aux coûts variables moyens (ci-après les « AVC ») de l’entreprise concernée doivent être considérés, en principe, comme étant abusifs, au sens de l’article 102 TFUE, dans la mesure où, en appliquant de tels prix, une entreprise en position dominante est présumée ne poursuivre aucune autre finalité économique que celle d’éliminer ses concurrents (première hypothèse). En revanche, des prix inférieurs aux coûts totaux moyens (ci-après les « ATC »), mais supérieurs aux AVC, ne doivent être considérés comme étant abusifs que lorsqu’ils sont fixés dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un concurrent (seconde hypothèse).

Or, la décision attaquée s’inscrivant dans la seconde hypothèse évoquée ci-dessus, le Tribunal indique qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir utilisé les LRAIC à la place des ATC comme coûts de référence aux fins de son analyse prix-coûts en ce que les premières sont moins élevées et, par conséquent, sont plus favorables à Qualcomm que les dernières. Au demeurant, il n’était pas nécessaire pour la Commission de déterminer si les prix de Qualcomm étaient également inférieurs aux AVC ou aux LRAIC, puisque, en tout cas, elle avait choisi de vérifier l’intention de Qualcomm d’évincer un concurrent.

Par ailleurs, dès lors qu’un calcul des prix fondé uniquement sur les coûts variables est inadapté pour identifier l’existence de prix prédateurs dans le secteur des semi-conducteurs, qui est caractérisé par les coûts fixes élevés, notamment en matière de recherche et de développement, l’utilisation des LRAIC comme coût de référence était appropriée pour identifier l’existence de prix prédateurs dans ce secteur.

B. Sur l’éviction d’Icera du marché

En ce qui concerne les conclusions de la Commission au sujet de l’éviction d’Icera du marché, Qualcomm lui reprochait notamment de ne pas avoir procédé à une analyse du concurrent dit « aussi efficace » sur le marché pertinent et de ne pas avoir examiné si le taux de couverture du marché par le comportement incriminé était d’une ampleur suffisante pour pouvoir produire des effets anticoncurrentiels.

Sur ce dernier point, le Tribunal souligne que, contrairement aux allégations de Qualcomm, la Commission n’est pas tenue, lors de son examen de l’existence éventuelle de prix prédateurs appliqués par une entreprise occupant une position dominante, d’examiner si le taux de couverture du marché par la pratique contestée est d’une ampleur suffisante pour que cette pratique produise des effets anticoncurrentiels.

S’agissant des arguments tirés de la prétendue non-application du critère du concurrent « aussi efficace » sur le marché pertinent, le Tribunal observe que, dans le cadre d’une enquête relative à des prix prédateurs potentiels, l’analyse par laquelle la Commission compare, comme c’est le cas en l’espèce, les prix pratiqués par une entreprise en situation de position dominante avec certains de ses coûts aux fins d’évaluer si cette dernière a appliqué des prix inférieurs aux ATC, mais supérieurs aux AVC, inclut déjà une analyse du concurrent « aussi efficace ». En effet, dans la mesure où l’entreprise occupant une position dominante fixe ses prix à un niveau inférieur aux ATC, mais supérieur aux AVC, un concurrent « aussi efficace » que cette entreprise n’aura en principe pas la possibilité, en raison de sa capacité financière moindre, de concurrencer ces prix sans encourir des pertes insupportables à long terme. De tels prix sont donc susceptibles d’écarter un concurrent « aussi efficace », ce qui correspond à la démonstration que doit effectuer la Commission dans le cadre de l’application du critère du concurrent « aussi efficace » aux fins de prouver le potentiel d’éviction d’une pratique anticoncurrentielle.

Pour ce qui est de la conclusion formulée dans la décision attaquée quant à l’intention de Qualcomm d’évincer Icera du marché en cause, le Tribunal indique, en outre, que la Commission a étayé ce constat en fournissant des éléments de preuve à la fois directs et indirects. Qualcomm ayant remis en cause, dans ce contexte, l’interprétation donnée par la Commission à plusieurs échanges de courriels internes, le Tribunal note que Qualcomm n’avait ni contesté les autres éléments de preuve directs ni le faisceau d’éléments de preuve indirects sur lequel s’était appuyée la Commission alors que ces éléments suffisent, à eux seuls, à démontrer l’intention de Qualcomm d’évincer Icera. En tout état de cause, les échanges de courriels contestés constituent également, selon le Tribunal, une série d’indices sérieux et concordants permettant d’établir l’intention de Qualcomm d’évincer Icera.

Sur le respect par la Commission de sa communication sur les priorités{3}

De même, le Tribunal écarte les différents griefs tirés du non-respect par la Commission de sa propre communication sur les priorités.

Selon lui, si cette communication limite le pouvoir d’appréciation de la Commission en ce que celle-ci ne peut pas, dans un cas particulier, s’en écarter sans fournir de raisons, Qualcomm est restée en défaut de démontrer que, dans la décision attaquée, la Commission s’est écartée du cadre général d’analyse fixé dans sa communication sur les priorités.

En se référant à cette communication ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour, le Tribunal abonde dans le sens de la Commission qui était en droit de sanctionner, dans la décision attaquée, un comportement limité à un segment du marché pertinent, sans être tenue de définir avec exactitude les contours de ce segment, comme elle a l’obligation de le faire en ce qui concerne le marché pertinent aux fins de vérifier l’existence d’une position dominante.

Sur la prétendue absence de lien entre l’abus de position dominante constatée par la Commission et les allégations d’infraction à l’article 102 TFUE faisant l’objet de la plainte

Contrairement à ce que faisait valoir Qualcomm, la prétendue absence de lien entre l’exploitation abusive de sa position dominante, sous la forme de prix prédateurs, constatée dans la décision attaquée et les allégations faisant l’objet de la plainte initiale n’est pas non plus de nature à mettre en cause la légalité de la décision attaquée.

Dans ce cadre, Qualcomm critiquait plus particulièrement le fait que les premières allégations de prix prédateurs n’avaient été formulées par Nvidia qu’en 2012, soit trois ans après le dépôt de la plainte contre Qualcomm.

Sur ce propos, le Tribunal relève néanmoins que permettre au plaignant de développer les allégations formulées dans la plainte en vue de tenir compte de la première réaction de la Commission, comme cela a été le cas en l’espèce, constitue une pratique habituelle de la Commission.

Par ailleurs, il découle de la nécessité de veiller efficacement à l’application des règles en matière de concurrence que la Commission ne peut pas être liée par le cadre et les appréciations juridiques formulées par un plaignant.

Quoi qu’il en soit, Qualcomm n’avait pas précisé en quoi le fait que la plaignante n’ait développé que relativement tardivement ses allégations de prédation pourrait remettre en question les conclusions de la Commission sur ce point, qui ont été adoptées à la suite d’une investigation approfondie menée par cette dernière.

Sur le calcul de l’amende imposée à Qualcomm

Dans la décision attaquée, la Commission a décidé d’imposer une amende à Qualcomm calculée sur la base des principes énoncés dans les lignes directrices de 2006{4}.

Pour calculer le montant de base de cette amende, la Commission a tout d’abord déterminé le montant de la valeur des ventes, au sens desdites lignes directrices, en additionnant la valeur des ventes de puces UMTS réalisées par Qualcomm entre le deuxième trimestre de l’année 2009 et le premier trimestre de l’année 2011. Elle a ensuite appliqué un facteur de gravité et ajouté un montant additionnel de dissuasion. Enfin, la Commission a estimé que, en l’absence de circonstance aggravante ou atténuante, le montant de base ne devait pas faire l’objet d’adaptations.

À cet égard, le Tribunal constate, d’une part, que la Commission était en droit de calculer le montant de base en se fondant sur les données jugées plus fiables fournies par Qualcomm relatives à la valeur de ses ventes présentées par année civile, et non par exercice fiscal.

En revanche, en ce qui concerne, d’autre part, la référence par la Commission aux ventes réalisées par Qualcomm pendant toute la durée de l’infraction, il ressort du point 24 des lignes directrices de 2006 que, afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes sera multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction.

Il s’ensuit que, en additionnant la valeur des ventes réalisées par Qualcomm pendant toute la durée de l’infraction au lieu de multiplier la valeur des ventes réalisées au cours de la dernière année civile de l’infraction par le nombre d’années de participation, la Commission a méconnu le point 24 des lignes directrices de 2006.

Or, s’il est vrai que le point 37 des lignes directrices de 2006 permet à la Commission, de manière générale, de s’écarter de la méthode prescrite par ces lignes directrices, il n’en demeure pas moins que, dans pareil cas, elle est tenue de motiver particulièrement son choix de ne pas appliquer ladite méthode et de communiquer cette motivation en même temps que la décision attaquée, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce.

Partant, le Tribunal annule la décision attaquée pour autant qu’elle fixe le montant de l’amende imposée à Qualcomm à 242 042 000 euros.

Sur la détermination par le Tribunal du montant de l’amende imposée à Qualcomm

La compétence de pleine juridiction habilite le Tribunal, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à réformer l’acte attaqué compte tenu de toutes les circonstances de fait, afin, notamment, de modifier le montant de l’amende, tant pour réduire ce montant que pour l’augmenter.

Dans l’exercice de cette compétence, le Tribunal estime qu’il convient d’appliquer la méthode prescrite par les lignes directrices de 2006 pour déterminer le montant de l’amende destinée à sanctionner Qualcomm en l’espèce. Dès lors, en application de cette méthode, le Tribunal fixe le montant de l’amende imposée à Qualcomm pour avoir mis en œuvre, pendant deux ans, des prix prédateurs sélectifs dans le but d’éliminer Icera du marché des puces UMTS à 238 732 659,33 euros.

{1} Les puces UMTS sont des puces de bande de base qui utilisent les normes de communication de troisième génération (3G) reposant sur la technologie « Universal Mobile Telecommunications System ».

{2} Décision C(2019) 5361 final de la Commission, du 18 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire AT.39711 - Qualcomm (prix d’éviction)] (ci-après la « décision attaquée »).

{3} Communication de la Commission relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7, ci-après la « communication sur les priorités »).

{4} Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

Arrêt du 18 septembre 2024, Qualcomm / Commission (T-671/19) (cf. points 644, 645)



Arrêt du , Fakro / Commission (T-515/18)