1. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur de l'infraction - Notion - Rôle actif et direct dans une entente - Caractère insuffisant
Dans le cadre de la détermination du montant de l'amende pour infraction aux règles communautaires de concurrence, une entreprise en cause doit, pour être qualifiée de meneur, avoir représenté une force motrice significative pour l’entente et avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci.
Si les éléments invoqués par la Commission démontrent que cette entreprise a joué un rôle actif et direct dans une entente, ils ne suffisent toutefois pas à établir qu'elle a représenté une force motrice significative pour cette entente, notamment si aucun élément du dossier n’indique que l'entreprise concernée a pris une quelconque initiative dans le but de créer ladite entente ou d’amener l’une des autres entreprises à y adhérer, et si aucun élément ne permet non plus d’établir que l'entreprise concernée a assumé la charge d’activités habituellement liées à l’exercice du rôle de meneur d’une entente, comme la présidence de réunions ou la centralisation et la distribution de certaines données.
Arrêt du 8 septembre 2010, Deltafina / Commission (T-29/05, Rec._p._II-4077) (cf. points 332-335)
2. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur ou d'incitateur de l'infraction - Notion - Situations non comparables
Pour être qualifiée de "meneur" d’une entente, une entreprise doit avoir représenté une force motrice significative pour l’entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci. Cette circonstance doit être appréciée d’un point de vue global au regard du contexte de l’espèce. La qualification de "meneur" est notamment retenue lorsqu’il a été établi que l’entreprise a exercé des fonctions de coordinateur au sein de l’entente et a, notamment, organisé et doté en personnel le secrétariat chargé de la mise en œuvre concrète de l’entente, ou lorsque ladite entreprise a joué un rôle central dans le fonctionnement concret de l’entente, par exemple en organisant de nombreuses réunions, en collectant et en distribuant les informations au sein de l’entente, en se chargeant de représenter certains membres dans le cadre de l’entente ou en formulant le plus souvent des propositions relatives au fonctionnement de l’entente. De plus, il est tout à fait possible que deux, voire plusieurs, entreprises se voient simultanément attribuer la qualité de meneur, notamment dans le cadre d’une entente impliquant un nombre élevé de participants.
Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du libellé même du point 2, troisième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, il convient de distinguer la notion de "meneur" de celle d’"incitateur" d’une infraction. En effet, alors que le rôle d’incitateur a trait au moment de l’établissement ou de l’élargissement d’une entente, le rôle de meneur a trait au fonctionnement de celle-ci. Dès lors, le meneur d’une infraction et l’incitateur de cette dernière ne se trouvent pas dans une situation comparable, de sorte que le fait de traiter différemment une entreprise qualifiée d'incitateur de l'entente et le meneur de celle-ci ne constitue pas une violation du principe d'égalité de traitement.
Arrêt du 3 mars 2011, Siemens / Commission (T-110/07, Rec._p._II-477) (cf. points 337, 345, 348)
3. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur ou d'incitateur de l'infraction - Notion
Le rôle de chef de file joué par une ou plusieurs entreprises dans le cadre d’une entente doit être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, dans la mesure où les entreprises ayant joué un tel rôle doivent porter une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises. Pour être qualifiée de meneur d’une entente, une entreprise doit avoir représenté une force motrice significative pour l’entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci. Tel est le cas lorsqu'une entreprise a joué un rôle de meneur de l’infraction en assumant les fonctions de "secrétaire européen" de l’entente, fonctions qui lui conféraient le rôle d’un chef de file dans la coordination de l’entente et, en tout état de cause, dans le fonctionnement concret de celle-ci, et, plus particulièrement lorsque ledit "secrétaire européen" était le point de contact entre les membres de l’entente et jouait un rôle crucial dans le fonctionnement concret de cette dernière, en ce qu’il facilitait l’échange d’informations au sein de l’entente, qu’il centralisait, compilait et échangeait avec les autres membres de l’entente des informations essentielles au fonctionnement de celle-ci et, notamment, les informations concernant certains projets particulièrement importants, en ce qu’il organisait et assurait le secrétariat des réunions de travail et en ce que, occasionnellement, il modifiait les codes servant à dissimuler ces réunions ou ces contacts.
4. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur de l'infraction - Rôle joué successivement par différentes entreprises et les sociétés les dirigeant - Répartition des responsabilités - Absence de prise en compte de la durée respective d'exercice dudit rôle - Violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité
En matière de concurrence, dans le cas d’une infraction de longue durée au cours de laquelle différentes entreprises ont, sous la direction de différentes sociétés, successivement joué, pour des périodes bien établies, le rôle de meneur de l’infraction, les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité exigent que des sociétés ayant dirigé une ou plusieurs entreprises ayant joué, sous leur direction, le rôle de meneur de l’infraction se voient imposer une majoration différente du montant de base de leur amende lorsque la période pendant laquelle ladite ou lesdites entreprises ont joué, sous leur direction, ledit rôle est substantiellement différente. Le rôle de meneur se rapporte au fonctionnement de l’entente et, à l’inverse du rôle d’incitateur de l’infraction, il s’inscrit nécessairement dans une certaine durée. Dès lors, il doit être tenu compte de ce qu’une société qui a dirigé l’une des entreprises ayant participé à l’entente peut se voir imputer le rôle moteur joué par cette dernière dans le fonctionnement de l’entente pendant, au maximum, un peu plus du quart de la période infractionnelle, alors qu’une autre société, qui a dirigé une autre entreprise ayant participé à l’entente, peut se voir imputer le rôle moteur joué par cette dernière dans le fonctionnement de l’entente pendant près des trois quarts de ladite période.
Il s’ensuit que la Commission a enfreint les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en imposant une majoration identique du montant de base de l’amende à des sociétés qui ont joué, à travers les entreprises qu'elle dirigeait, le rôle de meneur de l'entente, alors que les périodes pendant lesquelles la ou les entreprises en cause ont exercé, sous leur direction, les fonctions de meneur de l’entente étaient substantiellement différentes.
En revanche, à supposer même que la Commission ait fait une application illégale des critères ayant trait à la qualification de meneur de l’infraction, en ne retenant pas cette qualification à l’encontre d’une entreprise, en dépit du rôle significatif joué par celle-ci au sein de l’entente, une telle illégalité, commise en faveur d’autrui, ne justifierait pas qu’il soit fait droit aux griefs tirés du non-respect du principe d'égalité de traitement ou de non-discrimination.
5. Concurrence - Amendes - Montant - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Contrôle juridictionnel - Compétence de pleine juridiction - Fixation du montant de l'amende à un niveau garantissant son caractère dissuasif
La compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union par l’article 17 du règlement nº 17 et l’article 31 du règlement nº 1/2003 l’habilite, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende infligée lorsque la question du montant de celle-ci est soumise à son appréciation. Dans le cadre de cette appréciation, il convient de s’assurer que la majoration attachée au rôle de meneur de l’infraction joué par l’entreprise concernée soit fixée à un niveau qui garantit son caractère dissuasif.
6. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur ou d'incitateur de l'infraction - Distinction nécessaire
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a. / Commission (T-343/06) (cf. point 140)
7. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle d'incitateur de l'infraction - Notion - Preuve fondée sur un événement unique - Admissibilité - Condition
Pour être qualifiée d’incitateur d’une entente, une entreprise doit avoir poussé ou encouragé d’autres entreprises à mettre en place l’entente ou à s’y joindre. Il ne suffit pas, en revanche, d’avoir simplement figuré parmi les membres fondateurs de l’entente. Cette qualification devra être réservée à l’entreprise qui, le cas échéant, a pris l’initiative, par exemple en suggérant à l’autre l’opportunité d’une collusion ou en tentant de la convaincre d'y procéder. Le juge de l’Union n’impose cependant pas à la Commission de détenir des éléments relatifs à l’élaboration ou à la conception des détails de l’entente.
Le rôle d’incitateur a trait au moment de l’établissement ou de l’élargissement d’une entente, ce qui permet d’envisager que plusieurs entreprises puissent simultanément jouer un rôle d’incitateur au sein d’une même entente.
Par ailleurs, rien ne s’oppose, en principe, à ce que la Commission puisse se fonder sur un événement unique afin d’établir qu’une entreprise a joué un rôle incitatif dans une entente, à la condition que cet unique élément permette d’établir de manière certaine que cette entreprise a poussé ou encouragé d’autres entreprises à mettre en place l’entente ou à s’y joindre.
Arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a. / Commission (T-343/06) (cf. points 155-156)
8. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur de l'infraction - Notion - Critères d'identification
Pour être qualifiée de meneur d’une entente, une entreprise doit avoir représenté une force motrice significative pour l’entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci. Cette circonstance doit être appréciée d’un point de vue global au regard du contexte de l’espèce. Elle peut, notamment, être inférée de ce que l’entreprise, par des initiatives ponctuelles, a donné spontanément une impulsion fondamentale à l’entente. Elle peut également être inférée d’un ensemble d’indices révélant le dévouement de l’entreprise à assurer la stabilité et la réussite de l’entente.
Il en va ainsi lorsque l’entreprise a participé aux réunions de l’entente au nom d’une autre entreprise qui n’y assistait pas et a communiqué les résultats desdites réunions à celle-ci. Il en va de même lorsqu’il est avéré que ladite entreprise a joué un rôle central dans le fonctionnement concret de l’entente, par exemple en organisant de nombreuses réunions, en collectant et en distribuant les informations au sein de l’entente et en formulant le plus souvent des propositions relatives au fonctionnement de l’entente.
En outre, le fait de veiller activement au respect des accords conclus au sein de l’entente constitue un indice déterminant du rôle de meneur joué par une entreprise.
En revanche, le fait pour une entreprise d’exercer des pressions, voire de dicter le comportement des autres membres de l’entente, n’est pas une condition nécessaire pour que cette entreprise puisse être qualifiée de meneur de l’entente. La position sur le marché d’une entreprise ou les ressources dont elle dispose ne peuvent pas davantage constituer des indices d’un rôle de meneur de l’infraction, même s’ils font partie du contexte au regard duquel de tels indices doivent être appréciés.
La Commission peut considérer que plusieurs entreprises ont joué un rôle de meneur dans une entente.
Arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a. / Commission (T-343/06) (cf. points 198-202)
9. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Gravité de la participation de chaque entreprise - Circonstances aggravantes - Rôle d'incitateur de l'infraction - Notion - Portée de la charge probatoire
Voir le texte de la décision.
10. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur de l'infraction - Notion - Critères d'appréciation
Pour être qualifiée de meneur d’une entente, une entreprise doit avoir représenté une force motrice significative pour l’entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci. Cette circonstance doit être appréciée d’un point de vue global au regard du contexte de l’espèce. Elle peut, notamment, être inférée de ce que l’entreprise, par des initiatives ponctuelles, a donné spontanément une impulsion fondamentale à l’entente. Elle peut également être inférée d’un ensemble d’indices révélant le dévouement de l’entreprise à assurer la stabilité et la réussite de l’entente.
Il en va ainsi lorsque l’entreprise a participé aux réunions de l’entente au nom d’une autre entreprise qui n’y assistait pas et qu’elle a communiqué les résultats desdites réunions à celle-ci. Il en va de même lorsqu’il est avéré que ladite entreprise a joué un rôle central dans le fonctionnement concret de l’entente, par exemple en organisant de nombreuses réunions, en collectant et en distribuant les informations au sein de l’entente, et en formulant le plus souvent des propositions relatives au fonctionnement de l’entente.
En outre, le fait de veiller activement au respect des accords conclus au sein de l’entente constitue un indice déterminant du rôle de meneur joué par une entreprise.
En revanche, le fait pour une entreprise d’exercer des pressions, voire de dicter le comportement des autres membres de l’entente, n’est pas une condition nécessaire pour que cette entreprise puisse être qualifiée de meneur de l’entente. La position sur le marché d’une entreprise ou les ressources dont elle dispose ne peuvent pas davantage constituer des indices d’un rôle de meneur de l’infraction, même s’ils font partie du contexte au regard duquel de tels indices doivent être appréciés.
La Commission peut considérer que plusieurs entreprises ont joué un rôle de meneur dans une entente.
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody / Commission (T-352/09) (cf. points 76-80)
Arrêt du 16 septembre 2013, PROAS / Commission (T-495/07) (cf. points 243-249)
11. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité de l'infraction - Circonstances aggravantes - Rôle de meneur ou d'incitateur de l'infraction - Distinction nécessaire - Incidence quant à l'exercice, par le juge de l'Union, de son pouvoir de pleine juridiction
En matière de concurrence, si le juge de l’Union opère une distinction entre les rôles d’incitateur et de meneur d'une entente, il peut toutefois, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, maintenir la majoration de l'amende prévue par la Commission, même si les preuves apportées par la Commission sont insuffisantes en ce qui concerne l'un des deux rôles.
Arrêt du 27 septembre 2012, Koninklijke Wegenbouw Stevin / Commission (T-357/06) (cf. point 302)