1. Marque communautaire - Renonciation, déchéance et nullité - Forclusion par tolérance - Délai de forclusion - Point de départ

Quatre conditions doivent être réunies pour faire courir le délai de forclusion par tolérance en cas d'usage d'une marque postérieure identique à la marque antérieure ou similaire au point de prêter à confusion. Premièrement, la marque postérieure doit être enregistrée, deuxièmement, son dépôt doit avoir été effectué de bonne foi par son titulaire, troisièmement, elle doit être utilisée dans l’État membre où la marque antérieure est protégée et, enfin, quatrièmement, le titulaire de la marque antérieure doit avoir connaissance de l’usage de cette marque après son enregistrement.

La finalité de l’article 53, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire est de sanctionner les titulaires des marques antérieures qui ont toléré l’usage d’une marque communautaire postérieure pendant cinq années consécutives, en connaissance de cet usage, par la perte des actions de nullité et d’opposition envers ladite marque, qui pourra donc coexister avec la marque antérieure. C’est à partir du moment où le titulaire de la marque antérieure connaît l’usage de la marque communautaire postérieure qu’il a la possibilité de ne pas le tolérer et, donc, de s’y opposer ou de demander la nullité de la marque postérieure. Il ne peut être considéré que le titulaire de la marque antérieure ait toléré l’utilisation de la marque communautaire postérieure une fois qu’il a eu connaissance de son utilisation, s’il n’était en mesure ni de s’opposer à son usage ni de demander sa nullité.

Il résulte de l’interprétation téléologique de l’article 53, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 que la date pertinente afin de calculer le point de départ du délai de forclusion est celle de la connaissance de l’usage de cette marque. Cette date ne peut qu’être postérieure à celle de son enregistrement, moment à partir duquel le droit sur la marque communautaire est acquis (voir considérant 7 du règlement nº 40/94) et ladite marque sera utilisée en tant que marque enregistrée sur le marché, son utilisation pouvant, donc, être connue des tiers. Dès lors, c’est à partir du moment où le titulaire de la marque antérieure a eu connaissance de l’usage de la marque communautaire postérieure, après son enregistrement, et non au moment de la présentation de la demande de marque communautaire, que le délai de forclusion par tolérance commence à courir.

Arrêt du 28 juin 2012, I Marchi Italiani et Basile / OHMI - Osra (B. Antonio Basile 1952) (T-133/09) (cf. points 31-33)



Arrêt du 28 juin 2012, Basile et I Marchi Italiani / OHMI - Osra (B. Antonio Basile 1952) (T-134/09) (cf. points 30-32)

Arrêt du 23 octobre 2013, SFC Jardibric / OHMI - Aqua Center Europa (AQUA FLOW) (T-417/12) (cf. points 19-21, 40)

2. Marque de l'Union européenne - Renonciation, déchéance et nullité - Forclusion par tolérance - Délai de forclusion - Point de départ

Quatre conditions doivent être réunies pour faire courir le délai de forclusion par tolérance en cas d’usage d’une marque postérieure identique à la marque antérieure ou similaire au point de prêter à confusion. Premièrement, la marque postérieure doit être enregistrée, deuxièmement, son dépôt doit avoir été effectué de bonne foi par son titulaire, troisièmement, elle doit être utilisée dans l’État membre où la marque antérieure est protégée et, enfin, quatrièmement, le titulaire de la marque antérieure doit avoir connaissance de l’usage de cette marque après son enregistrement.

L’article 54, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 sur la marque de l'Union européenne a pour objet de sanctionner les titulaires des marques antérieures ayant toléré l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure pendant cinq années consécutives, en connaissance de cet usage, par la perte des actions de nullité et d’opposition envers ladite marque. Cette disposition vise ainsi à mettre en balance les intérêts du titulaire d’une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci et les intérêts d’autres opérateurs économiques à disposer de signes susceptibles de désigner leurs produits et services. Cet objectif implique que, pour sauvegarder cette fonction essentielle, le titulaire d’une marque antérieure doit être en mesure de s’opposer à l’usage d’une marque postérieure identique ou semblable à la sienne. En effet, ce n’est qu’à partir du moment où le titulaire de la marque antérieure connaît l’usage de la marque de l’Union européenne postérieure qu’il a la possibilité de ne pas le tolérer et, donc, de s’y opposer ou de demander la nullité de la marque postérieure et que, partant, le délai de forclusion par tolérance commence à courir.

Il résulte donc d’une interprétation téléologique de l’article 54, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 que la date pertinente permettant de calculer le point de départ du délai de forclusion est celle de la connaissance de l’usage de la marque postérieure.

Cette interprétation exige que le titulaire de la marque postérieure apporte la preuve de l’existence d’une connaissance effective de l’usage de ladite marque par le titulaire de la marque antérieure, en l’absence de laquelle ce dernier ne serait pas en mesure de s’opposer à l’usage de la marque postérieure. En effet, à cet égard, il y a lieu de tenir compte de la règle analogue de forclusion par tolérance visée à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 89/104 sur les marques, remplacé par l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95 sur les marques, concernant laquelle le onzième considérant de ladite directive (le considérant 12 de la directive 2008/95) précise que ce motif de forclusion est applicable lorsque le titulaire de la marque antérieure "a sciemment toléré l’usage pendant une longue période", ce qui veut dire "délibérément" ou "en connaissance de cause". Force est de constater que cette appréciation s’applique mutatis mutandis à l’article 54, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 dont le libellé correspond à celui de l’article 9, paragraphe 1, des directives 89/104 et 2008/95.

Arrêt du 20 avril 2016, Tronios Group International / EUIPO - Sky (SkyTec) (T-77/15) (cf. points 30-33)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 4 octobre 2018, Asolo / EUIPO - Red Bull (FLÜGEL) (T-150/17) (cf. points 31-35)

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2019, Swemac Innovation/EUIPO-SWEMAC (T-287/17), le Tribunal a été saisi par le titulaire de la marque de l’Union européenne SWEMAC d’une demande en annulation de la décision de la chambre de recours déclarant la nullité de ladite marque en raison de l’existence d’un signe antérieur, à savoir la dénomination sociale suédoise antérieure Swemac Medical Appliances AB.

L’affaire soulève notamment la question de savoir si, comme le fait valoir la requérante, la circonstance que celle-ci pourrait se prévaloir d’un droit encore plus ancien que le signe antérieur impliquerait que la demandeuse en nullité, titulaire du signe antérieur, ne serait pas en droit d’interdire l’utilisation d’une marque de l’Union européenne postérieure, de sorte que la condition posée à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement nº 207/2009{1} ne serait pas remplie.

À cet égard, le Tribunal relève que, selon la jurisprudence, lorsque le titulaire de la marque de l’Union européenne attaquée possède un droit antérieur susceptible d’invalider la marque antérieure sur laquelle une demande en nullité est fondée, il lui incombe de s’adresser, le cas échéant, à l’autorité ou au tribunal national compétent pour obtenir, s’il le souhaite, l’annulation de cette marque.

En outre, il rappelle la jurisprudence, établie dans le cadre de procédures d’opposition, selon laquelle le fait que le titulaire d’une marque contestée soit le titulaire d’une marque nationale encore plus ancienne que la marque antérieure n’a en soi aucune incidence dans la mesure où la procédure d’opposition au niveau de l’Union n’a pas pour objet de régler des conflits au niveau national.

En effet, selon la jurisprudence, la validité d’une marque nationale ne peut pas être mise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, mais uniquement dans le cadre d’une procédure de nullité entamée dans l’État membre concerné. En outre, s’il appartient à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) de vérifier, sur la base des preuves qu’il incombe à l’opposant de produire, l’existence de la marque nationale invoquée au soutien de l’opposition, il ne lui appartient pas de trancher un conflit entre cette marque et une autre marque sur le plan national, lequel conflit relève de la compétence des autorités nationales.

Dès lors, selon la jurisprudence, aussi longtemps que la marque nationale antérieure est effectivement protégée, l’existence d’un enregistrement national antérieur ou d’un autre droit antérieur à cette dernière n’est pas pertinente dans le cadre de l’opposition formée contre une demande de marque de l’Union européenne, même si la marque de l’Union européenne demandée est identique à une marque nationale antérieure de la requérante ou à un autre droit antérieur à la marque nationale fondant l’opposition.

Le Tribunal observe qu’il a déjà eu l’occasion de juger que, à supposer que les droits sur des noms de domaine antérieurs puissent être assimilés à un enregistrement national antérieur, en tout état de cause, il n’appartenait pas au Tribunal de se prononcer sur un conflit entre une marque nationale antérieure et des droits sur les noms de domaine antérieurs, un tel conflit ne relevant pas de la compétence du Tribunal.

Le Tribunal estime qu’il y a lieu de faire application par analogie de cette jurisprudence au cas d’espèce. À cet égard, il relève que, nonobstant les obligations auxquelles est soumis l’EUIPO et le rôle du Tribunal, force est de constater qu’il n’incombe ni à l’EUIPO ni au Tribunal de trancher un conflit entre le signe antérieur et une autre dénomination sociale ou marque non enregistrée sur le plan national dans le cadre d’une procédure en nullité à l’encontre d’une marque de l’Union européenne.

Selon le Tribunal, il s’ensuit que la question du droit antérieur est examinée par rapport à l’enregistrement de la marque de l’Union européenne attaquée, et non par rapport aux droits antérieurs allégués que le titulaire de la marque de l’Union européenne attaquée, en l’espèce, la requérante, pourrait avoir à l’égard de la demandeuse en nullité, titulaire du signe antérieur. Partant, le seul droit antérieur à prendre en considération pour l’issue du litige est le signe antérieur.

{1 Règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).}

Arrêt du 7 février 2019, Swemac Innovation / EUIPO - SWEMAC Medical Appliances (SWEMAC) (T-287/17) (cf. points 83-85)



Arrêt du 24 janvier 2019, Ilhan / EUIPO - Time Gate (SPORTSWEAR COMPANY BIG SAM) (T-785/17) (cf. points 20, 21)



Arrêt du 27 janvier 2021, Turk Hava Yollari / EUIPO - Sky (skylife) (T-382/19) (cf. point 49)



Arrêt du 6 novembre 2024, Vintae Luxury Wine Specialists / EUIPO - Grande Vitae (vintae) (T-136/23) (cf. points 47-49)

3. Marque de l'Union européenne - Renonciation, déchéance et nullité - Forclusion par tolérance - Notion

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2019, Swemac Innovation/EUIPO-SWEMAC (T-287/17), le Tribunal a été saisi par le titulaire de la marque de l’Union européenne SWEMAC d’une demande en annulation de la décision de la chambre de recours déclarant la nullité de ladite marque en raison de l’existence d’un signe antérieur, à savoir la dénomination sociale suédoise antérieure Swemac Medical Appliances AB.

L’affaire soulève notamment la question de savoir si, comme le fait valoir la requérante, la circonstance que celle-ci pourrait se prévaloir d’un droit encore plus ancien que le signe antérieur impliquerait que la demandeuse en nullité, titulaire du signe antérieur, ne serait pas en droit d’interdire l’utilisation d’une marque de l’Union européenne postérieure, de sorte que la condition posée à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement nº 207/2009{1} ne serait pas remplie.

À cet égard, le Tribunal relève que, selon la jurisprudence, lorsque le titulaire de la marque de l’Union européenne attaquée possède un droit antérieur susceptible d’invalider la marque antérieure sur laquelle une demande en nullité est fondée, il lui incombe de s’adresser, le cas échéant, à l’autorité ou au tribunal national compétent pour obtenir, s’il le souhaite, l’annulation de cette marque.

En outre, il rappelle la jurisprudence, établie dans le cadre de procédures d’opposition, selon laquelle le fait que le titulaire d’une marque contestée soit le titulaire d’une marque nationale encore plus ancienne que la marque antérieure n’a en soi aucune incidence dans la mesure où la procédure d’opposition au niveau de l’Union n’a pas pour objet de régler des conflits au niveau national.

En effet, selon la jurisprudence, la validité d’une marque nationale ne peut pas être mise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, mais uniquement dans le cadre d’une procédure de nullité entamée dans l’État membre concerné. En outre, s’il appartient à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) de vérifier, sur la base des preuves qu’il incombe à l’opposant de produire, l’existence de la marque nationale invoquée au soutien de l’opposition, il ne lui appartient pas de trancher un conflit entre cette marque et une autre marque sur le plan national, lequel conflit relève de la compétence des autorités nationales.

Dès lors, selon la jurisprudence, aussi longtemps que la marque nationale antérieure est effectivement protégée, l’existence d’un enregistrement national antérieur ou d’un autre droit antérieur à cette dernière n’est pas pertinente dans le cadre de l’opposition formée contre une demande de marque de l’Union européenne, même si la marque de l’Union européenne demandée est identique à une marque nationale antérieure de la requérante ou à un autre droit antérieur à la marque nationale fondant l’opposition.

Le Tribunal observe qu’il a déjà eu l’occasion de juger que, à supposer que les droits sur des noms de domaine antérieurs puissent être assimilés à un enregistrement national antérieur, en tout état de cause, il n’appartenait pas au Tribunal de se prononcer sur un conflit entre une marque nationale antérieure et des droits sur les noms de domaine antérieurs, un tel conflit ne relevant pas de la compétence du Tribunal.

Le Tribunal estime qu’il y a lieu de faire application par analogie de cette jurisprudence au cas d’espèce. À cet égard, il relève que, nonobstant les obligations auxquelles est soumis l’EUIPO et le rôle du Tribunal, force est de constater qu’il n’incombe ni à l’EUIPO ni au Tribunal de trancher un conflit entre le signe antérieur et une autre dénomination sociale ou marque non enregistrée sur le plan national dans le cadre d’une procédure en nullité à l’encontre d’une marque de l’Union européenne.

Selon le Tribunal, il s’ensuit que la question du droit antérieur est examinée par rapport à l’enregistrement de la marque de l’Union européenne attaquée, et non par rapport aux droits antérieurs allégués que le titulaire de la marque de l’Union européenne attaquée, en l’espèce, la requérante, pourrait avoir à l’égard de la demandeuse en nullité, titulaire du signe antérieur. Partant, le seul droit antérieur à prendre en considération pour l’issue du litige est le signe antérieur.

{1 Règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).}

Arrêt du 7 février 2019, Swemac Innovation / EUIPO - SWEMAC Medical Appliances (SWEMAC) (T-287/17) (cf. points 90, 91)



Arrêt du 6 novembre 2024, Vintae Luxury Wine Specialists / EUIPO - Grande Vitae (vintae) (T-136/23) (cf. points 50-52)

4. Marque de l'Union européenne - Renonciation, déchéance et nullité - Forclusion par tolérance



Arrêt du 20 juin 2019, Nonnemacher / EUIPO - Ingram (WKU) (T-389/18) (cf. point 17)

Arrêt du 20 juin 2019, Nonnemacher / EUIPO - Ingram (WKU WORLD KICKBOXING AND KARATE UNION) (T-390/18) (cf. point 18)

5. Rapprochement des législations - Marques - Interprétation du règlement nº 207/2009 et de la directive 2008/95 - Forclusion par tolérance - Notion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 mai 2022, HEITEC (C-466/20) (cf. points 46-51)

6. Rapprochement des législations - Marques - Interprétation du règlement nº 207/2009 et de la directive 2008/95 - Forclusion par tolérance - Délai de forclusion - Interruption - Mise en demeure - Exclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 mai 2022, HEITEC (C-466/20) (cf. points 52-57, disp. 1)

7. Rapprochement des législations - Marques - Interprétation du règlement nº 207/2009 et de la directive 2008/95 - Forclusion par tolérance - Délai de forclusion - Interruption - Introduction d'un recours juridictionnel irrégulier - Exclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 mai 2022, HEITEC (C-466/20) (cf. points 60-68, disp.2)

8. Rapprochement des législations - Marques - Interprétation du règlement nº 207/2009 et de la directive 2008/95 - Forclusion par tolérance - Effets - Droits du titulaire d'une marque antérieure - Introduction des demandes d'octroi de dommages et intérêts, de fourniture de renseignements et de destruction de produits - Absence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 mai 2022, HEITEC (C-466/20) (cf. points 70-73, disp.3)