1. Rapprochement des législations - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause attributive de juridiction - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères
L’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne porte sur l’interprétation de la notion de clause abusive, visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de cette directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce.
Le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, dont le fait qu’une clause contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et confère compétence exclusive au tribunal dans le ressort duquel est situé le siège du professionnel.
Arrêt du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing (C-137/08, Rec._p._I-10847) (cf. points 42-44, disp. 2)
2. Rapprochement des législations - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive - Critères généraux d'appréciation - Application à une clause prévoyant une pénalité d'un montant disproportionnellement élevé à la charge du consommateur - Compétence de la juridiction nationale
S’agissant de la question de savoir si une clause contractuelle particulière présente ou non un caractère abusif, l’article 4 de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, indique que la réponse doit être apportée en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion. Dans ce contexte, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national.
Il s’ensuit que la Cour peut, dans le cadre de l’exercice de la compétence d’interprétation du droit de l’Union qui lui est conférée par l’article 267 TFUE, interpréter les critères généraux utilisés par le législateur de l’Union pour définir la notion de clause abusive. En revanche, elle ne saurait se prononcer sur l’application de ces critères généraux à une clause particulière qui doit être examinée en fonction des circonstances propres au cas d’espèce.
Par conséquent, il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause d’un contrat de crédit prévoyant une pénalité d’un montant disproportionnellement élevé à la charge du consommateur doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion de ce contrat, être considérée comme abusive au sens des articles 3 et 4 de la directive 93/13. Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause. Cette juridiction doit en outre, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, de cette directive, apprécier si le contrat peut subsister sans cette éventuelle clause abusive.
3. Rapprochement des législations - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause dans un contrat de crédit indiquant un taux annuel effectif global inférieur à la réalité - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Clause pouvant être considérée comme pratique commerciale trompeuse au sens de la directive 2005/29 - Absence d'incidence directe sur l'appréciation de la validité du contrat
La constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale consistant à indiquer dans un contrat de crédit un taux annuel effectif global inférieur à la réalité, au sens de la directive 2005/29, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450, 97/7, 98/27, et 2002/65 et le règlement nº 2006/2004, constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, son appréciation du caractère abusif des clauses du contrat relatives au coût du prêt accordé au consommateur. Une telle constatation n’a cependant pas d’incidences directes sur l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat de crédit conclu.
Arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič (C-453/10) (cf. point 47, disp. 2)
4. Rapprochement des législations - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de consommation permettant au professionnel de modifier unilatéralement les frais liés au service à fournir sans préciser les conditions et critères d'une telle modification - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères
Il appartient à un juridiction nationale statuant dans une procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, le caractère abusif d’une clause figurant dans les conditions générales des contrats de consommation par laquelle un professionnel prévoit une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction doit vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les conditions générales des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les conditions générales en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une manière claire et compréhensible et si, le cas échéant, les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.
Arrêt du 26 avril 2012, Invitel (C-472/10) (cf. point 31, disp. 1)
5. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Obligation de tenir compte de toutes les autres clauses du contrat
En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, une clause est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la même directive, cette appréciation doit être portée en tenant compte de la nature des services qui font l’objet du contrat et en se référant à toutes les circonstances qui ont entouré sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. Dès lors, le juge national doit, afin de porter une appréciation sur le caractère éventuellement abusif de la clause contractuelle qui sert de base à la demande dont il est saisi, tenir compte de toutes les autres clauses du contrat.
Arrêt du 21 février 2013, Banif Plus Bank (C-472/11) (cf. points 40-41, disp. 2)
6. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que:
- la notion de "déséquilibre significatif" au détriment du consommateur doit être appréciée à travers une analyse des règles nationales applicables en l’absence d’accord entre les parties, afin d’évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives;
- afin de savoir si le déséquilibre est créé "en dépit de l’exigence de bonne foi", il importe de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause concernée à la suite d’une négociation individuelle.
L’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’annexe à laquelle renvoie cette disposition ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.
En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion. Il en découle que, dans cette perspective, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national.
Arrêt du 14 mars 2013, Aziz (C-415/11) (cf. points 68-71, 76, disp. 2)
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 3 avril 2014, Sebestyén (C-342/13) (cf. points 27-29)
Arrêt du 14 avril 2016, Sales Sinués (C-381/14 et C-385/14) (cf. points 22-24)
L'article 3, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que :
- l’examen du caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur implique de déterminer si celle-ci crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Cet examen doit être effectué au regard des règles nationales qui, en l’absence d’accord des parties, trouvent à s’appliquer, des moyens dont le consommateur dispose, en vertu de la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de ce type de clauses, de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat en cause ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de celui-ci ;
- dès lors que la juridiction de renvoi considère qu’une clause contractuelle relative au mode de calcul des intérêts ordinaires, telle que celle en cause au principal, n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible au sens de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, il lui incombe d’examiner si cette clause est abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive. Dans le cadre de cet examen, il appartient notamment à ladite juridiction de comparer le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le montant effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et le taux d’intérêt légal ainsi que les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du contrat en cause au principal pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux du contrat de prêt considéré, et
- s’agissant de l’appréciation par une juridiction nationale de l’éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.
Arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14) (cf. points 64-67, disp. 3)
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A. (C-212/20) (cf. points 59, 77, 78)
SP et CI, requérants au principal, ont conclu un crédit à la consommation remboursable sur une période de 20 ans et garanti par une sûreté immobilière, à savoir la maison familiale dans laquelle ils avaient leur domicile.
Moins d’une année après la conclusion de ce contrat, les requérants au principal étant en défaut de paiement, le prêteur a exigé le remboursement de la totalité des sommes dues au titre du contrat de crédit, sur le fondement d’une clause de déchéance du terme contenue dans ce contrat. Puis il a poursuivi l’exécution de sa sûreté par la vente aux enchères extrajudiciaire de l’immeuble donné en garantie.
Saisi par les requérants d’une demande de suspension de cette vente, l’Okresný súd Prešov (tribunal de district de Prešov, Slovaquie) a rejeté leur demande par un premier jugement, qu’elle a ensuite confirmé, sur renvoi, nonobstant l’annulation de celui-ci par le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov, Slovaquie). Les requérants ont interjeté appel de ce second jugement devant la cour régionale de Prešov, la juridiction de renvoi. Selon cette dernière, la réglementation nationale autorisant la réalisation extrajudiciaire d’une sûreté immobilière par la voie d’une vente aux enchères du bien constituant le logement des consommateurs est susceptible d’être contraire à la directive 93/13 ainsi qu’au principe de proportionnalité.
Dans son arrêt, la Cour se penche sur l’interprétation de la directive 93/13{1} et, plus particulièrement, sur la portée du contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de crédit à la consommation, lorsque cette clause permet la vente extrajudiciaire du logement familial du consommateur.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour constate que la clause de déchéance du terme qui permet au créancier de réclamer par anticipation le remboursement de l’intégralité du solde restant dû en cas de manquement du débiteur à ses obligations contractuelles relève du champ d’application de la directive 93/13. Ainsi, elle souligne que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, cette clause ne doit pas être qualifiée de « clause reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13. En effet, si cette même clause reprend certaines dispositions de droit national{2}, celles-ci ne sont pas impératives et ne remplissent pas la seconde condition exigée par cet article 1er, paragraphe 2, pour appliquer l’exclusion y prévue.
En second lieu, après avoir rappelé les règles générales régissant le contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles relevant du champ d’application de la directive 93/13, la Cour rappelle les critères au regard desquels le juge national pourra déceler le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire de longue durée déterminant les conditions dans lesquelles le créancier est autorisé à en exiger le remboursement anticipé, telle que la clause de déchéance du terme.
Ainsi, est importante, lors de cette appréciation, la question de savoir, premièrement, si la faculté du professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause et, deuxièmement, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt. Il est également important de savoir, troisièmement, si la faculté du professionnel déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et, quatrièmement, si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt.
Partant, lorsqu’il apprécie le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme, le juge national doit notamment examiner le caractère proportionné de la faculté laissée au créancier d’exiger en vertu de cette clause l’intégralité des sommes dues au vu du contrat. Dès lors, ce juge doit prendre en compte notamment la mesure dans laquelle le consommateur manque à ses obligations contractuelles, telle que le montant des échéances qui n’ont pas été honorées par rapport au montant total du crédit et à la durée du contrat.
Cependant, les critères précédemment énoncés ne sont ni cumulatifs ou alternatifs ni exhaustifs. Ainsi, d’une part, lors du contrôle juridictionnel du caractère proportionné de la clause de déchéance du terme, des critères supplémentaires, tels que l’éventuel déséquilibre contractuel créé par la clause de déchéance du terme et la circonstance que sa mise en œuvre peut, le cas échéant, entraîner le recouvrement par le créancier des sommes dues au titre du contrat par la vente du logement familial du consommateur en dehors de tout processus judiciaire, peuvent s’y ajouter. D’autre part, lors de son appréciation des moyens permettant au consommateur de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt, le juge national doit tenir compte, notamment au regard du droit fondamental au logement{3}, des conséquences qu’emporte l’éviction du consommateur et de sa famille du logement constituant leur résidence principale. Partant, en application de ces critères et en tenant compte de l’ensemble des circonstances dans lequel le contrat a été conclu, le juge national pourrait conclure au caractère abusif de la clause de déchéance du terme lorsqu’il constate que le professionnel peut, en vertu de cette clause, exercer son droit de réclamer le remboursement anticipé du solde restant dû au titre du prêt sans tenir compte de l’importance du manquement du consommateur par rapport au montant octroyé et à la durée du prêt.
Dans ces conditions, la Cour dit pour droit que la directive 93/13, lue à la lumière de la Charte{4}, s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de crédit à la consommation ne tient pas compte du caractère proportionné de la faculté laissée au professionnel d’exercer le droit qu’il tire de cette clause, au regard de critères déterminés. Parmi ces derniers figurent des critères liés notamment à l’importance du manquement du consommateur à ses obligations contractuelles, tels que le montant des échéances qui n’ont pas été honorées par rapport au montant total du crédit et à la durée du contrat, ainsi qu’à la possibilité que la mise en œuvre de cette clause conduise à ce que le professionnel puisse procéder au recouvrement des sommes dues au titre de ladite clause par la vente, en dehors de tout processus judiciaire, du logement familial du consommateur.
{1} Voir, notamment, article 3, paragraphe 1, article 4, paragraphe 2, article 6, paragraphe 1 et article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{2} En l’espèce, l’article 53, paragraphe 9 et l’article 565 du code civil slovaque.
{3} Voir article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{4} Articles 7 et 38 de la Charte.
Arrêt du 9 novembre 2023, Všeobecná úverová banka (C-598/21) (cf. points 74-79)
Ordonnance du 11 juin 2015, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C-602/13) (cf. points 43, 44, 51)
Ordonnance du 8 juillet 2015, Banco Grupo Cajatres (C-90/14) (cf. points 27-30, disp. 1)
Arrêt du 9 juillet 2015, Bucura (C-348/14) (cf. point 66, disp. 3)
Ordonnance du 17 mars 2016, Ibercaja Banco (C-613/15) (cf. points 31, 32, 41)
Ordonnance du 3 juillet 2019, Bankia (C-92/16) (cf. point 41)
Ordonnance du 3 juillet 2019, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C-167/16) (cf. point 41)
Ordonnance du 17 novembre 2021, Gómez del Moral Guasch II (C-655/20) (cf. points 36-39, disp. 2)
7. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel - Directive 2003/55 - Clause contractuelle standardisée réservant à l'entreprise d'approvisionnement le droit de modifier les frais de la fourniture de gaz - Admissibilité - Conditions - Obligation de satisfaire les exigences de bonne foi, d'équilibre et de transparence
Les articles 3 et 5 de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30, doivent être interprétés en ce sens qu'une clause par laquelle une entreprise d’approvisionnement se réserve le droit de modifier les frais de la fourniture de gaz répond à un intérêt légitime de l’entreprise d’approvisionnement de pouvoir modifier les frais de son service.
Une telle adaptation unilatérale doit toutefois satisfaire aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par lesdites dispositions. Pour apprécier si cette clause répond à ces exigences, il y a lieu d’établir :
- si le contrat expose de manière transparente le motif et le mode de variation desdits frais, de sorte que le consommateur puisse prévoir, sur la base de critères clairs et compréhensibles, les modifications éventuelles de ces frais. L’absence d’information à ce sujet avant la conclusion du contrat ne saurait, en principe, être compensée par le seul fait que les consommateurs seront, en cours d’exécution du contrat, informés de la modification des frais avec un préavis raisonnable et de leur droit de résilier le contrat s’ils ne souhaitent pas accepter cette modification, et
- si la faculté de résiliation conférée au consommateur peut, dans les conditions concrètes, être réellement exercée.
Arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb (C-92/11) (cf. points 46-47, 55, disp. 2)
8. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de consommation portant sur la déchéance du terme d'un crédit hypothécaire - Faculté du professionnel de résilier unilatéralement le contrat de prêt sans notification préalable et d'exiger le remboursement du capital restant dû et des intérêts, en raison de manquements du débiteur pendant une période limitée - Appréciation du caractère abusif d'une telle clause par le juge national - Critères
L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que les points 1, sous e) et g), et 2, sous a), de l’annexe de celle-ci doivent être interprétés en ce sens que, afin d’apprécier le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme d’un crédit hypothécaire revêtent notamment une importance essentielle:
- la question de savoir si la faculté du professionnel de résilier unilatéralement le contrat dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause;
- la question de savoir si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt;
- la question de savoir si ladite faculté déroge aux règles applicables en l’absence d’accord entre les parties, de manière à rendre plus difficile pour le consommateur, au vu des moyens procéduraux dont il dispose, l’accès à la justice ainsi que l’exercice des droits de la défense, et
- la question de savoir si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur auquel une telle clause a été opposée de remédier aux effets de la résiliation unilatérale du contrat de prêt.
Il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer cette appréciation, en fonction de toutes les circonstances propres au litige dont elle est saisie.
9. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat - Critères d'appréciation
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que:
- l’existence d’un déséquilibre significatif ne requiert pas nécessairement que les coûts mis à la charge du consommateur par une clause contractuelle aient à l’égard de celui-ci une incidence économique significative au regard du montant de l’opération en cause, mais peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle ce consommateur, en tant que partie au contrat, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales;
- il incombe à la juridiction de renvoi, afin d’apprécier l’existence éventuelle d’un déséquilibre significatif, de tenir compte de la nature du bien ou du service qui fait l’objet du contrat, en se référant à toutes les circonstances qui ont entouré la conclusion de ce contrat, de même qu’à toutes les autres clauses de celui-ci.
Arrêt du 16 janvier 2014, Constructora Principado (C-226/12) (cf. point 30 et disp.)
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A. (C-212/20) (cf. points 66, 67)
10. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de prêt hypothécaire attribuant la compétence exclusive pour connaître des litiges à un tribunal arbitral rendant des décisions non susceptibles d'un recours de droit interne - Appréciation du caractère abusif d'une telle clause par le juge national - Critères
L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment:
- vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et
- tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.
Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.
Ordonnance du 3 avril 2014, Sebestyén (C-342/13) (cf. point 36 et disp.)
11. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Obligation pour le juge national d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat soumis à son appréciation - Portée
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 juillet 2014, Sánchez Morcillo et Abril García (C-169/14) (cf. point 24)
12. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation par le juge national - Critères
Aux fins d’apprécier le caractère abusif des contrats soumis à la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la nature des services qui font l’objet de ces contrats doit être prise en compte, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, lu à la lumière de son dix-huitième considérant. Cette appréciation doit être effectuée par la juridiction nationale saisie en tenant compte de cette nature et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion.
Ainsi, en ce qui concerne les contrats relatifs à des services juridiques, il appartient à la juridiction nationale de prendre en compte la nature particulière de ces services dans son appréciation du caractère clair et compréhensible des clauses contractuelles, conformément à l’article 5, première phrase, de la directive 93/13, et de donner à celles-ci, en cas de doute, en vertu de la seconde phrase de cet article, l’interprétation la plus favorable au consommateur.
Arrêt du 15 janvier 2015, Šiba (C-537/13) (cf. points 33, 34)
13. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation par le juge national - Critères - Application à une clause prévoyant une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé à la charge du consommateur - Compétence de la juridiction nationale
Les dispositions de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétées en ce sens, que, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé, au sens du point I, sous e), de l’annexe de cette directive, du montant de l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses y relatives figurant dans le contrat concerné, indépendamment de la question de savoir si le créancier poursuit effectivement la pleine exécution de chacune d’entre elles, et que, le cas échéant, il incombe aux juridictions nationales, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, de tirer toutes les conséquences qui découlent de la constatation du caractère abusif de certaines clauses, en écartant chacune de celles ayant été reconnues comme abusives, afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celles-ci.
En effet, les juges nationaux sont tenus uniquement d’écarter l’application d’une clause contractuelle abusive afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sans qu’ils soient habilités à réviser le contenu de celle-ci. Il s’ensuit que, une juridiction nationale ayant constaté que plusieurs des clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sont abusives, au sens de la directive 93/13, est tenue d’exclure l’ensemble des clauses abusives et pas seulement certaines d’entre elles.
Arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C-377/14) (cf. points 97, 100, 101, disp. 4)
14. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de vente en ligne rédigée de manière à induire le consommateur en erreur quant à la loi applicable au contrat - Inclusion - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause des conditions générales de vente d’un professionnel, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, selon laquelle la loi de l’État membre du siège de ce professionnel régit le contrat conclu par voie de commerce électronique avec un consommateur, est abusive pour autant qu’elle induise ce consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi de cet État membre s’applique au contrat, sans l’informer du fait qu’il bénéficie également, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 593/2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit qui serait applicable en l’absence de cette clause, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier à la lumière de toutes les circonstances pertinentes.
Arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C-191/15) (cf. point 71, disp. 2)
15. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant d'un contrat - Appréciation par le juge national de l'existence dudit déséquilibre effectuée au moment de la conclusion du contrat - Obligation de tenir compte de l'ensemble de circonstances connues par le professionnel audit moment
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit être effectuée par référence au moment de la conclusion du contrat concerné, en tenant compte de l’ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance audit moment et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure dudit contrat. Il incombe à la juridiction de renvoi d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal, et en tenant compte notamment de l’expertise et des connaissances du professionnel, en l’occurrence de la banque, en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, l’existence d’un éventuel déséquilibre au sens de ladite disposition.
Arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a. (C-186/16) (cf. point 58, disp. 3)
16. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et imposant au consommateur le remboursement dudit prêt dans cette même devise - Inclusion - Condition - Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat - Appréciation par le juge national de l'existence dudit déséquilibre - Obligation de tenir compte de l'ensemble des circonstances connues par le professionnel
Ordonnance du 22 février 2018, Lupean et Lupean (C-119/17) (cf. points 30, 31, disp. 2)
17. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle - Notion - Clause modifiée par une disposition nationale adoptée après la conclusion du contrat et visant à suppléer une clause entachée de nullité - Inclusion
La notion de "clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle", figurant à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise notamment une clause contractuelle modifiée par une disposition nationale impérative, adoptée après la conclusion d’un contrat avec un consommateur, visant à suppléer une clause entachée de nullité contenue dans ledit contrat.
En l’occurrence, du fait que les clauses en cause au principal ont été imposées par le législateur national, il est manifeste que les parties au contrat ne les ont pas négociées de manière individuelle.
Arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring (C-51/17) (cf. points 48, 49, disp. 1)
18. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause intégrée dans un contrat de prêt hypothécaire n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et ayant pour effet ou pour objet de renverser la charge de la preuve au détriment du consommateur - Exclusion - Conditions - Appréciation du caractère abusif par le juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 septembre 2019, Lovasné Tóth (C-34/18) (cf. points 45-49, disp. 1)
19. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause ayant pour objet ou pour effet de laisser légitimement supposer au consommateur l'existence d'une obligation d'exécuter toutes ses obligations contractuelles, y compris celles estimées indues - Exclusion - Condition - Clause ayant pour objet ou pour effet d'entraver l'exercice, par le consommateur, d'actions en justice ou des voies de recours - Inclusion - Conditions
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 septembre 2019, Lovasné Tóth (C-34/18) (cf. points 53, 56-58, 60, disp. 2)
20. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause autorisant le professionnel à apprécier unilatéralement le caractère conforme de l'exécution de la prestation incombant au consommateur - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 septembre 2019, Lovasné Tóth (C-34/18) (cf. points 73-75, disp. 4)
21. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Clause relative à des frais de gestion ne permettant pas l'identification claire des services fournis en contrepartie - Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur - Absence - Vérification incombant à la juridiction nationale
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank (C-621/17) (cf. points 55, 56, disp. 2)
22. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat rédigée de manière à induire le consommateur en erreur quant à la loi applicable au contrat - Inclusion - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 octobre 2019, Verein für Konsumenteninformation (C-272/18) (cf. points 58-60, disp. 3)
23. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clauses d'un contrat de promesse de vente et d'achat rédigées préalablement par le professionnel - Présomption d'absence d'une négociation individuelle de ces clauses - Signature du contrat par le consommateur - Absence de renversement de ladite présomption - Contrat authentifié par un notaire et transmis au consommateur avant sa conclusion - Absence d'incidence
Ordonnance du 24 octobre 2019, Topaz (C-211/17) (cf. points 47-51, disp. 1)
24. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause résolutoire expresse et clause pénale d'un contrat de promesse de vente et d'achat établies exclusivement en faveur du professionnel et rédigées préalablement par ce dernier - Inclusion - Appréciation du caractère abusif par le juge national
Ordonnance du 24 octobre 2019, Topaz (C-211/17) (cf. points 55, 57, 59, 61, 65, 66, disp. 2)
25. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle - Notion - Clause d'un contrat de novation visant à modifier une clause potentiellement abusive d'un contrat antérieur conclu entre les mêmes parties ou réglant les conséquences du caractère abusif de cette autre clause - Inclusion - Appréciation du caractère abusif par le juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco (C-452/18) (cf. points 32-35, 39, disp. 2)
Ordonnance du 1er juin 2021, Banco Santander (C-268/19) (cf. points 42, 44, 45)
26. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d'entraver l'exercice des voies de recours par le consommateur - Clause d'un contrat de novation visant à modifier une clause potentiellement abusive d'un contrat antérieur conclu entre les mêmes parties - Renonciation du consommateur aux actions en justice relatives à la clause initiale - Inclusion - Condition - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Renonciation du consommateur aux actions en justice relatives à la nouvelle clause - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco (C-452/18) (cf. points 59, 63, 64, 67-71, 75-77, disp. 4)
27. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement d'une commission d'ouverture - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant d'un contrat - Professionnel exempté de l'obligation de prouver que cette commission correspond à des services fournis ou à des frais exposés - Vérification incombant au juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank (C-224/19 et C-259/19) (cf. points 77-79, disp. 3)
28. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause relative aux coûts du crédit hors intérêts fixant ces coûts en dessous d'un plafond maximal légal et mettant à la charge du consommateur les coûts de l'activité économique du prêteur - Inclusion - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat - Frais disproportionnés mis à la charge du consommateur - Vérification incombant au juge national
Voir le texte de la décision.
29. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Degré d'interaction d'une telle clause avec d'autres clauses relevant du champ d'application de la directive - Appréciation du caractère disproportionnellement élevé d'une indemnité à la charge du consommateur - Critères - Prise en compte des clauses ayant trait à un même manquement
Voir le texte de la décision.
30. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause attributive de juridiction figurant dans un contrat conclu entre un passager et une compagnie aérienne - Clause conférant une compétence exclusive à la juridiction du lieu du siège de cette compagnie - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 novembre 2020, DelayFix (C-519/19) (cf. points 58-61, 63 et disp.)
31. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause fixant au préalable l'avantage potentiel du créancier en cas de résiliation anticipée d'un contrat de leasing d'actions - Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au cours de l'exécution de ce contrat - Inclusion -Clause pouvant produire un déséquilibre dans certaines circonstances et bénéficier au consommateur dans d'autres - Absence d'incidence - Appréciation par le juge national de l'existence de ce déséquilibre effectuée dès la date de conclusion du contrat
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland (C-229/19 et C-289/19) (cf. points 51-57, disp.1)
32. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle - Notion - Clause d'un contrat de novation visant à modifier une clause potentiellement abusive d'un contrat antérieur conclu entre les mêmes parties ou prévoyant la renonciation du consommateur à toute action en justice - Inclusion - Condition - Vérification incombant au juge national
Ordonnance du 3 mars 2021, Ibercaja Banco (C-13/19) (cf. points 40-43, 47, disp. 2)
33. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clauses du contrat de prêt, libellé en devise étrangère, prévoyant les remboursements à échéances fixes imputés prioritairement sur les intérêts, l'allongement de la durée du contrat et l'augmentation du montant des mensualités - Inclusion - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat - Risque disproportionné de change pour le consommateur - Vérification incombant au juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance (C-609/19) (cf. points 64-71, disp. 3)
34. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clauses du contrat de prêt prévoyant la devise étrangère comme monnaie de compte et l'euro comme monnaie de paiement, exposant le consommateur au risque de change sans plafonnement - Inclusion - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat - Risque disproportionné de change pour le consommateur - Vérification incombant au juge national
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 24 mars 2022, BNP Paribas Personal Finance (C-288/20) (cf. points 70-75, disp. 4)
35. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause fixant un taux d'intérêt variable - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Législation et jurisprudence nationales considérant l'absence de bonne foi du professionnel en tant que condition préalable à cette appréciation - Inadmissibilité - Vérification incombant au juge national
36. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clauses définissant l'objet principal du contrat ou portant sur le prix ou la rémunération et les services ou les biens à fournir en contrepartie - Notion - Clause d'indexation sur une devise étrangère d'un contrat de prêt hypothécaire sans indication des modalités de détermination du taux de change utilisé pour calculer le montant des échéances de remboursement - Obligation de satisfaire aux exigences d'intelligibilité et de transparence - Portée - Possibilité pour le consommateur de déterminer, à tout moment, le taux de change appliqué par le professionnel - Absence
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A. (C-212/20) (cf. points 48-56, 65, disp. 1)
37. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clauses du contrat de prêt prévoyant la devise étrangère comme monnaie de compte et l'euro comme monnaie de paiement, exposant le consommateur au risque de change sans plafonnement - Inclusion - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat - Risque disproportionné de change pour le consommateur - Critère - Vérification incombant au juge national
Ordonnance du 24 mars 2022, BNP Paribas Personal Finance (C-82/20) (cf. points 41-49, disp. 2)
38. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Réglementation nationale permettant la constatation du caractère abusif d'une clause sans procéder à l'examen de l'exigence de bonne foi - Admissibilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 octobre 2022, NOVA KREDITNA BANKA MARIBOR (C-405/21) (cf. points 18-28, 33-37 et disp.)
39. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Critères dégagés par l'arrêt du 26 janvier 2017, C-421/14 - Caractère cumulatif ou alternatif - Absence
Voir le texte de la décision.
40. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de consommation portant sur la déchéance du terme d'un crédit hypothécaire - Faculté d'un professionnel de prononcer la déchéance, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, sans formalité ni mise en demeure, dans le cas d'un retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance - Appréciation du caractère abusif d'une telle clause par le juge national - Critères
Voir le texte de la décision.
41. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause prévoyant, de manière expresse et non équivoque, la possibilité de prononcer de plein droit la déchéance du terme d'un contrat en cas de retard de paiement d'une échéance dépassant un certain délai - Inclusion - Conditions
Voir le texte de la décision.
42. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause d'un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur, prévoyant le paiement d'honoraires d'avocat selon le principe du tarif horaire - Clause ne répondant pas à l'exigence de transparence - Possibilité des États membres de qualifier une telle clause d'abusive
M.A., en tant que consommateur, a conclu cinq contrats de prestation de services juridiques avec D.V., un avocat. Chacun de ces contrats prévoyait que les honoraires de l’avocat devaient être calculés sur la base d’un taux horaire, fixé à 100 euros pour les consultations ou les prestations de services juridiques fournies à M.A.
N’ayant pas reçu l’intégralité des honoraires réclamés, D.V. a saisi la juridiction de première instance d’un recours tendant à condamner M.A. au paiement des honoraires dus au titre des prestations juridiques réalisées. La juridiction de première instance a partiellement fait droit à la demande de D.V, en constatant toutefois le caractère abusif de la clause contractuelle relative au prix des services fournis, et a réduit de moitié les honoraires réclamés. Ce jugement ayant été confirmé par la juridiction d’appel, D.V. a formé un pourvoi en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie).
Saisie à titre préjudiciel par cette juridiction, la Cour se prononce sur l’interprétation de la directive 93/13{1}. Dans son arrêt, elle se penche notamment sur l’exigence de transparence des clauses portant sur l’objet principal des contrats de prestation de services juridiques et sur les effets de la constatation du caractère abusif d’une clause fixant le prix de ces services.
Appréciation de la Cour
Tout d’abord, la Cour constate qu’une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix des services fournis selon le principe du tarif horaire relève de « l’objet principal du contrat » en vertu de la directive 93/13{2}.
Ensuite, en examinant si cette clause, qui ne comporte d’autres informations que le taux horaire pratiqué, répond à l’exigence de rédaction claire et compréhensible{3}, la Cour relève que, compte tenu de la nature des services qui font l’objet d’un contrat de prestation de services juridiques, il est souvent difficile, voire impossible, pour le professionnel de prévoir, dès la conclusion du contrat, le nombre exact d’heures nécessaires pour assurer l’exécution de ce contrat et, ainsi, le coût total effectif de ses services. Toutefois, même s’il ne peut pas être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’évènements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel, ce dernier est tenu de communiquer au consommateur, avant la conclusion du contrat, les informations qui lui permettent de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance de la possibilité que de tels évènements surviennent et des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques.
Ces informations, qui peuvent varier en fonction, d’une part, de l’objet et de la nature des prestations prévues et, d’autre part, des règles professionnelles et déontologiques applicables, doivent comporter des indications permettant au consommateur d’apprécier le coût total approximatif de ces services. Une estimation du nombre prévisible ou minimal d’heures de travail nécessaires ou un engagement d’envoyer, à intervalles raisonnables, des factures ou des rapports périodiques indiquant le nombre d’heures de travail accomplies pourraient constituer de telles indications. La Cour précise qu’il appartient au juge national d’évaluer, en tenant compte de ces considérations et de l’ensemble des éléments pertinents entourant la conclusion du contrat concerné, si le professionnel a communiqué au consommateur les informations précontractuelles appropriées.
Ainsi, la Cour conclut qu’une clause qui fixe le prix selon le principe du tarif horaire sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion du contrat, des informations qui lui permettent de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance des conséquences économiques qu’entraîne la conclusion de ce contrat ne répond pas à l’exigence de rédaction claire et compréhensible.
Par la suite, la Cour rappelle que l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu avec un consommateur repose, en principe, sur une évaluation globale qui ne tient pas uniquement compte de l’éventuel défaut de transparence de cette clause. Cependant, les États membres peuvent assurer un niveau de protection plus élevé aux consommateurs{4}.
Par conséquent, la Cour constate qu’une clause d’un contrat de prestation de services juridiques fixant, selon le principe du tarif horaire, le prix de ces services et relevant, dès lors, de l’objet principal de ce contrat, ne doit pas être réputée abusive{5} en raison du seul fait qu’elle ne répond pas à l’exigence de transparence, sauf si l’État membre dont le droit national s’applique au contrat en cause a expressément prévu, comme en l’espèce, que la qualification de « clause abusive » découle de ce seul fait.
Enfin, en ce qui concerne les conséquences de la constatation du caractère abusif d’une clause relative au prix, la Cour note que le juge national est obligé d’écarter l’application de cette clause, sauf si le consommateur s’y oppose.
Elle précise que, lorsque, en application des dispositions pertinentes de droit interne, un contrat de prestation de services juridiques ne peut pas subsister après la suppression de la clause abusive relative au prix et que ces services ont été fournis, la directive 93/13{6} ne s’oppose pas à l’invalidation de ce contrat ni à ce que le juge national rétablisse la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services.
En ce qui concerne les conséquences que l’annulation des contrats en cause au principal pourrait entraîner pour le consommateur, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, s’agissant d’un contrat du prêt, l’annulation d’un tel contrat dans son ensemble rendrait en principe immédiatement exigible le montant du prêt restant dû dans des proportions risquant d’excéder les capacités financières du consommateur et pourrait entraîner des conséquences particulièrement préjudiciables pour celui-ci{7}. Toutefois, le caractère particulièrement préjudiciable de l’annulation d’un contrat ne saurait être réduit uniquement aux conséquences de nature purement pécuniaire.
En effet, il n’est pas exclu que l’annulation d’un contrat portant sur la prestation de services juridiques qui ont déjà été fournis puisse mettre le consommateur dans une situation d’insécurité juridique, notamment dans l’hypothèse où le droit national permettrait au professionnel de réclamer une rémunération de ces services sur un fondement différent de celui du contrat annulé. En outre, l’invalidité du contrat pourrait éventuellement avoir une incidence sur la validité et l’efficacité des actes accomplis en vertu de celui-ci.
Dans ces conditions, la Cour constate que, dans l’hypothèse où l’invalidation du contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, la directive 93/13{8} ne s’oppose pas à ce que le juge national remédie à la nullité de la clause abusive en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties audit contrat. En revanche, cette directive s’oppose à ce que le juge national substitue à la clause abusive annulée une estimation judiciaire du niveau de la rémunération due pour lesdits services.
{1} Article 3, paragraphe 1, article 4, paragraphe 2, article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{2} Au sens de son article 4, paragraphe 2.
{3} Exigence visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.
{4} Conformément à l’article 8 de la directive 93/13.
{5} En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.
{6} Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.
{7} Voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2020:138, point 63 et jurisprudence citée).
{8} Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.
43. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause fixant un taux d'intérêt variable - Exigence de transparence - Portée - Critères d'appréciation - Professionnel exempté de l'obligation de fournir au consommateur l'information relative à l'évolution passée de l'indice de référence du crédit, en vertu des législation et jurisprudence nationales - Inclusion - Condition - Informations ayant permis au consommateur moyen de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de l'indice de référence et d'évaluer les conséquences économiques - Vérification incombant au juge national
Ordonnance du 28 février 2023, Caixabank (C-254/22) (cf. points 44, 45, 47-49, disp. 2)
44. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Clause fixant un taux d'intérêt variable - Législation et jurisprudence nationales établissant l'absence de bonne foi du professionnel comme condition nécessaire préalable à tout contrôle du contenu d'une clause non transparente - Inadmissibilité - Professionnel étant considéré comme ayant agi de bonne foi en fixant le taux d'intérêt d'un prêt hypothécaire par référence à un indice prévu par la loi - Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur - Vérification incombant à la juridiction nationale
Ordonnance du 28 février 2023, Caixabank (C-254/22) (cf. points 57-61, disp. 3)
45. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement d'une commission d'ouverture - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant d'un contrat - Absence d'un tel déséquilibre au regard de la jurisprudence nationale - Admissibilité - Condition
Voir texte de la décision.
46. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause d'un contrat d'assurance de groupe - Exigence de transparence - Portée - Critères d'appréciation - Niveau d'informations précontractuelles requis pour toutes les clauses du contrat
Voir texte de la décision.
47. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Clause d'exclusion de la couverture du risque assuré dans un contrat d'assurance - Clause ne répondant pas à l'exigence de transparence - Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur - Obligation du juge national d'écarter l'application de la clause
Voir texte de la décision.
48. Protection des consommateurs - Contrats conclus avec les consommateurs - Directive 2005/29 - Champ d'application ratione temporis - Contrats de prêt hypothécaire conclus antérieurement à l'expiration du délai de transposition de la directive - Exclusion
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
49. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause fixant un taux d'intérêt variable - Exigence de transparence - Portée - Critères d'appréciation - Clause désignant un indice de référence établi par une circulaire ayant fait l'objet d'une publication officielle - Majoration appliquée à cet indice - Teneur des informations contenues dans une autre circulaire faisant état de la nécessité d'appliquer à cet indice un différentiel négatif en vue d'aligner ledit taux d'intérêt sur le taux du marché - Accessibilité de ces informations à un consommateur moyen - Inclusion
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
50. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause abusive en raison des conditions d'exécution de certaines obligations du consommateur - Inclusion - Existence d'une autre clause prévoyant l'exécution des obligations dans des conditions différentes - Absence d'incidence
Voir texte de la décision.
51. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clauses d'un contrat de prêt, libellé en devise étrangère, prévoyant le versement du montant emprunté dans cette devise sur un compte bloqué et sa conversion postérieure en monnaie nationale ou de réserve avant de le créditer sur le compte courant de l'emprunteur - Inclusion - Conditions
52. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause relative à des coûts hors intérêts d'un contrat de prêt - Clause prévoyant le paiement par le consommateur de frais ou d'une commission manifestement disproportionnés par rapport au service fourni - Inclusion - Condition - Examen du caractère abusif de la clause n'étant pas exclu en vertu de l'article 4, paragraphe 2, de ladite directive
Voir texte de la décision.
Arrêt du 23 novembre 2023, Provident Polska (C-321/22) (cf. points 45-47, 49-59, disp. 1)
53. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de crédit à la consommation permettant au consommateur d'en reporter ou d'en rééchelonner les mensualités moyennant le paiement de coûts supplémentaires - Inclusion - Condition
Voir texte de la décision.
54. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle - Notion - Clauses contractuelles modifiées par le professionnel en vue d'une mise en conformité du contrat avec une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d'intérêt - Réglementation nationale établissant un cadre général et laissant une marge d'appréciation au professionnel - Inclusion - Jurisprudence nationale excluant le contrôle juridictionnel du caractère abusif de telles clauses - Inadmissibilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 30 mai 2024, Raiffeisen Bank (C-176/23) (cf. points 41-46, disp. 2)
55. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle - Notion - Clause d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère permettant à la banque de fixer unilatéralement le montant définitif du prêt - Inclusion - Conditions
Ordonnance du 30 mai 2024, Deutsche Bank Polska (C-325/23) (cf. points 38-40, disp. 1)
56. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause intégrée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère attribuant le risque de change au consommateur et l'avantage lié à l'écart de change à la banque - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat - Critères d'appréciation - Attribution à la banque de l'avantage lié à l'écart de change - Inclusion - Transfert au consommateur du risque de change - Absence d'incidence
Ordonnance du 30 mai 2024, Deutsche Bank Polska (C-325/23) (cf. points 69-77, disp. 3.)
57. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Action collective en cessation de l'utilisation de certaines clauses contractuelles, impliquant un nombre important de professionnels du même secteur économique - Clauses plancher insérées dans un nombre très élevé de contrats de prêt hypothécaire et utilisées pendant une très longue période de temps - Examen par le juge national du respect de l'exigence de transparence dans le cadre d'une telle action - Critères d'appréciation - Notion de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé - Portée - Prise en compte de l'évolution de la perception de ce consommateur
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), la Cour précise la portée de la notion de « consommateur moyen » et identifie les critères applicables à l’examen du caractère transparent d’une clause contractuelle au regard de la directive 93/13{1}, dans le contexte d’une action collective en cessation de l’utilisation d’une clause dite « plancher »{2}, dirigée contre un nombre important de professionnels du même secteur économique ayant utilisé cette clause pendant une très longue période.
En novembre 2010, une association espagnole des usagers des banques, des caisses d’épargne et des compagnies d’assurance{3} a saisi le Juzgado de lo Mercantil no 11 de Madrid (tribunal de commerce no 11 de Madrid, Espagne) d’une action collective finalement dirigée contre plus d’une centaine de ces établissements de crédit, visant la cessation de l’utilisation de la clause plancher figurant dans les conditions générales des contrats de prêt hypothécaire utilisées par ces établissements ainsi que la restitution des sommes payées sur le fondement de cette clause par les consommateurs concernés. Cette juridiction a fait droit à cette action pour la quasi-totalité des établissements de crédit concernés, en constatant la nullité de la clause plancher et en ordonnant la cessation de son utilisation ainsi que le remboursement, par ces établissements, des sommes indûment perçues en vertu de son application{4}.
Les appels introduits par ces établissements de crédit ont été rejetés dans leur quasi-totalité par l’Audiencia Provincial de Madrid (cour provinciale de Madrid, Espagne). Les établissements de crédit déboutés en appel ont introduit des pourvois en cassation devant la juridiction de renvoi qui s’interroge au sujet de deux problématiques juridiques. La première porte sur la question de savoir si une action collective constitue la voie procédurale appropriée pour l’examen du caractère transparent de clauses plancher, tandis que la seconde vise la difficulté d’appliquer la notion de « consommateur moyen » dans le contexte de l’affaire au principal au vu du fait que ces clauses s’adressent à différentes catégories de consommateurs et qu’elles étaient utilisées pendant une très longue période au cours de laquelle le degré de connaissance de celles-ci a évolué.
Appréciation de la Cour
La Cour examine, en premier lieu, la possibilité pour une juridiction nationale de procéder au contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle dans le cadre d’une action collective dirigée contre de nombreux professionnels, qui relèvent du même secteur économique, et visant un nombre très élevé de contrats.
Dans ce contexte, elle relève d’emblée que, parallèlement au droit subjectif d’un consommateur de saisir un juge pour qu’il soit procédé à l’examen du caractère abusif des clauses d’un contrat auquel ce consommateur est partie par le biais d’une action individuelle, la directive 93/13{5} permet aux États membres d’instaurer un contrôle de telles clauses figurant dans des contrats types, moyennant des actions collectives en cessation, intentées dans l’intérêt public par des associations de protection des consommateurs. Ces actions ayant des objets et des effets juridiques différents, la prise en compte de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat lors de l’appréciation d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle, caractéristique d’une action individuelle, ne doit pas faire obstacle à l’exercice d’une action collective. En outre, en ce qui concerne la relation entre les actions individuelles et les actions collectives, s’il appartient à chaque ordre juridique interne d’établir les règles régissant cette relation, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, ces règles ne sauraient porter atteinte à la possibilité offerte aux consommateurs dans la directive 93/13 de choisir de faire valoir leurs droits soit au moyen d’une action individuelle, soit au moyen d’une action collective.
Ainsi, la Cour indique, premièrement, que la portée de l’obligation de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles incombant aux professionnels ne dépend pas du type d’action, individuelle ou collective, par laquelle un consommateur ou une organisation ayant un intérêt légitime à protéger celui-ci tendent à faire valoir les droits reconnus par la directive 93/13. En ce sens, elle précise que sa jurisprudence au sujet de la portée de l’exigence de transparence des clauses contractuelles, issue d’actions individuelles, est transposable aux actions collectives. Pour ces raisons, le contrôle juridictionnel du caractère transparent des clauses contractuelles ne saurait être limité aux seules clauses faisant l’objet d’actions individuelles. En effet, aucune disposition de la directive 93/13 ne permet de considérer que ce contrôle serait exclu en ce qui concerne les clauses faisant l’objet d’actions collectives, à condition que, lorsqu’elle est intentée contre plusieurs professionnels, une telle action soit dirigée contre des professionnels d’un même secteur économique, qui utilisent ou recommandent l’utilisation des mêmes clauses contractuelles générales ou de clauses similaires{6}.
Deuxièmement, la Cour observe que, par sa nature, l’examen du caractère transparent d’une clause contractuelle, opéré par le juge national dans le cadre d’une action collective, ne saurait viser des circonstances propres à des situations individuelles, mais porterait sur des pratiques standardisées de professionnels. Ainsi, dans le cadre de l’appréciation du caractère transparent d’une clause plancher, il appartient à ce juge d’examiner, en fonction de la nature des biens ou des services qui font l’objet des contrats concernés, si le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est en mesure, au moment de la conclusion du contrat, de comprendre le fonctionnement de cette clause et d’évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de celle-ci. À cette fin, ce juge doit tenir compte de l’ensemble des pratiques contractuelles et précontractuelles standard suivies par chaque professionnel concerné ainsi que de toutes autres circonstances que ledit juge considérerait pertinentes afin d’exercer son contrôle en ce qui concerne chacun des défendeurs.
Troisièmement, la Cour souligne que la complexité d’une affaire, en raison du nombre très élevé des défendeurs et des multiples formulations des clauses concernées ne constitue pas un critère pertinent afin d’apprécier l’obligation qui revient au juge national d’examiner le caractère transparent de clauses contractuelles dans le cadre d’une action collective, sous réserve que les conditions prévues par l’article 7, paragraphe 3, de la directive 93/13 soient remplies. Partant, la directive 93/13{7} permet à une juridiction nationale de procéder au contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle dans le cadre d’une action collective dirigée contre de nombreux professionnels du même secteur économique et visant un nombre très élevé de contrats, pour autant que ces contrats contiennent la même clause ou des clauses similaires.
En second lieu, la Cour précise la notion de « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », dans le contexte de l’examen du caractère transparent d’une clause contractuelle faisant partie des contrats s’adressant à des catégories spécifiques de consommateurs et ayant été utilisée pendant une très longue période au cours de laquelle le degré de connaissance de celle-ci a évolué.
Ainsi, elle relève que, de manière analogue à la notion générique de « consommateur »{8}, qui a un caractère objectif et est indépendante des connaissances et des informations concrètes dont la personne concernée dispose réellement, l’utilisation d’un critère de référence abstrait, tel que celui du « consommateur moyen », pour le contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle permet de ne pas faire dépendre ce contrôle de la réunion d’un ensemble complexe de facteurs subjectifs qu’il est difficile, voire impossible, d’établir. En effet, dès lors que, dans le cadre d’une action individuelle, les connaissances spécifiques qu’un consommateur est censé posséder ne sont pas de nature à justifier un quelconque écart par rapport au niveau de connaissances du consommateur moyen, les caractéristiques individuelles de différentes catégories de consommateurs ne sauraient, à plus forte raison, être prises en considération dans le cadre d’une action collective. Selon la Cour, c’est précisément l’hétérogénéité du public concerné, visant en l’espèce différentes catégories de consommateurs difficiles à regrouper, qui rend nécessaire le recours à la fiction juridique du consommateur moyen. Celle-ci consiste à appréhender ce dernier comme étant une seule et même entité abstraite dont la perception globale est pertinente aux fins de son examen.
Partant, dans le cadre de son analyse du caractère transparent des clauses plancher au moment de la conclusion des contrats de prêt hypothécaire concernés, il appartiendra à la juridiction de renvoi de se fonder sur la perception du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et cela indépendamment des différences qui existent entre chaque consommateur individuel auquel s’adressent les contrats en cause, notamment en ce qui concerne le degré de connaissance de la clause plancher, le niveau de revenus, l’âge ou l’activité professionnelle. La circonstance que ces contrats s’adressent à des catégories spécifiques de consommateurs n’est pas de nature à conduire à une conclusion différente.
Toutefois, il ne saurait être a priori exclu que, en raison de l’intervention d’un événement objectif ou d’un fait notoire, tels qu’une modification de la réglementation applicable ou une évolution jurisprudentielle largement diffusée et débattue, la juridiction de renvoi estime que la perception globale du consommateur moyen concernant la clause plancher a été, durant la période de référence, modifiée et a permis à ce dernier de prendre conscience des conséquences économiques, potentiellement significatives, entraînées par cette clause. Dans un tel cas de figure, la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce qu’il soit tenu compte de l’évolution, durant cette période, de la perception du consommateur moyen, le niveau d’information et d’attention de celui ci pouvant ainsi dépendre du moment de la conclusion des contrats de prêt hypothécaire.
{1} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
{2} Cette clause était utilisée par les établissements de crédit et prévoyait un taux minimal en deçà duquel le taux d’intérêt variable ne pouvait diminuer (ci-après la « clause plancher »).
{3} L’Asociación de Usuarios de Bancos, Cajas de Ahorros y Seguros de España (Adicae).
{4} Le remboursement concernait les sommes indûment perçues à partir du 9 mai 2013, date de la publication de l’arrêt no 214/2013 de la Cour suprême par lequel celle-ci a décidé que la constatation de la nullité d’une clause plancher produisait des effets ex nunc.
{5} Et, plus particulièrement, le mécanisme prévu à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 93/13.
{6} Conditions prévues à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 93/13.
{7} Et, notamment, son article 4, paragraphe 1, et son article 7, paragraphe 3.
{8} Telle que prévue à l’article 2, sous b), de la directive 93/13.
58. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause prévoyant un taux d'intérêt variable et sa révision périodique sur la base d'un indice de référence officiel - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères
Voir texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank (C-300/23) (cf. points 111-116, disp. 2)
59. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause prévoyant un taux d'intérêt variable et sa révision périodique sur la base d'un indice de référence officiel - Indice établi sur la base des taux annuels effectifs globaux comportant des éléments découlant de clauses potentiellement abusives - Modalités de détermination de la valeur de cet indice dépourvues d'influence sur la nature du taux d'intérêt du contrat concerné - Exclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank (C-300/23) (cf. points 122-124, disp. 3)
60. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause prévoyant un taux d'intérêt variable et sa révision périodique sur la base d'un indice de référence officiel - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Bonne foi du professionnel - Absence de présomption de bonne foi découlant du seul recours par celui-ci à un indice officiel établi par une autorité administrative et utilisé par les administrations publiques
Voir texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank (C-300/23) (cf. points 126-133, disp. 4)
61. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause prévoyant un taux d'intérêt variable et sa révision périodique sur la base d'un indice de référence officiel - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant d'un contrat - Comparaison du mode de calcul du taux d'intérêt contractuel avec les modes de calcul des taux d'intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du contrat - Prise en compte d'autres aspects du mode de calcul du taux d'intérêt contractuel ou de l'indice de référence
Voir texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank (C-300/23) (cf. points 135, 137-140, disp. 5)
62. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause prévoyant un taux d'intérêt variable et sa révision périodique sur la base d'un indice officiel - Indice de référence fondé sur les taux annuels effectifs globaux des prêts hypothécaires accordés par les caisses d'épargne - Indice officiel établi et défini par un acte administratif - Publication au journal officiel d'un État membre de cet acte et des valeurs antérieures de cet indice - Exigence de transparence - Portée - Absence d'obligation du professionnel d'informer le consommateur sur la définition de cet indice et de son évolution antérieure - Admissibilité - Condition - Accessibilité des informations publiées au consommateur moyen en raison des indications fournies par le professionnel - Obligation d'information du professionnel en l'absence de telles indications - Portée
Voir texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank (C-300/23) (cf. points 77-94, disp. 1)
63. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de crédit imposant au consommateur la conclusion d'un contrat de cautionnement avec une caution choisie par le prêteur sans avoir connaissance de l'identité de la caution ou du contenu des clauses du contrat de cautionnement - Exclusion - Vérification incombant à la juridiction nationale
Voir texte de la décision.
64. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Procédure d'injonction de payer - Consommateur ne participant pas à la procédure jusqu'à la délivrance de l'injonction de payer - Absence de faculté pour le juge national d'écarter d'office l'application d'une clause en raison d'un doute quant à son caractère abusif - Appréciation du caractère abusif - Critères
Voir texte de la décision.
65. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant d'un contrat - Notion - Clause contractuelle prévoyant le paiement par un jeune sportif à un professionnel d'une rémunération égale à 10 % des revenus des quinze années suivant la conclusion d'un contrat pour la fourniture de services de soutien au développement sportif et à la carrière - Clause n'établissant pas de lien entre la valeur de la prestation fournie et son coût pour le consommateur - Exclusion
Saisie à titre préjudiciel par l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), la Cour précise la portée de la notion de « consommateur » et définit les critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, au sens de la directive 93/13{1}, dans le contexte d’un contrat de services de développement sportif et d’aide à la carrière conclu entre un professionnel et un joueur « espoir » mineur, représenté par ses parents, lui imposant le paiement d’une rémunération égale à 10 % des revenus nets perçus au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat.
A est une société qui propose aux sportifs des services de soutien au développement de leurs capacités professionnelles et à leur carrière. Le 14 janvier 2009, C, un enfant mineur alors âgé de 17 ans, représenté par D et E, ses parents, a conclu avec A un contrat de services de soutien au développement sportif et à la carrière dans le domaine du basket-ball pour une durée de quinze ans. En vertu de ce contrat, conclu alors que C n’avait pas encore la qualité de sportif professionnel, ce dernier s’engageait à verser à A une rémunération égale à 10 % de tous les revenus nets qu’il percevrait pendant la durée du contrat, majorés de la taxe sur la valeur ajoutée applicable en Lettonie, à condition que le montant de ces revenus soit au moins égal à 1 500 euros par mois.
Le 29 juin 2020, A, estimant que la rémunération prévue par le contrat pour les services rendus à C n’avait pas été versée, a saisi les juridictions lettones d’un recours tendant à ce que C et ses parents soient condamnés à lui payer la somme de 1 663 777,99 euros, correspondant à 10 % du montant des revenus de C provenant de contrats conclus avec des clubs sportifs.
La juridiction de première instance et la juridiction d’appel ont toutes deux rejeté la demande de A, au motif que le contrat n’était pas conforme aux dispositions nationales relatives à la protection des droits des consommateurs. Ces juridictions ont notamment considéré que la clause imposant à C le paiement d’une rémunération égale à 10 % de ses revenus pendant toute la durée du contrat était abusive.
Un pourvoi en cassation a été formé par A devant la juridiction de renvoi. Cette juridiction nourrit des doutes quant au fait de savoir si la directive 93/13 est applicable au domaine du sport. Elle se demande également si la clause en cause au principal peut être considérée comme étant rédigée de manière claire et compréhensible et si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au sens de cette directive{2}.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour note que la directive 93/13 est une directive générale de protection des consommateurs, qui a vocation à s’appliquer dans tous les secteurs d’activité économique. Cette directive définit les contrats auxquels elle s’applique par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle. Ainsi, un contrat de services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif conclu entre un professionnel exerçant une activité dans le domaine du développement des sportifs et un mineur « espoir », représenté par ses parents, qui, lors de la conclusion de ce contrat, ne pratiquait pas l’activité sportive concernée à titre professionnel et, partant, avait la qualité de « consommateur », relève du champ d’application de la directive 93/13{3}. Cette qualité doit s’apprécier au moment de la conclusion d’un contrat. Ainsi, un mineur ayant conclu un tel contrat, conserve cette qualité, indépendamment d’une évolution de sa carrière vers celle de sportif professionnel en cours d’exécution du contrat, du fait qu’il soit considéré comme un joueur « espoir » dans la discipline sportive dans laquelle il est devenu joueur professionnel ou du fait qu’il ait pu disposer d’informations potentiellement importantes dans cette discipline.
En deuxième lieu, la Cour souligne qu’une clause prévoyant le paiement par un jeune sportif d’une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat pour la fourniture de services de soutien au développement et à la carrière dans un certain sport, mentionnés dans le contrat, est pertinente aux fins de la détermination tant de l’objet principal du contrat que de l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part. Il s’ensuit qu’une telle clause relève du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et qu’une juridiction nationale ne peut, en principe, apprécier son caractère abusif que si elle parvient à la conclusion que celle-ci n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible. Toutefois, dans la mesure où cette directive prévoit expressément la possibilité d’adopter ou de maintenir des dispositions plus strictes dans le domaine qu’elle régit{4}, elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une telle clause même lorsque celle-ci est rédigée de façon claire et compréhensible.
En troisième lieu, la Cour estime qu’une clause d’un contrat se limitant à prévoir le paiement par un jeune sportif d’une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion du contrat, l’ensemble des informations nécessaires lui permettant d’évaluer les conséquences économiques de son engagement, n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible. En effet, une telle clause ne peut, en elle-même, être considérée comme étant de nature à permettre à l’intéressé d’évaluer quelles pourraient être les éventuelles conséquences économiques à son égard que si elle décrit de manière précise les revenus concernés. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, d’une part, si les indications fournies dans le contrat en cause concernant ces revenus répondent à un tel degré de précision et, d’autre part, si, à la date de conclusion de ce contrat, l’intéressé disposait, s’agissant tant de la nature des services fournis par le professionnel que de l’assiette de calcul du montant de la rémunération à payer en contrepartie, de l’ensemble des informations nécessaires lui permettant d’évaluer les conséquences économiques de son engagement.
En quatrième lieu, la Cour rappelle que, dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, il appartient au juge national d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur. La Cour précise qu’un tel déséquilibre n’est pas créé par une clause d’un contrat qui prévoit le paiement par un jeune sportif d’une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, du seul fait que cette clause n’établit pas de lien entre la valeur de la prestation fournie et son coût pour le consommateur. En effet, l’existence d’un tel déséquilibre doit être appréciée au regard notamment des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties, des pratiques de marché loyales et équitables à la date de conclusion du contrat en matière de rémunération dans le domaine sportif concerné ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de ce contrat de même que de toutes les autres clauses de celui-ci ou d’un autre contrat dont il dépend.
En cinquième lieu, la Cour dit pour droit que la directive 93/13 s’oppose à ce qu’une juridiction nationale ayant constaté le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur{5} réduise le montant dû par le consommateur à hauteur des frais effectivement supportés par le prestataire dans le cadre de l’exécution de ce contrat. En effet, une telle faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser ces clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national.
En dernier lieu, la Cour estime que, dans le cas où une clause d’un contrat prévoit que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un consommateur s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat, la circonstance que le consommateur était mineur lors de la conclusion de ce contrat et que celui-ci a été conclu par les parents du mineur en son nom est pertinente aux fins de l’appréciation du caractère abusif d’une telle clause. À cet égard, la juridiction de renvoi est tenue, lorsqu’elle applique la directive 93/13, de respecter les droits fondamentaux consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, parmi lesquels figurent le droit de propriété et les droits de l’enfant{6}. Plus particulièrement, cette juridiction doit prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, sans toutefois que cela puisse l’empêcher de prendre également en compte la circonstance que les parents de C avaient eux-mêmes une connaissance du milieu sportif professionnel ou le fait que C était âgé de 17 ans à la date à laquelle ce contrat a été conclu.
{1} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011 (JO 2011, L 304, p. 64).
{2} Articles 3 et 5 de la directive 93/13.
{3} Article 2, sous b), de la directive 93/13.
{4} Article 8 de la directive 93/13.
{5} Au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.
{6} Articles 17 et 24 de la charte des droits fondamentaux.
Arrêt du 20 mars 2025, Arce (C-365/23) (cf. points 77-87, disp. 4)
66. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause contractuelle prévoyant le paiement par un jeune sportif à un professionnel d'une rémunération égale à 10 % des revenus des quinze années suivant la conclusion d'un contrat pour la fourniture de services de soutien au développement sportif et à la carrière - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Contrat conclu par les parents du jeune sportif en son nom - Jeune sportif mineur lors de la conclusion du contrat
Saisie à titre préjudiciel par l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), la Cour précise la portée de la notion de « consommateur » et définit les critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, au sens de la directive 93/13{1}, dans le contexte d’un contrat de services de développement sportif et d’aide à la carrière conclu entre un professionnel et un joueur « espoir » mineur, représenté par ses parents, lui imposant le paiement d’une rémunération égale à 10 % des revenus nets perçus au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat.
A est une société qui propose aux sportifs des services de soutien au développement de leurs capacités professionnelles et à leur carrière. Le 14 janvier 2009, C, un enfant mineur alors âgé de 17 ans, représenté par D et E, ses parents, a conclu avec A un contrat de services de soutien au développement sportif et à la carrière dans le domaine du basket-ball pour une durée de quinze ans. En vertu de ce contrat, conclu alors que C n’avait pas encore la qualité de sportif professionnel, ce dernier s’engageait à verser à A une rémunération égale à 10 % de tous les revenus nets qu’il percevrait pendant la durée du contrat, majorés de la taxe sur la valeur ajoutée applicable en Lettonie, à condition que le montant de ces revenus soit au moins égal à 1 500 euros par mois.
Le 29 juin 2020, A, estimant que la rémunération prévue par le contrat pour les services rendus à C n’avait pas été versée, a saisi les juridictions lettones d’un recours tendant à ce que C et ses parents soient condamnés à lui payer la somme de 1 663 777,99 euros, correspondant à 10 % du montant des revenus de C provenant de contrats conclus avec des clubs sportifs.
La juridiction de première instance et la juridiction d’appel ont toutes deux rejeté la demande de A, au motif que le contrat n’était pas conforme aux dispositions nationales relatives à la protection des droits des consommateurs. Ces juridictions ont notamment considéré que la clause imposant à C le paiement d’une rémunération égale à 10 % de ses revenus pendant toute la durée du contrat était abusive.
Un pourvoi en cassation a été formé par A devant la juridiction de renvoi. Cette juridiction nourrit des doutes quant au fait de savoir si la directive 93/13 est applicable au domaine du sport. Elle se demande également si la clause en cause au principal peut être considérée comme étant rédigée de manière claire et compréhensible et si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au sens de cette directive{2}.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour note que la directive 93/13 est une directive générale de protection des consommateurs, qui a vocation à s’appliquer dans tous les secteurs d’activité économique. Cette directive définit les contrats auxquels elle s’applique par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle. Ainsi, un contrat de services de soutien au développement et à la carrière d’un sportif conclu entre un professionnel exerçant une activité dans le domaine du développement des sportifs et un mineur « espoir », représenté par ses parents, qui, lors de la conclusion de ce contrat, ne pratiquait pas l’activité sportive concernée à titre professionnel et, partant, avait la qualité de « consommateur », relève du champ d’application de la directive 93/13{3}. Cette qualité doit s’apprécier au moment de la conclusion d’un contrat. Ainsi, un mineur ayant conclu un tel contrat, conserve cette qualité, indépendamment d’une évolution de sa carrière vers celle de sportif professionnel en cours d’exécution du contrat, du fait qu’il soit considéré comme un joueur « espoir » dans la discipline sportive dans laquelle il est devenu joueur professionnel ou du fait qu’il ait pu disposer d’informations potentiellement importantes dans cette discipline.
En deuxième lieu, la Cour souligne qu’une clause prévoyant le paiement par un jeune sportif d’une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat pour la fourniture de services de soutien au développement et à la carrière dans un certain sport, mentionnés dans le contrat, est pertinente aux fins de la détermination tant de l’objet principal du contrat que de l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part. Il s’ensuit qu’une telle clause relève du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et qu’une juridiction nationale ne peut, en principe, apprécier son caractère abusif que si elle parvient à la conclusion que celle-ci n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible. Toutefois, dans la mesure où cette directive prévoit expressément la possibilité d’adopter ou de maintenir des dispositions plus strictes dans le domaine qu’elle régit{4}, elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une telle clause même lorsque celle-ci est rédigée de façon claire et compréhensible.
En troisième lieu, la Cour estime qu’une clause d’un contrat se limitant à prévoir le paiement par un jeune sportif d’une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion du contrat, l’ensemble des informations nécessaires lui permettant d’évaluer les conséquences économiques de son engagement, n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible. En effet, une telle clause ne peut, en elle-même, être considérée comme étant de nature à permettre à l’intéressé d’évaluer quelles pourraient être les éventuelles conséquences économiques à son égard que si elle décrit de manière précise les revenus concernés. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, d’une part, si les indications fournies dans le contrat en cause concernant ces revenus répondent à un tel degré de précision et, d’autre part, si, à la date de conclusion de ce contrat, l’intéressé disposait, s’agissant tant de la nature des services fournis par le professionnel que de l’assiette de calcul du montant de la rémunération à payer en contrepartie, de l’ensemble des informations nécessaires lui permettant d’évaluer les conséquences économiques de son engagement.
En quatrième lieu, la Cour rappelle que, dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, il appartient au juge national d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur. La Cour précise qu’un tel déséquilibre n’est pas créé par une clause d’un contrat qui prévoit le paiement par un jeune sportif d’une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, du seul fait que cette clause n’établit pas de lien entre la valeur de la prestation fournie et son coût pour le consommateur. En effet, l’existence d’un tel déséquilibre doit être appréciée au regard notamment des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties, des pratiques de marché loyales et équitables à la date de conclusion du contrat en matière de rémunération dans le domaine sportif concerné ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de ce contrat de même que de toutes les autres clauses de celui-ci ou d’un autre contrat dont il dépend.
En cinquième lieu, la Cour dit pour droit que la directive 93/13 s’oppose à ce qu’une juridiction nationale ayant constaté le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur{5} réduise le montant dû par le consommateur à hauteur des frais effectivement supportés par le prestataire dans le cadre de l’exécution de ce contrat. En effet, une telle faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser ces clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national.
En dernier lieu, la Cour estime que, dans le cas où une clause d’un contrat prévoit que, en contrepartie d’une prestation de services de soutien au développement sportif et à la carrière, un consommateur s’engage à payer une rémunération égale à 10 % des revenus qu’il percevra au cours des quinze années suivant la conclusion de ce contrat, la circonstance que le consommateur était mineur lors de la conclusion de ce contrat et que celui-ci a été conclu par les parents du mineur en son nom est pertinente aux fins de l’appréciation du caractère abusif d’une telle clause. À cet égard, la juridiction de renvoi est tenue, lorsqu’elle applique la directive 93/13, de respecter les droits fondamentaux consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, parmi lesquels figurent le droit de propriété et les droits de l’enfant{6}. Plus particulièrement, cette juridiction doit prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, sans toutefois que cela puisse l’empêcher de prendre également en compte la circonstance que les parents de C avaient eux-mêmes une connaissance du milieu sportif professionnel ou le fait que C était âgé de 17 ans à la date à laquelle ce contrat a été conclu.
{1} Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011 (JO 2011, L 304, p. 64).
{2} Articles 3 et 5 de la directive 93/13.
{3} Article 2, sous b), de la directive 93/13.
{4} Article 8 de la directive 93/13.
{5} Au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.
{6} Articles 17 et 24 de la charte des droits fondamentaux.
Arrêt du 20 mars 2025, Arce (C-365/23) (cf. points 98-104, disp.6)
67. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement d'une commission d'ouverture sans inclure une description détaillée de la nature des services et indiquant un tarif horaire - Exigence de transparence - Banque ne fournissant pas de factures détaillées - Jurisprudence nationale considérant une telle clause comme compatible avec cette exigence - Admissibilité - Condition - Consommateur mis en mesure d'évaluer les conséquences économiques, de comprendre la nature des services fournis et de vérifier l'absence de chevauchement entre les différents frais ou services
Voir texte de la décision.
Arrêt du 30 avril 2025, Caja Rural de Navarra (C-699/23) (cf. points 33-44, disp. 1)
68. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement d'une commission d'ouverture - Exigence de transparence - Prix des services exprimé sous la forme d'un pourcentage appliqué au montant du prêt accordé - Admissibilité - Conditions - Consommateur mis en mesure d'évaluer les conséquences économiques, de comprendre la nature des services fournis et de vérifier l'absence de chevauchement entre les différents frais ou services - Absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
Voir texte de la décision.
Arrêt du 30 avril 2025, Caja Rural de Navarra (C-699/23) (cf. points 47-57, disp. 2)
69. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement d'une commission d'ouverture - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties - Absence d'obligation pour le professionnel de détailler la nature des services ou leur coût - Admissibilité - Condition - Contrôle effectif de l'existence du déséquilibre par le juge national
Voir texte de la décision.
Arrêt du 30 avril 2025, Caja Rural de Navarra (C-699/23) (cf. points 59-67, disp. 3)
70. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement d'une commission d'ouverture sans inclure une description détaillée de la nature des services ni une indication du temps consacré à leur réalisation - Exigence de transparence - Jurisprudence nationale considérant une telle clause comme compatible avec cette exigence - Admissibilité - Condition - Consommateur mis en mesure d'évaluer les conséquences économiques, de comprendre la nature des services fournis et de vérifier l'absence de chevauchement entre les différents frais ou services
Voir texte de la décision.
Arrêt du 30 avril 2025, Justa (C-39/24) (cf. points 37-47 et disp.)
71. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de prêt personnel - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Clause prévoyant la possibilité pour le consommateur d'éviter l'exigibilité anticipée du prêt ou de remédier aux effets de celle-ci - Obligation de prévoir cette possibilité en droit national - Absence
Voir texte de la décision.
72. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de prêt personnel - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur d'éviter l'exigibilité anticipée du prêt ou de remédier aux effets de celles-ci - Vérification incombant à la juridiction nationale
Voir texte de la décision.
73. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Notion - Clause d'un contrat de fourniture d'électricité imposant de manière automatique une pénalité forfaitaire en cas de défaut de paiement - Calcul du montant de cette pénalité - Absence de prise en compte de la perte économique effective subie par le fournisseur - Inclusion - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Exigence de transparence - Portée
Voir texte de la décision.
Arrêt du 5 juin 2025, innogy Energie (C-749/23) (cf. points 32-50, 52-56 et disp.)
74. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement de frais de dossier sans indiquer le contenu des services fournis en contrepartie de ces frais - Exigence de transparence - Jurisprudence nationale considérant une telle clause comme compatible avec cette exigence en raison du caractère suffisant de la dénomination de ces frais et de l'indication de leur montant précis - Inadmissibilité
Arrêt du 5 juin 2025, Malicník (C-280/24) (cf. points 32-41, disp. 1)
75. Protection des consommateurs - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Directive 93/13 - Clause abusive au sens de l'article 3 - Clause imposant au consommateur le paiement de frais de dossier - Appréciation du caractère abusif par le juge national - Critères - Services ou dépenses effectives relevant des prestations effectuées par le prêteur lors de la conclusion du contrat et nécessaires à celle-ci - Clause mettant à la charge du consommateur les frais liés à l'activité économique du prêteur - Admissibilité - Condition - Proportionnalité
Arrêt du 5 juin 2025, Malicník (C-280/24) (cf. points 43-52, disp. 2)