1. Rapprochement des législations - Voyages, vacances et circuits à forfait - Directive 90/314 - Protection contre le risque d'insolvabilité ou de faillite de l'organisateur - Portée - Insolvabilité due au comportement frauduleux de l'organisateur - Inclusion
L'article 7 de la directive 90/314, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, doit être interprété en ce sens que relève de son champ d'application une situation dans laquelle l'insolvabilité de l'organisateur du voyage est due au comportement frauduleux de celui-ci.
Arrêt du 16 février 2012, Blödel-Pawlik (C-134/11) (cf. point 25 et disp.)
2. Rapprochement des législations - Voyages, vacances et circuits à forfait - Directive 90/314 - Article 7 - Réglementation nationale ne garantissant pas effectivement le remboursement de tous les fonds déposés et le rapatriement en cas d'insolvabilité de l'organisateur de voyages - Inadmissibilité
L’article 7 de la directive 90/314, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale dont les modalités n’ont pas pour résultat de garantir effectivement au consommateur le remboursement de tous les fonds qu’il a déposés et son rapatriement en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages. Il appartient au juge de renvoi d’établir si tel est le cas de la législation nationale en cause dans le litige dont il est saisi.
À cet égard, il n’existe ni dans les considérants de ladite directive, ni dans le libellé de l'article 7 d’indication en vertu de laquelle la garantie prévue audit article pourrait être limitée.
Ordonnance du 16 janvier 2014, Baradics e.a. (C-430/13) (cf. points 37, 41, disp. 1)
3. Rapprochement des législations - Voyages, vacances et circuits à forfait - Directive 90/314 - Protection contre le risque d'insolvabilité ou de faillite de l'organisateur - Mise en œuvre - Pouvoirs des États membres - Limites
L’article 7 de la directive 90/314, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, doit être interprété en ce sens qu’un État membre ne dispose d’aucune marge d’appréciation quant à l’étendue des risques qui doivent être couverts par la garantie due par l’organisateur ou le détaillant de voyages aux consommateurs. Il appartient au juge de renvoi de vérifier si les critères établis par l’État membre concerné pour la fixation du montant de ladite garantie ont pour objet ou pour effet de limiter l’étendue des risques que doit couvrir cette dernière, cas dans lequel ils seraient manifestement incompatibles avec les obligations découlant de ladite directive et constitueraient une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union qui, sous réserve de la constatation de l’existence d’un lien de causalité direct, pourrait engager la responsabilité de l’État membre concerné.
À cet égard, une réglementation nationale ne transpose correctement les obligations de l’article 7 de ladite directive que si, quelles que soient ses modalités, elle a pour résultat de garantir effectivement au consommateur le remboursement de tous les fonds qu’il a déposés et son rapatriement en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages.
Ordonnance du 16 janvier 2014, Baradics e.a. (C-430/13) (cf. points 44, 47, disp. 2)
4. Transports - Transports aériens - Règlement nº 261/2004 - Indemnisation et assistance des passagers - Remboursement du prix du billet en cas d'annulation d'un vol - Droit au remboursement par le transporteur aérien - Portée - Voyages à forfait - Inclusion - Limites - Cumul avec l'existence d'un droit au remboursement par l'organisateur de voyages au titre de la directive 90/314 - Exclusion - Faillite de l'organisateur de voyages - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 juillet 2019, Aegean Airlines (C-163/18) (cf. points 31-37, 41-43 et disp.)
5. Transports - Transports aériens - Règlement nº 261/2004 - Indemnisation et assistance des passagers - Retard important d'un vol - Recours en indemnisation introduit contre le transporteur aérien effectif - Transporteur aérien effectif n'ayant pas conclu de contrat avec le passager - Absence d'incidence - Vol faisant partie d'un voyage à forfait au sens de la directive 90/314 - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia (C-215/18) (cf. points 26-38, disp. 1)
6. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 44/2001 - Compétences spéciales - Compétence en matière contractuelle - Champ d'application - Recours en indemnisation introduit par un passager contre le transporteur aérien effectif - Absence de contrat entre ces parties - Vol prévu par un contrat de voyage à forfait - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia (C-215/18) (cf. points 46-52, disp. 2)
7. Rapprochement des législations - Voyages, vacances et circuits à forfait - Directive 90/314 - Contrat portant sur un voyage à forfait conclu entre un organisateur de voyages et un consommateur - Responsabilité de l'organisateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat par d'autres prestataires de services - Causes d'exonération - Inexécution ou mauvaise exécution de ces obligations dues à un événement imprévisible ou insurmontable pour l'organisateur ou le prestataire de services - Notion de "prestataire de services" - Employé d'un prestataire de services - Exclusion
La requérante, X, et son époux ont conclu avec Kuoni Travel Ltd (ci-après « Kuoni »), un organisateur de voyages établi au Royaume-Uni, un contrat de voyage à forfait. Lors de son séjour, X a rencontré N, un employé de l’hôtel qui, sous le prétexte de vouloir l’accompagner à la réception, l’a violée et agressée.
X a réclamé des dommages-intérêts à Kuoni pour le viol et les agressions subis, au motif qu’ils correspondaient à une mauvaise exécution du contrat de voyage ainsi qu’à une violation du règlement de 1992{1}. Kuoni a contesté ces allégations en invoquant une clause de ce contrat visant les conditions de l’engagement de sa responsabilité pour la bonne exécution de ses obligations contractuelles{2} ainsi qu’une disposition du règlement de 1992 concernant son exonération de responsabilité lorsque l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat sont dues à un événement imprévisible ou insurmontable pour lui ou pour un autre prestataire de services{3}.
À la suite d’un pourvoi, introduit à l’encontre du rejet de la demande de dédommagement présentée par X, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume Uni) a saisi la Cour de questions préjudicielles portant sur la portée de l’article 5, paragraphe 2, troisième tiret, de la directive 90/314, en ce qu’il prévoit une cause d’exonération de la responsabilité de l’organisateur d’un voyage à forfait de la bonne exécution des obligations résultant d’un contrat portant sur un tel voyage, conclu entre cet organisateur et un consommateur et régi par cette directive. En réponse à ces questions, la Cour a jugé que cette disposition doit être interprétée en ce sens que, en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution de ces obligations résultant des actes d’un employé d’un prestataire de services exécutant ledit contrat, cet employé ne peut pas être considéré comme étant un prestataire de services aux fins de l’application de cette disposition et que l’organisateur ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité résultant d’une telle inexécution ou mauvaise exécution, en application de ladite disposition.
Appréciation de la Cour
La Cour rappelle, tout d’abord, que la directive 90/314 instaure un régime de responsabilité contractuelle des organisateurs de voyages à forfait à l’égard des consommateurs ayant conclu avec ceux-ci un contrat portant sur de tels voyages auquel aucune clause contractuelle ne peut déroger{4}. Les seules dérogations admises sont celles énoncées de façon limitative dans la directive 90/314{5}. Cette responsabilité des organisateurs a pour particularité de s’étendre à la bonne exécution des obligations résultant du contrat de voyage à forfait par des prestataires de services.
Ensuite, s’agissant de la notion de « prestataire de services », la Cour constate qu’elle n’est définie ni par la directive 90/314 ni par un renvoi exprès dans celle-ci au droit des États membres de sorte qu’il importe de l’interpréter de façon autonome et uniforme. Étant donné le sens habituel de cette notion et le fait que les obligations résultant d’un contrat de voyage à forfait peuvent être exécutées par l’intermédiaire de personnes différentes de l’organisateur, elle doit être comprise comme désignant une personne physique ou morale, distincte de l’organisateur de voyages, qui fournit des services contre rémunération. Cela étant, la Cour précise qu’un employé d’un prestataire de services ne peut pas lui-même être un prestataire de services au sens de la directive 90/314 dès lors que, à la différence d’un prestataire de services, il n’a conclu aucun accord avec l’organisateur de voyages à forfait et il accomplit son travail dans le cadre d’un lien de subordination avec son employeur et donc sous son contrôle. Toutefois, la Cour n’exclut pas que les actes ou les omissions d’un tel employé puissent être assimilés, pour les besoins du régime de responsabilité de la directive 90/314, à ceux du prestataire de services qui l’emploie. La Cour considère que l’inexécution ou la mauvaise exécution des obligations découlant du contrat de voyage à forfait, bien qu’ayant sa source dans des faits commis par des employés d’un prestataire de services, est de nature à engager la responsabilité de l’organisateur. Cette responsabilité contractuelle est engagée dès lors que, d’une part, il existe un lien entre l’acte ou l’omission ayant causé un dommage audit consommateur et les obligations de l’organisateur résultant dudit contrat et, d’autre part, ces obligations sont exécutées par un employé d’un prestataire de services qui se trouve sous le contrôle de ce dernier. En l’absence d’une telle responsabilité, il serait fait une distinction injustifiée entre la responsabilité des or
ganisateurs pour les faits commis par leurs prestataires de services et celle découlant des mêmes faits commis par des employés de ces prestataires de services exécutant les obligations résultant d’un contrat de voyage à forfait, ce qui permettrait à un organisateur d’échapper à sa responsabilité.
Enfin, la Cour rappelle que, s’il peut être dérogé à la règle prévoyant la responsabilité des organisateurs de voyages à forfait, la cause d’exonération de cette responsabilité visant les situations dans lesquelles l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat sont dues à un événement imprévisible ou insurmontable pour l’organisateur ou le prestataire de services{6} doit faire l’objet d’une interprétation stricte, autonome et uniforme. L’événement imprévisible ou insurmontable visé par cette cause se distingue du cas de force majeure et doit être interprété, du fait que cette cause est fondée sur l’absence de faute de l’organisateur ou du prestataire de services, comme visant un fait ou un incident qui ne relève pas de leur sphère de contrôle. Or, dès lors que les actes ou les omissions d’un employé d’un prestataire de services entraînant une inexécution ou une mauvaise exécution des obligations de l’organisateur à l’égard du consommateur relèvent de cette sphère de contrôle, ils ne peuvent pas être considérés comme des événements insurmontables ou imprévisibles. Partant, l’organisateur ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité résultant d’une telle inexécution ou mauvaise exécution du contrat.
{1} Le Package Travel, Package Holidays and Package Tours Regulations 1992 (règlement de 1992 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, ci après le « règlement de 1992 »), du 22 décembre 1992, a transposé, dans le droit du Royaume-Uni, la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO 1990, L 158, p. 59) (ci-après « la directive 90/314 »).
{2} Aux termes de la clause 5.10, sous b), du contrat, l’organisateur de voyage engage sa responsabilité lorsque, en raison d’une faute lui étant imputable ou l’étant à l’un de ses agents ou prestataires, tout élément des prestations de voyage réservées avant le départ du Royaume-Uni ne correspond pas à la description qui en a été faite dans la brochure, sauf si le dommage causé au cocontractant ou un membre de son groupe est dû à une faute imputable au cocontractant ou a été causé par des circonstances imprévues que, avec toute la diligence nécessaire, l’organisateur, ses agents ou prestataires ne pouvaient prévoir ou éviter.
{3} En vertu de l’article 15, paragraphe 2, sous c), ii), du règlement de 1992, « l’autre partie au contrat est responsable à l’égard du consommateur de tout dommage qui lui est causé par l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat, à moins que l’inexécution ou la mauvaise exécution ne soit due ni à la faute de l’autre partie ni à celle d’un autre prestataire de services, parce que ces manquements sont dus à un événement que l’autre partie au contrat ou le prestataire de services, avec toute la diligence nécessaire, ne pouvait pas prévoir ou surmonter ».
{4} Article 5, paragraphe 3, de la directive 90/314.
{5} Article 5, paragraphe 2, de la directive 90/314.
{6} Article 5, paragraphe 2, troisième tiret, de la directive 90/314.
Arrêt du 18 mars 2021, Kuoni Travel (C-578/19) (cf. points 35-42 et disp.)
8. Rapprochement des législations - Voyages, vacances et circuits à forfait - Directive 90/314 - Contrat portant sur un voyage à forfait conclu entre un organisateur de voyages et un consommateur - Responsabilité de l'organisateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat par d'autres prestataires de services - Causes d'exonération - Inexécution ou mauvaise exécution de ces obligations dues à un événement imprévisible ou insurmontable pour l'organisateur ou le prestataire de services - Notion d'"événement imprévisible ou insurmontable" - Dommages résultant des actes d'un employé d'un prestataire de services - Exclusion - Exemption de responsabilité - Absence
La requérante, X, et son époux ont conclu avec Kuoni Travel Ltd (ci-après « Kuoni »), un organisateur de voyages établi au Royaume-Uni, un contrat de voyage à forfait. Lors de son séjour, X a rencontré N, un employé de l’hôtel qui, sous le prétexte de vouloir l’accompagner à la réception, l’a violée et agressée.
X a réclamé des dommages-intérêts à Kuoni pour le viol et les agressions subis, au motif qu’ils correspondaient à une mauvaise exécution du contrat de voyage ainsi qu’à une violation du règlement de 1992{1}. Kuoni a contesté ces allégations en invoquant une clause de ce contrat visant les conditions de l’engagement de sa responsabilité pour la bonne exécution de ses obligations contractuelles{2} ainsi qu’une disposition du règlement de 1992 concernant son exonération de responsabilité lorsque l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat sont dues à un événement imprévisible ou insurmontable pour lui ou pour un autre prestataire de services{3}.
À la suite d’un pourvoi, introduit à l’encontre du rejet de la demande de dédommagement présentée par X, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume Uni) a saisi la Cour de questions préjudicielles portant sur la portée de l’article 5, paragraphe 2, troisième tiret, de la directive 90/314, en ce qu’il prévoit une cause d’exonération de la responsabilité de l’organisateur d’un voyage à forfait de la bonne exécution des obligations résultant d’un contrat portant sur un tel voyage, conclu entre cet organisateur et un consommateur et régi par cette directive. En réponse à ces questions, la Cour a jugé que cette disposition doit être interprétée en ce sens que, en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution de ces obligations résultant des actes d’un employé d’un prestataire de services exécutant ledit contrat, cet employé ne peut pas être considéré comme étant un prestataire de services aux fins de l’application de cette disposition et que l’organisateur ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité résultant d’une telle inexécution ou mauvaise exécution, en application de ladite disposition.
Appréciation de la Cour
La Cour rappelle, tout d’abord, que la directive 90/314 instaure un régime de responsabilité contractuelle des organisateurs de voyages à forfait à l’égard des consommateurs ayant conclu avec ceux-ci un contrat portant sur de tels voyages auquel aucune clause contractuelle ne peut déroger{4}. Les seules dérogations admises sont celles énoncées de façon limitative dans la directive 90/314{5}. Cette responsabilité des organisateurs a pour particularité de s’étendre à la bonne exécution des obligations résultant du contrat de voyage à forfait par des prestataires de services.
Ensuite, s’agissant de la notion de « prestataire de services », la Cour constate qu’elle n’est définie ni par la directive 90/314 ni par un renvoi exprès dans celle-ci au droit des États membres de sorte qu’il importe de l’interpréter de façon autonome et uniforme. Étant donné le sens habituel de cette notion et le fait que les obligations résultant d’un contrat de voyage à forfait peuvent être exécutées par l’intermédiaire de personnes différentes de l’organisateur, elle doit être comprise comme désignant une personne physique ou morale, distincte de l’organisateur de voyages, qui fournit des services contre rémunération. Cela étant, la Cour précise qu’un employé d’un prestataire de services ne peut pas lui-même être un prestataire de services au sens de la directive 90/314 dès lors que, à la différence d’un prestataire de services, il n’a conclu aucun accord avec l’organisateur de voyages à forfait et il accomplit son travail dans le cadre d’un lien de subordination avec son employeur et donc sous son contrôle. Toutefois, la Cour n’exclut pas que les actes ou les omissions d’un tel employé puissent être assimilés, pour les besoins du régime de responsabilité de la directive 90/314, à ceux du prestataire de services qui l’emploie. La Cour considère que l’inexécution ou la mauvaise exécution des obligations découlant du contrat de voyage à forfait, bien qu’ayant sa source dans des faits commis par des employés d’un prestataire de services, est de nature à engager la responsabilité de l’organisateur. Cette responsabilité contractuelle est engagée dès lors que, d’une part, il existe un lien entre l’acte ou l’omission ayant causé un dommage audit consommateur et les obligations de l’organisateur résultant dudit contrat et, d’autre part, ces obligations sont exécutées par un employé d’un prestataire de services qui se trouve sous le contrôle de ce dernier. En l’absence d’une telle responsabilité, il serait fait une distinction injustifiée entre la responsabilité des or
ganisateurs pour les faits commis par leurs prestataires de services et celle découlant des mêmes faits commis par des employés de ces prestataires de services exécutant les obligations résultant d’un contrat de voyage à forfait, ce qui permettrait à un organisateur d’échapper à sa responsabilité.
Enfin, la Cour rappelle que, s’il peut être dérogé à la règle prévoyant la responsabilité des organisateurs de voyages à forfait, la cause d’exonération de cette responsabilité visant les situations dans lesquelles l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat sont dues à un événement imprévisible ou insurmontable pour l’organisateur ou le prestataire de services{6} doit faire l’objet d’une interprétation stricte, autonome et uniforme. L’événement imprévisible ou insurmontable visé par cette cause se distingue du cas de force majeure et doit être interprété, du fait que cette cause est fondée sur l’absence de faute de l’organisateur ou du prestataire de services, comme visant un fait ou un incident qui ne relève pas de leur sphère de contrôle. Or, dès lors que les actes ou les omissions d’un employé d’un prestataire de services entraînant une inexécution ou une mauvaise exécution des obligations de l’organisateur à l’égard du consommateur relèvent de cette sphère de contrôle, ils ne peuvent pas être considérés comme des événements insurmontables ou imprévisibles. Partant, l’organisateur ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité résultant d’une telle inexécution ou mauvaise exécution du contrat.
{1} Le Package Travel, Package Holidays and Package Tours Regulations 1992 (règlement de 1992 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, ci après le « règlement de 1992 »), du 22 décembre 1992, a transposé, dans le droit du Royaume-Uni, la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO 1990, L 158, p. 59) (ci-après « la directive 90/314 »).
{2} Aux termes de la clause 5.10, sous b), du contrat, l’organisateur de voyage engage sa responsabilité lorsque, en raison d’une faute lui étant imputable ou l’étant à l’un de ses agents ou prestataires, tout élément des prestations de voyage réservées avant le départ du Royaume-Uni ne correspond pas à la description qui en a été faite dans la brochure, sauf si le dommage causé au cocontractant ou un membre de son groupe est dû à une faute imputable au cocontractant ou a été causé par des circonstances imprévues que, avec toute la diligence nécessaire, l’organisateur, ses agents ou prestataires ne pouvaient prévoir ou éviter.
{3} En vertu de l’article 15, paragraphe 2, sous c), ii), du règlement de 1992, « l’autre partie au contrat est responsable à l’égard du consommateur de tout dommage qui lui est causé par l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat, à moins que l’inexécution ou la mauvaise exécution ne soit due ni à la faute de l’autre partie ni à celle d’un autre prestataire de services, parce que ces manquements sont dus à un événement que l’autre partie au contrat ou le prestataire de services, avec toute la diligence nécessaire, ne pouvait pas prévoir ou surmonter ».
{4} Article 5, paragraphe 3, de la directive 90/314.
{5} Article 5, paragraphe 2, de la directive 90/314.
{6} Article 5, paragraphe 2, troisième tiret, de la directive 90/314.
Arrêt du 18 mars 2021, Kuoni Travel (C-578/19) (cf. points 43-50, 56-63 et disp.)
9. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Responsabilité de l'organisateur de la bonne exécution des services de voyage compris dans le contrat - Droit du consommateur à une réduction de prix pour la non-conformité des services fournis due à des restrictions imposées sur le lieu de destination pour lutter contre la propagation d'une maladie infectieuse - Restrictions également imposées sur le lieu de résidence du voyageur ainsi que dans d'autres pays en raison de la propagation mondiale de cette maladie - Caractère approprié de la réduction - Critères
Voir le texte de la décision.
10. Rapprochement des législations - Voyages, vacances et circuits à forfait - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Obligation de remboursement, par l'organisateur de voyages, des paiements effectués par le voyageur concerné au titre de ce forfait - Notion de remboursement - Portée
Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, le gouvernement français a adopté une réglementation visant à libérer temporairement les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de rembourser les paiements effectués par les voyageurs en cas de résiliation d’un contrat de voyages à forfait{1}. Deux associations pour la protection des intérêts des consommateurs ont demandé devant le Conseil d’État (France) l’annulation de cette réglementation, en alléguant une méconnaissance du droit des voyageurs ayant conclu ce type de contrat de résilier ce dernier à la suite de la survenance de « circonstances exceptionnelles et inévitables » et d’être remboursés de l’intégralité des paiements effectués au titre de ce forfait au plus tard 14 jours après cette résiliation, tel que prévu par la directive relative aux voyages à forfait{2}.
Cette juridiction émet notamment des doutes quant à l’interprétation de la notion de « remboursement » prévue par cette directive, ainsi que sur la compatibilité avec cette dernière de la réglementation nationale relative à l’exemption temporaire des organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement.
Par son arrêt, la Cour précise la notion de « remboursement » dans le contexte de la directive sur les voyages à forfait. En outre, elle se prononce sur l'incompatibilité de la réglementation nationale avec cette directive{3} et sur la modulation des effets dans le temps d’une décision nationale d’annulation de cette même réglementation, jugée incompatible avec le droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour considère que, selon une interprétation littérale, la notion de « remboursement », au sens de la directive relative aux voyages à forfait{4} s’entend d’une restitution des paiements effectués au titre d’un forfait uniquement sous la forme d’une somme d’argent. La possibilité de remplacer cette obligation de paiement d’une somme d’argent par une prestation revêtant une autre forme, telle que notamment la proposition de bons à valoir, n’est pas expressément prévue dans cette directive. Ce droit au remboursement en argent, dont les consommateurs peuvent disposer librement, participe à un objectif de protection de leurs intérêts.
En deuxième lieu, la Cour dit pour droit que la directive sur les voyages à forfait s’oppose à la libération temporaire des organisateurs de voyage à forfait{5}, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, de leur obligation de remboursement aux voyageurs concernés, au plus tard 14 jours après la résiliation d’un contrat, de l’intégralité des paiements effectués, au titre du contrat résilié. Cette conclusion reste la même y compris lorsqu’une telle mesure nationale vise à éviter que, en raison du nombre important de demandes de remboursement attendues, la solvabilité de ces organisateurs de voyages soit affectée au point de mettre en péril leur existence et à préserver ainsi la viabilité du secteur concerné.
La Cour analyse, tout d’abord, la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{6}. En effet, en application du principe de sécurité juridique et au regard de la protection des consommateurs, cette notion est susceptible de recouvrir la pandémie de COVID-19, en ce qu’elle révèle l’existence de « risques graves pour la santé humaine »{7}, et peut être appliquée aux résiliations de contrats de voyage à forfait lorsque celles-ci sont fondées sur les conséquences provoquées par un tel évènement.
Ensuite, la Cour souligne que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » s’apparente à la notion de « force majeure » et constitue, au vu notamment des travaux préparatoires de la directive sur les voyages à forfait, une mise en œuvre exhaustive de cette dernière notion aux fins de cette directive. Ainsi, les États membres ne peuvent pas libérer, au titre de la force majeure, ne serait-ce que temporairement, les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement prévue par cette directive étant donné que celle-ci ne prévoit aucune exception au caractère impératif de cette obligation.
Enfin, même à supposer que les États membres puissent faire valoir, devant leurs juridictions nationales, que la non-conformité d’une réglementation nationale au regard des dispositions d’une directive est justifiée au titre de la force majeure, la Cour précise qu’une réglementation nationale permettant de libérer temporairement, dans les circonstances d’une crise sanitaire mondiale telle que la pandémie de COVID-19, les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de rembourser aux voyageurs concernés les paiements effectués au titre d’un forfait ne répond pas aux conditions régissant l’invocation de la force majeure par les États membres.
Ainsi, premièrement, bien que la pandémie de COVID-19 relève de circonstances étrangères à l’État membre concerné et que ces dernières soient anormales et imprévisibles, une réglementation nationale qui libère, de manière généralisée, tous les organisateurs de voyages de leur obligation de remboursement ne saurait, de par sa nature même, être justifiée par la force majeure. En effet, une suspension provisoire généralisée de cette obligation de remboursement ne prend pas en compte la situation financière concrète et individuelle des organisateurs de voyages concernés. Deuxièmement, il n’a pas été prouvé que les conséquences financières auxquelles vise à faire face cette réglementation n’auraient pu être évitées autrement que par la violation de la directive relative aux voyages à forfait, et notamment par l’adoption de certaines mesures d’aide d’État. Troisièmement, cette même réglementation nationale, qui prévoit de libérer les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement pendant une période pouvant aller jusqu’à 21 mois à partir de la notification de la « résolution » du contrat de voyage à forfait concerné, n’est manifestement pas conçue de manière à limiter ses effets à la période nécessaire pour remédier aux difficultés causées par l’événement susceptible de relever de la force majeure.
En troisième et dernier lieu, la Cour rappelle que, lorsqu’une juridiction nationale est saisie, conformément à son droit interne, d’un recours en annulation d’une réglementation nationale qu’elle considère comme étant contraire au droit de l’Union, elle est tenue de procéder à l’annulation de cette réglementation. En l’espèce, la Cour précise, d’une part, que la menace des intérêts économiques des opérateurs actifs dans le secteur des voyages à forfait, engendrée par la pandémie de COVID-19, n’est pas comparable aux considérations impérieuses liées à la protection de l’environnement ou à l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné, qui sont des circonstances exceptionnelles pour lesquelles elle a, par ailleurs, reconnu aux juridictions nationales la faculté de moduler dans le temps et d’aménager les effets de leurs décisions d’annulation d’une réglementation nationale jugée incompatible avec le droit de l’Union. D’autre part, la Cour relève qu’il n’apparaît pas que l’annulation de la réglementation nationale permettant aux États membres de libérer, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement, aurait des conséquences préjudiciables sur le secteur des voyages à forfait d’une ampleur telle que le maintien de ses effets serait nécessaire aux fins de protéger les intérêts financiers des opérateurs de ce secteur. Partant, le principe de coopération loyale{8} ne permet pas à une juridiction nationale saisie d’un recours en annulation d’une réglementation nationale contraire à la directive relative aux voyages à forfait de moduler les effets dans le temps de sa décision annulant cette réglementation nationale.
{1} En vertu de l’article 1er de l’ordonnance nº 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure, les organisateurs de voyages étaient autorisés, en ce qui concerne les « résolutions » notifiées entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, à s’acquitter de leur obligation de remboursement en proposant au voyageur concerné, au plus tard 3 mois après la notification de la « résolution » du contrat de voyage à forfait concerné, un bon à valoir d’un montant égal aux paiements effectués au titre de ce forfait, une telle proposition étant valable pendant une durée de 18 mois.
{2} Voir article 12 de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) nº 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO 2015, L 326, p. 1, ci-après la « directive relative aux voyages à forfait »). En vertu du paragraphe 2, première phrase, de cet article, le voyageur a le droit de résilier un contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des « circonstances exceptionnelles et inévitables », survenant au lieu de destination concerné ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution de ce forfait ou sur le transport des passagers vers ce lieu de destination.
{3} Voir notamment article 4 et article 12, paragraphes 2 à 4, de la directive relative aux voyages à forfait.
{4} Voir notamment article 12, paragraphes 2 et 3, de la directive relative aux voyages à forfait. Le paragraphe 2, deuxième phrase, de cet article prévoit que, en cas de résiliation d’un contrat de voyage à forfait, ce voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre dudit forfait. Par ailleurs, conformément à l’article 4 et à l’article 12, paragraphe 3, sous b), de cette même directive, si l’organisateur de voyages concerné est empêché d’exécuter un contrat de voyage à forfait en raison de « circonstances exceptionnelles et inévitables », il peut résilier ledit contrat et rembourser intégralement ce voyageur des paiements effectués pour ce forfait et ceci sans retard excessif et, en tout état de cause, au plus tard 14 jours après la résiliation du même contrat de voyage à forfait.
{5} Voir article 4 et article 12, paragraphes 2 à 4, de la directive relative aux voyages à forfait.
{6} Telle que prévue à l’article 12, paragraphes 2 et 3, sous b), de la directive relative aux voyages à forfait. La notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » est définie à l’article 3, point 12 de cette directive comme étant « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
{7} Au titre du considérant 31 de la directive relative aux voyages à forfait, qui précise la portée de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », les risques graves pour la santé humaine relèvent de cette notion.
{8} Prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE.
Arrêt du 8 juin 2023, UFC - Que choisir et CLCV (C-407/21) (cf. points 23-26, 31-35, disp.1)
11. Rapprochement des législations - Voyages, vacances et circuits à forfait - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Obligation de remboursement, par l'organisateur de voyages, des paiements effectués par le voyageur concerné au titre de ce forfait - Dérogation temporaire - Réglementation nationale libérant les organisateurs des voyages à forfait, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, de leur obligation de rembourser, au voyageur concerné, l'intégralité des paiements effectués au titre du contrat résilié - Objectif - Sauvegarde de la solvabilité des organisateurs de voyages et de la viabilité du secteur concerné - Inadmissibilité
Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, le gouvernement français a adopté une réglementation visant à libérer temporairement les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de rembourser les paiements effectués par les voyageurs en cas de résiliation d’un contrat de voyages à forfait{1}. Deux associations pour la protection des intérêts des consommateurs ont demandé devant le Conseil d’État (France) l’annulation de cette réglementation, en alléguant une méconnaissance du droit des voyageurs ayant conclu ce type de contrat de résilier ce dernier à la suite de la survenance de « circonstances exceptionnelles et inévitables » et d’être remboursés de l’intégralité des paiements effectués au titre de ce forfait au plus tard 14 jours après cette résiliation, tel que prévu par la directive relative aux voyages à forfait{2}.
Cette juridiction émet notamment des doutes quant à l’interprétation de la notion de « remboursement » prévue par cette directive, ainsi que sur la compatibilité avec cette dernière de la réglementation nationale relative à l’exemption temporaire des organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement.
Par son arrêt, la Cour précise la notion de « remboursement » dans le contexte de la directive sur les voyages à forfait. En outre, elle se prononce sur l'incompatibilité de la réglementation nationale avec cette directive{3} et sur la modulation des effets dans le temps d’une décision nationale d’annulation de cette même réglementation, jugée incompatible avec le droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour considère que, selon une interprétation littérale, la notion de « remboursement », au sens de la directive relative aux voyages à forfait{4} s’entend d’une restitution des paiements effectués au titre d’un forfait uniquement sous la forme d’une somme d’argent. La possibilité de remplacer cette obligation de paiement d’une somme d’argent par une prestation revêtant une autre forme, telle que notamment la proposition de bons à valoir, n’est pas expressément prévue dans cette directive. Ce droit au remboursement en argent, dont les consommateurs peuvent disposer librement, participe à un objectif de protection de leurs intérêts.
En deuxième lieu, la Cour dit pour droit que la directive sur les voyages à forfait s’oppose à la libération temporaire des organisateurs de voyage à forfait{5}, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, de leur obligation de remboursement aux voyageurs concernés, au plus tard 14 jours après la résiliation d’un contrat, de l’intégralité des paiements effectués, au titre du contrat résilié. Cette conclusion reste la même y compris lorsqu’une telle mesure nationale vise à éviter que, en raison du nombre important de demandes de remboursement attendues, la solvabilité de ces organisateurs de voyages soit affectée au point de mettre en péril leur existence et à préserver ainsi la viabilité du secteur concerné.
La Cour analyse, tout d’abord, la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{6}. En effet, en application du principe de sécurité juridique et au regard de la protection des consommateurs, cette notion est susceptible de recouvrir la pandémie de COVID-19, en ce qu’elle révèle l’existence de « risques graves pour la santé humaine »{7}, et peut être appliquée aux résiliations de contrats de voyage à forfait lorsque celles-ci sont fondées sur les conséquences provoquées par un tel évènement.
Ensuite, la Cour souligne que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » s’apparente à la notion de « force majeure » et constitue, au vu notamment des travaux préparatoires de la directive sur les voyages à forfait, une mise en œuvre exhaustive de cette dernière notion aux fins de cette directive. Ainsi, les États membres ne peuvent pas libérer, au titre de la force majeure, ne serait-ce que temporairement, les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement prévue par cette directive étant donné que celle-ci ne prévoit aucune exception au caractère impératif de cette obligation.
Enfin, même à supposer que les États membres puissent faire valoir, devant leurs juridictions nationales, que la non-conformité d’une réglementation nationale au regard des dispositions d’une directive est justifiée au titre de la force majeure, la Cour précise qu’une réglementation nationale permettant de libérer temporairement, dans les circonstances d’une crise sanitaire mondiale telle que la pandémie de COVID-19, les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de rembourser aux voyageurs concernés les paiements effectués au titre d’un forfait ne répond pas aux conditions régissant l’invocation de la force majeure par les États membres.
Ainsi, premièrement, bien que la pandémie de COVID-19 relève de circonstances étrangères à l’État membre concerné et que ces dernières soient anormales et imprévisibles, une réglementation nationale qui libère, de manière généralisée, tous les organisateurs de voyages de leur obligation de remboursement ne saurait, de par sa nature même, être justifiée par la force majeure. En effet, une suspension provisoire généralisée de cette obligation de remboursement ne prend pas en compte la situation financière concrète et individuelle des organisateurs de voyages concernés. Deuxièmement, il n’a pas été prouvé que les conséquences financières auxquelles vise à faire face cette réglementation n’auraient pu être évitées autrement que par la violation de la directive relative aux voyages à forfait, et notamment par l’adoption de certaines mesures d’aide d’État. Troisièmement, cette même réglementation nationale, qui prévoit de libérer les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement pendant une période pouvant aller jusqu’à 21 mois à partir de la notification de la « résolution » du contrat de voyage à forfait concerné, n’est manifestement pas conçue de manière à limiter ses effets à la période nécessaire pour remédier aux difficultés causées par l’événement susceptible de relever de la force majeure.
En troisième et dernier lieu, la Cour rappelle que, lorsqu’une juridiction nationale est saisie, conformément à son droit interne, d’un recours en annulation d’une réglementation nationale qu’elle considère comme étant contraire au droit de l’Union, elle est tenue de procéder à l’annulation de cette réglementation. En l’espèce, la Cour précise, d’une part, que la menace des intérêts économiques des opérateurs actifs dans le secteur des voyages à forfait, engendrée par la pandémie de COVID-19, n’est pas comparable aux considérations impérieuses liées à la protection de l’environnement ou à l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné, qui sont des circonstances exceptionnelles pour lesquelles elle a, par ailleurs, reconnu aux juridictions nationales la faculté de moduler dans le temps et d’aménager les effets de leurs décisions d’annulation d’une réglementation nationale jugée incompatible avec le droit de l’Union. D’autre part, la Cour relève qu’il n’apparaît pas que l’annulation de la réglementation nationale permettant aux États membres de libérer, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les organisateurs de voyages à forfait de leur obligation de remboursement, aurait des conséquences préjudiciables sur le secteur des voyages à forfait d’une ampleur telle que le maintien de ses effets serait nécessaire aux fins de protéger les intérêts financiers des opérateurs de ce secteur. Partant, le principe de coopération loyale{8} ne permet pas à une juridiction nationale saisie d’un recours en annulation d’une réglementation nationale contraire à la directive relative aux voyages à forfait de moduler les effets dans le temps de sa décision annulant cette réglementation nationale.
{1} En vertu de l’article 1er de l’ordonnance nº 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure, les organisateurs de voyages étaient autorisés, en ce qui concerne les « résolutions » notifiées entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, à s’acquitter de leur obligation de remboursement en proposant au voyageur concerné, au plus tard 3 mois après la notification de la « résolution » du contrat de voyage à forfait concerné, un bon à valoir d’un montant égal aux paiements effectués au titre de ce forfait, une telle proposition étant valable pendant une durée de 18 mois.
{2} Voir article 12 de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) nº 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO 2015, L 326, p. 1, ci-après la « directive relative aux voyages à forfait »). En vertu du paragraphe 2, première phrase, de cet article, le voyageur a le droit de résilier un contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des « circonstances exceptionnelles et inévitables », survenant au lieu de destination concerné ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution de ce forfait ou sur le transport des passagers vers ce lieu de destination.
{3} Voir notamment article 4 et article 12, paragraphes 2 à 4, de la directive relative aux voyages à forfait.
{4} Voir notamment article 12, paragraphes 2 et 3, de la directive relative aux voyages à forfait. Le paragraphe 2, deuxième phrase, de cet article prévoit que, en cas de résiliation d’un contrat de voyage à forfait, ce voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre dudit forfait. Par ailleurs, conformément à l’article 4 et à l’article 12, paragraphe 3, sous b), de cette même directive, si l’organisateur de voyages concerné est empêché d’exécuter un contrat de voyage à forfait en raison de « circonstances exceptionnelles et inévitables », il peut résilier ledit contrat et rembourser intégralement ce voyageur des paiements effectués pour ce forfait et ceci sans retard excessif et, en tout état de cause, au plus tard 14 jours après la résiliation du même contrat de voyage à forfait.
{5} Voir article 4 et article 12, paragraphes 2 à 4, de la directive relative aux voyages à forfait.
{6} Telle que prévue à l’article 12, paragraphes 2 et 3, sous b), de la directive relative aux voyages à forfait. La notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » est définie à l’article 3, point 12 de cette directive comme étant « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
{7} Au titre du considérant 31 de la directive relative aux voyages à forfait, qui précise la portée de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », les risques graves pour la santé humaine relèvent de cette notion.
{8} Prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE.
12. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Contrat portant sur un voyage à forfait conclu entre un organisateur de voyages et un consommateur - Responsabilité de l'organisateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat par d'autres prestataires de services - Causes d'exonération - Inexécution ou mauvaise exécution de ces obligations dues à des circonstances exceptionnelles ou inévitables par l'organisateur ou le prestataire de services - Notion de circonstances exceptionnelles et inévitables - Dommages résultant des actes d'un employé d'un prestataire de services - Éclatement d'une crise sanitaire à l'échelle mondiale due à la COVID-19 dans un État membre ou situation similaire au lieu de destination ou en tout point de l'itinéraire du voyage à forfait - Inclusion
Voir texte de la décision.
13. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Contrat portant sur un voyage à forfait conclu entre un organisateur de voyages et un consommateur - Responsabilité de l'organisateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat par d'autres prestataires de services - Obligation de remboursement - Notion de remboursement - Notification d'un voyage de remplacement au voyage prévu annulé - Exclusion - Obligation de remboursement par restitution sous la forme d'une somme d'argent
Voir texte de la décision.
14. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Informations précontractuelles devant obligatoirement être fournies au voyageur - Notion - Droit de résiliation du contrat sans frais en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci ayant des conséquences importantes sur l'exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination - Inclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 14 septembre 2023, Tuk Tuk Travel (C-83/22) (cf. points 35-37, 39, disp. 1)
15. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Article 5, paragraphe 1 - Appréciation de la validité au regard de l'article 169, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), TFUE, lu en combinaison avec l'article 114, paragraphe 3, TFUE - Article ne prévoyant pas d'informer le voyageur de son droit de résiliation visé à l'article 12, paragraphe 2, de cette directive - Validité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 14 septembre 2023, Tuk Tuk Travel (C-83/22) (cf. points 38, 39, disp. 1)
16. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Réglementation procédurale nationale consacrant les principes dispositif et de congruence - Résiliation satisfaisant aux conditions de l'article 12, paragraphe 2, de la directive - Demande d'un remboursement inférieur au remboursement intégral - Impossibilité pour le juge d'accorder d'office le remboursement intégral - Admissibilité - Conditions
Voir texte de la décision.
Arrêt du 14 septembre 2023, Tuk Tuk Travel (C-83/22) (cf. points 44-46, 49-58, 60-64, disp. 2)
17. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Droit de résiliation du contrat sans frais - Constatation de la survenance, au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, de circonstances exceptionnelles et inévitables - Condition - Publication d'une recommandation officielle visant à déconseiller les voyages ou d'une décision officielle qualifiant la zone concernée de zone à risque - Absence
Saisie à titre préjudiciel par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), la Cour apporte des précisions quant au droit des voyageurs de résilier sans frais un contrat de voyage à forfait en présence de circonstances exceptionnelles et inévitables{1}, dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Le 10 février 2020, M. D. a conclu avec Tez Tour un contrat de voyage à forfait par lequel cette dernière s’est engagée à organiser, pour celui-ci et les membres de sa famille, un voyage de vacances à destination des Émirats arabes unis pendant la période allant du 1er au 8 mars 2020. Le forfait concerné comprenait, notamment, un vol aller-retour entre Vilnius (Lituanie) et Dubaï (Émirats arabes unis) ainsi qu’un séjour de sept nuitées dans un hôtel.
Le 27 février 2020, M. D. a informé Tez Tour qu’il souhaitait, en raison du risque sanitaire lié à la propagation de la COVID-19, résilier ledit contrat. Tez Tour a refusé sa demande. Dès lors, M. D. a saisi les juridictions compétentes, en invoquant des circonstances exceptionnelles et inévitables au lieu de destination du voyage organisé ou à proximité immédiate de celui-ci, susceptibles de rendre impossible l’exécution, en toute sécurité, de ce voyage ou le transport des passagers vers le lieu de destination de celui-ci, en particulier sans exposer ces derniers à des désagréments ou à des risques sanitaires. Ces prétentions ont été rejetées en première instance comme en appel.
Saisie d’un pourvoi en cassation introduit par M. D., la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation de la directive relative aux voyages à forfait, l’invitant à préciser les conditions dans lesquelles un voyageur peut invoquer l’existence de « circonstances exceptionnelles et inévitables » au sens de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive{2}, dans un contexte où les autorités nationales compétentes n’avaient publié que le 12 mars 2020, donc après la résiliation, une recommandation adressée aux voyageurs visant à les encourager à reporter, au cours des mois à venir, tous leurs voyages à l’étranger, y compris aux Émirats arabes unis en raison de la pandémie de COVID-19.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour relève que la constatation de la survenance, au lieu de destination d’un voyage ou à proximité immédiate de celui-ci, de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{3}, au sens de la directive relative aux voyages à forfait{4}, n’est pas soumise à la condition que les autorités compétentes aient publié une recommandation officielle visant à déconseiller aux voyageurs de se rendre dans la zone concernée ou une décision officielle qualifiant cette zone comme étant une « zone à risque ». Tout d’abord, une telle exigence serait contradictoire avec la nature et le fondement même de l’adoption de telles recommandations ou de telles décisions, qui présupposent, en principe, l’existence de risques sanitaires ou autres, susceptibles de relever de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{5}. Ensuite, une telle exigence est susceptible de compromettre l’objectif d’harmonisation poursuivi par la directive relative au voyage à forfait, les conditions pour l’adoption d’une telle recommandation ou d’une telle décision n’étant pas uniformes dans les différents États membres. Enfin, exiger l’adoption de recommandations ou de décisions officielles à cet égard serait susceptible de rendre impossible l’exercice du droit de résiliation sans frais{6}, dans la mesure où, précisément, lesdites circonstances exceptionnelles et inévitables peuvent exister indépendamment de l’adoption de toute recommandation ou décision officielles.
En deuxième lieu, la Cour se prononce, premièrement, sur la question de savoir quel type de circonstances relèvent de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination »{7}. Ainsi, elle note que le droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation n’est pas soumis à la condition que soient survenues des circonstances qui rendent objectivement impossibles l’exécution du forfait concerné ou le transfert des passagers vers le lieu de destination. En ce sens, une crise sanitaire, telle que la propagation de la COVID-19, peut, eu égard au risque grave qu’elle représente pour la santé humaine, être considérée comme ayant des « conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination », indépendamment du fait qu’elle ne soit pas nécessairement de nature à rendre cette exécution objectivement impossible.
S’agissant de l’appréciation de l’existence de telles conséquences, la Cour précise que des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle des voyageurs, tels que le fait de voyager avec des enfants en bas âge ou d’appartenir à un groupe à plus haut risque, sont susceptibles d’avoir une incidence sur la gravité des conséquences engendrées par les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par un voyageur, dans la mesure où ils sont de nature objective. Ces mêmes facteurs peuvent en effet avoir une incidence sur la possibilité d’exécuter, dans de bonnes conditions, le forfait concerné. Toutefois, de tels facteurs personnels ne sauraient suffire, en tant que tels, à justifier que le voyageur concerné exerce son droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation. Au contraire, ces facteurs sont pertinents seulement lorsqu’ils sont de nature à influer sur l’appréciation des conséquences objectivement rattachables à la survenance de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
Partant, la Cour conclut que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination » du voyage concerné couvre également des circonstances qui impliquent que l’exécution dudit forfait ne peut avoir lieu sans exposer les voyageurs concernés à des risques pour leur santé et leur sécurité, compte tenu, le cas échéant, des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle de ces voyageurs.
Deuxièmement, se prononçant sur l’appréciation des conséquences importantes sur l’exécution du forfait concerné ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination, la Cour souligne, d’une part, que cette appréciation doit se fonder sur un « pronostic » en ce qui concerne la probabilité que les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par le voyageur concerné auront de telles conséquences sur l’exécution du forfait. En effet, ces conséquences ne se manifestant définitivement que lors de l’exécution de ce forfait, l’appréciation de celles-ci, au moment de la résiliation, revêt nécessairement un caractère prospectif. D’autre part, l’appréciation de telles conséquences doit être effectuée en se plaçant, à la date de la résiliation du contrat de voyage à forfait concerné, dans la perspective d’un voyageur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
En troisième lieu, la Cour constate que les termes « exceptionnelles et inévitables »{8} tendent, en eux-mêmes, à indiquer que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » ne vise que des situations qui, d’une part, n’existaient pas à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait et, d’autre part, étaient imprévisibles. Ainsi, des circonstances déjà connues du voyageur concerné ou prévisibles pour celui-ci à cette date ne peuvent pas être invoquées par ce voyageur au titre de ladite notion et, partant, ne sauraient fonder l’exercice du droit de résilier un tel contrat sans payer de frais de résiliation. S’agissant de l’appréciation d’une situation existante ou prévisible à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait, mais fortement évolutive, il ne saurait être exclu qu’une telle situation ait connu, après la conclusion de ce contrat, des évolutions sensibles, si bien qu’elle soit différente de celle dont le voyageur concerné avait connaissance ou qu’il pouvait raisonnablement prévoir lorsqu’il a conclu ledit contrat. Dans un tel cas de figure, ces évolutions pourraient engendrer une situation nouvelle, susceptible de répondre en tant que telle à la définition de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
En quatrième et dernier lieu, s’agissant du lieu où les conséquences causées par des circonstances exceptionnelles et inévitables doivent se produire, la Cour relève que, lorsque ces conséquences s’étendent au-delà du lieu de destination pour atteindre, notamment, le lieu de départ ou de retour ou les lieux d’escale et de correspondance du voyage, elles sont susceptibles d’affecter l’exécution du forfait concerné. À ce titre, elles doivent pouvoir être prises en considération aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait. À cet égard, il est notamment possible que des mesures soient adoptées au lieu de départ en raison des circonstances qui surviennent au lieu de destination, telles que des mesures consistant à soumettre les voyageurs de retour au lieu de départ à des restrictions, lesquelles pourraient alors être intégrées dans l’évaluation des conséquences importantes sur l’exécution du contrat de voyage à forfait concerné.
{1} Prévu par l’article 12, paragraphe 2, de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) nº 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE (JO 2015, L 326, p. 1, ci-après la « directive relative aux voyages à forfait »).
{2} En vertu de cette disposition « Nonobstant le paragraphe 1, le voyageur a le droit de résilier un contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination concerné ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination ».
{3} Cette notion est définie à l’article 3, point 12, de la directive relative aux voyages à forfait comme étant « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
{4} Et notamment de l’article 3, point 12, et de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive.
{5} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{6} Visé à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{7} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{8} Relevant de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », prévue à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
Arrêt du 29 février 2024, Tez Tour (C-299/22) (cf. points 31-36, 40, 44, disp. 1)
18. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Droit de résiliation du contrat sans frais - Circonstances exceptionnelles et inévitables ayant des conséquences importantes sur l'exécution d'un forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination - Notion - Circonstances rendant impossible l'exécution du forfait - Circonstances exposant les voyageurs concernés à des risques pour leur santé et leur sécurité lors de l'exécution du forfait - Prise en compte de facteurs personnels relatifs à la situation individuelle des voyageurs - Inclusion - Moment de l'appréciation des conséquences importantes sur l'exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination - Voyageur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé
Saisie à titre préjudiciel par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), la Cour apporte des précisions quant au droit des voyageurs de résilier sans frais un contrat de voyage à forfait en présence de circonstances exceptionnelles et inévitables{1}, dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Le 10 février 2020, M. D. a conclu avec Tez Tour un contrat de voyage à forfait par lequel cette dernière s’est engagée à organiser, pour celui-ci et les membres de sa famille, un voyage de vacances à destination des Émirats arabes unis pendant la période allant du 1er au 8 mars 2020. Le forfait concerné comprenait, notamment, un vol aller-retour entre Vilnius (Lituanie) et Dubaï (Émirats arabes unis) ainsi qu’un séjour de sept nuitées dans un hôtel.
Le 27 février 2020, M. D. a informé Tez Tour qu’il souhaitait, en raison du risque sanitaire lié à la propagation de la COVID-19, résilier ledit contrat. Tez Tour a refusé sa demande. Dès lors, M. D. a saisi les juridictions compétentes, en invoquant des circonstances exceptionnelles et inévitables au lieu de destination du voyage organisé ou à proximité immédiate de celui-ci, susceptibles de rendre impossible l’exécution, en toute sécurité, de ce voyage ou le transport des passagers vers le lieu de destination de celui-ci, en particulier sans exposer ces derniers à des désagréments ou à des risques sanitaires. Ces prétentions ont été rejetées en première instance comme en appel.
Saisie d’un pourvoi en cassation introduit par M. D., la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation de la directive relative aux voyages à forfait, l’invitant à préciser les conditions dans lesquelles un voyageur peut invoquer l’existence de « circonstances exceptionnelles et inévitables » au sens de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive{2}, dans un contexte où les autorités nationales compétentes n’avaient publié que le 12 mars 2020, donc après la résiliation, une recommandation adressée aux voyageurs visant à les encourager à reporter, au cours des mois à venir, tous leurs voyages à l’étranger, y compris aux Émirats arabes unis en raison de la pandémie de COVID-19.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour relève que la constatation de la survenance, au lieu de destination d’un voyage ou à proximité immédiate de celui-ci, de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{3}, au sens de la directive relative aux voyages à forfait{4}, n’est pas soumise à la condition que les autorités compétentes aient publié une recommandation officielle visant à déconseiller aux voyageurs de se rendre dans la zone concernée ou une décision officielle qualifiant cette zone comme étant une « zone à risque ». Tout d’abord, une telle exigence serait contradictoire avec la nature et le fondement même de l’adoption de telles recommandations ou de telles décisions, qui présupposent, en principe, l’existence de risques sanitaires ou autres, susceptibles de relever de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{5}. Ensuite, une telle exigence est susceptible de compromettre l’objectif d’harmonisation poursuivi par la directive relative au voyage à forfait, les conditions pour l’adoption d’une telle recommandation ou d’une telle décision n’étant pas uniformes dans les différents États membres. Enfin, exiger l’adoption de recommandations ou de décisions officielles à cet égard serait susceptible de rendre impossible l’exercice du droit de résiliation sans frais{6}, dans la mesure où, précisément, lesdites circonstances exceptionnelles et inévitables peuvent exister indépendamment de l’adoption de toute recommandation ou décision officielles.
En deuxième lieu, la Cour se prononce, premièrement, sur la question de savoir quel type de circonstances relèvent de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination »{7}. Ainsi, elle note que le droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation n’est pas soumis à la condition que soient survenues des circonstances qui rendent objectivement impossibles l’exécution du forfait concerné ou le transfert des passagers vers le lieu de destination. En ce sens, une crise sanitaire, telle que la propagation de la COVID-19, peut, eu égard au risque grave qu’elle représente pour la santé humaine, être considérée comme ayant des « conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination », indépendamment du fait qu’elle ne soit pas nécessairement de nature à rendre cette exécution objectivement impossible.
S’agissant de l’appréciation de l’existence de telles conséquences, la Cour précise que des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle des voyageurs, tels que le fait de voyager avec des enfants en bas âge ou d’appartenir à un groupe à plus haut risque, sont susceptibles d’avoir une incidence sur la gravité des conséquences engendrées par les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par un voyageur, dans la mesure où ils sont de nature objective. Ces mêmes facteurs peuvent en effet avoir une incidence sur la possibilité d’exécuter, dans de bonnes conditions, le forfait concerné. Toutefois, de tels facteurs personnels ne sauraient suffire, en tant que tels, à justifier que le voyageur concerné exerce son droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation. Au contraire, ces facteurs sont pertinents seulement lorsqu’ils sont de nature à influer sur l’appréciation des conséquences objectivement rattachables à la survenance de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
Partant, la Cour conclut que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination » du voyage concerné couvre également des circonstances qui impliquent que l’exécution dudit forfait ne peut avoir lieu sans exposer les voyageurs concernés à des risques pour leur santé et leur sécurité, compte tenu, le cas échéant, des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle de ces voyageurs.
Deuxièmement, se prononçant sur l’appréciation des conséquences importantes sur l’exécution du forfait concerné ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination, la Cour souligne, d’une part, que cette appréciation doit se fonder sur un « pronostic » en ce qui concerne la probabilité que les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par le voyageur concerné auront de telles conséquences sur l’exécution du forfait. En effet, ces conséquences ne se manifestant définitivement que lors de l’exécution de ce forfait, l’appréciation de celles-ci, au moment de la résiliation, revêt nécessairement un caractère prospectif. D’autre part, l’appréciation de telles conséquences doit être effectuée en se plaçant, à la date de la résiliation du contrat de voyage à forfait concerné, dans la perspective d’un voyageur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
En troisième lieu, la Cour constate que les termes « exceptionnelles et inévitables »{8} tendent, en eux-mêmes, à indiquer que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » ne vise que des situations qui, d’une part, n’existaient pas à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait et, d’autre part, étaient imprévisibles. Ainsi, des circonstances déjà connues du voyageur concerné ou prévisibles pour celui-ci à cette date ne peuvent pas être invoquées par ce voyageur au titre de ladite notion et, partant, ne sauraient fonder l’exercice du droit de résilier un tel contrat sans payer de frais de résiliation. S’agissant de l’appréciation d’une situation existante ou prévisible à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait, mais fortement évolutive, il ne saurait être exclu qu’une telle situation ait connu, après la conclusion de ce contrat, des évolutions sensibles, si bien qu’elle soit différente de celle dont le voyageur concerné avait connaissance ou qu’il pouvait raisonnablement prévoir lorsqu’il a conclu ledit contrat. Dans un tel cas de figure, ces évolutions pourraient engendrer une situation nouvelle, susceptible de répondre en tant que telle à la définition de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
En quatrième et dernier lieu, s’agissant du lieu où les conséquences causées par des circonstances exceptionnelles et inévitables doivent se produire, la Cour relève que, lorsque ces conséquences s’étendent au-delà du lieu de destination pour atteindre, notamment, le lieu de départ ou de retour ou les lieux d’escale et de correspondance du voyage, elles sont susceptibles d’affecter l’exécution du forfait concerné. À ce titre, elles doivent pouvoir être prises en considération aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait. À cet égard, il est notamment possible que des mesures soient adoptées au lieu de départ en raison des circonstances qui surviennent au lieu de destination, telles que des mesures consistant à soumettre les voyageurs de retour au lieu de départ à des restrictions, lesquelles pourraient alors être intégrées dans l’évaluation des conséquences importantes sur l’exécution du contrat de voyage à forfait concerné.
{1} Prévu par l’article 12, paragraphe 2, de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) nº 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE (JO 2015, L 326, p. 1, ci-après la « directive relative aux voyages à forfait »).
{2} En vertu de cette disposition « Nonobstant le paragraphe 1, le voyageur a le droit de résilier un contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination concerné ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination ».
{3} Cette notion est définie à l’article 3, point 12, de la directive relative aux voyages à forfait comme étant « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
{4} Et notamment de l’article 3, point 12, et de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive.
{5} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{6} Visé à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{7} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{8} Relevant de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », prévue à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
Arrêt du 29 février 2024, Tez Tour (C-299/22) (cf. points 48, 53-62, 65-72, disp. 2)
19. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Droit de résiliation du contrat sans frais - Circonstances exceptionnelles et inévitables - Notion - Situation connue du voyageur ou prévisible pour celui-ci à la date de la conclusion du contrat - Exclusion - Situation ayant connu des évolutions après la conclusion de ce contrat - Situation nouvelle - Inclusion
Saisie à titre préjudiciel par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), la Cour apporte des précisions quant au droit des voyageurs de résilier sans frais un contrat de voyage à forfait en présence de circonstances exceptionnelles et inévitables{1}, dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Le 10 février 2020, M. D. a conclu avec Tez Tour un contrat de voyage à forfait par lequel cette dernière s’est engagée à organiser, pour celui-ci et les membres de sa famille, un voyage de vacances à destination des Émirats arabes unis pendant la période allant du 1er au 8 mars 2020. Le forfait concerné comprenait, notamment, un vol aller-retour entre Vilnius (Lituanie) et Dubaï (Émirats arabes unis) ainsi qu’un séjour de sept nuitées dans un hôtel.
Le 27 février 2020, M. D. a informé Tez Tour qu’il souhaitait, en raison du risque sanitaire lié à la propagation de la COVID-19, résilier ledit contrat. Tez Tour a refusé sa demande. Dès lors, M. D. a saisi les juridictions compétentes, en invoquant des circonstances exceptionnelles et inévitables au lieu de destination du voyage organisé ou à proximité immédiate de celui-ci, susceptibles de rendre impossible l’exécution, en toute sécurité, de ce voyage ou le transport des passagers vers le lieu de destination de celui-ci, en particulier sans exposer ces derniers à des désagréments ou à des risques sanitaires. Ces prétentions ont été rejetées en première instance comme en appel.
Saisie d’un pourvoi en cassation introduit par M. D., la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation de la directive relative aux voyages à forfait, l’invitant à préciser les conditions dans lesquelles un voyageur peut invoquer l’existence de « circonstances exceptionnelles et inévitables » au sens de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive{2}, dans un contexte où les autorités nationales compétentes n’avaient publié que le 12 mars 2020, donc après la résiliation, une recommandation adressée aux voyageurs visant à les encourager à reporter, au cours des mois à venir, tous leurs voyages à l’étranger, y compris aux Émirats arabes unis en raison de la pandémie de COVID-19.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour relève que la constatation de la survenance, au lieu de destination d’un voyage ou à proximité immédiate de celui-ci, de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{3}, au sens de la directive relative aux voyages à forfait{4}, n’est pas soumise à la condition que les autorités compétentes aient publié une recommandation officielle visant à déconseiller aux voyageurs de se rendre dans la zone concernée ou une décision officielle qualifiant cette zone comme étant une « zone à risque ». Tout d’abord, une telle exigence serait contradictoire avec la nature et le fondement même de l’adoption de telles recommandations ou de telles décisions, qui présupposent, en principe, l’existence de risques sanitaires ou autres, susceptibles de relever de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{5}. Ensuite, une telle exigence est susceptible de compromettre l’objectif d’harmonisation poursuivi par la directive relative au voyage à forfait, les conditions pour l’adoption d’une telle recommandation ou d’une telle décision n’étant pas uniformes dans les différents États membres. Enfin, exiger l’adoption de recommandations ou de décisions officielles à cet égard serait susceptible de rendre impossible l’exercice du droit de résiliation sans frais{6}, dans la mesure où, précisément, lesdites circonstances exceptionnelles et inévitables peuvent exister indépendamment de l’adoption de toute recommandation ou décision officielles.
En deuxième lieu, la Cour se prononce, premièrement, sur la question de savoir quel type de circonstances relèvent de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination »{7}. Ainsi, elle note que le droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation n’est pas soumis à la condition que soient survenues des circonstances qui rendent objectivement impossibles l’exécution du forfait concerné ou le transfert des passagers vers le lieu de destination. En ce sens, une crise sanitaire, telle que la propagation de la COVID-19, peut, eu égard au risque grave qu’elle représente pour la santé humaine, être considérée comme ayant des « conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination », indépendamment du fait qu’elle ne soit pas nécessairement de nature à rendre cette exécution objectivement impossible.
S’agissant de l’appréciation de l’existence de telles conséquences, la Cour précise que des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle des voyageurs, tels que le fait de voyager avec des enfants en bas âge ou d’appartenir à un groupe à plus haut risque, sont susceptibles d’avoir une incidence sur la gravité des conséquences engendrées par les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par un voyageur, dans la mesure où ils sont de nature objective. Ces mêmes facteurs peuvent en effet avoir une incidence sur la possibilité d’exécuter, dans de bonnes conditions, le forfait concerné. Toutefois, de tels facteurs personnels ne sauraient suffire, en tant que tels, à justifier que le voyageur concerné exerce son droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation. Au contraire, ces facteurs sont pertinents seulement lorsqu’ils sont de nature à influer sur l’appréciation des conséquences objectivement rattachables à la survenance de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
Partant, la Cour conclut que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination » du voyage concerné couvre également des circonstances qui impliquent que l’exécution dudit forfait ne peut avoir lieu sans exposer les voyageurs concernés à des risques pour leur santé et leur sécurité, compte tenu, le cas échéant, des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle de ces voyageurs.
Deuxièmement, se prononçant sur l’appréciation des conséquences importantes sur l’exécution du forfait concerné ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination, la Cour souligne, d’une part, que cette appréciation doit se fonder sur un « pronostic » en ce qui concerne la probabilité que les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par le voyageur concerné auront de telles conséquences sur l’exécution du forfait. En effet, ces conséquences ne se manifestant définitivement que lors de l’exécution de ce forfait, l’appréciation de celles-ci, au moment de la résiliation, revêt nécessairement un caractère prospectif. D’autre part, l’appréciation de telles conséquences doit être effectuée en se plaçant, à la date de la résiliation du contrat de voyage à forfait concerné, dans la perspective d’un voyageur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
En troisième lieu, la Cour constate que les termes « exceptionnelles et inévitables »{8} tendent, en eux-mêmes, à indiquer que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » ne vise que des situations qui, d’une part, n’existaient pas à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait et, d’autre part, étaient imprévisibles. Ainsi, des circonstances déjà connues du voyageur concerné ou prévisibles pour celui-ci à cette date ne peuvent pas être invoquées par ce voyageur au titre de ladite notion et, partant, ne sauraient fonder l’exercice du droit de résilier un tel contrat sans payer de frais de résiliation. S’agissant de l’appréciation d’une situation existante ou prévisible à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait, mais fortement évolutive, il ne saurait être exclu qu’une telle situation ait connu, après la conclusion de ce contrat, des évolutions sensibles, si bien qu’elle soit différente de celle dont le voyageur concerné avait connaissance ou qu’il pouvait raisonnablement prévoir lorsqu’il a conclu ledit contrat. Dans un tel cas de figure, ces évolutions pourraient engendrer une situation nouvelle, susceptible de répondre en tant que telle à la définition de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
En quatrième et dernier lieu, s’agissant du lieu où les conséquences causées par des circonstances exceptionnelles et inévitables doivent se produire, la Cour relève que, lorsque ces conséquences s’étendent au-delà du lieu de destination pour atteindre, notamment, le lieu de départ ou de retour ou les lieux d’escale et de correspondance du voyage, elles sont susceptibles d’affecter l’exécution du forfait concerné. À ce titre, elles doivent pouvoir être prises en considération aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait. À cet égard, il est notamment possible que des mesures soient adoptées au lieu de départ en raison des circonstances qui surviennent au lieu de destination, telles que des mesures consistant à soumettre les voyageurs de retour au lieu de départ à des restrictions, lesquelles pourraient alors être intégrées dans l’évaluation des conséquences importantes sur l’exécution du contrat de voyage à forfait concerné.
{1} Prévu par l’article 12, paragraphe 2, de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) nº 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE (JO 2015, L 326, p. 1, ci-après la « directive relative aux voyages à forfait »).
{2} En vertu de cette disposition « Nonobstant le paragraphe 1, le voyageur a le droit de résilier un contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination concerné ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination ».
{3} Cette notion est définie à l’article 3, point 12, de la directive relative aux voyages à forfait comme étant « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
{4} Et notamment de l’article 3, point 12, et de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive.
{5} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{6} Visé à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{7} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{8} Relevant de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », prévue à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
Arrêt du 29 février 2024, Tez Tour (C-299/22) (cf. points 74-76, 79-81, 83, disp. 3)
20. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Droit de résiliation du contrat sans frais - Circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci - Conséquences importantes sur l'exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination - Critères d'appréciation - Prise en compte des conséquences se produisant au lieu de départ ainsi qu'aux différents lieux au début et au retour du voyage concerné - Condition - Conséquences affectant l'exécution de ce forfait
Saisie à titre préjudiciel par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), la Cour apporte des précisions quant au droit des voyageurs de résilier sans frais un contrat de voyage à forfait en présence de circonstances exceptionnelles et inévitables{1}, dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Le 10 février 2020, M. D. a conclu avec Tez Tour un contrat de voyage à forfait par lequel cette dernière s’est engagée à organiser, pour celui-ci et les membres de sa famille, un voyage de vacances à destination des Émirats arabes unis pendant la période allant du 1er au 8 mars 2020. Le forfait concerné comprenait, notamment, un vol aller-retour entre Vilnius (Lituanie) et Dubaï (Émirats arabes unis) ainsi qu’un séjour de sept nuitées dans un hôtel.
Le 27 février 2020, M. D. a informé Tez Tour qu’il souhaitait, en raison du risque sanitaire lié à la propagation de la COVID-19, résilier ledit contrat. Tez Tour a refusé sa demande. Dès lors, M. D. a saisi les juridictions compétentes, en invoquant des circonstances exceptionnelles et inévitables au lieu de destination du voyage organisé ou à proximité immédiate de celui-ci, susceptibles de rendre impossible l’exécution, en toute sécurité, de ce voyage ou le transport des passagers vers le lieu de destination de celui-ci, en particulier sans exposer ces derniers à des désagréments ou à des risques sanitaires. Ces prétentions ont été rejetées en première instance comme en appel.
Saisie d’un pourvoi en cassation introduit par M. D., la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation de la directive relative aux voyages à forfait, l’invitant à préciser les conditions dans lesquelles un voyageur peut invoquer l’existence de « circonstances exceptionnelles et inévitables » au sens de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive{2}, dans un contexte où les autorités nationales compétentes n’avaient publié que le 12 mars 2020, donc après la résiliation, une recommandation adressée aux voyageurs visant à les encourager à reporter, au cours des mois à venir, tous leurs voyages à l’étranger, y compris aux Émirats arabes unis en raison de la pandémie de COVID-19.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour relève que la constatation de la survenance, au lieu de destination d’un voyage ou à proximité immédiate de celui-ci, de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{3}, au sens de la directive relative aux voyages à forfait{4}, n’est pas soumise à la condition que les autorités compétentes aient publié une recommandation officielle visant à déconseiller aux voyageurs de se rendre dans la zone concernée ou une décision officielle qualifiant cette zone comme étant une « zone à risque ». Tout d’abord, une telle exigence serait contradictoire avec la nature et le fondement même de l’adoption de telles recommandations ou de telles décisions, qui présupposent, en principe, l’existence de risques sanitaires ou autres, susceptibles de relever de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables »{5}. Ensuite, une telle exigence est susceptible de compromettre l’objectif d’harmonisation poursuivi par la directive relative au voyage à forfait, les conditions pour l’adoption d’une telle recommandation ou d’une telle décision n’étant pas uniformes dans les différents États membres. Enfin, exiger l’adoption de recommandations ou de décisions officielles à cet égard serait susceptible de rendre impossible l’exercice du droit de résiliation sans frais{6}, dans la mesure où, précisément, lesdites circonstances exceptionnelles et inévitables peuvent exister indépendamment de l’adoption de toute recommandation ou décision officielles.
En deuxième lieu, la Cour se prononce, premièrement, sur la question de savoir quel type de circonstances relèvent de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination »{7}. Ainsi, elle note que le droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation n’est pas soumis à la condition que soient survenues des circonstances qui rendent objectivement impossibles l’exécution du forfait concerné ou le transfert des passagers vers le lieu de destination. En ce sens, une crise sanitaire, telle que la propagation de la COVID-19, peut, eu égard au risque grave qu’elle représente pour la santé humaine, être considérée comme ayant des « conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination », indépendamment du fait qu’elle ne soit pas nécessairement de nature à rendre cette exécution objectivement impossible.
S’agissant de l’appréciation de l’existence de telles conséquences, la Cour précise que des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle des voyageurs, tels que le fait de voyager avec des enfants en bas âge ou d’appartenir à un groupe à plus haut risque, sont susceptibles d’avoir une incidence sur la gravité des conséquences engendrées par les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par un voyageur, dans la mesure où ils sont de nature objective. Ces mêmes facteurs peuvent en effet avoir une incidence sur la possibilité d’exécuter, dans de bonnes conditions, le forfait concerné. Toutefois, de tels facteurs personnels ne sauraient suffire, en tant que tels, à justifier que le voyageur concerné exerce son droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation. Au contraire, ces facteurs sont pertinents seulement lorsqu’ils sont de nature à influer sur l’appréciation des conséquences objectivement rattachables à la survenance de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
Partant, la Cour conclut que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables [ayant] des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination » du voyage concerné couvre également des circonstances qui impliquent que l’exécution dudit forfait ne peut avoir lieu sans exposer les voyageurs concernés à des risques pour leur santé et leur sécurité, compte tenu, le cas échéant, des facteurs personnels relatifs à la situation individuelle de ces voyageurs.
Deuxièmement, se prononçant sur l’appréciation des conséquences importantes sur l’exécution du forfait concerné ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination, la Cour souligne, d’une part, que cette appréciation doit se fonder sur un « pronostic » en ce qui concerne la probabilité que les circonstances exceptionnelles et inévitables invoquées par le voyageur concerné auront de telles conséquences sur l’exécution du forfait. En effet, ces conséquences ne se manifestant définitivement que lors de l’exécution de ce forfait, l’appréciation de celles-ci, au moment de la résiliation, revêt nécessairement un caractère prospectif. D’autre part, l’appréciation de telles conséquences doit être effectuée en se plaçant, à la date de la résiliation du contrat de voyage à forfait concerné, dans la perspective d’un voyageur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
En troisième lieu, la Cour constate que les termes « exceptionnelles et inévitables »{8} tendent, en eux-mêmes, à indiquer que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » ne vise que des situations qui, d’une part, n’existaient pas à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait et, d’autre part, étaient imprévisibles. Ainsi, des circonstances déjà connues du voyageur concerné ou prévisibles pour celui-ci à cette date ne peuvent pas être invoquées par ce voyageur au titre de ladite notion et, partant, ne sauraient fonder l’exercice du droit de résilier un tel contrat sans payer de frais de résiliation. S’agissant de l’appréciation d’une situation existante ou prévisible à la date de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait, mais fortement évolutive, il ne saurait être exclu qu’une telle situation ait connu, après la conclusion de ce contrat, des évolutions sensibles, si bien qu’elle soit différente de celle dont le voyageur concerné avait connaissance ou qu’il pouvait raisonnablement prévoir lorsqu’il a conclu ledit contrat. Dans un tel cas de figure, ces évolutions pourraient engendrer une situation nouvelle, susceptible de répondre en tant que telle à la définition de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables ».
En quatrième et dernier lieu, s’agissant du lieu où les conséquences causées par des circonstances exceptionnelles et inévitables doivent se produire, la Cour relève que, lorsque ces conséquences s’étendent au-delà du lieu de destination pour atteindre, notamment, le lieu de départ ou de retour ou les lieux d’escale et de correspondance du voyage, elles sont susceptibles d’affecter l’exécution du forfait concerné. À ce titre, elles doivent pouvoir être prises en considération aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait. À cet égard, il est notamment possible que des mesures soient adoptées au lieu de départ en raison des circonstances qui surviennent au lieu de destination, telles que des mesures consistant à soumettre les voyageurs de retour au lieu de départ à des restrictions, lesquelles pourraient alors être intégrées dans l’évaluation des conséquences importantes sur l’exécution du contrat de voyage à forfait concerné.
{1} Prévu par l’article 12, paragraphe 2, de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) nº 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE (JO 2015, L 326, p. 1, ci-après la « directive relative aux voyages à forfait »).
{2} En vertu de cette disposition « Nonobstant le paragraphe 1, le voyageur a le droit de résilier un contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination concerné ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination ».
{3} Cette notion est définie à l’article 3, point 12, de la directive relative aux voyages à forfait comme étant « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
{4} Et notamment de l’article 3, point 12, et de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive.
{5} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{6} Visé à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{7} Au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{8} Relevant de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », prévue à l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
Arrêt du 29 février 2024, Tez Tour (C-299/22) (cf. points 90-95, disp. 4)
21. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Droit de résiliation du contrat sans frais - Circonstances exceptionnelles et inévitables - Notion - Pandémie de COVID-19 - Inclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 29 février 2024, Kiwi Tours (C-584/22) (cf. points 24, 25, 48)
22. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Droit de résiliation du contrat sans frais - Circonstances exceptionnelles et inévitables ayant des conséquences importantes sur l'exécution d'un forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination - Notion - Critères d'appréciation - Prise en compte de la situation prévalant à la date de la résiliation du contrat de voyage - Inclusion - Prise en compte de la situation prévalant à une date postérieure à celle de la résiliation du contrat de voyage - Exclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 29 février 2024, Kiwi Tours (C-584/22) (cf. points 26-32, 37-46, 49 et disp.)
23. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Protection contre le risque d'insolvabilité ou de faillite de l'organisateur - Garantie pour le remboursement des paiements effectués en vertu dudit contrat - Notion - Résiliation du contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, intervenue avant l'insolvabilité de l'organisateur de voyages - Inclusion
Saisie à titre préjudiciel{1}, la Cour précise la portée de la garantie conférée aux voyageurs en cas d’insolvabilité d’un organisateur de voyages à forfait{2} et relève qu’elle s’applique à un voyageur qui a résilié son contrat de voyages à forfait en raison de circonstances exceptionnelles{3}, telles que la pandémie de COVID-19, lorsque l’organisateur de voyages est devenu insolvable après cette résiliation et que ce voyageur n’a pas été intégralement remboursé des paiements effectués au titre du forfait avant la survenance de cette insolvabilité.
Les deux litiges en cause opposent, d’une part, un organe ayant notamment pour activité la protection des consommateurs, auquel un consommateur a cédé son droit au remboursement du prix de son voyage à forfait qu’il a payé à un organisateur de voyages à forfait (affaire C 771/22), et des voyageurs ayant conclu des contrats de voyages à forfait avec un organisateur de voyages (C 45/23) à, d’autre part, des compagnies d’assurances assurant ces organisateurs de voyages en cas d’insolvabilité. Ces dernières ont refusé de rembourser à ces consommateurs le prix payé au titre des contrats conclus, résiliés pour cause de pandémie de COVID-19, arguant que seul le risque d’inexécution du forfait en raison de l’insolvabilité des organisateurs était couvert par l’assurance.
Les juridictions de renvoi interrogent la Cour sur la portée de la garantie devant être conférée à un voyageur en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages à forfait, prévue à l’article 17 de la directive sur les voyages à forfait. En particulier, elles cherchent à savoir si cette garantie couvre les remboursements auxquels ce voyageur a droit lorsqu’il résilie son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, telles que la pandémie de COVID-19, avant que l’organisateur de voyages ne soit déclaré insolvable.
Appréciation de la Cour
D’emblée, la Cour constate que le sens de l’article 17, paragraphe 1, de la directive relative aux voyages à forfait ne ressort pas sans ambiguïté de son libellé et qu’il convient dès lors d’examiner son contexte, les objectifs de cette directive ainsi que, le cas échéant, la genèse de cette dernière.
S’agissant, en premier lieu du contexte de cet article, la Cour relève que, eu égard aux termes « lorsque l’exécution du forfait est affectée par l’insolvabilité de l’organisateur de voyages » et « les services de voyage qui ne sont pas exécutés », figurant à l’article 17, paragraphes 4 et 5, de cette même directive, ces dispositions sont susceptibles d’étayer une interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de ladite directive selon laquelle la notion de « services concernés » couvre uniquement les services de voyage. Ainsi, la garantie prévue à ce dernier article s’appliquerait uniquement lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’inexécution de ces services et l’insolvabilité de l’organisateur de voyages.
Toutefois, l’article 17, paragraphe 2, de la directive sur les voyages à forfait prévoit que cette garantie doit être effective et couvrir les coûts raisonnablement prévisibles. Elle doit plus particulièrement couvrir les montants des paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom ainsi que les coûts estimés de rapatriement en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages.
Or, tout remboursement de paiement que l’organisateur de voyages doit effectuer à la suite d’une résiliation du contrat de voyage à forfait par ce dernier ou par le voyageur est un montant prévisible de paiement sur lequel peut se répercuter l’insolvabilité de l’organisateur de voyages.
Au vu de ce qui précède, l’article 17, paragraphe 2, de la directive sur les voyages à forfait, peut militer en faveur d’une interprétation du paragraphe 1 de cet article selon laquelle la garantie prévue par cette dernière disposition s’applique à tout remboursement dû par l’organisateur de voyages au voyageur lorsque le contrat de voyage à forfait a été résilié, dans l’une des hypothèses visées par cette directive, avant la survenance de l’insolvabilité de cet organisateur.
En ce qui concerne, en second lieu, l’objectif de ladite directive, elle vise à adapter l’étendue de la protection conférée aux voyageurs par la directive 90/314{4} aux évolutions du marché ainsi qu’à contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs{5}. Or, une interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive sur les voyages à forfait excluant de la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages les remboursements qui sont dus aux voyageurs à la suite d’une résiliation intervenue avant la survenance de cette insolvabilité reviendrait à diminuer la protection de ces derniers par rapport à celle que leur conférait la directive 90/314.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour souligne que le texte de l’article 17, paragraphe 1, de la directive sur les voyages à forfait se prête tant à une interprétation excluant de son champ d’application les créances de remboursement nées à la suite d’une résiliation du contrat de voyage à forfait intervenue, dans l’une des situations visées par cette directive, avant la survenance de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages qu’à une interprétation qui inclut ces mêmes créances dans ce champ d’application. Or, lorsqu’un texte du droit dérivé de l’Union est susceptible de plus d’une interprétation, il est donné préférence à celle qui rend la disposition concernée conforme au droit primaire, y compris au principe d’égalité de traitement. Afin d’apprécier le respect de ce principe, l’appréciation de la comparabilité des situations doit se faire à l’aune de l’objectif poursuivi par l’acte en question.
En l’occurrence, la directive sur les voyages à forfait a pour objectif de réaliser un niveau élevé de protection des consommateurs et l’article 17 de cette directive participe à la réalisation de cet objectif en visant à protéger le voyageur du risque financier qu’implique l’insolvabilité de l’organisateur de voyages. Dès lors, au regard de cet objectif, le point de référence pour comparer la situation du voyageur qui, après avoir payé tout ou partie du prix de son voyage à forfait, a résilié son contrat de voyage à forfait, mais n’a pas été remboursé parce que l’organisateur de voyages est devenu insolvable après cette résiliation, et celle du voyageur dont le voyage n’a pas été exécuté et qui n’a pas été remboursé en raison de l’insolvabilité de cet organisateur doit être le risque de pertes financières encouru par le voyageur concerné. Par conséquent, la situation de ces deux voyageurs est comparable. En effet, dans les deux cas de figure, le voyageur est exposé au risque financier de ne pas pouvoir obtenir, en raison de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages, un remboursement des sommes qu’il a payées à cet organisateur.
Partant, en vertu du principe d’égalité de traitement, tant le voyageur dont le voyage à forfait ne peut être exécuté en raison de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages que le voyageur qui a résilié son contrat de voyage à forfait{6} doivent bénéficier de la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages en ce qui concerne les remboursements qui leur sont dus, à moins qu’une différence de traitement entre ces deux catégories de voyageurs ne soit objectivement justifiée. En l’espèce, aucun élément ne paraît pouvoir justifier une différence de traitement entre ces catégories de voyageurs.
{1} Par le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne, Autriche) dans l’affaire C 771/22 et par le Nederlandstalige Ondernemingsrechtbank Brussel (tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles, Belgique) dans l’affaire C 45/23.
{2} Telle que prévue par l’article 17 de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO 2015, L 326, p. 1, ci-après la « directive relative aux voyages à forfait »).
En vertu de cette disposition : « 1. Les États membres veillent à ce que les organisateurs établis sur leur territoire fournissent une garantie pour le remboursement de tous les paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom dans la mesure où les services concernés ne sont pas exécutés en raison de l’insolvabilité des organisateurs. Si le transport des passagers est inclus dans le contrat de voyage à forfait, les organisateurs fournissent aussi une garantie pour le rapatriement des voyageurs. La continuation du forfait peut être proposée.
[…]
La garantie visée au paragraphe 1 est effective et couvre les coûts raisonnablement prévisibles. Elle couvre les montants des paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom en ce qui concerne les forfaits, compte tenu du laps de temps entre les paiements de l’acompte et du solde et l’exécution des forfaits, ainsi que les coûts estimés de rapatriement en cas d’insolvabilité de l’organisateur. »
{3} En application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive relative aux voyages à forfait.
{4} Directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO 1990, L 158, p. 59).
{5} Tel qu’exigé à l’article 169 TFUE.
{6} Notamment, en application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302.
24. Rapprochement des législations - Voyages à forfait et prestations de voyage liées - Directive 2015/2302 - Résiliation du contrat de voyage à forfait - Droit de l'organisateur de résilier le contrat sans dédommagement supplémentaire - Circonstances exceptionnelles et inévitables - Modalités de preuve - Recommandation officielle visant à déconseiller les voyages vers le pays de destination en raison de la propagation de la COVID-19 - Admissibilité - Demande de maintien du voyage par le voyageur - Absence de circonstances rendant objectivement impossible l'exécution du contrat - Absence d'incidence - Valeur probante d'une telle recommandation
Voir texte de la décision.
Arrêt du 4 octobre 2024, Schauinsland-Reisen (C-546/22) (cf. points 33-39, 41-44, 47-55 et disp.)
25. Transports - Transports aériens - Règlement nº 261/2004 - Indemnisation et assistance des passagers - Refus d'embarquement - Indemnisation par le transporteur aérien effectif - Portée - Voyages à forfait - Application cumulative du règlement nº 261/2004 et de la directive 2015/2302 prévoyant le dédommagement par l'organisateur du voyage - Limites - Refus d'une surcompensation
Voir texte de la décision.
Arrêt du 17 octobre 2024, Hembesler (C-650/23 et C-705/23) (cf. points 39, 40)