1. Fonctionnaires - Droits et obligations - Obligation d'indépendance et d'intégrité - Risque de conflit d'intérêts en cas d'existence de relations professionnelles entre un fonctionnaire appelé à se prononcer sur une affaire et un tiers impliqué dans celle-ci - Absence



Arrêt du 9 février 2010, Evropaïki Dynamiki / Commission (T-340/07, Rec._p._II-16*) (cf. points 130-134)

En l’absence d’élément permettant de conclure à l’existence d’un conflit d’intérêts, l’existence de relations professionnelles entre le greffier de la Cour de justice et l’époux d’un tiers, voire avec le tiers lui-même, ne saurait suffire à impliquer que son indépendance a été compromise du seul fait qu’il a été appelé à se prononcer sur une affaire concernant indirectement ledit tiers. De même, le fait que ledit greffier a décidé, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, de l’octroi et de la prolongation des contrats d’emploi dudit tiers, ainsi que d’une sanction disciplinaire envers un fonctionnaire ayant envoyé un courrier électronique au personnel de l’institution concernant ce prétendu conflit d’intérêts, ne permet pas d’établir que la relation professionnelle entre le tiers et lui ait excédé le cadre normal ou qu’il ait adopté une décision de réaffectation dudit fonctionnaire avec l’intention de punir celui-ci pour avoir révélé l’existence d’un prétendu traitement de faveur au bénéfice du tiers.

Arrêt du 5 décembre 2012, Z / Cour de justice (F-88/09 et F-48/10) (cf. points 190, 281)

2. Fonctionnaires - Droits et obligations - Obligation d'indépendance et d'intégrité - Risque de conflit en cas de divergences de vue entre le directeur d'une agence européenne et un agent assumant des fonctions de représentation du personnel sur les questions relevant de la sphère du dialogue social - Absence

Les profondes divergences de vue entre la direction d'une agence européenne et la représentation du personnel de celle-ci sur des questions relevant de la sphère du dialogue social ne peuvent, à elles seules, suffire à fonder la crainte légitime et objectivement justifiée que le directeur d'une agence ait pu, en dehors de ce dialogue social, nourrir des préjugés défavorables envers un agent assumant des fonctions de représentation du personnel ou être animé d’un intérêt personnel au non-renouvellement du contrat de ce dernier, au point de perdre son impartialité dans l’exercice de ses fonctions.

En effet, d’une part, de telles divergences, au demeurant sans aucun rapport avec la situation personnelle de l'agent, à elles seules, ne présentent pas un degré de gravité tel que toute appréciation du directeur aurait été concrètement entachée d’un manque d’impartialité à l’égard de l'agent. D’autre part, un risque purement abstrait de conflit personnel dans lequel aurait été placé le directeur, du seul fait desdites divergences de vue, ne saurait suffire à fonder la prétendue violation de l’article 11 bis du statut.

Arrêt du 4 mai 2010, Fries Guggenheim / Cedefop (F-47/09) (cf. points 78-79)

3. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Divulgation de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave - Protection contre des poursuites disciplinaires - Conditions

L'article 22 ter, paragraphe 1, du statut renvoie à l'article 22 bis, paragraphe 1, premier alinéa, du statut pour la définition des informations dont la divulgation ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires: ces deux textes visent seulement la communication de faits concrets dont une première appréciation a pu conduire le fonctionnaire qui les communique à présumer raisonnablement l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave.

La divulgation prévue à ces articles n'est protégée contre les poursuites disciplinaires que si elle respecte cette condition et est effectuée avec la réserve commandée par les devoirs d'objectivité et d'impartialité, du respect de la dignité de la fonction, du respect de l'honneur des personnes et de la présomption d'innocence.

La protection de l'article 22 ter, paragraphe 1, du statut ne peut s'appliquer aux fonctionnaires coupables de manquements tels que la violation de l'obligation de faire preuve de la plus grande prudence et de la plus grande retenue dans la publicité donnée à des allégations relevant de la compétence de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF).

Arrêt du 13 janvier 2011, Nijs / Cour des comptes (F-77/09) (cf. points 65-66, 70, 80)

Si l’article 22 bis du statut accorde une protection aux fonctionnaires ou agents qui alertent leur institution sur la conduite d’un autre fonctionnaire ou agent susceptible de constituer un grave manquement à ses obligations, cette protection suppose que les fonctionnaires ou agents "donneurs d’alerte" aient eux-mêmes respecté la procédure prévue aux articles 22 bis et 22 ter du statut, laquelle vise à préserver l’honorabilité professionnelle du fonctionnaire ou agent visé par les informations communiquées à l’institution tant que l’autorité disciplinaire ne s’est pas prononcée. En effet, les articles 22 bis et 22 ter du statut n’offrent pas aux fonctionnaires qui ont recours à ces dispositions une protection contre toute décision susceptible de leur faire grief, mais uniquement contre les comportements et décisions préjudiciables qui sont adoptés en raison de la divulgation couverte par la procédure prévue par ces dispositions.

Partant, ne saurait bénéficier de la protection prévue par l’article 22 bis du statut un fonctionnaire qui, plutôt que de recourir à la procédure de l’article 22 ter du statut, a pris le parti de diffuser ses allégations à l’ensemble du personnel de son unité.

Arrêt du 5 décembre 2012, Z / Cour de justice (F-88/09 et F-48/10) (cf. points 184, 253)

Si l’article 22 bis du statut octroie une protection aux fonctionnaires ou agents qui alertent leur institution sur la conduite d’un autre fonctionnaire ou agent susceptible de constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires, cette protection suppose que ces fonctionnaires ou agents aient eux-mêmes respecté la procédure prévue à l’article 22 bis du statut. Notamment, afin de préserver l’honorabilité professionnelle du fonctionnaire ou agent visé par les informations communiquées à l’institution tant que l’autorité disciplinaire ne s’est pas prononcée à son sujet, l’article 22 bis prévoit la liste des personnes à qui ces informations peuvent être communiquées.

Arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho / Commission (F-126/11) (cf. point 77)

4. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d’expression - Exercice - Limites - Publication de textes se rattachant à l’activité de l’Union - Limitation sous forme d’information préalable - Justification

L’obligation d’informer l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’intention de publier un texte quelconque dont l’objet se rattache à l’activité de l’Union constitue une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression du fonctionnaire. Cette ingérence doit, dès lors, s’apprécier conformément à l’article 10, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l’homme, laquelle garantit des droits fondamentaux faisant partie du droit de l’Union en tant que principes généraux, conformément à l’article 6, paragraphe 3, TUE. Or, aux termes de l’article 10, paragraphe 2, de ladite convention, l’exercice de la liberté d’expression "comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions", pour autant que celles-ci soient prévues par la loi. De plus, une norme ne peut valablement imposer des restrictions à la liberté d’expression si elle n’est pas énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite, ce que commande, au demeurant aussi, le principe de sécurité juridique.

Arrêt du 20 janvier 2011, Strack / Commission (F-132/07) (cf. point 59)

5. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Publication de textes se rattachant à l’activité de l’Union - Absence d’obligation d'information s’agissant des anciens fonctionnaires - Divulgation d’informations de service - Obligation d’autorisation préalable pour les anciens fonctionnaires

L’article 17 bis du statut n’étant pas applicable aux anciens fonctionnaires, ceux-ci peuvent publier des textes en rapport avec les activités de l’Union sans en informer au préalable l’autorité investie du pouvoir de nomination, mais en revanche ils sont tenus de solliciter une autorisation au sens de l’article 17 du statut non seulement avant de divulguer des informations dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leurs fonctions, mais aussi avant de publier des textes, rédigés par eux ou auxquels ils ont collaboré, contenant de telles informations, sauf si celles-ci ont déjà été rendues accessibles au public.

Arrêt du 20 janvier 2011, Strack / Commission (F-132/07) (cf. points 62-64)

6. Fonctionnaires - Droits et obligations - Divulgation d'informations de service - Obligation d’autorisation préalable - Raison d’être

L’article 17 du statut interdit, en principe, aux fonctionnaires de divulguer des informations reçues dans l’exercice de leurs fonctions et subordonne une telle divulgation à une autorisation préalable. Ce régime d’autorisation est destiné à permettre à l’autorité investie du pouvoir de nomination de s’assurer que cette divulgation ne porte pas atteinte aux intérêts de l’Union, en affectant notamment son fonctionnement et sa réputation. Il a aussi pour but de la mettre en mesure de veiller, en temps opportun, à ce que les fonctionnaires règlent leur conduite en ayant en vue les intérêts des institutions et les obligations qui leur incombent au titre de l’article 339 TFUE. Le régime institué par l’article 17 du statut tend donc, notamment, à préserver la relation de confiance qui doit exister entre les institutions et leurs agents.

Arrêt du 20 janvier 2011, Strack / Commission (F-132/07) (cf. point 71)

7. Fonctionnaires - Droits et obligations - Divulgation d’informations de service - Obligation d’autorisation préalable - Nécessité de saisir l’administration d’une demande suffisamment précise

Le régime d’autorisation mis en place par l’article 17 du statut prévoit que le fonctionnaire, qui souhaite divulguer des informations portées à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou utiliser devant des juridictions nationales des constatations faites dans ce cadre, est tenu de présenter une demande suffisamment précise à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

La mise en œuvre de ce régime suppose que la question de savoir s’il y a lieu d’autoriser la divulgation d'informations soit appréciée à la lumière de l’ensemble des circonstances concrètes de l’espèce et de leurs implications sur l’institution et sur l’exercice du service public. Cette mise en œuvre nécessite également une mise en balance des différents intérêts en présence afin de déterminer lequel des intérêts de l’Union ou de l’intérêt du public à recevoir des informations doit primer. Il ne saurait, d’ailleurs, en aller autrement car la liberté d’expression comporte celle de diffuser des informations et le refus d’autoriser une telle diffusion sur la base d’une appréciation globale et abstraite ne serait pas conforme aux conditions dans lesquelles une ingérence dans cette liberté est admissible.

D’ailleurs, le droit de tout justiciable d’accéder à un tribunal, garanti par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, pourrait être affecté en substance même si l’autorité investie du pouvoir de nomination était amenée à statuer de manière générale et abstraite, sans avoir procédé au préalable à un examen complet et circonstancié.

Arrêt du 20 janvier 2011, Strack / Commission (F-132/07) (cf. points 72-75)

8. Fonctionnaires - Droits et obligations - Divulgation d'informations de service - Témoignage devant une juridiction nationale - Obligation d’autorisation préalable - Modalités de la demande de divulgation de document - Indications précises quant à leur objet et à leur intérêt au regard de l’objectif général poursuivi

Les articles 17 et 19 du statut n’obligent, certes, pas le fonctionnaire à limiter le nombre et le volume des documents qu’il demande à être autorisé à divulguer ou à produire en justice dès lors qu’il estime que la divulgation et la production en justice de chacun de ces documents est justifiée. Toutefois, conformément au devoir de coopération loyale qui pèse sur ce fonctionnaire, en vertu de l'article 11, premier alinéa, du statut, il lui appartient de faciliter la tâche de l’administration. Dans cette perspective, l’obligation qui lui incombe de fournir des indications suffisamment précises, notamment quant à l’objet des documents en question et quant à leur intérêt respectif au regard de l’objectif général qu’il poursuit, s’impose d’autant plus. Le fonctionnaire peut, ainsi, être amené à classer les documents selon des critères appropriés et cohérents pour en faciliter l’examen et à en fournir, le cas échéant, un résumé.

Arrêt du 20 janvier 2011, Strack / Commission (F-132/07) (cf. points 78, 81)

9. Fonctionnaires - Droits et obligations - Obligation d'informer la hiérarchie des faits pouvant laisser présumer l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave - Portée

L’article 22 bis, paragraphe 3, du statut prévoit que le fonctionnaire qui a communiqué, en vertu du paragraphe 1 dudit article, une information relative à des faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle ou une conduite pouvant révéler un grave manquement aux obligations des fonctionnaires des Communautés européennes "ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi". À supposer même que cette exigence de bonne foi puisse être interprétée comme obligeant le fonctionnaire concerné à entreprendre des démarches visant à démontrer la véracité de ses affirmations, cela ne saurait, à l’évidence et en tout état de cause, conduire celui-ci à ne pas tenir sa hiérarchie informée de telles démarches, en particulier lorsqu’il s’agit d’investigations de nature à porter atteinte à l’image de l'institution. L'intéressé ne saurait non plus justifier lesdites démarches par le fait que sa hiérarchie ne lui inspirait pas confiance, dès lors que les dispositions de l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut prévoient expressément que le fonctionnaire informe, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’Office européen de lutte antifraude, de faits tels que ceux qui y sont visés.

Ordonnance du 23 mai 2011, Y / Commission (T-493/09 P) (cf. point 62)

10. Fonctionnaires - Droits et obligations - Dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers - Mise à disposition d’un logement de fonction - Obligation d’y résider

Il résulte de l'article 5, paragraphe 1, annexe X, du statut que l'obligation incombant à un membre du personnel de résider dans le logement mis à sa disposition n'est pas subordonnée à l'accord de l'intéressé. En particulier, lorsque l'obligation est formulée par l'autorité compétente en termes de choix entre deux ou plusieurs logements spécifiés, le membre du personnel n'est pas libre d'assortir unilatéralement les options disponibles de conditions ou modifications qu'il souhaite.

Ordonnance du 27 mai 2011, Mariën / Commission (F-5/11 R et F-15/11 R) (cf. point 40)

11. Fonctionnaires - Agents contractuels - Droits et obligations - Obligation d'indépendance et d'intégrité - Obligation d'informer l'administration à titre préventif de tout conflit d'intérêts éventuel - Portée

’article 11 bis du statut, applicable aux agents contractuels au titre de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents en vertu des articles 11 et 81 du même régime, a pour but de garantir l’indépendance, l’intégrité et l’impartialité des fonctionnaires et agents, ainsi que, par voie de conséquence, celles des institutions qu’ils servent en imposant au fonctionnaire ou à l’agent concerné un devoir d’information préventif de l’autorité investie du pouvoir de nomination ou de l'autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement destiné à lui permettre de prendre, le cas échéant, des mesures appropriées. Eu égard au caractère fondamental des objectifs d’indépendance et d’intégrité poursuivis par cette disposition et au caractère général de l’obligation prescrite aux fonctionnaires et agents, il convient de reconnaître à l’article 11 bis du statut un large champ d’application, couvrant toute situation au vu de laquelle l’intéressé doit raisonnablement comprendre, compte tenu des fonctions qu’il exerce et des circonstances, qu’elle est de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme une source possible d’altération de son indépendance. A cet égard, l’indépendance des fonctionnaires et agents vis-à-vis des tiers ne doit pas seulement être appréciée d’un point de vue subjectif. Elle suppose aussi d’éviter, particulièrement dans la gestion des deniers publics, tout comportement susceptible d’affecter objectivement l’image des institutions et de saper la confiance que celles-ci doivent inspirer au public.

Par ailleurs, il importe peu que l’institution concernée n’ait subi, par hypothèse, aucun préjudice financier à cause des manquements en cause, car les obligations qui pèsent sur les fonctionnaires et agents en vertu des articles 11 bis et 12 ter du statut tendent aussi à préserver l’indépendance et l’image des institutions.

Arrêt du 28 mars 2012, BD / Commission (F-36/11) (cf. points 68, 70, 80)

12. Fonctionnaires - Agents contractuels - Droits et obligations - Activité extérieure - Obligation de solliciter l'autorisation de l'autorité investie du pouvoir de nomination ou l'autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement - Continuation d'une activité exercée avant l'engagement - Inclusion

L’article 12 ter du statut, rendu applicable aux agents contractuels au titre de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents par les articles 11 et 81 du même régime, oblige les fonctionnaires et les agents à solliciter une autorisation lorsqu’ils se proposent d’exercer une activité extérieure rémunérée ou non. Cette obligation s’impose de manière générale, sans qu’il y ait lieu d’opérer une distinction quant à la nature ou à l’importance de l’activité.

En outre, l’obligation de demander une autorisation pour exercer une activité extérieure s’adresse non seulement aux fonctionnaires et agents qui, au cours de leur carrière, envisagent d’exercer une telle activité, mais aussi aux recrues qui souhaitent continuer à exercer une activité qu’ils exerçaient avant leur engagement et qui devient "extérieure" à compter de leur entrée en fonctions.

Arrêt du 28 mars 2012, BD / Commission (F-36/11) (cf. point 72)

13. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Divulgation de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave - Protection contre des poursuites disciplinaires - Condition - Bonne foi du fonctionnaire - Facteurs à prendre en considération

Afin de déterminer si un fonctionnaire a fait usage de bonne foi du droit de divulgation prévu aux articles 12 bis et 22 bis du statut, un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération.

Il s'agit d’abord de vérifier si les informations que le fonctionnaire décide de communiquer à sa hiérarchie ou, le cas échéant, directement à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), concernent des irrégularités présentant, dans l’hypothèse où elles auraient effectivement été commises, un caractère d’évidente gravité. Le deuxième facteur à prendre en compte est l’authenticité ou, à tout le moins, le caractère vraisemblable des informations divulguées. En effet, l’exercice de la liberté d’expression, dont relève la possibilité pour un fonctionnaire de dénoncer un harcèlement moral ou l’existence de faits illégaux ou d’un grave manquement aux obligations des fonctionnaires, comporte des devoirs et des responsabilités, et quiconque choisit de divulguer de telles informations doit vérifier avec soin, dans la mesure où les circonstances le permettent, qu’elles sont exactes et dignes de crédit. Ainsi, le fonctionnaire qui dénonce des irrégularités relevant, de son point de vue, du champ d’application des articles 12 bis et 22 bis du statut est tenu de s’assurer que les accusations qu’il porte reposent sur des faits exacts ou, à tout le moins, qu’elles sont fondées sur une base factuelle suffisante. À cet égard, l’article 22 bis du statut vise seulement la communication de faits concrets dont une première appréciation a pu conduire le fonctionnaire qui les communique à présumer raisonnablement l’existence d’une activité illégale ou d’un manquement grave et que cette disposition doit, en outre, se concilier avec les obligations d’objectivité et d’impartialité qui s’imposent aux fonctionnaires, avec l’obligation de veiller à la dignité de leur fonction et avec leur devoir de loyauté, ainsi qu’avec l’obligation de respecter l’honneur et la présomption d’innocence des personnes visées. En outre, doivent également être pris en considération les moyens utilisés par le fonctionnaire pour procéder à la divulgation et, s’agissant en particulier d’irrégularités relevant de l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut, il doit être vérifié si le fonctionnaire s’est adressé à l’autorité ou instance compétente, à savoir "son supérieur hiérarchique direct ou son directeur général ou encore, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’OLAF". Enfin, le mobile du fonctionnaire qui dénonce des illégalités est un autre facteur pour l’appréciation du point de savoir si celui-ci a agi de bonne foi. Une dénonciation motivée par un grief ou une animosité personnels ou encore par la perspective d’un avantage personnel,

notamment un gain pécuniaire, ne saurait être considérée comme une dénonciation de bonne foi. Par ailleurs, un fonctionnaire a l’obligation de faire preuve de la plus grande prudence et de la plus grande retenue dans la publicité donnée à des allégations relevant de la compétence de l’OLAF.

Arrêt du 25 septembre 2012, Bermejo Garde / CESE (F-41/10) (cf. points 134-138, 150)

14. Fonctionnaires - Droits et obligations - Devoir de loyauté - Notion - Portée - Obligation de se présenter devant la commission d’invalidité en cas de demande de cette dernière

Dans le cas où la commission d’invalidité estime qu’il est opportun d’examiner le fonctionnaire, il appartient à ce dernier, dans le cadre du devoir de loyauté et de coopération qui incombe à tout fonctionnaire en vertu de l’article 21 du statut, de déployer toute la diligence nécessaire pour se conformer aux invitations à se présenter devant la commission d’invalidité.

Arrêt du 6 novembre 2012, Marcuccio / Commission (F-41/06 RENV) (cf. point 98)

15. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Exercice - Limites - Dignité des fonctions - Actes de nature à porter atteinte à la dignité des fonctions - Notion - Dénonciation de faits prétendument illicites - Obligations du fonctionnaire

Méconnaît le devoir de s’abstenir de tout acte et de tout comportement qui peuvent porter atteinte à la dignité de sa fonction, tel que prévu à l’article 12 du statut, le fonctionnaire qui exprime publiquement des injures graves dans la mesure où elles portent atteinte à l’honneur des personnes visées, non seulement en raison des imputations susceptibles de nuire à leur dignité en tant que personnes, mais aussi en raison des allégations de nature à jeter le discrédit sur leur honorabilité professionnelle. La forme empruntée importe peu dès lors que sont couvertes tant les accusations directes que les allégations faites sous forme dubitative, indirecte, déguisée, par voie d’insinuation ou visant une personne non expressément mentionnée mais dont l’identification est rendue possible.

En effet, si la liberté d’expression constitue un droit fondamental dont le juge de l’Union assure le respect et qui comprend le droit pour les fonctionnaires et agents de l’Union européenne d’exprimer, verbalement ou par écrit, des critiques constructives, l’exercice de ce droit est limité, notamment, par l’article 12 du statut.

Par suite, pour déterminer si des accusations formulées par un fonctionnaire sont restées dans les limites de la liberté d’expression, il convient de mettre en balance, d’une part, les éléments susceptibles de caractériser une atteinte à la dignité, à savoir la gravité des accusations portées, la forme que celles-ci ont revêtue, le mode de diffusion utilisé, et, d’autre part, le contexte dans lequel les accusations ont été portées, l’impossibilité éventuelle de recourir à d’autres modes d’expression moins attentatoires à la dignité de la personne visée et le caractère constructif de la critique, lequel suppose que celle-ci puisse raisonnablement apparaître comme étant fondée, qu’elle soit formulée dans l’intérêt du service et qu’elle ne dépasse pas ce qui est nécessaire afin d’être comprise.

S’agissant de la dénonciation par un fonctionnaire d’une activité prétendument illégale, le fonctionnaire est tenu à la réserve et à la modération qui lui commandent les devoirs d’objectivité et d’impartialité, ainsi que le respect de la dignité de la fonction, de l’honneur des personnes et de la présomption d’innocence. Tel n’est pas le cas lorsque le fonctionnaire, plutôt que de recourir aux voies de droit qui lui sont ouvertes, au titre des articles 22 bis et 22 ter du statut, a adressé à l’ensemble du personnel de son unité des courriers électroniques comportant des accusations graves, portant atteinte à l’honneur et à l’honorabilité professionnelle de plusieurs fonctionnaires.

Arrêt du 5 décembre 2012, Z / Cour de justice (F-88/09 et F-48/10) (cf. points 242, 246-247, 251-252)

16. Fonctionnaires - Droits et obligations - Respect de la dignité des fonctions - Portée - Dénonciation des faits d’un prétendu harcèlement moral - Diffusion publique de nature à jeter le discrédit sur le prétendu auteur - Inadmissibilité

Il peut arriver qu’un fonctionnaire soit poussé, particulièrement lorsque ses supérieurs hiérarchiques n’ont pas réagi à ses plaintes, à dénoncer publiquement des faits de harcèlement moral dont il serait la victime, sans qu’un tel comportement soit répréhensible au regard de l’article 12 du statut, et ce même si la dénonciation publique de tels faits est par elle-même de nature à jeter le discrédit sur l’auteur du prétendu harcèlement, voire sur l’administration.

Tel n’est toutefois pas le cas lorsqu’en se livrant à cette description ou à ces critiques le fonctionnaire concerné, par la tonalité ou le contenu de ses propos, dépasse la description du cadre dans lequel les prétendus faits de harcèlement se seraient produits, du cercle des personnes impliquées dans celui-ci et du contexte qui l’a rendu possible.

Il en va d’autant plus ainsi que la procédure de l’article 22 bis du statut n’est pas particulièrement appropriée aux situations de harcèlement moral proprement dites, lesquelles appellent des mesures spécifiques de la part de l’administration.

Arrêt du 5 décembre 2012, Z / Cour de justice (F-88/09 et F-48/10) (cf. points 257-258)

17. Fonctionnaires - Agents de la Banque centrale européenne - Droits et obligations - Enquête interne relative à un prétendu harcèlement moral - Droits du plaignant d’être entendu et d’accès au dossier d’enquête - Limites

Dès lors qu’une procédure d’enquête diligentée à la suite d’une demande d’assistance d’un fonctionnaire avec plainte pour harcèlement moral ne saurait être regardée comme une procédure d’enquête ouverte à l’encontre dudit fonctionnaire, l’intéressé ne saurait se prévaloir de l’obligation, pour l’institution, de respecter les droits de la défense qui s’impose comme principe général du droit de l’Union dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci. Or, le fait qu’une décision constitue, du point de vue procédural, un acte faisant grief ne permet pas d’en déduire automatiquement, sans avoir égard à la nature de la procédure ouverte, que l’autorité a l’obligation d’entendre utilement l’intéressé. En effet, en tenant compte des principes sous-jacents à la législation, à la pratique administrative et à la jurisprudence de l’Union dans les domaines de la concurrence, des aides d’État et des concentrations d’entreprises, il ressort qu’une gradation a été établie entre les tiers intéressés, pour déterminer l’étendue de leur droit d’être entendus, selon l’intensité de l’atteinte susceptible d’être portée à leurs intérêts. Néanmoins, en l’absence même de toute disposition et de tout contexte appelant une application des droits de la défense, la partie intéressée par une procédure administrative doit être mise en mesure, au cours de cette procédure, de prendre position et de faire connaître utilement son point de vue sur des données la concernant, données qu’elle est la mieux à même de fournir et dont il n’est pas établi que l’autorité puisse disposer autrement.

S’agissant d'une enquête administrative interne relative à un prétendu harcèlement moral ouverte à la suite d'une plainte d'un agent de la Banque centrale européenne, même si l’enquête n’a pas été diligentée à l'égard du plaignant, ce dernier peut se prévaloir, au titre du principe de bonne administration, du droit d’être entendu sur les faits le concernant, dans la mesure où une décision rejetant une telle plainte est susceptible d’emporter de graves conséquences, les faits de harcèlement moral pouvant avoir des effets extrêmement destructeurs sur l’état de santé de la victime et la reconnaissance éventuelle par l’administration de l’existence d’un harcèlement moral étant, en elle-même, susceptible d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction de la personne harcelée. Toutefois, le droit procédural dont un plaignant peut se prévaloir et qui est distinct des droits de la défense n'est pas aussi étendu que ces derniers. Il suffit, à cet égard, que lui soit donnée une possibilité suffisante d’exposer utilement son point de vue et d’expliquer, le cas échéant, pourquoi la conclusion envisagée dans le projet de rapport d’enquête ne peut se justifier. De plus, le droit procédural dont le plaignant est titulaire n’est pas absolu. Dans le contexte d’une enquête sur des faits de harcèlement moral, dès lors que le rapport d’enquête est circonstancié et qu’aucun élément du dossier ne permet de douter qu’il ne reproduirait pas la substance des témoignages recueillis, il n’est pas déraisonnable, sauf circonstance particulière, de vouloir préserver les témoins en leur garantissant l’anonymat et la confidentialité de toute donnée susceptible de les identifier, afin, dans l’intérêt même des plaignants, de permettre la tenue d’enquêtes neutres et objectives bénéficiant d’une collaboration sans retenue des membres du personnel. Il n’apparaît pas déraisonnable non plus de vouloir prévenir ainsi tout risque d’influence a posteriori des témoins par les personnes incriminées, voire même par les plaignants. Par ailleurs, il n’est pas davantage déraisonnable de considérer que la confidentialité des témoignages est nécessaire à la préservation de relations de travail de nature à assurer le bon fonctionnement des services. En effet, il n'est pas établi que, lorsque l’enquête ne corrobore pas leur opinion, une transparence totale en la matière serait susceptible de mettre un terme au sentiment de frustration et de méfiance des personnes convaincues de faire l’objet d’un harcèlement moral.

Par ailleurs, l’article 20 du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, légitime les restrictions encadrant le droit procédural dont le plaignant est titulaire. En effet, il ne saurait être perdu de vue que les témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête sur des faits de harcèlement moral ne concernent pas seulement l’auteur de la plainte, mais également les membres du personnel mis en cause et ceux entendus dans le cadre des investigations. Il y a dans ce cas, mettant en cause les droits d’autres personnes que l’auteur de la plainte, une différence notable avec les cas où les requérants demandent à avoir accès à des faits qui les concernent exclusivement.

Arrêt du 12 décembre 2012, Cerafogli / BCE (F-43/10) (cf. points 85-86, 91-93, 95, 97-98)

18. Fonctionnaires - Agents de la Banque centrale européenne - Droits et obligations - Enquête interne relative à un prétendu harcèlement moral - Droit d’accès du plaignant au dossier de l’enquête - Limites - Obligation de confidentialité de l’administration

Dans la procédure d’enquête administrative diligentée à la suite d’une plainte pour harcèlement moral, l’administration est tenue de mettre en balance deux droits qui peuvent être contradictoires, à savoir le droit pour la personne faisant l’objet de la plainte d’exercer ses droits de la défense et le droit du plaignant à ce que sa plainte soit examinée correctement. Ce droit du plaignant se traduit en un devoir de confidentialité incombant à l’administration, en vertu duquel celle-ci est tenue de s’abstenir de toute démarche de nature à pouvoir compromettre les résultats de l’enquête administrative.

À cet égard, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 3, de la circulaire administrative nº 1/2006 sur les enquêtes administratives internes, adoptée par la Banque centrale européenne, que les personnes faisant l’objet d’une enquête administrative ont un droit d’accès limité aux documents soumis par le plaignant à l’appui de sa plainte, ce droit d’accès étant restreint aux documents révélant des faits importants. En limitant le droit d’accès des personnes faisant l’objet d’une enquête administrative, cette disposition vise à sauvegarder les droits de la défense de ces personnes tout en assurant le respect par l’administration de son obligation de confidentialité.

Arrêt du 13 décembre 2012, Donati / BCE (F-63/09) (cf. points 171, 174)

19. Fonctionnaires - Droits et obligations - Divulgation d’informations de service - Obligation d’autorisation préalable - Modalités de la demande de divulgation de document - Nécessité de saisir l’administration d’une demande suffisamment précise

L’autorité saisie d’une demande d’autorisation de publication sur la base des articles 17 et 19 du statut doit procéder à un examen circonstancié de tous les éléments d’espèce et à une mise en balance des intérêts en présence afin de déterminer qui des intérêts de l’Union ou de l’intérêt public à recevoir des informations doit primer. Dans ce cadre, il appartient au fonctionnaire sollicitant l’autorisation de fournir toute information utile, notamment quant aux documents précis visés, à l’étendue de leur diffusion et au but poursuivi, afin de permettre à l’autorité saisie de statuer. Ce devoir de précision découle de l’économie même des articles 17 et 19 du statut, mais également de la relation de confiance particulière qui existe entre l’Union et ses fonctionnaires et du devoir, à la charge des fonctionnaires, de coopérer loyalement avec celle-ci, sur la base de l’article 11, premier alinéa, du statut. Ledit devoir de précision impose au fonctionnaire sollicitant une autorisation visant à la publication de documents d’identifier de manière précise et individuelle chaque document, en fournissant également une description de chaque document et en indiquant le motif de la publication, permettant ainsi à l’autorité saisie de procéder efficacement à l’examen de la demande de publication. Le devoir d’indiquer l’objectif de la publication ne consiste pas en une obligation de justification de la demande relevant du contrôle du bien-fondé de cette dernière. L’exigence de précision des demandes au regard de l’objectif de la publication s’inscrit dans un cadre plus général et elle conditionne la possibilité de procéder à l’examen de la demande, de sorte qu’elle relève du contrôle de la recevabilité de cette dernière.

Arrêt du 13 décembre 2012, Strack / Commission (T-199/11 P) (cf. points 131-132)

20. Fonctionnaires - Droits et obligations - Divulgation d’informations de service - Procédures de demandes de divulgation de documents relevant des articles 17 et 19 du statut - Inapplicabilité des principes trouvant à s'appliquer dans le cadre du règlement nº 1049/2001

Des principes trouvant à s'appliquer dans le cadre du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, ne sont pas transposables aux procédures d'autorisation de publication de documents relevant des articles 17 et 19 du statut. En effet, le règlement nº 1049/2001 a pour objet d'ouvrir un droit d'accès du public général aux documents des institutions. Ainsi, conformément à l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents des institutions sont les citoyens de l’Union ainsi que les personnes physiques ou morales qui y résident ou y ont leur siège. Le règlement nº 1049/2001 régit, en substance, les rapports de l’Union avec ses citoyens, tandis que le statut régit la relation entre l’Union et ses fonctionnaires. La différence entre les procédures du règlement nº 1049/2001, d’une part, et des articles 17 et 19 du statut, d’autre part, se justifie par la relation de confiance particulière qui existe entre l’Union et ses fonctionnaires, mais qui n’existe pas, sous la même forme, vis-à-vis des citoyens visés par les dispositions du règlement nº 1049/2001. Les exigences différentes dans le traitement des demandes de publication dans le cadre des articles 17 et 19 du statut s’imposent afin de préserver cette relation de confiance et de mettre les institutions de l’Union en mesure de veiller à ce que les fonctionnaires règlent leur conduite en ayant en vue les intérêts des institutions et les obligations qui leur incombent au titre de l’article 339 TFUE. Ainsi, c’est la nature même des procédures régies par le statut qui permet d’imposer des conditions différentes pour les demandes de publication introduites par des fonctionnaires concernant des informations dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leurs fonctions, par rapport à celles introduites par des citoyens.

Arrêt du 13 décembre 2012, Strack / Commission (T-199/11 P) (cf. point 134)

21. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Exercice - Limites

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 décembre 2012, Strack / Commission (T-199/11 P) (cf. points 137-139)

22. Fonctionnaires - Droits et obligations - Devoir de loyauté - Notion - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 décembre 2012, Strack / Commission (T-199/11 P) (cf. points 179-180)

L’article 12 du statut constitue l’une des expressions spécifiques de l’obligation de loyauté, laquelle impose au fonctionnaire non seulement de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l’institution et à ses autorités, mais également de faire preuve d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre l’institution et lui-même soient toujours préservés.

Le respect dû par le fonctionnaire à la dignité de sa fonction ne se limite pas au moment particulier où il exerce telle ou telle tâche spécifique, mais s’impose à lui en toute circonstance.

Arrêt du 3 décembre 2013, CT / EACEA (F-36/13) (cf. points 47, 48)

23. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Divulgation de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave - Protection contre des poursuites disciplinaires - Portée

La protection prévue à l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, visée également à l’article 2 de la décision 1999/396, relative aux conditions et modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute activité illégale préjudiciable aux intérêts des Communautés, est accordée, sans aucune formalité, aux fonctionnaires ayant donné des informations sur des faits qui laissent présumer l’existence d’une activité illégale, et ceci du simple fait d’avoir fourni lesdites informations.

Toutefois, ladite protection n’offre pas au fonctionnaire une protection contre toute décision susceptible de lui faire grief mais seulement contre les décisions liées aux dénonciations effectuées par lui.

Arrêt du 11 juillet 2013, AN / Commission (F-111/10) (cf. points 86, 90)

24. Fonctionnaires - Droits et obligations - Enquête interne relative à un prétendu harcèlement moral - Droit d’accès du plaignant au dossier de l’enquête - Limites - Obligation de confidentialité de l’administration

Dans le contexte d’une plainte pour harcèlement moral, il y a lieu, sauf circonstance particulière, de garantir la confidentialité des témoignages recueillis, y compris lors de la procédure contentieuse, dans la mesure où la perspective d’une éventuelle levée de cette confidentialité au stade contentieux peut empêcher la tenue d’enquêtes neutres et objectives bénéficiant d’une collaboration sans retenue des membres du personnel appelés à être entendus comme témoins.

Arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani / Commission (F-46/11) (cf. point 41)

25. Fonctionnaires - Droits et obligations - Respect de la dignité des fonctions - Portée - Comportement irrégulier d’un autre fonctionnaire - Absence d’incidence

Un fonctionnaire ne saurait prendre prétexte d’un comportement d’un autre fonctionnaire qu’il considère irrégulier, voire attentatoire à sa dignité, pour enfreindre à son tour le devoir de loyauté et le respect de la dignité de sa fonction prescrits par l’article 12 du statut.

Arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho / Commission (F-126/11) (cf. point 108)

26. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Exercice - Limites - Dignité des fonctions - Notion - Dénonciation, dans le cadre d’une réclamation administrative préalable, de faits prétendument illicites visant un autre fonctionnaire - Obligations du fonctionnaire

Un fonctionnaire ne saurait prendre prétexte de l’introduction d’une demande ou d’une réclamation pour diffuser auprès de tiers des accusations à l’égard de l’un de ses collègues. En effet, même dans le cadre de l’exercice des droits prévus par l’article 90 du statut concernant l’introduction d’une demande ou d’une réclamation à l’autorité investie du pouvoir de nomination, le fonctionnaire est tenu à la réserve et à la modération que lui commandent les devoirs d’objectivité et d’impartialité, ainsi que le respect de la dignité de la fonction, de l’honneur des personnes et de la présomption d’innocence.

Certes, lorsqu’un fonctionnaire entend contester la légalité d’un acte, il doit pouvoir faire état des moyens, griefs et arguments qui lui semblent nécessaires et, à ce titre, formuler éventuellement des critiques à l’égard de tiers, mais de telles critiques ne peuvent être légitimées par la nécessité pour l’intéressé de défendre sa cause que si elles se limitent à ce qui est nécessaire à ladite défense.

Arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho / Commission (F-126/11) (cf. points 72-73, 87)

27. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Exercice - Limites - Dignité des fonctions - Actes de nature à porter atteinte à la dignité des fonctions - Notion - Diffusion d’accusations au sujet d’un autre fonctionnaire

Méconnaît le devoir de s’abstenir de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction, tel que prévu à l’article 12 du statut, le fonctionnaire qui exprime publiquement des injures graves, susceptibles de porter atteinte à l’honneur de certaines personnes, non seulement en raison des imputations susceptibles de nuire à leur dignité en tant que personne, mais aussi en raison des allégations de nature à jeter le discrédit sur leur honorabilité professionnelle.

Par suite, l’envoi à des personnes ne relevant pas des instances visées aux articles 22 bis, 22 ter et 24 du statut de courriers électroniques comportant des accusations constitue à lui seul un manquement à l’article 12 du statut et ce, sans qu’il soit besoin de vérifier le bien-fondé des accusations formulées.

Il en va de même s’agissant de la diffusion des accusations au sujet d’un autre fonctionnaire auprès de hauts responsables de la Commission en violation de l’article 12 du statut qui constitue l’une des expressions spécifiques de l’obligation de loyauté, laquelle impose au fonctionnaire non seulement de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l’institution et à ses autorités, mais également de faire preuve, d’autant plus s’il a un grade élevé, d’un comportement correct et respectable.

Arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho / Commission (F-126/11) (cf. points 85-86, 91)

28. Fonctionnaires - Droits et obligations - Devoir de loyauté - Portée - Constatation d'un manquement - Critères d'appréciation

Les dispositions des articles 11, 12, 12 ter et 17 bis du statut constituent des expressions spécifiques de l’obligation fondamentale de loyauté et de coopération du fonctionnaire vis-à-vis de l’Union et de ses supérieurs. Elles trouvent leur justification dans les missions d’intérêt général dont l’Union est chargée et sur le bon accomplissement desquelles les citoyens et les États membres doivent pouvoir compter. De telles obligations sont destinées principalement à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l’Union et ses fonctionnaires ou agents.

Un fonctionnaire ne pourrait, par une expression verbale ou écrite ou des actions de toute autre nature, violer ses obligations statutaires à l’égard de l’Union qu’il est censé servir, en rompant ainsi la relation de confiance qui l’unit à elle et en rendant ultérieurement plus difficile, voire impossible, l’accomplissement, en collaboration avec lui, des missions dévolues à l’Union. Dans ce cas, l’Union sera empêchée de poursuivre ses intérêts, les intérêts des services étant, par conséquent, également touchés.

Ces dispositions consacrent, au-delà des obligations concrètes découlant du cadre de la réalisation des tâches spécifiques confiées au fonctionnaire, un devoir général de loyauté du fonctionnaire. Le respect dû par le fonctionnaire à la dignité de sa fonction ne se limite pas au moment particulier où il exerce telle ou telle tâche spécifique, mais s’impose à lui en toute circonstance.

Ces obligations s’imposent de manière générale et objective. La constatation d’un manquement à ces obligations n’est pas subordonnée à la condition que le fonctionnaire concerné ait causé un préjudice à l’Union ni à l’existence d’une plainte d’une personne ou d’un État membre estimant avoir été lésé par l’attitude du fonctionnaire.

Arrêt du 23 octobre 2013, Gomes Moreira / ECDC (F-80/11) (cf. points 61-66)

29. Fonctionnaires - Droits et obligations - Enquête interne relative à un prétendu harcèlement moral - Droits du plaignant d'être entendu et d'accès au dossier d'enquête - Limites

Dans le cas où une procédure d’enquête diligentée à la suite d’une demande d’assistance, avec plainte pour harcèlement moral, d’un fonctionnaire ne saurait être regardée comme une procédure d’enquête ouverte à l’encontre dudit fonctionnaire, ce dernier peut néanmoins se prévaloir, au titre du principe de bonne administration, du droit d’être entendu sur les faits le concernant, dans la mesure où une décision rejetant une demande d’assistance en raison d’un prétendu harcèlement moral est susceptible d’emporter de graves conséquences, les faits de harcèlement moral pouvant avoir des effets extrêmement destructeurs sur l’état de santé de la victime et la reconnaissance éventuelle par l’administration de l’existence d’un harcèlement moral étant, en elle-même, susceptible d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction de la personne harcelée.

Toutefois, le droit procédural d’être entendu n’implique pas le droit, pour le fonctionnaire se prétendant victime de harcèlement moral, de pouvoir prendre connaissance, en tout cas, de l’intégralité du rapport d’enquête, une fois celui-ci établi, dès lors que, dans le contexte d’une enquête sur des faits de harcèlement moral, il n’est pas déraisonnable, sauf circonstance particulière, de vouloir préserver les témoins en leur garantissant l’anonymat et la confidentialité de toute donnée susceptible de les identifier, afin, dans l’intérêt même des plaignants, de permettre la tenue d’enquêtes neutres et objectives bénéficiant d’une collaboration sans retenue des membres du personnel, de prévenir tout risque d’influence a posteriori des témoins par les personnes incriminées, voire même par les plaignants, et de préserver ainsi des relations de travail propices au bon fonctionnement des services.

En revanche, dans la mesure où l’autorité investie du pouvoir de nomination décide, de rejeter une plainte pour faits de harcèlement en se fondant sur les conclusions d’un rapport d’enquête, le fonctionnaire plaignant est en droit de se voir communiquer les raisons qui soutiennent les conclusions du rapport d’enquête, ce qui revient, dans l’hypothèse où ces raisons ne figurent pas dans la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, à ce que lui soit communiqué le rapport d’enquête dans une version non confidentielle.

Arrêt du 23 octobre 2013, BQ / Cour des comptes (F-39/12) (cf. points 72-74)

30. Fonctionnaires - Droits et obligations - Obligation d'indépendance et d'intégrité - Risque de conflit d'intérêts en cas d'existence de relations professionnelles entre un membre du jury et le candidat - Absence

Lors de l’appréciation de l’existence d’un conflit d’intérêts, l’existence de relations professionnelles entre un fonctionnaire et un tiers ne saurait, en principe, impliquer que l’indépendance du fonctionnaire est compromise ou apparaît comme telle lorsque ce fonctionnaire est appelé à se prononcer sur une affaire dans laquelle ce tiers intervient. Par ailleurs, le principe d’impartialité du jury de concours exige l’abstention d’un membre du jury lors de l’évaluation d’un candidat lorsqu’il existe un lien direct entre le membre du jury et le candidat.

À cet égard, il ne saurait être déduit de la circonstance qu’un des membres du jury était le responsable d’une équipe d’un service d’institution européenne où un candidat à un concours y était employé, que ce membre du jury aurait entretenu des liens directs avec ce candidat.

Par ailleurs, le fait qu’un candidat à un concours figure en qualité d’ami sur le compte Facebook d’un membre du jury, ne saurait non plus révéler l’existence de liens directs existant entre celui-ci et celui-là. Or, le fait que deux personnes soient amies dans le cadre de ce réseau n’implique pas nécessairement l’existence, entre celles-ci, d’une relation d’amitié, au sens communément donné à ce terme, mais peut seulement procéder de la volonté de ces deux personnes d’échanger entre elles des informations portant sur des questions d’intérêt général ou professionnel. En outre, une personne amie avec une autre personne n’a pas forcément accès à l’ensemble des informations diffusées par celle-ci, l’accès que chaque utilisateur de Facebook voulant accorder à ses données personnelles pouvant en effet être paramétré.

Ordonnance du 25 février 2014, Garcia Dominguez / Commission (F-155/12) (cf. points 34, 36, 37)

31. Fonctionnaires - Répétition de l'indu - Délai de prescription - Agent ayant délibérément induit en erreur l'administration - Inopposabilité dudit délai à l'administration - Violation du principe de sollicitude - Absence

D’une manière générale, l’objectif poursuivi par l’article 85 du statut est celui de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne dans le contexte spécifique des relations entre les institutions de l’Union et leurs agents, c’est-à-dire des personnes qui sont liées à ces institutions par le devoir de loyauté spécifique, désormais formellement rappelé à l’article 11 du statut. La seconde phrase du second alinéa de l’article 85 du statut vise la situation où l’agent, dans une démarche tendant à bénéficier indûment d’un paiement, induit délibérément en erreur l’autorité investie du pouvoir de nomination, notamment soit en omettant de lui fournir l’ensemble des informations concernant sa situation personnelle, soit en omettant de porter à sa connaissance des changements intervenus dans sa situation personnelle, soit encore en procédant à des manœuvres pour rendre plus difficile la détection, par ladite autorité, du caractère indu du paiement dont il a bénéficié, y compris par la fourniture d’informations erronées ou inexactes.

Or, l’indemnité journalière est une prestation de nature répétitive dans le temps. Par conséquent, l’intéressé doit remplir les conditions de son attribution non seulement lors de la demande initiale, mais également tout au long de la période couverte par de telles indemnités. Ainsi, il lui incombe, notamment en vertu du devoir de loyauté, d’informer son administration de tout changement susceptible d’affecter son droit à la prestation en cause. D’ailleurs, dans le doute sur le bien-fondé des versements des indemnités journalières, l'intéressé peut interroger son administration et lui soumettre l’interprétation qu’il avait faite de manière autonome de l'article 10 de l'annexe VII du statut en vue de s’assurer le versement de l’essentiel des indemnités prévues en application de l’article 71 du statut.

Doit être rejeté comme étant non fondé l’argument selon lequel, en substance, l’administration devrait, afin de se prévaloir de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, être en mesure d’établir, dans un délai de cinq années après la commission de l’irrégularité, qu’elle a été induite en erreur par la volonté délibérée de l’intéressé et que, à défaut d’apporter cette preuve, la prescription devrait être considérée comme acquise. En effet, pareil argument méconnaît le libellé même de cette disposition et, s’il devait être accueilli, tendrait à priver cette disposition de tout effet utile. En outre, compte tenu de sa volonté de l’induire en erreur, l'intéressé ne saurait reprocher à l’autorité investie du pouvoir de nomination une méconnaissance de son devoir de sollicitude là où c’est précisément le fonctionnaire qui a manqué à son devoir de loyauté tel que désormais formellement rappelé à l’article 11 du statut.

Arrêt du 30 avril 2014, Lopez Cejudo / Commission (F-28/13) (cf. points 66, 67, 69, 78, 79, 103)

32. Fonctionnaires - Harcèlement moral - Charge de la preuve - Obligation de l'intéressé d'apporter un commencement de preuve

Pour que l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, relatif à la protection du fonctionnaire qui s'estime victime de harcèlement, trouve à s’appliquer à l’appui de conclusions en annulation d’une décision de l’administration, il faut que l’intéressé apporte ne serait-ce qu’un commencement de preuve que la décision attaquée constitue, en tout ou en partie, une mesure de rétorsion à son égard.

À cet égard, la circonstance qu’un fonctionnaire ait demandé à être nommé à un poste de chef d’unité et que l’autorité investie du pouvoir de nomination n’ait pas donné suite à cette demande, le fonctionnaire ayant été réaffecté d’un poste de conseiller à un autre poste de conseiller, ne suffit pas, à elle seule, à qualifier la décision attaquée de mesure de rétorsion à l’égard de l'intéressé.

Arrêt du 19 juin 2014, BN / Parlement (F-157/12) (cf. points 67, 70)

33. Fonctionnaires - Droits et obligations - Devoir de loyauté - Notion - Portée - Obligation de collaborer avec la commission d’invalidité en cas de demande de cette dernière

Dans le cadre d'une procédure d'invalidité, le fait de refuser, à plusieurs reprises, de collaborer avec la commission d’invalidité n’est pas conforme au devoir de loyauté et de coopération qui incombe à tout fonctionnaire en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut.

Arrêt du 26 juin 2014, Marcuccio / Commission (T-20/13 P) (cf. point 103)

34. Fonctionnaires - Droits et obligations - Participation à des cours de langue dans l'intérêt du service - Obligations en cas d'absences

L’inscription à des cours de langue dans l’intérêt du service, organisés sur le temps de travail normal, implique que l’intéressé justifie immédiatement de ses absences à ces cours auprès de son supérieur hiérarchique et du service responsable desdits cours de langue.

Après avoir dûment informé son chef d’unité des motifs de son absence au cours de langue, il appartient au fonctionnaire ou à l'agent concerné d’entreprendre personnellement les démarches administratives requises auprès de l’unité de formation en charge dudit cours de langue, de s’assurer ensuite qu’il avait été procédé aux changements adéquats dans sa situation administrative et de répondre d’éventuelles absences également auprès de cette unité.

Arrêt du 17 septembre 2014, CQ / Parlement (F-12/13) (cf. points 120, 121)

35. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Divulgation de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave - Obligation - Exception dans la situation d'un fonctionnaire s'estimant victime de harcèlement

L’article 22 bis, paragraphe 1, du statut prévoit, dans l’intérêt de l’Union, une obligation qui s’impose, en principe, à tous les fonctionnaires. Dans les cas particuliers, où les illégalités ou les manquements graves résultent de comportements qui peuvent également être qualifiés de harcèlement au sens de l’article 12 bis, paragraphes 3 et 4, du statut, le fonctionnaire concerné bénéficie des droits conférés par l’article 12 bis du statut et dispose, à cet égard, de la possibilité de présenter une demande d’assistance fondée sur l’article 24 du statut. L’obligation générale d’information imposée par l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut peut dès lors s’avérer incompatible avec la protection spéciale que l’article 12 bis, paragraphe 2, première phrase, du statut entend explicitement conférer à la victime de harcèlement. Partant, il y a lieu de considérer que le fonctionnaire qui s’estime harcelé ne saurait être tenu de dénoncer les faits de harcèlement. Néanmoins, il ne saurait être exclu qu’il puisse, s’il le souhaite, dénoncer les faits de harcèlement sur le fondement de l’article 22 bis, dans l’intérêt de l’Union, le harcèlement "pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires" au sens de cet article.

Arrêt du 8 octobre 2014, Bermejo Garde / CESE (T-530/12 P) (cf. point 106)

36. Fonctionnaires - Harcèlement moral - Signalement de faits de harcèlement, non seulement dans le cadre de l’article 12 bis, mais également dans le cadre de l’article 22 bis du statut - Protection contre des poursuites disciplinaires - Condition - Bonne foi du fonctionnaire - Facteurs à prendre en considération - Respect des conditions énoncées par les dispositions précitées - Respect des autres obligations statutaires

Il ressort tant de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut que de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut que le fonctionnaire qui fournit des informations au sens de ces deux dispositions ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi. Ainsi, la bonne foi est imposée comme condition d’application des deux dispositions.

Certes, les articles 12 bis et 22 bis du statut ont des champs d’application différents. En effet, la notion de harcèlement est définie explicitement aux paragraphes 3 et 4 de l’article 12 bis et se distingue des notions d’activité illégale préjudiciable aux intérêts de l’Union et de grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l’Union, visées à l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut.

Cependant, lorsqu’un fonctionnaire signale des faits de harcèlement non seulement dans le cadre d’une demande d’assistance fondée sur les articles 12 bis et 24 du statut, mais également sur la base de l’article 22 bis du statut, il est également tenu de se conformer aux conditions énoncées par ce dernier article.

À cet égard, l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut vise des actes illégaux préjudiciables aux intérêts de l’Union, ce qui implique nécessairement que ces actes présentent un certain degré de gravité. De même, les exemples donnés dans cette disposition, à savoir la fraude et la corruption, sont intrinsèquement graves. Dans ces conditions, conformément à sa finalité, le mécanisme d’alerte prévu par l’article 22 bis ne devrait être déclenché que dans des situations où les informations apportées visent des comportements qui revêtent une certaine gravité. En effet, cette disposition doit se concilier avec les obligations d’objectivité et d’impartialité qui s’imposent aux fonctionnaires, avec l’obligation de veiller à la dignité de leur fonction et avec leur devoir de loyauté ainsi qu’avec l’obligation de respecter l’honneur et la présomption d’innocence des personnes visées.

Partant, lorsqu’un fonctionnaire communique des informations au titre des articles 12 bis et 22 bis du statut, il ne saurait s’affranchir de ses autres obligations et devoirs. Au contraire, il doit faire preuve de discernement, afin de ne pas nuire indûment à ses collègues ou au bon fonctionnement de son service. Or, la communication d’informations non vraisemblables ou de faits dépourvus de tout fondement est susceptible d’avoir de tels effets préjudiciables.

De même, le choix de divulguer ces informations au-delà de la sphère des personnes explicitement désignées par l’article 22 bis du statut est pertinent pour apprécier si le fonctionnaire a agi de bonne foi.

Arrêt du 8 octobre 2014, Bermejo Garde / CESE (T-530/12 P) (cf. points 114-116, 118, 123, 128, 129, 135)

37. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Divulgation de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave - Protection contre des poursuites disciplinaires - Condition - Bonne foi du fonctionnaire - Facteurs à prendre en considération - Obligation de prendre en considération le contexte sous-tendant la transmission des informations

La question de savoir si un fonctionnaire, lorsqu’il a communiqué des informations au titre de l’article 22 bis du statut, a agi de bonne foi ne saurait s’apprécier de façon abstraite et nécessite la prise en compte de tous les éléments du contexte dans lequel le fonctionnaire a transmis les informations dénonçant certains faits à sa hiérarchie.

À cet égard, et dans la mesure où l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut prévoit en principe une obligation d’information, et non un droit ou une faculté, l’existence d’une obligation est susceptible d’avoir une incidence sur la réponse qu’il convient de donner à la question de savoir si un fonctionnaire a agi de bonne foi, au sens de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, lorsqu’il communique des informations visées au paragraphe 1 de cet article. En effet, la marge d’appréciation du fonctionnaire, qui a connaissance de faits qui sont susceptibles de tomber sous le champ d’application de ce paragraphe 1, est moins large dans une situation où il est soumis à une obligation de communication que dans une situation où il peut librement décider de le faire. Dans le premier cas, il s’expose au risque de se voir infliger une sanction au sens de l’article 86 du statut, alors qu’un tel risque n’existe pas s’il décide de ne pas faire usage d’une faculté.

Par conséquent, le fonctionnaire qui éprouve des doutes quant à l’applicabilité de l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut sera plus enclin à communiquer des informations lorsqu’il est soumis à une obligation, que dans le cas inverse.

Par ailleurs, le niveau de responsabilité élevé du fonctionnaire concerné peut impliquer que celui-ci est davantage sensible à ses obligations statutaires.

Arrêt du 8 octobre 2014, Bermejo Garde / CESE (T-530/12 P) (cf. points 148-150, 152)

38. Fonctionnaires - Droits et obligations - Déclaration d'intention d'exercer une activité professionnelle après la cessation des fonctions - Date d'introduction - Réception par l'administration - Présomption créée par le cachet d'enregistrement ou de réception

Si la date d’enregistrement ou celle d’un accusé de réception d’un document, tel qu'une déclaration d'intention d'exercer une activité professionnelle après la cessation des fonctions, de la part de l’administration concernée ne permet pas de conférer date certaine à l’introduction de ce document, ces formalités d’enregistrement ou de réception n’en constituent pas moins un moyen, relevant précisément de la bonne gestion administrative, de nature à faire présumer, jusqu’à la preuve du contraire, que ledit document est parvenu à l’administration en cause à la date indiquée.

Par ailleurs, il n’appartient pas au destinataire d’une lettre non recommandée d’établir les raisons d’un retard éventuel dans la transmission de celle-ci.

Arrêt du 15 octobre 2014, van de Water / Parlement (F-86/13) (cf. points 30, 31)

39. Fonctionnaires - Droits et obligations - Exercice d'une activité professionnelle après la cessation des fonctions - Limites - Compatibilité avec les intérêts légitimes de l'institution - Marge d'appréciation de l'administration

S’agissant de l’exercice d’une activité professionnelle, rémunérée ou non, dans les deux années suivant la cessation des fonctions du fonctionnaire, le pouvoir de l’autorité investie du pouvoir de nomination de lui interdire l’exercice de cette activité ou de le subordonner à des conditions dépend de deux conditions distinctes. Premièrement, la présence d’un lien entre les activités proposées et les activités du fonctionnaire durant ses trois dernières années de service et, deuxièmement, l’existence d’un risque que les activités proposées soient incompatibles avec les intérêts légitimes de l’institution.

En ce qui concerne la première condition, il ressort du libellé de l’article 16 du statut qu'il suffit d’un lien quelconque entre les activités proposées et celles exercées pendant les trois années précédant la cessation des fonctions.

S’agissant de la seconde condition posée par l’article 16 du statut, il ressort du libellé même de cette disposition que, s’il existe un risque que les activités proposées soient incompatibles avec les intérêts légitimes de l’institution, celle-ci dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

Arrêt du 15 octobre 2014, van de Water / Parlement (F-86/13) (cf. points 46, 48, 51)

40. Fonctionnaires - Droits et obligations - Devoir de loyauté - Portée

Le devoir de loyauté visé à l’article 11 du statut implique que les fonctionnaires facilitent la tâche de l’administration en ce qui concerne la détermination de l’étendue de leurs droits statutaires pécuniaires. À cet égard, il ne saurait échapper à un fonctionnaire normalement diligent qu’un avis relatif à un changement de sa situation familiale, au titre de laquelle il perçoit des allocations, doit être directement adressé au service compétent de son institution, de façon claire et non équivoque, et, à cet égard, le fonctionnaire ne saurait se prévaloir du fait que l’administration a obtenu certaines informations de manière accidentelle ou indirecte. Ceci vaut d’autant plus lorsqu’il ressort sans ambigüité du libellé de l’article 67, paragraphe 2, du statut qu’il n’incombe pas à l'institution de s’informer d’une éventuelle perception d’allocations familiales de même nature versées par ailleurs, mais aux membres du personnel de déclarer qu’ils perçoivent de telles allocations provenant d’autres sources. Par ailleurs, l’article 11 du statut constitue l’une des expressions spécifiques de l’obligation de loyauté, laquelle impose au fonctionnaire non seulement de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de ses fonctions et au respect dû à l’institution et à ses autorités, mais également de faire preuve, d’autant plus s’il a un grade élevé, d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre l’institution et lui-même soient toujours préservés.

Arrêt du 19 novembre 2014, EH / Commission (F-42/14) (cf. points 108, 112, 123)

41. Fonctionnaires - Droits et obligations - Absences du fonctionnaire - Obtention de jours de congé annuel supplémentaires au moyen d’une fausse déclaration quant à son incapacité à travailler - Inadmissibilité

Il ne saurait être accepté d’un fonctionnaire ou agent qu’il feigne d’être malade et s’arroge de la sorte un jour de congé annuel supplémentaire. En outre, il est parfaitement légitime pour l’administration de veiller, y compris par un commentaire dans un rapport de notation en lien avec une irrégularité de ce type, à ce que les fonctionnaires et agents utilisent leurs congés annuels dans des conditions régulières.

Arrêt du 26 mars 2015, CW / Parlement (F-41/14) (cf. point 64)

42. Fonctionnaires - Droits et obligations - Obligation d’exécuter des ordres de la hiérarchie - Portée - Limites - Refus par un fonctionnaire ayant fait preuve d’insubordination réitérée d’exécuter un ordre de présenter des excuses à son chef d’unité - Inadmissibilité

Il ressort de l’économie de l’article 21 bis du statut que, lorsqu’un ordre reçu lui paraît entaché d’irrégularité ou s’il estime que son exécution peut entraîner de graves inconvénients, le fonctionnaire, dans un premier temps, doit aviser son supérieur hiérarchique direct, puis, le cas échéant, si ce dernier confirme l’ordre, l’autorité hiérarchique supérieure. Le fonctionnaire est ainsi tenu, selon cette disposition, d’exécuter l’ordre, selon le cas réitéré ou confirmé par sa hiérarchie, à moins qu’il ne soit manifestement illégal ou contraire aux normes de sécurité applicables.

À cet égard, dans un contexte de manifestations d’insubordination réitérées de la part d’un fonctionnaire, une instruction de la part de l’autorité hiérarchique supérieure de celui-ci exigeant qu’il présente des excuses à son chef d’unité, même si cette façon de faire ne correspond pas nécessairement à une vision conforme aux bonnes pratiques de la gestion des rapports humains dans la sphère professionnelle, peut s’inscrire dans une démarche légitime de l’administration visant à assurer de la part de tout fonctionnaire ou agent le respect des règles statutaires, notamment de celles, comme l’article 21 bis du statut, destinées à permettre le déroulement correct de l’action administrative de chaque service, dans un climat de confiance mutuelle, et, partant, rester dans les limites de la marge d’appréciation de l’administration dans le cadre de cette démarche.

Arrêt du 26 mars 2015, CW / Parlement (F-41/14) (cf. points 70, 72)

43. Fonctionnaires - Droits et obligations - Liberté d'expression - Divulgation de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une activité illégale ou d'un manquement grave - Protection du fonctionnaire ayant communiqué de tels faits - Portée

Selon l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, le fonctionnaire qui informe ses supérieurs hiérarchiques de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle dont il a eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agit de bonne foi. Toutefois, cette disposition n’offre pas à l’agent concerné une protection contre toute décision susceptible de lui faire grief, mais seulement contre les décisions liées aux dénonciations effectuées par ses soins.

Arrêt du 30 juin 2015, Z / Cour de justice (F-64/13) (cf. point 74)

44. Fonctionnaires - Droits et obligations - Protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel - Manquement - Application des sanctions disciplinaires

L’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que le règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes de l'Union européenne et à la libre circulation de ces données, qui reconnaissent aux personnes des droits juridiquement protégés, s’appliquent au traitement de données à caractère personnel par, notamment, les institutions de l’Union dans l’exercice d’activités qui relèvent en tout ou en partie du champ d’application du droit de l’Union. C’est bien dans ce cadre que l’article 49 du règlement nº 45/2001 prévoit l’application de sanctions disciplinaires aux fonctionnaires et agents en cas de manquement à leurs obligations en vertu dudit règlement, que ce soit intentionnel ou par négligence.

Un fonctionnaire qui se présente comme "destinataire" des données à caractère personnel au sens du règlement nº 45/2001 aux fins de l’obtention de telles données d’une personne, est soumis à la fois à l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et aux dispositions du règlement nº 45/2001, notamment à l’obligation imposée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, en vertu duquel les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités.

Arrêt du 21 octobre 2015, AQ / Commission (F-57/14) (cf. points 88, 90)