1. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Qualité de conjoint survivant - Appréciation au regard du droit national
Il découle des exigences de l'application uniforme du droit de l'Union et du principe d'égalité que les termes d'une disposition de droit de l'Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver dans toute l'Union une interprétation autonome, interprétation qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause. Toutefois, il est également admis que, même en l'absence d'un renvoi exprès, l'application du droit de l'Union peut impliquer, le cas échéant, une référence aux droits des États membres, en particulier lorsque le juge de l'Union ne peut déceler dans le droit de l'Union ou dans ses principes généraux les éléments lui permettant d'en préciser le contenu et la portée par une interprétation autonome. Tel est notamment le cas s'agissant des notions relevant de l'état des personnes et du droit de la famille, l'ordre juridique de l'Union ne disposant pas de règles écrites en la matière.
Vu l'absence d'un ensemble complet de règles de droit international privé au sein du droit de l'Union et les divergences des systèmes nationaux de droit international privé, l'identification par une instance administrative de l'Union, aux fins de l'application d'une disposition de droit dérivé, tel que l'article 79 du statut ou l'article 18 de son annexe VIII, de l'ordre juridique national qui, seul, serait "compétent" pour déterminer l'état civil d'une personne, s'avérerait être une tâche particulièrement complexe et hautement aléatoire sur le plan juridique. Le juge de l'Union devrait également s'abstenir d'une telle entreprise, laquelle, notamment, équivaudrait à une législation juridictionnelle.
Ainsi, il n'appartient ni au juge ni aux institutions de l'Union, quand ils appliquent le statut, de contrôler le bien-fondé des décisions rendues par les juridictions nationales.
La circonstance qu'une institution de l’Union reconnaît à deux personnes la qualité de conjoint survivant d’une seule et même ancienne fonctionnaire décédée, aux fins de l’octroi d’un avantage pécuniaire, ne constitue nullement une acceptation, ne fût-ce qu’implicite, au niveau de l’Union, du mariage multiple, acceptation qui serait de nature à soulever une question de compatibilité avec des principes et règles supérieurs de droit, notamment si chacune des personnes concernées bénéficiait de l’entièreté de l’avantage pécuniaire prévu pour «le» conjoint survivant. En toute hypothèse, l’institution concernée ne fait que tirer les conséquences de l’application des droits nationaux de la famille.
Arrêt du 1er juillet 2010, Mandt / Parlement (F-45/07) (cf. points 62-63, 68, 84, 87)
2. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Modalités d'attribution en cas de coexistence de conjoints survivants
En l'absence d'une règle statutaire relative aux modalités d'attribution de la pension de survie en cas de coexistence de conjoints survivants, il incombe à l'institution de déterminer une méthode d'attribution.
Une méthode de partage retenue par l'institution, à savoir la répartition à parts égales de la pension de survie entre les conjoints survivants ne contrevient pas à la lettre, à l'économie et à la finalité des dispositions de l'article 79 du statut et à l'article 18 de son annexe VIII, ni même à celles du chapitre relatif à la pension de survie de cette même annexe pris dans son ensemble, ce d'autant que le critère de la durée du mariage, posé à l'article 28 de l'annexe VIII du statut, serait difficilement transposable à la coexistence de plusieurs conjoints survivants et irait à l'encontre de la finalité de l'article 79 du statut.
Arrêt du 1er juillet 2010, Mandt / Parlement (F-45/07) (cf. points 97, 104)
3. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Pension alimentaire fixée par convention entre les anciens époux - Notion - Appréciation au regard du droit national
La notion d’obligation alimentaire convenue entre d’anciens conjoints en raison de leur divorce relève des conséquences patrimoniales découlant du jugement de divorce prononcé sur le fondement des règles du droit civil applicable. Par conséquent, pour déterminer si le conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire justifie avoir droit pour son propre compte, au décès de son ex-conjoint, à une pension alimentaire à charge dudit ex-conjoint et fixée par convention intervenue entre les anciens époux, il convient de se référer à la loi qui régit les effets du divorce. À cet égard, lorsque, en droit national, l’annulation, par le juge d’appel, d’une décision ayant supprimé une pension alimentaire rendue en premier ressort a pour effet de faire disparaître cette décision rétroactivement, et, partant, de faire revivre rétroactivement la pension alimentaire en faveur de l'ex-conjoint d'un fonctionnaire décédé, celui-ci doit nécessairement être regardé comme justifiant, à compter de ce jugement d'appel, avoir droit pour son propre compte à une pension alimentaire à la charge du fonctionnaire.
L’objectif poursuivi par l’article 27 de l’annexe VIII du statut est de permettre au conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire qui bénéficiait, lors du décès de celui-ci, d’une pension alimentaire à la charge de ce dernier de continuer à percevoir, après ledit décès, des ressources lui assurant sa subsistance. Or, rien ne justifierait que le conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire soit privé du bénéfice d’une pension de survie, et donc des ressources lui assurant sa subsistance, au seul motif, indépendant de sa volonté, que la pension alimentaire qu’il percevait sur la base du droit national a été supprimée avant le décès du fonctionnaire ou de l’ancien fonctionnaire, puis rétablie rétroactivement après ledit décès.
Arrêt du 23 mars 2015, Borghans / Commission (F-6/14) (cf. points 58-61, 67)
4. Fonctionnaires - Pensions - Ayants droit du titulaire - Délais d'introduction de la demande de liquidation des droits à pension - Champ d'application - Demande suite à la reconnaissance des droits à pension par une décision de justice nationale rendue après le décès - Exclusion - Application d'un délai raisonnable
Il résulte des termes mêmes de l’article 42 de l’annexe VIII du statut que le délai de déchéance qu’il prévoit, à savoir une année à compter du décès, ne s’applique qu’au cas des ayants droit d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire décédé qui disposent, à la date du décès, de droits à pension ou à allocation. Par voie de conséquence, ne relève pas du champ d’application dudit article le cas des ayants droit qui ne sont pas titulaires, à la date du décès du fonctionnaire, de droits à pension ou à allocation mais se les voient reconnaître postérieurement audit décès et rétroactivement, du fait de l’adoption d’une décision de justice nationale.
Toutefois, le principe de sécurité juridique fait obligation aux ayants droit d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire décédé qui se trouvent dans le cas précité, de demander la liquidation de leurs droits à pension ou allocation dans un délai raisonnable, ce délai commençant à courir à compter de la date de signification de la décision juridictionnelle nationale sur la base de laquelle les droits à pension ou allocation leur sont reconnus rétroactivement.
Arrêt du 23 mars 2015, Borghans / Commission (F-6/14) (cf. points 69, 70, 76)
5. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Pension alimentaire fixée par convention entre les anciens époux - Plafonnement de la pension de survie
Le montant de la pension de survie dont un conjoint divorcé est titulaire relève exclusivement des dispositions des articles 27 et 28 de l’annexe VIII du statut et, aux fins du calcul de ce montant et de son actualisation, il est sans pertinence que le montant de la pension alimentaire visée à l’article 27 de l’annexe VIII du statut ne puisse plus, en vertu du droit national et en raison du décès de l’ex-conjoint, être modifié.
De surcroît, l’article 18 de l’annexe VIII du statut régit exclusivement la situation du conjoint survivant du fonctionnaire décédé et n’a pas vocation, notamment en ce qui concerne le montant minimal de la pension de survie égal à 35 % du dernier traitement de base, à être appliqué par analogie à la situation des ex-conjoints du fonctionnaire décédé.
Ordonnance du 14 juillet 2015, Roda / Commission (F-109/14) (cf. points 19, 20)
Selon l'article 27 de l'annexe VIII du statut, le conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire a droit à la pension de survie définie au chapitre 4 de ladite annexe, à condition de justifier avoir droit pour son propre compte, au décès de son ex-conjoint, à une pension alimentaire à charge dudit ex-conjoint et fixée soit par décision de justice, soit par convention intervenue entre les anciens époux, officiellement enregistrée et mise en exécution. En vertu de la même disposition, la pension de survie ne peut excéder la pension alimentaire telle qu’elle était versée au moment du décès de son ex-conjoint, celle-ci étant actualisée selon les modalités prévues à l’article 82 du statut.
En revanche, l’article 18 de l’annexe VIII du statut, qui prévoit, en substance, le versement d'une pension de survie dont le montant minimal est égal à 35 % du dernier traitement de base de l'ancien fonctionnaire décédé, vise exclusivement le conjoint survivant non divorcé.
À cet égard, c’est précisément par l’article 27 de l’annexe VIII du statut que l’Union européenne manifeste son respect pour la règle établie à l’article 25 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qui concerne le cas spécifique du conjoint divorcé d’un fonctionnaire décédé en s'engageant à s’acquitter auprès du conjoint survivant divorcé d’une obligation de pension alimentaire pesant sur l’ancien fonctionnaire. Néanmoins, l’article 25 de la charte ne comporte pas de règle conférant aux particuliers un droit subjectif lié à un montant minimal de pension de survie au profit des personnes visées par l’article 27 de l’annexe VIII du statut.
Arrêt du 6 juillet 2016, LM / Commission (T-560/15 P) (cf. points 13-15)
6. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Traitement différent des conjoints survivants d'anciens fonctionnaires fondé sur le moment de célébration du mariage - Conjoint survivant ayant été marié deux fois avec le même fonctionnaire, la première fois avant la cessation d'activité de celui-ci, la seconde fois après la cessation d'activité - Violation du principe d'égalité de traitement
Les articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut traitent différemment les conjoints survivants d’anciens fonctionnaires selon que le mariage a été contracté avant ou après la cessation d’activité, en ce que l’octroi d’une pension de survie est subordonné, dans le premier cas, conformément à l’article 18 de l’annexe VIII du statut, à la condition que le mariage a duré au moins un an et, dans le second cas, conformément à l’article 20 de cette annexe, à la condition qu’il a duré au moins cinq ans. La circonstance que l’ancien fonctionnaire décédé s’est marié avant ou après sa mise à la retraite n’est pas de nature à modifier de façon essentielle la situation du conjoint survivant au regard de la finalité même de la pension de survie, qui est de compenser, au bénéfice du conjoint survivant, la perte de revenus découlant du décès du fonctionnaire ou de l’ancien fonctionnaire.
En ce qui concerne la justification d'une telle différence de traitement entre conjoints survivants d’anciens fonctionnaires, la condition de durée minimale de cinq ans, figurant à l'article 20 de l'annexe VIII du statut, a été introduite par le législateur de l’Union afin, d’une part, de lutter contre les fraudes au mariage, lesquelles seraient d’autant plus susceptibles de se produire que le mariage, lorsqu’il est contracté après la cessation de fonctions du fonctionnaire, l’est ainsi à une date proche du décès prévisible de l’ouvrant droit, et, d’autre part, de sauvegarder ainsi l’équilibre financier du régime de pension de l’Union. Or, compte tenu du large pouvoir d’appréciation du législateur en matière de sécurité sociale, la légitimité de ces deux objectifs d’intérêt général ne saurait raisonnablement être mise en doute.
S’agissant, en premier lieu, de la lutte contre la fraude au mariage, il n’apparaît pas déraisonnable, à cet effet, de subordonner le droit du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire, à l’instar du droit du conjoint survivant d’un fonctionnaire, à percevoir une pension de survie à la condition que le mariage ait satisfait à une condition de durée minimale.
Toutefois, s’agissant du caractère approprié de la condition de durée minimale de mariage de cinq ans pour la réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude, force est d’admettre que l’utilisation exclusive du critère de la durée de mariage, particulièrement lorsque, s'agissant des anciens fonctionnaires décédés qui se sont mariés postérieurement à la cessation d'activité, cette durée est cinq fois plus longue que celle requise des anciens fonctionnaires qui se sont mariés antérieurement à la cessation d’activité, conduit à exclure du bénéfice de la pension de survie, parmi les conjoints survivants dont la durée du mariage a été inférieure à cinq ans, une forte proportion de personnes ayant contracté mariage dans des conditions non frauduleuses, et ce sans possibilité pour les intéressés d’apporter tout élément de preuve de nature à établir l’absence de fraude au mariage, telles la durée de la relation de couple ou l’existence d’un enfant en commun.
De plus, en l’absence de possibilité pour les intéressés d’apporter tout élément de preuve contraire, la condition de durée minimale de mariage de cinq ans peut apparaître comme manquant de cohérence interne au regard de l’objectif poursuivi, puisque, en l’état actuel des textes, tout mariage, même frauduleux, ouvre droit, en cas de décès de l’ancien fonctionnaire, à une pension de survie si le décès intervient plus de cinq ans après sa célébration, à la différence d’un mariage contracté dans des conditions non frauduleuses, mais interrompu par le décès prématuré de l’ancien fonctionnaire.
En second lieu, quant à l’objectif de sauvegarde de l’équilibre financier du régime de pension de l’Union, des considérations d’ordre budgétaire ne peuvent constituer à elles seules un objectif légitime susceptible de justifier une dérogation au principe général de l’égalité de traitement. En outre, le contexte général de l’article 20 de l’annexe VIII du statut ne comporte aucune référence à une quelconque exigence de lien financier suffisamment fort entre le conjoint survivant et l’institution. Il suffit d’ailleurs que le mariage, même contracté avant l’entrée en fonctions du fonctionnaire, ait duré un an pour qu’une pension de survie soit due au conjoint survivant, alors même que le décès serait survenu en début de carrière.
En conséquence, l’article 20 de l’annexe VIII du statut, s'il devait être interprété en ce sens qu'il exclut du bénéfice d’une pension de survie le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une pension d’ancienneté, lorsque le mariage, contracté après la cessation d’activité de ce dernier, a duré moins de cinq ans, sans que soit prise en compte une période de mariage avec ce même fonctionnaire antérieure à la cessation d’activité, irait au-delà de ce qui est nécessaire et approprié à la poursuite des objectifs invoqués pour justifier l’existence d’une différence de traitement entre conjoints survivants d’anciens fonctionnaires fondée sur le moment de célébration du mariage.
Arrêt du 20 juillet 2016, RN / Commission (F-104/15) (cf. points 63-66, 68-70, 72, 74, 75)
7. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Mariage contracté après la cessation d'activité du fonctionnaire décédé - Nécessité d'une durée de mariage d'au moins cinq ans - Calcul - Possibilité de tenir compte des années relevant d'un précédent mariage entre les mêmes époux - Exclusion
Arrêt du 18 juillet 2017, Commission / RN (T-695/16 P) (cf. points 49-52, 54-57, 59-64)
8. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Mariage - Durée minimale du mariage - Prise en compte des situations de cohabitation ou de concubinage - Exclusion
Arrêt du 3 mai 2018, HK / Commission (T-574/16) (cf. points 21-24, 27, 31, 36)
9. Fonctionnaires - Pensions - Méthode de calcul de la pension de survie - Inclusion des pensions d'orphelin dans le revenu soumis au plafond de l'article 81 bis du statut
L’article 81 bis du statut vise tant la pension de survie que la pension d’orphelin. Ainsi, la méthode de calcul des droits à pension appliquée par l'institution en ce qu’elle comptabilise les pensions d’orphelin dans le revenu réel soumis au plafond visé à l’article 81 bis est conforme à ladite disposition.
À titre principal, les pensions d’orphelin sont prévues à l’article 80 du statut, qui est inséré dans le titre V, chapitre 3, du statut, intitulé "Pensions et allocation d’invalidité". Ces pensions constituent des véritables pensions soumises en tant que telles au régime de pension visé dans le statut.
De plus, les modalités de calcul des pensions d’orphelin sont fixées au chapitre 4, article 21, de l’annexe VIII du statut, en vertu du renvoi contenu à l’article 84 du statut, et ce chapitre est intitulé "Pension de survie". Une telle observation permet de constater que l’expression "pension de survie" est utilisée par le législateur pour identifier non seulement la pension du conjoint survivant du fonctionnaire décédé, à savoir la pension de survie stricto sensu, mais également des dispositions concernant les pensions d’orphelin. Ainsi, si certaines dispositions font explicitement référence aux pensions d’orphelin, cela n’exclut pas pour autant que d’autres dispositions, ne les mentionnant pas explicitement, puissent leur être appliquées dans la mesure où les pensions d’orphelin sont des véritables pensions, soumises, de ce fait, aux dispositions du statut applicables en général aux pensions.
De surcroît, dans la mesure où l’article 81 bis du statut constitue l’une des dispositions finales du titre V, chapitre 3, du statut et s’insère dans les dispositions applicables aux pensions, dont les pensions prévues à l’article 80 font partie, l’article 81 bis ne peut être interprété en ce sens qu’il exclurait les pensions d’orphelin. En effet, l’utilisation, par cette disposition, de l’expression "pensions de survie" au pluriel doit être entendue comme faisant référence à tout type de "pensions", dont le fait déclencheur est le décès d’un fonctionnaire, tel étant le cas non seulement pour la pension de survie, mais également pour la pension d’orphelin. D’ailleurs, en vertu de l’article 80, premier à troisième alinéas, du statut et de l’article 21 de l’annexe VIII du statut, la pension de survie et la pension d’orphelin sont liées, puisque le montant de la seconde est conditionné par celui de la première.
En tout état de cause, la finalité de la pension d’orphelin, qui est de compenser le surcoût, pour le fonctionnaire survivant, lié à l’entretien des enfants à charge, contribue à l’objectif de créer une autonomie économique desdits enfants. Dans la mesure où la pension d’orphelin permet de compenser le surcoût lié à l’entretien des enfants, elle fait partie des revenus de la famille et n’échappe pas à la règle proscrivant l’enrichissement en raison du décès d’un parent fonctionnaire, règle dont le respect est assuré par l’application du plafonnement visé à l’article 81 bis du statut.
10. Fonctionnaires - Régime disciplinaire - Sanction - Pouvoir d'appréciation de l'autorité investie du pouvoir de nomination - Réduction de pension - Base calcul pour la retenue sur la pension - Inclusion des allocations familiales - Conditions - Garantie d'un revenu minimal
Arrêt du 10 septembre 2019, DK / SEAE (T-217/18) (cf. points 118, 119, 123, 124)
11. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Mariage - Assimilation du partenariat non matrimonial au mariage - Conditions - Absence d'accès au mariage civil - Charge de la preuve - Portée
Arrêt du 19 septembre 2019, WI / Commission (T-379/18) (cf. points 27, 29, 30, 33, 34, 41, 43-47)
12. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Mariage - Conjoint - Notion - Partenaire non matrimonial - Exclusion
Arrêt du 19 septembre 2019, WI / Commission (T-379/18) (cf. point 62)
13. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Mariage - Assimilation du partenariat non matrimonial enregistré au mariage sous certaines conditions - Assimilation du concubinage au mariage - Exclusion
Dans l’arrêt HK/Commission (C-460/18 P), prononcé le 19 décembre 2019, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal, du 3 mai 2018, HK/Commission{1} et, en statuant définitivement sur le litige, rejeté tant le recours en annulation introduit par le requérant contre la décision de la Commission européenne refusant de lui octroyer le bénéfice d’une pension de survie en tant que conjoint survivant d’une fonctionnaire que son recours en indemnisation des préjudices matériel et moral prétendument subis.
Cette affaire portait sur la demande du requérant de pouvoir bénéficier de la pension de survie en tant que conjoint survivant d’une fonctionnaire de la Commission européenne décédée le 11 avril 2015, à laquelle il était marié depuis le 9 mai 2014. Le couple vivait déjà en concubinage depuis 1994. Le requérant avait perçu régulièrement de l’argent de la part de sa partenaire en raison de problèmes de santé qui l’empêchaient de travailler ou de suivre des formations.
La Cour a, tout d’abord, annulé l’arrêt du Tribunal rejetant le recours du requérant, au motif que le Tribunal avait violé son obligation de motivation. À cet égard, la Cour a précisé que la motivation de l’arrêt attaqué ne faisait pas apparaître de façon claire et compréhensible le raisonnement du Tribunal quant à la détermination des personnes susceptibles de bénéficier de l’octroi d’une pension de survie au titre de l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), ce qui revêtait de l’importance pour la question du caractère comparable des situations mises en balance aux fins de l’examen de la conformité de cette disposition statutaire au principe général de non-discrimination.
En considérant que l’affaire était en état d’être jugée, la Cour a ensuite estimé que la Commission avait pu refuser à bon droit le bénéfice de la pension de survie au requérant au motif que celui-ci ne remplissait pas la condition relative à la durée minimale d’une année de mariage avec la fonctionnaire décédée imposée par l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut.
La Cour a relevé que ni le fait que ladite disposition exclut de son champ d’application les concubins, ni le fait qu’elle impose une telle durée minimale de mariage pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie n’étaient manifestement inadéquats par rapport à l’objectif de la pension de survie et ne violaient pas non plus le principe général de non-discrimination.
Selon la Cour, le droit à la pension de survie n’est pas lié à une éventuelle dépendance financière du conjoint par rapport au défunt. En revanche, le bénéficiaire de cette pension doit avoir été uni au fonctionnaire décédé dans le cadre d’une relation civile qui a fait naître un ensemble de droits et d’obligations entre eux, tel que le mariage ou, sous certaines conditions, le partenariat non matrimonial enregistré.
La Cour a précisé que parmi ces conditions figuraient notamment le fait que le partenaire survivant fournisse un document officiel reconnu comme tel par un État membre ou par toute autorité compétente d’un État membre, attestant le statut de partenaires non matrimoniaux, et que le couple n’y ait pas eu accès au mariage civil.
Ainsi, la Cour a estimé qu’une union de fait, telle que le concubinage, ne faisant, en principe, pas l’objet d’un statut fixé par la loi, ne répondait pas aux conditions requises et que, dès lors, au regard de la pension de survie, les concubins n’étaient pas dans une situation comparable à celle des personnes mariées ni à celle des partenaires ayant conclu un partenariat enregistré répondant aux conditions prévues pour bénéficier de ladite pension.
En outre, la Cour a jugé que, en vue de lutter contre les abus, voire la fraude, le législateur de l’Union disposait d’une marge d’appréciation dans l’établissement du droit à une pension de survie et que la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré au moins une année pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie visait à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées.
La Cour a conclu que le recours tendant à la réparation des préjudices matériel ou moral prétendument subis devait également être rejeté comme non fondé, dès lors que les conclusions du requérant à cet égard présentaient un lien étroit avec les conclusions en annulation qui avaient elles-mêmes été rejetées comme non fondées.
{1 T-574/16, non publié, EU:T:2018:252.}
Arrêt du 19 décembre 2019, HK / Commission (C-460/18 P) (cf. points 68-78)
14. Fonctionnaires - Égalité de traitement - Pension de survie - Concubinage et mariage - Situations non comparables
Dans l’arrêt HK/Commission (C-460/18 P), prononcé le 19 décembre 2019, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal, du 3 mai 2018, HK/Commission{1} et, en statuant définitivement sur le litige, rejeté tant le recours en annulation introduit par le requérant contre la décision de la Commission européenne refusant de lui octroyer le bénéfice d’une pension de survie en tant que conjoint survivant d’une fonctionnaire que son recours en indemnisation des préjudices matériel et moral prétendument subis.
Cette affaire portait sur la demande du requérant de pouvoir bénéficier de la pension de survie en tant que conjoint survivant d’une fonctionnaire de la Commission européenne décédée le 11 avril 2015, à laquelle il était marié depuis le 9 mai 2014. Le couple vivait déjà en concubinage depuis 1994. Le requérant avait perçu régulièrement de l’argent de la part de sa partenaire en raison de problèmes de santé qui l’empêchaient de travailler ou de suivre des formations.
La Cour a, tout d’abord, annulé l’arrêt du Tribunal rejetant le recours du requérant, au motif que le Tribunal avait violé son obligation de motivation. À cet égard, la Cour a précisé que la motivation de l’arrêt attaqué ne faisait pas apparaître de façon claire et compréhensible le raisonnement du Tribunal quant à la détermination des personnes susceptibles de bénéficier de l’octroi d’une pension de survie au titre de l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), ce qui revêtait de l’importance pour la question du caractère comparable des situations mises en balance aux fins de l’examen de la conformité de cette disposition statutaire au principe général de non-discrimination.
En considérant que l’affaire était en état d’être jugée, la Cour a ensuite estimé que la Commission avait pu refuser à bon droit le bénéfice de la pension de survie au requérant au motif que celui-ci ne remplissait pas la condition relative à la durée minimale d’une année de mariage avec la fonctionnaire décédée imposée par l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut.
La Cour a relevé que ni le fait que ladite disposition exclut de son champ d’application les concubins, ni le fait qu’elle impose une telle durée minimale de mariage pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie n’étaient manifestement inadéquats par rapport à l’objectif de la pension de survie et ne violaient pas non plus le principe général de non-discrimination.
Selon la Cour, le droit à la pension de survie n’est pas lié à une éventuelle dépendance financière du conjoint par rapport au défunt. En revanche, le bénéficiaire de cette pension doit avoir été uni au fonctionnaire décédé dans le cadre d’une relation civile qui a fait naître un ensemble de droits et d’obligations entre eux, tel que le mariage ou, sous certaines conditions, le partenariat non matrimonial enregistré.
La Cour a précisé que parmi ces conditions figuraient notamment le fait que le partenaire survivant fournisse un document officiel reconnu comme tel par un État membre ou par toute autorité compétente d’un État membre, attestant le statut de partenaires non matrimoniaux, et que le couple n’y ait pas eu accès au mariage civil.
Ainsi, la Cour a estimé qu’une union de fait, telle que le concubinage, ne faisant, en principe, pas l’objet d’un statut fixé par la loi, ne répondait pas aux conditions requises et que, dès lors, au regard de la pension de survie, les concubins n’étaient pas dans une situation comparable à celle des personnes mariées ni à celle des partenaires ayant conclu un partenariat enregistré répondant aux conditions prévues pour bénéficier de ladite pension.
En outre, la Cour a jugé que, en vue de lutter contre les abus, voire la fraude, le législateur de l’Union disposait d’une marge d’appréciation dans l’établissement du droit à une pension de survie et que la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré au moins une année pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie visait à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées.
La Cour a conclu que le recours tendant à la réparation des préjudices matériel ou moral prétendument subis devait également être rejeté comme non fondé, dès lors que les conclusions du requérant à cet égard présentaient un lien étroit avec les conclusions en annulation qui avaient elles-mêmes été rejetées comme non fondées.
{1 T-574/16, non publié, EU:T:2018:252.}
Arrêt du 19 décembre 2019, HK / Commission (C-460/18 P) (cf. points 84, 85)
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil / FI (C-313/21 P et C-314/21 P) (cf. points 105-107, 121)
15. Fonctionnaires - Pension de survie - Conditions d'octroi - Mariage - Durée minimale du mariage - Condition non discriminatoire servant à lutter contre les abus et la fraude
Dans l’arrêt HK/Commission (C-460/18 P), prononcé le 19 décembre 2019, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal, du 3 mai 2018, HK/Commission{1} et, en statuant définitivement sur le litige, rejeté tant le recours en annulation introduit par le requérant contre la décision de la Commission européenne refusant de lui octroyer le bénéfice d’une pension de survie en tant que conjoint survivant d’une fonctionnaire que son recours en indemnisation des préjudices matériel et moral prétendument subis.
Cette affaire portait sur la demande du requérant de pouvoir bénéficier de la pension de survie en tant que conjoint survivant d’une fonctionnaire de la Commission européenne décédée le 11 avril 2015, à laquelle il était marié depuis le 9 mai 2014. Le couple vivait déjà en concubinage depuis 1994. Le requérant avait perçu régulièrement de l’argent de la part de sa partenaire en raison de problèmes de santé qui l’empêchaient de travailler ou de suivre des formations.
La Cour a, tout d’abord, annulé l’arrêt du Tribunal rejetant le recours du requérant, au motif que le Tribunal avait violé son obligation de motivation. À cet égard, la Cour a précisé que la motivation de l’arrêt attaqué ne faisait pas apparaître de façon claire et compréhensible le raisonnement du Tribunal quant à la détermination des personnes susceptibles de bénéficier de l’octroi d’une pension de survie au titre de l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), ce qui revêtait de l’importance pour la question du caractère comparable des situations mises en balance aux fins de l’examen de la conformité de cette disposition statutaire au principe général de non-discrimination.
En considérant que l’affaire était en état d’être jugée, la Cour a ensuite estimé que la Commission avait pu refuser à bon droit le bénéfice de la pension de survie au requérant au motif que celui-ci ne remplissait pas la condition relative à la durée minimale d’une année de mariage avec la fonctionnaire décédée imposée par l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut.
La Cour a relevé que ni le fait que ladite disposition exclut de son champ d’application les concubins, ni le fait qu’elle impose une telle durée minimale de mariage pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie n’étaient manifestement inadéquats par rapport à l’objectif de la pension de survie et ne violaient pas non plus le principe général de non-discrimination.
Selon la Cour, le droit à la pension de survie n’est pas lié à une éventuelle dépendance financière du conjoint par rapport au défunt. En revanche, le bénéficiaire de cette pension doit avoir été uni au fonctionnaire décédé dans le cadre d’une relation civile qui a fait naître un ensemble de droits et d’obligations entre eux, tel que le mariage ou, sous certaines conditions, le partenariat non matrimonial enregistré.
La Cour a précisé que parmi ces conditions figuraient notamment le fait que le partenaire survivant fournisse un document officiel reconnu comme tel par un État membre ou par toute autorité compétente d’un État membre, attestant le statut de partenaires non matrimoniaux, et que le couple n’y ait pas eu accès au mariage civil.
Ainsi, la Cour a estimé qu’une union de fait, telle que le concubinage, ne faisant, en principe, pas l’objet d’un statut fixé par la loi, ne répondait pas aux conditions requises et que, dès lors, au regard de la pension de survie, les concubins n’étaient pas dans une situation comparable à celle des personnes mariées ni à celle des partenaires ayant conclu un partenariat enregistré répondant aux conditions prévues pour bénéficier de ladite pension.
En outre, la Cour a jugé que, en vue de lutter contre les abus, voire la fraude, le législateur de l’Union disposait d’une marge d’appréciation dans l’établissement du droit à une pension de survie et que la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré au moins une année pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie visait à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées.
La Cour a conclu que le recours tendant à la réparation des préjudices matériel ou moral prétendument subis devait également être rejeté comme non fondé, dès lors que les conclusions du requérant à cet égard présentaient un lien étroit avec les conclusions en annulation qui avaient elles-mêmes été rejetées comme non fondées.
{1 T-574/16, non publié, EU:T:2018:252.}
Arrêt du 19 décembre 2019, HK / Commission (C-460/18 P) (cf. points 89, 90)
16. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Mariage - Notion - Maintien d'une communauté de vie par un couple précédemment marié - Exclusion
La requérante, RN, et son conjoint, fonctionnaire de la Commission européenne, ont vécu en couple à partir de 1985. En 1988, ils ont contracté un premier mariage. Les époux ont divorcé en 1996. En 2012, la requérante s’est remariée avec son ex-conjoint, après avoir repris, dès 2002, une vie commune avec celui-ci.
Le conjoint de la requérante est entré en fonctions à la Commission en 1991 et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2007. Il est décédé en 2014.
À la suite du décès de son époux, la requérante, en sa qualité de conjointe survivante d’un ancien fonctionnaire, a introduit une demande d’octroi d’une pension de survie au titre du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).
La Commission a rejeté cette demande, au motif, notamment, que le second mariage, contracté postérieurement à la cessation d’activité du fonctionnaire, avait duré moins de cinq ans. Par conséquent, les conditions prévues aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut n’étaient pas remplies, de telle sorte que la requérante ne pouvait prétendre au bénéfice d’une pension de survie. La Commission n’a pas tenu compte du premier mariage, estimant qu’il était dissous en vertu d’un jugement de divorce et ne pouvait donc plus produire d’effet.
La requérante a contesté cette décision en soulevant, notamment, une exception d’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut. Elle a fait valoir que l’article 20 de l’annexe VIII du statut contraint les couples de personnes âgées à contracter mariage durant cinq ans au moins pour que le conjoint survivant du fonctionnaire retraité puisse bénéficier d’une pension de survie, sans aucune exception possible, alors que, pour des couples plus jeunes au moment du mariage contracté lorsque le conjoint fonctionnaire était encore en activité, le conjoint survivant bénéficie d’un droit à pension de survie au terme d’une seule année de mariage sur le fondement de l’article 18 de cette annexe.
Le Tribunal accueille le recours et juge que l’article 20 de l’annexe VIII du statut est illégal car il viole le principe général d’égalité de traitement ainsi que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge. Par voie de conséquence, la décision de la Commission, adoptée sur le fondement de cette disposition, se trouve privée de base légale, de sorte qu’il convient de l’annuler.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal rappelle, tout d’abord, que, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité de façon différente des situations comparables entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres. À cet égard, après avoir précisé les critères d’appréciation pour déterminer si le traitement des situations à comparer porte atteinte au principe d’égalité de traitement, le Tribunal souligne que, pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec les principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination, celle-ci doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et proportionnée par rapport au but poursuivi par cette différenciation. Dans ce contexte, il ajoute que, en vue de lutter contre les abus, le législateur de l’Union dispose d’une marge d’appréciation dans l’établissement du droit à une pension de survie. La reconnaissance d’un tel pouvoir implique, toutefois, la nécessité de vérifier s’il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur d’estimer que la différence de traitement instituée puisse être appropriée et nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif poursuivi.
Ensuite, le Tribunal constate que la situation du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui s’est marié avec ce dernier avant la cessation d’activité de celui-ci n’est pas différente de celle du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui a contracté mariage avec ce dernier après cette cessation aux fins de l’octroi d’une pension de survie en application de l’article 18 ou de l’article 20 de l’annexe VIII du statut.
En effet, la nature juridique des liens qui unissaient le conjoint survivant au fonctionnaire décédé est identique, que le mariage ait été conclu avant ou après la cessation d’activité de ce dernier. Cette nature juridique ne diffère pas selon que les fonctionnaires exerçaient une activité professionnelle ou non et selon le montant des cotisations au régime de pension de l’Union qui ont été payées ou qui seraient encore dues.
Par conséquent, le Tribunal conclut à l’existence d’une différence de traitement de situations comparables en fonction de la date de la conclusion du mariage, dès lors qu’il s’agit de l’unique élément qui détermine l’application des conditions de durées minimales différentes du mariage conformément aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut. Cette différence de traitement entraîne un désavantage pour le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui s’est marié avec ce dernier après la cessation d’activité de celui-ci. Il existe également une différence de traitement de situations comparables, fondée indirectement sur l’âge de l’ancien fonctionnaire à la date à laquelle il a contracté mariage.
Enfin, le Tribunal rejette l’argumentation de la Commission selon laquelle la condition de durée minimale du mariage en cause viserait à prévenir les fraudes et à sauvegarder l’équilibre financier du régime de pension de l’Union.
S’agissant de la prévention des fraudes, le Tribunal note qu’il est déraisonnable de considérer que la condition de durée minimale de cinq années de mariage prévue par l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui est cinq fois plus élevée que celle prévue par l’article 18 de l’annexe VIII du statut, qui trouve à s’appliquer lorsque le mariage a été conclu avant la cessation d’activité du fonctionnaire, et qui ne souffre aucune exception permettant d’établir l’absence de fraude, quels que soient les éléments de preuve objectifs apportés, puisse être nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude.
S’agissant de la sauvegarde de l’équilibre financier du régime de pension de l’Union, le Tribunal révèle qu’un objectif relevant de considérations d’ordre budgétaire ne saurait justifier à lui seul une dérogation au principe général de l’égalité de traitement. À cet égard, vu que la condition de la durée minimale du mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut ne peut pas être justifiée par l’objectif de lutte contre la fraude, la différence de traitement instaurée par cette disposition ne saurait être justifiée par la seule sauvegarde de l’équilibre financier du régime de pension de l’Union.
Arrêt du 16 décembre 2020, RN / Commission (T-442/17 RENV) (cf. points 117-123)
17. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Pouvoir d'appréciation du législateur de l'Union - Contrôle juridictionnel - Portée
La requérante, RN, et son conjoint, fonctionnaire de la Commission européenne, ont vécu en couple à partir de 1985. En 1988, ils ont contracté un premier mariage. Les époux ont divorcé en 1996. En 2012, la requérante s’est remariée avec son ex-conjoint, après avoir repris, dès 2002, une vie commune avec celui-ci.
Le conjoint de la requérante est entré en fonctions à la Commission en 1991 et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2007. Il est décédé en 2014.
À la suite du décès de son époux, la requérante, en sa qualité de conjointe survivante d’un ancien fonctionnaire, a introduit une demande d’octroi d’une pension de survie au titre du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).
La Commission a rejeté cette demande, au motif, notamment, que le second mariage, contracté postérieurement à la cessation d’activité du fonctionnaire, avait duré moins de cinq ans. Par conséquent, les conditions prévues aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut n’étaient pas remplies, de telle sorte que la requérante ne pouvait prétendre au bénéfice d’une pension de survie. La Commission n’a pas tenu compte du premier mariage, estimant qu’il était dissous en vertu d’un jugement de divorce et ne pouvait donc plus produire d’effet.
La requérante a contesté cette décision en soulevant, notamment, une exception d’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut. Elle a fait valoir que l’article 20 de l’annexe VIII du statut contraint les couples de personnes âgées à contracter mariage durant cinq ans au moins pour que le conjoint survivant du fonctionnaire retraité puisse bénéficier d’une pension de survie, sans aucune exception possible, alors que, pour des couples plus jeunes au moment du mariage contracté lorsque le conjoint fonctionnaire était encore en activité, le conjoint survivant bénéficie d’un droit à pension de survie au terme d’une seule année de mariage sur le fondement de l’article 18 de cette annexe.
Le Tribunal accueille le recours et juge que l’article 20 de l’annexe VIII du statut est illégal car il viole le principe général d’égalité de traitement ainsi que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge. Par voie de conséquence, la décision de la Commission, adoptée sur le fondement de cette disposition, se trouve privée de base légale, de sorte qu’il convient de l’annuler.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal rappelle, tout d’abord, que, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité de façon différente des situations comparables entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres. À cet égard, après avoir précisé les critères d’appréciation pour déterminer si le traitement des situations à comparer porte atteinte au principe d’égalité de traitement, le Tribunal souligne que, pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec les principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination, celle-ci doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et proportionnée par rapport au but poursuivi par cette différenciation. Dans ce contexte, il ajoute que, en vue de lutter contre les abus, le législateur de l’Union dispose d’une marge d’appréciation dans l’établissement du droit à une pension de survie. La reconnaissance d’un tel pouvoir implique, toutefois, la nécessité de vérifier s’il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur d’estimer que la différence de traitement instituée puisse être appropriée et nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif poursuivi.
Ensuite, le Tribunal constate que la situation du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui s’est marié avec ce dernier avant la cessation d’activité de celui-ci n’est pas différente de celle du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui a contracté mariage avec ce dernier après cette cessation aux fins de l’octroi d’une pension de survie en application de l’article 18 ou de l’article 20 de l’annexe VIII du statut.
En effet, la nature juridique des liens qui unissaient le conjoint survivant au fonctionnaire décédé est identique, que le mariage ait été conclu avant ou après la cessation d’activité de ce dernier. Cette nature juridique ne diffère pas selon que les fonctionnaires exerçaient une activité professionnelle ou non et selon le montant des cotisations au régime de pension de l’Union qui ont été payées ou qui seraient encore dues.
Par conséquent, le Tribunal conclut à l’existence d’une différence de traitement de situations comparables en fonction de la date de la conclusion du mariage, dès lors qu’il s’agit de l’unique élément qui détermine l’application des conditions de durées minimales différentes du mariage conformément aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut. Cette différence de traitement entraîne un désavantage pour le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui s’est marié avec ce dernier après la cessation d’activité de celui-ci. Il existe également une différence de traitement de situations comparables, fondée indirectement sur l’âge de l’ancien fonctionnaire à la date à laquelle il a contracté mariage.
Enfin, le Tribunal rejette l’argumentation de la Commission selon laquelle la condition de durée minimale du mariage en cause viserait à prévenir les fraudes et à sauvegarder l’équilibre financier du régime de pension de l’Union.
S’agissant de la prévention des fraudes, le Tribunal note qu’il est déraisonnable de considérer que la condition de durée minimale de cinq années de mariage prévue par l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui est cinq fois plus élevée que celle prévue par l’article 18 de l’annexe VIII du statut, qui trouve à s’appliquer lorsque le mariage a été conclu avant la cessation d’activité du fonctionnaire, et qui ne souffre aucune exception permettant d’établir l’absence de fraude, quels que soient les éléments de preuve objectifs apportés, puisse être nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude.
S’agissant de la sauvegarde de l’équilibre financier du régime de pension de l’Union, le Tribunal révèle qu’un objectif relevant de considérations d’ordre budgétaire ne saurait justifier à lui seul une dérogation au principe général de l’égalité de traitement. À cet égard, vu que la condition de la durée minimale du mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut ne peut pas être justifiée par l’objectif de lutte contre la fraude, la différence de traitement instaurée par cette disposition ne saurait être justifiée par la seule sauvegarde de l’équilibre financier du régime de pension de l’Union.
Arrêt du 16 décembre 2020, RN / Commission (T-442/17 RENV) (cf. point 70)
Arrêt du 16 décembre 2020, VW / Commission (T-243/18) (cf. point 48)
Arrêt du 16 décembre 2020, BT / Commission (T-315/19) (cf. point 48)
Arrêt du 10 mars 2021, FI / Commission (T-694/19) (cf. point 48)
Arrêt du 24 mars 2021, KM / Commission (T-374/20) (cf. point 42)
18. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Condition entraînant un désavantage pour les personnes s'étant mariées après le départ à la retraite du fonctionnaire - Différence de traitement fondée indirectement sur l'âge de l'ancien fonctionnaire - Inadmissibilité - Justification - Lutte contre la fraude et sauvegarde de l'équilibre financier du régime de pension - Absence
La requérante, RN, et son conjoint, fonctionnaire de la Commission européenne, ont vécu en couple à partir de 1985. En 1988, ils ont contracté un premier mariage. Les époux ont divorcé en 1996. En 2012, la requérante s’est remariée avec son ex-conjoint, après avoir repris, dès 2002, une vie commune avec celui-ci.
Le conjoint de la requérante est entré en fonctions à la Commission en 1991 et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2007. Il est décédé en 2014.
À la suite du décès de son époux, la requérante, en sa qualité de conjointe survivante d’un ancien fonctionnaire, a introduit une demande d’octroi d’une pension de survie au titre du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).
La Commission a rejeté cette demande, au motif, notamment, que le second mariage, contracté postérieurement à la cessation d’activité du fonctionnaire, avait duré moins de cinq ans. Par conséquent, les conditions prévues aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut n’étaient pas remplies, de telle sorte que la requérante ne pouvait prétendre au bénéfice d’une pension de survie. La Commission n’a pas tenu compte du premier mariage, estimant qu’il était dissous en vertu d’un jugement de divorce et ne pouvait donc plus produire d’effet.
La requérante a contesté cette décision en soulevant, notamment, une exception d’illégalité de l’article 20 de l’annexe VIII du statut. Elle a fait valoir que l’article 20 de l’annexe VIII du statut contraint les couples de personnes âgées à contracter mariage durant cinq ans au moins pour que le conjoint survivant du fonctionnaire retraité puisse bénéficier d’une pension de survie, sans aucune exception possible, alors que, pour des couples plus jeunes au moment du mariage contracté lorsque le conjoint fonctionnaire était encore en activité, le conjoint survivant bénéficie d’un droit à pension de survie au terme d’une seule année de mariage sur le fondement de l’article 18 de cette annexe.
Le Tribunal accueille le recours et juge que l’article 20 de l’annexe VIII du statut est illégal car il viole le principe général d’égalité de traitement ainsi que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge. Par voie de conséquence, la décision de la Commission, adoptée sur le fondement de cette disposition, se trouve privée de base légale, de sorte qu’il convient de l’annuler.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal rappelle, tout d’abord, que, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité de façon différente des situations comparables entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres. À cet égard, après avoir précisé les critères d’appréciation pour déterminer si le traitement des situations à comparer porte atteinte au principe d’égalité de traitement, le Tribunal souligne que, pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec les principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination, celle-ci doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et proportionnée par rapport au but poursuivi par cette différenciation. Dans ce contexte, il ajoute que, en vue de lutter contre les abus, le législateur de l’Union dispose d’une marge d’appréciation dans l’établissement du droit à une pension de survie. La reconnaissance d’un tel pouvoir implique, toutefois, la nécessité de vérifier s’il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur d’estimer que la différence de traitement instituée puisse être appropriée et nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif poursuivi.
Ensuite, le Tribunal constate que la situation du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui s’est marié avec ce dernier avant la cessation d’activité de celui-ci n’est pas différente de celle du conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui a contracté mariage avec ce dernier après cette cessation aux fins de l’octroi d’une pension de survie en application de l’article 18 ou de l’article 20 de l’annexe VIII du statut.
En effet, la nature juridique des liens qui unissaient le conjoint survivant au fonctionnaire décédé est identique, que le mariage ait été conclu avant ou après la cessation d’activité de ce dernier. Cette nature juridique ne diffère pas selon que les fonctionnaires exerçaient une activité professionnelle ou non et selon le montant des cotisations au régime de pension de l’Union qui ont été payées ou qui seraient encore dues.
Par conséquent, le Tribunal conclut à l’existence d’une différence de traitement de situations comparables en fonction de la date de la conclusion du mariage, dès lors qu’il s’agit de l’unique élément qui détermine l’application des conditions de durées minimales différentes du mariage conformément aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut. Cette différence de traitement entraîne un désavantage pour le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire qui s’est marié avec ce dernier après la cessation d’activité de celui-ci. Il existe également une différence de traitement de situations comparables, fondée indirectement sur l’âge de l’ancien fonctionnaire à la date à laquelle il a contracté mariage.
Enfin, le Tribunal rejette l’argumentation de la Commission selon laquelle la condition de durée minimale du mariage en cause viserait à prévenir les fraudes et à sauvegarder l’équilibre financier du régime de pension de l’Union.
S’agissant de la prévention des fraudes, le Tribunal note qu’il est déraisonnable de considérer que la condition de durée minimale de cinq années de mariage prévue par l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui est cinq fois plus élevée que celle prévue par l’article 18 de l’annexe VIII du statut, qui trouve à s’appliquer lorsque le mariage a été conclu avant la cessation d’activité du fonctionnaire, et qui ne souffre aucune exception permettant d’établir l’absence de fraude, quels que soient les éléments de preuve objectifs apportés, puisse être nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude.
S’agissant de la sauvegarde de l’équilibre financier du régime de pension de l’Union, le Tribunal révèle qu’un objectif relevant de considérations d’ordre budgétaire ne saurait justifier à lui seul une dérogation au principe général de l’égalité de traitement. À cet égard, vu que la condition de la durée minimale du mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut ne peut pas être justifiée par l’objectif de lutte contre la fraude, la différence de traitement instaurée par cette disposition ne saurait être justifiée par la seule sauvegarde de l’équilibre financier du régime de pension de l’Union.
19. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Condition entraînant un désavantage pour les personnes s'étant mariées après le départ à la retraite du fonctionnaire - Violation du principe d'égalité de traitement et du principe de proportionnalité - Justification - Lutte contre la fraude et sauvegarde de l'équilibre financier du régime de pension - Absence
Arrêt du 16 décembre 2020, VW / Commission (T-243/18) (cf. points 51-61, 65-68, 72-76, 80-82, 85-87)
20. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Condition entraînant un désavantage pour les personnes s'étant mariées après le départ à la retraite du fonctionnaire - Différence de traitement fondée indirectement sur l'âge de l'ancien fonctionnaire - Inadmissibilité - Justification - Lutte contre la fraude et protection des intérêts financiers de l'Union - Absence
Arrêt du 16 décembre 2020, BT / Commission (T-315/19) (cf. points 50-63, 66-70, 76-86, 90-92)
21. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Condition entraînant un désavantage pour les personnes s'étant mariées après la mise en invalidité du fonctionnaire - Violation du principe d'égalité de traitement - Justification - Lutte contre la fraude - Absence
Arrêt du 10 mars 2021, FI / Commission (T-694/19) (cf. points 50-59, 62-66, 71-76, 80-83)
22. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Condition entraînant un désavantage pour les personnes s'étant mariées après le départ à la retraite du fonctionnaire - Différence de traitement fondée indirectement sur l'âge de l'ancien fonctionnaire - Inadmissibilité - Justification - Lutte contre la fraude - Absence
Arrêt du 24 mars 2021, KM / Commission (T-374/20) (cf. points 44-54, 58-62, 67-73, 77-81)
23. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, intervenue avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Large pouvoir d'appréciation du législateur de l'Union - Respect du principe de proportionnalité - Contrôle juridictionnel - Limites - Examen par le juge de l'Union du caractère approprié et nécessaire de la différenciation - Inadmissibilité
VW, BT et RN se sont, selon le cas, mariées ou remariées avec des fonctionnaires de l’Union qui n’étaient plus au service d’une institution de l’Union à la date de la conclusion de leur mariage ou de leur remariage. Moins de cinq ans après cette date, les trois époux sont décédés.
Chacune des trois femmes en question a, en sa qualité de conjointe survivante d’un ancien fonctionnaire de l’Union, introduit une demande d’octroi d’une pension de survie.
Ces demandes ont été rejetées par la Commission européenne (ci-après les « décisions litigieuses ») au motif que VW, BT et RN ne remplissaient pas les conditions prévues à l’article 20 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). En vertu de cette disposition, les conjoints survivants ayant épousé un fonctionnaire après la cessation de service de ceux-ci sont exclus du bénéfice de la pension de survie lorsque leur mariage a duré moins de cinq ans. En revanche, conformément à l’article 18 de l’annexe VIII du statut, les conjoints survivants ayant épousé un fonctionnaire avant la cessation de service de celui-ci ont droit à une pension de survie dès lors que leur mariage a duré au moins un an.
Saisi des recours en annulation introduits par VW, BT et RN contre les décisions litigieuses, le Tribunal a conclu que l’article 20 de l’annexe VIII du statut violait le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que, dans l’affaire relative à VW, le principe de proportionnalité et, dans les affaires relatives à BT et à RN, le principe de non-discrimination fondée sur l’âge consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte. Dans ces conditions, il a fait droit aux exceptions d’illégalité soulevées par VW, BT et RN et a annulé chacune des décisions litigieuses.
Sur pourvois formés par la Commission et le Conseil de l’Union européenne, la Cour annule les arrêts du Tribunal et rejette les recours de VW, BT et RN. La Cour relève que, en prévoyant des durées minimales du mariage différentes aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut pour ouvrir le droit à une pension de survie aux conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés, le législateur de l’Union n’a pas exercé de manière arbitraire ou manifestement inadéquate la large marge d’appréciation dont il dispose à cet égard.
Appréciation de la Cour
Tout en confirmant l’analyse du Tribunal selon laquelle les situations couvertes par les articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut sont comparables et eu égard au fait que, en prévoyant des durées minimales du mariage différentes à ces dispositions, le législateur de l’Union a traité de manière différente des situations comparables, la Cour rappelle que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union lors de l’adoption de règles statutaires, le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la Charte, n’est méconnu que lorsque le législateur procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par les dispositions statutaires en cause. Cette jurisprudence est également applicable dans le cadre de la vérification de l’exigence de proportionnalité imposée à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
Il s’ensuit que, en l’occurrence, le Tribunal aurait dû se limiter à vérifier si la différenciation entre les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires en fonction de la date de la conclusion du mariage, opérée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lue en combinaison avec l’article 18 de cette annexe, n’apparaissait pas « arbitraire » ou « manifestement inadéquate » au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par ces dispositions. Or, en ayant vérifié, dans les arrêts attaqués, si cette différenciation n’apparaissait pas « déraisonnable » au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi et en ayant, de surcroît, examiné si la condition de durée minimale de mariage de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, prise isolément et indépendamment de celle d’un an prévue à l’article 18 de cette annexe, était, dans le cadre de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, proportionnée en ce sens qu’elle n’allait pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser cet objectif d’intérêt général, le Tribunal a méconnu l’étendue de son contrôle juridictionnel et, de ce fait, commis une erreur de droit.
Partant, la Cour annule les arrêts attaqués du Tribunal et, après avoir constaté que les litiges étaient en état d’être jugés, statue elle-même définitivement sur ceux-ci.
À cet égard, la Cour relève que, si le législateur de l’Union a traité de manière différente des situations comparables en prévoyant des durées minimales du mariage différentes aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut, cette différence de traitement est néanmoins justifiée au titre de l’article 52, paragraphe 1, de la de la Charte.
Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations ne peuvent être apportées aux droits et libertés reconnus par la Charte que si, premièrement, elles sont prévues par la loi, deuxièmement, elles respectent le contenu essentiel desdits droits et libertés et, troisièmement, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.
En l’espèce, il est constant que la différence de traitement entre les conjoints survivants de fonctionnaires est prévue par la loi, dès lors qu’elle résulte de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lu en combinaison avec l’article 18 de cette annexe. Ces dispositions prévoient des conditions de durée minimale du mariage chiffrées de manière précise, qui définissent la portée de la limitation de l’exercice du droit à l’égalité de traitement.
Selon la Cour, la limitation apportée au régime des pensions de survie par la différence de traitement en cause respecte, en outre, le contenu essentiel du principe d’égalité de traitement. En effet, cette limitation ne remet pas en cause le principe d’égalité de traitement en tant que tel dans la mesure où elle ne porte que sur la question de la condition minimale de durée du mariage à laquelle les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés doivent satisfaire pour pouvoir bénéficier d’une pension de survie, sans que ces conjoints soient privés de la possibilité de bénéficier d’une telle pension dans chacun des cas de figure envisagés aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut.
Ladite limitation répond, de plus, à un objectif d’intérêt général, à savoir celui visant à prévenir les abus de droit et les fraudes. Dans ce cadre, la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré un certain temps pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie vise à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées. Il s’agit d’un critère uniforme et indistinctement applicable à l’ensemble des conjoints survivants couverts par les dispositions des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut qui vise non pas à présumer l’existence d’abus ou de fraudes dans le chef des conjoints survivants, mais à prévenir la commission de tels abus ou fraudes.
S’agissant, enfin, de l’examen de proportionnalité, la Cour juge qu’il n’apparaît ni arbitraire ni manifestement inadéquat d’exiger, à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, une durée minimale du mariage plus longue que celle prévue à l’article 18 de cette annexe. En effet, dans l’hypothèse visée à cet article 20, caractérisée par le fait que le mariage est contracté après la cessation de service du fonctionnaire, l’incitation aux abus ou à la fraude est susceptible d’être favorisée par la plus grande prévisibilité et la plus grande proximité du décès du fonctionnaire dès lors que, comme en l’occurrence, cette cessation intervient par l’effet de la mise à la retraite.
Au regard de ce qui précède, la Cour conclut que, en ce que la différence de traitement instituée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, l’article 20 de l’annexe VIII du statut est conforme au principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la Charte.
Par identité de motifs, la Cour, tout en constatant que ladite différence de traitement constitue également une différence de traitement indirectement fondée sur l’âge, juge que celle-ci est également conforme au principe de non-discrimination fondée sur l’âge consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil / FI (C-313/21 P et C-314/21 P) (cf. points 65-69, 82)
Ordonnance du 22 décembre 2022, Commission / KM (C-341/21 P et C-357/21 P) (cf. points 61-65, 91)
24. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, intervenue avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Limitation du droit à l'égalité de traitement et discrimination indirecte fondée sur l'âge - Justification - Lutte contre la fraude - Admissibilité - Contrôle de proportionnalité
VW, BT et RN se sont, selon le cas, mariées ou remariées avec des fonctionnaires de l’Union qui n’étaient plus au service d’une institution de l’Union à la date de la conclusion de leur mariage ou de leur remariage. Moins de cinq ans après cette date, les trois époux sont décédés.
Chacune des trois femmes en question a, en sa qualité de conjointe survivante d’un ancien fonctionnaire de l’Union, introduit une demande d’octroi d’une pension de survie.
Ces demandes ont été rejetées par la Commission européenne (ci-après les « décisions litigieuses ») au motif que VW, BT et RN ne remplissaient pas les conditions prévues à l’article 20 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). En vertu de cette disposition, les conjoints survivants ayant épousé un fonctionnaire après la cessation de service de ceux-ci sont exclus du bénéfice de la pension de survie lorsque leur mariage a duré moins de cinq ans. En revanche, conformément à l’article 18 de l’annexe VIII du statut, les conjoints survivants ayant épousé un fonctionnaire avant la cessation de service de celui-ci ont droit à une pension de survie dès lors que leur mariage a duré au moins un an.
Saisi des recours en annulation introduits par VW, BT et RN contre les décisions litigieuses, le Tribunal a conclu que l’article 20 de l’annexe VIII du statut violait le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que, dans l’affaire relative à VW, le principe de proportionnalité et, dans les affaires relatives à BT et à RN, le principe de non-discrimination fondée sur l’âge consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte. Dans ces conditions, il a fait droit aux exceptions d’illégalité soulevées par VW, BT et RN et a annulé chacune des décisions litigieuses.
Sur pourvois formés par la Commission et le Conseil de l’Union européenne, la Cour annule les arrêts du Tribunal et rejette les recours de VW, BT et RN. La Cour relève que, en prévoyant des durées minimales du mariage différentes aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut pour ouvrir le droit à une pension de survie aux conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés, le législateur de l’Union n’a pas exercé de manière arbitraire ou manifestement inadéquate la large marge d’appréciation dont il dispose à cet égard.
Appréciation de la Cour
Tout en confirmant l’analyse du Tribunal selon laquelle les situations couvertes par les articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut sont comparables et eu égard au fait que, en prévoyant des durées minimales du mariage différentes à ces dispositions, le législateur de l’Union a traité de manière différente des situations comparables, la Cour rappelle que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union lors de l’adoption de règles statutaires, le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la Charte, n’est méconnu que lorsque le législateur procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par les dispositions statutaires en cause. Cette jurisprudence est également applicable dans le cadre de la vérification de l’exigence de proportionnalité imposée à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
Il s’ensuit que, en l’occurrence, le Tribunal aurait dû se limiter à vérifier si la différenciation entre les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires en fonction de la date de la conclusion du mariage, opérée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lue en combinaison avec l’article 18 de cette annexe, n’apparaissait pas « arbitraire » ou « manifestement inadéquate » au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par ces dispositions. Or, en ayant vérifié, dans les arrêts attaqués, si cette différenciation n’apparaissait pas « déraisonnable » au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi et en ayant, de surcroît, examiné si la condition de durée minimale de mariage de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, prise isolément et indépendamment de celle d’un an prévue à l’article 18 de cette annexe, était, dans le cadre de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, proportionnée en ce sens qu’elle n’allait pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser cet objectif d’intérêt général, le Tribunal a méconnu l’étendue de son contrôle juridictionnel et, de ce fait, commis une erreur de droit.
Partant, la Cour annule les arrêts attaqués du Tribunal et, après avoir constaté que les litiges étaient en état d’être jugés, statue elle-même définitivement sur ceux-ci.
À cet égard, la Cour relève que, si le législateur de l’Union a traité de manière différente des situations comparables en prévoyant des durées minimales du mariage différentes aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut, cette différence de traitement est néanmoins justifiée au titre de l’article 52, paragraphe 1, de la de la Charte.
Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations ne peuvent être apportées aux droits et libertés reconnus par la Charte que si, premièrement, elles sont prévues par la loi, deuxièmement, elles respectent le contenu essentiel desdits droits et libertés et, troisièmement, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.
En l’espèce, il est constant que la différence de traitement entre les conjoints survivants de fonctionnaires est prévue par la loi, dès lors qu’elle résulte de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lu en combinaison avec l’article 18 de cette annexe. Ces dispositions prévoient des conditions de durée minimale du mariage chiffrées de manière précise, qui définissent la portée de la limitation de l’exercice du droit à l’égalité de traitement.
Selon la Cour, la limitation apportée au régime des pensions de survie par la différence de traitement en cause respecte, en outre, le contenu essentiel du principe d’égalité de traitement. En effet, cette limitation ne remet pas en cause le principe d’égalité de traitement en tant que tel dans la mesure où elle ne porte que sur la question de la condition minimale de durée du mariage à laquelle les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés doivent satisfaire pour pouvoir bénéficier d’une pension de survie, sans que ces conjoints soient privés de la possibilité de bénéficier d’une telle pension dans chacun des cas de figure envisagés aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut.
Ladite limitation répond, de plus, à un objectif d’intérêt général, à savoir celui visant à prévenir les abus de droit et les fraudes. Dans ce cadre, la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré un certain temps pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie vise à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées. Il s’agit d’un critère uniforme et indistinctement applicable à l’ensemble des conjoints survivants couverts par les dispositions des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut qui vise non pas à présumer l’existence d’abus ou de fraudes dans le chef des conjoints survivants, mais à prévenir la commission de tels abus ou fraudes.
S’agissant, enfin, de l’examen de proportionnalité, la Cour juge qu’il n’apparaît ni arbitraire ni manifestement inadéquat d’exiger, à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, une durée minimale du mariage plus longue que celle prévue à l’article 18 de cette annexe. En effet, dans l’hypothèse visée à cet article 20, caractérisée par le fait que le mariage est contracté après la cessation de service du fonctionnaire, l’incitation aux abus ou à la fraude est susceptible d’être favorisée par la plus grande prévisibilité et la plus grande proximité du décès du fonctionnaire dès lors que, comme en l’occurrence, cette cessation intervient par l’effet de la mise à la retraite.
Au regard de ce qui précède, la Cour conclut que, en ce que la différence de traitement instituée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, l’article 20 de l’annexe VIII du statut est conforme au principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la Charte.
Par identité de motifs, la Cour, tout en constatant que ladite différence de traitement constitue également une différence de traitement indirectement fondée sur l’âge, juge que celle-ci est également conforme au principe de non-discrimination fondée sur l’âge consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 22 décembre 2022, Commission / KM (C-341/21 P et C-357/21 P) (cf. points 93-106)
Arrêt du 13 décembre 2023, Van Oosterwijck / Commission (T-622/22) (cf. points 26-33)
25. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Application différenciée selon la date de conclusion du mariage, intervenue avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Caractère comparable des deux situations au regard de l'objet et du but des pensions de survie ainsi que de la condition commune du lien juridique entre les conjoints
VW, BT et RN se sont, selon le cas, mariées ou remariées avec des fonctionnaires de l’Union qui n’étaient plus au service d’une institution de l’Union à la date de la conclusion de leur mariage ou de leur remariage. Moins de cinq ans après cette date, les trois époux sont décédés.
Chacune des trois femmes en question a, en sa qualité de conjointe survivante d’un ancien fonctionnaire de l’Union, introduit une demande d’octroi d’une pension de survie.
Ces demandes ont été rejetées par la Commission européenne (ci-après les « décisions litigieuses ») au motif que VW, BT et RN ne remplissaient pas les conditions prévues à l’article 20 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). En vertu de cette disposition, les conjoints survivants ayant épousé un fonctionnaire après la cessation de service de ceux-ci sont exclus du bénéfice de la pension de survie lorsque leur mariage a duré moins de cinq ans. En revanche, conformément à l’article 18 de l’annexe VIII du statut, les conjoints survivants ayant épousé un fonctionnaire avant la cessation de service de celui-ci ont droit à une pension de survie dès lors que leur mariage a duré au moins un an.
Saisi des recours en annulation introduits par VW, BT et RN contre les décisions litigieuses, le Tribunal a conclu que l’article 20 de l’annexe VIII du statut violait le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que, dans l’affaire relative à VW, le principe de proportionnalité et, dans les affaires relatives à BT et à RN, le principe de non-discrimination fondée sur l’âge consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte. Dans ces conditions, il a fait droit aux exceptions d’illégalité soulevées par VW, BT et RN et a annulé chacune des décisions litigieuses.
Sur pourvois formés par la Commission et le Conseil de l’Union européenne, la Cour annule les arrêts du Tribunal et rejette les recours de VW, BT et RN. La Cour relève que, en prévoyant des durées minimales du mariage différentes aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut pour ouvrir le droit à une pension de survie aux conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés, le législateur de l’Union n’a pas exercé de manière arbitraire ou manifestement inadéquate la large marge d’appréciation dont il dispose à cet égard.
Appréciation de la Cour
Tout en confirmant l’analyse du Tribunal selon laquelle les situations couvertes par les articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut sont comparables et eu égard au fait que, en prévoyant des durées minimales du mariage différentes à ces dispositions, le législateur de l’Union a traité de manière différente des situations comparables, la Cour rappelle que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union lors de l’adoption de règles statutaires, le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la Charte, n’est méconnu que lorsque le législateur procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par les dispositions statutaires en cause. Cette jurisprudence est également applicable dans le cadre de la vérification de l’exigence de proportionnalité imposée à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
Il s’ensuit que, en l’occurrence, le Tribunal aurait dû se limiter à vérifier si la différenciation entre les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires en fonction de la date de la conclusion du mariage, opérée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lue en combinaison avec l’article 18 de cette annexe, n’apparaissait pas « arbitraire » ou « manifestement inadéquate » au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par ces dispositions. Or, en ayant vérifié, dans les arrêts attaqués, si cette différenciation n’apparaissait pas « déraisonnable » au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi et en ayant, de surcroît, examiné si la condition de durée minimale de mariage de cinq ans prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, prise isolément et indépendamment de celle d’un an prévue à l’article 18 de cette annexe, était, dans le cadre de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, proportionnée en ce sens qu’elle n’allait pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser cet objectif d’intérêt général, le Tribunal a méconnu l’étendue de son contrôle juridictionnel et, de ce fait, commis une erreur de droit.
Partant, la Cour annule les arrêts attaqués du Tribunal et, après avoir constaté que les litiges étaient en état d’être jugés, statue elle-même définitivement sur ceux-ci.
À cet égard, la Cour relève que, si le législateur de l’Union a traité de manière différente des situations comparables en prévoyant des durées minimales du mariage différentes aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut, cette différence de traitement est néanmoins justifiée au titre de l’article 52, paragraphe 1, de la de la Charte.
Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations ne peuvent être apportées aux droits et libertés reconnus par la Charte que si, premièrement, elles sont prévues par la loi, deuxièmement, elles respectent le contenu essentiel desdits droits et libertés et, troisièmement, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.
En l’espèce, il est constant que la différence de traitement entre les conjoints survivants de fonctionnaires est prévue par la loi, dès lors qu’elle résulte de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lu en combinaison avec l’article 18 de cette annexe. Ces dispositions prévoient des conditions de durée minimale du mariage chiffrées de manière précise, qui définissent la portée de la limitation de l’exercice du droit à l’égalité de traitement.
Selon la Cour, la limitation apportée au régime des pensions de survie par la différence de traitement en cause respecte, en outre, le contenu essentiel du principe d’égalité de traitement. En effet, cette limitation ne remet pas en cause le principe d’égalité de traitement en tant que tel dans la mesure où elle ne porte que sur la question de la condition minimale de durée du mariage à laquelle les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés doivent satisfaire pour pouvoir bénéficier d’une pension de survie, sans que ces conjoints soient privés de la possibilité de bénéficier d’une telle pension dans chacun des cas de figure envisagés aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut.
Ladite limitation répond, de plus, à un objectif d’intérêt général, à savoir celui visant à prévenir les abus de droit et les fraudes. Dans ce cadre, la condition selon laquelle le mariage doit avoir duré un certain temps pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie vise à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées. Il s’agit d’un critère uniforme et indistinctement applicable à l’ensemble des conjoints survivants couverts par les dispositions des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut qui vise non pas à présumer l’existence d’abus ou de fraudes dans le chef des conjoints survivants, mais à prévenir la commission de tels abus ou fraudes.
S’agissant, enfin, de l’examen de proportionnalité, la Cour juge qu’il n’apparaît ni arbitraire ni manifestement inadéquat d’exiger, à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, une durée minimale du mariage plus longue que celle prévue à l’article 18 de cette annexe. En effet, dans l’hypothèse visée à cet article 20, caractérisée par le fait que le mariage est contracté après la cessation de service du fonctionnaire, l’incitation aux abus ou à la fraude est susceptible d’être favorisée par la plus grande prévisibilité et la plus grande proximité du décès du fonctionnaire dès lors que, comme en l’occurrence, cette cessation intervient par l’effet de la mise à la retraite.
Au regard de ce qui précède, la Cour conclut que, en ce que la différence de traitement instituée à l’article 20 de l’annexe VIII du statut répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, l’article 20 de l’annexe VIII du statut est conforme au principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la Charte.
Par identité de motifs, la Cour, tout en constatant que ladite différence de traitement constitue également une différence de traitement indirectement fondée sur l’âge, juge que celle-ci est également conforme au principe de non-discrimination fondée sur l’âge consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil / FI (C-313/21 P et C-314/21 P) (cf. points 45-47, 49-55)
Ordonnance du 22 décembre 2022, Commission / KM (C-341/21 P et C-357/21 P) (cf. points 41-43, 45-51)
Arrêt du 13 décembre 2023, Van Oosterwijck / Commission (T-622/22) (cf. points 18-20)
26. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, intervenue avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Discrimination fondée sur le handicap en cas d'un fonctionnaire ayant été admis au bénéfice d'une allocation d'invalidité - Absence
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil / FI (C-313/21 P et C-314/21 P) (cf. points 112-115)
27. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Pension d'orphelin - Bénéficiaire - Enfant à charge - Notion - Condition - Nécessité de reconnaissance, par l'administration, de la qualité d'enfant à charge avant le décès du fonctionnaire - Absence
A, fils majeur de B, ancien fonctionnaire du Parlement européen, est atteint d’un handicap. À la suite du décès de B, la requérante, mère de A, a adressé au Parlement une demande visant à obtenir une pension d’orphelin pour son fils.
Cette demande a été rejetée par le Parlement par voie de décision (ci-après la « décision litigieuse ») au motif que, au moment de son décès, B n’avait pas d’enfant reconnu à sa charge par cette institution. Le Parlement s’est référé à l’article 80 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et a estimé qu’un enfant ne pouvait pas être reconnu comme étant un enfant à charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII du statut, ni bénéficier à ce titre d’une pension d’orphelin, sans qu’une demande à cet effet ait été présentée à l’administration par le fonctionnaire intéressé et sans que celle-ci ait vérifié le respect des conditions qui y étaient afférentes.
Saisi par la requérante, le Tribunal annule la décision litigieuse et aborde, pour la première fois globalement, les conditions de fond et de procédure nécessaires afin de bénéficier d’une pension d’orphelin en vertu de l’article 80 du statut.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal commence par constater que les différentes versions linguistiques de l’article 80, premier alinéa, du statut présentent des divergences. En effet, tandis que certaines d'entre elles, dont la version française, utilisent la formulation « enfants reconnus à […] charge », les autres versions linguistiques n’utilisent pas le terme « reconnus ». Partant, le Tribunal procède à l’interprétation de cet article en tenant compte à la fois de la finalité de cette disposition et du contexte dans lequel elle s’insère.
S’agissant de la définition des bénéficiaires d’une pension d’orphelin, à savoir les enfants à la charge du fonctionnaire défunt, l’article 80, premier alinéa, du statut renvoie à l’article 2 de l’annexe VII du statut dans son ensemble. L’enfant à charge, au sens du paragraphe 2, de ce dernier article, qu’il s’agisse de l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, ouvre droit au versement de l’allocation pour enfant à charge dans la mesure où il est effectivement entretenu par le fonctionnaire et remplit, en outre, l’une des conditions énumérées aux paragraphes 3 et 5 dudit article. Il doit, ainsi, soit être âgé de moins de 18 ans, soit être âgé de 18 à 26 ans et recevoir une formation scolaire ou professionnelle, soit être atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité l’empêchant de subvenir à ses besoins. Dans chacun de ces trois cas, le statut n’attribue à l’administration aucun pouvoir discrétionnaire pour octroyer ou non le bénéfice de la pension d’orphelin en cause, mais lui confère une compétence liée, en ce sens que celle-ci est tenue d’octroyer cette pension dès lors qu’elle constate que les conditions sont remplies et de ne pas l’octroyer dans le cas contraire.
Ainsi, le droit à une pension d’orphelin dans un cas tel que celui du fils de la requérante est subordonné à la satisfaction de trois conditions. Les deux premières conditions sont d’ordre matériel, en ce sens que l’enfant concerné doit être atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité l’empêchant de subvenir à ses besoins et avoir été effectivement entretenu par le fonctionnaire défunt. La troisième condition est d’ordre temporel, en ce sens que ledit enfant doit avoir été à la charge du fonctionnaire défunt au moment du décès de ce dernier.
Certes, l’allocation pour enfant à charge est octroyée d’office dans le cas d’un enfant âgé de moins de 18 ans, mais, dans les autres cas, elle est octroyée sur demande du fonctionnaire intéressé. Toutefois, cette demande a pour seule fonction de permettre à l’administration de vérifier si les conditions matérielles et temporelles visées ci-dessus sont remplies et d’octroyer, si tel est le cas, une allocation d’enfant à charge. L’exigence selon laquelle la reconnaissance par l’administration aurait dû intervenir avant le décès, qui n’est pas imposée par l’article 80 du statut, lu conjointement avec l’article 2 de l’annexe VII, constitue une condition supplémentaire qui ne saurait être suivie à cet effet.
Seule une application combinée de ces dispositions, laquelle tient compte de l’économie générale de la réglementation concernant la pension d’orphelin ainsi que de la situation particulière dans laquelle se trouve la personne concernée, à savoir l’enfant atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité, est conforme à l’objectif social poursuivi par le versement d’une pension d’orphelin en faveur d’un tel enfant, qui est empêché de subvenir à ses besoins.
Partant, l’expression « au moment du décès » utilisée à l’article 80, premier alinéa, du statut doit être comprise comme se rapportant à la date à laquelle il convient de se placer pour apprécier si l’enfant du fonctionnaire défunt remplit les conditions de l’article 2 de l’annexe VII du statut, et non à la date à laquelle une décision à cet égard doit avoir été prise par l’administration. Cela signifie que, pour autant que les conditions matérielles d’enfant à charge étaient remplies avant le décès du fonctionnaire, il n’est pas nécessaire que les démarches administratives afin de bénéficier d’une allocation d’enfant à charge soient accomplies avant le décès.
Arrêt du 7 juin 2023, OP / Parlement (T-143/22) (cf. points 86-100)
28. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Différence de traitement des conjoints survivants en fonction de la date du mariage, intervenue avant ou après la cessation d'activité du fonctionnaire défunt - Large pouvoir d'appréciation du législateur de l'Union - Respect du principe de proportionnalité
Arrêt du 13 décembre 2023, Van Oosterwijck / Commission (T-622/22) (cf. points 21-23)
29. Fonctionnaires - Pensions - Pension de survie - Conditions d'octroi - Durée minimale du mariage - Objet - Réalité et stabilité du mariage - Appréciation au regard du droit national - Exclusion - Nécessité pour l'administration de réaliser une analyse in concreto du caractère réel et stable de la relation - Absence
Arrêt du 13 décembre 2023, Van Oosterwijck / Commission (T-622/22) (cf. points 36-41)