1. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation adéquate du préjudice moral

L'annulation d'un acte de l'administration attaqué par un fonctionnaire peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que le fonctionnaire ou l'agent peut avoir subi, sauf lorsque l'acte illégal de l'administration comporte une appréciation des aptitudes ou du comportement du fonctionnaire susceptible de le blesser.

Arrêt du 23 février 2010, Faria / OHMI (F-7/09) (cf. point 64)

L'annulation d'un acte entaché d'illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l'illégalité fondant l'annulation et insusceptible d'être intégralement réparé par cette annulation.

À cet égard, le constat d’une invalidité permanente considérée comme totale et mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière, au titre de l’article 78 du statut, repose sur des considérations d’ordre purement médical exprimées par des experts médicaux au cours de la procédure d’invalidité. Ce constat présente la description objective et neutre de l’état de santé de l’intéressé, lequel est notamment, aux yeux de tous, totalement indépendant de sa volonté ou de ses intentions. Une telle description ne comporte donc en elle-même, sauf circonstances particulières, aucune appréciation négative de l’intéressé.

Ainsi, un tel constat dans la décision attaquée ne comporte pas une appréciation négative des capacités d'un fonctionnaire, de sorte que l’annulation de cette décision constitue en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par cet acte.

Arrêt du 8 juin 2011, Commission / Marcuccio (T-20/09 P) (cf. points 73, 75-76)

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Arrêt du 14 juillet 2011, Petrilli / Commission (F-98/07) (cf. point 28)

Arrêt du 29 septembre 2011, Bowles e.a. / BCE (F-114/10) (cf. point 81)

Voir le texte de la décision

Arrêt du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a. / SEAE (T-119/17) (cf. point 50)



Arrêt du 19 juillet 2017, DD / FRA (T-742/15 P) (cf. points 72, 83)

Arrêt du 17 novembre 2017, Teeäär / BCE (T-555/16) (cf. point 60)

Arrêt du 13 décembre 2018, De Loecker / SEAE (T-537/17) (cf. points 70-72)

Arrêt du 30 janvier 2020, BZ / Commission (T-336/19) (cf. points 54-56)



Arrêt du 26 octobre 2022, KD / EUIPO (T-298/20) (cf. points 152, 153)

2. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral

La règle selon laquelle l'annulation d'un acte de l'administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral subi admet certaines exceptions. Ainsi, l'annulation d'un acte illégal de l'administration ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral subi si cet acte comporte une appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, si l'illégalité commise est d'une gravité particulière ou si l'annulation de l'acte est privée de tout effet utile.

Arrêt du 9 mars 2010, N / Parlement (F-26/09) (cf. points 101-103, 105, 107)

3. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Préjudice moral détachable de l'illégalité non susceptible d'être intégralement réparé par l'annulation

L'annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli / BCE (F-96/08) (cf. point 75)

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité, laquelle opère ab initio, peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation. Il doit en aller de même de la constatation par le juge de l’Union de l’illégalité d’un acte administratif, lorsque le requérant n’a pas formellement conclu à l’annulation dudit acte pour se limiter à des prétentions indemnitaires.

Arrêt du 19 juin 2013, BY / AESA (F-8/12) (cf. point 52)

En matière de responsabilité non contractuelle, si l'annulation d'un acte entaché d'illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, tel ne serait être le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l'illégalité fondant l'annulation non susceptible d'être intégralement réparé par cette annulation.

À cet égard, en l’absence d’annulation de l’ensemble des résultats d'un concours général, l’administration est dans l’impossibilité de recréer les conditions dans lesquelles celui-ci aurait dû être organisé pour que soient garanties l’égalité de traitement entre tous les candidats et l’objectivité de la notation. Partant, l’organisation d’une nouvelle épreuve orale individuelle n’est pas nécessairement susceptible, en elle-même, de réparer le préjudice moral certain que subirait la partie requérante du fait de ne pas avoir eu la possibilité de passer l’épreuve orale initiale dans des conditions statutaires régulières.

Arrêt du 19 mai 2015, Brune / Commission (F-59/14) (cf. points 80-82)

Si l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, tel ne saurait être le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Tel est le cas lorsque, compte tenu des absences d’un fonctionnaire ou agent pour raison médicale et de la connaissance certaine par son institution d’une fragilité psychologique de l’intéressé, la communication abrupte de la décision de licenciement, qui n’a pas été précédée d’un dialogue écrit et/ou oral avec l’intéressé, et ce en méconnaissance flagrante de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, peut créer un préjudice moral détachable de l’illégalité intrinsèque de la décision attaquée.

Arrêt du 5 février 2016, GV / SEAE (F-137/14) (cf. points 96, 97)

L'annulation d'un acte entaché d'illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l'illégalité fondant l'annulation et insusceptible d'être intégralement réparé par cette annulation.

Arrêt du 13 juillet 2018, Curto / Parlement (T-275/17) (cf. point 114)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 décembre 2018, CH / Parlement (T-83/18) (cf. point 114)



Arrêt du 13 décembre 2017, CJ / ECDC (T-703/16 RENV) (cf. points 60-63)

Arrêt du 13 décembre 2018, CN / Parlement (T-76/18) (cf. point 97)

Arrêt du 5 juin 2019, Siragusa / Conseil (T-616/17 RENV) (cf. points 79, 82, 83)

4. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice moral causé par une atteinte à l'honneur du fonctionnaire, à sa dignité, à son estime de soi ou à sa réputation

Les appréciations explicitement négatives des capacités professionnelles ou les accusations graves formulées publiquement à l'encontre d'un fonctionnaire, dans un acte lui faisant grief ou dans le cadre d'une procédure aboutissant à un tel acte, sont susceptibles d'engendrer, pour ledit fonctionnaire, un préjudice moral distinct de cet acte lorsqu'elles portent atteinte à son honneur, à sa dignité, à son estime de soi ou à sa réputation.

Arrêt du 9 décembre 2010, Commission / Strack (T-526/08 P) (cf. point 108)

5. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation en principe adéquate et complète du préjudice moral

Eu égard à l’obligation pour l’autorité investie du pouvoir de nomination d’adopter les mesures d’exécution d'un arrêt, qui découle de l’article 233, premier alinéa, CE, l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire apparaît, en elle-même, comme une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que ce fonctionnaire peut avoir subi, à moins que celui-ci ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et non susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Arrêt du 9 décembre 2010, Commission / Strack (T-526/08 P) (cf. points 58, 99)

6. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Défaut de fixation d'objectifs aux fins de l'évaluation d'un fonctionnaire

L’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que ce dernier peut avoir subi.

Cependant, tel n’est pas le cas s’agissant d’une illégalité tenant à l’absence de fixation formelle d’objectifs aux fins de l’évaluation d’un fonctionnaire, laquelle ne peut pas être aisément corrigée. En effet, dans le cadre de l’exécution de la chose jugée, il est impossible d’assigner rétroactivement des objectifs à un fonctionnaire et difficile de garantir que les prestations de l’intéressé pourront être évaluées comme elles l’auraient été en présence d’objectifs fixés ab initio. Ainsi, et quel que soit le niveau de performance déterminé par le nouveau rapport d’évaluation que l’institution devra établir, il subsistera un doute quant aux performances dont le fonctionnaire aurait pu faire la démonstration si des objectifs avaient été fixés initialement. Or, ce doute est constitutif d’un préjudice.

Arrêt du 12 mai 2011, AQ / Commission (F-66/10) (cf. points 103, 110)

7. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Licenciement illégal d'un agent dans des circonstances particulières

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. À cet égard, si, tout licenciement est, par nature, susceptible de provoquer chez la personne licenciée des sentiments de rejet, de frustration et d’incertitude pour l’avenir, ce n’est qu’en présence de circonstances particulières qu’il peut être constaté que le comportement illégal d’un employeur a affecté moralement l’agent au-delà de ce qu’une personne licenciée ressent habituellement et que celle-ci a droit à obtenir le versement d’une indemnité pour préjudice moral.

Arrêt du 26 mai 2011, Kalmár / Europol (F-83/09) (cf. point 81)

8. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Octroi d'une réparation pécuniaire

Le préjudice moral subi par un fonctionnaire en raison d’une faute de service de nature à engager la responsabilité de l’administration ouvre droit à l’allocation d’une indemnité lorsque l’annulation de l’acte illégal attaqué ne saurait constituer en elle-même une réparation adéquate de ce préjudice.

Tel est le cas lorsqu'une institution, en refusant illégalement d’examiner la candidature d'un fonctionnaire pour un emploi déclaré vacant, alors que l’intéressé avait occupé ce type de fonctions pendant plusieurs années, lui cause un préjudice moral qui n’est pas suffisamment réparé par la seule annulation de l’acte illégal, l’intéressé n’étant plus susceptible, compte tenu de son invalidité, de bénéficier d’une quelconque mesure d’exécution que devrait adopter ladite institution.

Arrêt du 28 juin 2011, AS / Commission (F-55/10) (cf. points 79-80)

Selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Il est constant que le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus constitue un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis des illégalités. Ces préjudices sont réparables lorsque ceux-ci ne sont pas compensés par la satisfaction résultant de l’annulation des décisions attaquées.

Arrêt du 12 décembre 2013, CH / Parlement (F-129/12) (cf. points 64, 65)

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que le requérant ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Dans les cas où la gravité de la décision, la nature de l’illégalité commise, à savoir la violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et des circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise engendrent un état grave d’incertitude et d’inquiétude, l’annulation de la décision est insusceptible de constituer en elle-même une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral causé.

Arrêt du 2 juillet 2014, Psarras / ENISA (F-63/13) (cf. points 54, 55)

Si l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, tel ne saurait être le cas lorsque le requérant démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Il est constant que le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus peut, dans certaines circonstances, constituer un préjudice pouvant découler du seul fait que l’administration a commis une illégalité.

Arrêt du 12 mai 2016, FS / CESE (F-102/15) (cf. points 58, 59)



Arrêt du 16 décembre 2020, VP / Cedefop (T-187/18) (cf. points 205, 206)

9. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation adéquate du préjudice moral - Limites

L’annulation d'un acte illégal de l'administration peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante du préjudice moral que le fonctionnaire peut avoir subi.

Toutefois, l’annulation d'un tel acte ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral si cet acte comporte une appréciation des capacités ou du comportement de l’intéressé susceptible de le blesser, lorsqu'elle est privée de tout effet utile, ou lorsque l'illégalité commise est d'une gravité particulière. Ainsi, la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, présente un degré particulier de gravité justifiant l’octroi d’une indemnité au titre du préjudice moral.

Arrêt du 5 juillet 2011, V / Parlement (F-46/09) (cf. points 167, 169, 171-173)

L’annulation d'un acte illégal de l'administration peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante du préjudice moral que le fonctionnaire peut avoir subi.

Toutefois, l’annulation d'un tel acte ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral si cet acte comporte une appréciation des capacités ou du comportement de l’intéressé susceptible de le blesser, lorsqu'elle est privée de tout effet utile, ou lorsque l'illégalité commise est d'une gravité particulière.

Arrêt du 8 février 2012, AY / Conseil (F-23/11) (cf. points 41-42)

L’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire apparaît, en elle-même, comme une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que ce fonctionnaire peut avoir subi, à moins que celui-ci ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’irrégularité fondant l’annulation et non susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation. Tel est le cas, premièrement, lorsque l’acte annulé comporte une appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, deuxièmement, lorsque l’irrégularité commise est d’une gravité particulière et, troisièmement, lorsque l’annulation est privée de tout effet utile, ne pouvant ainsi constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par l’acte attaqué.

Arrêt du 23 octobre 2012, Strack / Commission (F-44/05 RENV) (cf. point 128)

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité constitue en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Arrêt du 29 avril 2015, CJ / ECDC (F-159/12 et F-161/12) (cf. point 234)

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé.

Toutefois, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité ne peut constituer en elle-même une réparation adéquate lorsque, d’une part, l’acte attaqué comporte une appréciation explicitement négative des capacités de la partie requérante susceptible de la blesser et, d’autre part, la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

Arrêt du 14 décembre 2017, PB / Commission (T-609/16) (cf. points 91, 92)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 8 novembre 2018, QB / BCE (T-827/16) (cf. points 119, 120)

Dans l’arrêt L/Parlement (T-59/17), prononcé le 7 mars 2019, le Tribunal a annulé une décision du Parlement portant résiliation d’un contrat d’assistant parlementaire accrédité (ci-après « APA ») par un député européen pour rupture du lien de confiance en raison de l’exercice par le premier d’une activité extérieure sans introduire une demande préalable d’autorisation. À cet égard, le Tribunal a été amené à se prononcer sur le point de savoir dans quelle mesure la « confiance » visée par l’article 139, paragraphe 1, sous d), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), à la base de la relation de travail entre l’assistant parlementaire et le député européen, avait pu être rompue, au sens dudit article, en raison de l’exercice d’activités extérieures non déclarées, lorsqu’il ressort des pièces du dossier que ledit député était à l’origine desdites activités.

Le Tribunal a dit pour droit que, d’une part, s’il n’incombe pas à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement du Parlement (ci-après l’« AHCC ») de substituer son appréciation à celle du parlementaire concerné quant à la réalité de la rupture du lien de confiance, l’AHCC doit néanmoins s’assurer que le motif avancé repose sur des faits de nature à le justifier de façon plausible et, d’autre part, si une institution qui décide la résiliation d’un contrat d’APA se réfère, en particulier, à une perte de confiance à l’origine de la décision de résiliation, le juge est tenu de vérifier si ce motif est plausible.

Le Tribunal a estimé, en l’espèce, que le député européen en cause ne pouvait pas ignorer que le requérant exerçait une profession juridique en parallèle de ses fonctions d’APA, étant donné que, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier, l’exercice d’une telle profession faisait suite à des instructions de sa part et que le député européen savait qu’une telle activité n’avait pas été déclarée conformément à l’article 12 ter, paragraphe 1, du statut, dans la mesure où ledit député n’avait pas été entendu par l’AHCC au sujet des activités extérieures en cause, comme le prévoit l’article 6, paragraphe 2, des mesures d’application du titre VII du RAA. Le Tribunal relève, par ailleurs, que le député européen ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les activités extérieures en cause, compte tenu de leur nature, fassent l’objet d’une demande d’autorisation formelle au Parlement. Il s’agissait en effet, notamment, de l’introduction de demandes d’asile en Russie et en Suisse pour permettre au député européen d’échapper à une peine de prison, de la représentation en justice du député aux mêmes fins, et du montage de litiges ad hoc en matière de droits de l’homme, pour promouvoir l’image dudit député, afin de rendre plus difficile son incarcération à la suite d’une procédure pénale engagée à son encontre. Le Tribunal en a conclu que le motif fourni par le député européen pour justifier la décision de résiliation, à savoir, la perte de confiance, n’apparaissait pas plausible et que, partant, en donnant suite à la demande de résiliation formulée par le député européen, l’AHCC avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

Arrêt du 7 mars 2019, L / Parlement (T-59/17) (cf. points 58, 59)



Arrêt du 16 mai 2017, CW / Parlement (T-742/16 RENV) (cf. point 64)

Arrêt du 13 décembre 2018, CX / Commission (T-743/16 RENV) (cf. points 204, 205)

Arrêt du 15 janvier 2019, HJ / EMA (T-881/16) (cf. point 60)



Arrêt du 14 juillet 2021, AQ / eu-LISA (T-164/19) (cf. point 130)

10. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Décision de réaffectation adoptée contre la volonté de l'intéressé

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation. Aux fins de l’évaluation d’un éventuel préjudice moral, il y a lieu de tenir compte des circonstances aggravantes caractérisant la situation spécifique du fonctionnaire concerné.

S'agissant d'une décision de réaffectation adoptée contre la volonté du fonctionnaire concerné, celle-ci a normalement pour effet que la carrière de ce fonctionnaire n’évolue pas dans les conditions qu’il aurait souhaitées, ce qui, lorsque cette décision s’avère illégale, peut constituer un dommage moral qui n’est pas adéquatement réparé par l’annulation d’une telle décision, celle-ci ne pouvant l’effacer rétroactivement.

Arrêt du 14 septembre 2011, Marcuccio / Commission (T-236/02) (cf. points 234, 237)

11. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice lié à la situation d'incertitude et d'inquiétude du requérant en raison de la décision de classer sans suite sa plainte pour harcèlement moral

L’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation. Le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure contentieuse afin de voir ses droits reconnus est susceptible de constituer un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis des illégalités. Ces préjudices sont réparables lorsqu’ils ne sont pas compensés par la satisfaction résultant de l’annulation de l’acte en cause.

S’agissant de l’annulation d’une décision de classer sans suite administrative une plainte du requérant pour harcèlement moral, ladite décision a mis ce dernier dans un état d’incertitude et d’inquiétude qui constitue un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant son annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par la seule annulation de ladite décision.

Arrêt du 10 juillet 2014, CG / BEI (F-103/11) (cf. points 99, 100)

12. Fonctionnaires - Responsabilité non contractuelle des institutions - Préjudice moral - Réparation adéquate par l'annulation d'un acte illégal - Obligation de motivation du Tribunal de la fonction publique

Dès lors que le Tribunal de la fonction publique se borne à la référence à une illégalité non précisée ainsi qu'au sentiment d’injustice et aux tourments prétendument vécus par l’intéressé, sans expliquer notamment les raisons pour lesquelles le préjudice moral en découlant n’aurait pas pu être réparé par l’annulation d’un acte, ledit Tribunal viole l’obligation de motivation.

Arrêt du 29 avril 2015, CC / Parlement (T-457/13 P) (cf. points 51, 52)

13. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice matériel - Réparation d'une perte de chance d'être recruté - Critères

En matière de responsabilité non contractuelle de l’Union, lorsque le préjudice allégué est matériel, l’annulation de la décision attaquée ne constitue pas, en elle-même, une réparation adéquate ni suffisante du préjudice subi. Cependant, pour qu’un tel préjudice matériel puisse être revendiqué, encore faut-il que la partie requérante prouve que ce préjudice ait été réel et certain.

Or, lorsque le préjudice allégué tient à une perte de chance d'être lauréat d'un concours et, subséquemment, de celle d'être nommé fonctionnaire de l'Union sur la base de ce concours, la chance perdue doit être certaine et irrémédiable.

En outre, le fait de figurer sur une liste de réserve ou dans un groupe de mérite particulier de cette liste ne confère pas un droit acquis à être nommé fonctionnaire. En effet, la décision du jury arrêtant la liste de réserve ne confère pas aux lauréats du concours un droit à nomination, mais uniquement une vocation à être nommé. Par ailleurs, la vocation à être recruté ne se transforme en chance d’être recruté qu’à compter de la date à laquelle un emploi, pour lequel il est raisonnable de penser que le lauréat peut être recruté, est à pourvoir.

Arrêt du 19 mai 2015, Brune / Commission (F-59/14) (cf. points 76-78)



Arrêt du 29 novembre 2018, Di Bernardo / Commission (T-811/16) (cf. point 61)

14. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Rapport d'évaluation d'un agent ayant cessé son activité entaché d'irrégularités

Lorsque les conclusions indemnitaires trouvent leur fondement dans l’illégalité de l’acte annulé, l’annulation prononcée par le Tribunal constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que la partie requérante pourrait avoir subi.

Toutefois, l’annulation d’un acte, lorsqu’elle est privée de tout effet utile, ne peut constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par l’acte annulé. Tel est le cas lorsque, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt en annulation d'un rapport d'évaluation, il est impossible, de manière rétroactive, d’assigner des objectifs à un agent ayant cessé son activité ainsi que d’organiser un dialogue formel sur de tels objectifs. En outre, ses performances ne peuvent pas faire l'objet d'une nouvelle évaluation dans le cadre d’un nouveau rapport d’évaluation en tenant compte d’objectifs fixés ab initio. Ainsi, il subsistera un doute quant aux performances dont l'intéressé aurait pu faire la démonstration si des objectifs avaient été fixés initialement. Or, ce doute est constitutif d’un préjudice.

Par conséquent, l’annulation du rapport d’évaluation ne saurait, en tant que telle, constituer une réparation adéquate et suffisante.

Arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström / Frontex (T-653/13 P) (cf. points 82-85)

15. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Absence de motivation de l'acte attaqué - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Sentiments d'injustice, d'incompréhension et de frustration - Octroi d'une réparation pécuniaire

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 26 octobre 2017, Paraskevaidis / Cedefop (T-601/16) (cf. points 83-85)

16. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation adéquate du préjudice moral - Licenciement d'un agent en l'absence de circonstances particulières



Arrêt du 17 mai 2018, Josefsson / Parlement (T-566/16) (cf. points 54-57)

17. Agences de l'Union européenne - Centre satellitaire de l'Union européenne (CSUE) - Règlement du personnel - Procédure de recours - Recours devant le juge de l'Union - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Décisions de suspension et de révocation d'un agent à la suite d'une enquête administrative entachée d'irrégularités

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 25 octobre 2018, KF / CSUE (T-286/15) (cf. points 256, 258, 259, 261)

18. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Préjudice moral détachable de l'illégalité non susceptible d'être intégralement réparé par l'annulation - Charge de la preuve

Le requérant, MG, est agent au sein de la Banque européenne d’investissement (BEI) depuis 1998. En 2003, il s’est marié avec A, également agent à la BEI. Ils ont eu cinq enfants.

En 2017, A a assigné le requérant en divorce devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg (Luxembourg). Ce tribunal a fixé la résidence des enfants à l’adresse de A. Le requérant s’est vu accorder un droit de visite et d’hébergement chaque deuxième fin de semaine et pendant la moitié des vacances scolaires. Par ordonnance du 20 juillet 2018, le juge des référés luxembourgeois a ordonné que le requérant verse à A une pension alimentaire correspondant à un montant de 300 euros par mois pour chacun de leurs enfants ainsi qu’à certains autres frais.

Par lettre du 11 octobre 2018 (ci-après la « lettre du 11 octobre 2018 »), la BEI a informé le requérant qu’il ne bénéficierait plus de l’allocation de famille, des allocations pour enfant à charge ainsi que des allocations scolaires (ci-après, prises ensemble, les « allocations familiales ») et des droits financiers dérivés, leur bénéfice ayant en effet été accordé à A. Cette lettre a fait suite à une procédure de conciliation ouverte à la demande de A, au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI{1}, sans que le requérant en ait été informé.

Le requérant a introduit un recours tendant, en substance, à l’annulation de la lettre du 11 octobre 2018. Ce recours a été rejeté par le Tribunal dans son arrêt du 21 décembre 2021, MG/BEI{2}.

Saisie d’un pourvoi, la Cour annule l’arrêt du Tribunal au motif que ce dernier a commis des erreurs de droit en considérant que le droit d’être entendu du requérant n’avait pas été méconnu et en estimant que ne méconnaissent pas les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité les dispositions administratives applicables au personnel de la BEI prévoyant que, pour être considéré comme étant un enfant à charge d’un membre du personnel, il convient que l’enfant soit effectivement entretenu par ce dernier, un tel entretien effectif nécessitant de démontrer, entre autres, que l’enfant vit sous son toit.

Appréciation de la Cour

Pour commencer, la Cour rappelle que, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.

Ainsi qu’il résulte de son libellé même, cette disposition est d’application générale. Il s’ensuit que le droit d’être entendu doit être respecté dans toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief, même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité.

Dans le contexte d’une procédure administrative, le droit d’être entendu implique que l’intéressé ait été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet du projet de décision, dans le cadre d’un échange oral et/ou écrit initié par cette autorité et dont la preuve incombe à celle-ci. En particulier, l’intéressé doit avoir été expressément informé d’un projet de décision et invité à faire valoir ses observations. Alors seulement, conscient des conséquences de la décision envisagée, il aura été mis en mesure d’influencer le processus décisionnel en cause.

Or, en l’espèce, la BEI n’a pas mis le requérant en mesure de présenter, en temps utile, ses observations et, partant, d’influencer le processus décisionnel en cause.

La Cour ajoute que, pour que la violation du droit d’un intéressé d’être entendu puisse aboutir à l’annulation d’une décision individuelle de l’autorité administrative susceptible de lui être défavorable, cette autorité doit avoir disposé d’une marge d’appréciation dans la prise de décision en cause.

Tel est le cas en l’espèce. La Cour rejette l’affirmation de la BEI, selon laquelle une répartition différente des allocations familiales entre le requérant et son ex-épouse n’aurait pas été possible, eu égard aux dispositions administratives applicables au personnel de la BEI. La Cour relève, en effet, qu’il ressort des constatations effectuées par le Tribunal que la BEI aurait pu retenir une interprétation différente de ses propres dispositions administratives et qu’elle disposait donc d’une marge d’appréciation, de sorte que la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent si le requérant avait été mis en mesure de présenter ses observations avant l’adoption de la lettre du 11 octobre 2018.

La Cour considère en outre que les dispositions administratives applicables au personnel de la BEI, dans la mesure où leur interprétation ne permettrait en aucune circonstance de considérer qu’un parent qui ne s’est pas vu confier la garde exclusive d’un enfant contribue effectivement à l’entretien de ce dernier, méconnaissent les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

En effet, l’allocation pour enfant à charge répond à un objectif social justifié par les frais découlant d’une nécessité actuelle et certaine, liée à l’existence de l’enfant et à son entretien effectif. Eu égard à cet objectif, le critère pertinent pour décider si, au regard du versement des allocations pour enfants à charge, le parent qui a la garde exclusive de l’enfant se trouve dans une situation comparable à celle du parent qui n’en a pas la garde est celui de leur contribution financière respective à l’entretien de cet enfant.

Il en découle que des parents qui contribuent, tous deux, effectivement à l’entretien de leur enfant se trouvent dans une situation comparable au regard du versement des allocations pour enfants à charge, et que le versement, par principe, à seulement l’un d’entre eux de ces allocations constitue une différence de traitement, qui doit être objectivement justifiée.

À cet égard, la circonstance que l’un des parents a effectivement la garde exclusive de l’enfant, ce dernier vivant alors sous le toit de ce parent, implique, en principe, que ledit parent sera amené à contribuer de manière effective à l’entretien de cet enfant. Cependant, une telle circonstance n’exclut nullement que l’autre parent, même s’il n’a pas la garde exclusive de l’enfant, contribue également de manière effective à l’entretien de celui-ci, notamment, eu égard au droit de cet enfant, consacré à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte, d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt.

Il importe également, dans ce contexte, que soit respecté le principe de proportionnalité qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés eu égard aux buts visés.

À cet égard, si l’existence d’une décision de justice rendue par une juridiction nationale, fixant le montant des contributions aux frais d’entretien de l’enfant auxquelles un agent divorcé est tenu, constitue un élément devant être pris en considération par l’institution, cet élément ne saurait dispenser cette dernière d’exercer elle-même son pouvoir d’appréciation afin de déterminer si cet agent contribue effectivement à l’entretien de l’enfant.

{1} Le règlement du personnel de la BEI, adopté le 20 avril 1960 par le conseil d’administration de la BEI, dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2019, prévoyait, à son article 41 :

« […] Les différends, autres que ceux découlant de la mise en jeu de mesures prévues à l’article 38, font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque et ce, indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice […]. »

{2} Arrêt du 21 décembre 2021, MG/BEI (T-573/20, EU:T:2021:915).

Arrêt du 30 novembre 2023, MG / BEI (C-173/22 P) (cf. point 64)



Arrêt du 2 mai 2019, QH / Parlement (T-748/16) (cf. points 73-76)

19. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice moral causé par une atteinte à l'honneur, à la dignité et à l'estime du fonctionnaire en raison d'un rapport d'évaluation entaché d'illégalité



Arrêt du 8 mai 2019, PT / BEI (T-571/16) (cf. points 228-235)

20. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Licenciement d'un agent en congé de maladie et en état de fragilité psychologique sur la base de reproches susceptibles de porter préjudice à sa réputation professionnelle



Arrêt du 11 juin 2019, TO / AEE (T-462/17) (cf. points 130-140)

21. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Décision de réquisition du personnel dénuée de base légale - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Octroi d'une réparation pécuniaire

Dans l’arrêt Aquino e.a./Parlement (T-402/18), prononcé le 29 janvier 2020, le Tribunal a affirmé que l’article 55, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ne contenait aucune limitation précise et claire de l’exercice du droit de grève, ni n’envisageait le recours à des réquisitions de personnel en cas de grève, de sorte qu’il ne pouvait servir de base légale aux mesures de réquisitions adoptées par le Parlement européen dans la présente affaire.

Cet arrêt s’inscrit dans le contexte d’une grève des interprètes et des interprètes de conférence du Parlement européen qui s’est déroulée au cours de l’année 2018 en réaction à la mise en œuvre, dans les programmes de travail, de la décision du 14 juillet 2017 du secrétaire général du Parlement modifiant les conditions de travail des interprètes et des interprètes de conférence du Parlement. Par une décision du 2 juillet 2018 (ci-après la « décision du 2 juillet 2018 »), le directeur général du personnel du Parlement avait réquisitionné, pour le 3 juillet 2018, des interprètes et des interprètes de conférence, au nombre desquels figuraient certains des requérants. Les requérants avaient alors, le même jour, formé un recours devant le Tribunal, demandant, d’une part, l’annulation de la décision du 2 juillet 2018 ainsi que des futures décisions ayant le même objet et susceptibles d’être adoptées par la suite et, d’autre part, l’indemnisation de leur préjudice.

S’agissant, tout d’abord, de la recevabilité du recours, en tant que celui-ci était également dirigé contre des décisions postérieures à l’introduction du recours, le Tribunal l’a déclaré irrecevable à l’égard desdites décisions, celles-ci ne pouvant en effet être regardées comme remplaçant ou modifiant, au regard de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure, la décision du 2 juillet 2018 initialement attaquée.

S’agissant des conclusions aux fins d’annulation, le Tribunal a ensuite rappelé qu’il ressort de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») que les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris à la grève. Il a ajouté que, selon la jurisprudence, ces dispositions étaient susceptibles de s’appliquer dans les rapports entre les institutions de l’Union et leur personnel. Le Tribunal a en outre indiqué qu’il résulte de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte que, pour être tenue conforme au droit de l’Union, une limitation à un droit protégé par la Charte doit répondre à trois conditions, la première de ces conditions étant que la limitation doit être prévue par la loi. Le Tribunal a donc examiné si la décision du 2 juillet 2018 constituait une limitation au droit de grève tel que protégé par l’article 28 de la Charte et, dans l’affirmative, si une telle limitation avait été prévue par la loi.

Il a d’abord constaté, à cet égard, que la décision du 2 juillet 2018 constituait une limitation au droit de grève garanti par l’article 28 de la Charte. Relevant ensuite que la décision du 2 juillet 2018 était fondée sur l’article 55, paragraphe 1, du statut et sur l’accord-cadre signé le 12 juillet 1990 entre le Parlement et les organisations syndicales ou professionnelles (ci-après l’« accord-cadre »), le Tribunal a examiné si ces textes étaient susceptibles de constituer une base légale suffisamment claire et précise au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

Le Tribunal a d’abord constaté que le statut était muet sur la question du droit de grève. Il a ensuite rappelé que l’article 55, paragraphe 1, du statut prévoyait que « [l]es fonctionnaires en activité sont à tout moment à la disposition de leur institution ». Or, le Tribunal a noté qu’une telle disposition, qui se trouve au chapitre 1er, relatif à la durée du travail, du titre 4 sur les conditions de travail du fonctionnaire, ne prévoit aucune limitation précise et claire de l’exercice du droit de grève, ni a fortiori n’envisage le recours à des réquisitions. Il a ajouté qu’elle ne contient ainsi aucune précision quant à la portée de la limitation du droit de grève et ne saurait donc servir de base légale aux mesures de réquisition en cause. Il en a conclu que l’article 55, paragraphe 1, du statut ne pouvait servir de base légale aux réquisitions contenues dans la décision du 2 juillet 2018.

S’agissant de l’accord-cadre, le Tribunal a par ailleurs constaté que, aux termes de son article 8, les parties s’étaient engagées à définir, dans un protocole à annexer audit accord, une procédure de conciliation à mettre en œuvre lors d’un arrêt de travail. Un tel protocole n’ayant toutefois jamais été adopté, et aucun autre article de l’accord-cadre n’étant par ailleurs susceptible de servir de base légale aux mesures de réquisition en cause, le Tribunal a estimé que l’article 8 de l’accord-cadre ne pouvait faire office de loi au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

En conséquence, le Tribunal a considéré que les mesures de réquisition en cause représentaient une limitation au droit de grève qui n’était pas prévue par la loi. Il a donc annulé la décision du 2 juillet 2018.

S’agissant enfin des conclusions indemnitaires, le Tribunal a constaté que les requérants avaient été réquisitionnés pour la journée du 3 juillet 2018 en l’absence de toute base légale autorisant le Parlement à procéder à de telles mesures et n’avaient, en conséquence, pas pu exercer leur droit de grève durant la durée des réquisitions. En outre, il a noté que ces réquisitions avaient eu lieu tardivement, les requérants n’en ayant été informés que la veille au soir du jour de leur mise en œuvre. Il a considéré que ces circonstances, pour le moins regrettables, avaient occasionné un préjudice moral en lien direct avec l’illégalité dont était entachée la décision du 2 juillet 2018. En conséquence, il a condamné le Parlement à verser à chacune des requérantes réquisitionnées par la décision du 2 juillet 2018 la somme de 500 euros.

Arrêt du 29 janvier 2020, Aquino e.a. / Parlement (T-402/18) (cf. points 90-95)

22. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation suffisante



Ordonnance du 19 mars 2020, BP / FRA (C-682/19 P) (cf. point 4)

23. Recours des fonctionnaires - Agents de la Banque centrale européenne - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice lié à la situation d'insécurité, d'incertitude et de désarroi du requérant en raison de la décision de classer sans suite sa plainte pour harcèlement moral



Arrêt du 28 mai 2020, Cerafogli / BCE (T-483/16 RENV) (cf. points 446-450)

24. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation adéquate du préjudice moral - Rapport d'évaluation ne comportant d'appréciations susceptibles de blesser l'intéressé ou de nuire à sa réputation



Arrêt du 23 septembre 2020, VE / AEMF (T-77/18 et T-567/18) (cf. points 224, 225)

25. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation adéquate du préjudice moral - Licenciement illégal d'un agent en l'absence de circonstances particulières



Arrêt du 23 septembre 2020, VE / AEMF (T-77/18 et T-567/18) (cf. points 227, 228)

26. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice moral causé par le refus de reclassement d'un agent temporaire

En septembre 2000, la requérante a été engagée par le Comité économique et social européen (CESE) - organe consultatif représentant les organisations européennes d’employeurs, de salariés et d’autres acteurs représentatifs de la société civile - en qualité d’agent temporaire, par contrat à durée indéterminée. Au cours de sa carrière au sein du CESE, la requérante n’a été reclassée que deux fois en grade, le plus récemment en 2016.

Le 10 juillet 2019, la requérante a introduit une réclamation contre la décision de ne pas la reclasser au grade supérieur au titre de l’exercice de reclassement 2019 (ci-après la « décision attaquée »).

Cette réclamation ayant été rejetée, la requérante a introduit un recours auprès du Tribunal, visant l’annulation de la décision attaquée ainsi que l’octroi d’une indemnité de 2 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi.

Le Tribunal annule la décision attaquée, adoptée à une date inconnue de la requérante, et se prononce pour la première fois sur la problématique du reclassement des agents temporaires, en l’absence de critères ou d’éléments d’analyse comparatifs clairs, objectifs et transparents. Le Tribunal juge, à cet égard, que l’absence de tels critères ou éléments est susceptible de porter atteinte aux principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique et, par voie de conséquence, aux droits des agents temporaires affectés auprès des institutions, des organes et des organismes de l’Union ayant vocation à être reclassés. En outre, le Tribunal condamne le CESE à verser à la requérante la somme réclamée de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi par cette dernière.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, que la preuve du moment auquel l’intéressé a pris connaissance d’une décision individuelle et qui fait courir les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), peut résulter d’autres circonstances qu’une notification formelle de ladite décision. À cet égard, si de simples indices donnant à penser qu’une décision a été reçue ne sauraient suffire, cette preuve peut notamment résulter d’un courriel de l’intéressé dont il ressort indubitablement que celui-ci a pris utilement connaissance de ladite décision avant la date alléguée.

Le Tribunal rappelle également que constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci. Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au cours d’une procédure interne, comme celle relative à la procédure en matière de reclassement des agents temporaires, ne constituent des actes attaquables que les mesures fixant définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure. En revanche, les mesures intermédiaires, dont l’objectif est de préparer la décision finale, ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et ne peuvent être contestées que de façon incidente lors d’un recours contre les actes annulables. À cet égard, ce n’est qu’au moment de l’établissement de la liste des agents temporaires reclassés dûment publiée que la situation juridique des agents temporaires ayant vocation à un reclassement est susceptible d’être affectée.

Ensuite, s’agissant de l’absence de décision portant adoption des règles en matière de reclassement des agents temporaires au sein du CESE, le Tribunal relève que, même si les institutions de l’Union n’ont pas l’obligation d’adopter un système particulier d’évaluation et de reclassement plutôt qu’un autre, il n’en demeure pas moins que tout exercice de reclassement doit se dérouler dans le respect des principes généraux du droit tels que les principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique. Le respect du principe d’égalité de traitement exige que l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union se dote d’un ensemble d’éléments d’analyse, tel que les rapports de notation, pour fonder son appréciation des mérites, afin d’éviter le risque d’arbitraire et d’assurer un traitement égal entre les candidats ayant vocation à être promus. Le Tribunal ajoute que des considérations d’ordre budgétaire ou tenant au caractère « éminemment politique » de l’organe concerné ne sauraient libérer celui-ci de cette obligation.

Par ailleurs, le Tribunal révèle que l’absence de publication des décisions en matière de reclassement au sein du CESE, conformément à l’article 25, troisième alinéa, du statut, méconnaît le principe de sécurité juridique ainsi que l’obligation de transparence, corollaire du principe d’égalité de traitement, visant à permettre le contrôle de l’impartialité et de l’absence d’arbitraire de la part de l’administration. Par conséquent, l’absence de publication par le CESE des décisions de reclassement est non seulement contraire aux dispositions statutaires, mais également de nature à porter atteinte aux droits des agents temporaires attachés aux secrétariats des différents groupes du CESE en ce qu’elle empêche le contrôle de l’impartialité de la part de l’administration lors d’un exercice de reclassement.

Enfin, s’agissant des conclusions visant à des dommages et intérêts, le Tribunal constate que, en l’espèce, l’annulation de la décision attaquée n’est pas, en tant que telle, susceptible de compenser intégralement le préjudice moral subi par la requérante , et, notamment, l’incertitude ressentie par celle-ci quant à l’évolution de sa carrière. En effet, il est impossible de prévoir les caractéristiques des éléments d’analyse que le CESE pourrait adopter et difficile de déterminer comment les prestations de la requérante pourraient être évaluées en fonction de ceux-ci. Ainsi, quelle que soit la teneur des dispositifs adoptés par le CESE dans le cadre de l’exécution de l’arrêt, il subsistera un doute quant à la perspective de reclassement de la requérante de manière rétroactive ainsi que, le cas échéant, quant aux performances dont elle aurait pu faire la démonstration si les éléments d’analyse en matière de reclassement avaient été fixés préalablement.

Arrêt du 28 avril 2021, Correia / CESE (T-843/19) (cf. points 86-88)

27. Recours des fonctionnaires - Agents de la Banque européenne d'investissement - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué - Réparation adéquate du préjudice moral - Limites



Arrêt du 15 décembre 2021, HB / BEI (T-757/19) (cf. point 108)

28. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice moral causé par la décision de non-renouvellement d'un agent temporaire et par les circonstances entourant son adoption - Agent temporaire en congé de maladie depuis l'adoption de cette décision

En janvier 2015, la requérante, SU, a été recrutée en tant qu’agent temporaire par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP), par contrat d’une durée de trois ans, renouvelé ensuite pour une même durée.

Dans le contexte de l’exercice d’évaluation de l’année 2019, l’évaluateur de la requérante a observé que ses prestations n’étaient pas suffisantes et que ses résultats en 2020 devaient s’améliorer pour rester globalement satisfaisants. Le directeur exécutif de l’AEAPP, qui était aussi l’évaluateur d’appel, n’a pas réagi au refus de la requérante d’accepter son rapport d’évaluation et aux observations formulées par celle-ci et n’a donc pas pris position, dans ce rapport, sur ces observations.

En juillet 2020, à la suite du rapport relatif au renouvellement du contrat de la requérante, dans lequel le chef de service ne recommandait pas un second renouvellement de son contrat, le directeur exécutif de l’AEAPP a décidé de ne pas renouveler le contrat de la requérante (ci-après la « décision attaquée »).

Saisi par la requérante, le Tribunal annule la décision attaquée et précise les conséquences de la non-finalisation d’un rapport de notation sur la légalité d’une décision de non-renouvellement de contrat. Dans son volet concernant les conclusions indemnitaires, cet arrêt énonce les conditions de réparation d’une perte de chance, notamment celle d’obtenir le renouvellement d’un contrat. Il apporte des précisions quant aux conditions tenant aux caractères réel et définitif de la perte de chance et explicite l’articulation entre la compétence de pleine juridiction du Tribunal et l’obligation de l’administration d’adopter des mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation.

Appréciation du Tribunal

Dans le cadre des conclusions en annulation, le Tribunal commence par examiner le statut juridique du rapport d’évaluation de l’année 2019 de la requérante.

Dans ce contexte, il relève qu’il ressort clairement des textes applicables à l’AEAPP{1} que, lorsque le titulaire de poste refuse le rapport d’évaluation, celui-ci ne devient définitif qu’à la suite de la décision de l’évaluateur d’appel. En effet, lorsque l’évaluateur d’appel dispose d’un pouvoir de contrôle entier portant sur le bien-fondé des évaluations contenues dans un rapport d’évaluation et s’abstient illégalement de l’exercice de son contrôle, le rapport d’évaluation refusé par le titulaire de poste ne devient pas définitif.

Toutefois, l’administration ne saurait exciper de son organisation administrative interne pour justifier le non-respect de son devoir impérieux de veiller à la rédaction périodique des rapports d’évaluation dans les délais et à leur établissement régulier. Dès lors, l’inaction de l’évaluateur d’appel en l’espèce, due à une erreur interne d’organisation, ne saurait être considérée comme une confirmation implicite dudit rapport qui aurait pour effet de le rendre définitif et de déclencher le délai pour former une réclamation à son encontre.

Se penchant ensuite sur les conséquences de l’absence de finalisation du rapport d’évaluation de l’année 2019, le Tribunal constate qu’il ressort de la directive interne de l’AEAPP en matière de renouvellement de contrats que lorsqu’une décision sur le renouvellement d’un contrat est prise sur la base du critère concernant les prestations du titulaire de poste, les rapports d’évaluation de la personne intéressée doivent être pris en compte tant au stade de la recommandation du chef de service qu’au stade de l’adoption de la décision.

En l’occurrence, le fait que les commentaires de la requérante concernant son rapport d’évaluation de l’année 2019 n’ont pas été pris en compte et que celui-ci n’est pas devenu définitif a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de renouvellement. En conséquence, la décision de non-renouvellement de son contrat doit être annulée.

Dans le cadre des conclusions indemnitaires, le Tribunal rejette le premier chef de préjudice matériel consistant en la perte de rémunération du fait du non-renouvellement du contrat de travail. Il indique que l’irrégularité procédurale en cause n’implique pas que la requérante soit automatiquement réintégrée, mais seulement que le rapport d’évaluation incomplet soit finalisé et que la demande de renouvellement de contrat soit réexaminée.

En outre, la perte de rémunération est inhérente à toute fin de contrat à durée déterminée, le renouvellement d’un tel contrat n’étant pas un droit, mais une simple faculté. Ainsi, en l’absence de toute assurance précise et concrète de la part de l’AEAPP quant au renouvellement du contrat de la requérante, celle-ci ne peut s’attendre à continuer à bénéficier de sa rémunération au-delà de la fin de son contrat à durée déterminée. Pour cette raison aussi, il ne saurait être soutenu que l’annulation de la décision attaquée aurait pour effet d’impliquer l’adoption d’une nouvelle décision, avec effet rétroactif, par laquelle l’AEAPP renouvellerait le contrat de la requérante.

En ce qui concerne le second chef de préjudice matériel consistant en la perte d’une chance de voir le contrat renouvelé, le Tribunal relève que cette perte, pour être constatée et donner lieu à réparation, doit être réelle et définitive.

Afin de déterminer le caractère réel de la perte de chance, il y a lieu de se placer à la date à laquelle la décision de non-renouvellement a été prise et il convient d’établir à suffisance de droit que la partie requérante a été privée, non pas nécessairement du renouvellement de son contrat, dont elle ne pourra jamais prouver qu’il se serait produit, mais d’une chance sérieuse de le voir renouvelé, avec comme conséquence pour l’intéressée un préjudice matériel consistant en une perte de revenus. L’existence d’une chance sérieuse ne dépend pas du degré de probabilité que cette chance se serait réalisée, ce dernier élément étant pris en compte ensuite, si cette existence est reconnue, pour déterminer l’étendue du préjudice matériel subi et de son indemnisation.

Le Tribunal constate que, en l’espèce, en l’absence de l’illégalité liée à l’usage d’un rapport d’évaluation non définitif dont est entachée la décision de non-renouvellement, il ne pouvait être exclu que le contrat de la requérante soit renouvelé.

Quant au caractère définitif de la perte de chance, il s’apprécie au moment où le juge de l’Union statue, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris des éléments postérieurs à l’adoption de l’acte illégal à l’origine du préjudice.

À cet égard, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation et, ainsi, anéantir les effets des illégalités constatées. Lorsque l’acte annulé a déjà été exécuté, l’anéantissement de ses effets impose, en principe, de rétablir la situation juridique dans laquelle la partie requérante se trouvait antérieurement à son adoption. Toutefois, cette obligation n’exclut pas nécessairement que la perte de chance de la partie requérante ayant obtenu l’annulation d’une décision la concernant soit définitive.

En effet, le caractère définitif de la perte d’une chance peut être constaté lorsque, eu égard à toutes les circonstances de l’espèce, même s’il est encore possible pour l’administration d’adopter des mesures permettant de corriger l’illégalité commise, ces mesures seraient dépourvues d’effet utile pour la partie requérante, en ne lui redonnant pas la même chance que celle dont cette illégalité l’a privée.

Tel est le cas en l’espèce. En effet, d’une part, l’annulation de la décision de non-renouvellement n’implique pas, par elle-même, la réintégration juridique de la requérante dans les services de l’AEAPP à la date de prise d’effet de cette décision. À la différence d’une décision d’éviction d’un fonctionnaire ou d’un agent sous contrat à durée indéterminée, la décision de non-renouvellement n’a pas interrompu une relation d’emploi qui se serait poursuivie en l’absence de son intervention. Il est donc loisible à l’administration de considérer que la nouvelle décision qu’il lui appartient de prendre à la suite du présent arrêt disposera seulement pour l’avenir. D’autre part, à supposer même que l’AEAPP adopte, à la suite de l’annulation de la décision de non-renouvellement par le Tribunal, une nouvelle décision qui renouvelle le contrat de la requérante à partir de l’expiration de son contrat précédent, cette décision serait dépourvue, pour la requérante, d’effet utile pour la période allant de l’expiration de son contrat précédent à l’adoption de la nouvelle décision. En effet, la requérante ne serait pas fondée à réclamer, pour cette période, le versement de sa rémunération et ne pourrait exercer des fonctions au sein de l’AEAPP qu’à partir du moment où elle serait réintégrée dans cette agence.

Faisant usage de sa compétence de pleine juridiction, afin de garantir un effet utile à l’annulation de la décision attaquée, le Tribunal détermine lui-même le montant de l’indemnité à verser au titre de la perte d’une chance.

{1} L’article 43, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ; l’article 15, paragraphe 2, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne ; l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la décision de la Commission C(2013)8985, du 16 décembre 2013, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut et aux modalités d’application de l’article 44, premier alinéa, du statut, applicable à l’AEAPP par analogie (EIOPA-MB-14/018).

Arrêt du 14 décembre 2022, SU / AEAPP (T-296/21) (cf. points 108-113)

29. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice lié à la situation d'insécurité, d'incertitude et de désarroi du requérant en raison de la décision de rejet de sa demande d'assistance pour harcèlement moral survenue après un refus de l'entendre



Arrêt du 1er février 2023, BG / Parlement (T-164/20) (cf. points 65-69)

30. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice moral causé par le manquement d'un jury de concours à son obligation d'assurer l'égalité de traitement des candidats lors des épreuves

En novembre 2018, la requérante, NZ, s’est portée candidate au concours interne COM/1/AD 10/18 qui visait à la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs dans le grade AD 10 par la Commission européenne.

En février 2020, le jury a pris la décision de ne pas inscrire le nom de la requérante sur la liste de réserve au motif qu’elle avait obtenu une note globale à l’épreuve orale inférieure au seuil qui devait être atteint pour figurer parmi les meilleurs candidats. À la suite du rejet, par le jury, de la demande de réexamen de cette décision (ci-après la « demande de réexamen »), la requérante a saisi le Tribunal d’un recours en annulation.

Par son arrêt du 6 octobre 2021, NZ/Commission{1}, le Tribunal a accueilli le recours et annulé la décision de rejet de la demande de réexamen au motif qu’elle était entachée d’une insuffisance de motivation.

En exécution dudit arrêt, en février 2022, le jury a décidé de rejeter la demande de réexamen au motif que la note obtenue par la requérante à l’épreuve orale était inférieure à la note minimale requise pour figurer sur la liste de réserve (ci-après la « décision attaquée »).

La requérante a, dès lors, de nouveau saisi le Tribunal d’un recours en annulation.

Le Tribunal accueille ce recours et fait usage de sa compétence de pleine juridiction aux fins de condamner la Commission au paiement d’une indemnité. À cette occasion, en se prononçant sur la stabilité de la composition d’un jury de concours interne, le Tribunal complète la jurisprudence relative aux modalités d’organisation de concours.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal commence par constater que le jury n’a pas fonctionné de manière suffisamment stable lors des épreuves orales. Toutefois, cette circonstance ne saurait, à elle seule, entraîner l’annulation de la décision attaquée.

En effet, le maintien de la stabilité de la composition du jury lors des épreuves n’est pas un impératif en soi, mais un moyen pour garantir le respect du principe d’égalité de traitement, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation. Ainsi, le jury peut valablement assurer la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation par d’autres moyens. En particulier, au vu de l’organisation des épreuves d’un concours et de l’organisation des travaux du jury, il peut être suffisant que la stabilité de la composition du jury soit maintenue seulement dans certaines phases clés du concours. Dès lors, même si la composition du jury ne reste pas stable lors des épreuves, l’égalité de traitement entre les candidats peut être assurée si le jury met en place la coordination nécessaire afin de garantir l’application cohérente des critères de notation.

À cet égard, l’institution concernée doit démontrer que les réunions de coordination prévues ont eu lieu et que l’ensemble des membres du jury, à savoir le président, les présidents suppléants et les évaluateurs, ont effectivement assisté à ces réunions.

Il ressort des documents produits par la Commission et des listes de présence à ces réunions que tel n’était pas le cas en l’espèce. L’ensemble des membres du jury ne s’est pas réuni dans son entière composition pour discuter des appréciations comparatives des candidats et confirmer leurs notes finales sur la base des résultats des épreuves.

Par la suite, le Tribunal fait l’usage de sa compétence de pleine juridiction. Il juge, à cet égard, que cette compétence, conférée au juge de l’Union européenne par l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, l’investit de la mission de donner aux litiges de caractère pécuniaire dont il est saisi une solution complète. Cette compétence vise notamment à permettre aux juridictions de l’Union de garantir l’efficacité pratique des arrêts d’annulation qu’elles prononcent dans les affaires de fonction publique, de sorte que, si l’annulation d’une décision erronée en droit prise par l’administration ne suffit pas pour faire prévaloir les droits du fonctionnaire concerné ou pour préserver ses intérêts de manière efficace, le juge de l’Union peut d’office lui accorder une indemnisation. Ainsi, même en l’absence de conclusions régulières à cet effet, aucune irrecevabilité pour tardiveté ne saurait être opposée sur une question que le Tribunal est amené à soulever, le cas échéant, d’office.

En l’espèce, lorsqu’un candidat conteste le rejet de sa candidature à une procédure de sélection ayant pour objet la constitution d’une liste de lauréats, ce qui l’empêche d’occuper ultérieurement un emploi à pourvoir au sein de l’institution concernée et de bénéficier des avantages pécuniaires y afférents, le litige revêt un caractère pécuniaire.

En l’occurrence, le jury n’a pas été en mesure d’assurer l’égalité de traitement des candidats interrogés lors des épreuves orales, en raison de l’instabilité de sa composition. Ainsi, c’est l’évaluation comparative des mérites de l’ensemble des candidats qui a été viciée par la fluctuation de la composition du jury. Cette illégalité affecte, en conséquence, non seulement la note de la requérante, mais également le seuil des points conditionnant l’inscription du nom d’un candidat sur la liste de réserve.

En premier lieu, s’agissant du préjudice matériel, le Tribunal considère que la preuve de l’existence d’un préjudice réel et certain n’est pas remplie.

En effet, la requérante ne saurait revendiquer un préjudice matériel découlant du fait que son nom devrait, en exécution de l’arrêt d’annulation, être inscrit directement sur la liste de réserve. Une telle inscription reviendrait effectivement à la dispenser de l’épreuve orale prévue à l’avis de concours, laquelle subordonne l’inscription d’un candidat sur la liste de réserve à l’obtention d’une des meilleures notes à cette épreuve orale ainsi que du minimum requis pour ladite épreuve. En tout état de cause, l’inscription du nom d’un candidat sur la liste de réserve ne confère pas à ce dernier un droit à nomination, mais uniquement une vocation à être nommé.

En outre, la requérante n’a pas non plus définitivement perdu la chance réelle d’être lauréate du concours interne en cause et, par suite, d’être nommée fonctionnaire de l’Union au grade AD 10, étant donné que l’organisation d’une nouvelle épreuve orale, mise en œuvre de façon autonome par rapport aux résultats de l’épreuve orale initiale, aurait précisément pour objet de lui restituer une telle chance.

En second lieu, s’agissant du préjudice moral, le Tribunal constate que, même si la réouverture du concours à l’égard de la requérante et l’organisation d’une épreuve orale mise en œuvre de façon autonome par rapport à l’épreuve orale entachée d’illégalité constitueraient une mesure d’exécution appropriée du présent arrêt d’annulation, la Commission est, en l’absence d’annulation de l’ensemble des résultats du concours, dans l’impossibilité de recréer les conditions dans lesquelles ce concours aurait dû être organisé pour que soient garanties l’égalité de traitement entre tous les candidats et l’objectivité de la notation.

Partant, l’annulation de la décision attaquée ne suffit pas pour préserver les intérêts de la requérante de manière efficace. En effet, cette annulation n’est pas, en elle-même, susceptible de réparer le préjudice moral certain subi par la requérante du fait de ne pas avoir eu la possibilité de passer l’épreuve orale initiale dans des conditions régulières. Dans ces circonstances, le Tribunal condamne la Commission à verser à la requérante, au titre du préjudice moral causé par la décision attaquée, la somme de 4 000 euros.

{1} Arrêt du 6 octobre 2021, NZ/Commission (T-668/20, EU:T:2021:667).

Arrêt du 18 octobre 2023, NZ / Commission (T-535/22) (cf. points 94, 95)

31. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte illégal attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice moral causé à un candidat évincé résultant d'une perte de temps aux fins de la préparation d'un concours illégal et du stress lié à ce dernier et aux procédures judiciaires



Arrêt du 20 mars 2024, EO / Commission (T-623/18) (cf. points 83, 84)

32. Recours des fonctionnaires - Recours en indemnité - Annulation de l'acte attaqué n'assurant pas la réparation adéquate du préjudice moral - Préjudice lié à la situation d'insécurité, d'incertitude et de désarroi du requérant en raison du refus de reprendre une procédure d'invalidité en exécution d'un arrêt d'annulation



Arrêt du 10 avril 2024, IB / EUIPO (T-38/23) (cf. points 70-73)