1. Concurrence - Position dominante - Abus - Lien de causalité non nécessaire aux fins de l'interdiction

Le problème du lien de causalité entre la position dominante et son exploitation abusive, ne revêt pas d'intérêt, le renforcement de la position détenue par l'entreprise pouvant être abusif et interdit par l'article 86 du traité, quels que soient les moyens ou procédés utilisés à cet effet, dès lors qu'il aurait pour effet d'entraver substantiellement la concurrence.

Arrêt du 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can Company / Commission (6-72, Rec._p._00215)

2. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion

L'énumération des pratiques abusives contenue à l'article 86 du traité n'épuise pas les modes d'exploitation abusive de position dominante interdits par le traité.

L'article 86 ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective, telle que mentionnée à l'article 3, lettre f du traité. Le fait, par une entreprise en position dominante, quels que soient les moyens ou procédés utilisés à cet effet, de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entrave substantiellement la concurrence, c'est-à-dire ne laisse subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l'entreprise dominante, est dès lors susceptible de constituer un abus.

Si, peut-être, en dehors de toute faute, considérée comme abusive la détention d'une position dominante portée à un point tel que les objectifs du traité se trouvent tournés par une modification si substantielle de la structure de l'offre que la liberté de comportement du consommateur sur le marché se trouve gravement compromise, l'élimination pratique de toute concurrence rentre nécessairement dans un tel cadre.

Arrêt du 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can Company / Commission (6-72, Rec._p._00215)

La notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

Arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche / Commission (85/76, Rec._p._00461)

Arrêt du 3 juillet 1991, AKZO / Commission (C-62/86, Rec._p._I-3359) (cf. al. 69)

Le comportement d'une entreprise peut être considéré comme un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité CEE lorsque cette entreprise détient dans un marché déterminé la possibilité de se comporter, dans une mesure appréciable, de façon indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs et que son comportement sur ce marché fait obstacle par des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale basée sur les prestations des opérateurs économiques, au maintien ou au développement de la concurrence et est susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

Arrêt du 11 décembre 1980, L'Oréal / De Nieuwe AMCK (31/80, Rec._p._03775)

En interdisant l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, l'article 86 du traité vise les comportements qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

Arrêt du 9 novembre 1983, Michelin / Commission (322/81, Rec._p._03461) (cf. al. 70)

Si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, l'on ne peut cependant admettre de sa part des comportements qui ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser.

Arrêt du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum / Commission (T-65/89, Rec._p._II-389) (cf. point 69)

3. Concurrence - Position dominante - Abus - Prise de participation dans le capital d'une entreprise concurrente - Conditions

Il ne saurait être question, s'agissant d'une prise de participation par une entreprise dans le capital d'une entreprise concurrente, d'un abus de position dominante, au sens de l'article 86 du traité, que si la participation en question se traduit en un contrôle effectif de l'autre entreprise ou, à tout le moins, en une influence sur la politique commerciale de celle-ci.

Arrêt du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds / Commission (142 et 156/84, Rec._p._04487) (cf. al. 65)

4. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Absence de faute

La notion d'exploitation abusive étant une notion objective, le comportement d'une entreprise en position dominante peut être considéré comme abusif, au sens de l'article 86 du traité, en dehors de toute faute.

Arrêt du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum / Commission (T-65/89, Rec._p._II-389) (cf. point 70)

La notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché. De même, le renforcement de la position détenue par une entreprise peut être abusif et interdit par l'article 86 du traité (devenu article 82 CE), quels que soient les moyens ou procédés utilisés à cet effet, même en dehors de toute faute.

Arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris / Commission (T-128/98, Rec._p._II-3929) (cf. point 170)

5. Concurrence - Position dominante - Abus - Résultat escompté n'ayant pas été atteint - Absence d'incidence

Lorsqu'une ou plusieurs entreprises en position dominante mettent effectivement en oeuvre une pratique dont l'objet est d'évincer un concurrent, la circonstance que le résultat escompté n'est pas atteint ne saurait suffire à écarter la qualification d'abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.

Arrêt du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a. / Commission (T-24/93, T-25/93, T-26/93 et T-28/93, Rec._p._II-1201) (cf. point 149)

6. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Demande d'exécution d'une clause contractuelle

La notion d'exploitation abusive, telle que contenue dans l'article 86 du traité, est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli, et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale de produits ou de services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

Il résulte de la nature des obligations imposées par l'article 86 du traité que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent être privées du droit d'adopter des comportements, ou d'accomplir des actes, qui ne sont pas en eux-mêmes abusifs et qui seraient même non condamnables s'ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes. Ainsi, la conclusion d'un contrat ou l'acquisition d'un droit peuvent être constitutives d'abus au sens de l'article 86, si elles sont le fait d'une entreprise en position dominante.

Peut être également constitutive d'un abus au sens de l'article 86 du traité la demande d'exécution d'une clause d'un contrat, si, notamment, cette demande va au-delà de ce que les parties pouvaient raisonnablement attendre du contrat ou si les circonstances applicables lors de la conclusion du contrat ont entre-temps été modifiées.

Arrêt du 17 juillet 1998, ITT Promedia / Commission (T-111/96, Rec._p._II-2937) (cf. points 138-140)

7. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Action en justice devant les juridictions nationales - Critères d'appréciation dégagés par la Commission - Interprétation restrictive - Prise en considération du principe général d'accès au juge

Le fait de pouvoir faire valoir ses droits par voie juridictionnelle, et le contrôle juridictionnel qu'il implique, est l'expression d'un principe général de droit qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme. L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'intenter une action en justice est susceptible de constituer un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.

À cet égard, lorsque la Commission a établi deux critères cumulatifs pour pouvoir déterminer les cas dans lesquels une action en justice est abusive au sens de l'article 86 du traité, à savoir qu'elle ne peut être raisonnablement considérée comme visant à faire valoir les droits de l'entreprise, ne pouvant dès lors servir qu'à harceler l'opposant, et qu'elle est conçue dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence, ces deux critères doivent être interprétés et appliqués restrictivement, de manière à ne pas tenir en échec l'application du principe général d'accès au juge. S'agissant de l'application du premier critère, la situation devant être prise en compte est celle existant au moment où l'action est engagée. De plus, il ne s'agit pas de déterminer si les droits que l'entreprise concernée faisait valoir au moment où elle a intenté son action en justice existaient effectivement, ou si celle-ci était fondée, mais de déterminer si une telle action avait pour but de faire valoir ce que l'entreprise, à ce moment-là, pouvait raisonnablement considérer comme étant ses droits.

Arrêt du 17 juillet 1998, ITT Promedia / Commission (T-111/96, Rec._p._II-2937) (cf. points 55, 60-61, 72-73)

8. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Obligations incombant à l'entreprise dominante

La notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. Il s'ensuit que l'article 86 du traité (devenu article 82 CE) interdit à une entreprise dominante d'éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites. Dans cette perspective, toute concurrence par les prix ne peut être considérée comme légitime. L'interdiction édictée à l'article 86 du traité se justifie également par le souci de ne pas causer de préjudice aux consommateurs.

Par conséquent, si la constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée, il lui incombe, indépendamment des causes d'une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. De même, si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, on ne peut, cependant, admettre de tels comportements lorsqu'ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser.

Arrêt du 7 octobre 1999, Irish Sugar / Commission (T-228/97, Rec._p._II-2969) (cf. points 111-112)

L'article 82 CE vise le comportement d'un ou de plusieurs opérateurs économiques, consistant à exploiter de façon abusive une situation de puissance économique qui permet à l'opérateur concerné de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui donnant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs.

Si la constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée, il incombe à celle-ci néanmoins, indépendamment des causes d'une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. point 229)

9. Concurrence - Position dominante - Abus - Caractère abusif d'une pratique de prix

En présence d'une position dominante détenue par une entreprise, pour déterminer l'éventuel caractère abusif d'une pratique de prix, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances, et notamment les critères et les modalités d'octroi des rabais, et d'examiner si le rabais tend, par un avantage qui ne repose sur aucune prestation économique qui le justifie, à enlever à l'acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d'approvisionnement, à barrer l'accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée. Le caractère faussé de la concurrence résulte du fait que l'avantage financier octroyé par l'entreprise en position dominante ne repose pas sur une contrepartie économiquement justifiée, mais tend à empêcher l'approvisionnement des clients de cette entreprise dominante auprès de concurrents. Une des circonstances peut ainsi consister en ce que la pratique en cause prend place dans le cadre d'un plan de l'entreprise en position dominante ayant pour but d'éliminer un concurrent.

Arrêt du 7 octobre 1999, Irish Sugar / Commission (T-228/97, Rec._p._II-2969) (cf. point 114)

10. Concurrence - Position dominante - Position dominante collective - Notion - Abus commun ou individuel

Si l'existence d'une position dominante collective se déduit de la position que détiennent ensemble les entités économiques concernées sur le marché en cause, l'abus ne doit pas nécessairement être le fait de toutes les entreprises en question. Il doit seulement pouvoir être identifié comme l'une des manifestations de la détention d'une telle position dominante collective. Par conséquent, des entreprises occupant une position dominante collective peuvent avoir des comportements abusifs communs ou individuels. Il suffit que ces comportements abusifs se rapportent à l'exploitation de la position dominante collective que les entreprises détiennent sur le marché.

Arrêt du 7 octobre 1999, Irish Sugar / Commission (T-228/97, Rec._p._II-2969) (cf. point 66)

11. Concurrence - Position dominante - Abus - Participation d'une entreprise à une enquête diligentée par les institutions communautaires dans le cadre d'une procédure antidumping - Absence

Le recours à une voie de droit, et, en particulier, la participation d'une entreprise à une enquête diligentée par les institutions communautaires dans le cadre d'une procédure antidumping, ne saurait être jugé, en soi, contraire à l'article 86 du traité (devenu article 82 CE). La procédure antidumping vise à rétablir une concurrence non faussée sur le marché dans l'intérêt communautaire et se traduit par une enquête approfondie menée par les institutions communautaires au cours de laquelle les parties intéressées sont entendues et peut aboutir à l'adoption d'un acte communautaire contraignant. Affirmer que le seul recours à une telle procédure est, en soi, contraire à l'article 86 du traité reviendrait à nier aux entreprises le droit de recourir à des instruments de droit qui ont été instaurés dans l'intérêt communautaire.

Arrêt du 30 novembre 2000, Industrie des poudres sphériques / Commission (T-5/97, Rec._p._II-3755) (cf. point 213)

12. Concurrence - Position dominante - Notion - Application de conditions inégales à des prestations équivalentes - Transports - Transports aériens - Libre prestation des services - Restrictions - Redevance d'atterrissage - Discrimination - Tarification différenciée en fonction de l'origine nationale ou internationale des vols

L'article 86, second alinéa, sous c), du traité (devenu article 82, second alinéa, sous c), CE) prohibe toute discrimination, de la part d'une entreprise en position dominante, consistant à appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, indépendamment du fait qu'une telle discrimination soit liée à la nationalité.

Doivent être considérées comme constituant une restriction à la libre prestation des services de transport des mesures qui conduisent à conférer un avantage aux transporteurs qui assurent dans une plus grande proportion que d'autres des transports internes par rapport aux transports internationaux. De telles mesures entraînent également un traitement inégal pour des prestations équivalentes affectant le jeu de la concurrence.

Tel est le cas d'une discrimination résultant de l'application aux redevances d'atterrissage d'une tarification différente pour un même nombre d'atterrissages avec des aéronefs de type identique, selon qu'il s'agit de vols intérieurs ou internationaux.

Arrêt du 29 mars 2001, Portugal / Commission (C-163/99, Rec._p._I-2613) (cf. points 46, 66)

13. Concurrence - Position dominante - Abus - Rabais de quantité - Admissibilité - Conditions - Modalités de calcul - Absence de discrimination

Une entreprise en position dominante est en droit de consentir à ses clients des rabais de quantité, liés exclusivement au volume des achats effectués auprès d'elle. Toutefois, les modalités de calcul de ces rabais ne doivent pas se traduire par l'application à l'égard de partenaires commerciaux de conditions inégales à des prestations équivalentes, en violation de l'article 86, second alinéa, sous c), du traité (devenu article 82, second alinéa, sous c), CE).

À cet égard, il est de l'essence même d'un système de rabais de quantité que les plus importants acheteurs ou utilisateurs d'un produit ou d'un service bénéficient de prix moyens unitaires plus faibles ou, ce qui revient au même, de taux moyens de réduction supérieurs à ceux qui sont consentis aux acheteurs ou aux utilisateurs moins importants de ce produit ou service. Même dans le cas d'une progression linéaire des taux de rabais en fonction des quantités avec un rabais maximal, le taux moyen de réduction augmente (ou le prix moyen diminue) mathématiquement, dans un premier temps, dans une proportion supérieure à l'augmentation des achats et, dans un second temps, dans une proportion inférieure à l'augmentation des achats, avant de tendre à se stabiliser vers le taux maximal de rabais. Le seul fait que le résultat d'un système de rabais de quantité aboutisse à ce que certains clients bénéficient, sur des quantités données, d'un taux moyen de réduction proportionnellement plus élevé que d'autres par rapport à la différence de leurs volumes d'achat respectifs est inhérent à ce type de système et ne saurait à lui seul permettre d'en déduire que le système est discriminatoire.

Néanmoins, lorsque les seuils de déclenchement des différentes tranches de rabais, liés aux taux pratiqués, conduisent à réserver le bénéfice de rabais, ou de rabais supplémentaires, à certains partenaires commerciaux tout en leur donnant un avantage économique non justifié par le volume d'activité qu'ils apportent et par les éventuelles économies d'échelle qu'ils permettent au fournisseur de réaliser par rapport à leurs concurrents, un système de rabais de quantité entraîne l'application de conditions inégales à des prestations équivalentes.

Peuvent constituer, à défaut de justifications objectives, des indices d'un tel traitement discriminatoire un seuil de déclenchement du système élevé, ne pouvant concerner que quelques partenaires particulièrement importants de l'entreprise en position dominante, ou l'absence de linéarité de l'augmentation des taux de rabais avec les quantités.

Arrêt du 29 mars 2001, Portugal / Commission (C-163/99, Rec._p._I-2613) (cf. points 50-53)

Une entreprise en position dominante est en droit de consentir à ses clients des rabais de quantité, liés exclusivement au volume des achats effectués auprès d'elle. Toutefois, les modalités de calcul de ces rabais ne doivent pas se traduire par l'application à l'égard de partenaires commerciaux de conditions inégales à des prestations équivalentes, en violation de l'article 82, second alinéa, sous c), CE.

À cet égard, il est de l'essence même d'un système de rabais de quantité que les plus importants acheteurs ou utilisateurs d'un produit ou d'un service bénéficient de prix moyens unitaires plus faibles ou, ce qui revient au même, de taux moyens de réduction supérieurs à ceux qui sont consentis aux acheteurs ou aux utilisateurs moins importants de ce produit ou service. Même dans le cas d'une progression linéaire des taux de rabais en fonction des quantités avec un rabais maximal, le taux moyen de réduction augmente (ou le prix moyen diminue) mathématiquement, dans un premier temps, dans une proportion supérieure à l'augmentation des achats et, dans un second temps, dans une proportion inférieure à l'augmentation des achats, avant de tendre à se stabiliser vers le taux maximal de rabais. Le seul fait que le résultat d'un système de rabais de quantité aboutisse à ce que certains clients bénéficient, sur des quantités données, d'un taux moyen de réduction proportionnellement plus élevé que d'autres par rapport à la différence de leurs volumes d'achat respectifs est inhérent à ce type de système et ne saurait à lui seul permettre d'en déduire que le système est discriminatoire.

Néanmoins, lorsque les seuils de déclenchement des différentes tranches de rabais, liés aux taux pratiqués, conduisent à réserver le bénéfice de rabais, ou de rabais supplémentaires, à certains partenaires commerciaux tout en leur donnant un avantage économique non justifié par le volume d'activité qu'ils apportent et par les éventuelles économies d'échelle qu'ils permettent au fournisseur de réaliser par rapport à leurs concurrents, un système de rabais de quantité entraîne l'application de conditions inégales à des prestations équivalentes.

Peuvent constituer, à défaut de justifications objectives, des indices d'un tel traitement discriminatoire un seuil de déclenchement du système élevé, ne pouvant concerner que quelques partenaires particulièrement importants de l'entreprise en position dominante, ou l'absence de linéarité de l'augmentation des taux de rabais avec les quantités.

Arrêt du 17 décembre 2009, Solvay / Commission (T-57/01, Rec._p._II-4621) (cf. point 396)

14. Concurrence - Position dominante - Abus - Exemption - Exclusion - Obligations incombant à l'entreprise dominante - Possibilité pour l'entreprise en position dominante de préserver ses intérêts commerciaux, à condition de ne pas renforcer sa position dominante ni d'en abuser

Contrairement à l'article 85 du traité (devenu article 81 CE), l'article 86 du traité (devenu article 82 CE) ne permet pas aux entreprises détenant une position dominante de solliciter l'octroi d'une exemption en faveur de leurs pratiques abusives. Par ailleurs, il incombe aux entreprises dominantes une responsabilité particulière tant de ne pas porter atteinte, par leur comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun que de ne pas causer un préjudice immédiat aux consommateurs. En conséquence, les pratiques abusives commises par des entreprises dominantes sont interdites sans exception.

L'existence d'une position dominante ne saurait priver une entreprise se trouvant dans une telle position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, de sorte qu'il faut lui accorder, dans une mesure raisonnable, la faculté d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, pour autant, cependant, que de tels comportements n'aient pas pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser. Il en résulte qu'il est donc loisible à une entreprise dominante d'invoquer des motifs de nature à justifier les pratiques qu'elle adopte, sans toutefois que puissent être admis l'existence de motifs d'exemption.

Arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a. / Commission (T-191/98, T-212/98 à T-214/98, Rec._p._II-3275) (cf. points 1109, 1113, 1114, 1124)

15. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Renforcement de la position dominante - Conférence maritime - Acceptation de nouveaux membres - Élement susceptible de constituer un abus

Le fait pour une entreprise en position dominante de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entrave substantiellement la concurrence, c'est-à-dire ne laisse subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l'entreprise dominante, est susceptible de constituer un abus de cette position dominante au sens de l'article 86 du traité (devenu article 82 CE). Aussi, il ne saurait être exclu que, dans certaines circonstances, le fait pour une conférence maritime détenant une position dominante d'accepter de nouveaux membres constitue en soi un abus.

Arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a. / Commission (T-191/98, T-212/98 à T-214/98, Rec._p._II-3275) (cf. point 1262)

16. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Comportements ayant soit pour effet soit pour objet de faire obstacle au maintien ou au développement de la concurrence

Aux fins de l'établissement d'une violation de l'article 82 CE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l'entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d'autres termes, qu'il est de nature à ou susceptible d'avoir un tel effet. Il s'ensuit que, aux fins de l'application dudit article, la démonstration de l'objet et de l'effet anticoncurrentiel d'un comportement abusif se confond. En effet, s'il est démontré que l'objet poursuivi par le comportement d'une entreprise en position dominante est de restreindre la concurrence, ce comportement sera également susceptible d'avoir un tel effet. Par conséquent, lorsqu'une entreprise met effectivement en oeuvre des pratiques dont l'objet est de restreindre la concurrence, la circonstance que le résultat escompté n'est pas atteint ne suffit pas à écarter l'application de l'article 82 CE.

Arrêt du 30 septembre 2003, Michelin / Commission (T-203/01, Rec._p._II-4071) (cf. points 239, 241, 245)

Aux fins de l'établissement d'une violation de l'article 82 CE, il n'est pas nécessaire de démontrer que le comportement abusif de l'entreprise en position dominante a eu un effet anticoncurrentiel concret sur les marchés concernés. Il suffit à cet égard de démontrer qu'il tend à restreindre la concurrence ou, en d'autres termes, qu'il est de nature à ou susceptible d'avoir un tel effet. Par conséquent, lorsqu'une entreprise en position dominante met effectivement en oeuvre une pratique générant un effet d'éviction de ses concurrents, la circonstance selon laquelle le résultat escompté n'est pas atteint ne saurait suffire à écarter la qualification d'abus de position dominante au sens de l'article 82 CE.

Arrêt du 17 décembre 2003, British Airways / Commission (T-219/99, Rec._p._II-5917) (cf. points 293-294, 297)

Aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature à, ou susceptible de, avoir un tel effet.

Arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream / Commission (T-301/04, Rec._p._II-3155) (cf. point 144)

17. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Notion objective visant les comportements de nature à influencer la structure du marché et ayant pour effet de faire obstacle au maintien ou au développement de la concurrence - Obligations incombant à l'entreprise dominante - Exercice de la concurrence par les seuls mérites

La notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. Il s'ensuit que toute concurrence par les prix n'est pas automatiquement légitime et qu'une entreprise en position dominante ne peut ainsi recourir à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites.

Par conséquent, si la constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée, il lui incombe, indépendamment des causes d'une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. De même, si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, on ne peut, cependant, admettre de tels comportements lorsqu'ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser.

Arrêt du 30 septembre 2003, Michelin / Commission (T-203/01, Rec._p._II-4071) (cf. points 54-55, 97)

La notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. Il s'ensuit que l'article 86 du traité (devenu article 82 CE) interdit à une entreprise dominante d'éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites. L'interdiction édictée à cette disposition se justifie également par le souci de ne pas causer de préjudice aux consommateurs.

Par conséquent, si la constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée, il incombe à celle-ci, indépendamment des causes d'une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

Arrêt du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods / Commission (T-65/98, Rec._p._II-4653) (cf. points 157-158)

18. Concurrence - Position dominante - Comportement sur le marché dominé ayant des effets sur un marché voisin - Application de l'article 82 CE - Condition - Lien de connexité entre les deux marchés

Un abus de position dominante commis sur le marché sectoriel dominé mais dont les effets se font sentir sur un marché distinct où l'entreprise concernée ne détient pas de position dominante peut relever de l'article 82 CE pour autant que ce marché distinct soit suffisamment connexe au premier.

Un tel lien de connexité peut notamment exister entre, d'une part, le marché des services fournis par les agents de voyages aux compagnies aériennes et, d'autre part, le marché des services de transport aérien assurés par ces mêmes compagnies relativement aux prestations vendues aux voyageurs par l'intermédiaire des agents de voyages.

Arrêt du 17 décembre 2003, British Airways / Commission (T-219/99, Rec._p._II-5917) (cf. points 127, 130, 132)

19. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Notion objective visant les comportements de nature à influencer la structure du marché et ayant pour effet de faire obstacle au maintien ou au développement de la concurrence - Obligations incombant à l'entreprise dominante

La notion d'exploitation abusive est une notion objective visant les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

Par conséquent, si la constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée, il incombe à celle-ci, indépendamment des causes d'une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. De même, si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, on ne peut, cependant, admettre de tels comportements lorsqu'ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser.

Arrêt du 17 décembre 2003, British Airways / Commission (T-219/99, Rec._p._II-5917) (cf. points 241-243)

20. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Notion objective visant les comportements de nature à influencer la structure du marché et ayant pour effet de faire obstacle au maintien ou au développement de la concurrence

La notion d'exploitation abusive est une notion objective visant les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

Arrêt du 12 décembre 2006, SELEX Sistemi Integrati / Commission (T-155/04, Rec._p._II-4797) (cf. point 107)



Ordonnance du 23 février 2006, Piau / Commission (C-171/05 P, Rec._p._I-37*) (cf. point 37)

21. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Notion objective visant les comportements de nature à influencer la structure du marché et ayant pour effet de faire obstacle au maintien ou au développement de la concurrence - Conclusion à la demande des cocontractants de l'entreprise en situation de position dominante des contrats participant d'un abus - Absence d'incidence sur la qualification de pratique abusive

La notion d'exploitation abusive d'une position dominante est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. À cet égard, le fait que des contrats ont été conclus à la demande des cocontractants de l'entreprise en situation de position dominante n'est pas de nature à écarter cette qualification.

Ordonnance du 28 septembre 2006, Unilever Bestfoods (anciennement Van den Bergh Foods) / Commission (C-552/03 P, Rec._p._I-9091) (cf. point 129)

22. Concurrence - Position dominante - Obligations incombant à l'entreprise dominante - Possibilité pour l'entreprise en position dominante de préserver ses intérêts commerciaux, à condition de ne pas renforcer sa position dominante ni d'en abuser - Droit d'alignement d'une entreprise dominante sur les prix de la concurrence aboutissant à justifier le recours à des prix prédateurs - Absence

Il ne saurait être affirmé que le droit d'alignement d'une entreprise dominante sur les prix de la concurrence est absolu et qu'il a été reconnu comme tel par la Commission dans sa pratique décisionnelle et par la jurisprudence, spécialement lorsque ce droit aboutirait à justifier le recours à des prix prédateurs interdits par ailleurs par le traité. Si une position dominante ne saurait priver une entreprise se trouvant dans une telle position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et s'il faut lui accorder, dans une mesure raisonnable, la faculté d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger lesdits intérêts, l'on ne peut admettre de tels comportements lorsqu'ils ont précisément pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser.

Il résulte de la nature des obligations imposées par l'article 82 CE que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent être privées du droit d'adopter des comportements, ou d'accomplir des actes, qui ne sont pas en eux-mêmes abusifs et qui seraient même non condamnables s'ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes.

Arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom / Commission (T-340/03, Rec._p._II-107) (cf. points 182, 185-186)

23. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Comportements ayant un effet restrictif sur la concurrence - Nécessité d'un préjudice immédiat causé aux consommateurs - Absence

L'article 82 CE ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective, telle que mentionnée à l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE. Il s'ensuit que, pour juger de l'éventuel caractère abusif d'un comportement d'une entreprise en position dominante, il n'est pas nécessaire d'examiner s'il a causé un préjudice aux consommateurs au sens de l'article 82, second alinéa, sous b), CE, mais il suffit de vérifier s'il a eu un effet restrictif sur la concurrence.

Arrêt du 15 mars 2007, British Airways / Commission (C-95/04 P, Rec._p._I-2331) (cf. points 106-107)

24. Concurrence - Position dominante - Abus - Application de conditions inégales à des prestations équivalentes - Nécessité de preuve d'une distorsion effective de la concurrence - Absence

L'interdiction spécifique de la discrimination visée à l'article 82, second alinéa, sous c), CE fait partie du régime assurant, conformément à l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur. Le comportement commercial de l'entreprise en position dominante ne doit pas fausser la concurrence sur un marché situé en amont ou en aval, c'est-à-dire la concurrence entre fournisseurs ou entre clients de cette entreprise. Les cocontractants de ladite entreprise ne doivent pas être favorisés ou défavorisés sur le terrain de la concurrence qu'ils se livrent entre eux. Par conséquent, il importe, pour que les conditions d'application de l'article 82, second alinéa, sous c), CE soient réunies, de constater que le comportement de l'entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu'il tend à fausser ce rapport de concurrence, c'est-à-dire à entraver la position concurrentielle d'une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres.

À cet égard, rien ne s'oppose à ce que la discrimination de partenaires commerciaux qui se trouvent dans un rapport de concurrence puisse être considérée comme abusive dès l'instant où le comportement de l'entreprise en position dominante tend, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à conduire à une distorsion de concurrence entre ces partenaires commerciaux. Dans une telle situation, il ne saurait être exigé que soit apportée en outre la preuve d'une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des partenaires commerciaux pris individuellement.

Arrêt du 15 mars 2007, British Airways / Commission (C-95/04 P, Rec._p._I-2331) (cf. points 143-145)

25. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Redevances disproportionnées par rapport à la valeur économique de la prestation fournie - Pratiques rendant les acheteurs captifs - Inclusion

La notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, en raison, précisément, de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

En particulier, il ressort de l'article 82, paragraphe 2, sous a), CE qu'une telle pratique abusive peut notamment consister à imposer de façon directe ou indirecte des prix ou des conditions de transactions non équitables. Ainsi, il y a exploitation abusive lorsqu'une entreprise en position dominante exige pour ses services des redevances disproportionnées par rapport à la valeur économique de la prestation fournie.

De même, une entreprise en position dominante peut entraver de manière abusive l'entrée de concurrents, en liant, en droit ou en fait, les acheteurs à ses services et en les empêchant ainsi de s'approvisionner auprès de fournisseurs concurrents.

Arrêt du 24 mai 2007, Duales System Deutschland / Commission (T-151/01, Rec._p._II-1607) (cf. points 120-122)

26. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Obligations incombant à l'entreprise dominante - Exercice de la concurrence par les seuls mérites

L'article 82 CE entend interdire à une entreprise dominante de renforcer sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. point 1070)

27. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Obligations incombant à l'entreprise dominante - Interopérabilité de produits logiciels - Degré d'interopérabilité nécessaire pour permettre aux entreprises concurrentes de rester de manière viable sur le marché

Dans le cadre d'une procédure engagée sur le fondement de l'article 82 CE, la Commission peut définir la notion d'"interopérabilité" comme la capacité, pour deux produits logiciels, d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement ces informations, afin de permettre à chacun de ces produits logiciels de fonctionner de toutes les manières prévues, sans être liée par la définition qu'en donne la directive 91/250 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, dont cependant elle ne s'écarte pas.

Dans ce cadre, la Commission peut déterminer le "degré d'interopérabilité" de produits logiciels en fonction de ce qui, selon elle, est nécessaire au regard de l'article 82 CE pour permettre aux concepteurs de systèmes d'exploitation pour serveurs de groupe de travail concurrents du concepteur en position dominante de rester de manière viable sur le marché. S'il est établi que le degré d'interopérabilité existant ne permet pas à ces concepteurs de rester présents de manière viable sur le marché, il s'ensuit qu'il est porté atteinte au maintien d'une concurrence effective sur celui-ci.

En imposant, à titre de mesure corrective, à une entreprise en position dominante de divulguer "les informations relatives à l'interopérabilité", la Commission vise une description technique détaillée de certaines règles d'interconnexion et d'interaction applicables au sein des réseaux de l'entreprise pour groupe de travail pour la fourniture de services de groupe de travail. Cette description ne s'étend pas à la manière dont l'entreprise met en oeuvre lesdites règles et ne vise donc pas, notamment, la structure interne ou le code source de ses produits.

Le degré d'interopérabilité ainsi retenu par la Commission permet aux systèmes d'exploitation concurrents d'interopérer avec l'architecture de domaine de l'entreprise en position dominante sur un pied d'égalité afin de pouvoir concurrencer de manière viable les systèmes d'exploitation de cette dernière. Il n'implique pas de faire fonctionner les produits des concurrents exactement de la même manière que les siens et ne permet pas à ses concurrents de cloner ou de reproduire ses produits ou certaines caractéristiques de ceux-ci.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 192, 206, 225, 227, 228, 230, 234, 236-238, 241, 259, 374, 375)

28. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus d'octroi d'une licence pour l'utilisation d'un produit couvert par un droit de propriété intellectuelle - Conditions

Bien que les entreprises soient, en principe, libres de choisir leurs partenaires commerciaux, un refus de livrer émanant d'une entreprise en position dominante peut, dans certaines circonstances et pour autant qu'il ne soit pas objectivement justifié, constituer un abus de position dominante au sens de l'article 82 CE.

Le fait, pour une entreprise détenant une position dominante, de refuser d'octroyer à un tiers une licence pour l'utilisation d'un produit couvert par un droit de propriété intellectuelle ne saurait constituer en lui-même un abus de position dominante au sens de l'article 82 CE.

Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que l'exercice du droit exclusif par le titulaire du droit de propriété intellectuelle peut donner lieu à un tel abus et que, partant, il est permis, dans l'intérêt public du maintien d'une concurrence effective sur le marché, d'empiéter sur le droit exclusif du titulaire du droit de propriété intellectuelle en l'obligeant à octroyer des licences aux tiers qui cherchent à entrer sur ce marché ou à s'y maintenir.

Doivent notamment être considérées comme exceptionnelles les circonstances suivantes : en premier lieu, le refus porte sur un produit ou un service indispensable pour l'exercice d'une activité donnée sur un marché voisin; en deuxième lieu, le refus est de nature à exclure toute concurrence effective sur ce marché voisin; en troisième lieu, le refus fait obstacle à l'apparition d'un produit nouveau pour lequel il existe une demande potentielle des consommateurs.

Dès qu'il est établi que de telles circonstances sont présentes, le refus de la part du titulaire en position dominante d'octroyer une licence est susceptible de violer l'article 82 CE à moins qu'il ne soit objectivement justifié.

Enfin, pour qu'un refus de donner accès à un produit ou à un service indispensable pour l'exercice d'une activité donnée puisse être considéré comme abusif, il faut distinguer deux marchés, à savoir, d'une part, un marché constitué par ledit produit ou ledit service et sur lequel l'entreprise qui oppose le refus détient une position dominante et, d'autre part, un marché voisin sur lequel le produit ou le service en cause est utilisé pour la production d'un autre produit ou la fourniture d'un autre service. Le fait que le produit ou le service indispensable ne soit pas commercialisé de manière séparée n'exclut pas d'emblée la possibilité d'identifier un marché distinct. Il suffit qu'un marché potentiel, voire hypothétique, puisse être identifié. Tel est le cas dès lors que des produits ou des services sont indispensables pour exercer une activité donnée et qu'il existe, pour ceux-ci, une demande effective de la part d'entreprises qui entendent exercer cette activité. Il est déterminant que puissent être identifiés deux stades de production différents, liés en ce que le produit en amont est un élément indispensable pour la fourniture du produit en aval.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 319, 331-335, 691, 1336)

29. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus d'octroi d'une licence pour l'utilisation d'un produit couvert par un droit de propriété intellectuelle - Conditions - Appréciation du caractère indispensable du produit

Aux fins de l'application de l'article 82 CE au refus d'une entreprise en position dominante d'octroyer une licence sur le marché des systèmes d'exploitation pour serveurs de groupe de travail, les "informations relatives à l'interopérabilité" doivent être considérées comme "indispensables", notamment en raison du fait que l'interopérabilité revêt une importance concurrentielle significative sur ce marché, et ce même si leur indisponibilité n'a pour conséquence qu'une élimination progressive et non pas immédiate de la concurrence.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 381, 428)

30. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus d'octroi d'une licence pour l'utilisation d'un produit couvert par un droit de propriété intellectuelle - Conditions - Refus de nature à éliminer toute concurrence effective

Aux fins de l'application de l'article 82 CE, les expressions "risque d'élimination de la concurrence" et "de nature à éliminer toute concurrence" sont indistinctement utilisées par le juge communautaire en vue de refléter la même idée, à savoir celle selon laquelle l'article 82 CE ne s'applique pas uniquement à partir du moment où il n'existe plus, ou presque plus, de concurrence sur le marché. Si la Commission devait être obligée d'attendre que les concurrents soient éliminés du marché, ou qu'une telle élimination soit suffisamment imminente, avant de pouvoir intervenir en vertu de cette disposition, cela irait manifestement à l'encontre de l'objectif de celle-ci qui est de préserver une concurrence non faussée dans le marché commun et, notamment, de protéger la concurrence encore existante sur le marché en cause.

S'agissant d'un refus de la part d'une entreprise en position dominante d'octroyer une licence sur le marché des systèmes d'exploitation pour serveurs de groupe de travail, la Commission est d'autant plus fondée à faire application de l'article 82 CE avant que l'élimination de la concurrence se soit pleinement matérialisée que ce marché se caractérise par d'importants effets de réseau et qu'une telle élimination serait donc difficilement réversible.

Il n'est pas nécessaire de démontrer l'élimination de toute présence concurrentielle sur le marché. Ce qui importe, en effet, aux fins de l'établissement d'une violation de l'article 82 CE, c'est que le refus en cause risque de, ou soit de nature à, éliminer toute concurrence effective sur le marché. Il y a lieu de préciser, à cet égard, que le fait que les concurrents de l'entreprise en position dominante restent présents de manière marginale sur certaines "niches" du marché ne saurait suffire pour conclure à l'existence d'une telle concurrence.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 561-563, 593)

31. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus d'octroi d'une licence pour l'utilisation d'un produit couvert par un droit de propriété intellectuelle - Conditions - Limitation du développement technique - Pratique causant un préjudice aux consommateurs

La circonstance selon laquelle le comportement reproché à une entreprise en position dominante empêche l'apparition d'un produit nouveau sur le marché est à prendre en considération dans le contexte de l'article 82, second alinéa, sous b), CE, lequel interdit les pratiques abusives consistant à "limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs".

La circonstance relative à l'apparition d'un produit nouveau ne saurait constituer l'unique paramètre permettant de déterminer si un refus de donner en licence un droit de propriété intellectuelle est susceptible de porter préjudice aux consommateurs au sens de l'article 82, second alinéa, sous b), CE. Ainsi qu'il ressort du libellé de cette disposition, un tel préjudice peut survenir en présence d'une limitation non seulement de la production ou des débouchés, mais aussi du développement technique.

L'article 82 CE vise non seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice direct aux consommateurs, mais également celles qui leur causent un préjudice indirect en portant atteinte à une structure de concurrence effective.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 643, 647, 664)

32. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus d'octroi d'une licence pour l'utilisation d'un produit couvert par un droit de propriété intellectuelle - Justification objective - Notion - Charge de la preuve

Si la charge de la preuve quant à l'existence des circonstances constitutives d'une violation de l'article 82 CE repose sur la Commission, c'est toutefois à l'entreprise dominante concernée, et non à la Commission, qu'il incombe, le cas échéant, et avant la fin de la procédure administrative, de faire valoir une éventuelle justification objective et d'avancer, à cet égard, des arguments et des éléments de preuve. Il appartient ensuite à la Commission, si elle entend conclure à l'existence d'un abus de position dominante, de démontrer que les arguments et les éléments de preuve invoqués par ladite entreprise ne sauraient prévaloir et, partant, que la justification présentée ne saurait être accueillie.

Le seul fait qu'un produit soit couvert par des droits de propriété intellectuelle ne saurait constituer une justification objective du refus d'octroyer une licence. En effet, si la simple détention de droits de propriété intellectuelle pouvait constituer en elle-même une justification objective d'un tel refus, l'exception établie par la jurisprudence ne pourrait jamais trouver à s'appliquer.

Il incombe ainsi à une entreprise en position dominante qui soutient que le fait de donner accès aux tiers à une technologie couverte par des droits de propriété intellectuelle a une incidence négative importante sur ses incitations à innover de le démontrer.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 688-690, 697, 1144)

33. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus d'octroi d'une licence pour l'utilisation d'un produit couvert par un droit de propriété intellectuelle - Refus d'une entreprise en position dominante de fournir à des entreprises concurrentes des informations sur l'interopérabilité de produits logiciels - Mesure corrective - Obligation de divulgation par l'entreprise des informations relatives à l'interopérabilité - Conditions

Lorsque la Commission sanctionne la violation de l'article 82 CE et ordonne à une entreprise en position dominante de divulguer les "informations relatives à l'interopérabilité" aux entreprises souhaitant développer et distribuer des systèmes d'exploitation pour serveurs de groupe de travail et d'autoriser ces dernières à utiliser ces informations "à des conditions raisonnables et non discriminatoires", cela n'empêche nullement l'entreprise sanctionnée de donner accès à ces informations au moyen d'une licence si les informations sollicitées se rapportent à une technologie faisant l'objet d'un brevet ou couverte par un autre droit de propriété intellectuelle.

Le fait qu'il soit exigé que les conditions auxquelles seront soumises ces éventuelles licences soient raisonnables et non discriminatoires ne signifie nullement que l'entreprise en position dominante doit imposer des conditions identiques à toute entreprise demanderesse de telles licences. Il n'est, en effet, pas exclu que ces conditions puissent être adaptées aux situations propres à chacune de ces entreprises et dépendent, par exemple, de l'étendue des informations auxquelles elles souhaitent avoir accès ou du type de produits dans lesquels elles ont l'intention de les implémenter.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 808, 810, 811)

34. Concurrence - Position dominante - Abus - Vente liée - Conditions

Pour décider que le comportement d'une entreprise en position dominante constitue une vente liée abusive, la Commission peut à bon droit se fonder sur les quatre éléments suivants : premièrement, le produit liant et le produit lié sont deux produits distincts; deuxièmement, l'entreprise concernée détient une position dominante sur le marché du produit liant; troisièmement, ladite entreprise ne donne pas aux consommateurs le choix d'obtenir le produit liant sans le produit lié; quatrièmement, la pratique en cause restreint la concurrence. La Commission tient également compte du fait que la vente liée est dépourvue de justification objective.

Une telle justification ne saurait tenir aux avantages qui résulteraient du fait qu'une vente liée garantirait la présence uniforme d'un produit sur le marché. En effet, il ne saurait être admis que ce résultat soit imposé unilatéralement par une entreprise en position dominante par le biais de ventes liées.

L'énumération des pratiques abusives figurant à l'article 82 CE n'étant pas limitative, une vente liée pratiquée par une entreprise en position dominante peut violer l'article 82 CE même lorsqu'elle ne correspond pas à l'exemple mentionné à l'article 82, second alinéa, sous d), CE. Dès lors, pour constater l'existence d'une vente liée abusive, la Commission est en droit de se fonder sur l'article 82 CE dans son ensemble, et non exclusivement sur l'article 82, second alinéa, sous d), CE.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 842, 843, 852, 859-861, 1151, 1152)

35. Concurrence - Position dominante - Abus - Vente liée - Conditions - Effet restrictif de concurrence - Vente liée d'un lecteur multimédia et d'un système d'exploitation pour ordinateurs personnels clients

Même s'il est vrai que ni l'article 82, second alinéa, sous d), CE ni, plus généralement, l'article 82 CE ne contiennent une référence à l'effet anticoncurrentiel de la pratique visée, il n'en demeure pas moins que, par principe, un comportement ne sera considéré comme abusif que s'il est susceptible de restreindre la concurrence.

Aux fins de l'application de l'article 82 CE en matière de ventes liées, la Commission peut examiner les effets concrets qu'une vente liée a eus sur le marché ainsi que la manière dont celui-ci est appelé à évoluer, plutôt que de se contenter de considérer - comme elle le fait normalement dans les affaires en matière de ventes liées abusives - que ladite vente liée a un effet d'exclusion sur le marché per se, cela ne signifiant pas qu'elle a adopté une nouvelle théorie juridique.

Le fait, pour une entreprise en position dominante sur le marché des systèmes d'exploitation pour ordinateurs personnels clients, de coupler un lecteur multimédia permettant une réception en continu au système d'exploitation pour ordinateurs personnels clients - lequel système d'exploitation est préinstallé sur la grande majorité des ordinateurs personnels clients vendus dans le monde - sans qu'il soit possible de retirer le premier du second, permet au lecteur multimédia de bénéficier de l'omniprésence dudit système d'exploitation sur les ordinateurs personnels clients, omniprésence que les autres modes de distribution des lecteurs multimédias ne peuvent contrebalancer. La vente liée confère ainsi au lecteur multimédia une présence sans équivalent sur les ordinateurs personnels clients dans le monde en ce qu'elle permet à ce lecteur multimédia d'obtenir automatiquement un niveau de pénétration sur le marché correspondant à celui du système d'exploitation pour ordinateurs personnels clients de l'entreprise en position dominante, et ce sans devoir concurrencer par les mérites les produits concurrents. Une telle vente liée est en outre susceptible d'avoir une influence non négligeable sur les fournisseurs de contenu et les concepteurs de logiciels, le marché des lecteurs multimédias permettant une réception en continu se caractérisant par d'importants effets de réseau indirects.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 867, 1035, 1036, 1038, 1058, 1060, 1061)

36. Concurrence - Position dominante - Abus - Vente liée - Conditions - Existence de produits distincts

La question de savoir si des produits sont distincts aux fins d'une analyse au titre de l'article 82 CE doit être appréciée en tenant compte de la demande des consommateurs. En l'absence de demande indépendante pour le produit prétendument lié, il ne saurait être question de produits distincts ni, partant, d'une vente liée abusive.

Des produits complémentaires peuvent constituer des produits distincts aux fins de l'application de l'article 82 CE.

Le fait qu'il y ait, sur le marché, des sociétés indépendantes spécialisées dans la fabrication et la vente du produit lié constitue un indice sérieux de l'existence d'un marché distinct pour ce produit.

Le fait qu'une vente liée intervienne sous la forme d'une intégration technique d'un produit dans un autre n'a pas pour conséquence que, du point de vue de l'appréciation de son impact sur le marché, cette intégration ne puisse être qualifiée de vente liée de deux produits distincts.

En outre, même lorsque la vente liée de deux produits est conforme aux usages commerciaux ou lorsqu'il existe un lien naturel entre les deux produits en question, elle peut néanmoins constituer un abus au sens de l'article 82 CE, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée.

S'agissant de systèmes d'exploitation pour ordinateurs personnels clients, d'une part, et des lecteurs multimédias permettant une réception en continu, d'autre part, il y a lieu de considérer qu'ils constituent deux produits distincts aux fins de l'application de l'article 82 CE, au vu de la nature et des caractéristiques techniques des produits concernés, des faits observés sur le marché, de l'historique du développement desdits produits ainsi que de la pratique commerciale de l'entreprise en position dominante sur le marché des systèmes d'exploitation pour ordinateurs personnels clients.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 917, 918, 921, 922, 925, 927, 933, 935, 942, 1341)

37. Concurrence - Position dominante - Abus - Vente liée - Conditions - Imposition de prestations supplémentaires

En matière de ventes liées, il ne ressort ni de l'article 82, second alinéa, sous d), CE ni de la jurisprudence que les consommateurs doivent nécessairement payer un certain prix pour le produit lié pour qu'il puisse être considéré que des prestations supplémentaires sont imposées à ceux-ci au sens de cette disposition.

Par ailleurs, ni l'article 82, second alinéa, sous d), CE ni la jurisprudence en matière de ventes liées n'exigent que les consommateurs soient contraints d'utiliser le produit lié ou empêchés d'utiliser le même produit fourni par un concurrent de l'entreprise dominante pour que la condition tenant au fait de subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation de prestations supplémentaires puisse être considérée comme étant remplie.

Arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission (T-201/04, Rec._p._II-3601) (cf. points 969, 970)

38. Concurrence - Position dominante - Abus - Effet de ciseaux tarifaire - Notion - Critères d'appréciation

Le caractère abusif des pratiques de prix d'une entreprise dominante revêtant la forme d'un effet de ciseaux tarifaire est lié au caractère non équitable de l'écart entre son prix de détail pour le produit dérivé sur le marché en aval et son prix pour la matière première qu'elle fournit à ses concurrents sur le marché en amont, lorsque la différence entre ces prix est soit négative, soit insuffisante pour couvrir les coûts spécifiques de son propre produit dérivé. Il s'ensuit que, pour constater un tel abus, la Commission n'est pas tenue de démontrer que les prix de détail auraient été abusifs en tant que tels.

La Commission est en droit de fonder son analyse relative au caractère abusif des prix de l'entreprise dominante uniquement par référence à la situation spécifique de celle-ci et, partant, par référence à ses propres tarifs et coûts, et non par référence à la situation de ses concurrents actuels ou potentiels. Toute autre approche risquerait, en effet, de violer le principe général de sécurité juridique, car, si la légalité des pratiques tarifaires d'une entreprise dominante dépendait de la situation spécifique des entreprises concurrentes, notamment par la structure des coûts de celles-ci, qui sont des données qui ne sont généralement pas connues de l'entreprise dominante, cette dernière ne serait pas à même d'apprécier la légalité de ses propres comportements.

Pour apprécier l'existence de l'effet de ciseaux tarifaire, il y a lieu d'examiner si l'entreprise dominante elle-même, ou une entreprise aussi efficace qu'elle, aurait été en mesure de proposer le produit dérivé autrement qu'à perte, si elle avait été préalablement obligée d'acquitter le prix afférent à la matière première.

Arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom / Commission (T-271/03, Rec._p._II-477) (cf. points 166-167, 188, 191-194)

39. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Connaissance du caractère abusif de son comportement par l'entreprise dominante - Absence d'incidence

La notion d’exploitation abusive au sens de l’article 82 CE est une notion objective. La connaissance subjective du caractère abusif de son comportement par l’entreprise en position dominante ne constitue donc pas une condition d’application de l’article 82 CE.

Arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom / Commission (T-271/03, Rec._p._II-477) (cf. point 327)

40. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus de livrer des grossistes exportant vers d'autres États membres - Conditions - Refus de nature à éliminer toute concurrence effective

Le refus d'une entreprise disposant d’une position dominante sur le marché d’un produit donné de satisfaire les commandes passées par un client antérieur constitue une exploitation abusive de cette position dominante au sens de l’article 82 CE lorsque, sans aucune justification objective, ce comportement est de nature à éliminer la concurrence de la part d’un partenaire commercial. S’agissant du refus d’une entreprise de livrer ses produits dans un État membre à des grossistes qui exportent ces produits vers d’autres États membres, un tel effet sur la concurrence peut exister non seulement lorsque ce refus fait obstacle aux activités de ces grossistes sur le marché dudit État membre, mais également lorsqu’il conduit à éliminer la concurrence effective de ceux-ci dans la distribution de ces mêmes produits sur les marchés de ces autres États membres.

Arrêt du 16 septembre 2008, Sot. Lélos kai Sia (C-468/06 à C-478/06, Rec._p._I-7139) (cf. points 34-35)

41. Concurrence - Position dominante - Abus - Obligations incombant à l'entreprise dominante - Possibilité pour l'entreprise en position dominante de préserver ses intérêts commerciaux, à condition de ne pas renforcer sa position dominante ni d'en abuser - Délais d'ouverture d'un accès à un système informatique nécessaire aux services de compensation et de règlement primaires pour les valeurs mobilières émises selon le droit allemand

Si la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique en soi aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée, il lui incombe, indépendamment des causes d’une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. De même, si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, de tels comportements ne peuvent cependant être admis lorsqu'ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser.

Il résulte ainsi de la nature des obligations imposées par l’article 82 CE que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent donc être privées du droit d'adopter des comportements, ou d'accomplir des actes, qui ne sont pas en eux-mêmes abusifs et qui seraient même non condamnables s'ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes.

Constitue, à cet égard, un comportement abusif le fait, pour une entreprise en position dominante sur le marché de la fourniture de services de compensation et de règlement primaires pour les valeurs mobilières émises selon le droit allemand, de retarder l’accès direct d’une autre entreprise au système informatique nécessaire auxdits services.

Arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream / Commission (T-301/04, Rec._p._II-3155) (cf. points 132-133, 136)

42. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Absence de faute - Incidence de l'objectif des comportements abusifs

La notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. Dès lors, le comportement d'une entreprise en position dominante peut être considéré comme abusif, au sens de l'article 82 CE, en dehors de toute faute. Par conséquent, le fait qu’une entreprise en position dominante n'a poursuivi aucun but anti-concurrentiel est sans incidence sur la qualification juridique des faits. Dans ce contexte, l'établissement de l'objectif des actions litigieuses de ladite entreprise en position dominante peut renforcer la conclusion de l'existence d'un abus de position dominante, mais n'en est pas une condition.

Arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream / Commission (T-301/04, Rec._p._II-3155) (cf. points 140-142)

43. Concurrence - Position dominante - Abus - Refus discriminatoire d'accès aux services de compensation et de règlement primaires pour les valeurs mobilières émises selon le droit allemand - Effets restrictifs de la concurrence sur le marché des services transfrontaliers de compensation et de règlement secondaires des valeurs mobilières

Pour conclure à l’existence d’un abus au sens de l’article 82 CE dans le cas d’un refus de service, il faut que ce dernier soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de la part du demandeur du service, que ce refus ne puisse être objectivement justifié et que le service en lui-même soit indispensable à l’exercice de l’activité du demandeur. Un produit ou un service est considéré comme essentiel ou indispensable s’il n’existe aucun substitut réel ou potentiel. Par ailleurs, le critère de l’élimination de toute concurrence n’impose pas que la Commission établisse l’élimination de toute présence concurrentielle sur le marché mais seulement un risque d’élimination de toute concurrence effective sur celui-ci.

Constitue, à cet égard, un abus de position dominante au sens de l’article 82 CE le fait, pour une entreprise en position dominante sur le marché de la fourniture de services de compensation et de règlement primaires pour les valeurs mobilières émises selon le droit allemand, qui détient un monopole de fait sur ledit marché et constitue donc un partenaire commercial incontournable en matière de fourniture desdits services, de refuser de façon discriminatoire à une autre entreprise l’accès auxdits services, alors que celui-ci est indispensable à la fourniture de services transfrontaliers de compensation et de règlement secondaires de titres, en nuisant ainsi, sans justification objective, à l’innovation et à la concurrence dans la fourniture desdits services transfrontaliers et en fin de compte aux consommateurs dans le marché unique.

Arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream / Commission (T-301/04, Rec._p._II-3155) (cf. points145-150)

44. Concurrence - Position dominante - Abus - Application de conditions inégales à des prestations équivalentes - Nécessité de prouver l'existence d'une distorsion effective de la concurrence - Absence

L'interdiction spécifique de la discrimination visée à l'article 82, second alinéa, sous c), CE fait partie du régime assurant, conformément à l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur. Le comportement commercial de l'entreprise en position dominante ne doit pas fausser la concurrence sur un marché situé en amont ou en aval, c'est-à-dire la concurrence entre fournisseurs ou entre clients de cette entreprise. Les cocontractants de ladite entreprise ne doivent pas être favorisés ou défavorisés sur le terrain de la concurrence qu'ils se livrent entre eux. Par conséquent, il importe, pour que les conditions d'application de l'article 82, second alinéa, sous c), CE soient réunies, de constater que le comportement de l'entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu'il tend à fausser ce rapport de concurrence, c'est-à-dire à entraver la position concurrentielle d'une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres.

À cet égard, rien ne s'oppose à ce que la discrimination de partenaires commerciaux qui se trouvent dans un rapport de concurrence puisse être considérée comme abusive dès l'instant où le comportement de l'entreprise en position dominante tend, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à conduire à une distorsion de concurrence entre ces partenaires commerciaux. Dans une telle situation, il ne saurait être exigé que soit apportée en outre la preuve d'une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des partenaires commerciaux pris individuellement.

Arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream / Commission (T-301/04, Rec._p._II-3155) (cf. points 192-193)