1. Concurrence - Réglementation communautaire - Entreprises - Infractions à l'article 85 ou 86 du traité CEE - Pluralité - Décision unique de la Commission - Admissibilité
Rien n'interdit à la Commission de statuer par une décision unique sur plusieurs infractions aux articles 85 ou 86 du traité CEE, même si certains destinataires sont étrangers à certaines de ces infractions, à condition que la décision permette à tout destinataire de dégager avec précision les griefs retenus à son égard.
2. Concurrence - Réglementation communautaire - Entreprises - Infractions à l'article 85 ou 86 du traité CEE - Constatation - Destinataires - Définition
En vue de définir les personnes faisant l'objet d'une décision constatant une infraction aux articles 85 ou 86 du traité, il convient de s'en tenir au dispositif de cette décision, lorsque celui-ci ne prête pas au doute.
3. Acte d'une institution - Décision - Communication - Régime linguistique
Les institutions de la Communauté sont tenues de communiquer à toute entreprise destinataire d'une décision le texte de celle-ci dans la langue de l'État membre dont cette entreprise relève. Lorsque cette exigence est remplie, le fait que la Commission ait notifié la décision à une entreprise également dans d'autres langues, n'est pas de nature à mettre en cause sa validité.
4. Concurrence - Ententes - Notification - Décision de classement de la Commission - Nature juridique - Incidence sur l'appréciation par les juridictions nationales de l'accord litigieux
Ne constitue ni une décision d'attestation négative ni une décision d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, au sens des articles 2 et 6 du règlement nº 17, une lettre administrative, expédiée sans que les mesures de publicité prévues par ledit règlement aient été effectuées et portant à la connaissance de l'entreprise intéressée l'opinion de la Commission qu'il n'y a pas lieu, pour elle, d'intervenir à l'égard d'accords déterminés et que l'affaire peut, dès lors, être classée.
Une telle lettre n'a pas pour effet d'empêcher les juridictions nationales, devant lesquelles l'incompatibilité des accords en cause avec l'article 85 du traité est invoquée, de porter, en fonction des éléments dont elles disposent, une appréciation différente sur les accords concernés. Si elle ne lie pas les juridictions nationales, l'opinion communiquée dans une telle lettre constitue néanmoins un élément de fait que les juridictions nationales peuvent prendre en compte dans leur examen de la conformité des accords en cause avec les dispositions de l'article 85.
Arrêt du 10 juillet 1980, Marty / Lauder (37/79, Rec._p._02481) (cf. al. 9-10, disp. 1)
Arrêt du 10 juillet 1980, Lancôme / Etos (99/79, Rec._p._02511) (cf. al. 10-11)
Une lettre signée par un fonctionnaire de la Commission indiquant qu'il n'y a aucune raison pour celle-ci d'intervenir au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE contre un système de distribution qui lui à été notifie, n'est pas opposable aux tiers et ne lié pas les juridictions nationales. Elle constitue seulement un élément de fait dont les juridictions nationales peuvent tenir compte dans leur examen de la compatibilité du système en cause avec le droit communautaire.
Arrêt du 11 décembre 1980, L'Oréal / De Nieuwe AMCK (31/80, Rec._p._03775)
5. Concurrence - Procédure administrative - Décision unique statuant sur plusieurs infractions - Admissibilité
Rien n'interdit à la Commission de statuer par une décision unique sur plusieurs infractions à l'article 85 du traité CEE, à condition que la décision permette à tout destinataire de dégager avec précision les griefs retenus à son égard.
6. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Engagement d'une procédure en constatation d'infraction aux règles de concurrence - Communication des griefs - Exclusion
Ni l'engagement d'une procédure en constatation d'infractions aux règles communautaires de concurrence, ni une communication des griefs ne sauraient être considérés, de par leur nature et leurs effets juridiques, comme des décisions au sens de l'article 173 du traité CEE contre lesquelles un recours en annulation est ouvert. Dans le cadre de la procédure administrative telle qu'elle est organisée par les règlements nº 17 et nº 99/63, ils constituent des actes de procédure, préparatoires par rapport à la décision qui en constitue le terme ultime.
Arrêt du 11 novembre 1981, IBM / Commission (60/81, Rec._p._02639) (cf. al. 21)
7. Concurrence - Ententes - Notification - Dispense - Conditions - Accords ne concernant ni l'importation ni l'exportation entre États membres - Notion.
La condition qu'un accord ne concerne ni l'importation ni l'exportation entre États membres, à laquelle l'article 4, paragraphe 2, du règlement nº 17 subordonné la dispense de notification de cet accord, doit s'interpréter en fonction de l'économie de l'article 4 et des objectifs de simplification administrative qu'il poursuit en n'obligeant pas les entreprises à notifier des contrats qui, tout en pouvant relever de l'article 85, paragraphe 1, du traité, apparaissent, de façon générale, en raison de leurs particularités, comme moins nocifs au regard des objectifs de cette disposition.
Tel n'est pas le cas d'un accord, qui vise à restreindre sensiblement les importations parallèles dans un État membre et tend ainsi à isoler le marché national d'une façon incompatible avec les principes fondamentaux du marché commun.
8. Concurrence - Procédure administrative - Décision unique statuant sur une série d'agissements illicites non uniformément imputables à toutes les entreprises destinataires - Admissibilité - Condition - Possibilité pour chaque entreprise d'identifier les griefs retenus à son encontre
Rien n'interdit à la Commission de statuer par une décision unique sur une série de violations de l'article 85 du traité auxquelles les différentes entreprises destinataires n'ont pas participé de manière identique, à condition que la décision permette à chaque destinataire de dégager avec précision les griefs retenus à son égard.
Arrêt du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc / Commission (T-1/89, Rec._p._II-867) (cf. al. 131)
Arrêt du 10 mars 1992, Solvay / Commission (T-12/89, Rec._p._II-907) (cf. al. 276)
9. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Adoption sur habilitation dans une langue faisant foi - Atteinte au principe de collégialité - Illégalité
Une décision constatant une infraction à l'article 85 du traité, émettant des injonctions à l'égard de plusieurs entreprises, leur infligeant des sanctions pécuniaires importantes et valant titre exécutoire à cet effet, affecte de façon caractérisée les droits et obligations de ces entreprises ainsi que leur patrimoine. L'adoption, dans la langue faisant foi, d'une telle décision ne saurait dès lors être regardée comme une simple mesure d'administration ou de gestion pouvant être adoptée sur habilitation par un seul commissaire, sans méconnaître directement le principe de collégialité expressément rappelé à l'article 27 du règlement intérieur de la Commission.
10. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Décision non signée et établie après l'expiration du mandat du commissaire ayant signé les lettres d'accompagnement - Illégalité
Un commissaire peut signer les lettres d'accompagnement de la décision constatant une infraction à l'article 85 du traité arrêtée par la Commission, en vue de sa notification à ses destinataires et de sa publication au Journal officiel, dans les conditions prévues par l'article 12, troisième alinéa, du règlement intérieur de la Commission. Toutefois, une telle signature, apposée le jour de l'expiration du mandat du commissaire, ne purge pas le vice d'incompétence dont est entaché l'acte, s'il est établi que sa date d'établissement est postérieure à la date d'expiration du mandat du commissaire. Par suite, est entaché d'illégalité, pour incompétence ratione temporis de son auteur, un acte sur lequel aucune autorité n'a apposé une signature manuscrite et dont il ressort de l'instruction qu'il a été définitivement établi au plus tôt après l'expiration du mandat du commissaire.
11. Concurrence - Règles communautaires - Décision de la Commission constatant une infraction - Décision se fondant sur des éléments n'ayant pas tous été établis à suffisance de droit - Réformation par le juge - Exclusion - Annulation partielle - Conditions
Si, dans le cadre du contrôle juridictionnel des actes de l'administration communautaire, le juge communautaire peut prononcer l'annulation partielle d'une décision de la Commission dans le domaine de la concurrence, cela n'implique pas pour autant qu'il ait compétence pour réformer la décision litigieuse. L'appropriation d'une telle compétence pourrait, d'une part, perturber l'équilibre institutionnel prévu par le traité et risquerait, d'autre part, de porter atteinte aux droits de la défense en privant les entreprises concernées par la décision des garanties procédurales prévues aux règlements nºs 17 et 99/63.
L'annulation partielle elle-même suppose que certaines conditions soient remplies. Il faut, en effet, que le juge, s'il entend la prononcer, s'assure au préalable que la portée du dispositif de la décision, lu à la lumière des motifs de celle-ci, est susceptible de faire l'objet d'une limitation ratione materiae, ratione personae ou ratione temporis, de manière à ce que ses effets soient limités sans pour autant que sa substance soit modifiée; que la preuve de l'infraction ainsi limitée peut se fonder sur une appréciation suffisante du marché dans la motivation de la décision; et que la ou les entreprises concernées ont été mises en mesure de répondre utilement au grief ainsi défini.
12. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Contestation - Nature des preuves à administrer devant le juge communautaire
Lorsque la Commission a conclu à une infraction aux règles de concurrence du traité sur la base d'indices et lorsque son raisonnement est fondé sur une supposition, il suffit au requérant qui conteste l'infraction d'établir des circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et permettent ainsi de substituer une autre explication des faits à celle retenue par celle-ci.
En revanche, lorsque la Commission a motivé sa conclusion par un raisonnement construit à partir d'éléments de fait précis, il appartient au requérant de démontrer l'inexactitude des appréciations auxquelles elle s'est livrée.
Arrêt du 2 mars 1994, Hilti / Commission (C-53/92 P, Rec._p._I-667) (cf. points 33-38)
13. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision d'application des règles de concurrence - Décision concernant une pluralité de destinataires - Désignation de l'entité devant supporter la charge d'une infraction - Motivation défectueuse - Possibilité de caractériser la défectuosité en tant que simple erreur matérielle - Conditions
Lorsqu'elle concerne une pluralité de destinataires et que se pose un problème d'imputabilité de l'infraction, une décision d'application des règles de concurrence du traité doit comporter une motivation suffisante à l'égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux qu'elle désigne comme devant supporter la charge de cette infraction.
Cette motivation doit être particulièrement circonstanciée lorsque, au cours de la procédure administrative, la société à laquelle la décision finale inflige une amende a invoqué plusieurs raisons pour contester que l'infraction pût lui être imputée et que la Commission n'a pas clarifié sa position sur ce point.
En particulier, pour qu'une décision de la Commission en matière de concurrence, tout en se bornant, dans ses motifs, à désigner, comme auteur d'une infraction, l'entité juridique qui existait antérieurement à la date du rachat de ses actifs par une autre entreprise, puisse légalement imputer la responsabilité de cette infraction au repreneur de cette entreprise, il est nécessaire qu'il n'y ait contestation ni sur l'identité de l'entité juridique successeur, ni sur le caractère effectif de la poursuite, par cette entité, de l'activité exercée par l'entreprise concernée à l'origine du litige.
La Commission ne saurait mettre une motivation défectueuse au regard des exigences du traité sur le compte d'une erreur matérielle que si elle établit cette dernière avec une certitude suffisante. Tel n'est pas le cas lorsqu'elle ne fait état d'une telle erreur qu'au stade ultime de l'instruction de l'affaire devant le juge communautaire et n'a pas notifié en bonne et due forme au destinataire de la décision un rectificatif émanant de son auteur.
Il en est d'autant plus ainsi lorsque l'erreur alléguée concerne, d'une part, le dispositif même de la décision attaquée et, d'autre part, l'identité même de ses destinataires, c'est-à-dire de ceux qui sont condamnés au paiement de l'amende infligée, points pour lesquels s'impose un respect scrupuleux du principe de sécurité juridique.
Est entaché d'un défaut de motivation le dispositif d'une décision qui impute à une société la responsabilité d'une infraction, tout en désignant comme auteur de celle-ci une autre société, au seul motif qu'elle aurait repris les actifs d'une société qui elle-même n'est pas identifiée en tant qu'auteur de l'infraction.
Arrêt du 28 avril 1994, AWS Benelux / Commission (T-38/92, Rec._p._II-211) (cf. points 26-27, 30-34)
14. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Motivation - Obligation incombant au collège - Modification après adoption - Illégalité
Le respect du principe de collégialité, et spécialement la nécessité que les décisions soient délibérées en commun, intéresse nécessairement les sujets de droit concernés par les effets juridiques qu'elles produisent, en ce sens qu'ils doivent être assurés que ces décisions ont été effectivement prises par le collège et correspondent exactement à la volonté de ce dernier.
Tel est le cas, en particulier, des actes, qualifiés expressément de décisions, que la Commission est amenée à prendre à l'égard des entreprises ou associations d'entreprises en vue du respect des règles de concurrence et qui ont pour objet de constater une infraction à ces règles, d'émettre des injonctions à l'égard de ces entreprises et de leur infliger des sanctions pécuniaires.
De telles décisions doivent être obligatoirement motivées en vertu de l'article 190 du traité CEE qui exige que la Commission expose les raisons qui l'ont amenée à arrêter une décision, afin de permettre à la Cour d'exercer son contrôle et de faire connaître tant aux États membres qu'aux personnes physiques ou morales intéressées les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité. Le dispositif et la motivation d'une décision constituant un tout indivisible, c'est uniquement au collège qu'il appartient, en vertu du principe de collégialité, d'adopter à la fois l'un et l'autre. Cela implique que seules des adaptations purement orthographiques ou grammaticales peuvent encore être apportées, par les services de la Commission, au texte d'un acte après son adoption formelle par le collège, toute autre modification étant du ressort exclusif de ce dernier.
Arrêt du 15 juin 1994, Commission / BASF e.a. (C-137/92 P, Rec._p._I-2555) (cf. points 64-68)
Le respect au sein de la Commission du principe de collégialité, et spécialement la nécessité que les décisions soient délibérées par l'ensemble des membres, intéresse nécessairement les sujets de droit concernés par les effets juridiques que produisent ces décisions, en ce sens que leurs destinataires doivent être assurés que ces décisions ont été effectivement adoptées par le collège et correspondent exactement à la volonté de ce dernier.
Tel est particulièrement le cas des actes, qualifiés expressément de décisions, que la Commission est amenée à prendre à l'égard des entreprises ou des associations d'entreprises, en vue d'assurer le respect des règles de concurrence, et qui ont pour objet de constater une infraction à ces règles, d'émettre des injonctions à l'égard de ces entreprises et de leur infliger des sanctions pécuniaires.
De telles décisions doivent être obligatoirement motivées en vertu de l'article 190 du traité, qui exige que la Commission expose les raisons qui l'ont amenée à arrêter une décision, afin de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle et de faire connaître tant aux États membres qu'aux ressortissants intéressés les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité. Le dispositif et la motivation d'une décision constituant un tout indivisible, c'est uniquement au collège qu'il appartient, en vertu du principe de collégialité, d'adopter à la fois l'un et l'autre. Cela implique que seules des adaptations purement orthographiques ou grammaticales peuvent encore être apportées au texte d'un acte, après son adoption formelle par le collège, toute autre modification étant du ressort exclusif de ce dernier.
15. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Adoption sur habilitation - Atteinte au principe de collégialité - Illégalité
Les décisions de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence du traité ne peuvent, sans violer le principe de collégialité, faire l'objet d'une habilitation, au sens de l'article 27 de son règlement intérieur, en faveur du membre responsable de la politique de la concurrence.
Arrêt du 15 juin 1994, Commission / BASF e.a. (C-137/92 P, Rec._p._I-2555) (cf. point 71)
16. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'infraction et de sa durée à la charge de la Commission
L'exigence de sécurité juridique, dont doivent bénéficier les opérateurs économiques, implique que, lorsqu'il y a litige sur l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, la Commission, qui a la charge de la preuve des infractions qu'elle constate, avance des éléments de preuve propres à établir, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs de l'infraction. S'agissant de la durée alléguée d'une infraction, le même principe de sécurité juridique impose que, en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée de l'infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon à ce qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.
Arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger / Commission (T-43/92, Rec._p._II-441) (cf. point 79)
Il appartient à la Commission de prouver non seulement l'existence d'un accord anticoncurrentiel, mais aussi la durée de celui-ci.
Eu égard au système d'établissement de l'infraction retenu dans la décision attaquée, selon lequel, d'une part, la participation d'une partie à une mesure de mise en oeuvre de l'accord constituait la preuve de son adhésion à cet accord et, d'autre part, la Commission avait choisi de se fonder uniquement sur des preuves documentaires directes pour établir l'accord et ses mesures de mise en oeuvre ainsi que la participation de chaque partie à ceux-ci, la Commission ne pouvait, à défaut de telles preuves documentaires directes, présumer la continuité de l'adhésion d'une partie à l'accord au-delà de sa dernière participation prouvée à une mesure de mise en oeuvre de cet accord.
17. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Motivation - Obligation - Portée
Les décisions de la Commission qui ont pour objet de constater une infraction aux règles de concurrence, d'émettre des injonctions et d'infliger des sanctions pécuniaires doivent être obligatoirement motivées en vertu de l'article 190 du traité, qui exige que la Commission expose les raisons qui l'ont amenée à arrêter une décision, afin de permettre à la Cour et au Tribunal d'exercer leur contrôle et de faire connaître tant aux États membres qu'aux ressortissants intéressés les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité. Par ailleurs, il ne saurait être exigé de la Commission qu'elle discute tous les points de fait ou de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative.
18. Concurrence - Ententes - Notification - Décision de classement de la Commission - Nature juridique - Ouverture ultérieure d'une procédure d'infraction - Conditions
Une lettre administrative portant à la connaissance d'une entreprise ayant notifié un modèle des accords de livraison conclus avec ses distributeurs détaillants l'opinion de la Commission qu'il n'y a pas lieu, pour elle, au vu des éléments en sa possession, d'intervenir à l'égard desdits accords et que l'affaire peut, dès lors, être classée, ne constitue ni une décision d'attestation négative ni une décision d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, au sens des articles 2 et 6 du règlement nº 17, dès lors qu'elle n'a pas été expédiée conformément aux dispositions dudit règlement. Elle n'empêche donc pas la Commission, saisie d'une plainte qu'elle est tenue d'examiner, d'ouvrir, en usant d'une faculté qu'elle s'était réservée, une procédure afin d'apprécier la compatibilité de ces accords avec les règles de concurrence, s'il lui apparaît que certains éléments de droit ou de fait sur lesquels se fondait sa première appréciation se sont modifiés sensiblement.
Arrêt du 8 juin 1995, Langnese-Iglo / Commission (T-7/93, Rec._p._II-1533) (cf. points 36-41)
Arrêt du 8 juin 1995, Schöller / Commission (T-9/93, Rec._p._II-1611) (cf. points 110-115)
19. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Infraction commise par une filiale d'un groupe d'entreprises - Décision adressée à la société mère - Invocation par celle-ci d'un moyen tiré d'une erreur quant au bon destinataire de la décision - Recevabilité - Absence d'incidence des considérations pécuniaires
Une entreprise désignée dans le dispositif d'une décision de la Commission comme ayant participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité a, à ce titre, un intérêt légitime à contester cette constatation indépendamment de toute considération pécuniaire, car ladite constatation est, à tout le moins, susceptible de porter atteinte à sa réputation. Dès lors, elle est recevable à soutenir que la décision aurait dû être adressée à la société associée dont elle a par la suite pris le contrôle, même si elle admet qu'elle couvrira la responsabilité de cette société si une amende est finalement infligée à celle-ci.
Arrêt du 14 mai 1998, Mo och Domsjö / Commission (T-352/94, Rec._p._II-1989) (cf. points 76-78)
20. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Infractions commises par les filiales d'un groupe d'entreprises - Décision adressée à la société mère eu égard à son attitude durant la procédure administrative - Invocation par celle-ci d'un moyen tiré d'une erreur quant au bon destinataire de la décision - Recevabilité
Une entreprise qui, à la suite des demandes de renseignements adressées au titre de l'article 11 du règlement nº 17 à plusieurs de ses filiales, fait savoir qu'elle représente l'ensemble du groupe, tout en maintenant une attitude ambiguë durant la phase administrative devant la Commission, et qui, étant le destinataire de la communication des griefs de la Commission, décide de ne pas prendre position sur l'allégation explicite de la Commission relative à sa responsabilité du fait des agissements anticoncurrentiels de ses filiales, est recevable à invoquer, à l'encontre de la décision finale de la Commission, un moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas le bon destinataire de celle-ci, même si la Commission était en droit de déduire de son attitude que tel était le cas.
En effet, si la reconnaissance explicite ou implicite d'éléments de fait ou de droit par une entreprise durant la procédure administrative devant la Commission peut constituer un élément de preuve lors de l'appréciation du bien-fondé d'un recours juridictionnel, elle ne saurait limiter l'exercice même du droit de recours devant le Tribunal en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité. En l'absence de base légale expresse, une telle limitation serait contraire aux principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense.
21. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision constatant une infraction aux règles de concurrence - Accords d'importance mineure
Dans le cadre de la motivation des décisions d'application des règles de concurrence, si la Commission n'est pas obligée de discuter tous les points de fait et de droit ainsi que les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, elle est néanmoins tenue, en vertu de l'article 190 du traité, de mentionner les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision, afin de permettre au juge communautaire et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité. En outre, sauf circonstances exceptionnelles, une décision d'application des règles de concurrence doit comporter une motivation figurant dans son corps et ne peut être explicitée pour la première fois et a posteriori devant le juge.
Lorsque des accords horizontaux conclus entre des entreprises atteignent ou dépassent à peine le seuil de 5 % considéré par la Commission elle-même comme un seuil critique, susceptible de justifier l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, celle-ci est tenue de fournir une motivation suffisante à propos des éléments d'analyse, notamment sur les parts de marché des entreprises concernées, permettant de constater que les éléments essentiels de l'application de l'article 85 sont effectivement réunis, à moins qu'il ne s'agisse d'éléments non contestés par les parties pendant la procédure administrative préalable.
22. Concurrence - Ententes - Décision de classement de la Commission - Nature juridique - Ouverture ultérieure d'une procédure d'infraction - Prise en compte d'un élément de fait antérieur à la décision de classement - Conditions
Eu égard à la nature juridique d'une lettre administrative de classement, l'envoi d'une telle lettre, dans laquelle la Commission a pris soin de se réserver le droit de rouvrir la procédure si certains éléments de fait ou de droit sur lesquels se fondait son appréciation devaient se modifier sensiblement, ne saurait avoir pour conséquence que la Commission, lors de la réouverture effective de la procédure, ne serait plus autorisée à prendre en compte un élément de fait lorsque celui-ci existait déjà avant la délivrance de la lettre administrative, mais qu'il n'a été porté à sa connaissance que plus tard, notamment dans le cadre d'une plainte adressée ultérieurement.
23. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à l'annulation d'une première décision pour vice de procédure - Principe ne bis in idem - Violation - Absence
Lorsque la Cour a annulé pour défaut d'authentification une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence et infligeant des amendes, sans trancher aucun des moyens de fond invoqués par les entreprises requérantes, et que la Commission adopte une nouvelle décision à l'encontre desdites entreprises, en se limitant à réparer le vice formel censuré par la Cour, on ne saurait considérer que la Commission a poursuivi ces entreprises à deux reprises pour un même ensemble de faits ou qu'elle leur a fait supporter deux sanctions pour une même infraction en violation du principe non bis in idem.
Le principe non bis in idem, principe fondamental du droit communautaire, consacré par ailleurs par l'article 4, paragraphe 1, du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, interdit, en matière de concurrence, qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n'est plus susceptible de recours.
L'application de ce principe suppose donc qu'il a été statué sur la matérialité de l'infraction ou que la légalité de l'appréciation portée sur celle-ci a été contrôlée.
Ainsi, le principe non bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l'infraction, qui aurait pour conséquence l'imposition soit d'une seconde sanction, s'ajoutant à la première, dans l'hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d'une première sanction, dans l'hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde.
En revanche, il ne s'oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu'une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu'il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d'annulation ne valant pas alors "acquittement" au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s'ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.
24. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de la durée de l'infraction à la charge de la Commission
L'exigence de sécurité juridique, dont doivent bénéficier les opérateurs économiques, implique que, lorsqu'il y a litige sur l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence, la Commission avance des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.
Arrêt du 6 juillet 2000, Volkswagen / Commission (T-62/98, Rec._p._II-2707) (cf. point 188)
En l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), le principe de sécurité juridique impose que la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.
Arrêt du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri / Commission (T-21/99, Rec._p._II-1681) (cf. point 62)
S'agissant de la durée alléguée d'une infraction aux règles de concurrence, le principe de sécurité juridique impose que, en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée de l'infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon à ce qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.
25. Concurrence - Procédure administrative - Examen des plaintes - Décision de la Commission constatant une infraction - Principe de bonne administration - Manifestation prématurée par la Commission de sa croyance en l'existence de l'infraction - Manque d'impartialité dans l'appréciation des éléments de preuve - Effets
La matérialité d'une infraction aux règles de concurrence effectivement établie au terme de la procédure administrative ne saurait être mise en cause par la preuve d'une manifestation prématurée par la Commission, au cours de cette procédure, de sa croyance en l'existence de ladite infraction. Par ailleurs, dans la mesure où les éléments de fait retenus par la Commission dans la décision attaquée sont, pour l'essentiel, établis à suffisance de droit, la requérante ne saurait utilement avancer que la Commission a apprécié les documents saisis avec partialité ou a tiré des conclusions sur la base de présomptions gratuites.
Arrêt du 6 juillet 2000, Volkswagen / Commission (T-62/98, Rec._p._II-2707) (cf. points 270-271)
26. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Éléments de preuve devant être réunis - Degré de force probante nécessaire
Pour examiner si la Commission a commis des erreurs d'appréciation des faits en concluant que la requérante a commis des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), il y a lieu de vérifier si la Commission a réuni des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l'infraction alléguée a eu lieu.
Arrêt du 6 juillet 2000, Volkswagen / Commission (T-62/98, Rec._p._II-2707) (cf. point 43)
En ce qui concerne l'administration de la preuve d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction. L'existence d'un doute dans l'esprit du juge doit profiter à l'entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l'existence de l'infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d'un recours tendant à l'annulation d'une décision infligeant une amende.
II est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l'infraction a été commise.
Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l'infraction. Il suffit que le faisceau d'indices invoqué par l'institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.
S'agissant de l'administration de la preuve d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction. À cet égard, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l'existence de l'infraction.
Arrêt du 30 avril 2009, CD-Contact Data / Commission (T-18/03, Rec._p._II-1021) (cf. point 49)
27. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Injonction aux entreprises intéressées d'informer leurs clients de la possibilité de renégocier ou de résilier les contrats - Pratique décisionnelle inhabituelle de la Commission - Absence de mention dans la communication des griefs - Violation de l'obligation de motivation
Dans une décision constatant que les dispositions d'un accord entre compagnies maritimes portant fixation des prix et des conditions du transport maritime constituent une infraction aux règles de concurrence du traité, l'injonction adressée aux entreprises intéressées d'informer les clients avec lesquels elles ont conclu des contrats de service ou d'autres contrats dans le cadre dudit accord "qu'ils peuvent, s'ils le souhaitent, renégocier les clauses de ces contrats ou les résilier immédiatement", lorsqu'elle ne s'impose pas de manière évidente et ne correspond pas à la pratique décisionnelle habituelle de la Commission, implique pour cette dernière qu'elle développe son raisonnement d'une manière explicite.
Même si cette injonction peut être considérée comme étant nécessaire pour rétablir le respect du droit et s'inscrivant dans les limites du pouvoir de la Commission d'ordonner aux entreprises concernées, conformément à l'article 11 des règlements nºs 1017/68 et 4056/86, de "mettre fin à l'infraction constatée", en tout état de cause, la communication des griefs devait comprendre un exposé, même sommaire, mais formulé dans des termes suffisamment clairs, des mesures que la Commission envisageait de prendre pour mettre fin aux infractions et fournir tous les éléments nécessaires aux requérantes pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n'adopte une décision définitive sur ce point. Cette conclusion s'impose d'autant plus lorsque les contrats de service individuels représentent une part importante du chiffre d'affaires des entreprises intéressées et que l'obligation de renégocier avec les clients pourrait donc avoir des conséquences importantes pour ces entreprises, voire constituer une sanction plus grave qu'une amende.
28. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Incidence, sur la validité de la décision, d'actes postérieurs à son adoption mais antérieurs à sa notification - Absence
Des actes postérieurs à l'adoption, par la Commission, d'une décision infligeant une sanction pour infraction aux règles de concurrence ne peuvent pas affecter sa validité. Tel est le cas de la remarque péjorative concernant la réputation de l'entreprise incriminée, exprimée par un membre de l'équipe chargée d'instruire l'affaire en cause en violation du principe de bonne administration, dès lors que la décision de la Commission, bien que non encore notifiée à cette entreprise, a déjà été adoptée.
Arrêt du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri / Commission (T-31/99, Rec._p._II-1881) (cf. point 103)
29. Concurrence - Procédure administrative - Manifestation prématurée par la Commission de sa croyance en l'existence de l'infraction - Incidence sur la réalité de la preuve de l'infraction ultérieurement apportée - Absence
Lorsqu'il est établi qu'une entreprise a été impliquée dans une entente au niveau du groupe auquel elle appartient, même la preuve d'une manifestation prématurée par la Commission, au cours de la procédure administrative, de sa conviction, selon laquelle cette implication du groupe en question existe, n'est pas de nature à priver de sa réalité la preuve même d'une telle implication.
Arrêt du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri / Commission (T-31/99, Rec._p._II-1881) (cf. point 106)
30. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Incidence, sur la validité de la décision, de la violation du principe de bonne administration par l'un des fonctionnaires chargés de l'instruction de l'affaire - Absence - Justification
Parmi les garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l'obligation pour l'institution compétente d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce.
À cet égard, le comportement regrettable d'un membre de l'équipe chargée, au sein de la Commission, d'instruire une affaire d'atteinte aux règles de concurrence ne vicie pas à lui seul la légalité de la décision qui découle de cette affaire. En effet, même s'il y a, dans le chef de ce fonctionnaire, une violation du principe de bonne administration, la décision attaquée n'est toutefois pas prise par le fonctionnaire en question, mais par le collège des membres de la Commission.
31. Concurrence - Procédure administrative - Prescription en matière de poursuites - Suspension - Décision de la Commission faisant l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice - Portée
L'article 3 du règlement nº 2988/74, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans le domaine du droit de la concurrence, protège la Commission contre l'effet de la prescription dans des situations dans lesquelles elle doit attendre la décision du juge communautaire, dans le cadre de procédures dont elle ne maîtrise pas le déroulement, avant de savoir si l'acte attaqué est ou non entaché d'illégalité. L'article 3 concerne donc des hypothèses dans lesquelles l'inaction de l'institution n'est pas la conséquence d'un manque de diligence.
Or, de telles hypothèses se concrétisent aussi bien en cas de recours contre les actes interruptifs énumérés à l'article 2 du règlement nº 2988/74 susceptibles d'être attaqués qu'en cas de recours contre une décision prononçant une amende ou une sanction.
Dans ces conditions, tant le libellé de l'article 3 que son objectif couvrent à la fois les recours introduits contre les actes visés à l'article 2 qui sont attaquables et les recours dirigés contre la décision finale de la Commission.
Par suite, un recours dirigé contre la décision finale infligeant des sanctions suspend la prescription en matière de poursuites jusqu'à ce que le juge communautaire ait définitivement statué sur ledit recours.
32. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Obligation de délimiter le marché en cause - Portée
Dans le cadre de l'application de l'article 81 CE, c'est pour déterminer si un accord est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun qu'il faut, le cas échéant, définir le marché en cause. Par conséquent, l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 81 CE s'impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.
Arrêt du 19 mars 2003, CMA CGM e.a. / Commission (T-213/00, Rec._p._II-913) (cf. point 206)
L'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 81 CE s'impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.
Dans le cadre de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, c'est pour déterminer si un accord est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun qu'il faut définir le marché en cause. Par conséquent, l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 81, paragraphe 1, CE s'impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.
Arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone / Commission (T-38/02, Rec._p._II-4407) (cf. point 99)
Arrêt du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht / Commission (T-48/02, Rec._p._II-5259) (cf. point 58)
L'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 81 CE s'impose à la Commission lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.
Arrêt du 29 novembre 2005, Heubach / Commission (T-64/02, Rec._p._II-5137) (cf. point 122)
33. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Communication des griefs - Exclusion
Le contrôle de légalité exercé par le Tribunal dans le cadre d'un recours en annulation introduit sur le fondement de l'article 173 du traité (devenu, après modification, article 230 CE) porte non sur la communication des griefs, mais sur la décision finale adoptée à la suite de celle-ci. La communication des griefs ne constitue d'ailleurs pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation. Dès lors, même si la Commission manifeste, dans la communication des griefs, un préjugé à l'encontre des entreprises requérantes, un tel préjugé ne serait de nature à vicier la décision attaquée que s'il avait trouvé une expression dans cette dernière.
34. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'infraction à la charge de la Commission
Il incombe à la Commission de réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l'infraction alléguée a eu lieu.
En cas de litige sur l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, il appartient à la Commission de rapporter la preuve de l'infraction qu'elle prétend avoir constatée et de fournir les éléments propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une telle infraction.
35. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission - Identification des infractions sanctionnées - Priorité revenant au dispositif par rapport à la motivation
C'est par le dispositif des décisions que la Commission indique la nature et l'étendue des infractions aux articles 85 ou 86 du traité (devenus articles 81 CE et 82 CE) qu'elle sanctionne. En principe, s'agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c'est le dispositif, et non les motifs, qui importe. C'est uniquement dans le cas d'un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu'il convient d'interpréter ce dernier en ayant recours aux motifs. Dès lors, en vue de déterminer si la Commission a sanctionné une infraction unique ou deux infractions distinctes, il convient de s'en tenir au dispositif de cette décision, lorsque celui-ci ne prête pas au doute.
Arrêt du 11 décembre 2003, Ventouris / Commission (T-59/99, Rec._p._II-5257) (cf. points 31, 33)
C'est par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l'étendue des infractions aux règles de concurrence qu'elle sanctionne ou constate. En principe, s'agissant précisément de la portée et de la nature des infractions, c'est le dispositif, et non les motifs, qui importe. C'est uniquement dans le cas d'un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu'il convient d'interpréter ce dernier en ayant recours aux motifs. Ne présente, à cet égard, aucune ambiguïté le dispositif d’une décision qui précise la nature, la durée et les auteurs de comportements constitutifs d’infractions aux règles de concurrence et enjoint à ces derniers de s’abstenir à l’avenir de réitérer ces comportements.
Arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream / Commission (T-301/04, Rec._p._II-3155) (cf. points 210-212)
36. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à la décision d'une autorité nationale de la concurrence visant la même entreprise - Absence d'identité entre les infractions faisant l'objet des deux décisions - Violation du principe ne bis in idem - Absence
L'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé. Il interdit donc de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas atteinte au principe non bis in idem lorsque la Commission sanctionne un comportement d'une entreprise différent de celui imputé à la même entreprise qui a fait l'objet de la décision d'une autorité nationale de la concurrence.
37. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction à l'article 81 CE - Obligation de procéder à une délimitation de marché - Absence dans le cas d'un accord ayant pour objet le partage des marchés
L'obligation d'opérer une délimitation de marché dans une décision adoptée en application de l'article 81 CE s'impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. En principe, si l'objet même d'un accord est de restreindre la concurrence par un "partage de marchés", il n'est pas nécessaire de définir les marchés géographiques en cause de manière précise, dès lors que la concurrence actuelle ou potentielle sur les territoires concernés a nécessairement été restreinte, que ces territoires constituent des "marchés" au sens strict ou non.
38. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Mode de preuve - Recours à un faisceau d'indices - Degré de force probante requis s'agissant des indices pris individuellement
En matière de concurrence, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l'infraction qu'elle a retenue a été commise.
Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l'infraction. Il suffit que le faisceau d'indices invoqué par l'institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence. Dès lors, la circonstance selon laquelle un document ne se réfère qu'à certains des faits évoqués dans d'autres éléments de preuve ne suffit pas à obliger la Commission à écarter ce document du faisceau d'indices retenus à charge.
39. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction consistant en la conclusion d'un accord anticoncurrentiel - Décision s'appuyant sur des preuves documentaires - Obligations probatoires des entreprises contestant la réalité de l'infraction
Dès lors que, pour prouver l'infraction qu'elle a entendu sanctionner, à savoir la conclusion d'un accord ayant un objet anticoncurrentiel prohibé par l'article 81, paragraphe 1, sous c), CE, la Commission s'appuie sur des preuves documentaires, les entreprises mises en cause ne peuvent utilement contester l'existence de l'infraction qu'en démontrant que les preuves retenues sont insuffisantes pour établir l'existence de l'accord illicite. Il ne leur est d'aucun secours de tenter de prouver que la conclusion d'un accord n'allait pas dans le sens de leur intérêt commercial ou que le comportement qu'elles ont effectivement adopté sur le marché pourrait s'expliquer autrement que par l'existence d'un accord anticoncurrentiel.
40. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'infraction à la charge de la Commission - Limites
S'il incombe nécessairement à la Commission, lorsqu'elle entend sanctionner une infraction à l'article 81, paragraphe 1, sous c), CE, d'établir qu'un accord illicite de partage des marchés a été conclu, il serait excessif d'exiger, en outre, qu'elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d'une infraction d'échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées par rapport au fonctionnement d'un accord illicite dans une situation dans laquelle l'existence de l'accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu'elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission.
41. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Élements de preuve devant être réunis - Degré de précision exigé quant aux types de produits couverts par l'infraction
Si une décision sanctionnant un accord, prise dans son ensemble, fait apparaître que l'infraction retenue a porté sur un type particulier de produits et mentionne les éléments de preuve au soutien d'une telle conclusion, le fait que cette décision ne contient pas une énonciation précise et exhaustive de tous les types de produits couverts par l'infraction ne saurait suffire, à lui seul, pour justifier son annulation. Si tel n'était pas le cas, une entreprise pourrait échapper à toute sanction malgré le fait que la Commission avait établi avec certitude qu'elle avait commis une infraction dans des circonstances où l'identité des produits spécifiques, visés parmi une gamme de produits similaires commercialisés par l'entreprise en cause, n'aurait pas été établie.
42. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'infraction à la charge de la Commission - Preuve rapportée d'une participation à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel - Preuve d'une distanciation par rapport aux décisions prises à la charge de l'entreprise
En cas de litige sur l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et d'établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction.
Toutefois, dès lors qu'il a été établi qu'une entreprise a participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel, il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle a indiqué à ses concurrents qu'elle y participait dans une optique différente de la leur. En l'absence d'une telle preuve de distanciation, le fait que cette entreprise ne se conforme pas aux résultats de ces réunions n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente.
43. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à une autre décision de la Commission visant la même entreprise - Absence d'identité entre les infractions faisant l'objet des deux décisions - Violation du principe ne bis in idem - Absence
Le principe non bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe général du droit communautaire dont le juge assure le respect.
Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, ce principe interdit qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d'un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou pour lequel elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n'est plus susceptible de recours. L'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé.
Arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone / Commission (T-38/02, Rec._p._II-4407) (cf. points 184-185)
44. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Utilisation de déclarations d'autres entreprises ayant participé à l'infraction comme moyens de preuve - Admissibilité - Conditions
Aucune disposition ni aucun principe général du droit communautaire n'interdit à la Commission de se prévaloir à l'encontre d'une entreprise des déclarations d'autres entreprises incriminées. Si tel n'était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité. Toutefois, la déclaration d'une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l'exactitude est contestée par plusieurs entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante des faits en cause sans être étayée par d'autres éléments de preuve. Lorsque l'entente implique deux parties seulement, la contestation du contenu de la déclaration de l'une par l'autre suffit pour qu'il soit exigé que d'autres éléments de preuve viennent l'étayer. Tel est d'autant plus le cas s'agissant d'une déclaration tendant à atténuer la responsabilité de l'entreprise au nom de laquelle elle est faite, en mettant en exergue la responsabilité d'une autre entreprise.
En outre, s'agissant d'un document qui établirait la formulation d'une menace d'une entreprise sur l'autre et dont le caractère probant est contesté par la première, il faut, pour apprécier la valeur probante d'un tel document, en premier lieu vérifier la vraisemblance de l'information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable.
Arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone / Commission (T-38/02, Rec._p._II-4407) (cf. points 285-286)
La déclaration d'une entreprise mise en cause pour avoir participé à une entente, dont l'exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises, elles aussi mises en cause, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l'existence d'une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d'autres éléments de preuve.
Par ailleurs, les déclarations allant à l'encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables.
Arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge / Commission (T-54/03, Rec._p._II-120*) (cf. points 57-59, 293-294)
45. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'infraction et de sa durée à la charge de la Commission - Entreprise s'étant retirée momentanément de l'entente pour l'exploiter à son propre profit - Retrait non effectif
Dans le cadre de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, il appartient à la Commission de prouver non seulement l'existence de l'entente, mais aussi sa durée.
À cet égard, s'agissant d'une entreprise s'étant retirée momentanément d'une entente, il est possible de conclure à sa participation sans interruption effective dès lors qu'elle ne s'est pas retirée de manière décisive pour dénoncer l'entente à la Commission ou même pour reprendre un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause, mais, bien au contraire, a essayé d'utiliser son prétendu retrait pour mieux exploiter l'entente à son propre profit.
46. Concurrence - Procédure administrative - Décision infligeant des amendes - Obligation de motivation - Portée - Indication des éléments d'appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l'infraction - Indication suffisante
S'agissant d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être, notamment, déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.
À cet égard, les exigences de formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation n'imposent pas à la Commission d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, mais uniquement les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction.
Arrêt du 29 novembre 2005, Heubach / Commission (T-64/02, Rec._p._II-5137) (cf. points 218, 222)
47. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Preuve de l'infraction et de sa durée à la charge de la Commission - Portée de la charge probatoire
L'exigence de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques implique que, lorsqu'il y a litige sur l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, la Commission, qui a la charge de la preuve des infractions qu'elle constate, avance des éléments de preuve propres à établir, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs de l'infraction. S'agissant de la durée alléguée d'une infraction, le même principe de sécurité juridique impose que, en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée de l'infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.
Arrêt du 5 avril 2006, Degussa / Commission (T-279/02, Rec._p._II-897) (cf. points 114, 153)
Il incombe à la partie ou à l'autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d'en apporter la preuve en établissant, à suffisance de droit, les faits constitutifs d'une infraction et il appartient à l'entreprise invoquant le bénéfice d'un moyen de défense contre une constatation d'infraction d'apporter la preuve que les conditions d'application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d'autres éléments de preuve.
S'agissant de la durée de l'infraction, c'est un élément constitutif de la notion d'infraction au titre de l'article 81, paragraphe 1, CE, dont la charge de la preuve incombe, à titre principal, à la Commission. À cet égard, la jurisprudence exige que, en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.
Le principe général selon lequel la Commission doit prouver tous les éléments constitutifs de l'infraction, y compris sa durée, susceptibles d'avoir une incidence sur ses conclusions définitives quant à la gravité de ladite infraction, n'est pas remis en cause par le fait que l'entreprise en cause a soulevé un moyen de défense tiré de la prescription, dont la charge de la preuve incombe, en principe, à cette dernière. En effet, outre que ce moyen de défense n'a pas trait à la constatation de l'infraction, il est évident que l'invocation d'un tel moyen implique nécessairement que la durée de l'infraction ainsi que la date à laquelle celle-ci a pris fin soient établies. Or, ces circonstances ne sauraient justifier, à elles seules, un transfert de la charge de la preuve à cet égard au détriment de l'entreprise en cause. D'une part, la durée d'une infraction, qui implique que soit connue la date finale de celle-ci, constitue l'un des éléments essentiels de l'infraction, dont la charge de la preuve incombe à la Commission, indépendamment du fait que la contestation de ces éléments fait également partie du moyen de défense tiré de la prescription. D'autre part, cette conclusion se justifie au regard du fait que la non-prescription de la poursuite par la Commission, au titre du règlement nº 2988/74, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans le domaine du droit de la concurrence, constitue un critère légal objectif, découlant du principe de sécurité juridique, confirmé par le deuxième considérant du préambule dudit règlement, et, partant, une condition de la validité de toute décision de sanction. En effet, son respect s'impose à la Commission même en l'absence de l'introduction d'un moyen de défense de l'entreprise à cet égard.
Cette répartition de la charge de la preuve est, toutefois, susceptible de varier dans la mesure où les éléments factuels qu'une partie invoque peuvent être de nature à obliger l'autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la preuve a été apportée.
Il incombe à la partie ou à l'autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d'en apporter la preuve en établissant, à suffisance de droit, les faits constitutifs d'une infraction et il appartient à l'entreprise invoquant le bénéfice d'un moyen de défense contre une constatation d'infraction d'apporter la preuve que les conditions d'application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d'autres éléments de preuve.
La durée de l'infraction est un élément constitutif de la notion d'infraction au titre de l'article 81, paragraphe 1, CE, dont la charge de la preuve incombe, à titre principal, à la Commission. À cet égard, la jurisprudence exige que, en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.
Pour calculer la durée d’une infraction dont l’objet est restrictif de concurrence, il convient uniquement de déterminer la durée pendant laquelle cet accord a existé, à savoir la période s’étant écoulée entre la date de sa conclusion et la date à laquelle il y a été mis fin. La durée de l’infraction est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, élément dont la charge de la preuve incombe, à titre principal, à la Commission. À cet égard, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises. Cette répartition de la charge de la preuve est toutefois susceptible de varier dans la mesure où les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la preuve a été apportée. Même à supposer que des circonstances particulières puissent se présenter dans lesquelles un renversement de la charge de la preuve quant à la durée d’une infraction pourrait être opéré, il n’en résulte pas que la Commission pourrait, dans une décision établissant une infraction de l’article 81, paragraphe 1, CE, renoncer à évoquer de manière étayée la fin de la durée de l’infraction et à donner des informations sur la durée de l’infraction dont elle dispose le cas échéant.
Arrêt du 17 décembre 2009, Solvay / Commission (T-58/01, Rec._p._II-4781) (cf. points 293-295, 302)
48. Concurrence - Amendes - Décision infligeant des amendes - Contenu - Opportunité de l'inclusion de constatations factuelles - Appréciation par la Commission
L'inclusion, dans une décision infligeant des amendes, de constatations factuelles ayant trait à une entente ne saurait être subordonnée à la condition que la Commission soit compétente pour constater une infraction y relative ou à celle qu'elle ait effectivement constaté une telle infraction. En effet, il est légitime, pour la Commission, de décrire, dans une décision constatant une infraction et infligeant une sanction, le contexte factuel et historique dans lequel s'insère le comportement incriminé. Il en va de même de la publication de cette description, étant donné qu'elle peut être utile pour permettre au public intéressé de comprendre pleinement les motifs d'une telle décision. À cet égard, il appartient à la Commission de juger de l'opportunité de l'inclusion de pareils éléments.
49. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'infraction à la charge de la Commission - Preuve de la distanciation à la charge de l'entreprise partie à l'accord entendant s'en prévaloir
Il incombe à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu'elle retient en fournissant, dans ses décisions d'application des règles de concurrence, des éléments précis et concordants démontrant, de manière convaincante, l'existence des faits constitutifs de ces infractions.
Ces éléments peuvent constituer des preuves directes, prenant par exemple la forme d'un écrit, ou, à défaut, des preuves indirectes, matérialisées par exemple par un comportement.
Lorsque la Commission a rapporté la preuve de l'existence d'un accord, il incombe à l'entreprise y ayant pris part et qui conteste avoir commis une infraction de rapporter la preuve qu'elle s'en est distanciée, preuve qui doit témoigner d'une volonté claire, et portée à la connaissance des autres entreprises participantes, de se soustraire à cet accord.
50. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision d'application des règles de concurrence - Décision concernant une pluralité de destinataires - Nécessité d'une motivation suffisante particulièrement à l'égard de l'entité devant supporter la charge d'une infraction
Lorsqu'une décision d'application de l'article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d'imputabilité de l'infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l'égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d'entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction.
Arrêt du 27 septembre 2006, Akzo Nobel / Commission (T-330/01, Rec._p._II-3389) (cf. point 93)
51. Concurrence - Ententes - Preuve - Appréciation de la valeur probante d'un document
Pour, dans le cadre de la constatation d'une infraction aux règles de concurrence, apprécier la valeur probante d'un document, il faut vérifier la vraisemblance de l'information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire pour se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable.
52. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Élements de preuve devant être réunis
En ce qui concerne l'administration de la preuve d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction.
53. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Preuve de l'infraction et de sa durée à la charge de la Commission - Force probante de dépositions volontaires effectuées à charge contre une entreprise par les principaux participants à une entente en vue de bénéficier de l'application de la communication sur la coopération
Bien qu'une certaine méfiance à l'égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, vu la possibilité que ces participants aient tendance à minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et de maximiser celle des autres, il n'en reste pas moins que soutenir que lesdites dépositions ne seraient pas fiables dès lors qu'elles ont été effectuées en vue de bénéficier de l'application de la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes et que leurs auteurs avaient, à ce titre, un intérêt certain à déposer à charge contre les autres participants à l'entente ne répond pas à la logique inhérente de la procédure prévue par la communication sur la coopération. En effet, le fait de demander à bénéficier de l'application de celle-ci en vue d'obtenir une réduction de l'amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants de l'entente incriminée. Par ailleurs, toute tentative d'induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération.
54. Concurrence - Ententes - Preuve - Preuve apportée par un certain nombre d'indices et de coïncidences
L'interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d'une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu'il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions.
Dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence.
55. Concurrence - Ententes - Preuve - Appréciation de la valeur probante d'une reconnaissance d'infraction émanant du représentant d'une entreprise
Une déclaration faite en tant que représentant d'une société et reconnaissant l'existence d'une infraction commise par celle-ci induit des risques juridiques et économiques considérables, ce qui rend extrêmement improbable qu'elle soit faite sans que son auteur ait disposé d'informations fournies par des employés de ladite société qui ont, quant à eux, une connaissance directe des faits incriminés. Dans ces conditions, l'absence de connaissance directe des faits par le représentant de la société lui-même n'affecte pas la valeur probante que le Tribunal a pu attribuer à une telle déclaration.
56. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction consistant en la conclusion d'un accord anticoncurrentiel - Décision s'appuyant sur des preuves documentaires - Absence d'intérêt commercial dudit accord pour une entreprise sanctionnée - Absence d'incidence
Lorsque la Commission a réussi à réunir des preuves documentaires à l'appui de l'infraction alléguée, et que ces preuves apparaissent suffisantes pour démontrer l'existence d'un accord de nature anticoncurrentielle, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir si l'entreprise accusée avait un intérêt commercial audit accord.
S'agissant, en particulier, d'accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l'entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l'entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur.
La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l'entreprise a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait à son résultat et qu'elle s'y conformerait.
57. Concurrence - Ententes - Preuve - Degré de précision exigé des éléments de preuve retenus par la Commission
Il est usuel que les activités que des pratiques et accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s'ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu'il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence.
En effet, si, certes, en vertu du principe de la présomption d'innocence, l'existence d'un doute doit profiter à l'entreprise incriminée, rien ne s'oppose à la constatation d'une infraction dès que celle-ci s'avère établie.
58. Concurrence - Procédure administrative - Décision constatant une infraction - Obligation de motivation - Portée
Lorsqu'elle adopte une décision relative à l'application de l'article 82 CE, la Commission a rempli son obligation de motivation dès lors qu'elle a mentionné dans sa décision les éléments de fait dont dépendent la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision.
Arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom / Commission (T-340/03, Rec._p._II-107) (cf. point 57)
59. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Élements de preuve devant être réunis - Degré de force probante nécessaire
En ce qui concerne l'administration de la preuve d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction.
II est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l'infraction a été commise. Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l'infraction. Il suffit que le faisceau d'indices invoqué par l'institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.
60. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Décision non identique à la communication des griefs - Violation des droits de la défense - Condition - Démonstration par l'entreprise concernée de l'imputation de nouveaux griefs - Absence d'incidence sur la validité de la décision en présence d'autres motifs justifiant la décision
La communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n'est, en effet, qu'à cette condition que la communication des griefs peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et aux associations d'entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission adopte une décision définitive.
Cette exigence n'est pas respectée lorsqu'une décision impute la responsabilité d'une infraction à une société mère en raison, d'une part, de la participation de sa filiale à une entente et, d'autre part, de l'implication directe de la société mère dans les activités de l'entente, alors que la communication des griefs ne permet pas à la société mère de prendre connaissance du grief tiré de son implication directe dans l'infraction, ni même des faits finalement retenus dans la décision au soutien de ce grief.
Toutefois, même si la décision de la Commission contient de nouvelles allégations de fait ou de droit au sujet desquelles les entreprises concernées n'ont pas été entendues, le vice constaté n'entraînera l'annulation de la décision sur ce point que si les allégations concernées ne peuvent pas être établies à suffisance de droit sur la base d'autres éléments retenus par la décision et au sujet desquels les entreprises concernées ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue.
Par ailleurs, dans la mesure où certains motifs de la décision sont, à eux seuls, de nature à justifier celle-ci à suffisance de droit, les vices dont pourraient être entachés d'autres motifs de l'acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif.
61. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction consistant en la conclusion d'un accord anticoncurrentiel - Respect du principe de la présomption d'innocence - Degré de force probante exigé des éléments de preuve retenus par la Commission - Possibilité pour les entreprises concernées de fournir une autre explication plausible des faits excluant une violation des règles de concurrence - Inadmissibilité en cas de décision s'appuyant sur des preuves documentaires univoques
62. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Mesures correctives - Mécanisme de suivi comportant la désignation d'un mandataire indépendant - Admissibilité - Conditions
Lorsque la Commission constate, dans une décision, qu'une entreprise a violé l'article 82 CE, cette dernière est tenue de prendre, dans les meilleurs délais, toutes les mesures nécessaires pour mettre son comportement en conformité avec cette disposition, et ce même en l'absence de mesures spécifiques prescrites par la Commission dans cette décision. Lorsque des mesures correctives sont prévues par ladite décision, l'entreprise concernée est obligée de les mettre en oeuvre - et ce en prenant à sa charge tous les coûts liés à cette mise en oeuvre - sous peine de se voir infliger des astreintes conformément à l'article 16 du règlement nº 17.
La Commission ne saurait déléguer à un tiers les pouvoirs d'enquête et d'exécution que lui confère le règlement nº 17. En revanche, elle est en droit de surveiller la mise en oeuvre, par l'entreprise concernée, des mesures correctives ordonnées dans une décision d'infraction et de s'assurer que les autres mesures nécessaires pour mettre fin aux effets anticoncurrentiels de l'infraction soient pleinement exécutées dans les meilleurs délais. À ces fins, elle est en droit de faire usage des pouvoirs d'enquête prévus par l'article 14 du règlement nº 17 et d'avoir recours, le cas échéant, à un expert externe afin, notamment, d'obtenir des éclaircissements sur des questions d'ordre technique.
De surcroît, si la Commission décide de se faire assister d'un expert externe, elle peut communiquer à ce dernier des informations et documents qu'elle aurait obtenus dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs d'enquête au titre de l'article 14 du règlement nº 17.
En établissant un mécanisme de suivi comportant la désignation d'un mandataire indépendant appelé à agir de sa propre initiative et sur demande de tiers, dont le rôle ne se limite pas à poser des questions à l'entreprise concernée et à faire rapport à la Commission et qui a accès aux informations, documents, locaux et employés ainsi qu'aux codes source des produits pertinents, sans limite de temps, la Commission va bien au-delà de la situation dans laquelle elle désigne son propre expert externe en vue de la conseiller au cours d'une enquête quant à la mise en exécution de mesures correctives.
Par ailleurs, aucune disposition du règlement nº 17 n'habilite la Commission à imposer aux entreprises de supporter les coûts qu'elle-même encourt en conséquence de la surveillance de l'exécution de mesures correctives.
En effet, il incombe à la Commission, en sa qualité d'autorité chargée d'appliquer les règles communautaires de la concurrence, de poursuivre l'exécution des décisions d'infraction de façon indépendante, objective et impartiale. Il serait incompatible avec sa responsabilité à cet égard que l'exécution effective du droit communautaire dépende ou soit influencée par la volonté ou la capacité de l'entreprise destinataire de la décision de supporter de tels frais.
En outre, la Commission ne jouit pas d'une marge discrétionnaire illimitée dans la formulation de mesures correctives à imposer à des entreprises pour mettre fin à une infraction. Dans le cadre de l'application de l'article 3 du règlement nº 17, le principe de proportionnalité impose que les charges imposées aux entreprises pour mettre fin à une infraction ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues.
63. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Présomption d'innocence - Procédure en matière de concurrence - Applicabilité - Portée
La portée du pouvoir de la Commission d'adopter et de publier des décisions, sur le fondement du règlement nº 17, et l'étendue du secret professionnel doivent être interprétées à la lumière des principes généraux et des droits fondamentaux, qui font partie intégrante de l'ordre juridique communautaire, et, notamment, du principe de la présomption d'innocence, tel que réaffirmé par l'article 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises et susceptibles d'aboutir au prononcé d'amendes ou d'astreintes.
En outre, la présomption d'innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Elle s'oppose ainsi à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d'une personne accusée d'une infraction donnée dans une décision mettant fin à l'action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l'exercice des droits de la défense dans le cadre d'une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation. Par ailleurs, la culpabilité d'une personne accusée d'une infraction n'est définitivement établie que lorsque la décision constatant cette infraction a acquis l'autorité de la chose décidée, ce qui implique soit l'absence de recours de la personne concernée contre ladite décision dans les délais prévus à l'article 230, cinquième alinéa, CE, soit, à la suite d'un tel recours, la clôture définitive de la procédure contentieuse, en particulier, par une décision judiciaire confirmant la légalité de ladite décision.
Par conséquent, ne sauraient être considérées comme étant légalement établies des constatations que la personne incriminée n'a pas eu l'occasion de contester devant les juridictions communautaires, alors même qu'elle en conteste le bien-fondé. En effet, le fait de soustraire de telles constatations à tout contrôle juridictionnel et donc, en cas d'illégalité de celles-ci, à une éventuelle correction par le juge communautaire, est manifestement contraire au principe de la présomption d'innocence. Toute autre interprétation conduirait à enfreindre le système de répartition des fonctions et l'équilibre institutionnel entre les pouvoirs administratif et judiciaire, dès lors que, en cas de contestation, il revient à ce dernier seulement de trancher définitivement l'existence d'éléments suffisants permettant de conclure à la responsabilité d'une entreprise pour la commission d'une infraction aux règles de concurrence.
64. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission - Décision constatant une infraction et infligeant une amende - Annulation partielle concernant l'imposition de l'amende - Décision ultérieure infligeant une nouvelle amende sur le fondement des parties non annulées de la décision initiale - Admissibilité - Soumission aux délais de prescription - Autorité de la chose jugée s'agissant des parties non annulées de la décision initiale
Lorsque, en présence d'une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence et infligeant une amende, le juge communautaire a, en raison d'un vice de procédure et tout en rejetant les moyens de fond relatifs à la constatation de l'infraction, annulé partiellement ladite décision, en ce qui concerne l'amende infligée, la Commission peut à bon droit adopter une nouvelle décision visant, d'une part, à infliger une nouvelle amende sur le fondement des parties non annulées de la première décision et, d'autre part, à corriger les vices de forme sanctionnés par le juge. Cette nouvelle décision s'analyse alors exclusivement comme une décision infligeant une amende et non comme une décision de constatation d'infraction et doit, sous peine d'illégalité, être adoptée dans le respect des règles de prescription édictées dans le règlement nº 2988/74, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence. À cet égard, s'agissant plus particulièrement d'une infraction commise dans le secteur des transports maritimes, ni le règlement nº 4056/86, déterminant les modalités d'applications des articles [81 CE] et [82 CE] aux transports maritimes, ni le règlement nº 17 n’ont expressément exclu l’adoption formellement dissociée, sur deux fondements juridiques distincts, de deux actes distincts, à savoir celui constatant l’infraction (dans le cas du règlement nº 4056/86, sur le fondement de son article 11, paragraphe 1) et celui infligeant l’amende (sur le fondement de l’article 19, paragraphe 2, du même règlement).
Après épuisement des voies de recours disponibles contre une telle décision juridictionnelle ou après expiration des délais prévus pour ces recours, les parties non annulées de la première décision de la Commission acquièrent l'autorité de la chose jugée, font définitivement partie de l'ordonnancement juridique communautaire et produisent tous leurs effets de droit. Il s'ensuit que, dans le cadre d'un recours en annulation contre la nouvelle décision de la Commission, l'entreprise sanctionnée ne saurait remettre en cause de nouveau la matérialité de l'infraction, celle-ci ayant été constatée de manière définitive par la Commission dans sa première décision. Pour les mêmes raisons, cette entreprise ne saurait non plus invoquer avec succès ni une prétendue violation de ses droits de la défense lors de la procédure administrative préalable à l'adoption de la première décision, ni un défaut de motivation tiré du fait que la nouvelle décision infligeant une amende s'est purement et simplement référée aux parties non annulées de la première décision qui établissaient l'infraction. Par ailleurs, dans sa compétence de pleine juridiction en application de l'article 21 du règlement nº 4056/86, au sens de l'article 229 CE, le Tribunal peut valablement s'y référer pour apprécier le montant de l'amende infligée.
65. Concurrence - Ententes - Preuve - Preuve apportée par un certain nombre d'indices et de coïncidences - Exigence d'une preuve allant au-delà du doute raisonnable - Absence
En cas de litige sur l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, il appartient à la Commission d'établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs de l'infraction. Il lui incombe notamment d'établir tous les éléments permettant de conclure à la participation d'une entreprise à une telle infraction et à sa responsabilité pour les différents éléments qu'elle comporte.
Lorsqu'il s'agit d'accords et de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel, la Commission se doit notamment de prouver que l'entreprise a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants et qu'elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d'autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque. Or, il est usuel, dans le cadre de pratiques et d'accords anticoncurrentiels, que les activités se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation s'y rapportant soit réduite au minimum. Il s'ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu'il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel, mais aussi, le cas échéant, le caractère unique et continu de l'infraction, doivent être inférés d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence. En outre, si le contenu d'un document isolé trouvé par la Commission peut ne pas révéler de manière univoque l'existence d'un comportement anticoncurrentiel, de sorte que ledit contenu pourrait éventuellement s'expliquer autrement que par une volonté de restreindre la concurrence, cette circonstance ne saurait toutefois exclure que ce document puisse être interprété comme corroborant l'existence d'une telle volonté lorsqu'il s'inscrit dans un ensemble d'autres documents qui fournissent des indices probants de l'existence de comportements anticoncurrentiels co
ntemporains et similaires.
La Commission ne saurait donc être tenue d'apporter une preuve de l'existence de l'infraction "allant au-delà du doute raisonnable" ("beyond reasonable doubt").
66. Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'infraction à la charge de la Commission - Degré de force probante exigé des éléments de preuve retenus par la Commission
Arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge / Commission (T-54/03, Rec._p._II-120*) (cf. points 426, 452)
67. Actes des institutions - Choix de la base juridique - Réglementation communautaire - Exigence de clarté et de prévisibilité - Indication expresse de la base légale - Décision de la Commission constatant après l'expiration du traité CECA une infraction à l'article 65 CA et sanctionnant l'entreprise en cause - Base juridique constituée par l'article 7, paragraphe 1, et l'article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003
Au sein de l'ordre juridique communautaire, les institutions ne disposent que de compétences d’attribution. Pour cette raison, les actes communautaires mentionnent dans leur préambule la base juridique qui habilite l’institution concernée à agir dans le domaine en cause. Le choix de la base juridique appropriée revêt en effet une importance de nature constitutionnelle.
En outre, la législation communautaire doit être claire et son application prévisible pour tous ceux qui sont concernés. Cet impératif de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu.
Par ailleurs, une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë.
Enfin, la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution communautaire à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci.
Une décision par laquelle la Commission constate, après l’expiration du traité CECA, qu'une entreprise a commis une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et lui impose une amende trouve sa base juridique dans l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, pour la constatation de l’infraction et dans l’article 23, paragraphe 2, du même règlement pour l’imposition de l’amende, à l’exclusion de l’article 65 CA. Une telle décision peut, par ailleurs, faire référence à l’article 65, paragraphe 1, CA, c’est-à-dire la disposition matérielle s’adressant aux entreprises et aux associations d’entreprises en interdisant certains comportements anticoncurrentiels. Elle peut également faire référence à l’applicabilité de l’article 65, paragraphe 5, CA, dans le cadre d'une discussion relative au principe de la lex mitior, afin de justifier l’application de cette disposition et non de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, pour calculer le montant de l’amende.
68. Concurrence - Position dominante - Marché en cause - Délimitation - Incidence de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission - Absence
Dans le cadre de son pouvoir décisionnel en matière de concurrence, la Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures. Il en résulte que les parties visées par une décision d’application de l’article 82 CE de la Commission ne sont pas en droit de remettre en cause les constatations de cette dernière au motif qu'elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques.
Arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream / Commission (T-301/04, Rec._p._II-3155) (cf. point 55)
69. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission - Décision constatant une infraction et infligeant une amende - Annulation pour vice de procédure - Décision ultérieure quasi identique adoptée sans ouverture d'une nouvelle procédure administrative - Admissibilité - Application des règles en matière d'amendes en vigueur au moment de l'adoption de la décision annulée
Lorsqu'une décision de la Commission en matière de concurrence est annulée en raison d'un vice de procédure, la Commission est en droit d'adopter une nouvelle décision, sans que soit engagée une nouvelle procédure administrative. Dès lors que le contenu de la nouvelle décision est quasi identique à celui de la précédente et que ces deux décisions sont fondées sur les mêmes motifs, la nouvelle décision est soumise, dans le cadre de la fixation du montant de l'amende, aux règles en vigueur au moment de l'adoption de la précédente décision. En effet, la Commission reprend la procédure au stade où l'erreur de procédure a été commise et adopte une nouvelle décision, sans procéder à une nouvelle appréciation du cas à la lumière de règles qui n'existaient pas à l'époque de l'adoption de la première décision.
Arrêt du 17 décembre 2009, Solvay / Commission (T-57/01, Rec._p._II-4621) (cf. points 492-494)
Arrêt du 17 décembre 2009, Solvay / Commission (T-58/01, Rec._p._II-4781) (cf. points 270-272)