1. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Notion - Chiffre d'affaires à prendre en considération - Activité faisant effectivement l'objet de la transaction
Il résulte tant de l'article 1er du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, que de l'économie générale de son article 5, que le législateur communautaire a entendu que la Commission n'intervienne que si l'opération projetée atteint une certaine taille économique, lui conférant une dimension communautaire. Dans le cas d'une acquisition partielle d'une entreprise, eu égard à la finalité du paragraphe 2 de l'article 5, qui est de saisir la dimension réelle de l'opération de concentration, seul le chiffre d'affaires se rapportant aux parties de l'entreprise effectivement acquises doit être pris en compte pour apprécier la dimension de l'opération projetée. En effet, les notions de "cession partielle" et de "cessation partielle" d'activités sont assimilables, dans la mesure où elles permettent, toutes deux, d'apprécier, avec précision, l'objet, la consistance et l'étendue exacts de la concentration projetée.
Arrêt du 24 mars 1994, Air France / Commission (T-3/93, Rec._p._II-121) (cf. points 102-103)
2. Concurrence - Concentrations - Règlement nº 4064/89 - Champ d'application territorial
L'article 1er du règlement nº 4064/89 n'exige pas, pour qu'une opération de concentration soit considérée comme étant de dimension communautaire, et tombe de ce fait dans son champ d'application, que les entreprises en cause soient établies dans la Communauté, ni que les activités d'extraction et/ou de production faisant l'objet de la concentration s'exercent sur le territoire de la Communauté.
Arrêt du 25 mars 1999, Gencor / Commission (T-102/96, Rec._p._II-753) (cf. points 77, 79, 82, 88)
3. Concurrence - Concentrations - Existence - Concentration relevant de la compétence exclusive de la Commission - Conditions - Dimension communautaire de la concentration
L'article 3 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, définit les conditions d'existence d'une "opération de concentration" et se limite à définir, d'une manière générale et matérielle, ce qu'il faut entendre par une "concentration"; cette disposition ne règle pas la question de la compétence de la Commission sur les opérations de concentration. Parmi les opérations qui répondent à la définition de l'article 3 du règlement nº 4064/89, seules les opérations dites de "dimension communautaire", telles que définies à l'article 1er de ce règlement, relèveront de la compétence exclusive de la Commission, sauf disposition contraire dudit règlement. Par conséquent, ce n'est pas parce qu'une opération répond à la définition de l'article 3 du règlement nº 4064/89 que cette opération tombe nécessairement dans le champ de la compétence exclusive de la Commission; encore faut-il que cette transaction soit de "dimension communautaire".
4. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires à prendre en considération en cas d'acquisition de contrôle par le biais de plusieurs transactions juridiques
Il résulte de l'économie générale de l'article 5 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, que le législateur communautaire a entendu préciser le champ d'application de ce règlement en définissant, notamment, le chiffre d'affaires des participants à une opération de concentration qui doit être pris en considération aux fins de déterminer sa "dimension communautaire", au sens de l'article 1er du règlement nº 4064/89. Ainsi, il résulte de l'article 5, paragraphe 2, dudit règlement que, dans le cadre de l'acquisition de parties d'une entreprise, seul le chiffre d'affaires se rapportant à ces parties de l'entreprise effectivement acquises doit être pris en compte pour apprécier la dimension de l'opération en cause.
Cette appréciation englobe également l'interprétation de l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89, de sorte que, lorsque l'acquisition de parties d'une ou de plusieurs entreprises se déroule en plusieurs transactions au cours d'une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises, le chiffre d'affaires doit se rapporter à ces parties acquises considérées conjointement. Le motif qui préside à l'insertion de l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 est celui d'éviter que les mêmes entreprises ou les mêmes personnes fragmentent artificiellement une opération en plusieurs cessions partielles d'actifs, échelonnées dans le temps, dans l'objectif d'échapper aux seuils établis par le règlement nº 4064/89 qui déterminent la compétence de la Commission en application de ce règlement.
Dès lors, le fait que l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 permette à la Commission de considérer deux ou plusieurs transactions comme constituant une seule opération de concentration aux fins du calcul du chiffre d'affaires des entreprises concernées dans le but d'éviter un contournement de la compétence que lui attribue le règlement ne signifie pas que cette disposition prive la Commission du droit de déterminer, en amont, en application de l'article 3 dudit règlement, si plusieurs transactions qui lui sont notifiées réalisent une seule opération de concentration ou si, au contraire, ces transactions doivent être considérées comme réalisant une pluralité d'opérations de concentration.
S'il ressort de l'examen auquel procède la Commission que deux transactions notifiées à la Commission ne sont pas interdépendantes, ces transactions seront appréciées individuellement. Si l'une et/ou l'autre n'a pas de dimension communautaire, la Commission déclinera sa compétence pour apprécier l'une et/ou l'autre. S'il ressort de cet examen que les transactions présentent un caractère unitaire permettant de les considérer comme une seule opération de concentration, en application de l'article 3 du règlement nº 4064/89, la Commission vérifiera ensuite si l'opération ainsi identifiée est de dimension communautaire, aux fins d'établir sa compétence et d'apprécier les effets de l'opération sur la concurrence.
5. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires déterminé sur la base des comptes vérifiés - Obligation pour la Commission de s'assurer de la conformité à la réalité des comptes vérifiés et d'examiner systématiquement les ajustements envisageables - Absence
Dans le cadre de la détermination de la dimension communautaire d'une opération de concentration, la Commission ne saurait être tenue de s'assurer d'office, dans chaque cas, que les comptes vérifiés qui lui ont été présentés reflètent fidèlement la réalité et de procéder à l'examen de tous les ajustements envisageables. Ce n'est que lorsque son attention est attirée sur des problèmes spécifiques que la Commission doit examiner ceux-ci.
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. point 115)
6. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires déterminé sur la base des comptes vérifiés du dernier exercice complet selon les normes comptables nationales - Incidence de l'adoption de nouvelles normes comptables au cours de l'année de l'opération de concentration - Absence
Dans le cadre de la détermination de la dimension communautaire d'une opération de concentration, le règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, se réfère nécessairement, pour des raisons pratiques, au chiffre d'affaires de l'exercice précédent. La raison en est qu'il n'existe normalement de comptes vérifiés que pour le dernier exercice complet, les comptes des périodes plus récentes étant dépourvus des garanties offertes par des comptes vérifiés.
S'agissant d'une opération de concentration ayant lieu en 2005, les comptes du dernier exercice, au sens de l'article 5 dudit règlement, sont ceux relatifs à l'exercice 2004. Une entreprise ayant l'obligation d'établir des comptes annuels soumis à vérification ne dispose que d'une seule sorte de comptes officiels, à savoir ceux qui ont été établis et vérifiés conformément à la législation applicable. Aux termes de l'article 4 du règlement nº 1606/2002 sur l'application des normes comptables internationales, les normes IFRS ne sont applicables et obligatoires qu'à partir de l'exercice 2005. La "réconciliation" des comptes de l'exercice 2004 avec les principes IFRS n'est prévue par le règlement nº 707/2004, modifiant le règlement nº 1725/2003 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement nº 1606/2002, qu'afin de faciliter la transition entre les anciennes et les nouvelles normes en fournissant aux actionnaires et investisseurs une référence à laquelle comparer les comptes de l'exercice 2005, lesquels sont les premiers comptes établis conformément aux nouvelles normes. En outre, les comptes de "réconciliation" de l'exercice 2004, établis aux seules fins de comparaison, n'offrent pas les mêmes garanties que les comptes officiels établis conformément aux principes comptables généraux et soumis à vérification. Il s'ensuit que le fait que la nouvelle réglementation comptable IFRS était en vigueur à la date de l'annonce d'une offre publique d'achat en 2005 est dépourvu de pertinence.
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. points 128-129)
7. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires - Détermination - Prise en compte d'événements survenus après la clôture du dernier exercice comptable - Conditions
Si le système communautaire en matière de concentrations permet de tenir compte d'événements survenus dans la vie de l'entreprise après la clôture du dernier exercice comptable, tels que des cessions ou des acquisitions d'entreprises durant l'exercice en cours, cette hypothèse vise, en principe, ainsi qu'il résulte de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, à tenir compte de changements intervenus dans la situation économique de l'entreprise et non à opérer une révision complète du traitement comptable d'une réalité économique demeurée stable. Faire dépendre dans chaque cas l'applicabilité du règlement communautaire sur les concentrations d'un réexamen complet par la Commission de la comptabilité des entreprises concernées irait à l'encontre des impératifs de sécurité juridique et de rapidité poursuivis par le législateur communautaire.
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. point 132)
8. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires - Détermination - Obligation pour la Commission de procéder à une appréciation générale des mérites des différentes normes comptables - Absence
L'objectif consistant à mesurer la puissance économique des entreprises n'oblige pas la Commission à procéder, dans un cas individuel d'application des articles 1er et 5 du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, à une appréciation générale des mérites des différentes approches comptables prévues par le droit communautaire, en particulier lorsqu'il existe des comptes vérifiés en fonction d'une seule de ces normes et que cette norme était précisément celle exigée tant par le droit national que par le droit communautaire applicable à l'époque.
D'autre part, la circonstance que le législateur communautaire a estimé que les normes comptables internationales adoptées par le règlement nº 1606/2002 sur l'application des normes comptables internationales devraient permettre d'obtenir une image fidèle de la situation financière des entreprises n'implique pas ipso facto la supériorité technique de ces normes aux fins de l'application de l'article 5 du règlement nº 139/2004 sur les concentrations par rapport aux normes comptables applicables en vertu de la législation des États membres jusqu'au 1er janvier 2005. Le règlement nº 1606/2002, adopté sur la base de l'article 95, paragraphe 1, CE, constitue une mesure d'harmonisation et ne contient aucun jugement de valeur sur les différentes normes nationales.
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. points 144-145)
9. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires - Détermination - Prise en considération prioritaire des comptes vérifiés - Prise en considération des comptes apurés en l'absence de comptes vérifiés
Il ressort de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, que le chiffre d'affaires des entreprises concernées doit être calculé sur la base de chiffres fiables, objectifs et facilement identifiables. Si le point 26 de la communication précise que la Commission "prendra donc généralement en considération des comptes vérifiés ou autres comptes apurés [...]" et qu'elle "est en tout cas réticente à s'en tenir à des comptes de gestion ou autres formes de comptabilité provisoire, sauf dans des circonstances exceptionnelles", cela ne signifie toutefois pas que la communication met sur le même pied les comptes vérifiés et les "autres comptes apurés". Le point 26 de la communication ne saurait être interprété comme présentant plusieurs options parmi lesquelles il serait possible de choisir librement, mais comme visant à couvrir des situations spécifiques dans lesquelles il n'existe pas de comptes vérifiés pour le dernier exercice. Le point 27 de la communication ne fait d'ailleurs référence qu'aux seuls comptes vérifiés de l'exercice le plus récent et non plus aux "autres comptes apurés".
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. point 146)
10. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires - Détermination - Prise en considération de comptes de gestion ou d'autres formes de comptabilité provisoire - Conditions - Circonstances exceptionnelles - Notion
Les circonstances exceptionnelles qui permettent à la Commission de s'en tenir à des comptes de gestion ou autres formes de comptabilité provisoire, mentionnées aux points 26 et 27 de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, se réfèrent uniquement, sauf pour ce qui concerne les différences existant avec les normes comptables d'États non membres de l'Union européenne, à la nécessité de prendre en compte les changements significatifs et permanents affectant la réalité économique des entreprises concernées (acquisitions et cessions postérieures à la vérification des comptes, fermeture d'usine).
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. point 179)
11. Concurrence - Concentrations - Concentration de dimension communautaire - Critères d'appréciation - Chiffre d'affaires - Détermination en fonction des montants résultant de l'activité de vente - Exceptions - Détermination en fonction des seules commissions perçues par des entreprises de services agissant en qualité d'intermédiaire - Qualité ne pouvant être reconnue à une entreprise de distribution achetant de l'électricité et du gaz auprès de fournisseurs et les vendant au consommateur final
Ainsi qu'il est indiqué au point 9 de la communication sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la notion de chiffre d'affaires énoncée à l'article 5 dudit règlement se réfère de façon explicite "aux montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services".
À titre exceptionnel, la communication a envisagé la possibilité de déterminer, dans certaines circonstances, le chiffre d'affaires autrement que par référence à l'ensemble des ventes de produits et prestations de services. À cet égard, le point 13 de la communication précise qu'une entreprise de services qui agit comme intermédiaire peut n'avoir pour seul chiffre d'affaires que le montant des commissions qu'elle perçoit. Ce point de la communication concerne une catégorie particulière d'intermédiaires relevant uniquement du secteur des services et dont l'unique rémunération est le montant des commissions qu'ils perçoivent. Il s'agit, partant, d'une exception à la règle générale selon laquelle le chiffre d'affaires pertinent doit être déterminé sur la base du montant total des ventes. Par conséquent, cette notion d'intermédiaire doit être interprétée de manière stricte.
Il s'ensuit que l'activité des distributeurs consistant, notamment, à acheter de l'électricité ou du gaz auprès de leurs fournisseurs et à assurer leur distribution et leur vente au consommateur final ne saurait être qualifiée de prestation de services se limitant à fournir un produit pour le compte des producteurs et autres opérateurs. Une telle entreprise de distribution ne saurait donc, d'un point de vue juridique, être considérée comme un simple intermédiaire au sens du point 13 de la communication et ne saurait, en principe, faire l'objet de l'exception qui y est envisagée dès lors que les revenus qu'elle tire de la distribution correspondent à ses activités ordinaires au sens de l'article 5, paragraphe 1, du règlement nº 139/2004.