1. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Demande de réouverture de la procédure à raison de la découverte d'un fait nouveau - Introduction dans un délai raisonnable
La sécurité juridique qui doit être garantie aux opérateurs économiques et la brièveté des délais qui caractérise l'économie générale du règlement nº 4064/89 relatif aux opérations de concentration entre entreprises exigent, en tout état de cause, qu'une demande de réouverture de la procédure d'examen prévue par ledit règlement motivée par la découverte d'un prétendu fait nouveau soit présentée dans un délai raisonnable.
Une telle demande présentée tardivement ne saurait être invoquée par un actionnaire de l'une des sociétés en cause pour prétendre qu'il doit être considéré comme individuellement concerné, au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, par la décision arrêtée par la Commission au terme de ladite procédure, parce que, s'il avait eu connaissance dès l'origine de ce fait, il aurait demandé à intervenir dans la procédure et aurait, en conséquence, disposé d'une voie de recours pour protéger ses intérêts légitimes.
2. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligations de la Commission à l'égard des tiers qualifiés - Représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées - Information par écrit quant à la nature et l'objet de l'affaire - Absence à défaut de demande d'audition - Invitation à présenter des observations écrites avant une réunion d'information - Absence - Information sur la possibilité de se faire assister par un avocat - Absence - Proposition d'accéder au dossier - Absence
La protection, au cours de la procédure d'examen par la Commission d'un projet de concentration, des intérêts légitimes des tiers qualifiés, c'est-à-dire de ceux qui sont uniquement susceptibles de subir les effets incidents de la décision de la Commission sur leur sphère juridique, n'exige pas qu'ils bénéficient de garanties identiques à celles qui sont accordées aux personnes intéressées par l'opération de concentration en cause en vue d'assurer le respect de leurs droits de la défense dans le déroulement de ladite procédure. C'est ainsi que la Commission n'est pas tenue par l'article 15 du règlement nº 2367/90, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions conformément au règlement nº 4064/89, d'informer par écrit un organisme représentant les travailleurs de l'une des entreprises concernées qui lui a adressé une simple demande d'informations, et non pas une demande d'audition, de la nature et de l'objet de l'affaire, avant de lui donner la possibilité de faire connaître son point de vue. Elle n'est pas davantage tenue par cette même disposition de l'inviter à présenter des observations écrites avant la tenue d'une réunion à laquelle elle le convie, ni n'est obligée de l'informer de la faculté, prévue par l'article 14 du règlement nº 2367/90, de se faire assister par un avocat. Par ailleurs, l'article 18 du règlement nº 4064/89 ne saurait être interprété en ce sens qu'il incomberait à la Commission de proposer à un tiers qualifié l'accès au dossier.
3. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligations de la Commission à l'égard des tiers qualifiés - Représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées - Information relative à l'existence d'un projet de concentration notifié - Absence
Si, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89, les représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées par une opération de concentration ont le droit de présenter leurs observations, à leur demande, devant la Commission, celle-ci n'est pas tenue de les informer de l'existence d'un projet de concentration qui lui a été notifié par l'une des entreprises concernées.
En vertu de l'article 6 de la directive 77/187, relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, c'est aux entreprises en cause qu'incombe l'obligation d'informer les représentants des travailleurs, le contrôle du respect de cette obligation relevant des autorités nationales.
Arrêt du 27 avril 1995, CCE Vittel / Commission (T-12/93, Rec._p._II-1247) (cf. points 62-63)
4. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligations de la Commission à l'égard des tiers qualifiés - Entreprises tierces, concurrentes des parties à la concentration - Droit d'être entendues - Portée
Il résulte clairement des dispositions de l'article 18 du règlement nº 4064/89, relatif à l'"audition des intéressés et des tiers" dans le cadre du contrôle des concentrations, que la position procédurale des tiers ne saurait être assimilée à celle des personnes, entreprises ou associations d'entreprises intéressées. En effet, un tiers à la procédure ne saurait se prévaloir de garanties identiques à celles qui sont accordées aux personnes intéressées et, en particulier, des droits qui leur sont conférés par l'article 18, paragraphes 1 et 3, qui prévoit, notamment, que ces dernières doivent être mises en mesure, avant l'adoption d'une décision prise au titre de l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du même règlement, "de faire connaître, à tous les stades de la procédure jusqu'à la consultation du comité consultatif, leur point de vue au sujet des objections retenues à leur encontre" et que " la Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations".
Toutefois, si les droits procéduraux des tiers ne sont pas aussi étendus que les droits accordés aux personnes intéressées en vue d'assurer leurs droits de la défense, il n'en demeure pas moins que les tiers qualifiés, en ce qu'ils justifient d'un intérêt suffisant, disposent, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89, du droit d'être entendus s'ils en ont exprimé la demande, les modalités d'exercice de ce droit ayant été précisées par l'article 15 du règlement de la Commission nº 2367/90.
Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les entreprises tierces, concurrentes des parties à la concentration, disposent du droit d'être entendues par la Commission, à leur demande, afin de faire connaître leur point de vue sur les effets préjudiciables du projet de concentration notifié à leur égard, un tel droit devant néanmoins être concilié avec le respect des droits de la défense ainsi qu'avec le but principal du règlement, qui est d'assurer l'efficacité du contrôle et la sécurité juridique des entreprises soumises à son application.
5. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligations de la Commission à l'égard des tiers qualifiés - Absence d'obligation spécifique quant à la durée du délai fixé pour la présentation d'observations
Dans le cadre du contrôle des concentrations, compte tenu de ce que l'article 15, paragraphe 2, du règlement de la Commission nº 2367/90 ne prévoit aucune obligation spécifique quant à la durée du délai fixée par la Commission pour que les tiers qualifiés expriment leur point de vue, la seule circonstance qu'un tiers n'ait disposé que d'un délai de deux jours ouvrables pour faire valoir ses observations sur les modifications proposées, au cours de la procédure, au projet de concentration par une entreprise partie à l'opération, n'est pas de nature à démontrer que son droit d'être entendu, conféré par l'article 18, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89, a été méconnu par la Commission. Cette interprétation s'impose d'autant plus que, si l'intérêt légitime des tiers qualifiés à être entendus peut exiger qu'ils disposent d'un délai suffisant à cet effet, une telle exigence doit, néanmoins, être adaptée à l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale du règlement nº 4064/89 et qui impose à la Commission de respecter des délais stricts pour l'adoption de la décision finale, faute de quoi l'opération est réputée compatible avec le marché commun.
Arrêt du 27 novembre 1997, Kaysersberg / Commission (T-290/94, Rec._p._II-2137) (cf. point 113)
6. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligations de la Commission à l'égard des tiers qualifiés - Communication, pour avis préalable, de l'état définitif des engagements pris par les entreprises concernées - Absence
Dans le cadre du contrôle des concentrations, l'intérêt légitime des tiers qualifiés de faire valoir leur point de vue sur les effets préjudiciables de la concentration sur la concurrence est pleinement sauvegardé lorsque ceux-ci sont mis en mesure, sur la base de l'ensemble des informations qui leur ont été communiquées par la Commission pendant la procédure engagée au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 4064/89 et, notamment, des offres d'engagements présentées par les entreprises concernées, de faire valoir leur point de vue sur les modifications qu'il est envisagé d'apporter au projet de concentration en vue de lever des doutes sérieux existant quant à sa compatibilité avec le marché commun. En effet, dans un tel cas, il est suffisamment garanti que les considérations exposées par les entreprises tierces concurrentes seront susceptibles, le cas échéant, d'être prises en compte par la Commission pour apprécier la régularité de l'opération de concentration au regard du droit communautaire et déterminer, en particulier, si les engagements proposés par les entreprises concernées lui apparaissent suffisants à cette fin.
La Commission ne saurait, au surplus, être tenue, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89, de communiquer aux tiers qualifiés, pour avis préalable, l'état définitif des engagements qui sont pris par les entreprises concernées sur la base des objections émises par la Commission, à la suite, notamment, des observations recueillies auprès des tiers sur les propositions d'engagements formulées par les entreprises en cause. En effet, l'article 18, paragraphe 1, dudit règlement ne donne qu'aux personnes intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue à tous les stades de la procédure, jusqu'à la consultation du comité consultatif, au sujet des objections retenues à leur encontre, en particulier lorsque la Commission envisage d'assortir sa décision de conditions ou de charges en vue d'assurer le respect des engagements pris par les entreprises concernées, conformément à l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du même règlement. Il en résulte que seules les entreprises concernées et les autres personnes intéressées doivent, en ce qu'elles sont, en principe, les seuls destinataires de la condition imposée, être mises en mesure de faire valoir utilement leur point de vue sur les objections émises à l'encontre des engagements proposés, afin de leur permettre, le cas échéant, d'y apporter les amendements nécessaires et d'assurer le respect de leurs droits de la défense.
Arrêt du 27 novembre 1997, Kaysersberg / Commission (T-290/94, Rec._p._II-2137) (cf. points 119-120)
Dans le cadre du contrôle des concentrations, l'intérêt légitime des tiers de faire valoir leur point de vue sur les effets préjudiciables de la concentration sur la concurrence est pleinement sauvegardé lorsque ceux-ci sont mis en mesure, sur la base de l'ensemble des informations qui leur ont été communiquées par la Commission pendant la procédure engagée au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 4064/89, et, notamment, des propositions d'engagements présentées par les entreprises concernées, de faire valoir leur point de vue sur les modifications qu'il est envisagé d'apporter au projet de concentration en vue de lever les doutes sérieux existant quant à sa compatibilité avec le marché commun. En effet, dans un tel cas, il est suffisamment garanti que les considérations exposées par les entreprises tierces concurrentes seront susceptibles, le cas échéant, d'être prises en compte par la Commission pour apprécier la compatibilité de la concentration avec le droit communautaire et déterminer, en particulier, si les engagements proposés par les entreprises concernées lui apparaissent suffisants à cette fin.
Au surplus, la Commission n'étant, en phase II, pas tenue, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89, de transmettre aux tiers qualifiés, pour avis préalable, la version définitive des engagements qui sont pris par les entreprises concernées sur la base des objections émises par la Commission, à la suite, notamment, des observations recueillies auprès de tiers sur les propositions d'engagements formulées par les entreprises en cause, elle ne l'est a fortiori pas en ce qui concerne une décision de la Commission prise au terme de la phase I.
Arrêt du 30 septembre 2003, ARD / Commission (T-158/00, Rec._p._II-3825) (cf. points 416, 422-423)
7. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Apport de modifications au projet notifié - Absence de délai préfix - Apport prétendument tardif - Obligation de la Commission de suspendre le délai pour l'adoption de la décision - Absence
Dans le cadre du contrôle des concentrations, ni le règlement nº 4064/89 ni le règlement d'application de la Commission nº 2367/90 ne subordonnent la faculté, pour les entreprises concernées, de proposer des engagements, en vue de modifier le projet de concentration notifié, à la condition que soit respecté un délai préfix. En l'absence de dispositions spécifiques en ce sens, la Commission n'est pas en mesure de refuser de procéder à l'examen des engagements proposés pratiquement au terme du délai de quatre mois prévu par le règlement nº 4064/89 pour l'adoption de la décision, dès lors que ces engagements correspondent à une exigence essentielle posée par la Commission, pendant la procédure, pour autoriser l'opération de concentration envisagée, que le comité consultatif a pu émettre son avis en toute connaissance de cause sur le projet de concentration modifié et que les tiers qualifiés ont été mis en mesure de faire valoir leur point de vue sur les engagements proposés. Ce faisant, la Commission ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, qui, dans l'économie du règlement nº 4064/89, est d'assurer l'efficacité du contrôle et la sécurité juridique des entreprises concernées, et, à cet effet, de respecter des délais stricts.
En outre, il ressort des dispositions de l'article 10 du règlement nº 4064/89 et de l'article 9 du règlement de la Commission nº 2367/90 que la suspension du délai d'adoption de la décision ne peut être ordonnée que dans la seule mesure où la Commission estime ne pas disposer de toutes les informations nécessaires pour adopter sa décision. Dès lors, lorsque la Commission considère, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré à cet effet, qu'elle dispose de celles-ci, elle ne peut, sans violer l'article 10, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89, suspendre le délai de quatre mois auquel elle est soumise, au seul motif que les propositions d'engagements auraient été présentées dans un délai prétendument tardif, mais elle est tenue, au contraire, d'adopter sa décision dès qu'il lui apparaît que les doutes sérieux à l'égard de l'opération sont levés.
8. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Comité consultatif en matière de concentrations - Délai de convocation
Dans le cadre du contrôle des opérations de concentration entre entreprises établi par le règlement nº 4064/89, la méconnaissance du délai de convocation du comité consultatif en matière de concentrations, même en l'absence de circonstances exceptionnelles ayant trait à un risque de préjudice grave au sens de l'article 19, paragraphe 5, dudit règlement, n'est pas, à elle seule, susceptible d'entacher d'illégalité la décision finale de la Commission. En effet, le délai de quatorze jours prévu par cette disposition constitue une règle de procédure purement interne, à l'instar du délai de convocation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, fixé à l'article 10, paragraphe 5, du règlement nº 17. Or, la méconnaissance d'une telle règle n'est susceptible d'entacher d'illégalité la décision finale de la Commission que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle a affecté, de façon préjudiciable, la situation juridique et matérielle de la partie qui invoque un vice de procédure.
Tel ne saurait être le cas lorsque le comité consultatif a, en fait, disposé d'un délai suffisant pour lui permettre de prende connaissance des éléments importants de l'affaire et a pu rendre son avis en pleine connaissance de cause, c'est-à-dire sans être induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions. Dans une telle hypothèse, la méconnaissance du délai de convocation ne peut, en effet, exercer aucune incidence sur l'issue de la procédure de consultation et, le cas échéant, sur le contenu de la décision finale.
Arrêt du 27 novembre 1997, Kaysersberg / Commission (T-290/94, Rec._p._II-2137) (cf. points 86, 88)
9. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Respect des droits de la défense - Décision excluant une opération notifiée du champ d'application du règlement nº 4064/89 - Obligations de la Commission
Le règlement nº 4064/89 consacre expressément, en son article 18, le droit des entreprises intéressées - parmi lesquelles figurent celles ayant notifié une opération de concentration - d'être entendues avant l'adoption d'un certain nombre de décisions qu'il spécifie. Il ne mentionne pas les décisions constatant, en application de l'article 6, paragraphe 1, sous a), que l'opération notifiée ne relève pas dudit règlement.
Toutefois, le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit communautaire et s'impose, dès lors, avant l'adoption de toute décision susceptible de faire grief aux entreprises concernées.
Lorsque, suite à la notification d'une opération de concentration, la Commission a clairement souligné, dans une première demande de renseignements, la nécessité d'obtenir de plus amples précisions sur un point, les exigences liées au respect des droits de la défense ne sauraient imposer à la Commission, en cas de réponse insuffisante à cette demande, de la réitérer.
10. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Accès au dossier - Respect des droits de la défense - Limites
La procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base de ces éléments. Le droit d'accès au dossier se justifie par la nécessité d'assurer aux entreprises en cause la possibilité de se défendre utilement contre les griefs formulés à leur encontre dans ladite communication.
Toutefois, l'accès à certains documents peut être refusé, notamment aux documents ou parties de ceux-ci contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises, aux documents internes de la Commission, aux informations permettant d'identifier les plaignants qui souhaitent ne pas voir révéler leur identité, ainsi qu'aux renseignements communiqués à la Commission sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel.
Ces principes régissant l'accès au dossier dans le cadre des procédures menées en application des articles 85 et 86 du traité sont applicables à l'accès aux dossiers dans les affaires de concentration examinées dans le cadre du règlement nº 4064/89, même si l'application de ces principes peut raisonnablement être conditionnée par l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale dudit règlement.
Arrêt du 28 avril 1999, Endemol / Commission (T-221/95, Rec._p._II-1299) (cf. points 65-68)
La procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base de ces éléments. Le droit d'accès au dossier se justifie par la nécessité d'assurer aux entreprises en cause la possibilité de se défendre utilement contre les griefs formulés contre elles dans ladite communication.
Néanmoins, l'accès à certains documents peut être refusé, notamment aux documents ou parties de ceux-ci contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises, aux documents internes de la Commission, aux informations permettant d'identifier les plaignants qui souhaitent ne pas voir révéler leur identité, ainsi qu'aux renseignements communiqués à la Commission sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel.
Si les entreprises ont droit à la protection de leurs secrets d'affaires, ce droit doit néanmoins être mis en balance avec la garantie des droits de la défense. Ainsi, la Commission peut être tenue de concilier des intérêts opposés par la préparation de versions non confidentielles de documents contenant des secrets d'affaires ou d'autres données sensibles. Ces mêmes principes sont applicables à l'accès aux dossiers dans les affaires de concentration examinées dans le cadre du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentrations entre entreprises, même si l'application de ces principes peut raisonnablement être conditionnée par l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale dudit règlement. Il n'y a pas lieu d'appliquer un niveau de protection différente ou plus extensive en ce qui concerne les droits de la défense en matière de contrôle des concentrations qu'en matière infractionnelle.
11. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Auditions - Obligation d'établir un procès-verbal - Absence
Il ressort clairement des termes de l'article 15, paragraphe 5, du règlement nº 3384/94, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement nº 4064/89, que la Commission est simplement tenue de faire enregistrer les déclarations de chaque personne entendue pendant une audition formelle. En revanche, la Commission n'est pas tenue d'établir le procès-verbal d'une telle audition, à la différence de la procédure prévue à l'article 9, paragraphe 4, du règlement nº 99/63, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 17, qui prévoit que les déclarations essentielles de chaque personne entendue "sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture".
Arrêt du 28 avril 1999, Endemol / Commission (T-221/95, Rec._p._II-1299) (cf. point 94)
12. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Communication des griefs - Contenu nécessaire - Respect des droits de la défense
La communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés en des termes suffisamment clairs pour pouvoir remplir l'objectif que lui assignent les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n'adopte une décision définitive.
Cette exigence est particulièrement forte dans les procédures de contrôle des opérations de concentration entre entreprises régies par le règlement nº 4064/89, où la Commission se livre à une approche prospective de la situation de la concurrence susceptible de découler à l'avenir de l'opération de concentration examinée. Dans ces procédures, la communication des griefs n'a pas pour seul objet d'identifier les griefs et de donner à l'entreprise destinataire la possibilité de présenter ses observations en réponse. Cet acte a également vocation à permettre aux parties notifiantes d'envisager l'opportunité de présenter des mesures correctives et, notamment, des propositions de cessions d'actifs et de mesurer suffisamment tôt, compte tenu de l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale du règlement nº 4064/89, l'ampleur nécessaire de ces cessions, en vue de rendre en temps opportun l'opération notifiée compatible avec le marché commun.
En leur qualité de destinataires de décisions d'une autorité publique affectant de manière sensible leurs intérêts, les entreprises parties à une opération de concentration de dimension communautaire doivent être mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue et, à ces fins, être clairement informées, en temps utile, de l'essentiel des objections que la Commission soulève à l'encontre de leur opération notifiée.
La communication des griefs présente à cet égard une importance particulière, étant donné qu'elle est spécifiquement destinée à permettre aux entreprises concernées de réagir aux préoccupations exprimées par l'institution régulatrice, d'une part, en exprimant leur point de vue à leur sujet, d'autre part, en envisageant de soumettre à la Commission des mesures destinées à corriger l'impact négatif de l'opération notifiée.
Cette garantie, qui relève des garanties fondamentales dont l'ordre juridique communautaire assortit l'accomplissement des procédures administratives, revêt une importance particulière pour le contrôle des opérations de concentration entre entreprises.
Constitue une violation manifeste et grave de l'article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, le fait pour la Commission de rédiger une communication des griefs de telle manière qu'une entreprise ne peut pas savoir que, à défaut de présenter certaines mesures correctives, elle n'a aucune chance d'obtenir que l'opération soit déclarée compatible avec le marché commun. Cette violation des droits de la défense ne trouve ni justification ni explication dans les contraintes particulières pesant objectivement sur les services de la Commission.
13. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision de demande de renseignements adressée aux parties notifiantes - Suspension automatique du délai de quatre mois visé à l'article 10, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89
Lorsque, faute pour les parties notifiantes d'une opération de concentration d'entreprises d'avoir répondu à une lettre de demande de renseignements dans le délai raisonnable fixé par celle-ci, la Commission adopte, sur le fondement de l'article 11, paragraphe 5, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, une décision ordonnant aux intéressées de lui fournir les renseignements demandés, le délai de quatre mois visé à l'article 10, paragraphe 3, dudit règlement "est exceptionnellement suspendu", selon les termes impératifs du paragraphe 4 de cet article. L'emploi du terme "exceptionnellement" n'empêche pas que, lorsqu'une décision de demande de renseignements a été régulièrement adressée par la Commission à une entreprise notifiante, cette décision a automatiquement pour effet de suspendre le délai de quatre mois à partir de la date à laquelle le défaut de fournir des informations nécessaires a été constaté et jusqu'à la date à laquelle il est mis fin à cette défaillance.
Le caractère exceptionnel qu'attribue le règlement nº 4064/89 à la suspension du délai se réfère en effet à la survenance des conditions qui permettent l'adoption d'une décision de demande de renseignements et non aux conséquences à tirer d'une telle décision.
14. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Accès au dossier - Modalités - Pouvoir de la Commission d'apprécier d'office le risque de divulgation de renseignements confidentiels - Obligation de justifier toute restriction au droit d'accès au dossier - Portée
En ce qui concerne les réponses apportées par des parties tierces aux demandes de renseignements de la part de la Commission, le seul fait que l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 447/98, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement nº 4064/89 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, impose une obligation à chacune d'elles demandant le traitement confidentiel de signaler clairement les éléments de sa réponse jugés confidentiels n'empêche pas la Commission, conformément au paragraphe 1 dudit article et à la finalité de l'article 287 CE, d'apprécier d'office si des secrets d'affaires de certaines parties tierces impliquées dans la procédure, ou bien d'autres informations confidentielles, risquent d'être divulgués au cas où un accès complet serait accordé aux réponses d'autres parties tierces qui, elles-mêmes, n'ont pas demandé un tel traitement.
Toutefois, il appartient à la Commission, face à une demande d'accès au dossier présentée par une partie notifiante, de justifier, au moins jusqu'au stade de la consultation du comité consultatif conformément à l'article 18, paragraphe 1, du règlement nº 4064/89, toute restriction à ce droit d'accès, toute exception audit droit devant être interprétée de manière restrictive, en particulier lorsque la Commission se propose d'interdire la concentration notifiée en cause.
À cet égard, l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale du règlement nº 4064/89 ne saurait en lui-même justifier un refus d'accès aux réponses recueillies dans le cadre d'une enquête de marché effectuée à propos des engagements offerts par une partie notifiante. Si la Commission ne dispose pas du temps nécessaire pour demander aux auteurs des réponses à l'enquête une version non confidentielle de celles-ci, conformément à l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 447/98, elle est néanmoins obligée d'indiquer à la partie notifiante en quoi la nature et l'étendue des craintes de représailles ou d'autres effets néfastes ou non souhaités exprimées par lesdits auteurs ayant simplement demandé un traitement confidentiel, sans fournir de version non confidentielle de leurs réponses, suffisent à justifier un refus d'accès à ces réponses, y compris dans une version non confidentielle. Si les échéances très courtes dans la deuxième phase d'une procédure relative à une concentration sont susceptibles, pour des raisons pratiques, et surtout lorsque de nombreuses demandes de traitement confidentiel ont été déposées, de justifier la préparation de résumés non confidentiels, la Commission reste tenue de justifier un refus global d'accorder l'accès à ces réponses. Cette obligation s'applique a fortiori aux réponses soumises à elle sans aucune demande, du moins formelle, de traitement confidentiel.
15. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Accès au dossier - Respect des droits de la défense - Violation - Condition
Ont vocation à s'appliquer aux procédures prévues par le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, même si leur application peut raisonnablement être conditionnée par l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale dudit règlement, les principes généraux du droit communautaire régissant le droit d'accès au dossier de la Commission. Ces principes visent à garantir un exercice effectif des droits de la défense et leur violation au cours de la procédure préalable à l'adoption de la décision est susceptible, en principe, d'entraîner l'annulation de cette décision lorsqu'il a été porté atteinte aux droits de la défense de l'entreprise concernée.
Une violation des droits de la défense est constituée dès lors que la non-divulgation de documents figurant dans le dossier de la Commission a pu influencer, au détriment de la requérante, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision attaquée.
Arrêt du 25 octobre 2002, Tetra Laval / Commission (T-5/02, Rec._p._II-4381) (cf. points 89-91)
16. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Adoption d'une décision constatant la compatibilité d'une opération de concentration avec le marché commun sans ouverture de la phase II - Condition - Absence de doutes sérieux - Engagements des entreprises concernées de nature à rendre l'opération notifiée compatible avec le marché commun - Appréciations d'ordre économique - Marge d'appréciation - Contrôle juridictionnel - Objet - Absence d'erreur manifeste d'appréciation
Si la Commission ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire quant à l'ouverture de la phase II lorsqu'elle se heurte à des doutes sérieux au sujet de la compatibilité d'une opération de concentration avec le marché commun, elle jouit néanmoins d'une certaine marge d'appréciation dans la recherche et l'examen des circonstances de l'espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des doutes sérieux ou, lorsque des engagements ont été proposés, si elles continuent d'en soulever. En effet, même si la notion de "doutes sérieux" revêt un caractère objectif, la recherche de l'existence de tels doutes conduit nécessairement la Commission à effectuer des appréciations économiques complexes, notamment lorsqu'elle doit apprécier si les engagements proposés par les parties à la concentration sont suffisants pour dissiper ces doutes sérieux.
Lorsque le juge communautaire est amené à examiner si de tels engagements sont, eu égard à leur portée et leur contenu, de nature à permettre à la Commission d'adopter une décision d'approbation sans ouvrir la phase II, il lui appartient de vérifier que la Commission a pu, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, considérer que lesdits engagements constituaient une réponse directe et suffisante de nature à dissiper clairement tous les doutes sérieux.
17. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Adoption d'une décision constatant la compatibilité d'une opération de concentration avec le marché commun sans ouverture de la phase II - Condition - Absence de doutes sérieux - Engagements des entreprises concernées de nature à dissiper les doutes apparus et à rendre l'opération notifiée compatible avec le marché commun - Appréciations d'ordre économique - Marge d'appréciation - Contrôle juridictionnel - Objet - Absence d'erreur manifeste d'appréciation
Compte tenu des appréciations économiques complexes que la Commission est amenée à effectuer dans l'exercice du pouvoir d'appréciation dont elle jouit en vertu du règlement nº 4064/89 pour évaluer les engagements proposés par les parties à une concentration, il appartient à celui qui entend obtenir, au motif que les engagements sont insuffisants pour dissiper les doutes sérieux et dispenser de ce fait la Commission d'ouvrir la phase II, l'annulation d'une décision approuvant une concentration au terme de la phase I, de démontrer l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation commise par la Commission.
Il s'ensuit qu'il n'appartient pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission, son contrôle devant se limiter à vérifier que la Commission n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que, pris globalement, les engagements souscrits étaient de nature à résoudre les problèmes de concurrence identifiés que posait l'opération de concentration en cause.
Arrêt du 30 septembre 2003, ARD / Commission (T-158/00, Rec._p._II-3825) (cf. points 194, 245, 329)
18. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Absence d'obligation pour la Commission d'indiquer l'état de sa réflexion sur l'éventuelle résolution des problèmes précédemment constatés entre l'envoi de la communication des griefs et l'adoption de la décision finale
En matière de contrôle des concentrations, la Commission ne peut pas être obligée, au-delà de l'obligation d'exposer les griefs qu'elle retient dans une communication et de compléter celle-ci au cas où elle déciderait ensuite de retenir de nouvelles objections, d'indiquer l'état de sa réflexion sur l'éventuelle résolution des problèmes précédemment constatés entre l'envoi de cette communication et l'adoption de la décision finale.
Arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell / Commission (T-209/01, Rec._p._II-5527) (cf. point 99)
19. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Accès au dossier - Refus du droit d'accès entre la décision d'engagement de la procédure et la communication des griefs - Violation des droits de la défense - Absence
Le droit d'être entendu dans les procédures en matière de concurrence ne porte que sur les objections que la Commission entend retenir.
Ainsi, étant donné qu'une décision d'ouverture au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentrations entre entreprises, n'a pas pour but d'adresser des objections aux parties, mais simplement d'énoncer de manière provisoire les doutes sérieux que nourrit la Commission l'incitant à lancer la seconde phase de l'enquête, une entreprise ne saurait prétendre que l'absence d'accès au dossier avant l'envoi de la communication des griefs a porté atteinte à la possibilité pour elle de se défendre. Le fait que l'entreprise a eu l'occasion, en effet, de présenter ses observations écrites et orales sur la communication des griefs, après avoir eu accès au dossier administratif de la Commission, lui a permis d'exprimer son point de vue sur les griefs retenus en temps utile.
20. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Accès au dossier - Droit d'accès des parties à la concentration, par tranches, tout au long de la procédure - Absence
Si les termes de l'article 18, paragraphe 1, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, signifient que les parties à une opération de concentration doivent être en mesure de présenter des observations dès l'ouverture de la procédure, ils n'impliquent pas que la Commission doive donner accès à son dossier administratif à ce stade plus précoce. La nécessité pour les parties d'avoir accès au dossier administratif de la Commission afin de pouvoir se défendre, en définitive, contre les griefs soulevés par la Commission dans sa communication des griefs ne doit pas être interprétée comme obligeant la Commission à leur donner accès à son dossier par tranches tout au long de la procédure, ce qui représenterait une charge disproportionnée pour l'institution.
Arrêt du 14 décembre 2005, General Electric / Commission (T-210/01, Rec._p._II-5575) (cf. point 694)
21. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Brièveté des délais intermédiaires de procédure - Prise en compte, pour l'évaluation du respect des droits de la défense, de l'impératif de célérité
Pour que la Commission puisse respecter le calendrier prévu par le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentrations entre entreprises, il est nécessaire que les délais intermédiaires fixés à chaque stade de la procédure soient brefs également. Cette circonstance rend moins favorables, par définition, les conditions dans lesquelles tous les participants à la procédure doivent travailler, mais le gain en termes de célérité de la procédure dans son ensemble a été considéré par le législateur comme justifiant ces sacrifices, notamment pour tenir compte de l'intérêt commercial des parties à une opération notifiée à mener à bien leur projet aussi rapidement que possible. À cet égard, il est nécessaire de tenir compte, en appréciant les prétendues violations des droits de la défense dans le contexte d'une procédure relevant du règlement nº 4064/89, de l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale dudit règlement.
En outre, en vertu de l'article 21 du règlement nº 447/98, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement nº 4064/89, applicable notamment au délai pour répondre à une communication des griefs fixé conformément à l'article 13 du même règlement, la Commission tient compte du temps nécessaire pour élaborer les déclarations et de l'urgence de l'affaire. Ainsi, il appartient à la Commission de concilier, dans la mesure du possible, les droits de la défense des parties notifiantes et la nécessité d'adopter rapidement une décision définitive.
Dans ces conditions, les parties à une opération notifiée ne sauraient invoquer la brièveté des délais dont elles ont disposé dans le cadre de cette procédure que pour autant que ces délais ne soient pas proportionnés à la durée de la procédure dans son ensemble.
22. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Communication des griefs - Caractère provisoire - Abandon des griefs se révélant non fondés - Obligation pour la Commission d'être en mesure d'expliquer les raisons du caractère erroné de ces appréciations provisoires - Nécessité d'une compatibilité des appréciations contenues dans la décision avec les constatations factuelles de la communication des griefs n'ayant pas fait l'objet d'une démonstration de leur caractère inexact
Dans le cadre du contrôle des opérations de concentration entre entreprises établi par le règlement nº 4064/89, la communication des griefs ne constitue qu'un document préparatoire dont les appréciations sont de caractère purement provisoire et la Commission a l'obligation de tenir compte des éléments recueillis durant la procédure administrative, ainsi que des arguments avancés par les entreprises concernées, pour abandonner des griefs qui se seraient en définitive révélés mal fondés. Cela vaut a fortiori s'agissant des appréciations provisoires effectuées plusieurs années auparavant dans le cadre de l'examen d'une autre opération de concentration ou des appréciations émises par une autre autorité de concurrence dans un contexte différent. Cela ne signifie toutefois pas que la communication des griefs soit totalement dépourvue de valeur ou de pertinence. En effet, sauf à priver de la moindre valeur toute la procédure administrative d'enquête, non seulement la Commission devrait-elle être en mesure d'expliquer, certes pas dans la décision mais, à tout le moins, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, les raisons pour lesquelles elle estime que ses appréciations provisoires étaient erronées, mais surtout les appréciations contenues dans la décision doivent être compatibles avec les constatations factuelles opérées dans la communication des griefs dans la mesure où il n'est pas établi que celles-ci étaient inexactes.
Arrêt du 13 juillet 2006, Impala / Commission (T-464/04, Rec._p._II-2289) (cf. points 335, 410)
23. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Obligation de la Commission de vérifier les informations transmises - Portée
Si la procédure de contrôle des concentrations repose, nécessairement, dans une large mesure, sur la confiance, la Commission ne pouvant être tenue de vérifier par elle-même, dans le moindre détail, la fiabilité et l'exactitude de toutes les informations transmises, cette dernière ne saurait, en revanche, aller jusqu'à déléguer sans contrôle la responsabilité de la conduite de certains aspects de l'enquête aux parties à la concentration, en particulier lorsque ces aspects constituent l'élément crucial sur lequel la décision est fondée et que les données et appréciations soumises par les parties à la concentration sont diamétralement opposées aux informations recueillies par la Commission durant son enquête ainsi qu'aux conclusions qu'elle en avait tirées.
Arrêt du 13 juillet 2006, Impala / Commission (T-464/04, Rec._p._II-2289) (cf. point 415)
24. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligation de statuer dans un délai de dix jours sur une demande de renvoi - Questionnement quant à la dimension communautaire de l'opération de concentration - Obligation de statuer sur la dimension communautaire dans ce délai - Absence
L'article 22, paragraphe 3, du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, impose à la Commission de statuer dans un délai de dix jours sur une demande de renvoi et prévoit que, à défaut, il en résulte une décision implicite d'acceptation du renvoi.
En cas d'incident relatif à la détermination de la dimension communautaire de l'opération de concentration, la Commission ne doit pas se prononcer sur ladite dimension avant d'adopter une décision sur la demande de renvoi, car, si tel était le cas, elle ne serait pas en mesure d'examiner avec tout le soin requis cette question.
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. point 64)
25. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligation d'indiquer à un plaignant la procédure suivie pour évaluer la dimension communautaire de l'opération de concentration - Absence - Limite - Respect des droits de la défense
Le règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, ne prévoit pas de procédure spéciale pour établir la dimension communautaire d'une concentration. Le fait pour la Commission de ne pas avoir indiqué à un plaignant la procédure qu'elle entendait suivre pour examiner la dimension communautaire ou non de la concentration ne serait susceptible d'affecter la légalité de la décision adoptée à l'issue de cette procédure que s'il en résultait une violation des droits de la défense.
Arrêt du 14 juillet 2006, Endesa / Commission (T-417/05, Rec._p._II-2533) (cf. points 72-73)
26. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision d'ouvrir la phase d'examen approfondi - Acte préparatoire - Renonciation à la concentration - Absence d'incidence
27. Concurrence - Concentrations - Identité des équipes de fonctionnaires chargées des différents stades du contrôle d'une opération de concentration entre entreprises nonobstant une annulation intervenue entre ces différents stades - Violation grave et manifeste de la règle d'impartialité dans la conduite d'une procédure administrative en matière de contrôle des concentrations - Absence
L'identité totale ou partielle des équipes de fonctionnaires chargées des différents stades du contrôle d'une opération de concentration entre entreprises ne constitue pas, de la part de la Commission, une violation suffisamment caractérisée d'une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
En effet, s'il est vrai que le respect du droit des administrés à ce que leur cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial est garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme, à laquelle renvoie l'article 6, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, et a été réaffirmé par l'article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et que le droit à un procès équitable constitue manifestement une règle ayant pour objet de conférer des droits aux administrés, l'article 6, paragraphe 1, de la convention n'interdit pas l'intervention préalable d'organes administratifs ne satisfaisant pas sous tous les aspects aux prescriptions qui s'appliquent à la procédure devant les tribunaux, pour autant que le droit à un tribunal impartial soit garanti.
En matière de contrôle des concentrations, le recours en annulation ouvert par l'article 230 CE contre les décisions adoptées par la Commission en vertu de l'article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement nº 4064/89 constitue une voie de droit présentant les garanties exigées par l'article 6, paragraphe 1, de la convention.
En outre, aucune règle de droit ni aucun principe ne s'oppose à ce que la Commission confie aux mêmes fonctionnaires le réexamen d'une opération de concentration entrepris en exécution d'un arrêt annulant une décision déclarant cette opération incompatible avec le marché commun.
Enfin, on ne saurait poser en principe général découlant du devoir d'impartialité qu'une instance administrative ou judiciaire a, après l'annulation d'une première décision, l'obligation de renvoyer l'affaire à une autre autorité ou à un organe autrement constitué de cette autorité.
28. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision d'ouvrir la phase d'examen approfondi - Conditions
Il suffit de doutes sérieux entretenus sur la compatibilité d'une opération de concentration avec le marché commun pour prendre la décision d'ouverture de la phase d'examen approfondi en vertu de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, alors que la preuve de la création ou du renforcement d'une position dominante est exigée de la Commission par l'article 2, paragraphe 3, de ce règlement lorsqu'elle constate l'incompatibilité d'une concentration avec le marché commun sur le fondement de l'article 8, paragraphe 3.
29. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Décision d'ouverture de la phase d'examen approfondi - Acte ne faisant pas grief et n'exigeant donc pas le respect des droits de la défense
En matière de contrôle des opérations de concentration entre entreprises, si le respect des droits de la défense s'impose avant l'adoption de toute décision susceptible de faire grief aux entreprises concernées, la décision d'ouverture de la phase d'examen approfondi ne constitue pas un acte faisant grief, dont la légalité dépendrait du respect de ces droits.
30. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Communication des griefs - Caractère provisoire - Obligation pour la Commission d'expliquer dans la décision finale les différences existant entre celle-ci et ses appréciations provisoires - Absence
Dans le cadre de la procédure de contrôle des opérations de concentration, la communication des griefs est un document de caractère procédural et préparatoire qui, en vue d'assurer l'exercice efficace des droits de la défense, circonscrit l'objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d'autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure concernée. Il est donc inhérent à la nature de cette communication d'être provisoire et susceptible de modifications lors de l'évaluation à laquelle la Commission procède ultérieurement sur la base des observations qui lui ont été présentées en réponse par les parties ainsi que d'autres constatations factuelles. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de l'intégralité de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui seraient mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu'en droit son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient. Ainsi, la communication des griefs n'empêche nullement la Commission de modifier sa position en faveur des entreprises concernées.
Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue de maintenir les appréciations de fait ou de droit portées dans la communication des griefs. Au contraire, elle doit motiver sa décision finale par ses appréciations définitives basées sur les résultats de l'intégralité de son enquête tels qu'ils se présentent au moment de la clôture de la procédure formelle. Par ailleurs, la Commission n'est pas tenue d'expliquer les différences éventuelles par rapport à ses appréciations provisoires contenues dans ladite communication.
Le fait que la Commission soit soumise dans le cadre du contrôle des opérations de concentration, à la différence de ce qui est le cas dans le champ d'application des articles 81 CE et 82 CE, à des délais de procédure stricts ne change rien à la nature provisoire de la communication des griefs. En effet, l'exercice efficace des droits de la défense impose que l'argumentation des parties à une concentration proposée bénéficie, dans la procédure de contrôle des opérations de concentration, de la même prise en compte que celle de l'argumentation des parties concernées dans les procédures intentées en application des articles 81 CE ou 82 CE.
31. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Respect des droits de la défense - Présentation d'arguments en réponse à la communication des griefs - Droit des parties notifiantes - Degré de force probante nécessaire - Droit de la Commission de reconsidérer ses conclusions provisoires - Obligation de demander des renseignements supplémentaires - Absence
Il découle des droits de la défense des entreprises notifiant une opération de concentration que celles-ci ont le droit de présenter dans le cadre de leur audition écrite et orale, après la réception de la communication des griefs, tout ce qu'elles estiment être susceptible de réfuter les griefs de la Commission et d'amener celle-ci à autoriser leur opération de concentration proposée. Il ne saurait donc, en principe, leur être reproché de ne présenter certains arguments, faits ou éléments de preuve, éventuellement décisifs, que dans le cadre de leur argumentation en réponse à la communication des griefs. En effet, ce n'est qu'avec cette communication que les parties à l'opération de concentration peuvent obtenir des indications détaillées quant aux réserves émises par la Commission à l'égard de leur projet de concentration ainsi qu'aux arguments et aux éléments de preuve sur lesquels elle s'appuie à cet effet. Une argumentation produite en réponse à la communication des griefs fait partie de l'enquête à entreprendre dans le cadre de la procédure formelle et n'est pas tardive, mais intervient au moment prévu à cet effet dans la procédure de contrôle des opérations de concentration. Compte tenu des exigences des droits de la défense, une telle argumentation ne saurait être soumise à des exigences plus élevées quant à sa force probante et à son caractère convaincant que celles posées à l'égard de l'argumentation des concurrents, des clients et d'autres tiers interrogés par la Commission au cours de la procédure administrative ou à l'égard des éléments fournis par les entreprises notifiantes à un stade antérieur de l'enquête de la Commission.
Par ailleurs, lorsque la Commission examine dans sa décision l'argumentation développée par les entreprises notifiantes en réponse à la communication des griefs et se saisit de l'occasion pour revoir ses conclusions provisoires figurant dans cette communication pour éventuellement s'en écarter, sans formuler de demande de renseignements ni effectuer d'études de marché supplémentaires, elle ne procède pas à une «délégation» de l'enquête aux entreprises notifiantes.
Certes, la Commission est tenue d’examiner soigneusement l’argumentation des parties à la concentration quant à son exactitude, son caractère complet et convaincant, et de l’ignorer en cas de doutes justifiés. Il est également vrai que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 447/98, la notification de l’opération de concentration envisagée doit contenir des informations exactes et complètes, et que, conformément à l’article 11 du règlement nº 4064/89, les parties notifiantes sont tenues de répondre de manière complète, exacte et dans les délais prescrits à d’éventuelles demandes de renseignements de la Commission, faute de quoi, lorsque les renseignements en cause ont été demandés par voie de décision, la Commission peut, en vertu des articles 14 et 15 du règlement nº 4064/89, infliger des amendes et des astreintes. Il n’en demeure pas moins que celle-ci doit à l’occasion de la réponse à la communication des griefs, sous peine de dévaloriser les droits de la défense des parties notifiantes, appliquer les mêmes critères que ceux suivis aux fins de l’examen de l’argumentation de tiers ou que ceux retenus à un stade plus précoce de son enquête, tout en pouvant tirer des conséquences appropriées dans l’hypothèse où il s’avère, à un stade très avancé de la procédure, que la notification concernée ne respecte pas les exigences de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 447/98.
Dans ces conditions, compte tenu en particulier des contraintes de temps qui découlent des délais de procédure prévus par le règlement nº 4064/89, la Commission ne saurait, en principe, être tenue, dans chaque cas individuel, d'envoyer, après la communication des griefs et après l'audition des entreprises concernées, à de nombreux opérateurs économiques des demandes de renseignements étendues peu de temps avant la transmission de son projet de décision au comité consultatif pour le contrôle des concentrations d'entreprises, en application de l'article 19 du règlement nº 4064/89.
32. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision de demande de renseignements adressée aux parties notifiantes - Demande de correction des renseignements communiqués - Conditions - Nécessité des renseignements - Risque d'impact significatif des erreurs relevées sur l'appréciation de la compatibilité de l'opération avec le marché commun
La Commission ne peut exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 11 du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, que dans la mesure où elle estime ne pas disposer de toutes les informations nécessaires pour se prononcer sur la compatibilité de l'opération de concentration concernée avec le marché commun.
À cet égard, en vue de l'adoption d'une décision sur une concentration, la Commission doit examiner, en vertu notamment de l'article 2 du règlement nº 139/2004, les effets de l’opération concernée sur tous les marchés pour lesquels il existe un risque qu'une concurrence effective soit entravée de manière significative dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.
En outre, le fait que l'exigence de nécessité doive être interprétée par référence à la décision sur la compatibilité avec le marché commun de la concentration concernée implique que la nécessité des renseignements visés par une demande en vertu de l'article 11 du règlement nº 139/2004 doit être appréciée par référence à la conception que pouvait légitimement avoir la Commission, au moment de la formulation de la demande en cause, de l'étendue des renseignements nécessaires pour l'examen de la concentration. Partant, cette appréciation ne saurait se fonder sur la nécessité réelle des renseignements dans la suite de la procédure devant la Commission, qui est tributaire d'une multitude de facteurs et ne peut donc pas être déterminée avec certitude au moment de la formulation de la demande de renseignements.
À cet égard, si le fait que les renseignements visés par une demande au titre de l'article 11 du règlement nº 139/2004 ont été utilisés par la suite peut indiquer leur nécessité, l'absence de leur utilisation n'équivaut pas à une preuve du contraire.
S'agissant du cas particulier d'une décision adoptée au titre de l'article 11, paragraphe 3, du règlement nº 139/2004, par laquelle la Commission demande la correction des renseignements communiqués par une partie notifiante qui se révèlent inexacts, la nécessité d'une telle correction s'apprécie suivant le critère du caractère substantiel des erreurs identifiées, qui est approprié au vu de la lettre et de l'économie dudit règlement. Partant, la Commission peut demander la correction des renseignements communiqués par une partie qui sont identifiés comme étant erronés s'il existe un risque que les erreurs relevées soient susceptibles d'avoir un impact significatif sur son appréciation de la compatibilité de l'opération de concentration en cause avec le marché commun. Il n'y a pas lieu d'interpréter strictement ce critère, l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale du règlement nº 139/2004 devant être concilié avec l'objectif de contrôle effectif de la compatibilité des concentrations avec le marché commun, que la Commission doit effectuer avec une grande attention et qui requiert qu'elle obtienne des renseignements complets et exacts.
33. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision de demande de renseignements adressée aux parties notifiantes - Demande de correction des renseignements communiqués - Suspension des délais - Violation du principe de proportionnalité - Absence
L'exercice par la Commission des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 11 du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, est soumis au respect du principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis. En particulier, il importe que l'obligation de fournir un renseignement, imposée à une entreprise, ne représente pas pour cette dernière une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l'enquête.
S'agissant d'une décision adoptée au titre de l'article 11, paragraphe 3, du règlement nº 139/2004, par laquelle la Commission demande la correction des renseignements communiqués par une partie notifiante qui se révèlent inexacts, dès lors que la durée de la suspension des délais fixés à l'article 10 du règlement nº 139/2004, engendrée par l'adoption d'une telle décision, dépend de la date de communication des renseignements nécessaires, la Commission ne viole pas le principe de proportionnalité en suspendant la procédure tant que de tels renseignements ne lui ont pas été communiqués.
Arrêt du 4 février 2009, Omya / Commission (T-145/06, Rec._p._II-145) (cf. point 34)
34. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision de demande de renseignements adressée aux parties notifiantes - Communication des griefs ne permettant pas de déterminer la nécessité ou l'exactitude des renseignements
Dans le cadre d'une procédure de contrôle d'une opération de concentration donnant lieu à une demande de renseignements par voie de décision au titre de l'article 11 du règlement nº 139/2004, la communication des griefs ne permet pas de déterminer de manière exhaustive les renseignements que la Commission considère comme nécessaires au moment de l'adoption d'une telle décision. En effet, la communication des griefs ne recense que les appréciations conduisant la Commission à identifier des problèmes concurrentiels potentiels et omet donc, en principe, les marchés sur lesquels aucun risque n'a été identifié. Dès lors, son objet est considérablement plus limité que celui de l'examen effectué en amont par la Commission. La communication des griefs ne constitue pas davantage un élément déterminant s'agissant de l'appréciation de la position de la Commission quant à l'exactitude des renseignements utilisés dans son examen de la concentration notifiée.
Arrêt du 4 février 2009, Omya / Commission (T-145/06, Rec._p._II-145) (cf. points 46, 77)
35. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision de demande de renseignements adressée aux parties notifiantes - Demande de correction des renseignements communiqués - Violation du principe de protection de la confiance légitime - Absence
Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l'intéressé par l'administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l'esprit de celui auquel elles s'adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables.
Dans le cadre du contrôle des opérations de concentration, la Commission peut, sans porter atteinte à la confiance légitime des parties notifiantes, estimer dans un premier temps que les renseignements fournis par ces dernières sont complets et exacts et revenir dans un second temps sur cette appréciation.
En effet, dans l'intérêt d'un contrôle efficace des opérations de concentration et au vu de l'obligation de la Commission d'examiner avec une grande attention les effets de l'opération concernée sur tous les marchés potentiellement affectés, celle-ci doit garder la possibilité de demander la correction de renseignements en substance inexacts communiqués par les parties et nécessaires à son examen, les motifs qui l'ont amenée à vérifier à nouveau leur exactitude étant sans incidence à cet égard.
En outre, dans la mesure où l'examen de la Commission doit être effectué dans des délais relativement stricts et où les parties à la concentration sont tenues de communiquer à la Commission des renseignements exacts et complets, la procédure de contrôle des concentrations repose nécessairement, dans une large mesure, sur la confiance, la Commission ne pouvant être tenue de vérifier immédiatement et en détail l'exactitude de tous les renseignements transmis par lesdites parties.
Les vérifications effectuées par la Commission à la suite de la réception de renseignements ne sont au demeurant pas nécessairement susceptibles de révéler toutes les inexactitudes substantielles qui peuvent affecter ces dernières.
Les parties notifiantes ne sauraient invoquer l'existence d'une confiance légitime pour échapper aux conséquences de la violation de l'obligation de fournir des renseignements complets et exacts au seul motif que cette violation n’a pas été décelée par la Commission lors des vérifications susmentionnées.
Par ailleurs, le simple fait que la Commission ait réagi, par le passé, à la communication de renseignements dans un délai de quelques jours ne constitue pas une assurance suffisamment précise que la Commission ne répondra pas à une communication future de renseignements au-delà d'un tel délai.
Enfin, la pratique de la Commission à l'égard de décisions concernant le caractère complet des renseignements communiqués dans le cadre de l'examen d'une concentration notifiée n'est pas susceptible d'être invoquée s'agissant d’une décision concernant l'exactitude des renseignements et n'est donc pas de nature à créer de confiance légitime.
36. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Décision de demande de renseignements adressée aux parties notifiantes - Demande de correction des renseignements communiqués - Détournement de pouvoir - Absence
La notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d'avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin. En cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu'elle ne sacrifie pas le but essentiel.
L'absence de preuve d'une violation de la réglementation en vigueur n'affecte pas l'existence éventuelle d'un détournement de pouvoir par l'autorité administrative.
Une décision de la Commission au titre de l'article 11 du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, demandant la correction des renseignements communiqués par une partie notifiante qui se révèlent inexacts, est entachée de détournement de pouvoir s'il existe des indices objectifs, pertinents et concordants indiquant qu'elle a été adoptée par la Commission afin d'obtenir une suspension du délai d’examen de la concentration, plutôt que la correction des renseignements nécessaires à ce même examen. À cet égard, n'est pas révélatrice d'un détournement de pouvoir la circonstance que la Commission recherche systématiquement des erreurs lors de vérifications supplémentaires de l'exactitude des renseignements communiqués par les parties notifiantes. Ne constitue pas non plus un indice de l'existence d'un détournement de pouvoir le fait, pour la Commission, de commencer la rédaction d'une décision de demande des renseignements supplémentaires avant d'avoir évalué l'impact des erreurs sur son appréciation.
Arrêt du 4 février 2009, Omya / Commission (T-145/06, Rec._p._II-145) (cf. points 98-100, 106, 109)
37. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Obligation de diligence - Portée - Limites - Obligation de la Commission de vérifier toutes les informations transmises - Absence
Dans le domaine du contrôle des concentrations, la Commission dispose d'une marge d'appréciation, notamment pour ce qui est des appréciations d'ordre économique. Le respect des garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives, dont l'obligation de diligence, a donc, dans ce domaine, d'autant plus d'importance.
Dans ledit domaine, le respect de l'obligation de diligence impose à la Commission d'examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce. La Commission doit donc constater, avec le soin nécessaire, les éléments de fait et de droit dont dépend l'exercice de son pouvoir d'appréciation, en rassemblant les éléments factuels indispensables à l'exercice dudit pouvoir et susceptibles d'avoir une incidence significative sur le résultat du processus décisionnel. Cette obligation implique, premièrement, que la Commission est tenue de prendre en considération tant les éléments factuels et les informations qui lui sont soumis par les parties notifiantes que ceux soumis par tout autre tiers participant activement à la procédure et, deuxièmement, qu'elle est tenue, le cas échéant, de rechercher lesdits éléments factuels par le biais d'enquêtes de marché ou de demandes de renseignements adressées aux acteurs du marché.
Cependant, dans le domaine du contrôle des concentrations, l'exigence du respect par la Commission des garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives, et donc également celle du respect de l'obligation de diligence, doit être interprétée d'une façon compatible avec l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, et qui impose à la Commission de respecter des délais stricts lorsqu'elle exerce son pouvoir d'appréciation. Compte tenu de cet impératif et de ces délais, la Commission ne peut pas, à défaut d'indices indiquant l'inexactitude des informations fournies, être tenue d'effectuer des vérifications s'agissant de toutes les informations qu'elle reçoit. En effet, bien que l'obligation d'examen diligent et impartial ne lui permette pas de se fonder sur des éléments ou des informations qui ne peuvent pas être considérées comme véridiques, ledit impératif de célérité suppose, toutefois, que la Commission ne peut pas vérifier par elle-même, dans le moindre détail, l'authenticité et la fiabilité de toutes les communications qui lui sont envoyées, la procédure de contrôle des concentrations reposant nécessairement et dans une certaine mesure sur la confiance. Au demeurant, la législation en matière de contrôle des concentrations prévoit différentes mesures visant à décourager et à punir la transmission d'informations inexactes ou trompeuses. En effet, les parties notifiantes sont soumises à l'obligation expresse de fournir à la Commission de manière véridique et complète les faits et circonstances pertinents pour la décision, cette obligation étant sanctionnée à l'article 14 du règlement nº 139/2004, et la Commission peut aussi révoquer la décision de compatibilité si celle-ci repose sur des indications inexactes dont une des entreprises concernées est responsable ou si elle a été obtenue par tromperie.
Arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a. / Commission (T-151/05, Rec._p._II-1219) (cf. points 164-166, 184-185)
38. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligations de la Commission à l'égard des tiers qualifiés - Droit d'être entendus - Portée - Droit de s'exprimer dans leur langue d'origine au cours d'une réunion - Non-respect de ce droit ne viciant la procédure qu'en cas de conséquences préjudiciables pour le tiers
Dans le cadre de la procédure de contrôle communautaire des concentrations, le droit d'être entendu est explicitement accordé aux tiers qui justifient d'un intérêt suffisant, par l'article 18, paragraphe 4, du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, et par l'article 16, paragraphe 1, du règlement nº 802/2004, concernant la mise en oeuvre du règlement nº 139/2004. Ces tiers disposent du droit d'être entendus par la Commission, à leur demande, afin de faire connaître leur point de vue sur les effets préjudiciables du projet de concentration notifié à leur égard, un tel droit devant néanmoins être concilié, d'une part, avec le respect des droits de la défense des parties à la concentration et, d'autre part, avec le but principal du règlement, qui est d'assurer l'efficacité du contrôle et la sécurité juridique des entreprises soumises à son application.
Le fait qu'un tiers ne puisse pas s'exprimer dans sa langue au cours d'une réunion avec la Commission ne pourrait vicier la procédure administrative que s'il était démontré que cela a eu des conséquences préjudiciables telles que l'impossibilité pour le tiers d'exprimer certains éléments ou arguments, empêchant ainsi leur prise en considération dans l'analyse de la Commission.
Arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a. / Commission (T-151/05, Rec._p._II-1219) (cf. points 201-202, 211)
39. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Adoption d'une décision constatant la compatibilité d'une opération de concentration avec le marché commun sans ouverture de la phase II - Base juridique
Dans le système du règlement nº 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, l'article 6 dudit règlement constitue la base juridique des décisions adoptées par la Commission dans le cadre de la première phase de la procédure, tandis que l'article 8 constitue la base juridique des décisions adoptées dans le cadre de la deuxième phase de la procédure, ces deux dispositions devant être interprétées à la lumière des critères énoncés à l'article 2 de ce même règlement.
Lorsque la Commission estime, à l'issue de la première phase, qu'une concentration ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle fonde donc, à bon droit, sa décision d’autorisation sur l'article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 139/2004. Lorsqu'elle aboutit à la conclusion opposée et décide d'engager la deuxième phase de la procédure, elle adopte également une décision fondée sur l'article 6 dudit règlement, en particulier sur son article 6, paragraphe 1, sous c), et non sur l'article 8 dudit règlement. La Commission ne peut donc en aucun cas adopter, à l'issue de la première phase de la procédure, une décision fondée sur l'article 8 du règlement nº 139/2004.
Arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a. / Commission (T-151/05, Rec._p._II-1219) (cf. points 67-68)
40. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Communication des griefs - Contenu nécessaire - Limites - Respect des droits de la défense
La mention, dans une communication des griefs, d'un grief tel qu'un problème d'adossement ne suppose pas une démonstration complète de son bien-fondé au terme d'une analyse économique exhaustive. Une telle démonstration, qui, dans le domaine des concentrations, peut effectivement présenter d'importantes difficultés, ne doit être parachevée que dans la suite de la procédure, au vu, notamment, des observations des entreprises concernées, dûment informées de l'existence du problème de concurrence par la communication des griefs aux fins d'un exercice efficace de leurs droits de la défense. Au stade de la communication des griefs, la Commission ne doit exposer de façon suffisamment claire et précise que le problème d'adossement susceptible de faire obstacle à une déclaration de compatibilité de l'opération de concentration.
41. Concurrence - Concentrations - Procédure administrative - Communication des griefs - Contenu nécessaire - Respect des droits de la défense - Incidence du constat, postérieurement à la communication des griefs, de l'existence d'un problème de concurrence omis ou insuffisamment énoncé dans celle-ci
La communication des griefs est un document essentiel pour la mise en œuvre du principe du respect des droits de la défense consacré par l'article 18, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises. En vue d'assurer l'exercice efficace des droits de la défense, ce document circonscrit l'objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d'autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure. À cet effet, l'article 18, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89 implique que, lorsque la Commission constate au cours de la procédure d'examen approfondi, postérieurement à la communication des griefs, qu'un problème de concurrence susceptible d'aboutir à une déclaration d'incompatibilité n'a pas été ou a été insuffisamment énoncé dans cette communication, elle doit ou bien renoncer à ce grief au stade de sa décision finale, ou bien mettre les entreprises concernées en mesure de formuler, avant celle-ci, toutes observations sur le fond et propositions de mesures correctives utiles.