1. Aides accordées par les États - Taux de réescompte préférentiel à l'exportation - Octroi aux produits nationaux exportés - Caractère d'aide
Un taux de réescompte préférentiel à l'exportation, octroyé par un État en faveur des seuls produits nationaux exportés en vue de les aider à concurrencer dans les autres États membres les produits originaires de ces derniers, constitue une aide au sens de l'article 92, dont la Commission a mission d'assurer le respect.
Arrêt du 10 décembre 1969, Commission / France (6 et 11-69, Rec._p._00523)
2. Aides accordées par les États - Prix minimaux - Fixation par une autorité publique pour la vente au détail d'un produit - Charge exclusive des consommateurs - Absence d'aide
L'article 92 du traité CEE doit être entendu en ce sens que la fixation, par une autorité publique mais à la charge exclusive des consommateurs, de prix minimaux pour la vente au détail d'un produit ne constitue pas une aide d'État aux termes de cet article.
Arrêt du 24 janvier 1978, Van Tiggele (82/77, Rec._p._00025)
3. Aides accordées par les États - Dispositions du traité - Application à un groupe de sociétés constitué dans le cadre d'un plan de restructuration - Conditions
Peuvent être considérées comme un groupe unique, au regard d'une aide publique et aux fins de l'application de l'article 92 du traité, une société préexistante et trois sociétés nouvellement créées, dans le cadre d'une opération de restructuration financée par l'aide en cause, pour exploiter ses installations de production, lorsqu'il est constant que la première est intéressée dans les trois autres et qu'elles sont toutes quatre placées sous le contrôle d'une même autorité publique.
Arrêt du 14 novembre 1984, Intermills / Commission (323/82, Rec._p._03809) (cf. al. 11)
4. Aides accordées par les États - Notion - Dommages-intérêts réparant un préjudice causé par l'État et mis à sa charge - Exclusion
Des dommages-intérêts que les autorités d'un État membre seraient condamnées à payer à des particuliers en réparation d'un préjudice qu'elles leur auraient causé ne constituent pas des aides au sens des articles 92 et 93 du traité.
5. Aides accordées par les États - Notion - Taxe parafiscale appliquée aux produits nationaux et importés mais ne profitant qu'aux premiers - Inclusion - Conditions
Une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent la charge grevant ces derniers, peut constituer, en fonction de l'affectation de son produit, une aide étatique, incompatible avec le marché commun, si les conditions d'application de l'article 92 du traité sont réunies, étant entendu que la constatation du concours de ces conditions doit être effectuée suivant la procédure prévue à cet effet dans l'article 93 du traité.
Le fait que le produit d'une taxe parafiscale, indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, soit affecté au financement d'avantages dont bénéficient exclusivement les produits nationaux, compensant ainsi la charge grevant ces derniers, peut constituer une aide étatique incompatible avec le marché commun si les conditions de l'article 92 du traité sont réunies, étant entendu qu'une telle appréciation relève de la compétence de la Commission et ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue à cet effet par l'article 93 du traité.
6. Aides accordées par les États - Notion - Taxe parafiscale sur un produit de base perçue définitivement sur les produits dérivés importés mais remboursée à la fabrication des mêmes produits sur le territoire national ou appliquée aux produits nationaux et importés mais ne profitant qu'aux premiers - Inclusion - Conditions
Le fait qu'une taxe parafiscale, frappant un produit de base, soit remboursée lors de la fabrication de produits dérivés sur le territoire national, alors qu'elle est perçue définitivement à l'importation de ces mêmes produits dérivés, ou que son produit soit affecté au financement d'avantages dont bénéficient exclusivement les produits nationaux, compensant ainsi la charge grevant ces derniers, peut constituer une aide étatique incompatible avec le marché commun si les conditions d'application de l'article 92 du traité sont réunies, étant entendu qu'une telle appréciation relève de la compétence de la Commission, suivant la procédure prévue à cet effet par l'article 93 du traité.
7. Aides accordées par les États - Notion - Cotisation obligatoire constituant une taxe parafiscale appliquée aux produits nationaux et importés mais ne profitant qu'aux premiers - Inclusion - Conditions - Compétence des juridictions nationales - Portée
Une cotisation obligatoire constituant une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent la charge grevant ces derniers, peut constituer, au regard de l'affectation de son produit, une aide étatique, incompatible avec le marché commun, si les conditions d'application de l'article 92 du traité sont réunies, étant entendu qu'une telle appréciation relève de la compétence de la Commission, suivant la procédure prévue à cet effet dans l'article 93 du traité. A cet égard, il convient également de tenir compte des compétences du juge national en cas d'inobservation par l'État membre concerné, lors de l'instauration de la taxe, des obligations découlant de l'article 93, paragraphe 3, du traité, ainsi que dans le cas où une décision de la Commission au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité a constaté l'incompatibilité avec le marché commun de la perception de la taxe en tant que mode de financement d'une aide étatique.
Arrêt du 16 décembre 1992, Lornoy e.a. / État belge (C-17/91, Rec._p._I-6523) (cf. al. 32, disp. 4)
Arrêt du 16 décembre 1992, Claeys (C-114/91, Rec._p._I-6559) (cf. al. 25, disp. 3)
8. Aides accordées par les États - Notion - Cotisation obligatoire constituant une taxe parafiscale appliquée aux produits nationaux et importés mais ne profitant qu'aux premiers - Inclusion - Conditions
La perception d'une cotisation obligatoire constituant une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, peut constituer une aide étatique incompatible avec le marché commun, si les conditions d'application de l'article 92 du traité sont réunies, étant entendu qu'une telle appréciation relève de la compétence exclusive de la Commission, suivant la procédure prévue à cet effet par l'article 93 du traité, et sous le contrôle de la Cour.
9. Aides accordées par les États - Notion - Tarification préférentielle économiquement justifiée du gaz naturel en faveur d'une catégorie d'entreprises - Exclusion
L'application par un État membre ou par l'entité qu'il influence d'un tarif fixé à un niveau inférieur à celui qui aurait été normalement choisi peut être qualifiée d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Dans une telle situation, l'État ou l'entité n'agit pas comme un opérateur économique ordinaire, mais utilise le tarif préférentiel pour faire bénéficier certaines entreprises d'un avantage pécuniaire en renonçant au profit qu'il pourrait normalement réaliser. En revanche, ne constitue pas une mesure d'aide un tarif préférentiel qui, dans le contexte du marché concerné, est objectivement justifié par des raisons économiques telles que la nécessité de lutter contre la concurrence exercée sur ce marché.
À cet égard, un système tarifaire préférentiel pour les fournitures de gaz naturel pratiqué par un État membre en faveur de très grands utilisateurs industriels relevant d'un secteur de production déterminé ne constitue pas une aide étatique dans la mesure où, en premier lieu, ce tarif est justifié par la nécessité de lutter contre la concurrence exercée par les importations des pays tiers afin de garder une clientèle existante importante et où, en second lieu, le prix frontière octroyé à un distributeur de gaz naturel établi dans un autre État membre est de nature à permettre à celui-ci d'accorder un tarif comparable aux très grands utilisateurs industriels relevant du même secteur de production de ce second État membre.
Arrêt du 29 février 1996, Belgique / Commission (C-56/93, Rec._p._I-723) (cf. points 10, 39, 66)
10. Aides accordées par les États - Notion - Assistance logistique et commerciale fournie par une entreprise publique à ses filiales de droit privé exerçant une activité ouverte à la libre concurrence - Inclusion - Condition - Rémunération inférieure à celle réclamée dans des conditions normales de marché
La notion d'aide au sens de l'article 92 du traité recouvre non seulement des prestations positives telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques.
Il s'ensuit que la fourniture d'une assistance logistique et commerciale par une entreprise publique à ses filiales de droit privé exerçant une activité ouverte à la libre concurrence est susceptible de constituer une aide d'État si la rémunération perçue en contrepartie est inférieure à celle qui aurait été réclamée dans des conditions normales de marché. S'agissant de cette dernière condition, il appartient à la juridiction nationale de déterminer la rémunération normale pour les prestations en cause, une telle appréciation supposant une analyse économique qui tienne compte de tous les facteurs qu'une entreprise, agissant dans des conditions normales du marché, aurait dû prendre en considération lors de la fixation de la rémunération pour les services fournis.
Arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C-39/94, Rec._p._I-3547) (cf. points 58, 61-62, disp. 2)
11. Aides accordées par les États - Notion - Réduction de la part prélevée par un État membre sur les recettes tirées des paris engagés sur les courses de chevaux par l'organisme chargé, à titre exclusif, de la gestion du pari mutuel dans cet État - Inclusion - Mesure fiscale de nature permanente, de caractère limité et ne visant pas au financement d'une opération ponctuelle - Absence d'incidence
S'il est vrai que la fiscalité ainsi que la mise en place des régimes fiscaux nationaux relèvent de la compétence des autorités nationales, il n'en reste pas moins que l'exercice d'une telle compétence peut, le cas échéant, se révéler incompatible avec l'article 92, paragraphe 1, du traité.
À cet égard, la Commission ne saurait valablement conclure qu'une mesure fiscale, consistant en la réduction de la part prélevée par un État membre sur les recettes tirées des paris engagés sur les courses de chevaux par l'organisme chargé, à titre exclusif, de la gestion du pari mutuel dans cet État, ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, mais une "réforme sous forme d'ajustement fiscal, justifiée par la nature et l'économie du système en cause" au motif que la mesure est de caractère permanent, qu'elle ne vise pas à financer une opération ponctuelle et qu'elle ne constitue qu'une baisse limitée du taux des prélèvements.
En effet, en ce qui concerne le critère ayant trait à la nature permanente de la mesure en question, l'article 92, paragraphe 1, ne distingue pas entre mesures étatiques permanentes et temporaires. De plus, compte tenu de la fréquence des ajustements des taux de fiscalité par les autorités nationales et de la possibilité de tourner une mesure permanente en mesure provisoire, et inversement, l'application d'un tel critère donnerait lieu à de telles incertitudes, lors de l'application de l'article 92, que ce critère ne serait pas conforme au principe de la sécurité juridique.
S'agissant du critère selon lequel la mesure en question ne vise pas à financer une opération ponctuelle, l'article 92, paragraphe 1, ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets.
Enfin, s'agissant du critère relatif au caractère limité de la baisse du taux du prélèvement public décidée par les autorités nationales, l'importance relativement faible d'une aide n'exclut pas a priori l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
12. Aides accordées par les États - Notion - Avantages de trésorerie résultant de l'autorisation de paiement différé des prélèvements sur les recettes des paris engagés sur les courses de chevaux revenant à l'État - Inclusion - Mesure profitant indirectement à d'autres opérateurs économiques - Absence d'incidence
La décision d'un État membre d'autoriser l'organisme chargé de la gestion du pari mutuel dans cet État à différer le paiement de la part des prélèvements sur les recettes des paris engagés sur les courses de chevaux qui lui revient ne saurait échapper à la qualification d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
En effet, une telle mesure a comme effet d'accorder des avantages financiers à une entreprise et d'améliorer sa situation financière. Si elle peut aussi profiter, indirectement, à plusieurs autres opérateurs dont les activités dépendent de l'activité principale du bénéficiaire direct de la mesure en question, une telle considération ne suffit pas pour conclure qu'elle est une mesure de nature générale n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, mais tout au plus qu'elle peut, éventuellement, bénéficier de la dérogation sectorielle prévue à cet effet par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.
Arrêt du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing / Commission (T-67/94, Rec._p._II-1) (cf. points 78-79)
13. Aides accordées par les États - Notion - Convention d'achat de bons de voyage - Inclusion - Objectifs d'ordre culturel ou social - Absence d'incidence
Une mesure étatique, par laquelle une autorité publique s'engage, sous la forme d'une convention d'achat de bons de voyage, à acquérir pendant plusieurs années des voyages auprès d'une entreprise déterminée, ne saurait, du seul fait que les parties s'engagent à des prestations réciproques, être exclue a priori de la notion d'aide d'État visée à l'article 92 du traité.
Dès lors que l'accord considéré a des effets sur la concurrence et les échanges entre États membres, dans la mesure où les bons de voyage ne peuvent être utilisés que pendant la basse saison, la prestation accrue fournie par l'entreprise ne lui imposant pas, en principe, des coûts supplémentaires significatifs, et qu'il ne ressort pas que la quantité globale acquise desdits bons ait été fixée en fonction des besoins effectifs de l'autorité publique concernée, un tel accord relève du champ d'application de l'article 92, paragraphe 1.
Dans ce cadre, la poursuite éventuelle, par les autorités publiques, d'objectifs d'ordre culturel ou social ne joue aucun rôle dans la qualification de l'accord examiné au regard de l'article 92, paragraphe 1. En effet, cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets. Ces objectifs sont néanmoins pris en considération par la Commission lorsque, dans l'exercice du pouvoir d'examen permanent qui lui est conféré par l'article 93 du traité, elle se prononce sur la compatibilité avec le marché commun d'une mesure déjà qualifiée d'aide d'État et vérifie si cette mesure peut bénéficier de l'une des dérogations prévues par l'article 92, paragraphes 2 et 3.
Arrêt du 28 janvier 1999, BAI / Commission (T-14/96, Rec._p._II-139) (cf. points 71, 76, 79, 81)
14. Aides accordées par les États - Notion - Application d'un régime dérogatoire de droit commun en matière de faillite à des grandes entreprises en état d'insolvabilité - Inclusion - Conditions
La notion d'aide est plus générale que celle de subvention parce qu'elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Par ailleurs, le terme "aide", au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), implique nécessairement des avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'État ou constituant une charge supplémentaire pour l'État ou pour les organismes désignés ou institués à cet effet.
À cet égard, l'application d'un régime dérogatoire aux règles de droit commun en matière de faillite en faveur des grandes entreprises industrielles en difficulté ayant une position débitrice particulièrement élevée envers certaines catégories de créanciers, pour la plupart à caractère public, doit être considérée comme donnant lieu à l'octroi d'une aide d'État, au sens de l'article 92, paragraphe 1, lorsqu'il est établi que cette entreprise
- a été autorisée à poursuivre son activité économique dans des circonstances où une telle éventualité aurait été exclue dans le cadre de l'application des règles de droit commun en matière de faillite, ou
- a bénéficié d'un ou plusieurs avantages, tels qu'une garantie d'État, un taux réduit d'impôt, une exonération de l'obligation de paiement d'amendes et autres sanctions pécuniaires ou un renoncement effectif, total ou partiel, aux créances publiques, auxquels n'aurait pas pu prétendre une autre entreprise insolvable dans le cadre de l'application des règles de droit commun en matière de faillite.
Arrêt du 17 juin 1999, Piaggio (C-295/97, Rec._p._I-3735) (cf. points 34-35, 43, disp. 2)
15. Aides accordées par les États - Notion - Facilités de paiement de cotisations de sécurité sociale accordées de façon discrétionnaire par un organisme chargé de leur collecte à une entreprise - Inclusion - Conditions
La notion d'aide d'État comprend non seulement des prestations positives telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Aussi, le comportement d'un organisme public compétent pour collecter les cotisations de sécurité sociale qui tolère que lesdites cotisations soient payées avec retard donne à l'entreprise qui en bénéficie un avantage commercial appréciable en allégeant, à son égard, la charge découlant de l'application normale du régime de la sécurité sociale.
Par ailleurs, il résulte du libellé de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) que des mesures à caractère général ne favorisant pas uniquement certaines entreprises ou certaines productions ne relèvent pas de cette disposition. En revanche, lorsque l'organisme qui octroie des avantages financiers dispose d'un pouvoir discrétionnaire qui lui permet de déterminer les bénéficiaires ou les conditions de la mesure accordée, celle-ci ne saurait être considérée comme présentant un caractère général.
Il en résulte que des facilités de paiement de cotisations de sécurité sociale accordées de façon discrétionnaire par l'organisme chargé de leur collecte à une entreprise constituent une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, si, compte tenu de l'importance de l'avantage économique ainsi octroyé, l'entreprise n'aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d'un créancier privé se trouvant, à son égard, dans la même situation que l'organisme collecteur.
Arrêt du 29 juin 1999, DM Transport (C-256/97, Rec._p._I-3913) (cf. points 19, 27 et disp.)
16. Aides accordées par les États - Notion - Dégrèvement partiel des charges sociales découlant de l'application normale du système de prévoyance sociale - Inclusion - Mesures étatiques visant à compenser des coûts résultant pour les entreprises d'accords collectifs
La notion d'aide comprend les avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise. Constitue une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) un dégrèvement partiel des charges sociales incombant aux entreprises d'un secteur industriel particulier si cette mesure est destinée à exempter partiellement ces entreprises des charges pécuniaires découlant de l'application normale du système général de prévoyance sociale, sans que cette exemption se justifie par la nature ou l'économie de ce système, le caractère social des interventions étatiques ne suffisant pas à les faire échapper d'emblée à la qualification d'aides au sens de l'article 92 du traité.
Ainsi, des mesures étatiques ayant pour objet la réduction dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale pour les entreprises de certains secteurs industriels particuliers ne sauraient échapper à la qualification d'aides au sens de l'article 92 du traité, dès lors que ces mesures visent à compenser les coûts résultant, pour ces entreprises, d'accords collectifs conclus entre le patronat et les syndicats, accords que ces entreprises sont tenues de respecter, et que ces coûts grèvent, par leur nature, le budget de celles-ci.
S'agissant, par ailleurs, de l'appréciation de ces coûts, les accords conclus par les partenaires sociaux forment un ensemble et ne sauraient être évalués en tenant compte de façon isolée de certains de leurs aspects positifs ou négatifs pour l'une ou l'autre partie. Compte tenu de la diversité des considérations qui poussent les partenaires sociaux à négocier, ainsi que du fait que le résultat de leurs négociations est le fruit d'un compromis pour lequel chaque partie fait des concessions dans certains domaines en contrepartie d'avantages dans d'autres domaines, non nécessairement connexes, il est en principe impossible d'évaluer avec la précision nécessaire le coût final de tels accords pour les entreprises.
17. Aides accordées par les États - Notion - Réglementation nationale applicable à toute entreprise soumise à une procédure de redressement judiciaire - Inclusion
L'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets.
Le seul fait qu'une réglementation nationale soit applicable à toute entreprise soumise à une procédure de redressement judiciaire ou ayant contracté des dettes envers la sécurité sociale et le trésor public ne suffit donc pas à faire échapper d'emblée des mesures prises par les autorités compétentes d'un État membre à l'égard d'une entreprise soumise à une telle procédure à la qualification d'aides au sens de l'article 92 du traité.
Certes, l'éventuelle perte de ressources fiscales qui résulterait pour un État de l'application à une entreprise d'une législation sur le redressement judiciaire et la faillite ne saurait en elle-même justifier la qualification d'aide de cette législation. En effet, une telle conséquence est inhérente à tout régime légal fixant le cadre dans lequel s'organisent les relations entre une entreprise insolvable et l'ensemble de ses créanciers, sans pour autant qu'il puisse en être déduit automatiquement l'existence d'une charge financière supplémentaire supportée directement ou indirectement par les pouvoirs publics et destinée à accorder aux entreprises concernées un avantage déterminé.
En revanche, un tel avantage peut résulter de certaines mesures ou même de l'absence de mesures prises par les autorités concernées dans des circonstances particulières. Tel est le cas lorsque l'entreprise a pu poursuivre ses activités pendant plusieurs années sans respecter ses obligations fiscales et de sécurité sociale.
Arrêt du 12 octobre 2000, Espagne / Commission (C-480/98, Rec._p._I-8717) (cf. points 16-20)
18. Aides accordées par les États - Bénéficiaires des aides n'étant pas les destinataires des subventions - Subventions versées à des stations-service liées aux compagnies pétrolières par des clauses de gestion des prix - Aides accordées aux compagnies pétrolières
Au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), sont notamment considérées comme aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. À cet égard, la même disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets.
Ainsi, les aides qu'un État membre verse à des stations-service afin de réduire la perte économique qu'elles subissent à la suite d'une augmentation des droits d'accises sur les produits pétroliers constituent des aides en faveur des compagnies pétrolières, dans le cas où les stations-service sont liées à ces dernières par des clauses de gestion des prix, visant à éviter que, du fait de la majoration du prix des carburants consécutive à l'augmentation des droits d'accises, elles subissent une baisse de leur chiffre d'affaires. En effet, les aides versées à ces stations-service ont pour effet d'alléger les charges qui grèveraient normalement le budget des compagnies soucieuses de maintenir leur position concurrentielle au regard de l'évolution du marché intérieur ou international. De telles aides entraînent donc des conséquences économiques pour les compagnies concernées puisqu'elles ont pour effet, en tout état de cause, d'exonérer ces compagnies de leur obligation d'assumer tout ou partie des coûts de la réduction du prix à la pompe pratiquée par leur distributeur, afin d'éviter des pertes de parts de marché.
Arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas / Commission (C-382/99, Rec._p._I-5163) (cf. points 60-63, 66)
19. Aides accordées par les États - Aides à l'investissement réservées aux entreprises établies sur le territoire national - Discrimination - Absence
Une discrimination consiste notamment dans le traitement différent de situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d'autres sans que cette différence de traitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaine importance. Étant donné qu'une mesure de soutien à des investissements prise par une autorité publique ne s'applique, par définition, qu'à l'égard du territoire dont cette dernière a la responsabilité, on ne saurait qualifier de discrimination le fait qu'elle ne bénéficie pas aux entreprises non établies sur ce territoire, celles-ci étant dans une situation tout à fait différente à son égard de celles établies sur ledit territoire.
Arrêt du 26 septembre 2002, Espagne / Commission (C-351/98, Rec._p._I-8031) (cf. point 57)
20. Aides accordées par les États - Notion - Assistance logistique et commerciale fournie par une entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général à sa filiale - Exclusion - Conditions - Couverture des coûts variables supplémentaires - Contribution adéquate aux coûts fixes consécutifs à l'utilisation du réseau mis en place par ladite entreprise - Rémunération appropriée des capitaux propres affectés à l'activité concurrentielle de la filiale
En l'absence de toute possibilité de comparer la situation d'une entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général au sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité (devenu article 86, paragraphe 2, CE), telle une entreprise opérant, sous monopole légal, dans le secteur du courrier ordinaire, dont le réseau n'aurait jamais été constitué par une entreprise privée, avec celle d'un groupe privé d'entreprises n'opérant pas dans un secteur réservé, le critère, nécessairement hypothétique, de "conditions normales de marché", permettant de déterminer si la fourniture d'une assistance logistique et commerciale par une entreprise publique à sa filiale de droit privé est susceptible de constituer une aide d'État, doit s'apprécier par référence aux éléments objectifs et vérifiables qui sont disponibles.
Les coûts supportés par cette entreprise pour la fourniture de ladite assistance peuvent constituer de tels éléments objectifs et vérifiables. Sur cette base, l'existence d'une aide d'État en faveur de la filiale peut être exclue si, d'une part, il est établi que la contrepartie exigée couvre dûment tous les coûts variables supplémentaires occasionnés par sa fourniture, une contribution adéquate aux coûts fixes consécutifs à l'utilisation du réseau postal ainsi qu'une rémunération appropriée des capitaux propres dans la mesure où ils sont affectés à l'activité concurrentielle de la filiale, et si, d'autre part, aucun indice ne donne à penser que ces éléments ont été sous-estimés ou fixés de manière arbitraire.
21. Aides accordées par les États - Notion - Prise en charge des coûts d'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs inhérents à l'activité économique des éleveurs et des abattoirs - Inclusion
La notion d'aide d'État peut recouvrir non seulement des prestations positives telles que des subventions, des prêts ou des prises de participation au capital d'entreprises, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, telle la fourniture de biens ou de services dans des conditions préférentielles, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. À cet égard, l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets.
Ainsi, la charge financière induite par l'élimination de cadavres d'animaux et de déchets d'abattoirs devant être considérée comme un coût inhérent à l'activité économique des éleveurs et des abattoirs, une intervention des autorités publiques visant à les libérer de cette charge apparaît comme un avantage économique susceptible de fausser la concurrence, tel que visé par l'article 92, paragraphe 1, du traité.
Arrêt du 20 novembre 2003, GEMO (C-126/01, Rec._p._I-13769) (cf. points 28-29, 31, 33-34)
22. Aides accordées par les États - Notion - Caractère juridique - Interprétation sur la base d'éléments objectifs - Convention de réservation - Appréciation selon le critère de l'investisseur privé
La notion d'aide d'État, telle qu'elle est définie dans le traité, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d'éléments objectifs.
Une mesure qu'un établissement public adopte à l'égard d'une entreprise privée sous la forme d'une convention de réservation ne peut, du seul fait que les deux parties se sont engagées à des prestations réciproques, être a priori exclue de la notion d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE); sa qualification dépend de la question de savoir si l'entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu'elle n'aurait pas reçu dans des conditions normales de marché.
23. Aides accordées par les États - Notion - Versement au personnel d'une entreprise d'une compensation pour sa renonciation au statut de fonctionnaire - Exclusion
L'article 87, paragraphe 1, CE a pour seul objet d'interdire des avantages qui favorisent certaines entreprises, la notion d'aide ne recouvrant que des interventions qui allègent les charges grevant normalement le budget d'une entreprise et qui sont à considérer comme un avantage économique que l'entreprise bénéficiaire n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. Ainsi, le versement par un État membre d'une somme d'argent à des employés d'une entreprise de transport par autobus pour financer l'abandon de leur statut de fonctionnaire en faveur d'un statut d'agent contractuel ne constitue pas une aide d'État, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, lorsque la mesure en question vise à remplacer le statut privilégié et coûteux de ces fonctionnaires par un statut comparable à celui des employés d'autres entreprises de transport par autobus se trouvant en concurrence avec elle. Une telle mesure vise, comme aurait aussi pu le faire une réaffectation des intéressés au sein de l'administration publique, à libérer cette entreprise d'un désavantage structurel par rapport à ses concurrents privés et non pas à lui accorder un avantage.
Arrêt du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd / Commission (T-157/01, Rec._p._II-917) (cf. point 57)
24. Aides accordées par les États - Notion - Règlements adoptés par un organisme professionnel de droit public aux fins du financement d'une campagne publicitaire au moyen de ressources prélevées auprès de ses membres et affectées obligatoirement au financement de ladite campagne - Exclusion
Les articles 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) et 93, paragraphe 3, du traité (devenu article 88, paragraphe 3, CE) doivent être interprétés en ce sens que des règlements adoptés par un organisme professionnel de droit public aux fins du financement d'une campagne publicitaire organisée en faveur de ses membres et décidée par eux, au moyen de ressources prélevées auprès desdits membres et affectées obligatoirement au financement de ladite campagne, ne constituent pas une partie intégrante d'une mesure d'aide au sens de ces dispositions et n'avaient pas à être notifiés préalablement à la Commission dès lors qu'il est établi que ce financement a été réalisé au moyen de ressources dont cet organisme professionnel de droit public n'a eu, à aucun moment, le pouvoir de disposer librement.
Arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C-345/02, Rec._p._I-7139) (cf. point 41 et disp.)
25. Aides accordées par les États - Notion - Renonciation, dans le cas du passage des médecins d'un régime d'opérations assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée à un régime d'opérations exonérées, à la réduction, prescrite par l'article 20 de la sixième directive sur la taxe sur la valeur ajoutée, de la déduction déjà opérée pour des biens continuant à être utilisés dans l'entreprise - Inclusion
L'article 92 du traité (devenu, après modification, article 87 CE) doit être interprété en ce sens qu'une règle en vertu de laquelle le fait, pour des médecins, de passer d'un régime d'opérations assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée à un régime d'opérations exonérées n'entraîne pas la réduction, prescrite par l'article 20 de la sixième directive, de la déduction déjà opérée concernant des biens qui continuent à être utilisés dans l'entreprise, doit être qualifiée d'aide d'État.
Arrêt du 3 mars 2005, Heiser (C-172/03, Rec._p._I-1627) (cf. point 59)
26. Aides accordées par les États - Notion - Mesures introduisant une différenciation entre entreprises en matière de charges inhérente à la nature et à l'économie du système de charges en cause - Exclusion
La notion d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE est plus générale que celle de subvention parce qu'elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise. Toutefois, la notion d'aide ne vise pas des mesures introduisant une différenciation entre entreprises en matière de charges lorsque cette différenciation résulte de la nature et de l'économie du système de charges en cause. Tel est le cas d'une mesure qui impose, à titre transitoire, une majoration de la redevance pour l'accès au réseau national de transport d'électricité et pour son utilisation aux seules entreprises productrices-distributrices d'électricité provenant d'installations hydrauliques et géothermiques, afin de compenser l'avantage généré pour celles-ci, pendant la période de transition, par la libéralisation du marché de l'électricité à la suite de la transposition de la directive 96/92, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. Partant, cette différenciation ne constitue pas en soi une aide d'État au sens de l'article 87 CE.
Arrêt du 14 avril 2005, AEM (C-128/03 et C-129/03, Rec._p._I-2861) (cf. points 38-39, 43, disp. 1)
27. Aides accordées par les États - Notion - Mesures financées par une taxe prétendument illégale - Absence de lien d'affectation contraignant entre ladite taxe et les mesures concernées - Exclusion - Cas d'espèce
Le lien contraignant entre une taxe et les mesures qu'elle finance, sans lequel cette taxe ne saurait être considérée comme un élément d'une aide d'État, fait défaut dans le cas d'une indemnité de départ versée à certains opérateurs économiques, dès lors que le montant effectivement versé à ce titre ne dépend pas du produit de la taxe mais est arrêté, conformément à un décret, dans les limites fixées par arrêté ministériel, en fonction des éléments qui caractérisent la situation de chaque demandeur et notamment de l'état de ses ressources et de ses charges. Il fait pareillement défaut s'agissant du financement des régimes d'assurance vieillesse de base de certaines catégories professionnelles, dès lors que, de par les modalités selon lesquelles est fixée la contribution de la taxe à ce financement, le produit de celle-ci n'affecte pas directement l'importance de l'avantage octroyé aux régimes bénéficiaires, lesquels ne correspondent d'ailleurs pas à une activité économique. Il fait tout autant défaut s'agissant de l'affectation d'une partie du produit de la taxe à un fonds d'intervention et à un comité professionnel, dès lors que ces organismes et les ministres compétents disposent d'un pouvoir discrétionnaire quant à cette affectation.
28. Aides accordées par les États - Notion - Mesures fiscales d'exonération, de réduction d'impôts ou de report de paiement pour certaines opérations de restructuration bancaire - Inclusion
La notion d'aide est plus générale que celle de subvention, parce qu'elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Il en découle qu'une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d'État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables, constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. De même, peut constituer une aide d'État une mesure accordant à certaines entreprises une réduction d'impôt ou un report du paiement de l'impôt normalement dû.
Tel est le cas, dans le cadre d'une réglementation fiscale visant des opérations de restructuration bancaire, des mesures emportant soit une réduction d'impôt liée à l'application d'un taux minoré ou à la substitution d'une taxe fixe aux impôts normalement dus, soit une exonération d'impôt en cas de plus-value effective lors d'une rétrocession de biens non indispensables à la réalisation de l'objet social d'une banque à la fondation bancaire lui ayant transféré précédemment ces biens, ou en cas de transfert par une banque cessionnaire de ses participations dans la banque centrale de l'État membre à la fondation bancaire lui ayant précédemment cédé ces participations, en particulier si lesdites participations ont été obtenues initialement à titre gratuit et sont transférées ensuite à titre onéreux ou soumises à une réévaluation.
Cette conclusion n'est pas remise en cause, en ce qui concerne les mesures prévoyant la neutralité fiscale d'opérations de rétrocession, par l'argumentation selon laquelle le paiement de l'impôt normalement dû n'est que reporté à la date d'une réalisation ultérieure éventuelle du même bien. En effet, non seulement le report du paiement d'une dette fiscale peut constituer une aide d'État, mais, surtout, une rétrocession telle que celle visée en l'espèce opère un transfert de propriété du bien d'un sujet de droit à un autre, de sorte que, pour la société bancaire réalisant la rétrocession au profit d'une fondation bancaire, sujet de droit distinct, l'exonération est définitive.
Arrêt du 15 décembre 2005, Italie / Commission (C-66/02, Rec._p._I-10901) (cf. points 77-82)
29. Aides accordées par les États - Notion - Exonération de retenue de dividendes revenant à des fondations bancaires, titulaires de participation dans des sociétés bancaires, poursuivant exclusivement certains buts - Inclusion
Une exonération de retenue sur des dividendes revenant à des fondations bancaires, titulaires de participations dans des sociétés bancaires et qui poursuivent exclusivement des buts de bienfaisance, d'éducation, d'enseignement, d'étude et de recherche scientifique, est susceptible d'être qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. En effet, une telle mesure nationale relève d'un financement étatique. De plus, elle est sélective. Enfin, un tel avantage intervient dans le secteur des services financiers qui a fait l'objet d'un important processus de libéralisation au niveau communautaire ayant accentué la concurrence pouvant résulter déjà de la libre circulation des capitaux prévue par le traité, et est susceptible de renforcer, d'une part, en termes de financement et/ou de trésorerie, la position de l'unité économique, active dans le secteur bancaire, constituée par la fondation bancaire et la société bancaire, et, d'autre part, la position de la fondation bancaire dans une activité exercée, notamment, dans un domaine social, scientifique ou culturel.
30. Aides accordées par les États - Notion - Réglementation nationale accordant aux associés d'une société contrôlée par l'État une faculté, dérogatoire au droit commun, de retrait de cette société à la condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de ladite société - Exclusion
Une réglementation nationale, qui accorde aux associés d'une société contrôlée par l'État une faculté, dérogatoire au droit commun, de retrait de cette société à la condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de ladite société, n'est pas susceptible d'être qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 87 CE.
Arrêt du 23 mars 2006, Enirisorse (C-237/04, Rec._p._I-2843) (cf. point 51)
31. Aides accordées par les États - Notion - Calcul des coûts d'une société mère opérant dans un marché réservé occasionnés par la fourniture d'une assistance logistique et commerciale à sa filiale n'opérant pas dans un marché réservé - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Application d'une méthode de rétropolation linéaire - Admissibilité - Conditions - Contrôle juridictionnel - Limites
L'appréciation par la Commission de la question de savoir de quelle manière les coûts d'une société mère opérant dans un marché réservé occasionnés par la fourniture de l'assistance logistique et commerciale à sa filiale n'opérant pas dans un marché réservé sont calculés, en l'absence d'une comptabilité analytique, implique une appréciation économique complexe. Or, la Commission, lorsqu'elle adopte un acte impliquant une appréciation économique complexe, jouit d'un large pouvoir d'appréciation et le contrôle juridictionnel dudit acte, même s'il est en principe "entier" pour ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l'auteur de la décision.
À cet égard, la société mère opérant dans le secteur du courrier ordinaire, la Commission ne commet pas d'erreur manifeste d'appréciation dans son choix de la méthode de rétropolation linéaire. En effet, le raisonnement selon lequel cette méthode ne tient pas compte des rendements d'échelle croissants, le coût unitaire total de production des activités de courrier express devant diminuer avec l'augmentation du volume de production, se réfère au cas d'une entreprise privée commençant son activité et, en particulier, à l'hypothèse où celle-ci met en place son réseau de distribution ex novo. Il ne s'applique pas à la mise en place d'une activité nouvelle qui ne représente qu'une petite partie d'une activité déjà existante et pour laquelle ont déjà été supportés la plupart des coûts fixes. Dans un secteur tel que celui du courrier ordinaire, où les coûts fixes sont très importants, mais résultent de l'existence même du réseau de la société mère opérant dans ce marché réservé et indépendamment de l'activité de la société filiale, un tel raisonnement ne saurait être retenu.
Arrêt du 7 juin 2006, Ufex e.a. / Commission (T-613/97, Rec._p._II-1531) (cf. points 128, 130-131)
32. Aides accordées par les États - Notion - Transfert sans contrepartie, à une filiale de droit privé n'opérant pas dans un marché réservé, de la clientèle d'un service créé par sa société mère opérant dans un marché réservé - Inclusion
La notion d'aide d'État, au sens de l'article 92 du traité (devenu, après modification, article 87 CE), a un champ d'application très large. En effet, cette disposition a pour objet de prévenir que les échanges entre États membres soient affectés par des avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. La notion d'aide recouvre dès lors non seulement des prestations positives, telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Parmi les avantages indirects qui ont les mêmes effets que les subventions figure la fourniture de biens ou de services dans des conditions préférentielles.
En outre, l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets.
Constitue dès lors une aide d'État le transfert sans contrepartie, à une filiale de droit privé, de la clientèle d'un service n'appartenant pas au secteur réservé, créé par sa société mère opérant dans un marché réservé avec les ressources de son monopole légal. En effet, il s'agit d'une mesure distincte de l'assistance logistique et commerciale d'une telle entreprise à sa filiale. De plus, cette clientèle représente un actif incorporel qui a une valeur économique. Cette constatation ne saurait être infirmée par le fait que ladite clientèle n'a pas de contre-valeur comptable. Même s'il s'agit d'un élément difficilement quantifiable, cela ne signifie pas qu'il soit sans valeur. À cet égard, la réalisation et la commercialisation des listes d'adresses pour certaines activités constituent, en tant que telles, des activités économiques.
33. Aides accordées par les États - Notion - Écotaxe grevant la commercialisation des granulats vierges - Champ d'application matériel ne comportant pas, au regard des objectifs environnementaux poursuivis, d'éléments d'aide d'État en faveur des entreprises non assujetties
Dans le cadre de l'appréciation au regard des règles communautaires relatives aux aides d'État d'une écotaxe, instituée par un État membre, grevant en principe la commercialisation des granulats vierges - c'est-à-dire des matériaux granuleux de première extraction employés dans le bâtiment et les travaux publics - et visant à maximiser le recours à des granulats recyclés ou à d'autres matériaux de substitution par rapport aux granulats vierges, à promouvoir une utilisation rationnelle des granulats vierges et à assurer l'internalisation des coûts environnementaux de l'extraction des granulats visés par la taxe conformément au principe du pollueur-payeur, ne comporte pas d'éléments d'aide d'État le fait que les matériaux commercialisés en vue d'un usage autre que celui de granulats ne relèvent pas du secteur assujetti à cette taxe. En effet, l'exonération de ces matériaux ne présente aucun caractère dérogatoire par rapport au système de l'écotaxe considérée. En particulier, la décision d'instituer une écotaxe dans le seul secteur des granulats - et non de manière générale dans l'ensemble des secteurs d'exploitation des carrières et des mines ayant le même impact sur l'environnement que l'extraction des granulats - relève de la compétence de l'État membre concerné de fixer ses priorités en matière de politiques économique, fiscale et environnementale. Un tel choix, même motivé par le souci de préserver la compétitivité internationale de certains secteurs, ne permet donc pas de mettre en doute la cohérence de l'écotaxe avec les objectifs environnementaux poursuivis.
En outre, il est loisible à l'État membre concerné, dans le cadre de sa politique environnementale, de déterminer librement les matériaux à usage de granulats qu'il considère opportun de taxer, et d'exclure, eu égard aux objectifs environnementaux poursuivis, du champ d'application de l'écotaxe certains matériaux même lorsqu'ils sont employés comme granulats à la suite de leur extraction, dans la mesure où, au regard des objectifs environnementaux poursuivis, l'exonération de ces matériaux permet leur emploi en tant que substituts des granulats vierges visés par l'écotaxe et peut de la sorte contribuer à une rationalisation de l'extraction et de l'emploi de ces derniers.
Enfin, l'assujettissement à l'écotaxe de certains matériaux non susceptibles d'être remplacés par des produits de substitution peut raisonnablement répondre à l'objectif de l'écotaxe visant à internaliser les coûts environnementaux liés à la production de granulats vierges lorsque son montant correspond approximativement aux coûts environnementaux moyens liés à l'extraction des granulats.
L'assujettissement des produits dérivés de l'extraction de matériaux non remplaçables par des produits de substitution peut être également justifié par le principe du pollueur-payeur, ainsi que se justifier par l'objectif de l'écotaxe visant à encourager une extraction et un traitement plus rationnels des granulats, de manière à réduire la proportion de granulats de qualité inférieure.
34. Aides accordées par les États - Notion - Intervention d'un État membre en raison de la disparition d'une condition d'un contrat et de l'obligation subséquente d'adapter ledit contrat en vertu du droit national - Inclusion
35. Aides accordées par les États - Notion - Assistance logistique et commerciale fournie par une entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général à sa filiale - Exclusion - Conditions - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Contrôle juridictionnel - Limites
En présence d'une décision de la Commission constatant que l'assistance logistique et commerciale fournie par une entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général à sa filiale ne constitue pas une aide d'État, le juge communautaire doit vérifier si les faits invoqués par la Commission sont matériellement exacts et s’ils sont de nature à établir que toutes les conditions permettant la qualification d’"aide", au sens du traité, sont remplies. S’agissant là d’une appréciation économique complexe, le contrôle juridictionnel d’un acte de la Commission impliquant une telle appréciation doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. En outre, dès lors que la notion d’aide d’État répond à une situation objective qui s’apprécie à la date à laquelle la Commission prend sa décision, ce sont les appréciations portées à cette date qui doivent être prises en compte pour opérer ce contrôle juridictionnel.
En l’absence de toute possibilité de comparer la situation d'une entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général avec celle d’un groupe privé d’entreprises n’opérant pas dans un secteur réservé, les "conditions normales de marché", qui sont nécessairement hypothétiques, doivent s’apprécier par référence aux éléments objectifs et vérifiables qui sont disponibles.
Dans ces conditions, la Commission a pu, à bon droit, fonder sa décision sur les seules données dont elle disposait, à savoir celles ressortant du rapport d'une société de conseil, qui ont permis de reconstituer les coûts supportés par cette entreprise. Le recours à ces données ne saurait être critiquable que s’il était établi qu’elles reposaient sur des considérations manifestement erronées.
36. Aides accordées par les États - Notion - Taxe frappant l'électricité nationale et importée affectée à la compensation de coûts non conformes au marché - Inclusion - Condition - Constitution d'un avantage économique et non d'une compensation pour l'exécution d'obligations de service public
Dans le cadre d'une mesure législative en vertu de laquelle les acheteurs nationaux d’électricité sont redevables d’un montant ayant pour origine un supplément de prix, constituant une taxe, dû à leur gestionnaire de réseau pour les quantités d’électricité produites dans l’État membre et importées, transportées en faveur de ces acheteurs, lorsque ce supplément doit être cédé par ledit gestionnaire à une société désignée à cette fin par le législateur, cette société étant une filiale commune d'entreprises nationales productrices d’électricité et auparavant gestionnaire des coûts de toute l’électricité produite et importée, et que ce supplément doit être intégralement affecté au paiement de coûts non conformes au marché auxquels cette société est personnellement tenue, ce qui a pour conséquence que les sommes perçues par cette société compensent intégralement la charge subie par l’électricité nationale transportée, l’article 87 CE doit être interprété en ce sens que les montants payés à ladite société constituent une aide d’État au sens de cette disposition pour autant qu’ils représentent un avantage économique et non une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par la société désignée pour exécuter des obligations de service public.
37. Aides accordées par les États - Atteinte à la concurrence - Mesures étatiques visant à rapprocher les conditions de concurrence, dans un certain secteur économique, de celles prévalant dans d'autres États membres - Exclusion de la qualification d'aide - Conditions
Le fait qu'un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d'autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d'aides d'État.
À l’instar de l’ensemble du droit communautaire de la concurrence, les règles du traité relatives aux aides visent à assurer non pas une concurrence parfaite, mais une concurrence effective ou efficace.
Dans ces conditions, la compensation de désavantages structurels permet uniquement d’écarter la qualification d’aide dans certaines situations spécifiques. Ainsi, un avantage conféré à une entreprise, en vue de corriger une situation concurrentielle défavorable, ne constitue pas une aide d'État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, lorsqu’il est justifié par des raisons économiques et lorsqu’il n’introduit pas de discriminations entre les opérateurs économiques établis dans les différents États membres. Dans ce type de situation, le juge communautaire applique en réalité le critère de l’opérateur privé en économie de marché. De même, ne constitue pas une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, un avantage conféré à une entreprise et allégeant les charges pesant normalement sur son budget, lorsque cet avantage vise à remédier au fait que l’entreprise bénéficiaire est exposée à des charges supplémentaires résultant d’un régime dérogatoire, auxquelles échappent les entreprises concurrentes soumises au droit commun dans les conditions normales du marché.
38. Aides accordées par les États - Notion - Aide accordée aux radiodiffuseurs privés afin de favoriser le passage à la télévision numérique terrestre, sans procédure d'adjudication ouverte de marché public ni appel d'offres - Inclusion
Arrêt du 6 octobre 2009, FAB / Commission (T-8/06, Rec._p._II-196*) (cf. points 48-58)
39. Aides accordées par les États - Notion - Caractère sélectif de la mesure - Taxe régionale sur l'escale touristique des aéronefs et des unités de plaisance frappant uniquement les personnes ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional - Inclusion
L'article 87, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens qu'une législation fiscale d'une autorité régionale instituant une taxe d'escale pour les exploitants d'aéronefs destinés au transport privé de personnes ainsi que d'unités de plaisance, laquelle frappe uniquement les personnes physiques et morales ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional, constitue une mesure d'aide d'État en faveur des entreprises établies sur ce même territoire.
En effet, la notion d'aide peut recouvrir non seulement des prestations positives, telles que des subventions, des prêts ou des prises de participation au capital d'entreprises, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques. Ainsi, une législation fiscale, accordant à certaines entreprises un non-assujettissement à la taxe en cause, constitue une aide d'État, même si elle ne comporte pas un transfert de ressources publiques, dès lors qu'elle consiste en la renonciation des autorités concernées aux recettes fiscales qu'elles auraient pu normalement percevoir.
Aux fins d'apprécier la sélectivité d'une telle mesure adoptée par une entité infraétatique ayant un statut autonome par rapport au gouvernement central, il convient de déterminer si, au regard de son objectif, celle-ci offre à certaines entreprises un avantage par rapport à d'autres se trouvant, à l'intérieur de l'ordre juridique dans lequel cette entité exerce ses compétences, dans une situation factuelle et juridique comparable. Tel est le cas lorsque, eu égard au caractère et à la finalité de ladite taxe, toutes les personnes physiques et morales jouissant des services d'escale dans la région concernée sont dans une situation objectivement comparable, indépendamment du lieu où elles résident ou sont établies.