1. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Droit des personnes physiques à l'inviolabilité du domicile - Inapplicabilité aux entreprises - Protection contre les interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique

Si la reconnaissance d'un droit fondamental à l'inviolabilité du domicile en ce qui concerne le domicile privé des personnes physiques s'impose dans l'ordre juridique communautaire en tant que principe commun aux droits des États membres, il n'en va pas de même en ce qui concerne les entreprises, car les systèmes juridiques des États membres présentent des divergences non négligeables en ce qui concerne la nature et le degré de protection des locaux commerciaux face aux interventions des autorités publiques. On ne saurait tirer une conclusion différente de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

Il n'en demeure pas moins que, dans tous les systèmes juridiques des États membres, les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, doivent avoir un fondement légal et être justifiées par les raisons prévues par la loi et que ces systèmes prévoient, en conséquence, bien qu'avec des modalités différentes, une protection face à des interventions qui seraient arbitraires ou disproportionnées. L'exigence d'une telle protection doit donc être reconnue comme un principe général du droit communautaire.

Arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst / Commission (46/87 et 227/88, Rec._p._02859) (cf. al. 17-19)

Arrêt du 17 octobre 1989, Dow Benelux / Commission (85/87, Rec._p._03137) (cf. al. 28-30)

Arrêt du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a. / Commission (97/87, 98/87 et 99/87, Rec._p._03165) (cf. al. 14-16)

2. Concurrence - Procédure administrative - Pouvoirs de vérification de la Commission - Assistance des autorités nationales - Définition des modalités procédurales par le droit national - Contrôle des instances nationales - Portée - Respect du principe général prescrivant une protection contre les interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique

En vertu du principe général du droit communautaire prescrivant une protection contre les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée d'une personne physique ou morale qui seraient arbitraires ou disproportionnées, il incombe à une juridiction nationale, compétente en vertu du droit interne pour autoriser des visites et des saisies dans les locaux d'entreprises suspectées d'infractions aux règles de concurrence, d'examiner si les mesures de contrainte sollicitées à la suite d'une demande d'assistance formulée par la Commission sur le fondement de l'article 14, paragraphe 6, du règlement nº 17 ne sont pas arbitraires ou disproportionnées par rapport à l'objet de la vérification ordonnée. Sans préjudice de l'application des dispositions de droit interne gouvernant le déroulement des mesures de contrainte, le droit communautaire s'oppose à ce que le contrôle exercé par cette juridiction nationale en ce qui concerne le bien-fondé desdites mesures aille au-delà de ce qui est ainsi requis par le principe général susmentionné.

Arrêt du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C-94/00, Rec._p._I-9011) (cf. point 99, disp. 1)

3. Concurrence - Procédure administrative - Pouvoirs de vérification de la Commission - Limites - Protection contre les interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique

S'agissant des pouvoirs de vérification reconnus par l'article 14 du règlement nº 17 à la Commission et de la question de savoir dans quelle mesure les droits de la défense limitent leur portée, l'exigence d'une protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée d'une personne, qu'elle soit physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées constitue un principe général du droit communautaire. En effet, dans tous les systèmes juridiques des États membres, les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, doivent avoir un fondement légal et être justifiées par les raisons prévues par la loi et ces systèmes prévoient, en conséquence, bien qu'avec des modalités différentes, une protection face à des interventions qui seraient arbitraires ou disproportionnées.

Arrêt du 11 décembre 2003, Strintzis Lines Shipping / Commission (T-65/99, Rec._p._II-5433) (cf. point 39)

4. Concurrence - Procédure administrative - Pouvoirs de vérification de la Commission - Accès aux locaux des entreprises - Entreprise non visée dans la décision de vérification - Conditions d'accès

La Commission doit assurer dans ses activités de vérification le respect du principe de la légalité de l'action des institutions communautaires et du principe de protection contre les interventions arbitraires de l'autorité publique dans la sphère de l'activité privée de toute personne physique ou morale. Il serait excessif et contraire aux dispositions du règlement nº 4056/86, déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes, et aux principes fondamentaux du droit de reconnaître à la Commission de façon générale un droit d'accès, sur la base d'une décision de vérification adressée à une entité juridique déterminée, aux locaux d'une entité juridique tierce sous le simple prétexte qu'elle est étroitement liée au destinataire de la décision de vérification ou que la Commission pense pouvoir y trouver des documents de cette dernière, et le droit d'effectuer des vérifications dans ces locaux sur la base de ladite décision.

La Commission n'outrepasse toutefois pas ses pouvoirs d'enquête lorsqu'elle agit diligemment et en respectant largement son devoir de s'assurer autant que possible, antérieurement à la vérification, que les locaux qu'elle envisage d'inspecter sont effectivement les locaux de l'entité juridique sur laquelle elle souhaite enquêter. Elle demeure dans le cadre de la légalité lorsque, après avoir réalisé que les locaux faisant l'objet de la vérification ne sont pas ceux de l'entreprise mentionnée dans la décision, elle peut considérer que ces locaux sont néanmoins utilisés par l'entreprise initialement visée dans la décision pour développer ses activités commerciales étant donné que la société qui y est installée, tout en étant juridiquement distincte de la société destinataire de la décision, est son représentant et son gestionnaire exclusif des activités visées par l'enquête. En effet, le droit d'accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport des entreprises présente une importance particulière dans la mesure où il doit permettre à la Commission de recueillir les preuves des infractions aux règles de concurrence dans les lieux où elles se trouvent normalement, c'est-à-dire dans les locaux commerciaux des entreprises. Il en résulte que la Commission peut tenir compte, dans l'exercice de ses pouvoirs de vérification, de la logique selon laquelle ses chances de trouver des preuves de l'infraction présumée sont plus élevées si elle enquête dans les locaux à partir desquels la société qui est sa cible développe habituellement et de facto son activité en tant qu'entreprise.

Arrêt du 11 décembre 2003, Minoan Lines / Commission (T-66/99, Rec._p._II-5515) (cf. points 76-77, 83-84, 88)

5. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Protection contre les interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique - Droit des personnes physiques à l'inviolabilité du domicile - Applicabilité aux entreprises



Ordonnance du 30 mars 2006, Strintzis Lines Shipping / Commission (C-110/04 P, Rec._p._I-44*) (cf. points 32-33)