1. Décision conférant des droits subjectifs ou avantages similaires - Retrait - Effet de l'annulation

Le retrait pour motif d'illégalité d'une décision conférant des droits subjectifs ou des avantages similaires, même s'il ne peut pas comporter, dans certains cas, en raison des droits acquis, un effet d'annulation ex tunc, entraîne toujours cet effet ex nunc.

Arrêt du 1er juin 1961, Simon / Cour de justice (15-60, Rec._p._00225)

2. Concurrence - Accords et décisions visés par l'article 85 du traité CEE - Absence de nullité de plein droit - Principe de la sécurité juridique

Il serait contraire au principe général de la sécurité juridique - règle de droit à respecter dans l'application du traité - de frapper de nullité de plein droit certains accords avant même qu'il ait été possible de savoir, donc de constater, à quels accords s'applique l'ensemble de l'article 85.

Arrêt du 6 avril 1962, De Geus en Uitdenbogerd / Bosch e.a. (13-61, Rec._p._00089)

3. Actes d'une institution - Haute Autorité - Retrait rétroactif - Conditions - Contrôle juridictionnel

La Haute Autorité peut rapporter, même avec effet rétroactif, des décisions illégales, sous réserve de l'appréciation pouvant être faite en certains cas exceptionnels de la sécurité juridique. Cette appréciation appartient en premier lieu à la Haute Autorité ; la Cour est cependant habilitée à la contrôler.

Le retrait est inadmissible si la Haute Autorité commet une erreur substantielle dans l'appréciation de la situation de confiance de l'intéressé, ou si elle fait preuve dans son comportement vis-à-vis de celui-ci d'un défaut de diligence ou de précision.

Arrêt du 13 juillet 1965, Lemmerz Werke / Haute Autorité (111-63, Rec._p._00835)

4. Politique de la CEE - Règles de concurrence - Ententes - Notification - Validité des ententes notifiées - Effets de cette validité

Il serait contraire au principe général de la sécurité juridique de tirer du caractère non définitif de la validité des accords notifiés la conclusion qu'aussi longtemps que la Commission n'aura pas statué à leur égard en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, leur efficacité ne serait pas entière.

Cependant, dès lors qu'il a été fait application du paragraphe 6 de l'article 15 (du règlement n. 17/62) c'est à leurs propres risques que les intéressés poursuivraient l'exécution de l'accord.

Arrêt du 9 juillet 1969, Portelange / Smith Corona Marchant International (10-69, Rec._p._00309)

5. Droit communautaire - Interprétation d'un texte appliqué - Référence à l'état du droit en vigueur

Le principe de la sécurité juridique impose de se référer à l'état du droit en vigueur lors de l'application du texte dont l'interprétation est demandée.

Arrêt du 14 juillet 1971, Henck / Hauptzollamt Emmerich (12-71, Rec._p._00743)

Arrêt du 14 juillet 1971, Henck / Hauptzollamt Emmerich (13-71, Rec._p._00767)

Arrêt du 14 juillet 1971, Henck / Hauptzollamt Emmerich (14-71, Rec._p._00779)

6. Administration communautaire - Infraction aux règles de droit européen - Amendes - Prescription non prévue par les textes - Pouvoirs de la Commission - Empêchements résultant des comportements de la Commission

Si les textes régissant le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes en cas d'infraction aux règles communautaires ne prévoient aucune prescription, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de son pouvoir d'infliger des amendes.

Arrêt du 14 juillet 1972, ICI / Commission (48-69, Rec._p._00619)

7. Administration communautaire - Infraction aux règles de droit européen - Amendes - Prescription non prévue par les textes - Pouvoirs de la Commission - Empêchements résultant du comportement de la Commission

Si les textes régissant le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes en cas d'infraction aux règles communautaires ne prévoient aucune prescription, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de son pouvoir d'infliger des amendes.

Arrêt du 14 juillet 1972, BASF / Commission (49-69, Rec._p._00713)

Arrêt du 14 juillet 1972, Bayer AG / Commission (51-69, Rec._p._00745)

Arrêt du 14 juillet 1972, Geigy AG / Commission (52-69, Rec._p._00787)

Arrêt du 14 juillet 1972, Sandoz AG / Commission (53-69, Rec._p._00845)

Arrêt du 14 juillet 1972, Francolor / Commission (54-69, Rec._p._00851)

Arrêt du 14 juillet 1972, Cassella Farbwerke / Commission (55-69, Rec._p._00887)

Arrêt du 14 juillet 1972, Hoechst AG / Commission (56-69, Rec._p._00927)

Arrêt du 14 juillet 1972, ACNA / Commission (57-69, Rec._p._00933)

8. Règlements - Droit transitoire - Exigences de la sécurité juridique

Les dispositions d'un règlement introduisant des changements dans les plans d'activité normalement conçus d'entreprises ne sauraient recevoir une application contraire aux exigences de la sécurité juridique.

Arrêt du 18 mars 1975, Deuka / Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel (78-74, Rec._p._00421)

9. Droit communautaire - Principes - Non-rétroactivité des règlements - Exceptions - Conditions

Si, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s'oppose à ce que la portée dans le temps d'un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée.

Arrêt du 25 janvier 1979, Racke / Hauptzollamt Mainz (98/78, Rec._p._00069)

Arrêt du 25 janvier 1979, Decker / Hauptzollamt Landau (99/78, Rec._p._00101)

10. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Sécurité juridique - Réglementation imposant des charges - Exigence de clarté et de précision

Le principe de sécurité juridique exige qu'une réglementation imposant des charges au contribuable soit claire et précise, afin qu'il puisse connaître sans ambiguïté ses droits et obligations et prendre ses dispositions en conséquence.

Arrêt du 9 juillet 1981, Gondrand et Garancini (169/80, Rec._p._01931) (cf. al. 17)

11. Actes des institutions - Application dans le temps - Principe de non-rétroactivité - Exceptions - Conditions

Si, en règle générale, le principe de la sécurité juridique s'oppose à ce que la portée dans le temps d'un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à la publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée.

Arrêt du 16 février 1982, Rumi / Commission (258/80, Rec._p._00487) (cf. al. 11)

Arrêt du 30 novembre 1983, Ferriere San Carlo / Commission (235/82, Rec._p._03949) (cf. al. 9)

12. Actes des institutions - Application dans le temps - Principe de non-rétroactivité - Exception - Conditions

Si, en règle générale, le principe de la sécurité juridique s'oppose à ce que la portée dans le temps d'un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à la publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée.

Arrêt du 16 février 1982, Ferriera Padana / Commission (276/80, Rec._p._00517) (cf. al. 16)

13. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Délais de forclusion - Opposabilité - Conditions - Fixation claire et précise - Article 4, paragraphe 1, de la décision 78/706 - Conditions non remplies

Le principe de sécurité juridique exige qu'une disposition fixant un délai de forclusion, tout spécialement lorsqu'elle peut aboutir à priver un État membre du versement d'une aide financière dont la demande avait été agréée et sur base de laquelle il a déjà exposé des dépenses considérables, soit fixée de manière claire et précise afin que les États membres puissent apprécier en toute connaissance de cause l'importance qu'il y a pour eux à respecter ce délai.

L'article 4, paragraphe 1, de la décision 78/706 de la Commission ne saurait être interprété comme fixant un délai dont le non-respect entraînerait la perte pour l'État concerné du droit au versement du solde des concours agréés du Fonds social européen.

Arrêt du 26 mai 1982, Allemagne / Commission (44/81, Rec._p._01855) (cf. al. 16, 18)

14. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique

La législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Le fait de reporter la date d'entrée en vigueur d'un acte ayant une portée générale, alors que la date initialement prévue est déjà passée, est en soi susceptible de porter atteinte à ce principe.

Arrêt du 22 février 1984, Kloppenburg (70/83, Rec._p._01075) (cf. al. 11)

15. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Respect assuré par la Cour - Rétroactivité du règlement nº 170/83 - Portée - Mesures nationales de caractère pénal incompatibles avec le droit communautaire - Validation - Absence

Le principe de la non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres, consacré par l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme un droit fondamental, qui fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect.

En conséquence, le caractère rétroactif de la disposition de l'article 6, paragraphe 1, du règlement nº 170/83 du 25 janvier 1983, autorisant, à compter du 1 janvier 1983, le maintien, pour dix ans, du régime dérogatoire de l'article 100 de l'acte d'adhésion de 1972, ne saurait valider a posteriori des mesures nationales de caractère pénal qui, au moment de leur mise en oeuvre, étaient incompatibles avec le droit communautaire.

Arrêt du 10 juillet 1984, Kirk (63/83, Rec._p._02689) (cf. al. 21-23)

16. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Conditions

Le retrait d'un acte illégal est permis s'il intervient dans un délai raisonnable et si l'institution dont il émane tient suffisamment compte de la mesure dans laquelle le destinataire de l'acte a éventuellement pu se fier à la légalité de celui-ci. Si ces conditions ne sont pas respectées, le retrait est attentatoire aux principes de la sécurité juridique et de la protection de la confiance légitime et doit être annulé.

Arrêt du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo / Commission (15/85, Rec._p._01005) (cf. al. 12, 17)

17. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation pouvant comporter des conséquences financières

La législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Cet impératif de sécurité juridique s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'elle leur impose.

Arrêt du 15 décembre 1987, Irlande / Commission (325/85, Rec._p._05041) (cf. al. 18)

Arrêt du 15 décembre 1987, Pays-Bas / Commission (326/85, Rec._p._05091) (cf. al. 24)

Arrêt du 15 décembre 1987, Allemagne / Commission (332/85, Rec._p._05143) (cf. al. 23)

Arrêt du 15 décembre 1987, France / Commission (336/85, Rec._p._05173) (cf. al. 17)

Arrêt du 15 décembre 1987, Royaume-Uni / Commission (346/85, Rec._p._05197) (cf. al. 20)

Arrêt du 15 décembre 1987, Danemark / Commission (348/85, Rec._p._05225) (cf. al. 19)

18. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation pouvant comporter des conséquences financières - Restitutions à l'exportation versées antérieurement à l'adoption d'une réglementation fixant rétroactivement des quotas de pêche - Financement par le FEOGA - Refus - Illégalité

La législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Cet impératif de sécurité juridique s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'elle leur impose.

Lorsqu'un État membre, au moment d'accorder des restitutions à l'exportation dans le secteur de la pêche, n'était à même ni de connaître ni de prévoir avec certitude une réglementation édictée seulement après la fin de l'exercice et fixant rétroactivement des quotas de pêche, la Commission ne saurait se fonder sur le non-respect de ceux-ci pour refuser la prise en charge par le FEOGA des restitutions concernées.

Arrêt du 15 décembre 1987, Pays-Bas / Commission (237/86, Rec._p._05251) (cf. al. 19-20)

19. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation pouvant comporter des conséquences financières - Mesures d'intervention mises en oeuvre et restitutions à l'exportation versées antérieurement à l'adoption d'une réglementation fixant rétroactivement des quotas de pêche - Financement par le FEOGA - Refus - Illégalité

La législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Cet impératif de sécurité juridique s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'elle leur impose.

Lorsqu'un État membre, au moment de procéder à des interventions et d'accorder des restitutions à l'exportation dans le secteur de la pêche, n'était à même ni de connaître ni de prévoir avec certitude une réglementation édictée seulement après la fin de l'exercice et fixant rétroactivement des quotas de pêche, la Commission ne saurait se fonder sur le non-respect de ceux-ci pour refuser la prise en charge par le FEOGA des interventions et restitutions concernées.

Arrêt du 15 décembre 1987, Irlande / Commission (239/86, Rec._p._05271) (cf. al. 17-18)

20. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique et protection des particuliers - Réglementation nationale intervenant dans un domaine régi par le droit communautaire - Nécessité d'une formulation non équivoque

Les principes de sécurité juridique et de protection des particuliers exigent que, dans les domaines couverts par le droit communautaire, les règles du droit des États membres soient formulées de manière non équivoque qui permette aux personnes concernées de connaître leurs droits et obligations d'une manière claire et précise et aux juridictions nationales d'en assurer le respect.

Arrêt du 21 juin 1988, Commission / Italie (257/86, Rec._p._03249) (cf. al. 12)

Les principes de sécurité juridique et de protection des particuliers exigent que, dans les domaines couverts par le droit communautaire, les règles de droit des États membres soient formulées d'une manière non équivoque qui permette aux opérateurs concernés de connaître leurs droits et leurs obligations d'une manière claire et précise et aux juridictions nationales d'en assurer le respect.

Arrêt du 6 mars 2003, Commission / Luxembourg (C-478/01, Rec._p._I-2351) (cf. point 20)

21. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation imposant des charges - Exigence de clarté et de précision

Le principe de sécurité juridique exige qu'une réglementation imposant des charges au contribuable soit claire et précise, afin que ce dernier puisse connaître sans ambiguïté ses droits et obligations et prendre ses dispositions en conséquence.

Arrêt du 22 février 1989, Commission / France et Royaume-Uni (92 et 93/87, Rec._p._00405) (cf. al. 22)

22. Actes des institutions - Application dans le temps - Principe de non-rétroactivité - Exceptions - Conditions - Cas d'espèce

Si, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s'oppose à ce que l'application dans le temps d'un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée.

Tel était précisément le cas de l'application avec effet rétroactif au 1er janvier 1981 du règlement nº 57/81, relatif aux mesures transitoires à prendre, du fait de l'adhésion de la Grèce, concernant les échanges de produits agricoles, prévue par son article 6. En effet, d'une part, il fallait, dans l'intérêt général, faciliter le passage du régime antérieur au régime communautaire et faire obstacle à la spéculation et, d'autre part, les opérateurs économiques ne pouvaient légitimement s'attendre à bénéficier de la suppression du prélèvement communautaire à l'importation pour des marchandises ayant bénéficié de restitutions à l'exportation en Grèce, alors que ledit prélèvement vise à neutraliser l'effet des restitutions octroyées par des pays tiers.

Arrêt du 9 janvier 1990, SAFA / Amministrazione delle finanze dello Stato (C-337/88, Rec._p._I-1) (cf. al. 13, 16-18 et disp.)

23. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation pouvant comporter des conséquences financières - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée en tant que support du régime des ressources propres des Communautés européennes

Le caractère de certitude et de prévisibilité de la réglementation communautaire constitue un impératif qui s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'une réglementation susceptible de comporter des incidences financières. Tel est le cas de la réglementation communautaire en matière de taxe sur la valeur ajoutée, étant donnée l'obligation qu'ont les États membres de mettre à la disposition de la Communauté, en tant que ressources propres, une partie des montants perçus au titre de cette taxe.

Arrêt du 13 mars 1990, Commission / France (C-30/89, Rec._p._I-691) (cf. al. 23)

24. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation pouvant comporter des conséquences financières - Délai d'instruction par les États membres des demandes de primes financées par le FEOGA - Fixation et communication en temps utile

Selon une jurisprudence constante, le caractère de certitude et de prévisibilité de la réglementation communautaire constitue un impératif qui s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières. Il s'ensuit que si la Commission décide d'attacher des effets financiers au non-respect par les autorités nationales d'un délai raisonnable pour l'instruction des demandes présentées par les opérateurs économiques aux fins d'obtention de primes financées par le FEOGA, le principe de bonne administration exige qu'elle communique cette indication de délai à temps à tous les États membres concernés.

Arrêt du 27 mars 1990, Italie / Commission (C-10/88, Rec._p._I-1229) (cf. al. 13)

25. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Confiance légitime - Interdiction de l'utilisation de certaines substances à effet hormonal par les éleveurs en l'absence d'unanimité sur leur nocivité - Violation - Absence

Compte tenu des divergences d'appréciation de la part des autorités nationales des États membres, reflétées dans les différences entre les législations nationales existantes, quant aux dangers pouvant résulter de l'utilisation de certaines substances à effet hormonal par les éleveurs, le Conseil, en choisissant, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la solution consistant à les interdire, n'a, même s'il ne disposait pas de données scientifiques certaines, ni violé le principe de sécurité juridique ni porté atteinte à la confiance légitime des opérateurs économiques affectés par cette mesure.

Arrêt du 13 novembre 1990, The Queen / Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte FEDESA e.a. (C-331/88, Rec._p._I-4023) (cf. al. 9-10)

26. Agriculture - Politique agricole commune - Aide alimentaire - Mise en oeuvre - Système d'adjudication - Régime de cautionnement - Retard de livraison - Sanction - Retenue sur la garantie de livraison lors de sa libération - Retenue opérée sur le montant dû à titre de paiement des fournitures - Illégalité

Une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë. C'est pourquoi il y a lieu d'annuler la décision de la Commission opérant une retenue sur le montant dû à un adjudicataire à titre de paiement d'une fourniture dans le cadre de l'aide alimentaire en raison d'un retard de livraison, alors que l'article 18, paragraphe 2, du règlement nº 2200/87 ne prévoit de retenue sur ledit montant que pour non-conformité de la marchandise ou de son conditionnement et que l'article 22, point 2, du même règlement ouvre une possibilité, dont la Commission n'avait pas fait usage dans le cas d'espèce, de sanctionner un retard de livraison par une retenue opérée sur la garantie lors de la libération de celle-ci.

Arrêt du 12 décembre 1990, Vandemoortele / Commission (C-172/89, Rec._p._I-4677) (cf. al. 9-11, 14)

27. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Acte de l'administration produisant des effets juridiques - Exigence de clarté et de précision - Obligation de communication aux intéressés

Le principe de la sécurité juridique, qui fait partie de l'ordre juridique communautaire, exige que tout acte de l'administration produisant des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l'intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel cet acte existe et commence à produire ses effets juridiques, notamment au regard des délais de recours.

Arrêt du 7 février 1991, Tagaras / Cour de justice (T-18/89 et T-24/89, Rec._p._II-53) (cf. al. 40)

Ordonnance du 7 juin 1991, Weyrich / Commission (T-14/91, Rec._p._II-235) (cf. al. 48)

28. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigence de clarté et de prévisibilité - Indication expresse de la base légale

Le principe de la sécurité juridique, qui fait partie de l'ordre juridique communautaire, exige que la législation communautaire soit claire et son application prévisible pour ceux qui sont concernés. Cet impératif requiert, à peine de nullité, que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l'acte doit être revêtu.

Arrêt du 16 juin 1993, France / Commission (C-325/91, Rec._p._I-3283) (cf. point 26)

L’impératif de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu.

Arrêt du 1er octobre 2009, Commission / Conseil (C-370/07, Rec._p._I-8917) (cf. point 39)

29. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Application par la Commission des règles de concurrence - Respect, à l'occasion d'une décision individuelle, de l'interprétation d'un règlement d'exemption par catégorie retenue dans une communication de la Commission

La Commission ne viole pas le principe de sécurité juridique lorsqu'elle adopte une décision en matière de concurrence qui retient d'un règlement d'exemption par catégorie une interprétation identique à celle qu'elle avait fait connaître par la voie d'une communication publiée en même temps que ledit règlement, communication dont elle avait par ailleurs précisé le sens et la portée dans une correspondance adressée à l'entreprise concernée antérieurement à ladite décision.

Arrêt du 16 juin 1994, Peugeot / Commission (C-322/93 P, Rec._p._I-2727) (cf. points 13-15)

30. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Sécurité juridique - Protection refusée à l'auteur d'une violation manifeste de la réglementation en vigueur - Primauté du principe de légalité sur celui de sécurité juridique justifiée par la nécessité de préserver l'égalité de traitement - Suppression des concours financiers octroyés pour la construction de nouveaux navires de pêche en raison des irrégularités commises par les bénéficiaires

Le principe de la protection de la confiance légitime ne peut être invoqué par une entreprise qui s'est rendue coupable d'une violation manifeste de la réglementation en vigueur. Par ailleurs, s'il convient de veiller au respect des impératifs de la sécurité juridique protégeant des intérêts privés, il importe également de les mettre en balance avec les impératifs du principe de la légalité protégeant des intérêts publics et de faire prévaloir ces derniers lorsque le maintien d'irrégularités est de nature à violer le principe d'égalité de traitement.

Des entreprises bénéficiaires de concours financiers communautaires octroyés, dans le cadre du règlement nº 4028/86, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture, pour la construction de nouveaux navires de pêche ne sauraient, de ce fait, se prévaloir, pour contester la validité de décisions de la Commission ordonnant la suppression de ces concours et la restitution des sommes déjà versées, d'une atteinte à une prétendue confiance légitime, dès lors qu'elles ont commis, en parfaite connaissance de cause, des violations manifestes de la réglementation en cause, consistant notamment à présenter à plusieurs reprises, tant dans les formulaires de demande de concours que dans les certificats établis en vue de leur versement, des déclarations ne correspondant pas à la réalité.

Elles ne sauraient pas davantage se prévaloir d'une violation du principe de sécurité juridique tirée de la durée excessivement longue de la procédure de contrôle, car, si l'écoulement d'un délai important durant lequel la Commission n'entreprend aucune démarche à l'égard d'une entreprise et si l'adoption d'une mesure affectant la situation de celle-ci au terme d'un tel délai sont éventuellement de nature à violer le principe de sécurité juridique, les conséquences à en tirer dépendent du contexte. Dans le cas d'entreprises qui ont délibérément adopté une attitude qui transgresse la réglementation en vigueur, l'écoulement d'un délai de 16 mois, voire de 23 mois, durant lequel aucune action hors de sa sphère interne n'est entreprise par la Commission ne saurait être qualifié de délai déraisonnable.

En outre, le maintien des aides octroyées aux entreprises concernées, voire d'ores et déjà versées, alors que l'octroi et le paiement de ces aides sont entachés d'irrégularités manifestes, serait de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement de toutes les demandes qui sont soumises à la Commission dans le cadre des programmes de subvention communautaire à la construction de nouveaux navires de pêche.

Arrêt du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a. / Commission (T-551/93, T-231/94, T-232/94, T-233/94 et T-234/94, Rec._p._II-247) (cf. points 76, 116, 119-120)

31. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigences de clarté et de prévisibilité

Le principe de sécurité juridique exige que la législation communautaire soit certaine et son application prévisible pour les justiciables et que tout acte communautaire qui produit des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l'intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques. Cet impératif s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'un acte susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'il leur impose.

Arrêt du 22 janvier 1997, Opel Austria / Conseil (T-115/94, Rec._p._II-39) (cf. point 124)



Arrêt du 3 octobre 2006, Hewlett-Packard / Commission (T-313/04, Rec._p._II-77*) (cf. point 66)

32. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigences de clarté et de prévisibilité - Coexistence de deux règles de droit contradictoires

Un règlement qui crée une situation dans laquelle coexistent deux règles de droit contradictoires quant aux droits imposés à l'importation de certains produits dans la Communauté ne saurait être qualifié de législation communautaire certaine dont l'application est prévisible pour les justiciables, et, de ce fait, viole le principe de la sécurité juridique.

Arrêt du 22 janvier 1997, Opel Austria / Conseil (T-115/94, Rec._p._II-39) (cf. point 125)

33. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigences de clarté et de prévisibilité - Actes des institutions - Publication - Date

S'il existe une présomption que la date de publication d'un acte communautaire est effectivement celle figurant sur chaque numéro du Journal officiel, en cas de preuve contraire il doit être tenu compte de la date de publication.

Le Conseil, en antidatant le numéro du Journal officiel dans lequel un acte communautaire est publié, viole le principe de sécurité juridique, puisque, en agissant ainsi, il ne met pas l'intéressé en mesure de connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques.

Arrêt du 22 janvier 1997, Opel Austria / Conseil (T-115/94, Rec._p._II-39) (cf. points 127, 131-132)

34. Aides accordées par les États - Récupération d'une aide illégale - Aide octroyée en violation des règles de procédure de l'article 93 du traité - Délai de prescription - Confiance légitime - Sécurité juridique - Circonstances exceptionnelles - Absence

En l'absence de délai de prescription arrêté par le législateur communautaire en matière d'actions de la Commission à l'égard des aides étatiques non notifiées, le bénéficiaire d'une aide ne saurait invoquer, à l'encontre d'une décision imposant la récupération d'une aide illégale, le principe de sécurité juridique, en vertu duquel un délai de prescription doit, en principe, être fixé à l'avance.

Par ailleurs, le bénéficiaire d'une aide ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, avoir une confiance légitime dans la régularité d'une aide que si celle-ci a été accordée dans le respect des dispositions de l'article 93 du traité. De même, un État membre ne peut, en aucune façon, bénéficier des conséquences de son manquement à l'obligation de notification prévue à l'article 93, paragraphe 3, du traité.

Arrêt du 15 septembre 1998, BFM / Commission (T-126/96 et T-127/96, Rec._p._II-3437) (cf. points 67-69)

35. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Sécurité juridique - Respect dans le cadre de l'abolition rétroactive d'une loi ouvrant un droit d'option en faveur des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée - Compétence du juge national

Si les principes de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique font partie de l'ordre juridique communautaire et doivent être respectés par les États membres dans l'exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives communautaires, il ne revient toutefois pas à la Cour mais à la juridiction nationale de juger si une violation de ces principes a été commise par l'abolition rétroactive d'une loi ayant introduit un droit d'option pour la taxation des opérations d'affermage et de location de biens immobiliers dont l'arrêté d'exécution n'a pas été adopté.

Arrêt du 3 décembre 1998, Belgocodex (C-381/97, Rec._p._I-8153) (cf. point 26 et disp.)

36. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Notion - Opposabilité du principe - Conditions

Le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire. À cette fin, il est essentiel que les institutions communautaires respectent l'intangibilité des actes qu'elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu'elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure. Toutefois, une violation de ce principe ne saurait utilement être invoquée si le sujet de droit, dont la situation matérielle et juridique était affectée par l'acte en cause, n'a pas respecté les conditions formulées par celui-ci.

Arrêt du 25 mars 1999, Forges de Clabecq SA /Commission (T-37/97, Rec._p._II-859) (cf. points 97-98)

37. Recours en annulation - Délais - Décision non attaquée dans les délais - Sécurité juridique - Obligation de réexamen pesant sur l'institution en cas d'annulation de décisions similaires - Absence

Une décision qui n'a pas été attaquée par le destinataire dans les délais prévus à l'article 173 du traité (devenu, après modification, article 230 CE) devient définitive à son égard. Les délais de recours visent à garantir la sécurité juridique, en évitant la remise en cause indéfinie des actes communautaires entraînant des effets de droit. Le principe de la sécurité juridique s'oppose à ce que, dans une hypothèse où plusieurs décisions individuelles similaires infligeant des amendes ont été adoptées dans le cadre d'une procédure commune et où certains destinataires seulement en ont poursuivi et obtenu l'annulation en justice, l'institution dont elles émanent doive, à la demande d'autres destinataires, réexaminer, à la lumière des motifs de l'arrêt d'annulation, la légalité des décisions non attaquées et apprécier si, sur la base de cet examen, il y a lieu de procéder à un remboursement des amendes versées.

Arrêt du 14 septembre 1999, Commission / AssiDomän Kraft Products e.a. (C-310/97 P, Rec._p._I-5363) (cf. points 57, 61, 63)

38. Libre circulation des capitaux - Restrictions - Régime d'autorisation préalable pour les investissements directs étrangers - Mesure justifiée par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique - Manque de précision - Violation du principe de sécurité juridique

L'article 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité (devenu article 58, paragraphe 1, sous b), CE), en vertu duquel l'article 73 B du traité (devenu article 56 CE), interdisant les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers, ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique, doit être interprété en ce sens qu'il ne permet pas un régime d'autorisation préalable pour les investissements directs étrangers qui se limite à définir de façon générale les investissements concernés comme des investissements de nature à mettre en cause l'ordre public et la sécurité publique, de sorte que les intéressés ne sont pas en mesure de connaître les circonstances spécifiques dans lesquelles une autorisation préalable est nécessaire. Une telle indétermination ne permettant pas aux particuliers de connaître l'étendue de leurs droits et leurs obligations découlant de l'article 73 B du traité, le régime en cause est contraire au principe de sécurité juridique.

Arrêt du 14 mars 2000, Église de scientologie (C-54/99, Rec._p._I-1335) (cf. points 21-23 et disp.)

39. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Acte de l'administration produisant des effets juridiques - Exigence de clarté et de précision - Obligation de communication aux intéressés - Absence - Conséquence

Tout acte de l'administration qui produit des effets juridiques doit être clair, précis et porté à la connaissance de l'intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques. À défaut d'une telle notification, un délai pour l'introduction d'une demande basée sur un acte prévoyant des droits à pension ne saurait courir qu'à partir du moment où l'intéressé, ayant eu connaissance de l'existence de cet acte, a acquis, dans un délai raisonnable, une connaissance exacte dudit acte.

Arrêt du 26 octobre 2000, Ripa di Meana e.a. / Parlement (T-83/99, T-84/99 et T-85/99, Rec._p._II-3493) (cf. points 76-77)

40. Référé - Sursis à exécution - Mesures provisoires - Modification ou rapport - Ordonnance de référé non attaquée dans les délais - Sécurité juridique - Possibilité de demander au juge de rapporter l'ordonnance - Limites

Le principe de sécurité juridique s'applique, d'une manière générale, aux décisions rendues dans le cadre de procédures en référé. Permettre à une partie qui a sciemment décidé de ne pas utiliser la possibilité qui était la sienne de former un pourvoi contre une ordonnance de référé du président du Tribunal de demander néanmoins au juge des référés de la rapporter porterait atteinte à ce principe.

Ordonnance du 5 septembre 2001, Artegodan / Commission (T-74/00 R, Rec._p._II-2367) (cf. points 91-92)

41. Questions préjudicielles - Interprétation - Effets dans le temps des arrêts d'interprétation - Effet rétroactif - Limitation par la Cour - Conditions - Importance pour l'État membre concerné des conséquences financières de l'arrêt - Critère non décisif

L'interprétation que la Cour donne d'une disposition de droit communautaire se limite à éclairer et à préciser la signification et la portée de celle-ci, telle qu'elle aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Les conséquences financières qui pourraient découler pour un État membre d'un arrêt rendu à titre préjudiciel ne justifient pas, par elles-mêmes, la limitation des effets dans le temps de cet arrêt.

Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C-184/99, Rec._p._I-6193) (cf. points 50-52)

Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi.

En outre, les conséquences financières qui pourraient découler pour un État membre d'un arrêt rendu à titre préjudiciel ne justifient pas, par elles-mêmes, la limitation des effets de cet arrêt dans le temps.

Arrêt du 27 avril 2006, Richards (C-423/04, Rec._p._I-3585) (cf. points 40-41)

42. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Notion

Le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire. À cette fin, il est essentiel que les institutions communautaires respectent l'intangibilité des actes qu'elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu'elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure.

Arrêt du 31 janvier 2002, Hult / Commission (T-206/00, RecFP_p._II-81) (cf. point 38)

43. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Domaine d'application - Concurrence - Procédure administrative - Portée du principe

Le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales, consacré par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme comme un droit fondamental, est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres et fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect.

À cet égard, même s'il ressort de l'article 15, paragraphe 4, du règlement nº 17 que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n'ont pas un caractère pénal, il n'en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de non-rétroactivité, dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en application des règles de la concurrence du traité. Ce respect exige que les sanctions infligées à une entreprise pour une infraction aux règles de concurrence correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

Toutefois, au regard de la marge d'appréciation laissée par le règlement nº 17 à la Commission, l'introduction par celle-ci d'une nouvelle méthode de calcul des amendes, pouvant entraîner, dans certains cas, une augmentation du montant des amendes, sans pour autant excéder la limite maximale fixée par le même règlement, ne peut être considérée comme une aggravation, avec effet rétroactif, des amendes telles qu'elles sont juridiquement prévues par l'article 15 du règlement nº 17 contraire aux principes de légalité et de sécurité juridique.

Arrêt du 20 mars 2002, LR AF 1998 / Commission (T-23/99, Rec._p._II-1705) (cf. points 219-221, 235)

44. Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Règles relatives au transfert des quantités de référence suite au transfert d'une exploitation - Réglementation nationale autorisant l'autorité compétente à procéder à l'adoption de mesures par voie de décision - Violation du principe de sécurité juridique - Absence - Exigence d'une publicité adéquate des mesures auprès des intéressés - Notion

Le principe de sécurité juridique ne s'oppose pas, en tant que principe général du droit communautaire, à ce qu'un État membre choisisse, aux fins de l'adoption de mesures nationales, concernant le transfert de quantités de référence suite au transfert d'une exploitation, prises en application de l'article 7, paragraphe 1, du règlement nº 3950/92, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, tel que modifié par le règlement nº 1560/93, une procédure selon laquelle un instrument législatif autorise l'autorité compétente, telle qu'un ministre, à procéder à l'adoption de ces mesures par voie de décision. Quant à la publicité de telles mesures, ledit principe exige qu'elle soit de nature à informer les personnes physiques ou morales concernées par lesdites mesures de leurs droits et obligations découlant de celles-ci. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer, sur la base des éléments factuels dont elle dispose, si tel est le cas dans l'affaire au principal.

Arrêt du 20 juin 2002, Mulligan e.a. (C-313/99, Rec._p._I-5719) (cf. point 54, disp. 2)

45. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigence de clarté et de prévisibilité - Indication expresse de la base légale - Limite

Le principe de la sécurité juridique, qui est un principe général du droit communautaire, exige que la législation communautaire soit claire et son application prévisible pour ceux qui sont concernés. Cet impératif requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l'acte doit être revêtu. Toutefois, l'omission de la référence à une disposition précise du traité peut ne pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique d'un acte peut être déterminée à l'appui d'autres éléments de celui-ci. Une référence explicite est cependant indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et la Cour sont laissés dans l'incertitude quant à la base juridique précise.

Arrêt du 11 septembre 2002, Alpharma / Conseil (T-70/99, Rec._p._II-3495) (cf. point 112)

46. CECA - Aides à la sidérurgie - Procédure administrative - Absence de règle édictant une prescription relativement à l'exercice de ses compétences par la Commission - Respect des exigences de la sécurité juridique

Pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé d'avance et la fixation de ce délai et de ses modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire. Or, ce dernier n'est pas intervenu pour fixer un délai de prescription dans le domaine du contrôle des aides accordées au titre du traité CECA.

Cependant, en l'absence de texte à cet égard, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs.

Arrêt du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano / Commission (C-74/00 P et C-75/00 P, Rec._p._I-7869) (cf. points 139-140)

47. Questions préjudicielles - Interprétation - Effets dans le temps des arrêts d'interprétation - Effet rétroactif - Limites - Sécurité juridique - Pouvoir d'appréciation de la Cour

L'interprétation que la Cour donne d'une règle de droit communautaire, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 234 CE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies.

Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi.

Arrêt du 3 octobre 2002, Barreira Pérez (C-347/00, Rec._p._I-8191) (cf. points 44-45)

Dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 234 CE, ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Une telle limitation ne peut être admise que dans l'arrêt même qui statue sur l'interprétation sollicitée. En effet, il faut nécessairement un moment unique de détermination des effets dans le temps de l'interprétation sollicitée que donne la Cour d'une disposition du droit communautaire. À cet égard, le principe qu'une limitation ne peut être admise que dans l'arrêt même qui statue sur l'interprétation sollicitée garantit l'égalité de traitement des États membres et des autres justiciables face à ce droit et remplit par là même les exigences découlant du principe de sécurité juridique.

Arrêt du 6 mars 2007, Meilicke e.a. (C-292/04, Rec._p._I-1835) (cf. points 34-37)

48. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Conditions - Respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

Si le retrait à titre rétroactif d'un acte légal qui a conféré des droits subjectifs ou des avantages similaires est contraire aux principes généraux du droit, l'administration peut retirer avec effet rétroactif un acte administratif favorable entaché d'une illégalité, sous réserve de n'enfreindre ni le principe de sécurité juridique ni celui du respect de la confiance légitime. Cette possibilité de retrait, admise lorsque le bénéficiaire de l'acte n'a pas contribué à son illégalité, l'est d'autant plus lorsque l'illégalité trouve sa cause dans le fait de celui-ci.

Arrêt du 5 mars 2003, Ineichen / Commission (T-293/01, RecFP_p._II-441) (cf. point 91)

49. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Sécurité juridique - Protection refusée à l'auteur d'une violation manifeste de la réglementation en vigueur - Concours financier communautaire - Écoulement de périodes d'inaction de la Commission - Primauté du principe de légalité sur celui de sécurité juridique justifiée par la nécessité de préserver l'égalité de traitement entre bénéficiaires de concours

Le principe de protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une entreprise qui s'est rendue coupable d'une violation manifeste de la réglementation en vigueur. Dès lors qu'est établie l'existence d'irrégularités graves au regard de la réglementation applicable et des obligations d'information et de loyauté pesant sur une société mixte créée pour exploiter et éventuellement valoriser, dans une perspective d'approvisionnement prioritaire du marché communautaire, les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou sous juridiction d'un pays tiers déterminé, en tant que bénéficiaire d'un concours financier communautaire, celle-ci ne peut pas, d'une part, faire valoir que l'écoulement de délais prétendument importants entre deux actions de la Commission a porté atteinte à sa confiance légitime quant au caractère définitivement acquis du concours qui lui avait été octroyé.

D'autre part, ladite société ne peut pas non plus alléguer l'existence d'une violation du principe de sécurité juridique tiré de l'écoulement de périodes d'inaction de la Commission. S'il convient de veiller au respect des impératifs de la sécurité juridique protégeant des intérêts privés, il importe également de mettre ces impératifs en balance avec les impératifs tirés de la protection des intérêts publics et de promouvoir ces derniers lorsque le maintien d'irrégularités est de nature à violer le principe d'égalité de traitement. Par conséquent, si l'écoulement de délais durant lesquels la Commission n'entreprend aucune démarche à l'égard d'une entreprise est éventuellement de nature à violer le principe de sécurité juridique, l'importance du critère tiré de la longueur du délai doit cependant être nuancée en fonction des cas d'espèce.

Par ailleurs, le maintien intégral du concours en dépit de l'existence de telles irrégularités, outre qu'il constituerait une incitation à la fraude, serait de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement des bénéficiaires de concours en matière de pêche, en ce qu'il signifierait l'application à ladite société du traitement réservé aux bénéficiaires de concours ayant scrupuleusement satisfait à leurs obligations, alors que, contrairement à ces derniers, elle n'a pas agi de la sorte.

Arrêt du 13 mars 2003, Martí Peix / Commission (T-125/01, Rec._p._II-865) (cf. points 107, 110-113)

50. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Protection de la confiance légitime - Réduction d'un concours financier pour non-respect d'une condition principale en conditionnant l'octroi - Violation - Absence - Impossibilité pour le bénéficiaire de se prévaloir d'irrégularités antérieures non sanctionnées

Dans une situation où le bénéficiaire d'un concours financier communautaire ne respecte pas une condition principale à laquelle l'octroi du concours était subordonné, ledit bénéficiaire ne peut pas se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime ou du principe de sécurité juridique en vue d'empêcher la Commission de réduire le concours qui lui avait été octroyé. L'existence éventuelle d'irrégularités antérieures qui n'auraient pas été poursuivies ne pourrait en aucun cas fonder une confiance légitime dans le chef dudit bénéficiaire.

Arrêt du 3 avril 2003, Vieira et Vieira Argentina / Commission (T-44/01, T-119/01 et T-126/01, Rec._p._II-1209) (cf. points 177, 179)

51. Aides accordées par les États - Récupération d'une aide illégale - Période antérieure au règlement nº 659/1999 - Absence de délai de prescription - Possibilité pour le bénéficiaire de se prévaloir des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime - Absence

Le bénéficiaire d'une aide d'État ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, invoquer une confiance légitime dans la régularité d'une aide, pour se soustraire à l'obligation de restitution, que si celle-ci a été accordée dans le respect des dispositions de l'article 88 CE.

De plus, aucun délai de prescription n'ayant, avant l'entrée en vigueur du règlement nº 659/1999, été fixé par le législateur communautaire en matière d'actions de la Commission à l'égard d'aides étatiques non notifiées, un bénéficiaire ne peut se prévaloir avant cette date d'aucune confiance légitime ou sécurité juridique à l'égard de la prescription d'une telle aide.

Arrêt du 10 avril 2003, Scott / Commission (T-366/00, Rec._p._II-1763) (cf. points 61-62)

52. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Champ d'application - Amendes infligées à raison d'une violation des règles de concurrence - Inclusion - Violation en raison de l'application des lignes directrices pour le calcul des amendes s'agissant d'une infraction antérieure à leur introduction - Absence

Le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres, consacré également par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, et fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect.

À cet égard, même s'il ressort de l'article 15, paragraphe 4, du règlement nº 17 que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n'ont pas un caractère pénal, il n'en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de non-rétroactivité, dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence du traité. Ce respect exige que les sanctions infligées à une entreprise pour une infraction aux règles de la concurrence correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

De ce point de vue, le changement qu'entraîneraient les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, par rapport à la pratique administrative antérieure de la Commission, ne constitue pas une altération du cadre juridique déterminant le montant des amendes pouvant être infligées, contraire au principe général de non-rétroactivité des dispositions pénales ou à celui de sécurité juridique.

En effet, d'une part, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est, uniquement, défini dans le règlement nº 17 dont les lignes directrices ne s'écartent pas. D'autre part, au regard de la marge d'appréciation laissée par le règlement nº 17 à la Commission, l'introduction par celle-ci d'une nouvelle méthode de calcul du montant des amendes, pouvant entraîner, dans certains cas, une augmentation du niveau général des amendes, sans pour autant excéder la limite maximale fixée par le même règlement, ne peut être considérée comme une aggravation, avec effet rétroactif, des amendes telles qu'elles sont juridiquement prévues par l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17.

Arrêt du 9 juillet 2003, Cheil Jedang Corporation / Commission (T-220/00, Rec._p._II-2473) (cf. points 43-45, 55-59)

Arrêt du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients / Commission (T-224/00, Rec._p._II-2597) (cf. points 39-41, 51-55)

53. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Prescription - Fixation du délai et des modalités d'application - Compétence du législateur communautaire - Application par analogie de dispositions législatives étrangères au cas d'espèce - Inadmissibilité

Pour remplir sa fonction consistant à assurer la sécurité juridique, un délai de prescription doit, en principe, être fixé d'avance par le législateur communautaire, à qui appartient la compétence pour la fixation de sa durée et de ses modalités d'application. Par ailleurs, en matière de prescription, une application par analogie de dispositions législatives étrangères au cas d'espèce n'est pas possible.

Arrêt du 17 septembre 2003, Stadtsportverband Neuss / Commission (T-137/01, Rec._p._II-3103) (cf. point 123)

54. Libre circulation des marchandises - Transit communautaire externe - Transports effectués sous le couvert d'un carnet TIR - Infractions ou irrégularités - Lieu de l'infraction ou de l'irrégularité - Production de la preuve par une association garante - Durée et point de départ du délai - Principe de sécurité juridique

Les articles 454, paragraphe 3, premier alinéa, et 455 du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d'application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le délai pendant lequel une association garante, assignée en justice par un État membre en paiement de droits de douane sur le fondement du contrat de cautionnement qu'elle a conclu avec cet État conformément à la convention TIR, peut apporter la preuve du lieu où l'infraction ou l'irrégularité a été commise est de deux ans à compter de la date de la demande de paiement qui lui a été adressée.

Ces textes étant en effet manifestement erronés et prévoyant plusieurs délais susceptibles d'être pris en considération, et eu égard au principe de sécurité juridique qui constitue un principe général du droit communautaire exigeant notamment qu'une réglementation imposant des charges à un contribuable soit claire et précise afin que celui-ci puisse connaître sans ambiguïté ses droits et obligations et prendre ses dispositions en conséquence, est applicable à l'association garante le délai qui lui est le plus favorable parmi ceux qui peuvent être identifiés par les différents renvois auxquels procèdent les articles 454 et 455 du règlement d'application.

Arrêt du 23 septembre 2003, BGL (C-78/01, Rec._p._I-9543) (cf. points 71-73, disp. 2)

55. CECA - Dispositions relatives aux discriminations quant au prix et aux autres conditions d'achat - Dispositions relatives aux ententes et abus de position dominante - Absence de règle édictant une prescription relativement à l'exercice de ses compétences par la Commission - Respect des exigences de la sécurité juridique et de la confiance légitime - Décision sur une plainte relative à une infraction antérieure de plusieurs années à son dépôt et ayant fait l'objet dans le passé d'une autre plainte s'étant heurtée à un refus d'examen de la part de la Commission - Violation desdites exigences - Exclusion - Conditions

Pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé d'avance et la fixation de ce délai ainsi que de ses modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire. Or, ce dernier n'a pas fixé de délai de prescription s'agissant de la possibilité, pour la Commission, d'adopter des recommandations au titre des articles 63, paragraphe 1, et 66, paragraphe 7, du traité CECA. Cependant, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs.

À cet égard, ne saurait être considéré comme portant atteinte à la sécurité juridique ou à la confiance légitime l'examen par la Commission d'une plainte concernant une infraction aux dispositions relatives aux ententes et abus de position dominante commise plusieurs années auparavant et ayant déjà fait l'objet d'une plainte antérieure que la même institution avait refusé d'examiner, lorsque la deuxième plainte a été présentée consécutivement à un arrêt préjudiciel de la Cour déclarant incorrecte l'interprétation des règles communautaires contenue dans la décision relative à la première plainte.

Arrêt du 2 octobre 2003, International Power (anciennement National Power) / Commission (C-172/01 P, C-175/01 P, C-176/01 P et C-180/01 P, Rec._p._I-11421) (cf. points 105-109)

56. Actes des institutions - Règlements - Exécution par les États membres - Obligation d'interprétation conforme du droit national - Limites - Principe de légalité des délits et des peines

L'obligation d'interprétation conforme du droit national, à la lumière de la lettre et de l'objectif du droit communautaire, en vue d'atteindre le résultat prescrit par celui-ci, ne peut, à elle seule et indépendamment d'une loi adoptée par un État membre, créer ou aggraver la responsabilité pénale d'un opérateur qui a méconnu les prescriptions d'un règlement communautaire.

En effet, ladite obligation trouve ses limites dans les principes généraux du droit, qui font partie intégrante du droit communautaire, et notamment ceux de la sécurité juridique et de la non-rétroactivité. En particulier, le principe de la légalité des peines, consacré par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme et constituant un principe général du droit communautaire commun aux traditions constitutionnelles des États membres, interdit de sanctionner pénalement un comportement qui n'est pas interdit par une règle nationale, même dans le cas où celle-ci est contraire au droit communautaire.

Arrêt du 7 janvier 2004, X (C-60/02, Rec._p._I-651) (cf. points 61, 63-64, disp. 2)

57. Aides accordées par les États - Récupération d'une aide illégale - Absence, avant l'entrée en vigueur du règlement nº 659/1999, de règle édictant une prescription relativement à l'exercice de ses compétences par la Commission - Respect des exigences de la sécurité juridique

Pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé d'avance et la fixation de ce délai et de ses modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire. Ce dernier n'étant intervenu pour fixer un délai de prescription dans le domaine du contrôle des aides accordées au titre du traité que par le règlement nº 659/1999, entré en vigueur que le 16 avril 1999, la prescription ne peut être invoquée à l'égard d'une décision de la Commission prescrivant la récupération d'aides illégales antérieure à cette date.

Toutefois, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs. À cet égard, un retard pris par la Commission pour décider qu'une aide est illégale et qu'elle doit être supprimée et récupérée par un État membre peut, dans des circonstances exceptionnelles, fonder chez les bénéficiaires de ladite aide une confiance légitime de nature à empêcher la Commission d'enjoindre audit État membre d'ordonner la restitution de cette aide.

En tout état de cause, en cas d'aides d'État non notifiées, un tel retard ne saurait être imputé à la Commission qu'à partir du moment où elle a pris connaissance de l'existence des aides incompatibles avec le marché commun.

Arrêt du 29 avril 2004, Italie / Commission (C-298/00 P, Rec._p._I-4087) (cf. points 89-91)

58. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Acte de l'administration imposant des obligations à la charge de personnes déterminées - Communication aux intéressés - Obligation de notification individuelle avec accusé de réception - Absence

S'il importe, en toutes circonstances, que des actes imposant des obligations à la charge de personnes déterminées soient portés à la connaissance de ces dernières d'une manière appropriée, il ne saurait être inféré de cette règle - dictée par des considérations essentielles de sécurité juridique - que la communication de ces actes devrait être effectuée, en toutes circonstances, au moyen d'une notification individuelle avec accusé de réception.

Arrêt du 29 avril 2004, Parlement / Ripa di Meana e.a. (C-470/00 P, Rec._p._I-4167) (cf. point 68)

59. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Cadre juridique - Article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 - Introduction par la Commission de lignes directrices innovantes par rapport à sa pratique décisionnelle antérieure - Violation des principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique - Absence

Le changement qu'entraîneraient les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, par rapport à la pratique administrative antérieure de la Commission, ne constitue pas une altération du cadre juridique déterminant le montant des amendes pouvant être infligées, contraire au principe général de non-rétroactivité des lois ou à celui de sécurité juridique. D'une part, en effet, la pratique antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est défini uniquement dans le règlement nº 17. D'autre part, au regard de la marge d'appréciation laissée par le règlement nº 17 à la Commission, l'introduction par celle-ci d'une nouvelle méthode de calcul du montant des amendes, pouvant entraîner une augmentation du niveau général des amendes, mais qui ne va pas au-delà du cadre juridique des sanctions tel que défini par l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, ne peut être considérée comme une aggravation, avec effet rétroactif, des amendes telles qu'elles sont prévues par cette disposition.

Arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon / Commission (T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec._p._II-1181) (cf. points 190-191)

60. CECA - Aides à la sidérurgie - Interdiction - Aide octroyée illégalement - Absence de règle édictant une prescription relativement à l'exercice de ses compétences par la Commission - Respect des exigences de la sécurité juridique

Pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé par avance. La fixation de ce délai et de ses modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire. Or, ce dernier n'est pas intervenu pour fixer un délai de prescription dans le domaine du contrôle des aides accordées au titre du traité CECA.

Cependant, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire et doit être prise en compte lorsqu'est examinée la validité d'une décision de la Commission imposant le remboursement par une entreprise sidérurgique d'une aide d'État illégalement octroyée.

Arrêt du 1er juillet 2004, Salzgitter / Commission (T-308/00, Rec._p._II-1933) (cf. points 159-161)

61. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Sécurité juridique - Conditions d'invocabilité distinctes - Conséquences - Possibilité pour le bénéficiaire d'une aide illégale à la sidérurgie octroyée en violation de l'obligation de notification d'invoquer la sécurité juridique pour contester la décision en ordonnant le remboursement nonobstant l'absence de création d'une confiance légitime

La possibilité d'invoquer le principe de sécurité juridique n'est pas soumise aux conditions permettant d'invoquer la confiance légitime dans la régularité d'une aide d'État.

C'est pourquoi l'entreprise sidérurgique qui a obtenu une aide d'État n'ayant pas fait l'objet d'une notification à la Commission peut invoquer, pour contester la décision de la Commission en imposant le remboursement, la sécurité juridique, alors même qu'il est exclu, sauf circonstances exceptionnelles, que le bénéficiaire d'une aide puisse avoir une confiance légitime dans la régularité de celle-ci si elle a été accordée en violation des dispositions relatives à la procédure de contrôle préalable des aides d'État.

Arrêt du 1er juillet 2004, Salzgitter / Commission (T-308/00, Rec._p._II-1933) (cf. points 165-166)

62. Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Réglementation nationale remplaçant une réglementation jugée discriminatoire par la Cour - Application rétroactive aux productions intervenues sous le régime abrogé - Violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité - Absence

Les principes généraux de droit communautaire de sécurité juridique et de non-rétroactivité ne s'opposent pas à ce que, pour l'application d'une réglementation communautaire imposant des quotas de production, telle que celle instaurée par les règlements nº 856/84, modifiant le règlement nº 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, et nº 857/84, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement nº 804/68, un État membre adopte, à la place d'une première réglementation jugée discriminatoire par la Cour, une nouvelle réglementation s'appliquant rétroactivement aux dépassements des quotas de production intervenus après l'entrée en vigueur de ces règlements, mais sous le régime de la réglementation nationale remplacée.

En effet, d'une part, le but poursuivi par une telle réglementation nationale exige que, en vue de mettre en oeuvre de manière correcte et efficace le régime communautaire du prélèvement supplémentaire sur le lait, l'application de celui-ci ait un caractère rétroactif. D'autre part, les opérateurs économiques ne peuvent pas s'attendre à ce que les producteurs ne soient pas soumis à un prélèvement supplémentaire sur les quantités de lait excédentaires si les instances nationales compétentes n'ont jamais laissé planer le moindre doute quand au fait que la réglementation nationale discriminatoire serait remplacée par une nouvelle réglementation ayant un effet rétroactif.

Arrêt du 15 juillet 2004, Gerekens et Procola (C-459/02, Rec._p._I-7315) (cf. points 27, 32-33, 38 et disp.)

63. Questions préjudicielles - Interprétation - Effets dans le temps des arrêts d'interprétation - Effet rétroactif - Limitation par la Cour - Importance pour l'État membre concerné des conséquences financières de l'arrêt - Critère non décisif

Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. À cet égard, les conséquences financières qui pourraient découler pour un État membre d'un arrêt rendu à titre préjudiciel ne justifient pas, par elles-mêmes, la limitation des effets dans le temps de cet arrêt.

Arrêt du 17 février 2005, Linneweber et Akritidis (C-453/02 et C-462/02, Rec._p._I-1131) (cf. points 42, 44)

64. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigences de clarté et de précision - Limites

Le principe de sécurité juridique constitue un principe fondamental de droit communautaire qui exige notamment qu'une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence.

Cependant, dès lors qu'un certain degré d'incertitude quant au sens et à la portée d'une règle de droit est inhérent à celle-ci, il convient, dans le cadre d'un recours dans lequel un État membre fonde ses griefs quant à la légalité d'un règlement essentiellement sur des situations hypothétiques, de se borner à examiner si l'acte juridique en cause souffre d'une ambiguïté telle qu'elle ferait obstacle à ce que cet État membre puisse lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de l'acte attaqué.

Arrêt du 14 avril 2005, Belgique / Commission (C-110/03, Rec._p._I-2801) (cf. points 30-31)

Le principe de sécurité juridique constitue un principe fondamental de droit communautaire qui exige, notamment, qu'une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Cependant, dès lors qu'un certain degré d'incertitude quant au sens et à la portée d'une règle de droit est inhérent à celle-ci, il convient d'examiner si la règle de droit en cause souffre d'une ambiguïté telle qu'elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette règle.

Dans ce contexte, eu égard, principalement, aux dispositions du règlement nº 2037/2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, mais aussi au libellé de l'avis de la Commission aux entreprises qui importent dans l'Union européenne en 2005 des substances réglementées appauvrissant la couche d'ozone, concernant ledit règlement, ni le refus de l'octroi d'un quota d'importation ni le remplacement, à partir du 1er janvier 2005, des quotas d'importation alloués aux importateurs par des quotas alloués aux utilisateurs n'étaient imprévisibles pour les importateurs avisés. Il s'ensuit que ni ledit règlement ni ledit avis ne faisaient obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de l'article 7 de ce règlement relatif aux quotas d'importation des substances réglementées en provenance de pays tiers.

Arrêt du 22 mai 2007, Mebrom / Commission (T-216/05, Rec._p._II-1507) (cf. points 108-109)

65. Droit communautaire - Principes - Non-rétroactivité - Exceptions - Conditions - Rétroactivité rendue nécessaire par un but d'intérêt général - Respect de la confiance légitime des intéressés

Si, en règle générale, le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que la portée dans le temps d'un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsqu'un but d'intérêt général l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée.

Le même principe doit être respecté par le législateur national lorsqu'il adopte une législation qui relève du droit communautaire.

Arrêt du 26 avril 2005, "Goed Wonen" (C-376/02, Rec._p._I-3445) (cf. points 33-34)

66. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Notion - Réglementation défavorable aux particuliers - Exigence de clarté et de précision - Modifications législatives - Admissibilité - Prise en compte de situations particulières

Le principe de la sécurité juridique exige qu'une réglementation entraînant des conséquences défavorables aux particuliers soit claire et précise et son application prévisible pour les justiciables.

On ne peut toutefois placer sa confiance dans l'absence totale de modification législative, mais uniquement mettre en cause les modalités d'application d'une telle modification. De même, le principe de sécurité juridique n'exige pas l'absence de modification législative, mais requiert plutôt que le législateur tienne compte des situations particulières des opérateurs économiques et prévoie, le cas échéant, des adaptations à l'application des nouvelles règles juridiques.

Arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a. (C-17/03, Rec._p._I-4983) (cf. points 80-81)

67. Aides accordées par les États - Projets d'aides - Examen par la Commission - Phase préliminaire et phase contradictoire - Respect d'un délai raisonnable - Appréciation in concreto

L'observation d'un délai raisonnable dans la conduite d'une procédure administrative constitue un principe général du droit communautaire. En outre, l'exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l'existence d'une action excessivement tardive dans le chef de cette institution.

Par ailleurs, s'il est vrai que, dans le cadre de la procédure formelle d'examen, prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, un État membre a intérêt à respecter les délais qui lui sont impartis pour présenter ses observations ou pour communiquer les renseignements complémentaires demandés par la Commission, sans toutefois y être tenu, le temps écoulé du fait de son comportement aboutissant au non-respect de ces délais ne lui en reste pas moins imputable.

Arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna / Commission (T-171/02, Rec._p._II-2123) (cf. points 53, 59)

68. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Décisions-cadres visant au rapprochement des législations nationales - Exécution par les États membres - Obligation d'interprétation conforme du droit national - Limites - Respect des principes généraux du droit - Interprétation contra legem du droit national - Inadmissibilité

Le caractère contraignant des décisions-cadres adoptées sur le fondement du titre VI du traité sur l'Union européenne, consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, est formulé dans des termes identiques à ceux de l'article 249, troisième alinéa, CE, s'agissant des directives. Il entraîne, dans le chef des autorités nationales, une obligation d'interprétation conforme du droit national. Ainsi, en appliquant le droit interne, la juridiction nationale appelée à interpréter celui-ci est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre afin d'atteindre le résultat visé par celle-ci et de se conformer ainsi à l'article 34, paragraphe 2, sous b), UE.

L'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une décision-cadre lorsqu'il interprète les règles pertinentes de son droit national trouve toutefois ses limites dans les principes généraux du droit, et, en particulier, dans ceux de sécurité juridique et de non-rétroactivité. Ces principes s'opposent notamment à ce que ladite obligation puisse conduire à déterminer ou à aggraver, sur le fondement d'une décision-cadre et indépendamment d'une loi prise pour la mise en oeuvre de celle-ci, la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions.

De même le principe d'interprétation conforme ne peut-il servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national. Ce principe requiert néanmoins que la juridiction nationale prenne en considération, le cas échéant, l'ensemble du droit national pour apprécier dans quelle mesure celui-ci peut recevoir une application telle qu'il n'aboutit pas à un résultat contraire à celui visé par la décision-cadre.

Arrêt du 16 juin 2005, Pupino (C-105/03, Rec._p._I-5285) (cf. points 34, 43-45, 47, 61 et disp.)

69. Droit communautaire - Principes - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Champ d'application - Amendes infligées à raison d'une violation des règles de concurrence - Inclusion - Violation éventuelle en raison de l'application à une infraction antérieure à leur introduction des lignes directrices pour le calcul des amendes - Caractère prévisible des modifications introduites par les lignes directrices - Absence de violation

Le principe de non-rétroactivité des lois pénales, consacré à l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme comme droit fondamental, constitue un principe général du droit communautaire dont le respect s'impose lorsque des amendes sont infligées pour infraction aux règles de concurrence, et exige que les sanctions prononcées correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

La notion de "droit" au sens dudit article 7, paragraphe 1, correspond à celle de "loi" utilisée dans d'autres dispositions de la convention précitée et englobe le droit d'origine tant législative que jurisprudentielle. Cette disposition, qui consacre notamment le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), si elle ne saurait être interprétée comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale, peut s'opposer à l'application rétroactive d'une nouvelle interprétation d'une norme établissant une infraction. Tel est en particulier le cas s'il s'agit d'une interprétation jurisprudentielle dont le résultat n'était pas raisonnablement prévisible au moment où l'infraction a été commise, au vu notamment de l'interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause.

À l'instar de cette jurisprudence relative à de nouveaux développements jurisprudentiels, la modification d'une politique répressive, en l'occurrence la politique générale de la concurrence de la Commission en matière d'amendes, en particulier si elle est opérée par l'adoption de règles de conduite telles que les lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, peut avoir des incidences au regard du principe de non-rétroactivité. En effet, eu égard notamment à leurs effets juridiques et à leur portée générale, de telles règles de conduites relèvent, en principe, de la notion de "droit" au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la convention précitée.

Afin de contrôler le respect du principe de non-rétroactivité, il y a lieu de vérifier si la modification en cause était raisonnablement prévisible à l'époque où les infractions concernées ont été commises. À cet égard, la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s'agit, du domaine qu'il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s'oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d'une grande prudence dans l'exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d'eux qu'ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu'il comporte.

Eu égard au fait que l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter, dans les limites indiquées au règlement nº 17, le niveau des amendes aux besoins de la politique communautaire de la concurrence et, partant, qu'elle puisse élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé, non seulement en procédant à un relèvement du niveau dudit montant en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également en opérant un tel relèvement par l'application, à des cas d'espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices, il s'ensuit que ces dernières et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu'elles comportent, à supposer qu'elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, étaient raisonnablement prévisibles pour des entreprises à l'époque, antérieure à leur adoption, de la commission de leurs infractions.

Arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a. / Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec._p._I-5425) (cf. points 202, 216-219, 222-224, 227-231)



Arrêt du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer / Commission (T-30/05, Rec._p._II-107*) (cf. points 164-168)

70. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Absence de règle édictant une prescription relativement à l'exercice des compétences de la Commission - Violation du principe de sécurité juridique par le législateur communautaire - Absence

Pour remplir sa fonction d'assurer la sécurité juridique, un délai de prescription doit être fixé d'avance et la fixation de sa durée ainsi que de ses modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire.

En effet, la prescription, en empêchant que soient remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'écoulement du temps, tend à conforter la sécurité juridique mais peut également permettre la consolidation de situations qui étaient, à l'origine au moins, contraires à la loi. La mesure dans laquelle il y est fait recours résulte par conséquent d'un arbitrage entre les exigences de la sécurité juridique et celles de la légalité en fonction des circonstances historiques et sociales qui prévalent dans la société à une époque donnée. Elle relève pour cette raison du choix du seul législateur.

Le législateur communautaire ne saurait donc encourir la censure du juge communautaire en raison des choix qu'il opère concernant l'introduction de règles de prescription et la fixation des délais correspondants. Le fait de ne pas avoir prévu de délai de prescription pour l'exercice des pouvoirs permettant à la Commission de constater les infractions au droit communautaire n'est donc pas susceptible de constituer en lui-même une illégalité au regard du respect du principe de sécurité juridique.

Arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical / Commission (T-22/02 et T-23/02, Rec._p._II-4065) (cf. points 81-83)

71. Recours en annulation - Décision de la Commission dans une matière caractérisée par l'absence de règle édictant une prescription relativement à l'exercice de ses compétences - Respect des exigences de la sécurité juridique - Contrôle juridictionnel - Limites

Il n'appartient pas au juge communautaire de fixer les délais, la portée ou les modalités d'application de la prescription en rapport avec un comportement infractionnel, que ce soit d'une manière générale ou à l'égard du cas d'espèce qui lui est soumis. Néanmoins, l'absence de prescription législative n'exclut pas que l'action de la Commission, dans un cas concret, puisse être censurée au regard du principe de sécurité juridique. En effet, en l'absence de texte prévoyant un délai de prescription, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs.

Dès lors, le juge communautaire, lors de l'examen d'un grief tiré de l'action tardive de la Commission, ne doit pas se limiter à constater qu'aucun délai de prescription n'existe, mais doit vérifier si la Commission n'a pas agi de manière excessivement tardive.

Cependant, le caractère excessivement tardif de l'action de la Commission ne doit pas être apprécié uniquement en fonction du temps s'étant écoulé entre les faits qui forment l'objet de l'action et l'engagement de celle-ci. Au contraire, l'action de la Commission ne saurait être qualifiée d'excessivement tardive en l'absence d'un retard ou d'une autre négligence imputable à l'institution et il y a lieu de tenir compte, notamment, du moment où l'institution a pris connaissance de l'existence des faits infractionnels et du caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative.

Arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical / Commission (T-22/02 et T-23/02, Rec._p._II-4065) (cf. points 87-89)

72. Droit communautaire - Principes - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Champ d'application - Concurrence - Procédure administrative - Portée du principe - Relèvement du niveau du montant des amendes dans des décisions individuelles ou de portée générale - Prévisibilité pour les entreprises concernées - Admissibilité

Le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres, consacré également par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, et fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect.

À cet égard, même s'il ressort de l'article 15, paragraphe 4, du règlement nº 17 que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n'ont pas un caractère pénal, il n'en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de non-rétroactivité, dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence du traité.

Toutefois, les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d'élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s'opère par l'application de règles de conduite de portée générale telles que les lignes directrices.

Il doit en être conclu que, au regard de la marge d'appréciation dont dispose la Commission pour la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence, la nouvelle méthode de calcul des amendes que comportent les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, à supposer qu'elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées par rapport à la pratique antérieure de la Commission, n'est pas contraire aux principes prévus à l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elle était raisonnablement prévisible pour les entreprises concernées à l'époque où l'infraction a été commise.

Arrêt du 29 novembre 2005, Heubach / Commission (T-64/02, Rec._p._II-5137) (cf. points 205-210)

73. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Violation éventuelle en raison de l'application à une infraction antérieure à leur introduction des lignes directrices pour le calcul des amendes - Caractère prévisible des modifications introduites par les lignes directrices - Absence de violation

En ce qui concerne la modification de la politique générale de la concurrence de la Commission en matière d'amendes résultant, notamment, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, il y a lieu, afin de contrôler le respect du principe de non-rétroactivité, de vérifier si ladite modification était raisonnablement prévisible à l'époque où les infractions concernées ont été commises.

À cet égard, la principale innovation des lignes directrices consiste à prendre comme point de départ du calcul un montant de base, déterminé à partir de fourchettes prévues à cet égard, ces fourchettes reflétant les différents degrés de gravité des infractions, mais qui, comme telles, n'ont pas de rapport avec le chiffre d'affaires pertinent. Cette méthode repose ainsi essentiellement sur une tarification, quoique relative et souple, des amendes. Il importe donc d'examiner si cette nouvelle méthode de calcul des amendes, à supposer qu'elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, était raisonnablement prévisible à l'époque où les infractions concernées ont été commises. Or, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à différents types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement nº 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence, mais, au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

Il en découle que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières. Par conséquent, lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide, dans le respect des normes s'imposant à son action, d'élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également lorsque ce relèvement est opéré par l'application, à des cas d'espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices. Il ressort d'ailleurs de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que la prévisibilité de la loi ne s'oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d'une grande prudence dans l'exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d'eux qu'ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu'il comporte.

Il doit en être conclu que les lignes directrices et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu'elles comportent, à supposer qu'elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, étaient raisonnablement prévisibles pour des entreprises à l'époque où l'infraction concernée a été commise.

Arrêt du 5 avril 2006, Degussa / Commission (T-279/02, Rec._p._II-897) (cf. points 388-396)

74. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Sécurité juridique - Légalité des peines - Portée

Le principe de légalité des peines est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel constitue un principe général du droit communautaire et exige, notamment, que toute réglementation communautaire, en particulier lorsqu'elle impose ou permet d'imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence. Ce principe, qui fait partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par différents traités internationaux, notamment par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, s'impose tant aux normes de caractère pénal qu'aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d'imposer des sanctions administratives. Il s'applique non seulement aux normes qui établissent les éléments constitutifs d'une infraction, mais également à celles qui définissent les conséquences qui découlent d'une infraction aux premières. À cet égard, il résulte de l'article 7, paragraphe 1, de ladite convention que la loi doit définir clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que, pour satisfaire aux exigences de cette disposition, il n'est pas exigé que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d'une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue. En effet, selon celle-ci, l'existence de termes vagues dans la disposition n'entraîne pas nécessairement une violation de l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme et le fait qu'une loi confère un pouvoir d'appréciation ne se heurte pas en soi à l'exigence de prévisibilité, à condition que l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir à l'individu une protection adéquate contre l'arbitraire. À ce sujet, outre le texte de la loi elle-même, la Cour européenne des droits de l'homme tient compte de la question de savoir si les notions indéterminées utilisées ont été précisées par une jurisprudence constante et publiée. Par ailleurs, la prise en compte des traditions constitutionnelles communes aux États membres ne conduit pas à donner au principe général du droit communautaire que constitue le principe de légalité des peines une interprétation différente.

Arrêt du 5 avril 2006, Degussa / Commission (T-279/02, Rec._p._II-897) (cf. points 66-69, 71-73)

Arrêt du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik / Commission (T-69/04, Rec._p._II-2567) (cf. points 28-29, 32-34)

Le principe de légalité est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel constitue un principe général du droit communautaire qui exige, notamment, que toute réglementation communautaire, en particulier lorsqu'elle impose ou permet d'imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence.

Ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par différents traités internationaux, notamment, par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, et cela, entre autres, en ce qui concerne des infractions et des peines pénales, s'impose tant aux normes de caractère pénal qu'aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d'imposer des sanctions administratives. Il s'applique non seulement aux normes qui établissent les éléments constitutifs d'une infraction, mais également à celles qui définissent les conséquences qui découlent d'une infraction aux premières.

À cet égard, il résulte de l'article 7, paragraphe 1, de ladite convention que la loi doit définir clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que l'article 7, paragraphe 1, de la convention n'exige pas que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d'une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue. En effet, selon celle-ci, l'existence de termes vagues dans la disposition n'entraîne pas nécessairement une violation de cet article 7. Ainsi, la notion de droit utilisée à cet article correspond à celle de loi qui figure dans d'autres articles de la convention. En outre, bien des lois ne présentent pas une précision absolue et beaucoup d'entre elles, en raison de la nécessité d'éviter une rigidité excessive et de s'adapter aux changements de situation, se servent par la force des choses de formules plus ou moins floues, leur interprétation et leur application dépendant de la pratique. Toutefois, toute loi présuppose des conditions qualitatives dont, entre autres, celles d'accessibilité et de prévisibilité. Le fait qu'une loi confère un pouvoir d'appréciation ne se heurte cependant pas en soi à l'exigence de prévisibilité, à condition que l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir à l'individu une protection adéquate contre l'arbitraire. Enfin, outre le texte même de la loi, la Cour européenne des droits de l'homme tient compte de la jurisprudence constante et publiée lors de l'appréciation du caractère déterminé ou non des notions utilisées.

Par ailleurs, la prise en compte des traditions constitutionnelles communes aux États membres ne permet pas de donner au principe général du droit communautaire que constitue le principe de légalité une interprétation différente.

Arrêt du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer / Commission (T-43/02, Rec._p._II-3435) (cf. points 71-73, 75-81)



Arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa / Commission et Conseil (C-266/06 P, Rec._p._I-81*) (cf. points 38-40, 44-46)

75. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Champ d'application - Amendes infligées à raison d'une violation des règles de concurrence - Inclusion - Violation éventuelle en raison de l'application à une infraction antérieure à leur introduction des lignes directrices pour le calcul des amendes - Caractère prévisible des modifications introduites par les lignes directrices - Absence de violation

Le principe de non-rétroactivité des lois pénales, consacré à l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme comme droit fondamental, constitue un principe général du droit communautaire dont le respect s'impose lorsque des amendes sont infligées pour infraction aux règles de concurrence. Ce principe exige que les sanctions prononcées correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

L'adoption de lignes directrices susceptibles de modifier la politique générale de concurrence de la Commission en matière d'amendes peut, en principe, relever du champ d'application du principe de non-rétroactivité.

En effet, d'une part, les lignes directrices sont susceptibles de déployer des effets juridiques. Ces effets juridiques découlent non pas d'une normativité propre des lignes directrices, mais de l'adoption et de la publication de celles-ci par la Commission. Cette adoption et cette publication des lignes directrices entraînent une autolimitation du pouvoir d'appréciation de la Commission, qui ne peut se départir de ces dernières sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d'une violation de principes généraux du droit, tels que l'égalité de traitement, la protection de la confiance légitime et la sécurité juridique.

D'autre part, les lignes directrices, en tant qu'instrument d'une politique en matière de concurrence, tombent dans le champ d'application du principe de non-rétroactivité, à l'instar de la nouvelle interprétation jurisprudentielle d'une norme établissant une infraction, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'article 7, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme, en vertu de laquelle cette dernière disposition s'oppose à l'application rétroactive d'une nouvelle interprétation d'une norme établissant une infraction. Selon cette jurisprudence, tel est en particulier le cas s'il s'agit d'une interprétation jurisprudentielle dont le résultat n'était pas raisonnablement prévisible au moment où l'infraction a été commise, au vu notamment de l'interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause. Il ressort toutefois de cette même jurisprudence que la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s'agit, du domaine qu'il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. Ainsi, la prévisibilité de la loi ne s'oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé. Plus particulièrement, il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d'une grande prudence dans l'exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d'eux qu'ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu'il comporte.

Afin de contrôler le respect du principe de non-rétroactivité, il y a lieu de vérifier si la modification que constitue l'adoption des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA était raisonnablement prévisible à l'époque où les infractions concernées ont été commises. À cet égard, la principale innovation des lignes directrices consiste à prendre comme point de départ du calcul un montant de base, déterminé à partir de fourchettes prévues à cet égard par lesdites lignes directrices, ces fourchettes reflétant les différents degrés de gravité des infractions, mais qui, comme telles, n'ont pas de rapport avec le chiffre d'affaires pertinent. Cette méthode repose ainsi essentiellement sur une tarification, quoique relative et souple, des amendes.

Ensuite, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement nº 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence; au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

Il en découle que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières.

Par conséquent, lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d'élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s'opère par l'application, à des cas d'espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices.

Arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland / Commission (T-329/01, Rec._p._II-3255) (cf. points 38-46)

Le principe de non-rétroactivité des lois pénales, consacré à l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme comme droit fondamental, constitue un principe général du droit communautaire dont le respect s'impose lorsque des amendes sont infligées pour infraction aux règles de concurrence. Ce principe exige que les sanctions prononcées correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

L'adoption de lignes directrices susceptibles de modifier la politique générale de concurrence de la Commission en matière d'amendes peut, en principe, relever du champ d'application du principe de non-rétroactivité.

En effet, d'une part, les lignes directrices sont susceptibles de déployer des effets juridiques. Ces effets juridiques découlent non pas d'une normativité propre des lignes directrices, mais de l'adoption et de la publication de celles-ci par la Commission. Cette adoption et cette publication des lignes directrices, comme d'ailleurs celles de la communication sur la coopération, entraînent une autolimitation du pouvoir d'appréciation de la Commission, qui ne peut se départir de ces dernières sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d'une violation de principes généraux du droit, tels que l'égalité de traitement, la protection de la confiance légitime et la sécurité juridique.

D'autre part, les lignes directrices, en tant qu'instrument d'une politique en matière de concurrence, tombent dans le champ d'application du principe de non-rétroactivité, à l'instar de la nouvelle interprétation jurisprudentielle d'une norme établissant une infraction, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'article 7, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme, en vertu de laquelle cette dernière disposition s'oppose à l'application rétroactive d'une nouvelle interprétation d'une norme établissant une infraction. Selon cette jurisprudence, tel est en particulier le cas s'il s'agit d'une interprétation jurisprudentielle dont le résultat n'était pas raisonnablement prévisible au moment où l'infraction a été commise, au vu notamment de l'interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause. Il ressort toutefois de cette même jurisprudence que la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s'agit, du domaine qu'il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. Ainsi, la prévisibilité de la loi ne s'oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé. Plus particulièrement, il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d'une grande prudence dans l'exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d'eux qu'ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu'il comporte.

Afin de contrôler le respect du principe de non-rétroactivité, il y a lieu de vérifier si la modification que constitue l'adoption des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA était raisonnablement prévisible à l'époque où les infractions concernées ont été commises. À cet égard, la principale innovation des lignes directrices consiste à prendre comme point de départ du calcul un montant de base, déterminé à partir de fourchettes prévues à cet égard par lesdites lignes directrices, ces fourchettes reflétant les différents degrés de gravité des infractions, mais qui, comme telles, n'ont pas de rapport avec le chiffre d'affaires pertinent. Cette méthode repose ainsi essentiellement sur une tarification, quoique relative et souple, des amendes.

Ensuite, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement nº 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence; au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

Il en découle que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières.

Par conséquent, lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d'élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s'opère par l'application, à des cas d'espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices.

Arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland / Commission (T-59/02, Rec._p._II-3627) (cf. points 41-49, 409)

76. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en cas d'infractions aux règles de concurrence - Violation du principe de non-rétroactivité en raison de l'application des lignes directrices à une infraction antérieure à leur introduction - Absence

Dès lors que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu'elles comportent étaient raisonnablement prévisibles pour elle à l'époque, antérieure à leur adoption, où elle a commis une infraction, une entreprise ne saurait contester la méthode suivie pour le calcul des amendes au motif que la Commission, en faisant application desdites lignes directrices et en ayant durci à nouveau sa pratique ultérieurement, a enfreint le principe de non-rétroactivité consacré à l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme et à l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich / Commission (T-259/02 à T-264/02 et T-271/02, Rec._p._II-5169) (cf. points 217-218)

77. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Limites - Répression des infractions aux règles de concurrence - Détermination du montant des amendes - Méthode de calcul des amendes - Pouvoir d'appréciation des institutions

Le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres et fait partie intégrante des principes généraux de droit dont le juge communautaire assure le respect.

En particulier, l'article 7, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui consacre notamment le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), peut s'opposer à l'application rétroactive d'une nouvelle interprétation d'une norme établissant une infraction.

Tel est notamment le cas lorsqu'il s'agit d'une interprétation jurisprudentielle dont le résultat n'était pas raisonnablement prévisible au moment où l'infraction a été commise, au vu notamment de l'interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause.

Toutefois, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à différents types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement nº 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence. Au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

Les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient donc acquérir une confiance légitime dans une méthode de calcul des amendes appliquée dans le passé.

Arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone / Commission (C-3/06 P, Rec._p._I-1331) (cf. points 87-91)

78. Référé - Sursis à exécution - Sursis à l'exécution de l'obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d'une amende - Prise en considération de la situation du groupe d'appartenance de l'entreprise - Violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique - Violation des droits fondamentaux - Absence



Ordonnance du 28 mars 2007, IBP et International Building Products France / Commission (T-384/06 R, Rec._p._II-30*) (cf. points 83-84, 86-87, 89, 91, 93, 95)

79. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres - Suppression, pour certaines infractions, du contrôle de la double incrimination - Violation du principe de légalité des délits et des peines - Absence

Le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), qui fait partie des principes généraux du droit se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres, a également été consacré par différents traités internationaux, et notamment à l'article 7, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme. Ce principe implique que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

À cet égard, l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, en tant qu'il supprime le contrôle de la double incrimination pour les infractions mentionnées à cette disposition, n'est pas invalide en raison d'une violation dudit principe de légalité des délits et des peines. En effet, la décision-cadre ne vise pas à harmoniser les infractions pénales en question quant à leurs éléments constitutifs ou aux peines dont elles sont assorties. Si ledit article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre supprime le contrôle de la double incrimination pour les catégories d'infractions mentionnées à cette disposition, la définition de celles-ci et des peines applicables continue de relever de la compétence du droit de l'État membre d'émission, lequel, comme il est d'ailleurs énoncé à l'article 1er, paragraphe 3, de cette même décision-cadre, doit respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 UE et, par conséquent, le principe de légalité des délits et des peines.

Arrêt du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C-303/05, Rec._p._I-3633) (cf. points 49-50, 52-54)

80. Questions préjudicielles - Interprétation - Effets dans le temps des arrêts d'interprétation - Effet rétroactif - Limites - Sécurité juridique - Pouvoir d'appréciation de la Cour - Effets dans le temps des arrêts constatant l'inopposabilité, sur le territoire d'un État membre, d'un acte communautaire non publié dans la langue de cet État - Obligation de remettre en cause des décisions administratives ou juridictionnelles devenues définitives - Absence - Limites

Dans le cadre d'un renvoi préjudiciel portant sur l'interprétation d'une disposition du droit communautaire, la Cour peut, à titre exceptionnel, par application du principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Toutefois, s'il ne s'agit pas de la question de la limitation dans le temps des effets d'un arrêt de la Cour concernant l'interprétation d'une disposition du droit communautaire, mais de celle de la limitation des effets d'un arrêt constatant l'inopposabilité même, sur le territoire d'un État membre, d'un acte communautaire non publié dans la langue de cet État, ce dernier n'a pas, en vertu du droit communautaire, l'obligation de remettre en cause les décisions administratives ou juridictionnelles prises sur la base de telles règles, dès lors qu'elles seraient devenues définitives en vertu des règles nationales applicables.

En vertu d'une disposition expresse du traité CE, à savoir de l'article 231 CE, la Cour peut, alors même qu'un acte illégal est annulé et qu'il est censé n'être jamais intervenu, décider qu'il sortira néanmoins légalement certaines de ses conséquences juridiques. Les mêmes exigences de sécurité juridique commandent qu'il en aille de même pour les décisions nationales prises en application de dispositions de droit communautaire qui ne sont pas devenues opposables sur le territoire de certains États membres, faute d'avoir été régulièrement publiées au Journal officiel de l'Union européenne dans la langue officielle des États concernés, à l'exception de celles de ces décisions qui avaient fait l'objet de recours administratifs ou juridictionnels à la date de l'arrêt.

Il n'en irait autrement, en vertu du droit communautaire, que dans les cas exceptionnels où ont été prises des mesures administratives ou des décisions juridictionnelles, notamment à caractère répressif, qui porteraient atteinte à des droits fondamentaux, ce qu'il appartient, dans ces limites, aux autorités nationales compétentes de constater.

Arrêt du 11 décembre 2007, Skoma-Lux (C-161/06, Rec._p._I-10841) (cf. points 67-73)

81. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en cas d'infractions aux règles de concurrence - Obligation d'appliquer la "lex mitior" - Absence

Le principe de non-rétroactivité ne s'oppose pas à l'application de lignes directrices ayant, par hypothèse, un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées pour des infractions commises avant leur adoption, à condition que la politique qu'elles mettent en oeuvre fût raisonnablement prévisible à l'époque où les infractions concernées ont été commises. Par conséquent, le droit, même conditionnel, de la Commission d'appliquer rétroactivement au détriment des intéressés des règles de conduite visant à produire des effets externes, telles que les lignes directrices, exclut toute obligation pour cette institution d'appliquer la "lex mitior".

Arrêt du 12 décembre 2007, BASF et UCB / Commission (T-101/05 et T-111/05, Rec._p._II-4949) (cf. points 233-234)

82. Actes des institutions - Choix de la base juridique - Réglementation communautaire - Exigence de clarté et de prévisibilité - Indication expresse de la base légale - Limite

La législation communautaire doit être claire et son application prévisible pour tous ceux qui sont concernés. Le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, requiert que tout acte qui vise à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit être expressément indiquée comme base légale de l'acte et prescrit la forme juridique que celui-ci doit revêtir. Toutefois, l'omission de la référence à la base juridique précise d'un acte peut ne pas constituer un vice substantiel lorsque celle-ci peut être déterminée à l'appui d'autres éléments de l'acte. Une référence explicite est cependant indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et la juridiction communautaire compétente sont laissés dans l'incertitude quant à la base juridique précise.

Arrêt du 12 décembre 2007, Italie / Commission (T-308/05, Rec._p._II-5089) (cf. points 123-124)

83. Concurrence - Procédure administrative - Prescription en matière d'amendes - Application exclusive du règlement nº 2988/74 - Inapplicabilité des considérations liées au principe du respect d'un délai raisonnable - Violation des principes de securité juridique et des droits de la défense - Absence

Le règlement nº 2988/74, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence, a institué une réglementation complète régissant en détail les délais dans lesquels la Commission est en droit, sans porter atteinte à l’exigence fondamentale de sécurité juridique, d’infliger des amendes aux entreprises faisant l’objet de procédures d’application des règles communautaires de la concurrence. En présence de cette réglementation, toute considération liée à l’obligation pour la Commission d’exercer son pouvoir d’infliger des amendes dans un délai raisonnable doit être écartée.

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l'invocation d'une prétendue violation de la sécurité juridique ou des droits de la défense. En effet, d'une part, le règlement nº 2988/74 prend expressément en compte, dans son deuxième considérant, la nécessité d'assurer la sécurité juridique, précisément en introduisant le principe de la prescription. D'autre part, aussi longtemps que la prescription prévue par ce règlement n'est pas acquise, toute entreprise ou association d'entreprises faisant l'objet d'une enquête en matière de politique de la concurrence au titre du règlement nº 17 demeure dans l'incertitude quant à l'issue de cette procédure et l'infliction éventuelle de sanctions ou d'amendes. Ainsi, la prolongation de cette incertitude est inhérente aux procédures d'application du règlement nº 17 et ne constitue pas, en soi, une atteinte aux droits de la défense.

Arrêt du 1er juillet 2008, Compagnie maritime belge / Commission (T-276/04, Rec._p._II-1277) (cf. points 41, 43)

84. Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Notion - Réglementation défavorable aux particuliers - Exigence de clarté et de précision - Application rétroactive d'une condition de résidence au droit des étudiants provenant d'autres États membres à une bourse d'entretien - Admissibilité - Condition - Absence de conséquences négatives pour les intéressés

Le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables. Dans la mesure où la soumission du droit des étudiants provenant d’autres États membres à une bourse d’entretien à une condition de résidence en tant qu’élément constitutif de ce droit ne comporte pas de conséquences négatives mais implique pour les intéressés des droits plus importants que ceux qu’ils tiraient du régime national antérieur, le droit communautaire, en particulier le principe de sécurité juridique, ne s’oppose pas à l’application d’une telle condition de résidence qui soumet le droit des étudiants provenant d’autres États membres à une bourse d’entretien à l’accomplissement de périodes de résidence qui sont antérieures à l’introduction de cette condition.

Arrêt du 18 novembre 2008, Förster (C-158/07, Rec._p._I-8507) (cf. points 67, 69-71, disp. 3)

85. Accords internationaux - Accord d'association CEE-Turquie - Conseil d'association institué par l'accord d'association CEE-Turquie - Décision nº 1/80 - Regroupement familial - Limitation des droits des membres de la famille d'un travailleur turc au marché régulier de l'emploi de l'État membre d'accueil en raison du comportement frauduleux de ce travailleur - Conditions - Absence d'acquisition, dans le chef du membre de la famille, d'un droit propre d'accès au marché du travail à la date du retrait de l'autorisation de séjour du travailleur

L’article 7, premier alinéa, de la décision nº 1/80 du conseil d’association CEE-Turquie doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un travailleur turc a obtenu le statut de réfugié politique sur la base de déclarations inexactes, les droits d'accès au marché régulier de l'emploi de l'État membre d'accueil qu’un membre de sa famille tire de cette disposition ne peuvent être remis en cause si ce dernier, à la date du retrait de l’autorisation de séjour délivrée à ce travailleur, remplit les conditions prévues à ladite disposition.

En effet, si, à la date à laquelle l’autorisation de séjour d’un travailleur turc est retirée, les droits des membres de sa famille sont en cours d’acquisition, dans la mesure où la condition relative à la période de cohabitation effective avec le travailleur prévue à l’article 7, premier alinéa, de la décision nº 1/80 n’est pas encore remplie, les États membres sont en droit de tirer les conséquences du comportement frauduleux de ce travailleur à l’égard des membres de sa famille. En revanche, dès lors que ces derniers ont acquis un droit propre d’accès au marché du travail dans l’État membre d’accueil et, corrélativement, un droit de séjour dans celui-ci, ces droits ne peuvent plus être remis en cause en raison des irrégularités qui, dans le passé, ont affecté le droit de séjour dudit travailleur. Toute autre solution irait à l’encontre du principe de sécurité juridique qui exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus des conséquences défavorables.

Les limites aux droits que l’article 7, premier alinéa, de la décision nº 1/80 reconnaît aux membres de la famille d’un travailleur turc qui remplissent les conditions énoncées audit alinéa ne peuvent être que de deux ordres, à savoir soit le fait que la présence du migrant turc sur le territoire de l’État membre d’accueil constitue, en raison de son comportement personnel, un danger réel et grave pour l’ordre public, la sécurité ou la santé publiques, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de la même décision, soit la circonstance que l’intéressé a quitté le territoire de cet État pendant une période significative et sans motifs légitimes. Le caractère exhaustif de ces limites serait mis en cause si les autorités nationales étaient en mesure de soumettre à des conditions, de restreindre ou d’écarter les droits propres acquis par les membres de la famille du travailleur migrant au moyen du réexamen ou d’une nouvelle appréciation des circonstances de l’octroi à ce dernier du droit d’entrée et de séjour.

Arrêt du 18 décembre 2008, Altun (C-337/07, Rec._p._I-10323) (cf. points 58-60, 62-64, disp. 3)

86. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Sécurité juridique - Décision de la Commission qualifiant d'aide nouvelle une mesure étatique ayant initialement échappé à la qualification d'aide



Arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni / Commission (T-332/06, Rec._p._II-29*) (cf. points 102-108)

87. Actes des institutions - Choix de la base juridique - Réglementation communautaire - Exigence de clarté et de prévisibilité - Indication expresse de la base légale - Décision de la Commission constatant après l'expiration du traité CECA une infraction à l'article 65 CA et sanctionnant l'entreprise en cause - Base juridique constituée par l'article 7, paragraphe 1, et l'article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003

Au sein de l'ordre juridique communautaire, les institutions ne disposent que de compétences d’attribution. Pour cette raison, les actes communautaires mentionnent dans leur préambule la base juridique qui habilite l’institution concernée à agir dans le domaine en cause. Le choix de la base juridique appropriée revêt en effet une importance de nature constitutionnelle.

En outre, la législation communautaire doit être claire et son application prévisible pour tous ceux qui sont concernés. Cet impératif de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu.

Par ailleurs, une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë.

Enfin, la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution communautaire à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci.

Une décision par laquelle la Commission constate, après l’expiration du traité CECA, qu'une entreprise a commis une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et lui impose une amende trouve sa base juridique dans l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, pour la constatation de l’infraction et dans l’article 23, paragraphe 2, du même règlement pour l’imposition de l’amende, à l’exclusion de l’article 65 CA. Une telle décision peut, par ailleurs, faire référence à l’article 65, paragraphe 1, CA, c’est-à-dire la disposition matérielle s’adressant aux entreprises et aux associations d’entreprises en interdisant certains comportements anticoncurrentiels. Elle peut également faire référence à l’applicabilité de l’article 65, paragraphe 5, CA, dans le cadre d'une discussion relative au principe de la lex mitior, afin de justifier l’application de cette disposition et non de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, pour calculer le montant de l’amende.

Arrêt du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless / Commission (T-24/07, Rec._p._II-2309) (cf. points 64, 69-70, 74, 160, 163, 168)

88. Environnement - Promotion de l'utilisation de biocarburants ou d'autres carburants renouvelables dans les transports - Directive 2003/30 - Suppression par un État membre, avant l'échéance initialement prévue, du régime d'exonération fiscale applicable à un produit issu d'un mélange d'huile végétale, de gazole fossile et d'additifs spécifiques - Admissibilité - Suppression non subordonnée à l'existence de circonstances exceptionnelles - Respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime - Appréciation incombant au juge national

Dans le cadre de la directive 2003/30, visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports, les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas en principe à ce qu’un État membre, s’agissant d’un produit issu d’un mélange d’huile végétale, de gazole fossile et d’additifs spécifiques, supprime, avant la date d’expiration prévue initialement par la réglementation nationale, le régime d’exonération fiscale qui était applicable à celui-ci. En tout état de cause, une telle suppression n’exige pas l’existence de circonstances exceptionnelles. Il appartient cependant à la juridiction nationale d’examiner, dans le cadre d’une appréciation globale effectuée in concreto, si lesdits principes ont été respectés en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

Arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol (C-201/08, Rec._p._I-8343) (cf. point 68, disp. 2)