1. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à l'annulation d'une première décision pour vice de procédure - Principe ne bis in idem - Violation - Absence
Lorsque la Cour a annulé pour défaut d'authentification une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence et infligeant des amendes, sans trancher aucun des moyens de fond invoqués par les entreprises requérantes, et que la Commission adopte une nouvelle décision à l'encontre desdites entreprises, en se limitant à réparer le vice formel censuré par la Cour, on ne saurait considérer que la Commission a poursuivi ces entreprises à deux reprises pour un même ensemble de faits ou qu'elle leur a fait supporter deux sanctions pour une même infraction en violation du principe non bis in idem.
Le principe non bis in idem, principe fondamental du droit communautaire, consacré par ailleurs par l'article 4, paragraphe 1, du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, interdit, en matière de concurrence, qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n'est plus susceptible de recours.
L'application de ce principe suppose donc qu'il a été statué sur la matérialité de l'infraction ou que la légalité de l'appréciation portée sur celle-ci a été contrôlée.
Ainsi, le principe non bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l'infraction, qui aurait pour conséquence l'imposition soit d'une seconde sanction, s'ajoutant à la première, dans l'hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d'une première sanction, dans l'hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde.
En revanche, il ne s'oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu'une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu'il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d'annulation ne valant pas alors "acquittement" au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s'ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.
2. Fonctionnaires - Agents de la Banque centrale européenne - Régime disciplinaire - Principe ne bis in idem - Respect du principe s'imposant même en l'absence d'une règle écrite - Suspension d'un agent au titre de l'article 44 des conditions d'emploi - Mesure provisoire et n'entrant donc pas en ligne de compte pour l'application du principe
Le principe ne bis in idem constitue un principe général de droit communautaire s'imposant indépendamment de tout texte. Il est donc applicable aux procédures disciplinaires engagées à la Banque centrale européenne même si les conditions d'emploi de la Banque, à la différence du statut des fonctionnaires - dont l'article 86, paragraphe 3, prévoit qu'une "même faute ne peut donner lieu qu'à une seule sanction disciplinaire" - ne contiennent aucune disposition imposant le respect de ce principe.
La mesure de suspension prévue à l'article 44, troisième alinéa, des conditions d'emploi du personnel de la Banque centrale européenne - mesure inspirée par l'article 88, quatrième alinéa, du statut des fonctionnaires - présente un caractère provisoire et n'entre pas en ligne de compte en vue de l'application de ce principe.
3. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Champ d'application - Décision du ministère public mettant fin définitivement aux poursuites engagées contre un prévenu moyennant l'accomplissement par celui-ci de certaines obligations - Inclusion
Le principe ne bis in idem, consacré à l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, qui a pour objectif d'éviter qu'une personne, par le fait d'exercer son droit de libre circulation, ne soit poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs États membres, s'applique également à des procédures d'extinction de l'action publique par lesquelles le ministère public d'un État membre met fin, sans l'intervention d'une juridiction, à la procédure pénale engagée dans cet État, après que le prévenu a satisfait à certaines obligations et, notamment, a acquitté une certaine somme d'argent fixée par le ministère public.
D'une part, en effet, à l'issue d'une telle procédure le prévenu doit être considéré comme ayant été "définitivement jugé" au sens dudit article 54 et, une fois les obligations mises à sa charge exécutées par le prévenu, la sanction que comporte cette procédure doit être considérée comme ayant été "subie" au sens de cette même disposition.
D'autre part, les effets d'une telle procédure doivent, à défaut d'une indication expresse contraire à l'article 54, être considérés comme suffisants pour permettre l'application du principe ne bis in idem qu'il prévoit, alors même qu'elle ne fait intervenir aucune juridiction et que la décision prise à son issue ne prend pas la forme d'un jugement.
Par ailleurs, aucune disposition du titre VI du traité sur l'Union européenne, relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ni de l'accord de Schengen, ou de la convention d'application de celui-ci ne subordonne l'application de l'article 54 à l'harmonisation ou, à tout le moins, au rapprochement des législations pénales des États membres dans le domaine des procédures d'extinction de l'action publique.
Enfin, le principe ne bis in idem implique nécessairement, quelles que soient les modalités suivant lesquelles est infligée la sanction, qu'il existe une confiance mutuelle des États membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et que chacun de ceux-ci accepte l'application du droit pénal en vigueur dans les autres États membres, quand bien même la mise en oeuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente.
4. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Application au vu d'une décision du ministère public mettant fin définitivement aux poursuites engagées contre un prévenu moyennant l'accomplissement par celui-ci de certaines obligations - Portée limitée à l'action publique, laissant intact le droit d'action au civil de la victime
Le principe ne bis in idem, tel qu'énoncé à l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, a pour seul effet d'éviter qu'une personne définitivement jugée dans un État membre ne fasse l'objet de nouvelles poursuites pénales pour les mêmes faits dans un autre État membre. Ledit principe, lorsqu'il s'applique au vu d'une décision mettant définitivement fin aux poursuites pénales dans un État membre, adoptée sans l'intervention d'une juridiction et ne prenant pas la forme d'un jugement, n'empêche pas la victime ou toute autre personne lésée par le comportement du prévenu d'intenter ou de poursuivre une action civile en vue de demander réparation du préjudice qu'elle a subi.
Arrêt du 11 février 2003, Gözütok et Brügge (C-187/01 et C-385/01, Rec._p._I-1345) (cf. point 47)
5. Concurrence - Amendes - Montant - Sanctions communautaires et sanctions infligées dans un État membre ou un État tiers pour violation du droit national de la concurrence - Violation du principe ne bis in idem - Absence - Cumul - Admissibilité - Obligation pour la Commission de tenir compte, dans la détermination du montant de l'amende, de la sanction infligée dans un État membre en raison des mêmes faits - Obligation non transposable à l'hypothèse d'une sanction infligée dans un État tiers
Le principe non bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe général du droit communautaire dont le juge assure le respect. Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, ce principe interdit qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n'est plus susceptible de recours.
Il peut, en revanche, y avoir un cumul de sanctions, l'une communautaire, l'autre nationale, à la suite de l'existence de deux procédures parallèles, poursuivant des fins distinctes, du fait du système particulier de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres en matière d'ententes. Cependant, une exigence générale d'équité implique que, en fixant le montant de l'amende, la Commission est obligée de tenir compte de sanctions qui auraient déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait, lorsqu'il s'agit de sanctions infligées pour infractions au droit des ententes d'un État membre et, par conséquent, commises sur le territoire communautaire.
Cette possibilité de cumul de sanctions étant justifiée par le fait que les procédures, nationale et communautaire, poursuivent des fins distinctes, le principe non bis in idem ne peut, à plus forte raison, trouver à s'appliquer dans l'hypothèse où la Commission a décidé d'infliger une amende à une entreprise pour sa participation à une entente déjà sanctionnée par les autorités ou les juricitions d'un État tiers, les procédures diligentées et les sanctions infligées par la Commission, d'une part, et par les autorités ou les juridictions d'un État tiers, d'autre part, ne poursuivant pas, à l'évidence, les mêmes objectifs. En outre, il n'existe, actuellement, aucun principe de droit international public interdisant à des autorités ou à des juridictions d'États différents de poursuivre et de condamner une personne en raison des mêmes faits.
Par ailleurs, si la Commission est obligée, conformément à une exigence d'équité, de tenir compte, en fixant le montant d'une amende, de sanctions déjà infligées à la même entreprise pour des infractions au droit des ententes d'un État membre et, par conséquent, commises sur le territoire communautaire, c'est en raison de la situation particulière qui résulte, d'une part, de l'étroite interdépendance des marchés nationaux des États membres et du marché commun et, d'autre part, du système particulier de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres en matière d'ententes sur un même territoire, celui du marché commun. Cette justification fait, à l'évidence, défaut dans l'hypothèse où les premières décisions répressives ont été adoptées à l'encontre d'une entreprise par les autorités ou les juridictions d'un État tiers pour violation de leurs règles de concurrence et la Commission n'a, dès lors, aucune obligation, lors de la fixation du montant d'une amende infligée à ladite entreprise pour infraction au droit communautaire de la concurrence, de tenir compte des décisions susvisées.
6. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à la décision d'une autorité nationale de la concurrence visant la même entreprise - Absence d'identité entre les infractions faisant l'objet des deux décisions - Violation du principe ne bis in idem - Absence
L'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé. Il interdit donc de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas atteinte au principe non bis in idem lorsque la Commission sanctionne un comportement d'une entreprise différent de celui imputé à la même entreprise qui a fait l'objet de la décision d'une autorité nationale de la concurrence.
7. Concurrence - Amendes - Sanctions communautaires et sanctions infligées dans un État membre ou un État tiers pour violation du droit national de la concurrence - Violation du principe ne bis in idem - Absence - Cumul - Admissibilité - Obligation pour la Commission de tenir compte, dans la détermination du montant de l'amende, de la sanction infligée dans un État membre en raison des mêmes faits - Obligation non transposable à l'hypothèse d'une sanction infligée dans un État tiers
Le principe ne bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe général du droit communautaire dont le juge assure le respect. Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, ce principe interdit qu'une entreprise soit sanctionnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a déjà été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n'est plus susceptible de recours.
Est toutefois admise la possibilité d'un cumul de sanctions, l'une communautaire, l'autre nationale, à la suite de l'existence de deux procédures parallèles, poursuivant des fins distinctes, dont l'admissibilité résulte du système particulier de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres en matière d'ententes. Cependant, une exigence générale d'équité implique que, en fixant le montant de l'amende, la Commission est obligée de tenir compte de sanctions qui auraient déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait, lorsqu'il s'agit de sanctions infligées pour infractions au droit des ententes d'un État membre et, par conséquent, commises sur le territoire communautaire.
Cette possibilité de cumul de sanctions est justifiée par le fait que les procédures, nationale et communautaire, poursuivent des fins distinctes. Dans ces conditions, le principe ne bis in idem ne peut, à plus forte raison, trouver à s'appliquer dans l'hypothèse de procédures diligentées et de sanctions infligées par la Commission, d'une part, et par les autorités d'États tiers, d'autre part, ne poursuivant pas, à l'évidence, les mêmes objectifs. Si, dans le premier cas, il s'agit de préserver une concurrence non faussée sur le territoire de l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen, la protection recherchée concerne, dans le second cas, le marché d'un État tiers. En effet, l'application du principe ne bis in idem est subordonnée non seulement à l'identité des faits infractionnels et des personnes sanctionnées, mais également à l'unité du bien juridique protégé.
Cette conclusion se trouve confortée par la portée du principe d'interdiction du cumul des sanctions, tel qu'il est consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme. Il résulte du libellé dudit article que ce principe a seulement pour effet d'interdire à une juridiction d'un État de se saisir de, ou de réprimer, une infraction pour laquelle la personne mise en cause a déjà été acquittée ou condamnée dans ce même État. En revanche, le principe ne bis in idem n'interdit pas qu'une personne soit poursuivie ou punie plus d'une fois pour un même fait dans deux États différents, ou plus.
Il est vrai que l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. Toutefois, ce texte n'a vocation à s'appliquer que sur le territoire de l'Union et délimite expressément la portée du droit défini en son article 50 aux cas où la décision d'acquittement ou de condamnation en cause a été prononcée à l'intérieur de ce territoire.
8. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Champ d'application - Décision des autorités judiciaires d'un État membre de clôturer une affaire en raison de l'ouverture d'une procédure analogue dans un autre État membre et en l'absence de toute appréciation sur le fond - Exclusion
Le principe ne bis in idem, consacré à l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, qui a pour objectif d'éviter qu'une personne, par le fait d'exercer son droit de libre circulation, ne soit poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs États membres, ne trouve pas à s'appliquer à une décision des autorités judiciaires d'un État membre déclarant qu'une affaire est clôturée, après que le ministère public a décidé de ne pas poursuivre l'action publique au seul motif que des poursuites pénales ont été engagées dans un autre État membre à l'encontre du même prévenu et pour les mêmes faits, et ce en l'absence de toute appréciation sur le fond. En effet, une telle décision ne saurait constituer une décision jugeant définitivement une personne au sens dudit article 54.
L'application de ce principe à une telle décision de clôture de la procédure pénale aurait pour effet de rendre plus difficile, voire de faire obstacle à toute possibilité concrète de sanctionner dans les États membres concernés le comportement illicite reproché au prévenu. Une telle conséquence irait manifestement à l'encontre de la finalité même des dispositions du titre VI du traité sur l'Union européenne, telle qu'énoncée à l'article 2, premier alinéa, quatrième tiret, UE.
Arrêt du 10 mars 2005, Miraglia (C-469/03, Rec._p._I-2009) (cf. points 30, 32-35 et disp.)
9. Concurrence - Amendes - Sanctions communautaires et sanctions infligées dans un État tiers pour violation du droit national de la concurrence - Violation du principe ne bis in idem - Absence
Le principe non bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe fondamental du droit communautaire dont le juge assure le respect.
Dans le cas d'une entente se situant dans un contexte international qui est caractérisé notamment par l'intervention, sur leurs territoires respectifs, d'ordres juridiques d'États tiers, l'exercice des pouvoirs par les autorités de ces États chargées de la protection de la libre concurrence, dans le cadre de leur compétence territoriale, obéit à des exigences qui sont propres auxdits États. En effet, les éléments qui sous-tendent les ordres juridiques d'autres États dans le domaine de la concurrence non seulement comportent des finalités et des objectifs spécifiques, mais aboutissent également à l'adoption de règles matérielles particulières ainsi qu'à des conséquences juridiques très variées dans le domaine administratif, pénal ou civil, lorsque les autorités desdits États ont établi l'existence d'infractions aux règles applicables en matière de concurrence.
Il en découle que, lorsque la Commission sanctionne le comportement illicite d'une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l'intérieur du marché commun qui constitue, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, un objectif fondamental de la Communauté. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau communautaire, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d'États tiers.
Dès lors, le principe non bis in idem ne s'applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d'États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres.
Dans le cas d'une entente se situant dans un contexte international qui est caractérisé notamment par l'intervention, sur leurs territoires respectifs, d'ordres juridiques d'États tiers, l'exercice des pouvoirs par les autorités de ces États chargées de la protection de la libre concurrence, dans le cadre de leur compétence territoriale, obéit à des exigences qui sont propres auxdits États. En effet, les éléments qui sous-tendent les ordres juridiques d'autres États dans le domaine de la concurrence non seulement comportent des finalités et des objectifs spécifiques, mais aboutissent également à l'adoption de règles matérielles particulières ainsi qu'à des conséquences juridiques très variées dans le domaine administratif, pénal ou civil, lorsque les autorités desdits États ont établi l'existence d'infractions aux règles applicables en matière de concurrence.
Il en découle que, lorsque la Commission sanctionne le comportement illicite d'une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l'intérieur du marché commun qui constitue, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, un objectif fondamental de la Communauté. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau communautaire, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d'États tiers.
Dès lors, le principe non bis in idem, consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, ne s'applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d'États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres.
Arrêt du 10 mai 2007, SGL Carbon / Commission (C-328/05 P, Rec._p._I-3921) (cf. points 24-30)
L'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique.
En matière de sanctions pour violation des règles de concurrence, ce principe ne s'applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d'États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres.
Dans le cas d'une entente mondiale, sanctionnée à la fois par les autorités de concurrence d'un État tiers et la Commission, ce principe ne peut donc s'appliquer, même si les faits en cause devant les premières et la seconde trouvent leur origine dans un même ensemble d'accords, car les intérêts juridiques protégés sont différents. En effet, l'action de la Commission vise à sauvegarder la libre concurrence à l'intérieur du marché commun qui constitue, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, un objectif fondamental de la Communauté, alors que, dans l'hypothèse où la procédure entamée par les autorités d'un État tiers viserait des applications ou des effets d'une entente autres que ceux intervenus sur son territoire et en particulier dans l'Espace économique européen, ce fait empièterait manifestement sur la compétence territoriale de la Commission.
Pour les mêmes raisons, des considérations liées à l’équité, visant à déduire de l'amende infligée la sanction imposée par les autorités de l'État tiers, ne sauraient être accueillies.
Arrêt du 18 juin 2008, Hoechst / Commission (T-410/03, Rec._p._II-881) (cf. points 600-605)
10. Recours en manquement - Arrêt de la Cour constatant le manquement - Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt - Sanctions pécuniaires - Astreinte - Somme forfaitaire - Cumul des deux sanctions - Admissibilité - Conditions - Atteinte aux principes ne bis in idem et d'égalité de traitement - Absence
La procédure prévue à l'article 228, paragraphe 2, CE a pour objectif d'inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, par là, d'assurer l'application effective du droit communautaire. Les mesures prévues par cette disposition, à savoir la somme forfaitaire et l'astreinte, visent toutes les deux ce même objectif.
L'application de l'une ou de l'autre de ces deux mesures dépend de l'aptitude de chacune à remplir l'objectif poursuivi en fonction des circonstances de l'espèce. Si l'imposition d'une astreinte semble particulièrement adaptée pour inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l'absence d'une telle mesure, aurait tendance à persister, l'imposition d'une somme forfaitaire repose davantage sur l'appréciation des conséquences du défaut d'exécution des obligations de l'État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période depuis l'arrêt qui l'a initialement constaté.
Dans ces conditions, il n'est pas exclu de recourir aux deux types de sanctions prévues à l'article 228, paragraphe 2, CE, notamment lorsque le manquement, à la fois, a perduré une longue période et tend à persister, l'utilisation de la conjonction "ou" audit paragraphe 2 devant en effet être entendue dans un sens cumulatif, et non pas alternatif.
Il s'ensuit que, pas plus qu'elle ne saurait contrevenir au principe non bis in idem, car la durée du manquement est prise en considération comme un critère parmi d'autres, en vue de déterminer le niveau approprié de coercition et de dissuasion, l'imposition cumulée d'une astreinte et d'une somme forfaitaire ne saurait constituer une atteinte à l'égalité de traitement, dès lors que, eu égard à la nature, à la gravité et à la persistance du manquement constaté, un tel cumul apparaîtrait approprié, le fait qu'un tel cumul n'ai pas été infligé antérieurement ne constituant pas un obstacle à cet égard.
Arrêt du 12 juillet 2005, Commission / France (C-304/02, Rec._p._I-6263) (cf. points 80-86)
11. Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à une autre décision de la Commission visant la même entreprise - Absence d'identité entre les infractions faisant l'objet des deux décisions - Violation du principe ne bis in idem - Absence
Le principe non bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe général du droit communautaire dont le juge assure le respect.
Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, ce principe interdit qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d'un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou pour lequel elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n'est plus susceptible de recours. L'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé.
Arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone / Commission (T-38/02, Rec._p._II-4407) (cf. points 184-185)
12. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Application ratione temporis
Le principe ne bis in idem, consacré par l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, doit trouver à s'appliquer à une procédure pénale engagée dans un État contractant pour des faits qui ont déjà donné lieu à la condamnation de l'intéressé dans un autre État contractant, alors même que ladite convention n'était pas encore en vigueur dans ce dernier État au moment du prononcé de ladite condamnation, pour autant qu'elle était en vigueur dans les États contractants en cause au moment de l'appréciation des conditions d'application du principe ne bis in idem par l'instance saisie d'une seconde procédure.
Arrêt du 9 mars 2006, Van Esbroeck (C-436/04, Rec._p._I-2333) (cf. point 24, disp. 1)
13. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - "Mêmes faits" - Notion - Identité des faits matériels et non de leur qualification juridique - Appréciation de l'identité relevant de la compétence des instances nationales - Importation et exportation de stupéfiants faisant l'objet de poursuites dans différents États contractants - Inclusion
Contrairement aux articles 14, paragraphe 7, du pacte international relatif aux droits civils et politiques et 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, qui consacrent le principe ne bis in idem en utilisant la notion d'"infraction", l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS) doit être interprété en ce sens que le critère, pertinent aux fins de l'application dudit article, est celui de l'identité des faits matériels, compris comme l'existence d'un ensemble de faits indissociablement liés entre eux, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l'intérêt juridique protégé.
En effet, aucune disposition du titre VI du traité sur l'Union européenne, relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ni de l'accord de Schengen ou de la CAAS elle-même ne subordonne l'application de l'article 54 de la CAAS à l'harmonisation ou, à tout le moins, au rapprochement des législations pénales des États membres. Le principe ne bis in idem implique donc nécessairement qu'il existe une confiance mutuelle des États contractants dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et que, en l'absence d'harmonisation des législations pénales nationales, chacun desdits États accepte l'application du droit pénal en vigueur dans les autres États contractants, quand bien même la mise en oeuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente.
L'appréciation définitive de l'identité des faits matériels appartient aux instances nationales compétentes qui doivent déterminer si les faits matériels en question constituent un ensemble de faits indissociablement liés dans le temps, dans l'espace ainsi que par leur objet.
Il s'ensuit que les faits punissables consistant en l'exportation et en l'importation des mêmes stupéfiants et poursuivis dans différents États contractants à la CAAS sont, en principe, à considérer comme "les mêmes faits" au sens dudit article 54, l'appréciation définitive à cet égard appartenant aux instances nationales compétentes.
14. Concurrence - Amendes - Sanctions communautaires et sanctions infligées dans un État membre ou un État tiers pour violation du droit national de la concurrence - Violation du principe ne bis in idem - Absence - Cumul - Admissibilité
Le principe ne bis in idem interdit de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique. L'application de ce principe est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir l'identité des faits, l'identité du contrevenant et l'identité d'intérêt juridique protégé.
Ainsi, une entreprise peut valablement faire l'objet de deux procédures parallèles pour un même comportement illicite et donc d'une double sanction, l'une par l'autorité compétente de l'État membre en cause, l'autre communautaire, dans la mesure où lesdites procédures poursuivent des fins distinctes et où il n'y a pas d'identité entre les normes enfreintes.
Il s'ensuit que le principe ne bis in idem ne peut, à plus forte raison, trouver à s'appliquer dans un cas où les procédures diligentées et les sanctions infligées par la Commission, d'une part, et par des autorités d'États tiers, d'autre part, ne poursuivent pas, à l'évidence, les mêmes objectifs. En effet, si, dans le premier cas, il s'agit de préserver une concurrence non faussée sur le territoire de l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen, la protection recherchée, dans le second cas, concerne le marché d'un État tiers. La condition de l'identité de l'intérêt juridique protégé, nécessaire pour que trouve à s'appliquer le principe ne bis in idem, fait dans ce cas défaut.
15. Concurrence - Amendes - Cumul de sanctions communautaires pour des faits distincts trouvant leur origine dans un même ensemble d'accords - Violation du principe ne bis in idem - Absence - Conditions
Le principe ne bis in idem interdit de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique. L'application de ce principe est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir l'identité des faits, l'identité du contrevenant et l'identité d'intérêt juridique protégé.
Ainsi, dans le cas où les faits à la base de deux condamnations trouvent leur origine dans un même ensemble d'accords, mais se distinguent néanmoins en ce qui concerne tant leur objet que leur localisation territoriale, ce principe n'est pas d'application. Tel est le cas lorsque les sanctions concernent des ententes portant sur des marchés différents. Tel est également le cas d'une entente concernant également le territoire d'États tiers dès lors que, en vertu du principe de territorialité, il n'existe pas de conflit dans l'exercice des compétences de la Commission et des autorités de concurrence de ces États tiers pour infliger des amendes aux entreprises qui violent les règles de concurrence de l'Espace économique européen et desdits États tiers.
16. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Champ d'application - Décision définitive d'acquittement en raison de la prescription du délit des autorités judiciaires d'un État contractant - Inclusion
Le principe ne bis in idem, consacré à l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, s'applique à une décision d'une juridiction d'un État contractant, rendue à la suite de l'exercice de l'action pénale, par laquelle un prévenu est définitivement acquitté en raison de la prescription du délit ayant donné lieu aux poursuites.
En effet, la proposition principale contenue dans l'unique phrase constituant ledit article 54 ne fait aucune référence au contenu du jugement devenu définitif. Elle n'est pas uniquement applicable aux jugements qui prononcent une condamnation.
De plus, ne pas appliquer l'article 54 dans l'hypothèse d'un acquittement définitif du prévenu en raison de la prescription du délit compromettrait la mise en oeuvre de l'objectif de cette disposition qui est d'éviter qu'une personne, par le fait qu'elle exerce son droit de libre circulation, ne soit poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs États contractants. Une telle personne doit donc être considérée comme définitivement jugée au sens de la disposition en question.
Certes, en matière de délais de prescription, une harmonisation des législations des États contractants n'a pas eu lieu. Toutefois, aucune disposition du titre VI du traité UE, relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ni de l'accord de Schengen ou de la convention d'application de celui-ci ne subordonne l'application de l'article 54 à l'harmonisation ou, à tout le moins, au rapprochement des législations pénales des États membres dans le domaine des procédures d'extinction de l'action publique et, plus généralement, à l'harmonisation ou au rapprochement des législations pénales de ceux-ci. Le principe ne bis in idem implique nécessairement qu'il existe une confiance mutuelle des États contractants dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et que chacun desdits États accepte l'application du droit pénal en vigueur dans les autres États contractants, quand bien même la mise en oeuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente.
Enfin, la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, ne s'oppose pas à l'application du principe ne bis in idem dans l'hypothèse d'un acquittement définitif en raison de la prescription du délit. En effet, la mise en oeuvre de la faculté, prévue à l'article 4, point 4, de cette décision-cadre, de refuser d'exécuter le mandat d'arrêt européen, notamment lorsqu'il y a prescription de l'action pénale selon la législation de l'État membre d'exécution et que les faits relèvent de la compétence de cet État selon sa propre loi pénale, n'est pas subordonnée à l'existence d'un jugement fondé sur la prescription. L'hypothèse selon laquelle la personne recherchée a fait l'objet d'un jugement définitif pour les mêmes faits par un État membre est régie par l'article 3, point 2, de ladite décision-cadre, disposition qui énonce un motif de non-exécution obligatoire du mandat d'arrêt européen.
17. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Application ratione personae
Le principe ne bis in idem, consacré à l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, ne s'applique pas à d'autres personnes que celles qui ont été définitivement jugées par un État contractant. Cette interprétation, basée sur le libellé dudit article 54, est corroborée par la finalité des dispositions du titre VI du traité sur l'Union européenne, telle qu'énoncée à l'article 2, premier alinéa, quatrième tiret, UE.
Arrêt du 28 septembre 2006, Gasparini e.a. (C-467/04, Rec._p._I-9199) (cf. points 36-37, disp. 2)
18. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - "Mêmes faits" - Notion - Identité des faits matériels - Appréciation de l'identité relevant de la compétence des instances nationales - Mise sur le marché d'une marchandise dans un État membre postérieurement à son importation dans un autre État membre - Inclusion
Le seul critère pertinent aux fins de l'application de la notion de "mêmes faits" au sens de l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen est celui de l'identité des faits matériels, compris comme l'existence d'un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles. Dès lors, la mise sur le marché d'une marchandise dans un autre État membre, postérieure à son importation dans l'État membre qui a prononcé l'acquittement en raison de la prescription du délit de contrebande, constitue un comportement susceptible de faire partie des "mêmes faits" au sens dudit article 54. Cependant, l'appréciation définitive à cet égard appartient aux instances nationales compétentes qui doivent déterminer si les faits matériels en question constituent un ensemble de faits indissociablement liés dans le temps, dans l'espace ainsi que par leur objet.
19. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - "Mêmes faits" - Notion - Identité des faits matériels et non de leur qualification juridique - Existence d'un ensemble de faits indissociablement liés entre eux - Délits relatifs aux stupéfiants - Quantités de drogue en cause ou personnes ayant participé aux faits ne devant pas être identiques - Importation et exportation de stupéfiants faisant l'objet de poursuites dans différents États contractants - Inclusion
L'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen doit être interprété en ce sens que le critère pertinent aux fins de l'application dudit article est constitué par celui de l'identité des faits matériels, compris comme l'existence d'un ensemble de faits indissociablement liés entre eux, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l'intérêt juridique protégé.
S'agissant des délits relatifs aux stupéfiants, d'une part, il n'est pas exigé que les quantités de drogue en cause dans les deux États contractants concernés ou les personnes ayant prétendument participé aux faits dans les deux États soient identiques. Il n'est donc pas exclu qu'une situation dans laquelle une telle identité fait défaut constitue un ensemble de faits qui, par leur nature même, sont indissociablement liés. D'autre part, les faits punissables consistant en l'exportation et en l'importation des mêmes stupéfiants et poursuivis dans différents États contractants à cette convention sont, en principe, à considérer comme "les mêmes faits" au sens de cet article 54, l'appréciation définitive à cet égard appartenant aux instances nationales compétentes.
Arrêt du 28 septembre 2006, van Straaten (C-150/05, Rec._p._I-9327) (cf. points 48-51, 53, disp. 1)
20. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Champ d'application - Décision des autorités judiciaires d'un État contractant d'acquittement pour insuffisance de preuves - Inclusion
Le principe ne bis in idem, consacré à l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS), qui a pour objectif d'éviter qu'une personne, par le fait d'exercer son droit de libre circulation, ne soit poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs États contractants, trouve à s'appliquer à une décision des autorités judiciaires d'un État contractant par laquelle un prévenu est définitivement acquitté pour insuffisance de preuves.
En effet, la proposition principale contenue dans l'unique phrase constituant l'article 54 de la CAAS ne fait aucune référence au contenu du jugement devenu définitif. Ce n'est que dans la proposition subordonnée que l'article 54 vise l'hypothèse d'une condamnation en énonçant que, en ce cas, l'interdiction de poursuites pénales est soumise à une condition spécifique. Si la règle générale énoncée dans la proposition principale n'était applicable qu'aux jugements qui prononcent une condamnation, il serait superflu de préciser que la règle spéciale est applicable en cas de condamnation.
De plus, ne pas appliquer ledit article 54 à une décision définitive d'acquittement pour insuffisance de preuves aurait pour effet de mettre en péril l'exercice du droit à la libre circulation.
Enfin, l'ouverture d'une procédure pénale dans un autre État contractant pour les mêmes faits compromettrait, dans le cas d'un acquittement définitif pour insuffisance de preuves, les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime. En effet, le prévenu devrait craindre de nouvelles poursuites pénales dans un autre État contractant alors que les mêmes faits ont été définitivement jugés.
Arrêt du 28 septembre 2006, van Straaten (C-150/05, Rec._p._I-9327) (cf. points 56-59, 61, disp. 2)
21. Concurrence - Amendes - Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à une décision non susceptible de recours sanctionnant ou déclarant non responsable la même entreprise - Violation du principe ne bis in idem - Conditions
Le principe non bis in idem constitue un principe général du droit communautaire dont le juge assure le respect. Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, ce principe interdit qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d'un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n'est plus susceptible de recours. L'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique. En revanche, il n'interdit pas de sanctionner pour un même fait les différentes associations d'entreprises qui y ont participé, en raison de la participation et du degré de responsabilité propre de chacune dans l'infraction, même si les unes ont la qualité de membre des autres.
22. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - "Mêmes faits" - Notion - Identité des faits matériels et non de leur qualification juridique ou de l'intérêt juridique protégé - Importations dans plusieurs États contractants de tabac étranger de contrebande - Appréciation de l'identité relevant de la compétence des instances nationales
L'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen doit être interprété en ce sens que:
- le critère pertinent aux fins de l'application dudit article est constitué par celui de l'identité des faits matériels compris comme l'existence d'un ensemble de faits indissociablement liés entre eux, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l'intérêt juridique protégé;
- des faits consistant en la prise de possession de tabac étranger de contrebande dans un État contractant et en l'importation et la possession du même tabac dans un autre État contractant, caractérisés par la circonstance que le prévenu qui a été poursuivi dans deux États contractants avait dès le départ l'intention de transporter le tabac, après la première prise de possession, vers une destination finale en traversant plusieurs États contractants, constituent des comportements susceptibles de relever de la notion de "mêmes faits" au sens dudit article 54. L'appréciation définitive à cet égard appartient aux instances nationales compétentes.
Arrêt du 18 juillet 2007, Kretzinger (C-288/05, Rec._p._I-6441) (cf. point 37, disp. 1)
23. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Sanction "ayant été subie" ou "actuellement en cours d'exécution" - Notion - Peine d'emprisonnement assortie d'un sursis - Inclusion
Au sens de l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, la sanction prononcée par une juridiction d'un État contractant "a été subie" ou "est actuellement en cours d'exécution" lorsque le prévenu a été condamné à une peine d'emprisonnement dont l'exécution a été assortie d'un sursis.
En effet, une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis, qui pénalise le comportement illicite d'une personne condamnée, doit être considérée comme étant "actuellement en cours d'exécution" dès que la condamnation est devenue exécutoire et durant la période d'épreuve. Ensuite, une fois que la période d'épreuve est achevée, la peine doit être considérée comme "ayant été subie" au sens de cette même disposition.
Arrêt du 18 juillet 2007, Kretzinger (C-288/05, Rec._p._I-6441) (cf. points 42, 44, disp. 2)
24. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Sanction "ayant été subie" ou "actuellement en cours d'exécution" - Notion - Mise en garde à vue et/ou en détention provisoire de courte durée imputable sur l'exécution ultérieure de la peine d'emprisonnement - Exclusion
Au sens de l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS), la sanction prononcée par une juridiction d'un État contractant ne doit pas être considérée comme "ayant été subie" ou "actuellement en cours d'exécution" lorsque le prévenu a été brièvement mis en garde à vue et/ou en détention provisoire et lorsque, selon le droit de l'État de condamnation, cette privation de liberté doit être imputée sur l'exécution ultérieure de la peine d'emprisonnement.
En effet, la finalité d'une détention provisoire est très différente de celle de la condition d'exécution prévue à l'article 54 de la CAAS. Tandis que la finalité de la première est plutôt préventive, celle de la seconde est d'éviter qu'une personne qui a été définitivement jugée dans un premier État contractant ne puisse plus être poursuivie pour les mêmes faits et reste donc finalement impunie lorsque le premier État de condamnation n'a pas fait exécuter la peine encourue.
Arrêt du 18 juillet 2007, Kretzinger (C-288/05, Rec._p._I-6441) (cf. points 51-52, disp. 3)
25. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Condition d'exécution de la sanction - Faculté ouverte au premier État de condamnation d'émettre un mandat d'arrêt européen - Absence d'incidence
Le fait qu'un État membre dans lequel une personne a fait l'objet d'un jugement définitif de condamnation en droit interne puisse émettre un mandat d'arrêt européen visant à faire arrêter cette personne afin d'exécuter ce jugement au titre de la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, ne saurait avoir une incidence sur l'interprétation de la notion d'"exécution" au sens de l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS).
En effet, cette condition d'exécution ne saurait, par définition, être remplie lorsqu'un éventuel mandat d'arrêt européen est émis après un jugement de condamnation dans un premier État membre précisément aux fins d'assurer l'exécution d'une peine d'emprisonnement qui n'a pas encore été subie au sens de l'article 54 de la CAAS.
Cette constatation est confirmée par la décision-cadre elle-même qui, à son article 3, paragraphe 2, oblige l'État membre requis à refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt européen lorsqu'il résulte des informations mises à la disposition de l'autorité judiciaire d'exécution que la personne recherchée a fait l'objet d'un jugement définitif pour les mêmes faits par un État membre et que, en cas de condamnation, la condition d'exécution est remplie.
Ce résultat est corroboré par le fait que l'interprétation de l'article 54 de la CAAS ne saurait dépendre des dispositions de la décision-cadre sans donner lieu à une insécurité juridique qui résulterait, d'une part, du fait que les États membres liés par la décision-cadre ne le sont pas tous par la CAAS qui, en outre, s'applique à certains États tiers et, d'autre part, de la circonstance que le champ d'application du mandat d'arrêt européen est limité, ce qui n'est pas le cas pour l'article 54 de la CAAS, qui est valable pour toutes les infractions punies pas les États qui ont adhéré à cette convention.
Dès lors, le fait qu'une peine d'emprisonnement définitive puisse éventuellement être exécutée dans l'État de condamnation à la suite d'une remise par un autre État d'une personne condamnée ne saurait affecter l'interprétation de la notion d'"exécution" au sens de l'article 54 de la CAAS.
Arrêt du 18 juillet 2007, Kretzinger (C-288/05, Rec._p._I-6441) (cf. points 60-64, disp. 4)
26. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Application de dispositions nationales plus larges concernant l'effet ne bis in idem - Limites
Il ressort de l'article 58 de la convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS) que les États contractants ont le droit d'appliquer des dispositions nationales plus larges concernant l'effet ne bis in idem attaché aux décisions judiciaires rendues à l'étranger. Toutefois, cet article n'autorise nullement un État contractant à s'abstenir de juger une infraction liée aux stupéfiants en violation de ses obligations résultant de l'article 71 de la CAAS, lu en combinaison avec l'article 36 de la convention unique sur les stupéfiants, conclue à New York le 30 mars 1961 dans le cadre des Nations unies, au seul motif que le prévenu a déjà été condamné dans un autre État contractant pour d'autres infractions animées par la même intention criminelle. En revanche, lesdites dispositions ne s'opposent pas à ce que, en droit national, les instances compétentes saisies d'une seconde procédure tiennent compte, pour la fixation de la peine, des sanctions éventuellement déjà prononcées lors de la première procédure.
Arrêt du 18 juillet 2007, Kraaijenbrink (C-367/05, Rec._p._I-6619) (cf. points 33-35)
27. Union européenne - Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Protocole intégrant l'acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - "Mêmes faits" - Notion - Identité des faits matériels et non de leur qualification juridique - Appréciation de l'identité relevant de la compétence des instances nationales - Faits consistant à détenir dans un État contractant des sommes d'argent provenant d'un trafic de stupéfiants et à écouler dans des bureaux de change situés dans un autre État contractant des sommes d'argent provenant d'un tel trafic - Critères d'appréciation
L'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen doit être interprété en ce sens que:
- le critère pertinent aux fins de l'application dudit article est celui de l'identité des faits matériels, compris comme l'existence d'un ensemble de faits indissociablement liés entre eux, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l'intérêt juridique protégé;
- des faits différents consistant, notamment, d'une part, à détenir dans un État contractant des sommes d'argent provenant d'un trafic de stupéfiants et, d'autre part, à écouler dans des bureaux de change situés dans un autre État contractant des sommes d'argent provenant également d'un tel trafic ne doivent pas être considérés comme des "mêmes faits" au sens de cet article en raison du seul fait que l'instance nationale compétente constate que lesdits faits sont reliés par la même intention criminelle;
- il appartient à ladite instance nationale d'apprécier si le degré d'identité et de connexité entre toutes les circonstances factuelles à comparer est tel qu'il est possible, au vu du critère pertinent susmentionné, de constater qu'il s'agit des "mêmes faits" au sens dudit article 54.
Arrêt du 18 juillet 2007, Kraaijenbrink (C-367/05, Rec._p._I-6619) (cf. point 36 et disp.)
28. Fonctionnaires - Régime disciplinaire - Principe ne bis in idem - Suspension - Mesure provisoire n'entrant pas en ligne de compte pour l'application du principe
La mesure de suspension qui peut être appliquée au fonctionnaire faisant l'objet d'une procédure disciplinaire revêt, par nature, un caractère provisoire et n'est pas, en tant que telle, une mesure disciplinaire, de sorte qu'elle n'entre pas en ligne de compte pour l'application du principe ne bis in idem, expressément consacré par les dispositions du statut relatives au régime disciplinaire des fonctionnaires.
29. Concurrence - Amendes - Décision de la Commission visant la même entreprise et la même infraction qu'une décision antérieure partiellement annulée - Violation du principe ne bis in idem - Conditions - Absence
Le principe non bis in idem, principe fondamental du droit communautaire, consacré par ailleurs par l’article 4, paragraphe 1, du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l’homme, interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours. L’application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé.
Lorsque le juge communautaire considère que, compte tenu de la déclaration d'une entreprise tendant à prendre en charge la responsabilité du comportement infractionnel d'une seconde entreprise, la Commission est exceptionnellement en droit d'imputer à la première entreprise la responsabilité du comportement de la seconde, puis, après avoir relevé l’existence d’un vice de procédure tenant à une violation des droits de la défense de la première entreprise, annule la décision en ce qu’elle impute à celle-ci la responsabilité de l'infraction commise par la seconde entreprise, réduit, en conséquence, son amende du montant de celle qui lui avait été infligée au titre de l’infraction commise par la seconde entreprise et fixe à un certain montant l'amende infligée à la première entreprise pour son propre comportement anticoncurrentiel, il appartient à la Commission, conformément à l’article 233 CE, de remédier à l’illégalité constatée par le juge communautaire. La Commission peut ainsi, à bon droit, adopter une décision ayant pour seul objet, après avoir remédié au vice de procédure, d’imputer à la première entreprise, sur le fondement de la déclaration susmentionnée, la responsabilité de l’infraction aux règles de concurrence commise par la seconde entreprise et, en conséquence, lui imposer un amende. Une telle décision ne constitue en aucun cas une seconde sanction du comportement infractionnel de la première entreprise déjà réprimé, de manière définitive, par la première décision.
En outre, la prise en charge de la responsabilité par ladite déclaration ne ramène pas les deux infractions commises par les entreprises en cause à une seule infraction. Par ailleurs, en visant à nouveau et uniquement les agissements anticoncurrentiels de la seconde entreprise, une telle décision ne viole pas davantage le principe non bis in idem. Enfin, le principe non bis in idem ne s’oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors "acquittement" au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.