1. Cour de justice - Pouvoirs généraux - Application et interprétation du droit national
Selon l'article 31 du traité C.E.C.A. la Cour n'a qu'à assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application du traité et des règlements d'exécution, mais, en règle générale, elle n'a pas à se prononcer sur les règles de droit interne. En conséquence, elle ne saurait examiner le grief selon lequel la Haute Autorité aurait violé des principes du droit constitutionnel national.
Arrêt du 4 février 1959, Stork & Cie. / Haute Autorité (1/58, Rec._p._00043)
2. Communauté CEE - Ordre juridique communautaire - Caractère particulier - Rang par rapport aux systèmes juridiques nationaux - Primauté des normes communautaires - Limitation définitive des droits souverains des États membres
À la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leur juridiction.
En instituant une communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert d'attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes.
Cette intégration, au droit de chaque pays membre, de dispositions qui proviennent de sources communautaires et plus généralement les termes et l'esprit du traité, ont pour corollaire l'impossibilité pour les États de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable, le droit né du traité issu d'une source autonome ne pouvant, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même.
Le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains.
Arrêt du 15 juillet 1964, Costa / E.N.E.L. (6-64, Rec._p._01141)
3. Communauté CEE - Ordre juridique communautaire - Manquement au traité - Devoir des assujettis de se tenir aux procédures prévues par le traité
Le traité ne se borne pas à créer des obligations réciproques entre les différents sujets auxquels il s'applique, mais établit un ordre juridique nouveau qui règle les pouvoirs, droits et obligations desdits sujets, ainsi que les procédures nécessaires pour faire constater et sanctionner toute violation éventuelle.
Même en cas d'inexécution des obligations incombant à une institution communautaire, l'économie du traité comporte donc interdiction pour les Etats membres de ne pas exécuter leurs obligations et de se faire justice eux-mêmes en dehors des cas expressément prévus.
4. États membres - Souveraineté - Limitation en faveur des institutions communautaires - Souveraineté fiscale concernée
En conférant des pouvoirs aux institutions communautaires, les États membres se sont soumis à une limitation correspondante de leurs droits souverains. Il est conforme au système du traité que le domaine fiscal n'échappe pas, de soi, à ces limitations.
Arrêt du 13 décembre 1967, Neumann / Hauptzollamt Hof/Saale (17-67, Rec._p._00571)
5. Communauté CEE - Nature - Sujets de droits et d'obligations - Particuliers - Dispositions du traité qui ont un effet direct - Notion
La Communauté constitue un nouvel ordre juridique, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont, non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants. Partant, le droit communautaire, indépendant de la législation des États membres, de même qu'il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique. Ceux-ci naissent, non seulement lorsqu'une attribution explicite en est faite par le traité, mais aussi en raison d'obligations que le traité impose d'une manière bien définie tant aux particuliers qu'aux États membres et aux institutions communautaires. A cet égard, il faut et il suffit que la disposition invoquée du traité se prête, par sa nature même, à produire des effets directs dans les relations juridiques entre les États membres et leurs justiciables.
6. CEE - Ordre juridique communautaire - Caractère particulier - Rang par rapport aux systèmes juridiques nationaux - Primauté des normes communautaires
Le traité C.E.E. a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres et qui s'impose à leurs juridictions. Il serait contraire à la nature d'un tel système d'admettre que les États membres puissent prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles de compromettre l'effet utile du traité.
La force impérative du traité et des actes pris pour son application ne saurait varier d'un État à l'autre par l'effet d'actes internes, sans que soit entravé le fonctionnement du système communautaire et mise en péril la réalisation des buts du traité.
Dès lors, les conflits entre la règle communautaire et les règles nationales doivent être résolus par l'application du principe de la primauté de la règle communautaire.
Arrêt du 13 février 1969, Walt Wilhelm e.a. / Bundeskartellamt (14-68, Rec._p._00001)
7. Actes des institutions - Validité - Appréciation en fonction du droit communautaire - Autonomie, unité et efficacité du droit communautaire - Recours inadmissible aux règles du droit constitutionnel national
La validité des actes arrêtés par les institutions de la Communauté ne saurait être appréciée qu'en fonction du droit communautaire ; le droit né du traité, issu d'une source autonome, ne peut, en raison de sa nature, se voir judiciairement opposer des règles de droit national quelles qu'elles soient, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même ; dès lors, l'invocation d'atteintes aux droits fondamentaux tels qu'ils sont formulés par la Constitution d'un État membre ou aux principes de sa structure constitutionnelle ne saurait affecter la validité d'un acte de la Communauté ou son effet sur le territoire de cet État.
8. Droit conféré à des particuliers par une disposition communautaire - Preuve de l'existence régie par la loi nationale - Compétences de l'administration communautaire et de la Cour de justice
Si la preuve de l'existence d'un droit octroyé par une disposition communautaire est régie par la loi nationale à laquelle l'intéressé est assujetti, c'est à l'administration communautaire et en cas de recours, à la Cour de justice, de reconnaître, en vue d'assurer une exacte application de ladite disposition, si les éléments exigés par le droit interne sont réunis.
Arrêt du 17 mai 1972, Meinhardt / Commission (24-71, Rec._p._00269)
9. États membres - Droits et pouvoirs - Transfert à la Communauté - Souveraineté - Limitation - Caractère définitif
L'attribution, opérée par les Etats membres, à la Communauté des droits et pouvoirs correspondant aux dispositions du traité entraîne une limitation définitive de leurs droits souverains, contre laquelle ne saurait prévaloir l'invocation de dispositions de droit interne de quelque nature qu'elles soient.
Arrêt du 13 juillet 1972, Commission / Italie (48-71, Rec._p._00529)
10. Droit communautaire - Caractère nouveau
Le traité ne s'est pas borné à créer des obligations réciproques entre les différents sujets auxquels il s'applique, mais a établi un ordre juridique nouveau qui règle les pouvoirs, droits et obligations desdits sujets, ainsi que les procédures nécessaires pour faire constater et sanctionner toute violation.
Arrêt du 26 février 1976, Commission / Italie (52-75, Rec._p._00277)
11. Droit communautaire - Exercice par les institutions de leurs pouvoirs d'exécution - Délégation - Limites
En droit communautaire, les délégations de pouvoirs d'exécution sont licites à condition qu'un texte ne les prohibe pas formellement.
Arrêt du 18 octobre 2001, X / BCE (T-333/99, Rec._p._II-03021, RecFP_p._II-921) (cf. point 102)