1. Concurrence - Procédure administrative - Inapplicabilité de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme
Si la Commission est tenue de respecter les garanties procédurales prévues par le droit communautaire de la concurrence, elle ne saurait être pour autant qualifiée, lorsqu'elle en applique les dispositions, de "tribunal" au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux termes duquel quiconque a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial.
2. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Respect assuré par la Cour - Compatibilité d'une loi nationale avec la Convention européenne des droits de l'homme - Appréciation par la Cour - Non
S'il est vrai qu'il incombe à la Cour d'assurer le respect des droits fondamentaux dans le domaine propre du droit communautaire, il ne lui appartient pas, pour autant, d'examiner la compatibilité, avec la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'une loi nationale qui se situe dans un domaine qui relève de l'appréciation du législateur national.
3. Droit communautaire - Interprétation - Prise en considération de la Convention européenne des droits de l'homme
Comme il a été reconnu par la déclaration commune de l'assemblée, du Conseil et de la Commission, en date du 5 avril 1977, et par la jurisprudence de la Cour, il convient, dans le cadre du droit communautaire, de tenir compte des principes dont s'inspire la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Respect assuré par la Cour - Compatibilité d'une réglementation nationale avec la Convention européenne des droits de l'homme - Appréciation par la Cour - Non
La Cour doit veiller au respect des droits fondamentaux dans le domaine du droit communautaire, mais ne peut vérifier la compatibilité, avec la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire.
Arrêt du 30 septembre 1987, Demirel / Stadt Schwäbisch Gmünd (12/86, Rec._p._03719) (cf. al. 28)
5. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Droit des personnes physiques à l'inviolabilité du domicile - Inapplicabilité aux entreprises - Protection contre les interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique
Si la reconnaissance d'un droit fondamental à l'inviolabilité du domicile en ce qui concerne le domicile privé des personnes physiques s'impose dans l'ordre juridique communautaire en tant que principe commun aux droits des États membres, il n'en va pas de même en ce qui concerne les entreprises, car les systèmes juridiques des États membres présentent des divergences non négligeables en ce qui concerne la nature et le degré de protection des locaux commerciaux face aux interventions des autorités publiques. On ne saurait tirer une conclusion différente de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
Il n'en demeure pas moins que, dans tous les systèmes juridiques des États membres, les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, doivent avoir un fondement légal et être justifiées par les raisons prévues par la loi et que ces systèmes prévoient, en conséquence, bien qu'avec des modalités différentes, une protection face à des interventions qui seraient arbitraires ou disproportionnées. L'exigence d'une telle protection doit donc être reconnue comme un principe général du droit communautaire.
6. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Base du contrôle de la légalité des actes communautaires - Effets des droits fondamentaux sur le champ d'application des dispositions du traité - Absence
Si le respect des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire constitue une condition de la légalité des actes communautaires, ces droits ne peuvent en eux-mêmes avoir pour effet d'élargir le champ d'application des dispositions du traité au-delà des compétences de la Communauté.
S'agissant du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui figure au nombre des instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme dont la Cour tient compte pour l'application des principes généraux du droit communautaire, une observation, dépourvue de valeur juridique contraignante et de motivation particulière, du Comité des droits de l'homme institué conformément à son article 28, selon laquelle la référence au 'sexe' au paragraphe 1 de son article 2 et à son article 26 doit être considérée comme couvrant les préférences sexuelles, ne saurait, en tout état de cause, amener la Cour à élargir la portée de l'article 119 du traité. La portée de cet article, comme celle de toute disposition de droit communautaire, ne peut être déterminée qu'en tenant compte de son libellé et de son objectif, ainsi que de sa place dans le système du traité et du contexte juridique dans lequel cette disposition s'insère.
Arrêt du 17 février 1998, Grant / South-West Trains (C-249/96, Rec._p._I-621) (cf. points 44-47)
7. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Liberté d'expression - Limitations - Interprétation étroite
Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention européenne des droits de l'homme revêt, à cet égard, une signification particulière.
Ces principes ont été repris à l'article 6, paragraphe 2, UE.
Conformément à la jurisprudence de la Cour des droits de l'homme, la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme, elle vaut non seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent.
La liberté d'expression est susceptible de faire l'objet des limitations énoncées à l'article 10, paragraphe 2, de la convention, lesquelles appellent toutefois une interprétation étroite. L'adjectif "nécessaire", au sens de l'article 10, paragraphe 2, implique un besoin social impérieux et, si les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour juger de l'existence d'un tel besoin, l'ingérence doit être proportionnée au but légitime poursuivi et les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier doivent être pertinents et suffisants. En outre, toute restriction préalable requiert un examen particulier.
Par ailleurs, les restrictions doivent être prévues par des dispositions normatives libellées de façon suffisamment précise pour permettre aux intéressés de régler leur conduite en s'entourant au besoin de conseils éclairés.
Arrêt du 6 mars 2001, Connolly / Commission (C-274/99 P, Rec._p._I-1611) (cf. points 37-42)
8. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Réglementation concernant l'adoption de mesures restrictives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme - Recours d'une organisation ne figurant pas sur la liste des entités soumises aux mesures restrictives - Irrecevabilité - Contradiction avec la convention européenne des droits de l'homme - Absence
Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention européenne des droits de l'homme (CEDH) revêt, à cet égard, une signification particulière. Or, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans son état actuel semble indiquer qu'une organisation ne figurant pas sur la liste des personnes, des groupes et des entités auxquels s'appliquent les mesures restrictives prévues par le règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ne pourrait pas établir qu'elle a la qualité de victime au sens de l'article 34 de la CEDH et, par conséquent, ne serait pas recevable à saisir cette juridiction.
Par voie de conséquence, lorsque le juge communautaire conclut qu'une telle organisation n'est pas individuellement concernée au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE, tel qu'interprété par la jurisprudence, et que son recours en annulation est dès lors irrecevable, il n'existe aucune contradiction entre la CEDH et ledit article 230, quatrième alinéa, CE.
9. Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Prise en considération de la convention européenne des droits de l'homme - Obligation de respect - Condition de légalité de tout acte communautaire y compris des actes de mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies - Respect assuré par le juge communautaire
Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, la Cour s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention européenne des droits de l’homme revêt, à cet égard, une signification particulière. Le respect des droits de l'homme constitue ainsi une condition de la légalité des actes communautaires et ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect de ceux-ci.
À cet égard, les obligations qu’impose un accord international ne sauraient avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels du traité CE, au nombre desquels figure le principe selon lequel tous les actes communautaires doivent respecter les droits fondamentaux, ce respect constituant une condition de leur légalité qu’il incombe à la Cour de contrôler dans le cadre du système complet de voies de recours qu’établit ce traité.
Les principes régissant l’ordre juridique international issu des Nations unies n’impliquent pas qu’un contrôle juridictionnel de la légalité interne du règlement nº 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, au regard des droits fondamentaux serait exclu en raison du fait que cet acte vise à mettre en œuvre une résolution du Conseil de sécurité adoptée au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies. Une telle immunité juridictionnelle d’un acte communautaire, en tant que corollaire du principe de primauté au plan du droit international des obligations issues de la charte des Nations unies, en particulier de celles relatives à la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de cette charte, ne trouve aucun fondement dans le traité CE. L'article 307 CE ne pourrait en aucun cas permettre la remise en cause des principes qui relèvent des fondements mêmes de l’ordre juridique communautaire, parmi lesquels les principes de liberté, de démocratie ainsi que de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacrés à l'article 6, paragraphe 1, UE en tant que fondement de l'Union. Si la disposition de l'article 300, paragraphe 7, CE, prévoyant que les accords conclus selon les conditions y fixées lient les institutions de la Communauté et les États membres, était applicable à la charte des Nations unies, elle conférerait à cette dernière la primauté sur les actes de droit communautaire dérivé. Toutefois, au plan du droit communautaire, cette primauté ne s'étendrait pas au droit primaire et, en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux.
Les juridictions communautaires doivent donc, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité CE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l'ensemble des actes communautaires au regard des droits fondamentaux, y compris sur les actes communautaires qui, tel le règlement en cause, visent à mettre en oeuvre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies.