L'expression publique, par un fonctionnaire communautaire, de points de vue différents de ceux de son Institution, n'est pas en soi de nature à mettre en danger les intérêts des Communautés.
Monsieur Cwik, économiste de formation, travaille à la Commission européenne depuis 1970. Il était affecté, lors de l'introduction du recours, au service d'"information, publications, et documentation économique", chargé d'accueillir des groupes de visiteurs et de donner des conférences sur l'Euro et sur l'Union économique et monétaire.
Après avoir obtenu de ses supérieurs hiérarchiques l'autorisation de donner une conférence dans la province de Cordoue (Espagne) dans le cadre du 5ème congrès international de culture économique, Monsieur CWIK a prononcé sa conférence le 30 octobre 1997.
Le sujet de la conférence portait sur la nécessité d'une modulation des politiques économiques au niveau local et régional au sein de l'Union monétaire de l'Union européenne. En 1998, Monsieur CWIK a demandé l'autorisation de publier le texte de son intervention. Son supérieur hiérarchique, après avoir recueilli l'avis de personnalités qualifiées sur l'opportunité de cette publication, a informé Monsieur Cwick le 10 juillet 1998 de son refus d'autoriser la publication de ce texte. Il a estimé, en effet, qu'il présentait un point de vue qui n'était pas celui des services de la Commission.
L'article 17 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes subordonne l'exercice de leur liberté d'expression concernant la publication des textes rattachés à l'activité des Communautés, à une autorisation. Le Tribunal rappelle qu'une telle autorisation ne peut être refusée que dans le cas où une telle publication serait de nature à mettre en jeu les intérêts des Communautés.
La liberté d'expression fait partie des droits fondamentaux consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales de 1950 et par le Traité sur l'Union européenne. Les fonctionnaires communautaires jouissent, en particulier, de ce droit.
Le Tribunal considère ainsi que le statut des fonctionnaires exprime la nécessité permanente d'un juste équilibre entre la garantie de l'exercice d'un droit fondamental et la protection d'un objectif légitime d'intérêt général.
Le Tribunal considère que, dans une société démocratique fondée sur le respect des droits fondamentaux, la seule manifestation d'une différence d'opinion entre le fonctionnaire et son employeur, dans la mesure où le fait de la rendre publique ne serait pas de nature, par elle-même, à mettre en jeu les intérêts des Communautés, ne peut pas justifier une restriction à l'exercice de la liberté d'expression.
A l'époque des faits, le Tribunal remarque que le fonctionnaire concerné n'exerçait aucune responsabilité de direction. Le texte se référait à une matière au sujet de laquelle la Commission s'était déjà exprimée publiquement et clairement. Sa marge de manoeuvre ne pouvait donc pas être réduite par un risque de confusion dans le public entre l'opinion du fonctionnaire (exprimée par ailleurs à l'égard de spécialistes) et l'Institution. La crainte de l'Institution ne paraît donc pas fondée aux yeux du Tribunal, d'autant que la Commission avait autorisé la participation de Monsieur Cwick à une conférence portant sur le même sujet.
Dans ces conditions, le Tribunal annule la décision de la Commission refusant à Monsieur CWIK l'autorisation de publier le texte de la conférence donnée par ce dernier.
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