La Cour considère que cette mesure conservatoire était justifiée compte tenu des risques que présentent ces matériels au regard de l'ESB dans l'attente de l'application d'une décision de la Commission en interdisant l'utilisation.
Par décision du 30 juillet 1997, la Commission a décidé d'interdire l'utilisation de matériels à risques spécifiés, c'est-à-dire, pour les bovins de plus de 12 mois, du crâne, y compris la cervelle et les yeux, des amygdales et de la moelle épinière. La date d'application de cette mesure à été reportée à plusieurs reprises, une première fois par la Commission puis par le Conseil, jusqu'au 30 juin 2000.
La législation d'Irlande du Nord a été modifiée en 1996 afin de définir les matériels à risques spécifiés: tête (incluant le cerveau mais pas la langue), moelle épinière, rate, thymus, amygdales, intestins d'un bovin âgé de 6 mois ou plus qui est mort au Royaume-Uni ou qui y a été abattu.
Cette législation a été complétée le 29 décembre 1997 par l'interdiction d'importer en Irlande du Nord ces matériels à risques ou des denrées alimentaires les contenant, d'un endroit autre que le Royaume-Uni, les îles de la Manche et l'île de Man. Cette ordonnance a été notifiée, conformément au droit communautaire, à la Commission le 20 janvier 1998.
Eurostock procède en Irlande du Nord à l'extraction de joues des têtes de bovins et à leur préparation en vue de la consommation humaine. Elle procède au désossage des têtes de bovins importées de la République d'Irlande depuis 13 ans et en exporte la viande ainsi extraite vers d'autres parties du Royaume-Uni et, depuis 1987, vers la France.
Le 9 janvier 1998, les autorités britanniques ont saisi et déclaré inutilisable une cargaison de têtes de bovins importée de la République d'Irlande par Eurostock, bien qu'accompagnés de certificats de salubrité. Les autorités britanniques ont en effet considéré que cette cargaison contenait des matériels à risques spécifiées.
Eurostock a saisi la High Court of Justice in Northern Ireland qui a estimait que l'ordonnance du 29 décembre 1997 n'était ni justifiée ni autorisée par le droit communautaire.
Saisie en appel, la Court of Appeal in Northern Ireland interroge la Cour de justice des Communautés européennes: un Etat membre peut-il interdire l'importation de têtes de bovins contenant des matériels présentant des risques au regard de l'encéphalopathie spongiforme bovine, à titre conservatoire, alors que la Commission a adopté une décision imposant l'enlèvement et interdisant l'utilisation de ces matériels alors que la date d'application en a été reportée?
La Cour constate, dans un premier temps, que le droit communautaire s'applique bien à la viande bovine fraîche commercialisée entre Etats membres.
La Cour analyse ensuite la conformité avec le droit communautaire d'une mesure de sauvegarde adoptée par un Etat membre qui aurait pour conséquence de ne pas admettre à l'importation de la viande bovine régulièrement mise sur le marché d'un autre Etat membre.
La Cour rappelle que l'Etat membre de destination (ici, le Royaume-Uni) peut, pour des motifs graves de protection de la santé publique ou de santé animale, prendre des mesures conservatoires dans l'attente de mesures devant être arrêtées par la Commission européenne.
L'effet non immédiat de la décision de la Commission, du fait de son report, ne peut être compris, selon la Cour, comme interdisant à un Etat membre de prendre de telles mesures conservatoires.
La Cour examine les conditions dans lesquelles cette décision de la Commission a été adoptée en 1997. Cette décision considérait le Royaume-Uni comme un pays à forte incidence d'ESB et estimait qu'il était justifié qu'il prenne les mesures conservatoires nécessaires. Par ailleurs, la Commission considérait dans sa décision que certains Etats membres particulièrement exposés pouvaient prendre des mesures supplémentaires concernant l'enlèvement des matériels à risques provenant d'animaux abattus sur leur territoire.
Les motifs du report de la décision ne contiennent, d'après la Cour, aucun élément en vertu desquels le danger aurait diminué.
Aucun régime de sauvegarde communautaire n'étant applicable à la date d'adoption des mesures britanniques, le Royaume-Uni pouvait donc adopter des mesures de protection conformément au droit communautaire.
La Cour considère enfin que ces mesures étaient justifiées et proportionnées au but à atteindre: l'importation de têtes de bovins pouvait être interdite dans la mesure où elles contenaient des matériels à très forte infectiosité et que, en raison tant des méthodes d'abattage que du transport, il existait des risques sérieux de contamination des tissus sains, notamment eu égard à l'écoulement du liquide cérébro-spinal sur la viande de joue.
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