Jean-Claude Martinez et Charles de Gaulle contre Parlement européen, Front national contre
Parlement européen, Emma Bonino e.a. contre Parlement européen
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE REJETTE LES RECOURS FORMES
PAR DES DEPUTES ET LE FRONT NATIONAL CONTRE L'ACTE DU 14
SEPTEMBRE 1999 PORTANT INTERPRETATION DU REGLEMENT DU
PARLEMENT EUROPEEN RELATIF A LA CONSTITUTION DES GROUPES
POLITIQUES
Les modalités de constitution du Groupe Technique des Députés Indépendants - groupe mixte -
(TDI) prévoyaient que ses Membres affirmaient les uns vis-à-vis des autres leur totale
indépendance politique.
Le Parlement européen a adopté le 14 septembre 1999 un acte portant interprétation de
l'article 29 de son Règlement. Selon l'interprétation retenue: "Ne peut être admise au sens de
cet article la constitution d'un groupe qui nie ouvertement tout caractère politique et toute
affinité politique entre ses composantes".
Dans les trois affaires jointes, les députés concernés, la liste Emma Bonino e.a. et le Front
national ont demandé au Tribunal de première instance d'annuler cet acte du Parlement européen
qui entraînait la déclaration de non conformité au règlement du groupe TDI.
Dans le cadre d'une procédure en référé, le 25 novembre 1999, le Président du Tribunal de
première instance avait ordonné le sursis à l'exécution de cet acte empêchant la constitution d'un
groupe politique. Le Tribunal de première instance rend aujourd'hui son jugement au fond.
Le Tribunal rappelle que seuls les actes ne touchant qu'à l'organisation interne des travaux
du Parlement ne peuvent pas faire l'objet d'un recours en annulation.
L'acte du 14 septembre 1999 qui porte sur l'interprétation de l'article relatif à la constitution des
groupes politiques et dont l'adoption par la plénière entraînait une déclaration de non-conformité
du groupe TDI aux prescriptions du règlement, ne peut être ramené, aux yeux du Tribunal, à
une telle catégorie d'actes et doit donc pouvoir faire l'objet d'un contrôle de légalité par le juge
communautaire. En effet, il produit des effets juridiques à l'égard des députés quant aux
conditions d'exercice de leur mandat.
Le Tribunal considère que la condition relative aux affinités politiques pour la constitution des
groupes politiques est une condition impérative compte tenu, notamment, de la référence qui
est faite constamment aux groupes politiques dans l'organisation de l'assemblée parlementaire
européenne. L'exigence d'affinités politiques n'exclut pas que les députés s'expriment par leurs
votes de manière parfois hétérogène, traduisant ainsi le principe d'indépendance du mandat de
député consacré par l'Acte sur l'élection des représentants au Parlement européen au suffrage
universel direct de 1976.
Pour autant, le Tribunal distingue ce comportement de l'absence affichée et revendiquée
d'affinités politiques pour constituer un groupe. Les députés qui déclarent s'organiser en
groupes politiques doivent être présumés comme partageant des affinités politiques, fussent-elles
minimes, le Parlement disposant du pouvoir d'examiner le bien-fondé de cette déclaration. Des
éléments démontrant que les membres d'un groupe cherchent à écarter tout risque d'être perçus
comme partageant des affinités politiques et la négation délibérée de ces affinités permettaient
au Parlement de constater que les membres concernés niaient ouvertement toute affinité
politique.
Le Tribunal considère que la double exigence d'affinité politique et d'appartenance à plus d'un
Etat membre pour constituer des groupes politiques permet de transcender les particularismes
politiques locaux et de promouvoir l'intégration européenne visée par le traité et l'émergence de
partis politiques au niveau européen en tant que facteur d'intégration. Ces objectifs
apparaissent légitimes aux yeux du Tribunal et la différence de traitement qu'elle implique
entre les membres d'un groupe politique et ceux qui n'en font pas partie (par les droits conférés
à un groupe par d'autres articles du règlement) n'est pas constitutive, à ses yeux, d'une
discrimination.
Le Tribunal rappelle, par ailleurs, que le principe de démocratie constitue un élément fondateur
de l'Union européenne. Cependant, ce principe n'empêche pas le Parlement de prendre des
mesures d'organisation interne, pour autant qu'elles soient compatibles avec ce principe.
Le Tribunal estime néanmoins que les recours formés ne visent pas à analyser si les dispositions
internes du Parlement, en vertu desquelles certains droits sont attribués aux groupes politiques,
sont ou non compatibles avec ce principe.
Le Tribunal considère également que la nécessité de s'organiser sous forme de groupes
politiques, compte tenu des caractéristiques propres du Parlement, de ses contraintes de
fonctionnement et des missions institutionnelles et objectifs qui lui sont impartis par le traité, est
appropriée et nécessaire à l'atteinte de ces objectifs.
Enfin, le Tribunal considère que ces règles ne violent pas le principe de liberté d'association
consacré par l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, protégée par l'ordre juridique communautaire. De même les traditions
parlementaires des Etats membres ne permettent pas, aux yeux du Tribunal, de conclure que la
constitution d'un groupe politique par des membres déclarant nier toute affinité politique serait
possible dans la majorité des parlements nationaux.
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