Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE Nº 22/04

23 mars 2004

Arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-138/02

Brian Francis Collins / Secretary of State for Work and Pensions

LA COUR EXAMINE DANS QUELLE MESURE UNE RÉGLEMENTATION NATIONALE PEUT SUBORDONNER LE BÉNÉFICE D’UNE ALLOCATION DE RECHERCHE D’EMPLOI À UNE CONDITION DE RÉSIDENCE

Pour qu’une telle condition soit proportionnée, la période de résidence requise ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour vérifier que la personne concernée cherche effectivement et réellement un emploi dans l’État membre en question.


Selon le droit anglais, pour obtenir le bénéfice de l’allocation de recherche d’emploi (Jobseeker’s Allowance) un demandeur doit résider habituellement au Royaume-Uni, en République d’Irlande, dans les îles anglo-normandes ou sur l’île de Man, ou bien doit être un travailleur selon un règlement communautaire de 1968 ou une personne ayant le droit de résider au Royaume-Uni conformément à une directive de 1968.

Brian Francis Collins, né aux États-Unis, possède la double nationalité américaine et irlandaise. En 1980 et 1981 il a séjourné au Royaume-Uni durant environ dix mois, pendant lesquels il a travaillé à temps partiel et occasionnellement dans les bars et dans le secteur de la vente. Il est revenu au Royaume-Uni le 31 mai 1998, afin d’y trouver un emploi dans le secteur des services sociaux. Le 8 juin, il a introduit une demande d’allocation de recherche d’emploi qui lui a été refusée au motif qu’il ne résidait pas habituellement au Royaume-Uni.

M. Collins a saisi le Social Security Commissioner qui a demandé à la Cour de Justice si celui-ci pouvait être considéré comme un travailleur selon le règlement de 1968 et s’il possédait un droit de résidence au Royaume-Uni au sens de la directive de 1968, ainsi que si la condition de résidence pour l’allocation de recherche d’emploi était conforme au droit communautaire.

La Cour constate d’abord que la situation de M. Collins en 1998 doit être comparée à celle de tout ressortissant d’un État membre qui cherche un premier emploi dans le territoire d’un autre État membre.

Ensuite, il y a une distinction à faire entre les ressortissants des États membres qui cherchent leur premier emploi dans l’État membre d’accueil et ceux qui travaillent, ou ont travaillé dans celui-ci. En effet, les personnes qui cherchent leur premier emploi ne bénéficient du principe d’égalité de traitement que pour l’accès à celui-ci, tandis que ceux qui ont déjà accédé au marché du travail peuvent prétendre, sur le fondement du règlement de 1968, aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. Dans ces conditions, une personne se trouvant dans la situation de M. Collins n’est pas un travailleur ayant droit aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. La Cour relève néanmoins que dans certaines dispositions du règlement de 1968 la notion de travailleur a une acception plus large. C’est pourquoi, elle confie à la juridiction nationale le soin de vérifier si la notion de travailleur visée par la réglementation nationale en cause doit être comprise dans l’un ou l’autre sens.

La Cour rappelle ensuite que le traité CE accorde aux ressortissants des États membres recherchant un emploi sur le territoire des autres États membres un droit de séjour qui peut être limité dans le temps. Toutefois, selon les termes de la directive de 1968, la reconnaissance du droit de séjour visé par celle-ci est réservée aux ressortissants d’un État membre qui occupent déjà un emploi dans un autre État membre. Donc, M. Collins ne possède pas un droit de séjour au Royaume-Uni sur le seul fondement de cette directive.

Enfin, la Cour constate que les ressortissants d’un État membre à la recherche d’un emploi dans un autre État membre relèvent du champ d’application des dispositions du traité en matière de libre circulation des travailleurs et bénéficient du droit à l’égalité de traitement prévu par ces dispositions. Elle souligne ensuite que, compte tenu de l’introduction de la citoyenneté de l’Union, le droit à l’égalité de traitement dont bénéficient lesdits ressortissants comprend également les prestations de nature financière comme l’allocation de recherche d’emploi. Dès lors, un citoyen qui recherche un emploi dans un autre État membre, ne peut pas être discriminé sur la base de sa nationalité lorsqu’il demande l’octroi d’une telle allocation.

La Cour relève que la réglementation nationale relative à l’allocation de recherche d’emploi introduit une différence de traitement selon qu’il s’agit d’une personne qui réside habituellement au Royaume-Uni ou non. Étant donné que cette condition peut être plus facilement remplie par les ressortissants britanniques, cette réglementation désavantage les ressortissants des États membres qui ont fait usage de leur droit de circuler. Une condition de résidence ne pourrait être justifiée que si elle se fondait sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi. L’allocation de recherche d’emploi est une prestation de sécurité sociale qui exige notamment que la personne qui la réclame soit disponible pour travailler, recherche activement un emploi et ne dispose pas de revenus supérieurs au montant applicable ni d’un capital supérieur à un montant déterminé. Il peut être considéré comme légitime qu’un État membre n’octroie une telle allocation qu’après que l’existence d’un lien réel du demandeur d’emploi avec le marché du travail de cet État ait pu être établie. L’existence d’un tel lien pourrait être vérifiée par la constatation que la personne concernée a, pendant une période d’une durée raisonnable, effectivement et réellement cherché un emploi dans l’État membre en question. Toutefois, pour être proportionnée, la période de résidence requise ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour que les autorités nationales puissent assurer que l’intéressé est réellement à la recherche d’un emploi dans l’État membre concerné.

Document non officiel à l’usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice.

Langues disponibles: anglais, français, allemand.

Le texte intégral de l’arrêt se trouve sur internet (www.curia.eu.int ) Généralement il peut être consulté à partir de 12 heures GMT le jour du prononcé.

Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme Sophie Mosca-Bischoff
Tél. (00352) 4303-3205 Fax (00352) 4303-2034
 


Règlement (CEE) No 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté
Directive 68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté.