Il s'agit de la directive 94/19/CE du Parlement Européen et du Conseil "relative aux systèmes de garantie des dépôts". Des "dépôts" sont des fonds, qui sont à restituer à ses clients (déposants) par un établissement de crédit. Un "système de garantie des dépôts" protège au cas où un établissement de crédit ne peut pas restituer les dépôts à ses déposants.
Des systèmes de garantie des dépôts n'existaient pas dans tous les États membres. De plus la plupart d'entre eux ne couvrait pas les déposants auprès des succursales créées par les établissements de crédit agréés dans d'autres États membres. Depuis 1976, il existait dans la République fédérale d'Allemagne un fonds de garantie des dépôts de l'association des banques allemandes auquel l'affiliation était - à la différence des autres États membres - volontaire.
L'art. 57 al. 2 du Traité CE permet au Parlement Européen et au Conseil d'arrêter des directives concernant l'accès aux activités non salariées et leur exercice, en vue d'abolir les obstacles à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services.
Il est apparu qu'un tel obstacle résidait dans les différences fondamentales que comportaient les systèmes de garantie des dépôts existant dans les différents États membres. Les législations portant sur ces systèmes ont par conséquent été harmonisées en vue de faciliter l'activité des établissements de crédit au niveau communautaire.
La directive même cite les raisons suivantes pour son adoption:
Conformément aux objectifs du traité, il convient de promouvoir un développement harmonieux des activités des établissements de crédit dans l'ensemble de la Communauté en supprimant toute restriction à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, tout en renforçant la stabilité du système bancaire et la protection des épargnants.
Parallèlement à la suppression des restrictions à ses activités, il convient de se préoccuper de la situation susceptible de se produire en cas d'indisponibilité des dépôts d'un établissement de crédit qui a des succursales dans d'autres États membres; qu'il est indispensable qu'un niveau minimal harmonisé de garantie des dépôts soit assuré quelle que soit la localisation des dépôts à l'intérieur de la Communauté; que cette protection des dépôts est aussi essentielle que les règles prudentielles pour l'achèvement du marché unique bancaire.
Lors de la fermeture d'un établissement de crédit insolvable, les déposants des succursales situées dans un État membres autre que celui du siège social de l'établissement de crédit doivent être protégés par le même système de garantie que les autres déposants de l'établissement.
La directive prévoit l'affiliation obligatoire de tous les établissements de crédit à des systèmes de garantie, qui sont à instaurer par chaque État membre et qui assurent la couverture de l'ensemble des dépôts d'un même déposant auprès d'un établissement de crédit jusqu'à concurrence d'un montant de 20 000 écus en cas d'indisponibilité des dépôts. En outre, les systèmes de garantie des dépôts instaurés dans un État membre conformément à l'article 3, paragraphe 1, de la directive couvrent les déposants des succursales créées par des établissements de crédit dans d'autres États membres.
Les mécanismes ainsi instaurés par la directive ont pour effet d'empêcher les États membres d'invoquer la protection des déposants pour faire obstacle aux activités des établissements de crédit agréés dans d'autres États membres.
La directive prévoit en particulier: "Les systèmes de garantie des dépôts instaurés et officiellement reconnus dans un État membre ... couvrent les déposants des succursales créées par des établissements de crédit dans d'autres États membres. Jusqu'au 31 décembre 1999, ni le niveau ni l'étendue, y compris le pourcentage, de la couverture prévue ne peuvent excéder le niveau et l'étendue maximale de la couverture proposée par le système de garantie correspondant de l'État membre d'accueil sur le territoire de ce dernier. ..."
La directive donne pour cette "interdiction d'exportation" la motivation suivante:
Le maintien dans la Communauté de systèmes offrant une couverture des dépôts supérieure au minimum harmonisé peut entraîner sur un même territoire des différences d'indemnisation et des conditions de concurrence inégales entre les établissements nationaux et les succursales d'établissements d'autres États membres; qu'il convient, pour remédier à ces inconvénients, d'autoriser l'adhésion des succursales au système du pays d'accueil afin de leur permettre d'offrir à leurs déposants les mêmes garanties que celles qui sont offertes par le système du pays où elles sont implantées.
Le marché pourrait être perturbé par le fait que les succursales de certains établissements de crédit offrent des taux de couverture supérieurs à ceux offerts par les établissements de crédits agréés dans l'État membre d'accueil; qu'il ne convient pas que le taux et l'étendue de la couverture offerts par les systèmes de garantie deviennent un instrument de concurrence; que, tout au moins pendant une période initiale, il est donc nécessaire de prévoir que le niveau et l'étendue de la couverture offerts par un système d'un État membre d'origine aux déposants des succursales situées dans un autre État membre ne doivent pas dépasser le niveau et l'étendue maximale offerts par le système correspondant de l'État membre d'accueil; qu'il faudrait, après quelques années, examiner les perturbations éventuelles causées sur le marché, sur la base de l'expérience acquise et à la lumière de l'évolution du secteur bancaire.
La directive fut adoptée par le Conseil en collaboration avec le Parlement européen: La République fédérale d'Allemagne a voté au Conseil contre son adoption.
En conséquence le 18 août 1994 la République fédérale a déposé une requête à la Cour avec la demande d'annuler la directive ou au moins ses dispositions centrales en particulier concernant "l'interdiction d'exportation" des systèmes de garantie des dépôts et l'affiliation obligatoire.
La Cour de justice des CE a rejeté le recours aujourd'hui.
La République fédérale estime que la directive aurait dû être basée sur une autre base juridique (Art. 235 du Traité CE), qui pose comme condition l'unanimité du Conseil.
La Cour rejette cet argument.
Le gouvernement fédéral soutient que la directive doit être annulée pour violation de l'obligation de motivation prévue au traité. Elle ne fournirait en effet aucune justification quant à sa compatibilité avec le principe de subsidiarité tel qu'il est inscrit au traité. Les institutions communautaires doivent préciser de manière détaillée les raisons pour lesquelles la Communauté est seule habilitée à agir dans le domaine en cause, à l'exclusion des États membres.
La Cour précise que le gouvernement requérant ne soutient pas que la directive a enfreint le principe de subsidiarité, mais reproche seulement au législateur communautaire de n'avoir pas fait état des motifs justifiant que son action était conforme à ce principe.
Ensuite la Cour examine la motivation donnée par le Conseil et le Parlement dans la directive et constate que le législateur communautaire a clairement énoncé son opinion que l'objectif de son action pouvait, en raison des dimensions de l'action envisagée, être mieux réalisé au niveau communautaire et ne pouvait pas être réalisé de manière suffisante par les États membres. Il ne saurait être exigé que le principe de la subsidiarité soit mentionné expressément.
La République fédérale soutient en particulier que l'«interdiction d'exportation», en obligeant les succursales à réduire le montant de leur garantie au niveau de celle de l'État membre d'accueil, a pour effet de rendre plus difficile, voire impossible, l'exercice de leur activité dans cet État et, par tant, est contraire à l'objectif de l'article 57, paragraphe 2, qui est précisément de faciliter l'accès aux activités non salariées et leur exercice. L'«interdiction d'exportation» entraverait également le processus de réduction des différences entre systèmes nationaux de garantie et, par là même, serait contraire à l'objectif de la directive, qui est d'introduire dans tous les États membres des systèmes de garantie des dépôts et d'harmoniser ceux qui existent déjà. Ces objectifs devraient être atteints par une harmonisation minimale et la reconnaissance mutuelle des systèmes nationaux. A cet égard, le gouvernement fédéral expose que le régime allemand de garantie des dépôts qui est applicable à la protection des épargnants dans les succursales situées dans d'autres États membres n'est pas reconnu dans ces derniers de sorte que le niveau de protection doit y être réduit. L'obligation qui en résulterait, pour les établissements de crédit allemands, d'instituer des taux de cotisation différenciés pour les succursales situées dans d'autres États membres engendrerait des difficultés considérables et même empêcherait ces établissements de créer des réseaux de filiales dans ces autres États membres, comme ils le feraient en l'absence d'une «interdiction d'exportation». Selon le gouvernement fédéral, les établissements de crédit italiens, danois et français sont également concernés puisque, en application de la directive, ils doivent réduire le niveau de protection pour les dépôts effectués dans les succursales situées dans certains autres États membres.
La Cour répond en particulier, que l'«interdiction d'exportation» ne saurait être considérée comme contraire à l'article 57, paragraphe 2, du seul fait qu'il existe des situations qui ne favorisent pas les succursales d'établissements de crédit agréés dans un État membre déterminé. Lors d'une harmonisation, il peut arriver en effet que les opérateurs établis dans un État membre perdent l'avantage d'une législation nationale, qui leur était particulièrement favorable.
Compte tenu de la complexité de la matière et des divergences qui subsistaient entre les législations des États membres, le Parlement et le Conseil étaient habilités à procéder de manière progressive à l'harmonisation nécessaire.
La limitation à 20 000 écus est beaucoup moins onéreuse que l'obligation de se soumettre à différentes législations sur les systèmes de garantie des dépôts dans différents États membres d'accueil. Il en ressort que, même en ce qui concerne les succursales d'établissements de crédit agréés en Allemagne, "l'interdiction d'exportation" a facilité l'accès à l'activité bancaire et son exercice dans d'autres États membres.
La République fédérale soutient que "l'interdiction d'exportation" désavantagerait les épargnants.
A cet égard la Cour constate que si la protection des consommateurs constitue l'un des objectifs de la Communauté, elle n'en est évidemment pas le seul. La directive vise à promouvoir la liberté d'établissement et la libre prestation de services dans le secteur bancaire. Certes, ces libertés doivent être accompagnées d'un niveau de protection des consommateurs élevé dans la Communauté; aucune disposition du traité n'oblige cependant le législateur communautaire à entériner le niveau de protection le plus élevé qui puisse être rencontré dans un État membre déterminé. La réduction du niveau de protection qui peut dès lors se produire dans certains cas, par application de "l'interdiction de l'exportation" ne met pas en cause le résultat général que la directive vise à atteindre, consistant à améliorer sensiblement la protection des déposants à l'intérieur de la Communauté.
La République fédérale critique que lors de la rédaction de la directive il n'aurait pas été tenu compte du système d'affiliation volontaire existant en Allemagne en tant que "pratique nationale bien établie". De même l'obligation d'adhésion imposée par la directive ne laisserait aucune place à des solutions différentes.
La Cour précise que lorsque le législateur communautaire procède à une harmonisation, toutes les «pratiques nationales bien établies» ne peuvent pas être respectées. Il apparaît que la République fédérale d'Allemagne est le seul État membre à invoquer l'adhésion volontaire au système de garantie des dépôts en tant qu'une telle pratique.
Le législateur communautaire estimait indispensable d'assurer un niveau minimal harmonisé de garantie des dépôts, quelle que soit la localisation de ces derniers à l'intérieur de la Communauté. Eu égard à cet impératif et au fait que, dans certains États membres, il n'existait aucun système de garantie des dépôts, il ne saurait être reproché à ce législateur d'avoir prévu une obligation d'adhésion en dépit du bon fonctionnement d'un système d'adhésion volontaire en Allemagne.
Enfin, il convient d'ajouter qu'au mois d'octobre 1993 en Allemagne, seuls cinq établissements de crédit sur trois cents n'étaient pas affiliés à un système de garantie des dépôts. L'effet de l'obligation d'affiliation se limite donc à contraindre ces quelques établissements de crédit à s'affilier et ne saurait par conséquent être considéré comme excessif. Une base volontaire n'aurait pas permis, en effet, d'atteindre l'objectif consistant à assurer un niveau minimal harmonisé de garantie pour tous les dépôts.
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