DIVISION DE LA PRESSE ET DE L'INFORMATION

COMMUNIQUE DE PRESSE Nº 37/97

17 Juin 1997

Arrêt de la Cour dans les affaires jointes C-65/95 et C-111/95
The Queen c/ Secretary of State for the Home Department ex parte: Shingara et Radiom

LA COUR PRECISE L'EXIGENCE DE LA PROTECTION JURIDICTIONNELLE A L'ENCONTRE D'UNE DECISION INTERDISANT L'ACCES AU TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE.


Dans le cadre de l'examen des questions préjudicielles soumises par le High Court, London, la Cour de justice a fourni des précisions concernant l'interprétation de la directive du Conseil du 25 février 1964 pour la coordination de mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiés par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, et notamment sur les recours ouverts aux ressortissants d'un Etat Membre de la communauté contre une décision prise par les autorités d'un autre Etat Membre de lui refuser l'entrée sur son territoire, contre un refus de délivrance ou un refus de renouvellement d'un titre de séjour ou contre une décision d'éloignement du territoire.

Les circonstances

M. Shingara, qui est de nationalité française, a tenté, en mars 1991, de se rendre au Royaume Uni, mais s'est vu refuser l'autorisation d'entrée sur la base d'une décision du ministre de l'Intérieur fondée sur la contrariété à l'ordre public et à la sécurité publique.

En juillet 1993, M. Shingara est arrivé au port de Douvres et a été admis sur le territoire britannique après avoir présenté sa carte d'identité française. Par la suite, il a été arrêté et placé en détention en tant qu'étranger illégalement entré sur le territoire. Il a reçu l'autorisation d'introduire une demande de contrôle juridictionnel visant à contester la détention. Par la suite, il a été remis en liberté en sorte qu'il est retourné en France.

M. Radiom qui a la double nationalité Iranienne et Irlandaise réside en Irlande. Ayant travaillé au Royaume-Uni au service du consulat Iranien depuis 1983, il a été informé par le ministère de l'Intérieur le 9 mars 1989, à la suite de la rupture des relations diplomatiques entre le Royaume Uni et la République Islamique d'Iran, que, s'il ne quittait pas le Royaume Uni dans un délai de sept jours, il serait placé en détention et expulsé. Il s'est conformé à cette décision.

En octobre 1992, M. Radiom a sollicité du ministre de l'Intérieur la délivrance d'un nouveau permis de séjour. En rejettant cette demande le ministre a précisé que, bien qu'il soit ressortissant communautaire, M. Radiom ne disposait d'aucun droit de recours administratif.

Il a toutefois reçu l'autorisation d'introduire une demande de contrôle juridictionnel.

Cadre juridique

La directive précise les conditions dans lesquelles les Etats Membres peuvent refuser l'accès à leur territoire aux ressortissants des autres Etats Membres pour des motifs d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique conformément aux articles 48 et 56 du traité CE. Elle prévoit également qu'une personne confrontée à une telle décision doit pouvoir introduire contre cette décision les recours ouverts aux ressortissants de ce pays contre les actes administratifs (article 8).

Au Royaume Uni, l'article 13 de l'Immigration Act de 1971 ouvre un recours administratif devant un adjudicateur contre la décision de refus d'accès. Par contre un tel recours administratif n'est pas possible si le ministre de l'Intérieur a personnellement donné des instructions afin que l'intéressé ne reçoive pas l'autorisation d'entrer au Royaume Uni au motif que l'interdiction d'entrer de ce dernier est justifiée par le bien public.

Les voies de recours administratives ainsi prévues par la législation doivent être distinguées, au Royaume Uni, du contrôle juridictionnel (Judicial Review) par lequel la légalité des décisions des autorités publiques peut être contrôlée par une juridiction.

Raisonnement de la Cour

La législation du Royaume-Uni prévoit, d'une part, un recours contre les actes administratifs en général et, d'autre part, un autre type de recours contre les décisions d'entrée concernant entre autres des nationaux de cet Etat Membre. La Cour a rappellé que les réserves insérées aux articles 48 et 56 du traité CE permettent aux Etats Membres de prendre, à l'égard des ressortissants d'autres Etats Membres, pour les motifs justifiés notamment par l'ordre public, des mesures qu'ils ne sauraient appliquer à leurs propres ressortissants en ce sens qu'ils n'ont pas le pouvoir d'éloigner ces derniers du territoire national ou de leur en interdire l'accès.

Il s'ensuit que le droit de recours ouvert aux ressortissants des autres Etats Membres dans les situations prévues par la directive ne peut pas être apprécié par rapport aux recours ouverts aux nationaux concernant leur entrée étant donné que ces deux situations ne sont nullement comparables. Par conséquent la disponibilité d'un recours, tel que "Judicial Review", contre les actes administratifs en général correspond à l'obligation imposée aux Etats Membres par l'article 8 de la directive.

En outre, la Cour a rappelé que les décisions interdisant l'accès au territoire d'un Etat Membre à un ressortissant d'un autre Etat Membre ne sauraient avoir une durée de validité illimitée. Un ressortissant communautaire frappé par une telle interdiction doit donc avoir le droit de demander le ré-examen de sa situation lorsqu'il estime que les circonstances qui avaient justifié l'interdiction d'entrée sur le territoire ont disparues.

A la suite d'une nouvelle demande d'entrée ou de titre de séjour présentée après un délai raisonnable à compter de la décision précédente, l'intéressé a le droit d'obtenir une nouvelle décision, qui est susceptible de faire l'objet d'un recours sur le fondement de la directive.

Exclusivement à l'usage des médias - document non officiel qui n'engage pas la Cour de Justice.Pour des compléments d'informations ou pour obtenir copie de l'arrêt, veuillez contacter Mme Marie-Françoise Contet au (352) 4303 2497.