Mme Maria Martinez Sala est une ressortissante espagnole qui réside en Allemagne depuis l'âge de douze ans, où elle a travaillé jusqu'en 1989 et a ensuite bénéficié de l'aide sociale. Jusqu'en 1984, elle a obtenu des permis de séjour réguliers; par la suite les autorités allemandes ne lui ont délivré qu'un document attestant de sa demande de prolongation de son permis de séjour.
En 1993, Mme Martinez Sala a donné le jour à son deuxième enfant, Jessica, pour laquelle elle a demandé l'allocation d'éducation, qui lui a été refusée par l'État de Bavière au motif qu'elle n'était pas ressortissante allemande et n'était pas en possession d'un permis de séjour.
Elle était en tout état de cause autorisée à résider en Allemagne sur la base de la Convention européenne d'assistance sociale et médicale de 1953.
Après le rejet de sa réclamation par l'administration, Mme Martinez Sala a introduit un recours en justice. Le Bayerisches Landessozialgericht a décidé de renvoyer l'affaire devant la Cour de justice et de lui soumettre quatre questions préjudicielles.
Le juge allemand demande à la Cour de définir la notion de travailleur, et d'établir si l'allocation d'éducation litigieuse constitue une prestation familiale au sens du règlement n· 1408/71 ou un avantage social au sens du règlement n· 1612/78. Il s'agit par ailleurs de savoir s'il est conforme au droit communautaire qu'une législation nationale subordonne l'octroi de l'allocation d'éducation à la possession d'un titre de séjour même lorsque l'intéressé est ressortissant d'un autre Etat membre, autorisé à résider en Allemagne.
Le règlement n· 1408/71, qui s'applique aux travailleurs salariés ou indépendants, entend par "travailleur" toute personne qui est assurée au titre d'une assurance obligatoire ou facultative continuée et par "prestations familiales" toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges familiales. Les personnes qui résident dans un Etat membre et auxquelles le règlement est applicable ont les mêmes droits et obligations que les ressortissants de cet Etat.
Selon la législation allemande, l'allocation d'éducation est une prestation non contributive qui fait partie des mesures de politique familiale; elle est due à toute personne qui a son domicile ou sa résidence en Allemagne ou, dans le cas des étrangers, à tout titulaire d'une autorisation ou d'un titre de séjour. La jurisprudence ne considère pas que l'attestation de demande de prolongation du permis de séjour suffit à cette fin.
L'avocat général a la charge d'assister la Cour, en présentant des conclusions motivées sur l'affaire examinée et en y ajoutant une proposition de réponse aux questions posées par le Landessozialgericht. Il agit en pleine impartialité et en toute indépendance; ses conclusions ne lient pas la Cour.
1) Le statut de travailleur est une situation subjective non permanente, qui prend fin lorsque les conditions prescrites pour l'acquérir ne sont plus remplies. Mme Martinez Sala n'a donc pas la qualité de travailleur au sens du règlement n· 1612/68. Par ailleurs, au cours de la période en question elle a bénéficié d'une aide sociale et si de ce fait elle a bénéficié d'une assurance, elle pourrait être considérée comme un travailleur au sens du règlement n· 1408/71 et bénéficier donc d'un traitement assimilable à celui du travailleur. Grâce à cela, elle pourrait invoquer le principe de non-discrimination et demander l'allocation d'éducation. Ces appréciations au fond incombent toutefois au juge de renvoi.
2) et 3) L'allocation d'éducation est une prestation familiale (comme l'a récemment affirmé la Cour dans l'arrêt Hoever Zachow (C-245/94) et un avantage social au sens du règlement n· 1612/68.
4)Les dispositions allemandes, qui subordonnent l'octroi de l'allocation d'éducation à la possession du permis de séjour formel même pour les personnes autorisées par ailleurs à résider en Allemagne, constituent une inégalité de traitement en raison de la nationalité. S'il s'avère que Mme Martinez Sala n'a pas la qualité de travailleur, l'ordre juridique de l'Union européenne lui offre un autre titre pour éviter ladite discrimination: l'article 8 A du traité de Maastricht. Tout citoyen a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres; le Conseil peut prévoir des conditions et des limites, non pas au droit même, mais à l'exercice de ce dernier.
L'article 8 A, nouvelle version, prévoit la citoyenneté européenne et extrait des autres libertés spécifiquement celle de résider dans tout Etat membre; il s'agit du premier des droits attachés à la citoyenneté de l'Union et il est inséparable de celle-ci. La citoyenneté est conférée directement à l'individu, qui l'acquiert et la perd en même temps que la citoyenneté de l'Etat national d'appartenance. Telle est la situation subjective pertinente en l'espèce, et c'est aussi le titre qui justifie l'égalité de traitement, dont jouit le citoyen de tout Etat membre dans tout Etat membre. Dès lors qu'un Etat membre autorise un ressortissant communautaire à résider sur son territoire, ce dernier ne peut plus faire l'objet de discrimination sur la base de la nationalité.
La jurisprudence a d'ailleurs déjà appliqué dans le passé l'interdiction de discrimination sur la base de la nationalité au touriste, en tant que destinataire de services dans l'Etat membre dans lequel il séjourne (arrêt Cowan, du 2 février 1989).
En l'espèce, Mme Martinez Sala devrait donc être considérée comme la destinataire potentielle de services, dans la mesure où elle est autorisée à résider en Allemagne.
M. l'avocat général propose aujourd'hui de faire du principe de non-discrimination le corollaire direct du nouveau statut de la citoyenneté européenne et du droit primaire de circuler et de résider dans tout Etat membre. Le citoyen communautaire aurait droit à l'allocation d'éducation prévue par la législation allemande, indépendamment de la possession d'un permis de séjour valide et aux mêmes conditions que les ressortissants de ce pays.
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(1) Ce communiqué existe en italien, en français, en allemand et en espagnol.