Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE N· 47/97

9 juillet 1997

Arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes dans l'affaire C-222/95
Société civile immobilière Parodi (SCI Parodi) / Banque H. Albert de Bary et Cie (banque de Bary)

LA LOI BANCAIRE FRANCAISE DE 1984 A L'EPREUVE DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Avant l'entrée en vigueur de la deuxième directive bancaire 89/646/CEE, les autorités françaises ne pouvaient exiger un agrément pour la prestation de services bancaires de la part d'une banque établie dans un autre Etat membre que pour raisons impérieuses d'intérêt général à la condition que cette exigence d'agrément soit non discriminatoire, proportionnée, objectivement nécessaire et dans la mesure où cet intérêt n'était pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire était soumis dans l'Etat membre où il était établi.


I. Faits

La banque de Bary, société de droit néerlandais dont le siège est à Amsterdam a consenti par acte du 29 novembre 1984 un prêt hypothécaire pour un montant de 930 000 DM à la SCI Parodi, société de droit français dont le siège est à Megève (Haute-Savoie).

Le 13 mars 1990, la SCI Parodi a assigné la banque de Bary en demandant, d'une part la nullité du prêt, au motif que ladite banque n'avait pas reçu, lors de l'octroi du prêt, l'agrément exigé par la loi française du 24 janvier 1984, relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit et, d'autre part, le remboursement de la somme de 1 251 390 FF représentant le montant des frais et intérêts versés à la banque de Bary à l'exclusion du capital reçu.

Le Tribunal de grande instance de Bonneville a rejeté la demande de la SCI Parodi. Saisie en appel, la Cour d'appel de Chambery a confirmé ce jugement. La Cour de cassation, saisie d'un pourvoi formé par la SCI Parodi a décidé de surseoir à statuer et de demander à la Cour si :

"pour la période précédant l'entrée en vigueur de la directive 89/646/CEE du Conseil du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77/780/CEE, les articles 59 et 61, paragraphe 2, du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale exigeant un agrément pour prester des services en matière bancaire, notamment pour consentir un prêt hypothécaire, lorsque la banque, établie dans un autre Etat membre, y bénéficie d'un agrément."

II - En droit

A titre liminaire, la Cour relève que l'opération, consistant pour une banque établie dans un Etat membre, à accorder un prêt hypothécaire à un emprunteur établi dans un autre Etat membre, constitue nécessairement une prestation de services liée à un mouvement de capital au sens de l'article 61, paragraphe 2 du traité.

La Cour conclut qu'en l'espèce, les règles relatives aux mouvements de capitaux n'étaient pas de nature à restreindre la liberté de conclure des contrats de prêts hypothécaires sous forme de prestations de services.

Dès lors que de telles opérations constituent des services, il convient d'apprécier si la réglementation française est compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre prestation des services.

La Cour rappelle alors sa jurisprudence constante en matière de libre prestation de services.

La Cour constate en premier lieu que même si la loi de 1984 n'est pas discriminatoire et s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres Etats membres, elle rend plus difficile l'octroi d'un prêt hypothécaire en France par un établissement de crédit établi dans un autre Etat membre et agréé par l'autorité de contrôle de ce dernier, dans la mesure où elle impose audit établissement d'obtenir un nouvel agrément de l'autorité de contrôle de l'Etat de destination.

Cependant, compte tenu de la nature particulière de certaines prestations de services, des exigences spécifiques imposées au prestataire qui seraient motivées par l'application de règles régissant ce type d'activités ne sauraient être considérées comme incompatibles avec le traité.

A cet égard, la Cour reconnaît que le secteur bancaire constitue un domaine particulièrement sensible du point de vue de la protection des consommateurs.

Conscient de telles nécessités, le Conseil a adopté la première directive bancaire 77/780/CEE, du 12 décembre 1977, qui constituait une première étape vers la reconnaissance mutuelle par les Etats membres des agréments délivrés par chacun d'eux aux établissements de crédit. Mais, ce n'est qu'avec l'entrée en vigueur de la deuxième directive bancaire 89/646/CEE du Conseil, du 15 décembre 1989, qu'une telle reconnaissance mutuelle a été rendue possible.

La Cour en conclut donc qu'en l'état du droit communautaire à l'époque des faits au principal, c'est à dire le 29 novembre 1984, il existait des raisons impérieuses liées à l'intérêt général qui pouvaient justifier que l'État membre destinataire impose des conditions concernant l'activité des établissements de crédit et à leur contrôle qui pouvaient aller au-delà des conditions minimales exigées par la première directive bancaire.

La Cour précise toutefois qu'il appartient au juge national de vérifier, au regard des particularités de l'espèce - nature de l'activité bancaire, caractéristiques du prêt et qualité de l'emprunteur - si l'exigence d'un agrément répond aux critères établis par sa jurisprudence constante en matière de libre prestation de services.

En conséquence, la Cour dit pour droit que:

" Pour le période précédant l'entrée en vigueur de la deuxième directive 89/646/CEE du Conseil, du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissments de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77/780/CEE, l'article 59 du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre impose à un établissement de crédit, déjà agréé dans un autre Etat membre, d'obtenir un agrément pour pouvoir accorder un prêt hypothéaire à une personne résidant sur son territoire, à moins que l'agrément

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