Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE N·54/1997

25 septembre 1997

Arrêt du Tribunal dans l'affaire T-150/95

UK Steel Association, anciennement British Iron and Steel Producers Association (BISPA) /
Commission des Communautés européennes

soutenue par Grand-duché de Luxembourg et ARBED SA

LES AIDES QUE LE GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG A ACCORDÉ A ARBED POUR LA CONSTRUCTION D'UN NOUVEAU FOUR ÉLECTRIQUE AUTORISÉES PAR LA COMMISSION SONT CONSIDÉRÉES COMME ILLÉGALES PAR LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

LES DISPOSITIONS COMMUNAUTAIRES SUR LES AIDES D'ETAT EN FAVEUR DE L'ENVIRONNEMENT (TRAITÉ CE) NE POUVAIENT ÊTRE APPLIQUÉES PAR ANALOGIE AUX AIDES A LA SIDERURGIE (TRAITE CECA)


I - CADRE FACTUEL

Le 29 décembre 1993, le grand-duché de Luxembourg a notifié à la Commission, au titre de la Décision nº 3855/91/CECA instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (Cinquième Code des aides à la sidérurgie), un projet d'aide en faveur de l'entreprise ProfilARBED SA (ARBED).

Selon ce projet, l'aide était destinée à faciliter la mise en conformité de cette entreprise avec de nouvelles normes luxembourgeoises en matière de protection de l'environnement. L'entreprise en question avait deux alternatives, soit adapter ses installations existantes aux nouvelles dispositions, soit remplacer une partie de ces installations. La dernière solution, moins coûteuse, a été retenue.

Le 31 décembre 1994, la Commission a pris la décision ("la Décision") de ne pas soulever d'objection contre le projet d'aide et de clôturer la procédure.

II - CADRE JURIDIQUE

Le Traité CECA déclare incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier les subventions ou aides accordées par les Etats. Par exception à ce principe et sur base de l'article 95 alinéa du Traité CECA, la Commission a adopté des décisions instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie, communément appelées "code des aides à la sidérurgie". Ces codes établissent le régime applicable en matière d'aides d'Etat à la sidérurgie en fixant les critères selon lesquels une aide peut être déclarée compatible.

Le cinquième code des aides à la sidérurgie (1991-1996) était en vigueur à l'époque des faits. L'article 3 du cinquième code impose 3 conditions pour qu'une aide soit déclarée compatible avec le bon fonctionnement du marché commun, à savoir, en premier lieu, que l'aide soit destinée à faciliter l'adaptation d'installations existantes aux nouvelles normes de protection de l'environnement; en deuxième lieu, que les installations en question soient en service depuis au moins deux ans et, en troisième lieu, que l'aide soit plafonnée à 15% net du montant de l'investissement.

La Commission, dans sa Décision, s'appuyant sur ce que "le code des aides à la sidérurgie énonce dans son préambule le principe qu'il y a lieu d'assurer entre la sidérurgie et les autres secteurs une égalité d'accès aux aides à la protection de l'environnement", en tire pour principe que "les mêmes dispositions du droit communautaire en matière d'aides à la protection de l'environnement doivent trouver une application généralisée, la même pour toute entreprise, qu'elle soit sidérurgique ou non" et conclut sur ce point que "sauf disposition contraire, les mêmes principes interprétatifs doivent trouver application pour toute aide à la protection de l'environnement".

Ensuite, la Commission après avoir rappelé que le nouvel encadrement communautaire des aides d'Etat à la protection de l'environnement, entré en vigueur courant 1994, permet d'autoriser des aides aux entreprises qui "plutôt que d'adapter simplement des installations existantes de plus de deux ans optent pour les remplacer par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes", relève que "l'extension de ce principe général prévu par l'encadrement au code des aides à la sidérurgie paraît tout à fait possible dans la mesure où ceci ne contredit pas la formulation de l'article 3 [dudit code]".

La Commission constate alors que l'aide envisagée satisfait à toutes les conditions posées par l'encadrement communautaire et conclut que l'aide est conforme à l'article 3 du cinquième code des aides à la sidérurgie. Elle déclare donc compatible avec le marché commun l'aide que les autorités luxembourgeoises ont demandé pouvoir accorder à ARBED afin de réduire les coûts de l'aménagement sur le site sidérurgique d'Esch-Schifflange pour qu'il soit conforme aux nouvelles dispositions luxembourgeoises en matière d'environnement.

En conséquence, la Décision autorise le paiement d'une aide qui représente 15 % des 613 000 000 LFR que l'ARBED s'est engagée à consacrer à la protection de l'environnement dans le cadre de la construction d'une nouvelle aciérie électrique devant remplacer les aciéries existantes sur le site sidérurgique d'Esch-Schifflange.

Les installations existantes devraient définitivement fermer à la fin de 1997. Dès lors, à partir de cette date, le remplacement des installations existantes auquel doit servir l'investissement objet de l'aide sera terminé.

Le 19 juillet 1995, British Iron Steel Producers Association, association établie à Londres qui représente des entreprises britanniques produisant et fournissant, sur le territoire de la Communauté, des produits en fer et en acier, a introduit un recours en annulation de la Décision.

Le moyen unique en annulation est tiré de la violation du traité CECA ou de toute autre règle de droit relative à son application, et en particulier de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie. La requérante soutient que cet article ne permet pas les aides destinées à la construction de nouvelles installations conformes aux nouvelles normes de protection de l'environnement, mais ne concerne que celles destinées à l'adaptation auxdites normes des installations existantes.

III - APPRÉCIATION DU TRIBUNAL

En premier lieu, le Tribunal examine si la construction d'un nouveau four électrique à Esch-Schifflange pour remplacer l'ancien four à oxygène pur doit être considérée comme l'adaptation d'anciennes installations à de nouvelles normes ou comme la construction d'une nouvelle installation.

L'importance des éléments remplacés, l'ampleur de la modification enregistrée dans le processus de production ainsi que le caractère substantiel du changement intervenu dans la composition des matières premières à la suite de la réalisation de l'investissement objet de l'aide excèdant le concept d'adaptation d'une installation existante, le Tribunal considère que la Commission a pu, à juste titre, conclure dans la décision attaquée que l'investissement, objet de l'aide ne constituait pas l'adaptation d'anciennes installations à de nouvelles dispositions, mais le remplacement d'anciennes installations par de nouvelles, répondant aux critères prévus par les nouvelles normes en matière d'environnement.

En second lieu, le Tribunal analyse si la thèse qui sous-tend la Décision, selon laquelle le cinquième code des aides à la sidérurgie (article 3, paragraphe 1), permettait d'octroyer une aide au remplacement d'installations existantes par de nouvelles, répondant aux normes de protection de l'environnement, est correcte à la lumière du libellé de cet article, du contexte dans lequel il s'insère et de sa finalité.

Tout d'abord, le Tribunal rappelle que le cinquième code a institué des règles qui autorisent l'octoi d'aides à la sidérurgie dans des cas limitativement énoncés et posé en principe que ces aides ne peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles de ce code.

Par ailleurs, le Tribunal relève que l'application automatique de l'encadrement CE au secteur sidérurgique n'est pas prévue par le cinquième code des aides à la sidérurgie.

Le Tribunal constate alors que le libellé clair de l'article 3 du cinquième code des aides à la sidérurgie ne prévoit pas la possibilité d'octroyer des aides aux entreprises qui, plutôt que d'adapter des installations existantes, décident de remplacer celles-ci par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes de protection de l'environnement.

En conséquence, le Tribunal conclut que la Décision de la Commission viole l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie et doit être annulée.

En conséquence, le Tribunal déclare et arrête:

  1. La décision reproduite dans la communication 94/c 400/02 de la Commission, en application de l'article 6, paragraphe 4, de la décision nº3855/91/CECA, adressée aux autres États membres et autres parties intéressées, relative aux aides que le Luxembourg projette d'accorder à ProfilARBED SA (ARBED) [aides d'État C 25/94 (ex N 11/94)], est annulée.
  2. La Commission est condammée aux dépens.
  3. Le grand-duché de Luxembourg et ARBED SA supporteront leurs propres dépens.

RAPPEL : un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être formé devant la Cour de justice des Communautés européennes, contre cette décision du Tribunal, dans les deux mois à compter de la notification.

Exclusivement à l'usage des médias - Document non officiel qui n'engage pas le Tribunal de première instance

Pour des compléments d'information ou pour obtenir copie de l'arrêt, veuillez contacter Mme Marie-Françoise CONTET - tél (00352) 4303-2497.