Selon l'avocat général, le décret français relatif à la production de foie gras ne fait pas obstacle à la libre circulation de celui-ci en Europe
Le décret ministériel adopté par la France le 9 août 1993 (n· 93-999) réglemente de manière détaillée la composition du foie gras et définit les critères relatifs à la production de certaines préparations à base de foie gras (contenu minimum de foie gras, ingrédients, modalités de présentation et d'emballage, dénominations de vente éventuelles). L'article 1er interdit la détention, la commercialisation et la distribution à titre gratuit de préparations non conformes aux critères indiqués et portant une des dénominations de vente énumérées. D'autres produits de charcuterie, portant des dénominations de vente différentes, faisant référence au foie gras, sont autorisés pour autant que le pourcentage de foie gras soit d'au moins 20 %.
Selon la Commission, le fait de réserver les dénominations génériques aux seules préparations à base de foie gras qui satisfont aux exigences fixées par le législateur français constituerait une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation. De l'avis de la Commission, la France aurait dû insérer dans la réglementation nationale une clause de "reconnaissance mutuelle" des produits à base de foie gras fabriqués et commercialisés légalement dans d'autres États membres Ä c'est-à-dire conformément à la législation nationale ou à des procédés loyaux de production Ä sous des dénominations semblables à celles réglementées par le décret.
L'avocat général a pour tâche d'assister la Cour, en présentant des conclusions motivées sur l'affaire en cause et en suggérant à la Cour une solution du litige. Il agit en toute impartialité et en toute indépendance; ses conclusions ne lient pas la Cour.
Dans l'Union européenne, il n'existe pas de réglementation générale d'harmonisation en ce qui concerne la production et la commercialisation du foie gras et ce sont donc les États membres qui, comme en l'espèce, réglementent cette matière et, en particulier, définissent la dénomination correcte des produits, afin d'éviter d'induire le consommateur en erreur et de garantir la loyauté des prestations commerciales.
A l'exception de la France, aucun État membre ne dispose d'une réglementation correspondant à celle ici examinée. Le décret français, s'inspirant d'objectifs consistant dans la protection du consommateur et de la loyauté du commerce, s'applique, d'ailleurs, indistinctement aux produits français et aux produits importés.
D'une part, selon la jurisprudence de la Cour, tout État membre doit autoriser l'importation sur son territoire de biens légalement fabriqués ou commercialisés dans d'autres États membres, même selon des règles différentes de celles en vigueur dans l'État d'importation. Il s'agit d'une obligation de reconnaissance mutuelle des règles relatives à la production, à l'homologation, au contrôle et à la certification des marchandises. D'ailleurs, selon la Commission, une clause expresse d'équivalence, consacrant cette obligation, devrait être insérée dans les réglementations nationales de nature technique (telle que celle en cause).
Du reste, en l'absence d'harmonisation, les mesures nationales garantissant la correcte dénomination des produits, pour éviter toute confusion dans l'esprit du consommateur et assurer la loyauté des opérations commerciales, ne sont pas contraires au principe de la libre circulation des marchandises. Les exigences de la libre circulation des marchandises prévalent, cependant, chaque fois que le consommateur est suffisamment informé sur la nature, les ingrédients et les caractéristiques du produit, grâce à l'étiquetage.
Le principe d'équivalence demeure applicable même en l'absence d'une réglementation de la production ou de la commercialisation d'un produit déterminé dans l'État membre d'origine. Il s'agira donc d'apprécier concrètement s'il y a équivalence entre les niveaux de protection qui sont garantis au consommateur final à l'égard, d'une part, du produit national et, d'autre part, du produit importé.
Il faut tenir compte du fait que le foie gras est un produit indissociablement lié à la tradition gastronomique française. Les importations en France de préparations à base de foie gras provenant d'autres États membres sont quantitativement marginales. Du reste, même dans les États membres ou les pays tiers où existe une production modeste, elle s'avère conforme à des usages et à des règles de qualité identiques à ceux qui prévalent traditionnellement sur le marché français.
Aucun autre État membre ne possède une réglementation qui corresponde à celle en vigueur en France.
En conséquence, l'obligation de reconnaissance mutuelle concernerait seulement les biens "produits dans le respect des usages loyalement et traditionnellement pratiqués" dans l'État membre d'origine et non ceux "légalement produits ou commercialisés" (catégorie qui n'existe absolument pas).
Étant donné que les usages loyalement et traditionnellement pratiqués en France et dans les autres États producteurs de préparations à base de foie gras coïncident, le décret français ne produit pas d'effets restrictifs, actuels ou potentiels, sur les importations en France.
En conséquence, on ne peut pas dire que l'absence de clause de reconnaissance mutuelle dans le décret français soit contraire au droit communautaire et le recours de la Commission doit être rejeté.
Pour des compléments d'information, veuillez contacter Mme Marie-Françoise Contet, tél. (*352) 4303 2497.