La Cour constate que les faits à l'origine du recours, qui n'ont pas été contestés par le gouvernement français, créent manifestement des obstacles à la libre circulation des produits agricoles originaires d'autres Etats membres, dans la mesure où des incidents graves, tels que l'interception des camions, la destruction de leur cargaison, les violences faites aux chauffeurs, les menaces adressées aux commerçants de gros et de détail et les dégradations de marchandises mises à l'étalage, se sont produits année après année - et ce depuis plus de dix ans -, sans que les mesures adoptées par le gouvernement français aient été suffisantes pour les empêcher et dissuader efficacement les auteurs des infractions de les commettre et de les répéter. Ces faits sont aussi de nature à créer un climat d'insécurité ayant un effet dissuasif sur les courants d'échanges dans leur ensemble.
Par ailleurs, il n'a pas non plus été contesté que, malgré le fait que, d'une part, les actes de violence ont souvent été commis pendant les mêmes périodes de l'année et à des endroits bien précis, et que, d'autre part, les autorités françaises ont, dans certains cas, été prévenues de l'imminence de manifestations d'agriculteurs, les forces de l'ordre soit n'étaient pas présentes soit ne sont pas intervenues.
En effet, s'agissant des nombreux actes de vandalisme commis durant la période d'avril à août 1993, les autorités françaises n'ont été en mesure de ne citer qu'un seul cas de poursuites pénales, alors que les manifestants étaient identifiables ou même connus des autorités.
La Cour rappelle que la libre circulation des marchandises est l'une des libertés fondamentales consacrées par le traité CE. Ceci implique, entre autres, l'élimination de tout obstacle aux importations dans le commerce entre Etats membres.
Sur cette base, les dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises et au devoir des Etats membres de coopérer à l'exécution des obligations découlant du traité, leur imposent, non seulement de ne pas adopter eux-mêmes des actes susceptibles d'entraver le commerce intracommunautaire, mais également de prendre toutes mesures nécessaires et appropriées pour empêcher sur leur territoire des actions de particuliers susceptibles d'affecter ledit commerce.
S'il est vrai que les Etats membres sont seuls compétents pour déterminer quelles sont les mesures d'ordre public les plus appropriées pour assurer la libre circulation des marchandises, il appartient cependant à la Cour, lorsqu'elle en est saisie, de vérifier l'adéquation de telles mesures.
Quant aux arguments du gouvernement français selon lesquels une intervention plus décidée des forces de l'ordre aurait risqué de provoquer chez les agriculteurs français des réactions violentes encore plus graves, la Cour signale que la crainte de difficultés internes ne justifie pas l'abstention par un Etat membre d'appliquer correctement le droit communautaire.
D'autre part, la Cour rejette l'argument basé sur le contexte socio-économique très difficile du marché français des fruits et légumes, en soulignant que dans le domaine de la politique agricole commune seule la Communauté a le pouvoir d'adopter les mesures qui s'imposent face à ces difficultés.
Enfin, la prise en charge par la République française des dommages causés aux victimes ne fait pas disparaître le manquement de l'Etat membre.
La Cour conclut donc, suivant l'avis de l'avocat général M. C.O. Lenz en date du 9 juillet 1997, que le gouvernement français s'est abstenu, de manière manifeste et persistante, de prendre des mesures suffisantes et appropriées pour faire cesser les actes de vandalisme qui mettent en cause sur son territoire la libre circulation de certains produits agricoles originaires d'autres Etats membres et empêcher le renouvellement de tels actes.
N.B.: Si la Cour de justice reconnaît qu'un Etat membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE, l'Etat en question est tenu de prendre les mesures nécessaires pour l'exécution de l'arrêt de la Cour. Si la Commission estime que l'Etat membre concerné n'a pas pris ces mesures, elle peut saisir à nouveau la Cour de justice en demandant l'imposition d'une sanction pécuniaire. |
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