Un État membre qui a mis en oeuvre des mesures de protection des animaux plus strictes que celles prévues par une directive sur la base d'une recommandation élaborée en vue de l'application des principes de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages ne peut invoquer des raisons tenant à la moralité publique, l'ordre public ou la protection de la santé et de la vie des animaux pour imposer des restrictions à l'exportation des veaux vivants vers des pays qui appliquent la directive communautaire sur les normes minimales relatives à la protection des veaux.
Jusqu'à 1995 entre 500 000 et 600 000 veaux de boucherie ont été exportés annuellement du Royaume-Uni vers des autres États membres. Une proportion importante de ces veaux ont ensuite été élevés dans un système de production dénommé "système de cages à veaux" impliquant l'élevage de chaque animal dans une cage individuelle jusqu'à son abattage.
Ces conditions d'élevage sont conformes aux prescriptions de la directive établissant les normes minimales relatives à la protection des veaux, compte tenu des dérogations autorisées par celle-ci. Cependant, l'élevage dans un tel système n'est pas conforme aux prescriptions sur l'élevage des veaux énoncées dans une convention internationale ainsi que dans une recommandation adoptée en vue de l'application des principes de cette convention.
L'exportation de veaux vivants à destination d'autres États membres utilisant le système des cages à veaux était un sujet qui préoccupait une partie importante de l'opinion publique au Royaume-Uni.
Compassion in World Farming (CIWF), organisme dont l'objet est la défense du bien-être des animaux, a introduit une demande de contrôle juridictionnel contre une décision du Ministre de l'Agriculture du Royaume-Uni par laquelle celui-ci indiquait qu'il n'avait aucun pouvoir pour limiter l'exportation des veaux de boucherie. La High Court d'Angleterre et du Pays de Galles a posé à la Cour de justice des questions portant sur la validité de la directive ainsi que sur l'interprétation des dispositions du traité concernant la libre circulation des marchandises.
En ce qui concerne la validité de la directive la Cour a constaté que la convention et la recommandation ne comportant pas de prescriptions contraignantes pour les parties contractantes quant aux conditions d'élevage des bovins, elles ne pouvaient affecter la validité de la directive.
En ce qui concerne la possibilité de se fonder sur les raisons de moralité ou d'ordre public ou de protection de la santé et de la vie des animaux afin de justifier une restriction à l'exportation des veaux vivants, la Cour souligne qu'une telle mesure constitue une restriction quantitative à l'exportation contraire au traité CE.
S'il est vrai que le traité permet aux États membres de maintenir des restrictions à la libre circulation des marchandises justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public ou de protection de la santé et de la vie des animaux, une telle faculté est exclue lorsque des directives communautaires prévoient l'harmonisation des mesures nécessaires à la réalisation de cet objectif.
La Cour a donc vérifié si la directive en cause prévoit l'harmonisation des mesures nécessaires à la protection de la santé des veaux.
Elle conclut de cet examen que compte tenu du texte de la directive, de son contexte et des objectifs qu'elle poursuit, la directive établit des normes minimales communes pour la protection des veaux confinés à des fins d'élevage et d'engraissement.
Le fait que les États membres soient autorisés à prendre sur leur propre territoire des mesures de protection plus strictes que celles prévues par une directive n'est pas de nature à écarter la conclusion que la directive a réglementé de façon exhaustive les pouvoirs des États membres dans le domaine de la protection des veaux d'élevage.
Il s'ensuit qu'un État membre ne saurait restreindre les exportations de veaux vers d'autres États membres en se fondant sur l'article 36 du traité pour des raison tenant à la protection de la santé des animaux.
Enfin, la Cour a rejeté un argument basé sur des raisons concernant la protection de l'ordre public ou de la moralité publique au motif qu'une partie de l'opinion publique nationale considérait que la directive ne protégerait pas de manière adéquate la santé des animaux. La Cour a précisé qu'un État membre ne saurait se fonder sur le point de vue ou sur le comportement d'une partie de l'opinion publique nationale pour mettre en cause unilatéralement une mesure d'harmonisation arrêtée par les institutions communautaires.
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