Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE N·19/98

31 mars 1998

Arrêt de la Cour de Justice dans les affaires jointes
C-68/94 France/Commission
et
C-30/95 Société Commerciale des potasses et de l'azote (SCPA) et Entreprise minière et chimique (EMC)/Commission

LE REGLEMENT COMMUNAUTAIRE RELATIF AU CONTRÔLE DE CONCENTRATION ENTRE ENTREPRISES EST AUSSI APPLICABLE AUX POSITIONS DOMINANTES COLLECTIVES (OLIGOPOLES)


La France et deux sociétés françaises, SCPA et EMC, ont attaqué une décision de la Commission du 14/12/1993, par laquelle celle-ci avait déclaré compatible avec le marché commun l'opération de concentration entre Kali und Salz AG, Mitteldeutsche Kali AG et la Treuhandanstalt. Aujourd'hui la Cour de Justice des CE annule cette décision.

Le 14/7/1993, la Commission a, conformément au règlement (CEE) n·4064/89 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, reçu notification d'un projet de concentration entre Kali und Salz AG (ci-après "K+S"), filiale du groupe chimique BASF, et Mitteldeutsche Kali AG (ci-après "MdK"), dont l'actionnaire unique, la Treuhandanstalt (ci-après la "Treuhand"), est un organisme de droit public chargé de restructurer les anciennes entreprises de l'ex-République démocratique allemande. K+S opère essentiellement dans les secteurs de la potasse, du sel gemme et de la dépollution. MdK regroupe l'ensemble des activités de l'ex-République démocratique allemande dans le domaine de la potasse et du sel gemme. Le projet de concentration prévoyait que MdK serait transformée en une société à responsabilité limitée (MdK GmbH), à laquelle K+S et la Treuhand apporteraient l'une ses activités "potasse" et "sel gemme" et l'autre 1 044 millions de DM. Dans l'entreprise commune ainsi constituée, K+S et la Treuhand détiendraient respectivement 51 % et 49 % des parts et des droits de vote. Selon la Commission la concentration pouvait créer une situation de position dominante collective sur le marché communautaire hors l'Allemagne et l'Espagne.

Les sociétés parties du projet de concentration ont alors proposé certains engagements afin de lever le doute quant au fait que la concentration créerait une situation de position dominante oligopolistique sur ce marché. La Commission a donc, par décision 94/449/CE du 14/12/1993, relative à une procédure d'application du règlement n· 4064/89 (Affaire n·IV/M.308 - Kali + Salz/MdK/Treuhand), déclaré le projet de concentration compatible avec le marché commun, sous réserve du respect des engagements suivants: K+S et MdK se retirent du cartel à l'exportation Kali-Export GmbH, au sein duquel K+S et SCPA ont travaillé ensemble. K+S et MdK mettent en place leur propre réseau de distribution dans la Communauté, et notamment en France, et mettent fin à l'actuelle coopération avec SCPA en tant que distributeur associé sur le marché français. En fait ces conditions visaient avant tout à relâcher les liens existants entre K+S et SCPA, filiale du groupe français EMC.

Le marché du produit en cause concernait les produits à base de sels de potasse à usage agricole, lesquels comprenaient à la fois la potasse vendue pour être utilisée directement en agriculture et celle vendue pour servir à la fabrication d'engrais composés. S'agissant du marché géographique du produit en cause, la Commission a identifié deux marchés distincts:

Par requête déposée en février 1994 la France a demandé à la Cour des CE l'annulation de la décision de la Commission. Le Tribunal de première instance, saisi par SCPA et EMC de requêtes correspondantes contre la Commission, qui est soutenue par Kali und Salz GmbH (anciennement MdK) et Kali und Salz Beteiligungs AG (anciennement K+S), s'est dessaisi de l'affaire afin que la Cour puisse statuer sur la demande en annulation.

La Cour rejette la critique du gouvernement français selon laquelle la Commission n'aurait pas respecté l'obligation qui lui incombe de collaborer avec les autorités nationales et aurait évalué de manière erronée les effets de la concentration sur le marché allemand. Il était également reproché à la Commission d'avoir fait une appréciation erronée de l'opération de concentration sur le marché communautaire à l'exception de l'Allemagne. Dans le cadre de ce grief, la Cour constate d'abord que les positions dominantes collectives (oligopoles) ne sont pas exclues du champ d'application du règlement communautaire relatif au contrôle de concentration entre entreprises. Ensuite, la Cour se prononce sur la critique selon laquelle la Commission aurait fait une mauvaise application de la notion de position dominante collective, en concluant à la création d'une position dominante collective entre K+S/MdK et SCPA, susceptible d'entraver la concurrence de manière significative dans le marché communautaire hors l'Allemagne. La Cour constate que le faisceau de liens structurels unissant K+S et SCPA, qui, de l'aveu même de la Commission, constitue le coeur de la décision litigieuse, n'est, somme toute, pas aussi dense et probant que ne l'a voulu faire apparaître l'institution défenderesse, et que, par ailleurs, l'absence d'un contrepoids concurrentiel effectif à l'égard du prétendu groupe K+S/MdK et SCPA n'est pas démontré. La Cour conclut en conséquence qu'il apparaît que la Commission n'a pas établi que l'opération de concentration engendrerait une position dominante collective de K+S/MdK et SCPA susceptible de constituer une entrave significative à une concurrence effective dans le marché en cause. Ainsi, la Cour annule intégralement la décision de la Commission.

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