Un système d'avancement déterminé sur la base du critère du temps réel de travail, alors que 98% des travailleurs à temps partagé sont des femmes, qui traite les travailleurs à temps partagé qui ont repris un travail à temps plein de façon moins favorable que les travailleurs qui ont toujours travaillé à temps plein constitue une discrimination sur fondement de sexe à moins qu'un tel traitement défavorable puisse être justifié de manière objective.
L'objectif du régime du travail partagé, qui a été introduit au sein de la fonction publique irlandaise en 1984, était de donner la possibilité à deux fonctionnaires de partager un emploi à temps plein de telle façon que les deux travailleurs bénéficient de manière égale des avantages du système alors que le coût du poste reste identique pour l'administration. Les travailleurs à temps partagé prestent la moitié du nombre d'heures d'un travailleur à temps plein et sont payés sur base du même tarif horaire. L'échelle d'augmentation salariale annuelle applicable aux travailleurs à temps partagé est parallèle à celle applicable aux travailleurs à temps plein, chaque échelon de l'échelle applicable aux travailleurs à temps partagé représentant 50% de l'échelon correspondant sur l'échelle applicable au personnel travaillant à temps plein. 98% des travailleurs à temps partagé au sein de l'administration publique irlandaise sont des femmes. Selon le tribunal de renvoi, un travailleur à temps partagé peut acquérir la même expérience qu'un travailleur à temps plein.
Lorsque Mmes Hill et Stapleton sont passées d'un emploi à temps partagé à un emploi à temps plein, elles ont tout d'abord été classées au même l'échelon de l'échelle en usage pour les travailleurs à temps plein que celui qu'elles occupaient sur l'échelle applicable aux travailleurs à temps partagé. Elles ont ensuite toutes deux été reclassées à un échelon inférieur sur l'échelle applicable aux travailleurs à temps plein au motif que deux années de temps partagé équivalaient à une année de temps plein. Les questions posées à la Cour de Justice par Labour Court en Irlande relèvent de la décision prise par Mmes Hill et Stapleton de contester ce reclassement.
La Cour de Justice a estimé que les travailleurs qui sont passés d'un travail à temps partagé, où elles effectuaient la moitié des heures effectuées par les travailleurs à temps plein et recevaient un salaire se montant à la moitié du salaire d'un travailleur à temps plein, à un travail à temps plein, pouvaient s'attendre à ce que le nombre d'heures qu'elles effectueraient et leur salaire seraient doublés, de la même façon que des travailleurs passant d'un emploi à temps plein à un emploi à temps partagé s'attendraient à voir ces mêmes conditions réduites de 50%, à moins qu'une différence de traitement puisse être justifiée. Cependant, une telle progression ne se réalise pas dans l'affaire au principal. Le travailleur perçoit en effet un salaire réel inférieur au double de ce qu'il aurait perçu en exerçant son activité à temps partagé. Il subit, par conséquent, une perte en ce qui concerne le montant de son salaire horaire.
Dans la catégorie des travailleurs à temps plein, par conséquent, on constate une inégalité de traitement au niveau du salaire pour les travailleurs qui occupaient précédemment un emploi à temps partiel et qui retombent au niveau de l'échelon qu'ils occupaient déjà sur l'échelle de salaire.
Dès lors, la Cour a observé ensuite que l'utilisation du critère du nombre d'heures de travail effectivement effectué durant la période de travail à temps partagé ne tient pas compte, inter alia, du fait que le travail à temps partagé constitue en lui seul une catégorie en ce qu'il n'implique aucune interruption de l'emploi, ni du fait qu'un travailleur à temps partagé puisse acquérir la même expérience qu'un travailleur à temps plein. En outre, une disparité est introduite de manière rétroactive dans l'ensemble des rémunérations des salariés qui exercent les mêmes tâches sous l'aspect tant qualitatif que quantitatif des prestations fournies.
Dans un tel cas, il convient de constater que des dispositions telles que celles en cause au principal aboutissent en fait à une discrimination des travailleurs féminins par rapport aux travailleurs masculins et doivent, en principe, être considérées comme contraires à l'article 119 du traité.
La Cour de Justice a conclu qu'il n'en irait autrement qu'au cas où la différence de traitement entre les deux catégories de travailleurs se justifierait par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. Elle a ajouté qu'il incombe à la juridiction nationale de statuer sur l'existence éventuelle de facteurs objectifs.
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