Arrêt de la Cour dans l'affaire C-231/96
Edilizia Industriale Siderurgica Srl (Edis) / Ministero delle
Finanze
Arrêt de la Cour dans l'affaire C-260/96
Ministero delle Finanze / SPAC SpA
Arrêt de la Cour dans les affaires jointes C-279/96,
C-280/96 et C-281/96
Ansaldo Energia SpA / Amministrazione delle Finanze dello Stato
Amministrazione delle Finanze dello Stato / Marine Insurance
Consultants Srl
GMB Srl e. a. / Amministrazione delle Finanze dello Stato
La Cour se prononce sur la validité d'un délai national de forclusion qui fait obstacle aux demandes de remboursement d'impositions perçues en violation du droit communautaire
Deux tribunaux italiens, le Tribunale di Genova et la Corte d'appello di Venezia, ont posé à la Cour de Justice des CE, plusieurs questions d'interprétation du droit communautaire à l'occasion de litiges pendants devant ces juridictions entre 16 sociétés anonymes ou sociétés à responsabilité limitée de droit italien et l'administration des finances italienne.
En 1972, une "taxe de concession" gouvernementale pour l'inscription des sociétés au registre des entreprises a été instituée en Italie. Depuis 1985, la taxe était due non seulement lors de l'inscription au registre de l'acte constitutif de la société, mais également le 30 juin de chaque année civile ultérieure. En 1989, le montant de la taxe atteignait 12 millions de LIT pour les sociétés anonymes et en commandite par actions, 3,5 millions de LIT pour les sociétés à responsabilité limitée et 500 000 LIT pour les autres sociétés.
Dans l'arrêt "Ponente Carni" du 20 avril 1993, rendu à propos de cette taxe de concession, la Cour de Justice des CE a jugé que la directive communautaire de 1969 "concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux" interdit une imposition annuelle due en raison de l'immatriculation des sociétés de capitaux et n'autorise une imposition frappant ces sociétés au moment de leur immatriculation que si les montants en sont calculés sur la base du coût de l'opération, ce coût pouvant être évalué forfaitairement. A la suite de cet arrêt la "taxe de concession" italienne a été réduite et sa perception annuelle a été supprimée en 1993.
Plusieurs sociétés mentionnées demandent le remboursement de la "taxe de concession" qu'elles ont payée ainsi que les intérêts. Mais l'administration des finances se réfère à une disposition du droit italien de 1972, selon laquelle "le contribuable peut, sous peine de forclusion, demander la restitution des taxes payées par erreur dans un délai de trois ans à compter du jour du paiement" (article 13, deuxième alinéa, du décret nº 641/72).
Les deux tribunaux saisis émettent des doutes en ce qui concerne la compatibilité de telles modalités de remboursement avec le droit communautaire. Ils font valoir en effet que, selon les règles générales de l'ordre juridique italien, l'exercice de l'action en répétition de l'indu n'est soumis à aucun délai de forclusion, mais seulement à la prescription décennale. Les deux juridictions ont donc sursis à statuer et posé des questions préjudicielles à la Cour de Justice, auxquelles celle-ci répond aujourd'hui.
La Cour relève qu'il ressort d'un rapprochement comparatif des systèmes nationaux que le problème de la contestation de taxes illégalement réclamées ou de la restitution de taxes indûment payées, est résolu de différentes manières dans les divers États membres et même, à l'intérieur d'un même État, selon les divers types d'impôts et taxes en cause. Cette diversité des systèmes nationaux résulte notamment de l'absence de réglementation communautaire en matière de restitution de taxes nationales indûment perçues. Dans une telle situation, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et qu'elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité).
En ce qui concerne le principe d'effectivité, la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit communautaire de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l'administration concernés. En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire. A cet égard, un délai national de forclusion de trois ans qui court à compter de la date du paiement contesté apparaît raisonnable.
Le respect du principe de l'équivalence exige que la modalité litigieuse s'applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit communautaire et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne, s'agissant d'un même type de taxes ou redevances. En l'espèce le délai de forclusion en cause vise non seulement la taxe de concession litigieuse mais aussi l'ensemble des taxes de concession gouvernementales. Le principe d'équivalence ne saurait en revanche être interprété comme obligeant un État membre à étendre à l'ensemble des actions en restitution de taxes ou redevances perçues en violation du droit communautaire, son régime de répétition interne le plus favorable. Ainsi, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que la législation d'un État membre comporte, à côté d'un délai de prescription de droit commun applicable aux actions en répétition de l'indu entre particuliers, des modalités particulières de réclamation et de recours en justice moins favorables pour la contestation des taxes et autres impositions.
S'agissant du problème de l'application d'un délai national de forclusion alors que la directive communautaire concernée n'avait pas encore été correctement transposée en droit national, la Cour renvoie à son arrêt "Fantask" du 2 décembre 1997, dans lequel elle a jugé que le droit communautaire n'interdit pas à un État membre, qui n'a pas correctement transposé la directive en cause, d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de cette directive, un délai de prescription national qui court à compter de la date d'exigibilité de ces droits.
Quant au problème de la compatibilité avec le droit communautaire de dispositions nationales qui prévoient, pour toutes les obligations de remboursement à la charge de l'État, le versement d'intérêts au taux de 3% par semestre, alors que, selon les règles du code civil italien en matière de répétition de l'indu, le taux d'intérêt légal est de 10% par an, la Cour constate que le droit communautaire ne s'oppose pas à une telle législation.
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