Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUÉ DE PRESSE N· 56/98

16 septembre 1998

Arrêts du Tribunal de première instance dans les affaires T-28/95, T-110/95, T-133/95 et T-204/95

International Express Carriers Conference / Commission

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE A EXAMINÉ DES DÉCISIONS DE LA COMMISSION RELATIVES À L'ATTITUDE DE CERTAINS OPERATEURS POSTAUX PUBLICS À L'ÉGARD DES SERVICES DE REPOSTAGE OFFERTS PAR LES SOCIÉTÉS DE COURRIER EXPRESS.


Les recours en annulation contre trois décisions de la Commission ayant pour objet, d'une part, un accord de fixation de tarifs postaux, et d'autre part, la pratique de certains opérateurs postaux publics d'intercepter du courrier "reposté" sont accueillis partiellement

1. Le repostage

L'International Express Carriers Conference (IECC) est une organisation représentant les intérêts de certaines entreprises exerçant des services de courrier express. Ses membres offrent, entre autres, des services dits de "repostage", qui consistent à transporter du courrier en provenance d'un pays "A" vers le territoire d'un pays "B" en vue d'y être déposé auprès de l'opérateur postal public (ci-après "OPP") local, afin d'être finalement acheminé par celui-ci sur son propre territoire ou à destination du pays d'origine "A" ou d'un pays "C".

Selon les pays de destination du courrier, on distingue trois catégories de services de repostage: le "repostage ABC" (lorsque le courrier originaire d'un pays "A" est transporté par des sociétés privées dans le système postal d'un pays "B", afin d'être acheminé par l'intermédiaire du système postal international classique vers un pays "C"), le "repostage ABB" (lorsque le courrier originaire d'un pays "A" est transporté par des sociétés privées dans le système postal d'un pays "B", afin d'être acheminé par l'intermédiaire du système postal national classique auprès du destinataire final du courrier résidant dans ce même pays "B") et le "repostage ABA" (lorsque le courrier originaire d'un pays "A" est transporté par des sociétés privées dans le système postal d'un pays "B", afin d'être ré-acheminé par l'intermédiaire du système postal international classique vers le pays "A"). Il convient d'ajouter à ces trois types, le "repostage non physique" qui concerne le transport d'informations d'un pays "A" par voie électronique, vers un pays "B", où ces informations sont imprimées sur papier et ensuite transportées et introduites dans le système postal du pays "B" ou d'un pays "C" afin d'être acheminées au destinataire final.

2. Les textes applicables

La convention de l'Union Postale Universelle (UPU) à laquelle tous les États membres de la Communauté européenne (CE) ont adhéré, stipule, entre autres, qu'aucun pays membre de la convention n'est tenu d'acheminer, ni de distribuer aux destinataires les envois repostés et que, dans ces circonstances, l'administration intéressée a le droit de renvoyer les envois concernés ou de les frapper de ses tarifs postaux intérieurs.

L'article 85 du traité CE interdit tout accord entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou effet, de fausser le jeu de la concurrence.

L'article 86 du traité CE, quant à lui, interdit les abus de position dominante, qui affectent le commerce entre États membres.

3. Les quatre recours

Le 13 juillet 1988, l'IECC a déposé une plainte auprès de la Commission. Elle estimait notamment que certains OPP de la CE avaient violé l'article 85 du traité en concluant en 1987 un accord de fixation des frais terminaux qu'ils s'imposent respectivement lors de la distribution de courrier international (l'accord CEPT). De plus, certains OPP (plus particulièrement le "Post Office", "La Poste" et la "Deutsche Post") auraient tenté de dissuader des sociétés commerciales et d'autres OPP, de collaborer avec des opérateurs privés de repostage et auraient intercepté du courrier reposté en invoquant la convention de l'UPU. En 1989, certains de ces OPP se sont engagés à ne plus invoquer l'application de la convention de l'UPU dans certaines circonstances. En janvier 1995, les OPP ont adopté un projet d'accord, dénommé REIMS, qui devait mettre sur pied, à terme, un système dans le cadre duquel l'OPP de destination appliquerait à l'OPP d'origine un pourcentage fixe de son tarif postal intérieur pour tout courrier lui parvenant.

En 1994, l'IECC a invité la Commission à prendre position sur sa plainte et en l'absence de réaction de celle-ci, elle a introduit, le 15 février 1995, un recours en carence (affaire T-28/95).

Le 17 février 1995, la Commission a adopté une décision rejetant la première partie de la plainte concernant l'application de l'article 85 du traité à l'accord CEPT. Elle estimait qu'il n'y avait plus d'intérêt communautaire à poursuivre l'instruction de cette partie de la plainte dans la mesure où l'accord REIMS répondait aux objections qu'elle avait soulevées, puisqu'il assurait un lien entre les frais terminaux imposés entre OPP et la structure des tarifs intérieurs de ces OPP. Cette décision a été attaquée par la requérante dans l'affaire T-110/95.

Le 6 avril 1995, la Commission a adressé à l'IECC une décision rejetant une seconde partie de la plainte dans la mesure où celle-ci visait l'interception de repostage ABA commercial, de repostage ABA non commercial, de repostage ABA dit "non physique" et de courrier transfrontalier normal. Pour les trois derniers types de repostage, la Commission estimait que les sociétés de courrier express, membres de l'IECC, n'étaient pas impliquées dans les activités portant sur ces types de courrier. Elles n'avaient donc pas d'intérêt légitime à saisir la Commission d'une plainte à ce propos. En ce qui concerne le repostage ABA commercial, la Commission constatait que l'interception de ce type de courrier ne constituait pas un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité dans la mesure où ce type d'interception résultait de la nécessité pour les OPP de se protéger contre le contournement de leur monopole national de distribution du courrier. La requérante a introduit un recours visant l'annulation de cette décision (affaire T-133/95).

Le 14 août 1995, la Commission a adopté une dernière décision relative à l'interception par certains OPP de repostage du type ABC. Estimant, en substance, que les OPP concernés avaient renoncé à la possibilité d'invoquer la convention de l'UPU en vue d'intercepter du courrier ABC, et en l'absence de preuves de nouvelles interceptions, la Commission a rejeté cette dernière partie de la plainte. Elle considérait, en effet, que dans ces circonstances, il n'était plus nécessaire d'adopter une décision d'interdiction. La requérante a introduit un recours visant à annuler cette décision, qui fait l'objet de l'affaire T-204/95.

4. La position du Tribunal

a) L'arrêt dans l'affaire T-28/95

En raison de l'adoption par la Commission des trois décisions précitées après l'introduction du recours en carence, celui-ci était devenu sans objet. Le Tribunal a dès lors constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur ce recours.

b) L'arrêt dans l'affaire T-110/95

Le Tribunal rejette le recours en annulation dans l'affaire T-110/95 comme non fondé.

Selon la requérante, c'est à tort que la Commission a estimé qu'il n'y avait plus d'intérêt communautaire à poursuivre la première partie de la plainte, d'autant plus qu'elle aurait reconnu que l'accord CEPT violait l'article 85 du traité. La requèrante estimait, en outre, que la Commission n'avait pas établi que le projet d'accord REIMS Ä texte provisoire dont le contenu faisait l'objet de négociations Ä allait nécessairement mettre fin à l'infraction allèguée.

Le Tribunal rejette cette argumentation en constatant que la Commission n'était pas tenue de poursuivre l'instruction de l'affaire jusqu'à l'adoption d'une décision finale. En effet, la Commission pouvait légitimement invoquer l'existence du projet d'accord REIMS en vue de justifier l'absence d'intérêt communautaire à poursuivre son instruction, puisque ce projet répondait, en réalité, aux objections soulevées par la Commission et la requérante elle-même.

Le Tribunal constate, en outre, que le stade de progression des négociations auquel étaient arrivés les OPP, fournissait suffisamment de garanties de réussite dans un délai raisonnable.

c) L'arrêt dans les affaires T-133/95 et T-204/95

Le Tribunal annule partiellement la décision du 6 avril 1995 en ce que celle-ci concerne le repostage physique commercial ABA. Le recours contre la décision du 14 août 1995 est rejeté dans son ensemble.

Selon la requérante, la Commission a méconnu, dans sa décision du 6 avril 1995, le fait que l'interception de courrier commercial ABA constitue un abus du monopole légal des OPP, qui viole l'article 86 du traité.

Le Tribunal estime que la Commission ne saurait considérer qu'une pratique ne constitue pas un abus en se référant simplement à la nécessité de protéger une position dominante. Le Tribunal constate, en d'autres termes, que, contrairement à ce que la Commission faisait valoir, les interceptions litigieuses ne peuvent pas être justifiées uniquement par le fait que les frais terminaux ne permettent pas de couvrir leurs frais de distribution de courrier. Par ailleurs, s'il existe un déséquilibre entre les coûts encourus pour la distribution de courrier entrant par un OPP et la rémunération que celui-ci perçoit, ce déséquilibre est le résultat de l'accord conclu entre les OPP eux-mêmes. Enfin, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait examiné si d'autres mesures pouvaient être considérées comme moins restrictives que les interceptions litigieuses. En conséquence,le Tribunal annule la décision du 6 avril 1995 dans la mesure où celle-ci précise que les interceptions de courrier ABA commercial par les OPP ne constituaient pas un abus de leur monopole postal.

En ce qui concerne le repostage ABC, faisant l'objet de la décision du 14 août 1995, la requérante estime, en substance, que la Commission a violé les articles 85 et 86 du traité et a commis des erreurs dans l'appréciation des faits en cause. Le Tribunal constate à ce propos que la Commission pouvait, dans le cas d'espèce, légitimement décider qu'il n'était pas opportun de donner suite à une plainte dénoncant des pratiques qui ont ultérieurement cessé. La Commission était, en effet, en droit de considérer, en présence d'engagements des opérateurs visés dans la plainte et en l'absence de preuves, fournies par la requérante, que ces engagements auraient été méconnus, qu'il n'y avait pas lieu pour elle de poursuivre l'instruction de cette plainte.

N.B. : un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être formé contre cette décision du Tribunal, devant la Cour de justice des Communautés européennes, dans les deux mois à compter de la notification.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas le Tribunal de première instance. Langues disponibles : allemand, anglais et français.

Pour le texte intégral de l'arrêt, veuillez consulter notre page Internet www.curia.eu.int aux alentours de 15 heures ce jour.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter Mme Ulrike Städtler, tél.: (352) 4303 3255 fax.: (352) 4303 2734.