La Cour se prononce sur un nouveau cas de non-transposition d'une directive communautaire dans le droit national d'un État membre et les effets pour un particulier
En avril 1995 la Niederösterreichische Verkehrsorganisations Gesellschaft m.b.H. (NÖVOG) a ouvert une procédure d'adjudication pour la livraison de 36 à 46 autobus pour le service régulier d'autobus express régionaux dans le Land de Basse-Autriche. La société NÖVOG exploite des services de lignes régulières, sur la base d'une concession qui lui a été accordée par l'Office des adjudications du Land de Basse-Autriche, s'agissant d'un réseau destiné à fournir un service au public dans le domaine du transport par autobus. Le montant estimé du marché en cause est, selon la société NÖVOG de 111.623.115 ATS hors TVA. La procédure d'adjudication a été ouverte le 27 juin 1995. Le marché a été adjugé à la Steyr Bus Ges.m.b.H.
Le 18 juillet 1996, EvoBus a demandé au Bundesvergabeamt (Office fédéral des adjudications) de mettre en oeuvre une procédure de recours. À l'appui de sa demande, EvoBus faisait valoir que, dans le cadre de cette adjudication, l'offre avait été modifiée a posteriori, de sorte que le prix de rachat des autobus était passé de 34 % à 55 %.
Le Bundesvergabeamt rencontre le problème suivant: Une directive communautaire de 1992 porte sur les procédures de passation des marchées des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (92/13/CEE) et oblige les États membres à établir les procédures adéquates pour vérifier la légalité des procédures de passation des marchés dans ces secteurs. Cette directive devait être transposée en droit national avant le 1er janvier 1993, mais l'Autriche l'a mis en oeuvre en 1997 seulement. À la date du recours présenté par EvoBus (le 18 juillet 1996) la directive communautaire n'était donc pas transposée en droit autrichien. Au surplus il existe des dispositions autrichiennes, selon lesquelles les entités adjudicatrices dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications sont explicitement exlues du système de recours, qui est prévu en matière de procèdures de passation de marchés publics de travaux et de fournitures. Pour ces deux raisons le Bundesvergabeamt devrait donc se déclarer incompétent pour la vérification necessaire. Dans ces conditions, le Bundesvergabeamt a décidé de suspendre la procédure et de poser des questions à la Cour de justice des CE, auxquelles celle-ci répond aujourd'hui.
La juridiction de renvoi demande si la directive communautaire doit être interprétée en ce sens que, en l'absence d'une transposition de cette directive à l'échéance du délai prévu, les instances de recours des États membres compétentes en matière de procédures de passation de marchés publics de travaux et de fournitures sont également habilitées à connaître des recours relatifs à des procédures de passation de marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.
La Cour de justice constate que la directive ne peut pas être interprétée en ce sens. Il appartient à l'ordre juridique de chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les litiges qui mettent en cause des droits individuels, dérivés de l'ordre juridique communautaire, étant entendu cependant que les États membres portent la responsabilité d'assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits. Sous cette réserve, il n'appartient pas à la Cour d'intervenir dans la solution des problèmes de compétence que peut soulever, au plan de l'organisation judiciaire nationale, la qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit communautaire. L'article 1er de la directive 92/13, tout en obligeant les États membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir des recours efficaces en matière de marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, n'indique pas les instances nationales compétentes et n'exige pas non plus que ces instances soient les mêmes que celles que les États membres ont désignées en matière de marchés publics de travaux et de fournitures.
Mais la Cour indique que toutefois, les exigences d'une interprétation du droit national conforme à la directive et d'une protection effective des droits des justiciables imposent à la juridiction nationale de vérifier si les dispositions pertinentes du droit national permettent de reconnaître aux justiciables un droit de recours en matière de passation de marchés publics dans les 4 secteurs mentionnés. La juridiction nationale est en particulier tenue de vérifier si ce droit de recours peut s'exercer devant les mêmes instances que celles prévues en matière de passation de marchés publics de fournitures et de travaux.
Face aux dispositions autrichiennes mentionnées, excluant du système de recours les quatre entités reglées par la directive communautaire, la Cour rappelle dans le droit fil de sa jurisprudence Francovich que, si les dispositions nationales ne peuvent pas être interprétées de manière conforme à la directive, les intéressés peuvent demander, selon les procédures appropriées du droit national, la réparation des dommages subis en raison de l'absence de transposition de la directive dans le délai prescrit.
Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice. Langues disponibles : allemand et français. Pour le texte intégral de l'arrêt veuillez consulter notre page Internet www.curia.eu.int aux alentours de 15 heures ce jour. Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme Ulrike Städtler tél. (3 52) 43 03 32 55 fax (3 52) 43 03 27 34. |