L'Avocat général FENNELLY vient de rendre ses conclusions dans le cadre du recours en manquement introduit contre la France en avril 1997 par la Commission, qui reprochait à celle-ci de n'avoir pas respecté, à la date limite du 3 septembre 1995, la directive communautaire relative à la protection des oiseaux sauvages. Il estime qu'à cette date, la superficie protégée était insuffisante. Entre-temps, la France a, par un décret du 30 décembre 1997, étendu la zone classée. La Cour de justice rendra son arrêt prochainement.
Suite à la réception, au mois d'août 1991, de deux plaintes relatives à la construction d'un dépôt de traitement et de stockage de titanogypse dans l'estuaire de la Seine, la Commission a entamé un échange de correspondance avec les autorités françaises, les invitant à prendre les mesures requises pour se conformer à la directive européenne concernant la protection des oiseaux sauvages. Le 3 juillet 1995, la Commission a adressé à la France un avis motivé l'invitant à prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois, soit au plus tard le 3 septembre 1995. Estimant n'avoir pas obtenu satisfaction, la Commission a introduit, le 30 avril 1997, un recours en manquement auprès de la Cour de justice.
La directive communautairee de 1979 concernant la protection des oiseaux sauvages impose aux Etats membres notamment de classer en zone de protection spéciale (ZPS) les territoires les plus appropriés à la conservation des espèces menacées et migratrices dans la zone géographique terrestre et maritime visée par la directive. Elle impose également aux Etats membres d'éviter la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations significatives touchant les oiseaux dans les zones ainsi classées.
L'estuaire de la Seine est une des zones humides les plus importantes du littoral français sur le plan ornithologique. Elle est fréquentée par de nombreuses espèces menacées et par des espèces migratrices pour lesquelles une protection spéciale est requise en vertu de la directive. Aux termes d'une convention passée entre le ministre français de l'Environnement et les Ports Autonomes du Havre et de Rouen en avril 1985, 2.000 hectares ont été désignés comme d'intérêt écologique à long terme, et 1.300 hectares comme devant être préservés dans l'attente d'une utilisation industrielle ou portuaire. En 1990, 2.750 hectares de territoire protégé ont été classés en ZPS.
Une étude scientifique réalisée en 1994 et publiée par le Ministère français de l'Environnement a identifié les sites d'importance majeure accueillant des oiseaux sauvages réputés d'intérêt communautaire et international selon les critères de la directive. Une zone de 21.900 hectares dans l'estuaire de la Seine s'y trouve répertoriée.
A la suite d'une nouvelle étude scientifique, un décret du 30 décembre 1997 a institué la réserve naturelle de l'estuaire de la Seine et classé 14.500 hectares supplémentaires en ZPS.
Dans son recours, la Commission formule trois griefs à l'encontre de la France. Elle lui reproche de n'avoir pas classé une ZPS suffisamment étendue dans l'estuaire de la Seine dans le délai fixé par l'avis motivé, d'avoir adopté un régime de protection juridiquement inapproprié pour la ZPS classée en 1990 et d'avoir permis la construction d'une usine de titanogypse qui aurait entraîné la détérioration de la ZPS.
Dans les conclusions qu'il a prononcées ce matin, l'Avocat général Fennelly propose à la Cour de déclarer fondé le premier grief et de rejeter le recours de la Commission pour le surplus.
Il relève tout d'abord que la France a reconnu expressément que la ZPS classée en 1990 était d'une superficie insuffisante, situation qui a perduré jusqu'à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé du 3 juillet 1995. L'Avocat général propose donc à la Cour de déclarer que, faute d'avoir, au 3 septembre 1995, classé en ZPS un territoire suffisamment étendu de l'estuaire de la Seine au regard de la directive, la France a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de celle-ci.
En ce qui concerne ensuite l'insuffisance du régime juridique de protection de la ZPS mis en place par la convention de 1985, l'Avocat général constate que celle-ci n'était plus en vigueur à la date d'expiration du délai imparti à la France pour se mettre en conformité avec l'avis motivé, soit le 3 septembre 1995. Or, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'Etat membre concerné telle qu'elle se présentait à cette date. En conséquence, il propose à la Cour de rejeter ce grief.
Enfin, en ce qui concerne la construction d'une usine de titanogypse dans l'estuaire de la Seine, l'Avocat général relève que, ainsi que la Commission l'a elle-même précisé, le site litigieux, d'une superficie de 50 hectares, se trouve dans une enclave située à l'intérieur de la ZPS classée en 1997, mais non comprise dans celle-ci. Or, constate l'Avocat général, la Commission ne démontre pas que le site faisait partie des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces protégées, et que la France était de ce fait tenue de les classer en ZPS. Il suggère donc à la Cour de rejeter ce grief également.
Les conclusions de l'Avocat général constituent un avis juridique détaillé donné en toute indépendance et impartialité. Elles ne lient pas la Cour. Celle-ci rendra son arrêt ultérieurement.
Nota Bene:
La France, qui avait déjà été condamnée par un arrêt du 27 avril 1988 pour non transposition de la directive concernant la protection des animaux sauvages, fait par ailleurs l'objet de deux nouvelles procédures, introduites par la Commission.
L'une constitue l'application de la disposition prévue par le Traité de Maastricht, en vertu de laquelle un Etat membre qui a fait l'objet d'une première condamnation pour manquement et qui ne respecte pas les prescriptions de l'arrêt, peut faire l'objet d'un second recours en manquement devant la Cour, et se voir condamné au paiement d'une astreinte calculée par jour d'infraction. En l'espèce, la Commission demande que l'astreinte soit fixée à 105.500 écus par jour de retard.
Dans la seconde procédure, la Commission reproche à la France de n'avoir pas classé le site "Basse Corbières" en zone de protection spéciale de certaines espèces d'oiseaux.
Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice. Langue disponible : le français.
Pour le texte intégral des conclusions veuillez consulter notre page Internet www.curia.eu.int aux alentours de 15 heures ce jour. Les conclusiosn sont disponibles en français et en anglais.
Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme Cruysmans tél. (0 03 52) 43 03 - 32 05 fax (0 03 52) 43 03 - 25 00.