La Cour considère qu'une réduction de 50.000 écus du montant de l'amende de 3 millions d'écus infligée à une entreprise pour violation des règles de concurrence, constitue une "satisfaction équitable" en raison d'une durée excessive de la procédure devant le Tribunal de première instance
La Commission a adopté le 2 août 1989 la décision 89/515/CEE, par laquelle elle a infligé à quatorze producteurs de treillis soudé une amende pour violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE. Les restrictions illicites de la concurrence consistaient en une série d'accords et/ou de pratiques concertées ayant pour objet la fixation de prix et/ou de quotas de livraison ainsi que la répartition des marchés du treillis soudé. Ces ententes concernaient, selon la décision, différents marchés partiels (les marchés français, allemand et du Benelux), mais affectaient le commerce entre les États membres puisque y participaient des entreprises établies dans plusieurs États membres. Une des entreprises concernées, la Baustahlgewebe GmbH, société de droit allemand, s'était vu infliger une amende de 4,5 millions d'écus.
Le 20 octobre 1989, Baustahlgewebe a introduit un recours en annulation de cette décision devant la Cour de justice. Le 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de première instance créé en septembre de la même année, de même que les recours introduits contre la même décision par dix autres producteurs de treillis soudé. En ce qui concerne Baustahlgewebe, le Tribunal a, par arrêt du 6 avril 1995, annulé partiellement la décision de la Commission et réduit l'amende à 3 millions d'écus. Le 14 juin 1995, Baustahlgewebe a introduit un pourvoi devant la Cour, demandant l'annulation de l'arrêt du Tribunal.
Après un examen approfondi, la Cour a rejeté la majorité des arguments invoqués par Baustahlegewebe, estimant que le Tribunal avait rendu sa décision de manière conforme au droit communautaire.
Concernant l'argument tiré de la durée excessive de la procédure, la Cour a admis par contre que le délai dans lequel le Tribunal a statué est excessif. Elle rappelle que le principe général du droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable s'inspire des droits fondamentaux prévus par la Convention européenne des droits de l'homme et inclut le droit à un procès dans un délai raisonnable.
Or, la procédure a commencé le 20 octobre 1989, date du dépôt de la requête, et s'est achevée le 6 avril 1995, date du prononcé de l'arrêt attaqué, soit une période de cinq ans et six mois. La Cour relève que le recours de la requérante constituait l'un des onze recours, formulés en trois langues de procédure différentes, joints aux fins de l'audience, et nécessitait un examen approfondi de documents relativement volumineux et de questions de fait et de droit d'une certaine complexité.
La Cour reconnaît que la structure du système juridictionnel communautaire, notamment l'existence d'un double degré de juridiction, justifie que le Tribunal, qui est seul compétent pour établir les faits
et procéder à l'examen matériel du litige, dispose de plus de temps pour instruire les affaires particulièrement complexes. Toutefois, cette mission ne dispense pas le Tribunal de respecter le principe d'un délai raisonnable dans le traitement des affaires dont il est saisi.
En l'espèce, la Cour a considéré qu'il n'y avait pas de contraintes inhérentes à la procédure, liées au régime linguistique par exemple, ni de circonstances exceptionnelles, justifiant un délai de 66 mois entre le dépôt de la requête et l'arrêt du Tribunal. Tout en tenant compte de la complexité de l'affaire, la Cour a conclu que la procédure devant le Tribunal avait dépassé les limites du délai raisonnable. Pour des raisons d'économie de procédure, et afin de remédier efficacement à cette irrégularité, la Cour a décidé d'annuler l'arrêt attaqué dans la mesure où il fixe le montant de l'amende à la somme de 3 millions d'écus. En revanche, étant donné que rien ne permet de conclure que la durée de la procédure aurait eu une incidence sur la solution du litige, la Cour a refusé d'annuler l'arrêt attaqué dans son ensemble comme le demandait Baustahlgewebe.
Estimant qu'un montant de 50 000 écus constitue une "satisfaction équitable", en raison de la durée excessive de la procédure, la Cour a donc réduit le montant de l'amende initiale à la somme de 2 950 000 écus et a rejeté le pourvoi pour le surplus.
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