L'Avocat général Cosmas propose à la Cour de reconnaître comme "activité économique" la pratique du judo par un sportif amateur de haut niveau, dans certaines conditions, tout en laissant aux autorités sportives un pouvoir d'auto-réglementation des questions non économiques concernant ce sport.
Mlle Deliège pratique le judo depuis 1983. Dès 1987, elle a obtenu d'excellents résultats dans la catégorie des moins de 52 kg.
Le judo est organisé à l'échelle mondiale par la Fédération internationale de judo (F.I.J.). Au niveau européen, la fédération de l'Union européenne de judo (U.E.J.) regroupe les différentes fédérations nationales. En Belgique, la Ligue belge de judo organise les compétitions internationales et procède à la sélection des athlètes en vue de leur participation aux tournois internationaux.
Devant le tribunal de première instance de Namur, Mlle Deliège a soutenu que les fédérations belges avaient entravé abusivement sa carrière en ne l'admettant pas à participer aux compétitions importantes, notamment aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 et aux Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996. Elle estime qu'elle exerce une activité économique dont la libre prestation est garantie par le droit communautaire.
Le tribunal belge a interrogé la Cour de justice sur la compatibilité d'une réglementation édictée par des autorités sportives avec le droit communautaire, notamment quant à l'exigence pour un sportif professionnel (ou semi-professionnel ou candidat à un tel statut) d'être en possession d'une autorisation ou d'une sélection de sa fédération nationale pour pouvoir concourir dans une compétition internationale.
Mlle Deliège exerce individuellement un sport considéré comme amateur. Le mécanisme de sélection des sportifs aux Jeux Olympiques permet aux fédérations nationales, et à elles seules, en fonction de quotas nationaux fixés à l'avance, d'inscrire les sportifs à ces compétitions.
L'Avocat général souligne tout d'abord dans ses conclusions que la question posée à la Cour concerne l'application des principes fondamentaux de libre prestation de service et de saine concurrence dans le cadre des relations entre les sportifs et leurs fédérations.
Le problème concerne le caractère économique ou non de l'activité sportive de la judoka: cette éventuelle qualification emportera en effet l'application des règles de droit communautaire, notamment celles relatives à la libre circulation des travailleurs et à la libre prestation de service.
L'Avocat général analyse les prestations effectuées par Mlle Deliège. Il évalue en particulier la nature juridique des "aides" qu'elle reçoit. Sans qu'il soit besoin d'examiner si les sommes versées correspondent à la contrepartie exacte des services fournis, et sans s'attacher à la dénomination de ces sommes, le mécanisme des aides versées aux athlètes est analysé sous l'angle de la possibilité qu'elles donnent au sportif amateur de haut niveau recevant ces contributions en raison de ses excellents résultats, de se consacrer à sa carrière comme le ferait un professionnel.
Reconnaissant que dans la très grande majorité des cas la pratique du judo est dépourvue de caractère économique, l'Avocat général distingue ainsi les athlètes purement amateurs des autres, qui, tout en n'étant pas de purs professionnels se trouvent être placés juridiquement dans une situation intermédiaire: recherchant des ressources nécessaires à leur existence, ils exercent leur activité de manière continue et perçoivent des aides économiques dont l'objectif dépasse la simple amélioration de leurs performances.
Le juge national examinera ces critères pour en tirer ses conclusions quant à la qualification de l'activité sportive en cause, l'Avocat général retenant que Mlle Deliège exerce bien une activité économique.
L'Avocat général étudie plus généralement les rapports existant entre le sport et la vie économique pour affirmer que l'activité sportive sera d'autant plus assujettie aux règles de droit communautaire que cette relation sera plus étroite. Le sponsoring, qui suppose l'accomplissement de performances élevées par les athlètes supportant les services publicitaires qu'il implique, contribue à renforcer ce lien. La manifestation sportive peut également être présentée comme un spectacle accessible contre paiement, devenir même un produit télévisuel générateurs de droits et offrir le cadre d'une promotion publicitaire.
Les règles édictées pour organiser les compétitions sont- elles spécifiquement sportives et dénué de tout aspect économique susceptibles ainsi, d'après l'Avocat général, d'échapper aux principes garantissant la libre prestation de service? L'objectif poursuivi est reconnu comme purement sportif : encadrer et promouvoir les équipes nationales dans la perspective des Jeux Olympiques. Le droit communautaire reconnait, d'après lui, aux autorités sportives un pouvoir limité d'auto-gestion et d'auto-réglementation des questions non économiques. Les restrictions à la libre circulation peuvent être tolérées pour la poursuite d'une nécessité d'intérêt public (ici, les intérêts des équipes nationales et la nécessité d'assurer le caractère représentatif des compétitions). L'Avocat général conclut donc que les réglementations concernées et imposant à des athlètes d'obtenir des autorisations pour participer à des tournois internationaux et limitant le nombre de sportifs choisis par les fédérations pour y participer, ne sont pas contraires au droit communautaire.
Il ne semble pas, enfin, à l'Avocat général que les éléments de fait et de droit suffisants aient été portés à la connaissance de la Cour de justice pour que cette dernière puisse se prononcer valablement sur les atteintes portées au droit de la concurrence. Il n'en définit pas moins la judoka comme "une entreprise" et les fédérations comme des "associations d'entreprises" sans retenir pour autant qu'une atteinte ait été portée aux règles permettant une saine concurrence.
NB: l'opinion de l'Avocat général n'est pas contraignante. Son rôle consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique.
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Pour le texte intégral des conclusions, veuillez consulter notre page Internet www.curia.eu.int aux alentours de 15 heures ce jour.
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