Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE nº33/99

19 mai 1999

Arrêt du Tribunal dans les affaires T-34/96 et T-163/96

Connolly c/ Commission

LA LIBERTE D'EXPRESSION DES FONCTIONNAIRES COMMUNAUTAIRES DOIT S'EXERCER DANS LE RESPECT DE LEURS OBLIGATIONS STATUTAIRES. LE CARACTERE RAISONNABLE DES LIMITATIONS DECOULANT DU STATUT EST APPRECIE SCRUPULEUSEMENT PAR LE JUGE COMMUNAUTAIRE.


Le Tribunal de première instance confirme la décision de la Commission révoquant un fonctionnaire pour avoir publié un ouvrage portant atteinte à la dignité de sa fonction et aux intérêts de son institution.

Monsieur Connolly, haut fonctionnaire communautaire responsable d'une unité de la direction des affaires monétaires de la Commission, a publié, pendant une période de congé "pour convenance personnelle" obtenue en juin 1995, un livre intitulé: "The rotten heart of Europe. The dirty war for Europe's money".

Ayant réintégré les services de la Commission en octobre 1995, Monsieur Connolly a fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour violation des obligations imposées par le statut de la fonction publique communautaire. Monsieur Connolly n'avait pas demandé, comme il y était tenu, l'autorisation de publier son ouvrage, dont le contenu nuisait, selon la Commission, à la réalisation de l'Union économique et monétaire qu'il avait pour fonction de mettre en oeuvre ainsi qu'à l'image et à la réputation de l'institution. L'ensemble de son comportement était en outre considéré comme ayant porté atteinte à la dignité de sa fonction.

Après avis du conseil de discipline, Monsieur Connolly a finalement été révoqué (sans suppression ni réduction de ses droits à pension) le 16 janvier 1996.

Monsieur Connolly a saisi le Tribunal de première instance le 18 octobre 1996 afin d'obtenir l'annulation de l'avis du conseil de discipline et de la décision de révocation le frappant.

Dans son analyse, le Tribunal est amené à se prononcer sur différents aspects du statut, notamment quant à leur compatibilité avec la liberté d'expression des fonctionnaires.

Le Tribunal confirme tout d'abord l'impossibilité statutaire pour les fonctionnaires d'accepter, sans autorisation, des rémunérations de source extérieure à leur institution. Cette interdiction est motivée par la nécessité de garantir leur indépendance et leur loyauté.

Le Tribunal juge ensuite que la liberté d'expression, par ailleurs garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est un principe fondamental du droit communautaire qui doit également bénéficier aux fonctionnaires. Les dispositions imposant au fonctionnaire de s'abstenir de tout acte, et en particulier de toute expression publique d'opinions, pouvant porter atteinte à la dignité de sa fonction ne méconnaissent cependant pas le principe fondamental de la liberté d'expression. Le Tribunal renvoie aux objectifs poursuivis à savoir garantir une image de dignité conforme à la conduite à attendre des membres de la fonction publique communautaire et préserver la loyauté du fonctionnaire à l'égard de l'institution qui l'emploie, loyauté qui s'impose d'autant plus s'il a un grade élevé. Même si Monsieur Connolly avait publié son livre pendant un congé de convenance personnelle, le respect dû à la dignité de sa fonction et l'obligation de loyauté s'imposaient également à lui. En effet, durant un tel congé, le lien qu'entretient le fonctionnaire avec son employeur n'est pas rompu et il conserve le même statut.

La nécessité d'obtenir une autorisation de publication préalable, qui n'est exigée que lorsque le texte en cause se rattache à l'activité des Communautés (y compris durant les périodes de congé pour convenance personnelle) ne porte pas non plus atteinte à la liberté d'expression des fonctionnaires. Il est souligné qu'un refus de publication ne peut être opposé qu'à titre exceptionnel, et sous le contrôle du juge communautaire, lorsque les intérêts des Communautés sont mis en jeu. En outre, la seule absence d'autorisation préalable n'entraîne pas la révocation, la décision concernant Monsieur Connolly s'expliquant essentiellement par son comportement, le caractère polémique de son ouvrage et la nature de certains propos, jugés comme ayant porté atteinte à l'honneur de plusieurs personnes.

Le Tribunal, retenant la réalité des faits reprochés et leur gravité, rejette le recours formé par Monsieur Connolly.

N.B: Les autres recours intentés par Monsieur Connolly contre la Commission pour obtenir l'annulation de la décision le suspendant (affaire T-203/95) et pour obtenir réparation du préjudice matériel et moral subi à la suite de la publication dans la presse d'informations le concernant (affaire T-214/96) ont également été rejetés.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas le Tribunal de première instance. Langues disponibles : anglais et français.

Pour le texte intégral de l'arrêt veuillez consulter notre page Internet www.curia.eu.int aux alentours de 15 heures ce jour.

Pour de plus amples informations veuillez contacter M. Jean-Michel Rachet, tél. (0 03 52) 43 03 - 32 05 fax (0 03 52) 43 03 - 20 34.