L'Avocat général examine les exigences de la directive communautaire sur la coordination des dispositions nationales relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux
Le ministère fédéral de la Science et du Transport autrichien, pouvoir adjudicateur, a publié en mai 1996 un appel d'offres en vue de l'installation sur les autoroutes autrichiennes d'un système électronique permettant la transmission automatique de certaines données. Le marché a été attribué le 5 septembre 1996 et le contrat a été conclu le même jour avec le soumissionnaire choisi, la société de droit autrichien Kapsch AG. D'autres soumissionnaires, dont Alcatel Austria AG et Siemens AG, en ont eu connaissance par voie de presse. Le 18 septembre 1996, le Bundesvergabeamt a rejeté leurs demandes en référé tendant à interdire l'exécution du contrat déjà conclu puis, dans sa décision sur le fond du 4 avril 1997, a constaté diverses infractions à la législation autrichienne et, notamment, que l'attribution n'avait pas été faite à la meilleure offre. Cette juridiction a de nouveau été saisie dans les procédures de pourvoi qui ont suivi.
Selon le droit autrichien (Bundesvergabegesetz), l'attribution du marché correspond à la déclaration faite au soumissionnaire que son offre est acceptée et le contrat est considéré comme conclu lorsque la décision d'attribution est communiquée au soumissionnaire retenu.
Le Bundesvergabeamt est juge des conditions de l'attribution du marché, et se prononce, par exemple, sur les demandes d'ordonnances de référé et sur l'annulation des décisions illégales du pouvoir adjudicateur. Après l'attribution du marché, le Bundesvergabeamt ne peut que constater l'existence d'une éventuelle violation des dispositions légales. Les soumissionnaires évincés à tort ne peuvent plus alors que réclamer des dommages-intérêts devant les juridictions civiles.
Le Bundesvergabeamt estime que, formellement, la décision d'attribution est antérieure à la conclusion du contrat. Mais elle n'est pas communiquée aux autres intéressés avant son envoi au soumissionnaire choisi, envoi qui, tout en constituant le premier effet externe de la décision, scelle également le contrat. La décision d'attribution en tant que telle, celle par laquelle le pouvoir adjudicateur choisit le soumissionnaire avec lequel il va contracter, n'est donc pas attaquable en réalité compte tenu du mécanisme appliqué. Les soumissionnaires évincés n'en ont, d'ailleurs, généralement pas connaissance. La législation nationale applicable a donc pour effet d'exclure la possibilité d'un recours en annulation contre la décision d'attribution.
Le Bundesvergabeamt se demande, si le droit communautaire n'exige pas un contrôle plus efficace, et en l'occurrence la possibilité d'attaquer la décision d'attribution. Le Bundesvergabeamt a interrogé la Cour de justice sur ce point.
L'Avocat général, agissant en totale indépendance et impartialité, assiste la Cour en analysant les circonstances de fait et les problèmes juridiques posés par l'affaire et en formulant des recommandations à la Cour sur les réponses que celle-ci doit, à son avis, apporter aux questions soumises par la juridiction nationale. Ses conclusions ne lient pas la Cour.
L'Avocat général estime que la directive impose aux États membres de prévoir dans tous les cas que la décision d'attribution d'un marché puisse faire l'objet d'une procédure de recours permettant à un soumissionnaire écarté d'obtenir son éventuelle annulation.
Selon lui, l'objectif de la directive communautaire consiste en la mise en place des recours les plus efficaces possibles, en particulier à un stade où d'éventuelles violations peuvent encore être corrigées. La directive implique que la conclusion du contrat et l'attribution du marché sont deux stades de la procédure de passation du marché qui ne doivent pas coïncider dans le temps. La directive envisage donc clairement une dissociation en deux phases de la procédure de recours. Avant la conclusion du contrat, la directive impose notamment aux États membres de prévoir une protection juridique complète.
Une procédure séparée permettant l'examen en temps utile de la question de la validité de la décision d'attribution doit donc exister. L'effet utile de la directive exige qu'un recours en annulation soit possible contre la décision d'attribution. Il s'ensuit nécessairement qu'un délai raisonnable, tenant certes compte de la brièveté des procédures de passation des marchés, doit s'écouler entre le moment où la décision d'attribution est communiquée aux soumissionnaires évincés, qui peuvent donc la contester, et la conclusion du contrat. La juridiction nationale saisie du litige doit écarter, pour autant que de besoin, les dispositions nationales contraires à la directive.
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