Dans ses conclusions, l'avocat général soutient que les travailleurs migrants français ne doivent être soumis qu'à la législation de sécurité sociale de l'État membre dans lequel ils exercent leur activité.
Par deux recours distincts, la Commission des Communautés européennes a contesté, en 1998, des éléments du financement du régime de sécurité sociale français, et en particulier la "contribution pour le remboursement de la dette sociale" ("CRDS") ainsi que la "contribution sociale généralisée" ("CSG"), instituées respectivement en 1996 et 1991.
Sont tenues au paiement de ces deux prélèvements toutes les personnes physiques considérées comme ayant leur résidence fiscale en France aux fins de l'impôt sur le revenu. Le produit de ces prélèvements fait l'objet d'une affectation spéciale, à savoir le soutien du système de sécurité sociale français.
Cependant, tandis que la CRDS est prélevée par l'administration fiscale (et est destinée ensuite à apurer la dette du régime général de sécurité sociale pour les exercices 1994, 1995 et 1996), la CSG est prélevée directement par les institutions de sécurité sociale, selon les mêmes modalités que les cotisations obligatoires.
En outre, la CSG, en raison des difficultés rencontrées dans le recouvrement de ce prélèvement, a été suspendue en 1994 à l'égard de ceux qui perçoivent des revenus de l'étranger.
La caractéristique commune de ces contributions réside dans le fait qu'elles grèvent les revenus d'activité et de remplacement (pensions et indemnités de chômage) ayant leur source à l'étranger et soumis en France à l'impôt sur le revenu, dans le respect bien évidemment des conventions fiscales conclues en vue d'éviter les doubles impositions.
La Commission estime qu'il s'agit de cotisations et non pas de taxes et reproche à la France de retenir une base imposable constituée de ces mêmes revenus, fruit de la mobilité des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, sur lesquels pèsent déjà les cotisations obligatoires de sécurité sociale versées dans un autre État membre en vertu de la réglementation communautaire et en particulier du règlement relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Celui-ci prévoit que les travailleurs qui relèvent de son champ d'application sont soumis exclusivement à la législation de l'État membre dans lequel ils exercent leur activité.
La France, pour sa part, estime qu'il n'existe pas de mesure communautaire d'harmonisation, et que, puisque le règlement ne prévoit qu'une simple coordination entre les législations nationales, les États membres conservent une large liberté d'aménagement. En outre, la CRDS et la CSG auraient une nature typiquement fiscale, qui en tant que telle ne permettrait pas de les faire entrer dans le champ d'application du règlement.
De l'avis de l'avocat général, la nature du prélèvement (impôt ou cotisation) est sans importance lorsqu'il s'agit d'apprécier si la France a commis un manquement. Les États membres doivent respecter le droit communautaire et, en particulier, le règlement sur les régimes de sécurité sociale, indépendamment du fait qu'ils exercent leurs compétences propres dans le domaine de la fiscalité directe plutôt que dans celui de la sécurité sociale.
L'avocat général vérifie par conséquent si la CRDS et la CSG entrent dans le champ d'application du règlement. Celui-ci, établissant un système de règles de conflit visant à soustraire au législateur de chaque État membre le pouvoir de déterminer la portée et les conditions d'application de sa propre législation nationale, fait référence, de façon large, à toute mesure qui concerne les branches de la sécurité sociale. Ainsi, la destination spécifique de ces charges (alimentation du système de sécurité sociale français: dans le cas de la CRDS, à travers l'apurement de la dette sociale des organismes de sécurité sociale, et dans le cas de la CSG, avec la création d'une sorte de progressivité contributive en fonction du revenu imposable) fait que ces charges appartiennent à la législation de sécurité sociale française entendue au sens large.
L'avocat général en déduit par conséquent que les charges sociales en question sont incompatibles avec le principe de la libre circulation des personnes, ainsi qu'avec le règlement relatif aux régimes de sécurité sociale, dans la mesure où, parmi tous ceux qui ont leur résidence fiscale en France, ces charges touchent également les travailleurs migrants et grèvent la même base imposable que celle sur laquelle ont déjà été prélevées les cotisations de l'État membre dans lequel ces mêmes travailleurs exercent (ou ont exercé) une activité professionnelle et qui constitue le fruit de l'exercice de la liberté de circulation garantie par le traité.
NB: Les conclusions de l'avocat général ne lient pas la Cour de justice. Son rôle consiste à proposer à la Cour de justice, en toute indépendance, une solution juridique à l'affaire.
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