L'Avocat général examine la compatibilité avec le droit communautaire des règles de procédure gouvernant au Royaume-Uni les recours destinés à faire valoir un droit à l'affiliation rétroactive à un régime professionnel de pensions.
En 1994, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu des arrêts confirmant que le droit à l'affiliation à un régime professionnel de pensions relevait du champ d'application des dispositions du traité CE qui garantissent l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (article 119 du traité CE), notamment dans le domaine du travail à temps partiel. La Cour a jugé que les travailleurs pouvaient invoquer ces dispositions pour exiger rétroactivement l'égalité de traitement quant au droit à l'affiliation à un régime professionnel de pensions à compter du 8 avril 1976, date du premier arrêt de la Cour reconnaissant l'effet direct de ces dispositions.
Au Royaume-Uni, plusieurs régimes professionnels de pensions excluaient, par le passé, l'affiliation des travailleurs à temps partiel. Entre 1986 et 1995, ces régimes de pensions ont été modifiés pour permettre aux travailleurs à temps partiel de s'affilier dans les mêmes conditions que les travailleurs à temps plein.
Néanmoins, des particuliers ont saisi les tribunaux britanniques en faisant valoir que leur exclusion des régimes de pensions concernés était contraire au traité CE. Ils souhaitaient faire reconnaître leur droit à être affilié rétroactivement à ces régimes de pensions pour les périodes d'emploi à temps partiel qu'ils avaient accomplies avant la modification de ces régimes.
Ainsi, 60 000 procédures ont été engagées devant les juridictions du Royaume-Uni. 22 d'entre elles ont été retenues par les autorités britanniques comme "affaires-test" pour trancher des questions liminaires de droit.
Ces questions de droit posent essentiellement le problème de la compatibilité des règles de procédure prévues par la législation britannique (l'Equal Pay Act, adopté en 1970) avec le droit communautaire. En effet, une première règle exige que les travailleurs introduisent leur recours en justice dans un délai de six mois à compter de la fin de leur emploi. Une autre règle limite aux deux années qui ont précédées la date de l'introduction du recours, la période pour laquelle les travailleurs peuvent obtenir le droit à être affilié rétroactivement au régime de pensions dont ils ont été exclus.
Les tribunaux britanniques de première instance et d'appel ont considéré que ces deux règles de procédure étaient conformes au droit communautaire. La House of Lords a cependant décidé d'interroger la Cour de justice.
L'Avocat général propose à la Cour de considérer comme compatible avec le droit communautaire le délai de 6 mois qui commence à courir à partir de la fin de l'emploi du travailleur. Il estime que le principe de la sécurité juridique, qui protège à la fois les justiciables et les administrations concernés, justifie l'application d'un délai au-delà duquel les travailleurs ne peuvent plus introduire de recours en justice. En outre, l'Avocat général pense qu'un délai de 6 mois peut être considéré comme "raisonnable" au regard de la jurisprudence de la Cour.
L'Avocat général examine également la situation particulière de certains travailleurs. Il s'agit de professeurs ou de chargés de cours qui travaillent de manière régulière pour le même établissement scolaire, mais en vertu de contrats successifs et juridiquement distincts. L'Avocat général précise que le délai de six mois s'applique à ces travailleurs et commence à courir à compter de la date d'expiration de chaque contrat de travail.
En revanche, l'Avocat général propose à la Cour de déclarer comme incompatible avec le droit communautaire la règle de procédure qui, en cas de succès du recours, limite à deux ans (précédant la date de l'introduction du recours) la période pour laquelle le travailleur peut obtenir le droit à être affilié rétroactivement au régime professionnel de pensions dont il a été exclu. L'Avocat général se base sur une jurisprudence de la Cour datant de 1997 et conclut que cette règle de procédure est contraire au "principe d'effectivité" parce qu'elle rend impossible en pratique, ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés aux travailleurs britanniques par l'ordre juridique communautaire.
Quant aux conséquences de l'arrêt qui pourrait suivre les conclusions de l'Avocat général, ce dernier n'estime pas nécessaire d'en limiter les effets dans le temps. Si les conséquences financières existent pour les régimes professionnels de pensions concernés, elles sont difficiles à évaluer. L'Avocat général estime que, de toute façon, les travailleurs ne pourront obtenir leur affiliation rétroactive aux régimes en cause et le versement des prestations qui en découlent que s'ils acquittent préalablement les cotisations afférentes à l'ensemble des périodes d'emploi à temps partiel qu'ils souhaitent faire reconnaître.
N.B: Les conclusions de l'Avocat général constituent un avis juridique détaillé donné en toute indépendance et impartialité. Elles ne lient pas la Cour. Celle-ci rendra son arrêt ultérieurement.
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