Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE nº 84/99

26 octobre 1999

Conclusions de l'avocat général La Pergola dans l'affaire C-285/98

Tanja Kreil/République fédérale d'Allemagne

L'AVOCAT GENERAL LA PERGOLA SUGGERE QUE LES FORCES ARMEES ALLEMANDES SOIENT DAVANTAGE OUVERTES AUX FEMMES


Dans ses conclusions, l'avocat général invite la Cour à déclarer que la directive sur l'égalité de traitement fait obstacle à la règle allemande qui, d'une manière générale, interdit aux femmes de s'engager volontairement dans aucune unité combattante des forces armées

Madame Tanja Kreil est diplômée en électrotechnique et spécialisée dans la technique des installations. En 1996, elle a sollicité son recrutement dans l'armée allemande (Bundeswehr), afin d'être affectée aux services de maintenance électronique des systèmes d'armes. Sa demande a, toutefois, été rejetée parce que, en vertu de la réglementation allemande, les femmes sont exclues de tous les emplois comportant l'usage d'armes et elles ne peuvent être recrutées dans les forces armées que dans les services de santé et les formations de musique militaire.

Le Tribunal administratif de Hanovre - devant lequel Mme Kreil a attaqué le rejet de sa demande - s'est donc adressé à la Cour de justice des Communautés européennes et lui a demandé si une réglementation telle que la réglementation allemande était compatible avec la directive communautaire relative à la mise en oeuvre de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail.

Les dispositions allemandes (loi portant statut des militaires et règlement sur la carrière militaire, ainsi que la constitution elle-même) excluent les femmes de la majeure partie des emplois dans la Bundeswehr, ce qui a pour conséquence de créer une disparité de traitement fondée sur le sexe.

Il y a donc lieu de vérifier si les dispositions allemandes peuvent relever de l'une des dérogations - permises par la directive - à l'interdiction des discriminations, dérogations parmi lesquelles figure celles visant l'hypothèse où le sexe représente une condition déterminante pour des activités professionnelles spécifiques en raison de leur nature ou des conditions de leur exercice ou l'hypothèse des dispositions relatives à la protection de la femme, en ce qui concerne la grossesse et la maternité.

Le gouvernement allemand a justifié les dispositions en question en invoquant l'objectif politique, poursuivi par le législateur depuis 1956, consistant à garantir que les femmes ne seront, en aucun cas, exposées au feu de l'ennemi ni faites "prisonniers de guerre" en tant que combattants, cela en raison de l'histoire de l'Allemagne au cours de ce siècle.

Selon l'avocat général, une dérogation au principe fondamental de l'égalité de traitement ne peut se fonder sur des considérations générales d'ordre social et politique, telles que celles invoquées par le gouvernement allemand. Il ajoute aussi, sur la base de la jurisprudence de la Cour, qu'une dérogation aussi large est abusive, tandis qu'une exception au principe susdit peut être admise pour des activités professionnelles spécifiques pour lesquelles le sexe constitue une exigence décisive.

En fait, l'exclusion des femmes de la Bundeswehr ne se limite pas à des unités spécifiques, mais vise indistinctement tous les secteurs (autres que les services de santé et les formations de musique militaire) et est donc générale. Elle ne pourrait se justifier que si on pouvait démontrer, ce que le gouvernement allemand n'a pas fait, que le sexe masculin constitue une condition décisive pour toutes les unités combattantes.

En conséquence, l'avocat général suggère à la Cour de déclarer que la directive sur l'égalité de traitement fait obstacle à une réglementation, telle que la réglementation allemande, qui interdit aux femmes de s'engager dans aucune unité combattante des forces armées.

Si, par ailleurs, la Cour devait estimer que la réglementation allemande est compatible avec la directive, il appartiendrait au juge national de vérifier si le refus opposé à Mme Kreil peut effectivement être considéré comme justifié et conforme au principe de proportionnalité. A cet égard, l'avocat général a des doutes quant au fait que l'exclusion des femmes de l'armée suffise à garantir que, en aucun cas, elles ne seront exposées au feu de l'ennemi en qualité de combattant. Il mentionne, notamment, le fait que les forces armées fédérales sont dotées d'une structure administrative, de nature civile, composée de 142 000 personnes, parmi lesquelles figurent 49 500 femmes, lesquelles sont probablement destinées, en diverses occasions, à travailler aux côtés des militaires. L'avocat général estime, en outre que l'exclusion des femmes, motivée par des intentions protectrices, peut être en contradiction avec l'emploi des femmes dans les forces de police et chez les pompiers.

NB: Les conclusions de l'avocat général ne lient pas la Cour de justice. Son rôle consiste à proposer à celle-ci, en toute indépendance, une solution juridique du litige.

La division de la presse et de l'information signale, en outre, que la Cour a rendu aujourd'hui son arrêt dans la procédure préjudicielle C-273/97, Sirdar/The Army Board et Secretary of State for Defence, introduite par l'Industrial Tribunal de Bury St Edmunds. Mme Sirdar, cuisinière dans l'armée britannique depuis 1983, avait demandé à être transférée dans le corps des Royal Marines. Sa demande a été rejetée. La Cour a jugé que la directive sur l'égalité de traitement s'applique au secteur des forces armées et qu'il n'existe aucune dérogation générale; l'exclusion des femmes est, cependant, admissible dans des situations bien déterminées, pour des unités combattantes spéciales comme les Royal Marines.

Pour de plus amples informations, nous vous invitons à lire le communiqué de presse pertinent.

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