Le Tribunal de première instance a organisé un colloque, le 19 octobre 1999, pour célébrer son dixième anniversaire.
Le Conseil des Communautés européennes a adjoint à la Cour de justice un Tribunal de première instance en 1989 (décision du Conseil du 24 octobre 1988).
Le Tribunal, composé de 15 juges nommés d'un commun accord par les gouvernements des Etats membres, est l'organe juridictionnel de première instance des Communautés européennes. Il est désormais compétent pour statuer sur tous les recours introduits par les personnes physiques et morales contre les décisions des institutions communautaires, dans tous les domaines parmi lesquels peuvent être notamment cités : la concurrence, les aides d'Etats, l'anti-dumping, la transparence et l'accès aux documents administratifs des institutions. Il traite le contentieux de la fonction publique communautaire et est amené à connaître des recours dirigés contre les décisions de l'Office d'harmonisation dans le marché intérieur ("OHMI") dans le domaine de la marque communautaire.
Son activité n'a cessé de croître depuis 10 ans. D'un point de vue quantitatif, il a eu à régler environ 3.000 recours depuis sa création. Pour la seule année 1998, 319 affaires ont été réglées. 262 dossiers ont été par ailleurs déjà réglés depuis le début de l'année 1999.
Le colloque a permis aux participants d'aborder deux sujets essentiels pour la protection accrue des droits des citoyens et des entreprises : bilan de 10 ans de protection juridictionnelle des justiciables ; la transparence dans les institutions communautaires.
Pour plus d'informations, contacter Jean-Michel RACHET, Tél. 00 352 4303.3205, Fax 00352 4303.2034.
Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Membres de la Cour,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je souhaite la bienvenue à toutes celles et ceux qui ont répondu favorablement à notre invitation. J'adresse, en particulier, de chaleureux remerciements aux excellents juristes qui ont aimablement accepté de traiter les thèmes retenus par les juges du Tribunal.
Nous sommes réunis pour célébrer dix années d'activité juridictionnelle du Tribunal de première instance des Communautés européennes. En effet, le 25 septembre 1989, les premiers membres de cette juridiction prêtaient serment devant la Cour et la première décision était prononcé trois mois plus tard, en décembre 1989.
Permettez-moi de rappeler que c'est l'Acte unique européen qui a ouvert la voie à l'innovation institutionnelle qu'a été la création de cette nouvelle juridiction communautaire. Les objectifs déclarés, inscrits dans les considérants de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant le Tribunal, étaient d'améliorer la protection juridictionnelle des justiciables par l'instauration d'un double degré de juridiction et de permettre à la Cour de se concentrer sur sa tâche essentielle, celle d'assurer une interprétation uniforme du droit communautaire.
A l'origine limitée aux contentieux de la concurrence, de la fonction publique communautaire et aux recours indemnitaires, la compétence du Tribunal a été progressivement élargie pour s'étendre, désormais, à tous les recours directs formés par les particuliers. Comment ne pas voir dans ces extensions successives de compétence la preuve que les objectifs initialement assignés au Tribunal ont été atteints ?
En dix ans, environ 2 000 affaires ont été réglées.
A présent, le Tribunal fait face à une lourde charge de travail avec les moyens qui sont les siens. Et s'il convient de souligner, au titre de l'année 1999, les premières applications des dispositions instaurant la possibilité de statuer à juge unique, il faut, également, relever l'existence des premières décisions rendues dans le nouveau contentieux des marques communautaires, appelé à se développer.
Parfaitement conscients des difficultés existantes, les juges du Tribunal n'en sont pas moins animés d'une farouche volonté de s'acquitter pleinement de leurs missions et de répondre au mieux aux attentes des justiciables, notamment en termes de célérité procédurale. Ils savent que la confiance qui doit être portée au juge et le respect qui lui est dû constituent leur unique titre de légitimité.
Si des tendances divergentes peuvent parfois apparaître entre les décisions du Tribunal, elles sont une conséquence normale du fonctionnement de notre juridiction par chambres. Ce pluralisme jurisprudentiel n'a cependant, selon moi, rien de regrettable, puisqu'il appartient toujours au juge de cassation de trouver la media via parmi les diverses tendances ainsi exprimées. Ainsi se construit la jurisprudence communautaire.
Le principe du double degré de juridiction, garantie essentielle des justiciables dans une communauté de droit, a été mis en oeuvre par ces mêmes justiciables plus de 300 fois depuis la création du Tribunal, étant observé que 85 % des pourvois ont été rejetés par la Cour.
A l'aube du 21ème siècle, l'architecture juridictionnelle communautaire est appelée à s'adapter au rythme de l'approfondissement de la construction européenne consacré par les États membres, en dernier lieu, dans le traité d'Amsterdam.
Plus que jamais, le système juridique européen doit apparaître comme un instrument indispensable d'unification politique, sociale et culturelle. Il est l'instrument qui assure la prise de conscience progressive d'une véritable société européenne. Dans ce contexte, la collaboration entre le Tribunal et la Cour prend tout son sens car c'est l'institution, dans son ensemble, qui doit savoir s'adapter aux conséquences judiciaires de l'emprise croissante du droit européen.
A cette fin, des réflexions approfondies sont menées depuis plusieurs mois entre les membres des deux juridictions. En outre, un groupe de réflexion sur l'avenir du système juridictionnel communautaire, constitué d'éminents juristes, achèvera ses travaux pour le début de l'année prochaine. Par ailleurs, des propositions visant à transférer des compétences supplémentaires au Tribunal et à modifier ses règles de procédure en vue d'accélérer le traitement des affaires sont actuellement discutées au sein du Conseil.
Aujourd'hui, les portes du Tribunal sont ouvertes aux plus hauts représentants des organes juridictionnels et administratifs de la Communauté et des États membres, ainsi qu'aux avocats spécialisés ayant souvent franchi le seuil de notre prétoire, afin de débattre des deux sujets choisis par notre comité des dix ans.
Le premier sujet constitue une des raisons d'exister du Tribunal et, depuis son origine, une constante préoccupation. Il s'agit de la protection juridictionnelle des justiciables. La séance de ce matin, que présidera M. le juge García-Valdecasas, permettra aux praticiens du droit d'exposer leurs points de vue sur la question de savoir si la protection juridictionnelle a été effectivement améliorée depuis la création du Tribunal.
Le second sujet a été choisi en raison de l'importance croissante du contentieux relatif à l'accès aux documents des institutions communautaires et de l'élaboration des nouvelles règles régissant l'exercice du droit d'accès prévues à l'article 255 du traité CE. Le droit, comme la société, est en pleine évolution. Il est donc essentiel que des personnes appelées à juger soient à même de comprendre la réalité sociale des règles de droit soumises à leur appréciation. Dès lors, afin de suivre l'équilibre ou le déséquilibre qui existe entre le courant social et le courant juridique, il a semblé opportun de débattre d'un sujet actuel et controversé, celui de la transparence. Cette seconde séance sera animée par M. le juge Cooke.
Je cède maintenant la parole à M. le président de la Cour et vous souhaite de confronter fructueusement vos expériences et opinions au cours de cette journée.
Bo Vesterdorf
Président du Tribunal de première instance des Communautés
européennes
Allocution de M. le Président G. C. Rodríguez Iglesias
Monsieur le Président du Tribunal de première instance,
Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour et du Tribunal,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que c'est un réel plaisir pour moi de pouvoir célébrer aujourd'hui le 10ème anniversaire du Tribunal de première instance des Communautés européennes.
La création du Tribunal a été un événement majeur dans l'évolution du système juridictionnel communautaire. A l'origine, ce système, fondé sur l'application décentralisée du droit communautaire par les juridictions nationales en tant que juges de droit commun, comportait une seule instance juridictionnelle intégrée à la structure institutionnelle communautaire. C'est en octobre 1988 qu'a été prise la décision d'adjoindre à la Cour de justice, à sa demande, un Tribunal de première instance, en application de la disposition insérée à cet effet dans le traité de Rome par l'Acte Unique européen.
Ainsi qu'il ressort de la motivation de cette décision, le Tribunal a été mis en place avec un double objectif: d'une part, améliorer la protection juridictionnelle des justiciables par la création d'un double degré de juridiction pour les recours nécessitant un examen approfondi de faits complexes; d'autre part, maintenir la qualité et l'efficacité du contrôle juridictionnel dans l'ordre juridique communautaire, en permettant à la Cour de justice de concentrer son activité sur sa tâche essentielle d'assurer une interprétation uniforme du droit communautaire.
Comme Monsieur le Président du Tribunal l'a relevé à juste titre, ce double objectif a été largement atteint. En témoignent les transferts successifs de compétences qui ont abouti à ce que le Tribunal devienne l'organe juridictionnel compétent pour connaître l'ensemble des recours directs introduits par les particuliers.
A l'heure actuelle, le Conseil est saisi d'une nouvelle proposition visant à transférer au Tribunal des compétences additionnelles. Cette proposition, qui pour la première fois, vise des recours intentés par les États, revêt une réelle dimension qualitative et s'inscrit dans le cadre d'une vision globale de la fonction juridictionnelle du Tribunal. Elle vise en effet à confirmer ce dernier dans son rôle de juridiction administrative de la Communauté, en le chargeant de l'ensemble du contentieux de la légalité du droit communautaire dérivé, à l'exclusion toutefois du contrôle des actes normatifs à caractère général, qui, en tant que contrôle de nature constitutionnelle, demeurerait de la compétence de la Cour.
Dans l'exercice de ses compétences, le Tribunal doit faire face à d'importants défis qualitatifs et quantitatifs.
Tout d'abord, si, à l'origine, le Tribunal a pu, dans une large mesure, inscrire son travail juridictionnel dans la continuité par rapport à la jurisprudence antérieure de la Cour, il est aujourd'hui de plus en plus confronté à des problèmes juridiques nouveaux, pour lesquels il lui revient d'esquisser les premières lignes directrices. On pourrait penser à beaucoup de domaines, mais je me bornerai à relever celui de l'accès du public aux documents des institutions, sujet qui figure précisément à l'ordre du jour du colloque d'aujourd'hui.
En termes quantitatifs, le nombre d'affaires dont le Tribunal est saisi n'a cessé d'augmenter et rien ne permet d'entrevoir une décrue, bien au contraire. Des solutions appropriées devront être recherchées pour y faire face, à l'instar de la possibilité ouverte récemment de statuer à juge unique.
L'augmentation du nombre d'affaires, le risque de débordement de la capacité de les traiter dans un délai raisonnable constituent les préoccupations majeures communes à la Cour et au Tribunal et les réflexions que nous avons formulées ensemble ont pour objectif essentiel de trouver des solutions à ces problèmes.
Pour ma part, je suis sûr que le Tribunal réussira à relever ces défis, comme il l'a fait dans le passé. Le bilan de ses dix premières années d'existence en est la meilleure preuve.
Permettez-moi donc de conclure en exprimant, au nom de la Cour et en mon propre nom, mes félicitations au Tribunal, à son Président et à ses Membres, pour ce bilan ainsi que pour l'initiative de l'organisation de ce colloque prometteur pour célébrer leur dixième anniversaire.