Language of document : ECLI:EU:C:2021:336

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

29 avril 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Agriculture et pêche – Production biologique et étiquetage des produits biologiques – Règlement (CE) no 834/2007 – Article 19, paragraphe 2 – Articles 21 et 23 – Règlement (CE) no 889/2008 – Article 27, paragraphe 1 – Article 28 – Annexe IX, point 1.3 – Transformation des denrées alimentaires biologiques – Ingrédients non biologiques d’origine agricole – Algue lithothamnium calcareum – Poudre obtenue à partir de sédiments de cette algue, nettoyés, broyés et séchés – Qualification – Utilisation dans les denrées alimentaires biologiques aux fins de leur enrichissement en calcium – Autorisation – Conditions »

Dans l’affaire C‑815/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), par décision du 5 septembre 2019, parvenue à la Cour le 6 novembre 2019, dans la procédure

Natumi GmbH

contre

Land Nordrhein-Westfalen,

en présence de :

Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. N. Wahl, F. Biltgen (rapporteur), Mme L. S. Rossi et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Natumi GmbH, par Me C. Konnertz-Häußler, Rechtsanwältin,

–        pour le Land Nordrhein-Westfalen, par Mes A. Schink et J. Ley, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes E. Tsaousi et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme E. Damiani, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par MM. B. Hofstötter et A. Dawes, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles (JO 2008, L 250, p. 1), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) 2018/1584 de la Commission, du 22 octobre 2018 (JO 2018, L 264, p. 1) (ci-après le « règlement no 889/2008 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Natumi GmbH au Land Nordrhein-Westfalen (Land de Rhénanie‑du‑Nord-Westphalie, Allemagne), au sujet de l’utilisation d’un ingrédient non biologique dans la transformation d’une denrée alimentaire biologique et de l’utilisation de termes faisant référence au mode de production biologique dans l’étiquetage de cette denrée alimentaire.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement (CE) no 834/2007

3        L’article 14 du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91 (JO 2007, L 189, p. 1), intitulé « Règles applicables à la production animale », prévoit, à son paragraphe 1, sous d), iv) :

« Outre les règles générales applicables à la production agricole énoncées à l’article 11, les règles suivantes s’appliquent à la production animale :

[...]

d)      en ce qui concerne l’alimentation :

[...]

iv)      les matières premières pour aliments des animaux non biologiques d’origine végétale, les matières premières pour aliments des animaux d’origine animale et minérale, les additifs pour l’alimentation animale, certains produits utilisés dans les aliments des animaux et les auxiliaires technologiques ne sont utilisés que s’ils ont fait l’objet d’une autorisation d’utilisation dans la production biologique conformément à l’article 16 ».

4        L’article 16 de ce règlement, intitulé « Produits et substances utilisés en agriculture et critères pour leur autorisation », dispose :

« 1.      La Commission, conformément à la procédure visée à l’article 37, paragraphe 2, autorise l’utilisation dans la production biologique et inclut dans une liste restreinte les produits et substances susceptibles d’être utilisés, en agriculture biologique, aux fins suivantes en tant que :

[...]

c)      matières premières non biologiques d’origine végétale pour aliments des animaux, matières premières pour aliments des animaux d’origine animale et minérale et certaines substances utilisées en alimentation animale ;

[...] »

5        L’article 19 dudit règlement, intitulé « Règles générales applicables à la production de denrées alimentaires transformées », prévoit :

« 1.      La préparation de denrées alimentaires biologiques transformées est séparée dans le temps ou dans l’espace des denrées alimentaires non biologiques.

2.      Les conditions suivantes s’appliquent à la composition des denrées alimentaires biologiques transformées :

a)      la denrée est fabriquée principalement à partir d’ingrédients d’origine agricole ; [...]

b)      seuls les additifs, les auxiliaires technologiques, les arômes, l’eau, le sel, les préparations de micro-organismes et d’enzymes, les minéraux, les oligo-éléments, les vitamines, ainsi que les acides aminés et les autres micronutriments destinés à une utilisation nutritionnelle particulière peuvent être utilisés dans les denrées alimentaires, à condition d’avoir fait l’objet d’une autorisation d’utilisation dans la production biologique conformément à l’article 21 ;

c)      les ingrédients agricoles non biologiques ne peuvent être utilisés que s’ils ont fait l’objet d’une autorisation d’utilisation dans la production biologique conformément à l’article 21 ou s’ils ont été provisoirement autorisés par un État membre ;

[...] »

6        L’article 21 du règlement no 834/2007, intitulé « Critères d’utilisation de certains produits et substances dans la transformation », énonce :

« 1.      L’autorisation des produits et substances destinés à la production biologique et leur inclusion dans une liste restreinte de produits et de substances visés à l’article 19, paragraphe 2, points b) et c), est soumise aux objectifs et principes énoncés au titre II ainsi qu’aux critères suivants, qui sont évalués dans leur ensemble :

i)      il n’existe pas d’autres solutions autorisées conformément au présent chapitre ;

ii)      il serait impossible, sans y recourir, de produire ou de conserver les denrées alimentaires ou de respecter des propriétés diététiques prévues en vertu de la législation communautaire.

[...]

2. Conformément à la procédure visée à l’article 37, paragraphe 2, la Commission décide de l’autorisation des produits et substances et de leur inclusion dans la liste restreinte visée au paragraphe 1 du présent article et fixe les conditions spécifiques et les limites de leur utilisation, et, si nécessaire, du retrait de produits.

[...] »

7        L’article 23 de ce règlement, intitulé « Utilisation de termes faisant référence à la production biologique », dispose :

« 1.      Aux fins du présent règlement, un produit est considéré comme portant des termes se référant au mode de production biologique lorsque, dans l’étiquetage, la publicité ou les documents commerciaux, le produit, ses ingrédients ou les matières premières destinées aux aliments pour animaux sont caractérisés par des termes suggérant à l’acheteur que le produit, ses ingrédients ou les matières premières destinées aux aliments pour animaux ont été obtenus selon les règles établies dans le présent règlement. En particulier, les termes énumérés à l’annexe, leurs dérivés ou diminutifs, tels que “bio” et “éco”, employés seuls ou associés à d’autres termes, peuvent être utilisés dans l’ensemble de la Communauté et dans toute langue communautaire aux fins d’étiquetage et de publicité concernant un produit répondant aux exigences énoncées dans le présent règlement ou conformes à celui-ci.

L’utilisation de termes faisant référence au mode de production biologique dans l’étiquetage et la publicité des produits agricoles vivants ou non transformés n’est possible que si par ailleurs tous les ingrédients de ce produit ont également été obtenus en accord avec les exigences énoncées dans le présent règlement.

2.      L’utilisation des termes visés au paragraphe 1 n’est autorisée en aucun endroit de la Communauté ni dans aucune langue communautaire pour l’étiquetage, la publicité et les documents commerciaux concernant un produit, qui ne répond pas aux exigences énoncées dans le présent règlement, à moins que ces termes ne s’appliquent pas à des produits agricoles présents dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux ou qu’ils ne soient manifestement pas associés à la production biologique.

En outre, l’utilisation de termes, y compris de marques de commerce, ou pratiques en matière d’étiquetage ou de publicité qui seraient de nature à induire le consommateur ou l’utilisateur en erreur en suggérant qu’un produit ou ses ingrédients sont conformes aux exigences énoncées dans le présent règlement est interdite.

[...]

4.      En ce qui concerne les denrées alimentaires transformées, les termes visés au paragraphe 1 peuvent être utilisés :

a)      dans la dénomination de vente à condition que :

i)      la denrée alimentaire transformée soit en conformité avec l’article 19 ;

ii)      au moins 95 % en poids, de ses ingrédients d’origine agricole soient biologiques ;

b)      uniquement dans la liste des ingrédients, à condition que la denrée alimentaire soit en conformité avec l’article 19, paragraphe 1 et paragraphe 2, points a), b) et d) ;

[...] »

 Le règlement no 889/2008

8        L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 889/2008, intitulé « Objet et champ d’application », énonce :

« Le présent règlement établit des modalités d’application en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et le contrôle des produits visés à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) no 834/2007. »

9        L’article 22 du règlement no 889/2008, intitulé « Utilisation de certains produits et substances dans les aliments pour animaux », prévoit :

« Aux fins de l’article 14, paragraphe 1, point d), iv, du règlement (CE) no 834/2007, seules les substances suivantes peuvent être utilisées dans la transformation des aliments biologiques pour animaux et l’alimentation des animaux issus de l’élevage biologique :

a)      les matières premières non biologiques d’origine végétale ou animale ou d’autres matières premières pour aliments des animaux qui sont énumérés dans l’annexe V, partie 2, pour autant :

i)      qu’elles soient produites ou préparées sans solvants chimiques ; et

ii)      que les limites énoncées à l’article 43 ou à l’article 47, point c), soient respectées ;

[...]

c)      les matières premières biologiques d’origine animale pour aliments des animaux ;

d)      les matières premières d’origine minérale pour aliments des animaux, qui sont énumérées à l’annexe V, partie 1 ;

[...] »

10      L’article 27 du règlement no 889/2008, intitulé « Utilisation de certains produits et certaines substances dans la transformation de denrées alimentaires », énonce, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de l’article 19, paragraphe 2, point b), du règlement (CE) no 834/2007, seules les substances suivantes peuvent être utilisées dans la transformation des denrées alimentaires biologiques, à l’exception des produits du secteur vitivinicole, auxquels s’appliquent les dispositions du chapitre 3 bis :

a)      les substances énumérées à l’annexe VIII du présent règlement ;

[...]

f)      les minéraux (y compris les oligo-éléments), vitamines, acides aminés et micronutriments, à condition que :

i)      leur emploi dans des denrées alimentaires de consommation courante soit “expressément exigé sur le plan juridique”, c’est-à-dire directement imposé par des dispositions du droit de l’Union ou des dispositions de droit national compatibles avec le droit de l’Union, avec comme conséquence que les denrées alimentaires ne peuvent en aucun cas être mises sur le marché en tant que denrées alimentaires de consommation courante si les minéraux, les vitamines, les acides aminés ou les micronutriments ne sont pas ajoutés, ou

ii)      en ce qui concerne les denrées alimentaires mises sur le marché comme présentant des caractéristiques ou produisant des effets particuliers sur le plan de la santé ou du point de vue nutritionnel ou en rapport avec les besoins de catégories particulières de consommateurs :

–        dans les produits visés à l’article 1er, paragraphe 1, points a) et b), du règlement (UE) no 609/2013 du Parlement européen et du Conseil[, du 12 juin 2013, concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids et abrogeant la directive 92/52/CEE du Conseil, les directives 96/8/CE, 1999/21/CE, 2006/125/CE et 2006/141/CE de la Commission, la directive 2009/39/CE du Parlement européen et du Conseil et les règlements (CE) no 41/2009 et (CE) no 953/2009 de la Commission (JO 2013, L 181, p. 35)], leur utilisation soit autorisée par ledit règlement et les actes adoptés sur la base de son article 11, paragraphe 1, du présent règlement, pour les produits concernés, ou

–        dans les produits régis par la directive 2006/125/CE de la Commission[, du 5 décembre 2006, concernant les préparations à base de céréales et les aliments pour bébés destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge (JO 2006, L 339, p. 16)], leur utilisation soit autorisée par ladite directive, ou

–        dans les produits régis par la directive 2006/141/CE de la Commission[, du 22 décembre 2006, concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite et modifiant la directive 1999/21/CE (JO 2006, L 401, p. 1)], leur utilisation soit autorisée par ladite directive. »

11      L’article 28 du règlement no 889/2008, intitulé « Utilisation de certains ingrédients non biologiques d’origine agricole dans la transformation des denrées alimentaires », dispose :

« Aux fins de l’article 19, paragraphe 2, point c), du règlement (CE) no 834/2007, les ingrédients agricoles non biologiques énumérés à l’annexe IX du présent règlement peuvent être utilisés dans la transformation des denrées alimentaires biologiques. »

12      L’annexe V du règlement no 889/2008, intitulée « Matières premières pour aliments des animaux visées à l’article 22, point d), à l’article 24, paragraphe 2, et à l’article 25 quaterdecies, paragraphe 1 », mentionne, à son point 1, les matières premières d’origine minérale pour aliments des animaux, parmi lesquelles figurent, notamment, le « Maërl » et le « Lithothamne ».

13      L’annexe VIII de ce règlement, intitulée « Produits et substances visés à l’article 27, paragraphe 1, point a), et à l’article 27 bis, point a), utilisés pour la production de denrées alimentaires biologiques transformées, de levures et de produits à base de levures biologiques », énonce, dans sa partie A, relative aux « Additifs alimentaires, y compris les supports », que le « carbonate de calcium » ne « peut être utilisé pour colorer ni enrichir les produits en calcium ».

14      L’annexe IX dudit règlement, intitulée « Ingrédients non biologiques d’origine agricole visés à l’article 28 », prévoit :

« Produits végétaux non transformés et produits dérivés de ces derniers par transformation

1.1      Fruits, noix et graines comestibles :

[...]

1.2      Épices et herbes comestibles :

[...]

1.3      Divers :

Algues, y compris les algues marines, dont l’utilisation est autorisée dans la préparation de denrées alimentaires non biologiques

[...] »

 Le règlement (CE) no 1925/2006

15      L’annexe I du règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires (JO 2006, L 404, p. 26), intitulée « Vitamines et substances minérales pouvant être ajoutées aux denrées alimentaires », énumère, parmi les « Substances minérales », le « Calcium ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      Natumi est un producteur de boissons au soja et au riz, qu’elle commercialise sous forme préemballée. Elle incorpore dans ses boissons du Lithothamnium calcareum, une algue rouge corallienne, sous forme de poudre obtenue à partir de sédiments de cette algue morte, qui sont nettoyés, broyés et séchés. Cette algue marine contient principalement du carbonate de calcium et du carbonate de magnésium.

17      Natumi commercialise notamment une boisson dénommée « Soja‑Drink-Calcium », qui est étiquetée « bio » et porte les mentions suivantes : « calcium », « contient une algue marine riche en calcium » et « fournit un apport précieux en calcium issu de l’algue marine Lithothamnium ».

18      Dès l’année 2005, le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a signalé à Natumi, d’une part, que l’utilisation de carbonate de calcium, en tant que minéral, est interdite pour enrichir en calcium les produits biologiques ainsi que lorsque l’enrichissement est réalisé par l’adjonction d’algues et, d’autre part, qu’il est interdit de faire figurer sur de tels produits des mentions relatives au calcium.

19      Le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ayant engagé une procédure tendant à l’infliction d’une sanction pécuniaire à Natumi, cette dernière a introduit, le 14 juillet 2005, une action en contestation devant le Verwaltungsgericht Düsseldorf (tribunal administratif de Düsseldorf, Allemagne), laquelle a été rejetée.

20      Natumi a interjeté appel de la décision rendue par cette juridiction devant l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westfalie, Allemagne). La procédure a été suspendue, à la demande des parties au principal, dans l’attente de l’adoption du règlement no 834/2007, qui a abrogé le règlement (CEE) no 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires (JO 1991, L 198, p. 1).

21      Par une décision du 19 mai 2016, cette dernière juridiction a rejeté le recours de Natumi, estimant que l’adjonction de l’algue Lithothamnium calcareum dans une denrée alimentaire biologique n’est pas autorisée par le règlement no 889/2008. Selon ladite juridiction, le point 1.3 de l’annexe IX de ce règlement ne vise que les algues alimentaires comestibles, de telle sorte que seules celles-ci peuvent être utilisées, conformément à l’article 28 de ce règlement, dans la transformation de denrées alimentaires biologiques. Bien que ces dispositions ne contiennent aucune référence explicite au caractère comestible des algues, cette interprétation serait corroborée par le fait que les autres substances visées aux points 1.1 et 1.2 de cette annexe IX doivent être comestibles, de même que les algues visées à l’article 13, paragraphe 1, sous a), du règlement no 834/2007. Or, l’algue Lithothamnium calcareum ne serait pas comestible en raison de la présence caractéristique de dépôts calcaires dans ses parois cellulaires. Ladite juridiction a considéré que, en tout état de cause, les sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum constituent non pas des ingrédients d’origine agricole relevant du point 1.3 de l’annexe IX du règlement no 889/2008, mais des minéraux, dont l’adjonction à des produits biologiques n’est, en principe, pas autorisée.

22      Natumi a introduit un recours en Revision devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) contre la décision rendue en appel.

23      La juridiction de renvoi estime que l’issue du litige au principal dépend, en premier lieu, de la question de savoir si le règlement no 889/2008 permet l’utilisation de l’algue Lithothamnium calcareum en tant qu’ingrédient dans la préparation de denrées alimentaires biologiques.

24      Elle relève, à cet égard, que l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 834/2007 établit une distinction entre, notamment, l’utilisation de minéraux et l’utilisation d’ingrédients agricoles non biologiques, et que le règlement no 889/2008, qui met en œuvre le règlement no 834/2007, prévoit, à ses articles 27 et 28, des régimes d’autorisation différents pour ces deux catégories.

25      En effet, en vertu de l’article 27, paragraphe 1, sous f), du règlement no 889/2008, les minéraux ne pourraient être utilisés qu’à condition que leur emploi dans des denrées alimentaires de consommation courante soit expressément exigé sur le plan juridique. Les ingrédients non biologiques d’origine agricole pourraient, conformément à l’article 28 de ce règlement, être utilisés dans les denrées alimentaires biologiques s’ils figurent sur la liste restreinte figurant à l’annexe IX dudit règlement. Or, le point 1.3 de cette annexe mentionnerait les « Algues, y compris [les] algues marines, dont l’utilisation est autorisée dans la préparation de denrées alimentaires non biologiques ».

26      Selon la juridiction de renvoi, l’annexe IX, point 1.3, du règlement no 889/2008 ne contient aucune restriction concernant le caractère comestible des algues. Dès lors, ce serait non pas l’algue elle‑même, mais l’ingrédient utilisé dans la fabrication de denrées alimentaires, comme la poudre d’algues, qui devrait être comestible. Cette interprétation serait confirmée par un courrier de la Commission du 30 mars 2015, produit par Natumi, dans lequel cette institution aurait confirmé que l’algue Lithothamnium calcareum est visée à cette annexe IX, point 1.3.

27      La juridiction de renvoi ajoute que, certes, la circonstance que le « lithothamne » figure en tant que matière première d’origine minérale à l’annexe V du règlement no 889/2008, relative à l’alimentation des animaux, et l’absence de catégorie correspondant au « lithothamne » à l’annexe IX de ce règlement vont dans le sens d’une classification de l’algue en cause au principal en tant que minéral. Cependant, si une algue récoltée alors qu’elle est vivante est considérée comme un ingrédient d’origine agricole, indépendamment de sa teneur en calcium, il devrait en principe en être de même pour une algue morte, dès lors qu’il n’est pas établi que la calcification se produit une fois l’algue morte. En outre, la classification du « lithothamne » en tant que matière première d’origine minérale à l’annexe V du règlement no 889/2008 ne serait pas pertinente aux fins du régime d’autorisation des denrées alimentaires, dans la mesure où l’article 19 du règlement no 834/2007, applicable à la classification de ces dernières, n’autorise pas, en principe, les minéraux.

28      La juridiction de renvoi relève, en outre, que, bien que, ainsi qu’il ressort des règles relatives aux aliments pour animaux établies par le règlement no 889/2008, le législateur de l’Union était conscient de la forte teneur en calcium de l’algue Lithothamnium calcareum, le point 1.3 de l’annexe IX du règlement no 889/2008 vise les algues, sans exclure cette algue en particulier.

29      Par conséquent, l’utilisation de l’algue Lithothamnium calcareum et, en particulier, d’une poudre obtenue à partir des sédiments de cette algue morte, qui sont nettoyés, séchés et broyés, serait autorisée au titre de l’article 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 834/2007, lu en combinaison avec l’article 28 et le point 1.3 de l’annexe IX du règlement no 889/2008.

30      La juridiction de renvoi s’interroge toutefois sur le point de savoir si, et dans quelle mesure, les algues et, en particulier, l’algue Lithothamnium calcareum remplissent les conditions énoncées à l’article 21, paragraphe 1, sous ii), du règlement no 834/2007 pour que leur utilisation soit autorisée conformément à l’article 19, paragraphe 2, de ce règlement. En effet, il n’apparaîtrait pas que, sans l’emploi de cette algue, il serait impossible de produire ou de conserver les denrées alimentaires ou de respecter les propriétés diététiques prévues par le droit de l’Union.

31      En second lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si l’étiquetage d’un produit contenant un ingrédient tel que l’algue en cause au principal peut inclure une référence au calcium, qui est un minéral.

32      Cette juridiction considère que, en vertu de l’article 23 du règlement no 834/2007, il est interdit de faire référence au calcium sur l’emballage ou dans le nom d’une boisson biologique et que, en principe, toute référence à un minéral tel que le calcium pourrait, au regard de l’article 19, paragraphe 2, sous b), du règlement no 834/2007, lu en combinaison avec l’article 27, paragraphe 1, sous f), du règlement no 889/2008, qui soumet l’utilisation des minéraux à des conditions strictes, être considérée comme étant trompeuse. Toutefois, la même juridiction considère que tel n’est pas le cas lorsque ce calcium provient d’un ingrédient qui, pour autant que son utilisation est autorisée, a naturellement une forte teneur en calcium.

33      C’est dans ces conditions que le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 28, lu en combinaison avec l’annexe IX, point 1.3, du règlement no 889/2008, doit-il être interprété en ce sens que l’algue Lithothamnium calcareum peut être utilisée en tant qu’ingrédient dans la transformation des denrées alimentaires biologiques ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question : l’utilisation d’algues mortes est-elle également autorisée ?

3)      En cas de réponse affirmative à la deuxième question également : les termes “contient du calcium”, “contient une algue marine riche en calcium” ou “fournit un apport précieux en calcium issu de l’algue marine Lithothamnium” peuvent-ils être utilisés pour un produit étiqueté “bio” contenant du Lithothamnium calcareum (mort) en tant qu’ingrédient ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

34      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 889/2008 doit être interprété en ce sens que l’utilisation d’une poudre obtenue à partir des sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum qui sont nettoyés, séchés et broyés, en tant qu’ingrédient non biologique d’origine agricole, au sens de l’article 28 de ce règlement, est autorisée dans la transformation de denrées alimentaires biologiques, telles que des boissons biologiques à base de riz et de soja, aux fins de leur enrichissement en calcium.

35      Il importe de rappeler, à cet égard, que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 19 septembre 2018, González Castro, C‑41/17, EU:C:2018:736, point 39 et jurisprudence citée).

36      En ce qui concerne le libellé des dispositions en cause au principal, il ressort de l’article 28 du règlement no 889/2008 que, aux fins de l’article 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 834/2007, les ingrédients non biologiques d’origine agricole énumérés à l’annexe IX du règlement no 889/2008 peuvent être utilisés dans la transformation de denrées alimentaires biologiques.

37      L’annexe IX du règlement no 889/2008 fixe, à son point 1, la liste des « Produits végétaux non transformés et produits dérivés de ces derniers par transformation », parmi lesquels figurent, à son point 1.1, les « Fruits, noix et graines comestibles », à son point 1.2, les « Épices et herbes comestibles » et, à son point 1.3, sous l’intitulé « Divers », les « Algues, y compris algues marines, dont l’utilisation est autorisée dans la préparation de denrées alimentaires non biologiques ».

38      Il convient de relever, à l’instar de la juridiction de renvoi, que, dans la mesure où le législateur de l’Union a expressément indiqué, s’agissant des points 1.1 et 1.2 de cette annexe IX, que les produits y figurant doivent être comestibles, sans apporter cette précision au point 1.3 de ladite annexe, l’absence d’une telle précision confirme que le champ d’application de cette disposition n’est pas limité aux seules algues comestibles en tant que telles.

39      Ainsi, le point 1.3 de l’annexe IX du règlement no 889/2008 doit être compris comme visant toutes les algues, y compris les algues marines, la seule condition prévue imposant que leur utilisation dans la préparation de denrées alimentaires non biologiques soit autorisée.

40      En l’occurrence, il n’est pas contesté que l’algue Lithothamnium calcareum est une algue marine et que son utilisation est autorisée dans la transformation des denrées alimentaires non biologiques.

41      Par conséquent, cette algue doit être considérée comme étant un produit végétal non transformé, au sens du point 1.3 de l’annexe IX du règlement no 889/2008.

42      Il s’ensuit qu’une poudre obtenue à partir des sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum, qui sont nettoyés, séchés et broyés, constitue un produit dérivé d’un produit végétal par transformation, qui relève du point 1.3 de l’annexe IX du règlement no 889/2008 et qui doit être considéré comme étant un ingrédient agricole non biologique, au sens de l’article 28 de ce règlement.

43      Ce constat ne saurait être remis en cause par la circonstance invoquée par le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie selon laquelle le point 1 de l’annexe V du règlement no 889/2008, qui établit, conformément à l’article 22 de ce dernier, la liste restreinte des matières premières non biologiques d’origine végétale, des matières premières d’origine animale et de celles d’origine minérale pour aliments des animaux qui peuvent être utilisées dans le cadre de la production biologique en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous d), iv), et de l’article 16 du règlement no 834/2007, classe explicitement le « Lithothamne » et le « Mäerl », en d’autres termes l’algue Lithothamnium calcareum, parmi les « Matières premières d’origine minérale pour aliments des animaux ».

44      En effet, cette classification est propre aux aliments pour animaux et distincte de celle des denrées alimentaires visées par ces règlements. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 78 et 79 de ses conclusions, cette classification des aliments pour animaux s’explique par le fait que, dans le cadre de la réglementation relative aux aliments pour animaux établie par le droit de l’Union, l’algue Lithothamnium calcareum est envisagée en fonction de son apport nutritionnel.

45      En outre, il convient de rappeler que, en ce qui concerne les denrées alimentaires biologiques transformées, le règlement no 834/2007 prévoit, à son article 19, paragraphe 2, sous b) et c), ainsi qu’à son article 21, des régimes d’autorisation distincts selon que les produits ou les substances utilisés sont des ingrédients agricoles non biologiques, inscrits sur la liste restreinte établie par la Commission et qui figure à l’article 28 du règlement no 889/2008 ainsi qu’à l’annexe IX de ce règlement, ou des additifs, des auxiliaires technologiques, des arômes, de l’eau, du sel, des préparations de micro‑organismes et d’enzymes, des minéraux, des oligo-éléments, des vitamines ainsi que des acides aminés et d’autres micronutriments inscrits sur la liste restreinte également dressée par la Commission et qui figure à l’article 27, paragraphe 1, ainsi qu’à l’annexe VIII du règlement no 889/2008.

46      Par conséquent, la classification d’un produit en tant qu’ingrédient d’origine agricole non biologique, au sens de l’article 28 et de l’annexe IX du règlement no 889/2008 ou en tant que minéral, au sens de l’article 27, paragraphe 1, et de l’annexe VIII de ce règlement, est déterminée non pas en fonction de l’apport nutritionnel de ce produit, mais par son inscription sur l’une des listes restrictives figurant à ces dispositions.

47      En l’occurrence, ni le libellé de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 889/2008 ni celui de l’annexe VIII de ce dernier ne font référence à l’algue Lithothamnium calcareum, de telle sorte que celle-ci ne saurait, de prime abord, être considérée comme étant un minéral, au sens de ces dispositions.

48      S’agissant du contexte dans lequel les dispositions concernées s’inscrivent, il importe de rappeler que l’article 28 du règlement no 889/2008 et l’annexe IX de ce dernier mettent en œuvre l’article 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 834/2007.

49      En effet, l’article 19 du règlement no 834/2007, qui prévoit les règles applicables à la production de denrées alimentaires transformées, permet, à son paragraphe 2, sous c), l’ajout d’ingrédients agricoles non biologiques s’ils ont préalablement fait l’objet d’une autorisation d’utilisation dans la production biologique, conformément à l’article 21 de ce règlement.

50      À cet égard, l’article 21 du règlement no 834/2007 édicte des critères en vue de l’autorisation de l’utilisation de ces produits et substances, en habilitant la Commission à établir, dans le cadre de ces critères, une liste restreinte afin d’y inclure lesdits produits et substances.

51      Sur la base de cet article 21, la Commission a fixé, à l’article 28 et à l’annexe IX du règlement no 889/2008, la liste restreinte des ingrédients non biologiques d’origine agricole qui peuvent être utilisés dans la transformation de denrées alimentaires biologiques, aux fins de l’article 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 834/2007.

52      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un règlement d’exécution doit faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux dispositions du règlement de base (arrêt du 19 juillet 2012, Pie Optiek, C‑376/11, EU:C:2012:502, point 34 et jurisprudence citée).

53      Par conséquent, l’article 28 du règlement no 889/2008 et l’annexe IX de ce dernier doivent être interprétés de manière conforme à l’article 21 du règlement no 834/2007.

54      Il en résulte que, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 67 de ses conclusions, un ingrédient non biologique d’origine agricole inscrit sur la liste restreinte figurant à l’annexe IX du règlement no 889/2008 ne peut être utilisé dans une denrée alimentaire biologique que s’il remplit les critères prévus à l’article 21 du règlement no 834/2007.

55      Selon ces critères, qui sont énoncés à l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, sous i) et ii), du règlement no 834/2007, l’utilisation d’un produit ou d’une substance est subordonnée, d’une part, à la condition de l’absence d’autres solutions autorisées conformément au chapitre 4 du titre III de ce règlement, dont cette disposition fait partie, et, d’autre part, à la condition de l’impossibilité, sans recourir à ces produits ou à ces substances, de produire ou de conserver les denrées alimentaires ou de respecter des propriétés diététiques prévues en vertu de la législation de l’Union.

56      Par conséquent, il importe de vérifier si l’utilisation d’une poudre obtenue à partir des sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum, qui sont nettoyés, séchés et broyés, dans des denrées alimentaires biologiques telles que les boissons biologiques à base de riz et de soja en cause au principal, en tant qu’ingrédient non biologique d’origine agricole, au sens de l’article 28 du règlement no 889/2008, aux fins de leur enrichissement en calcium, remplit ces critères.

57      En ce qui concerne le premier de ces critères, il ne semble pas, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, que d’autres solutions soient autorisées en vertu des articles 19 et 21 de ce règlement. Ce critère doit, dès lors, être considéré comme étant rempli.

58      En ce qui concerne le second desdits critères, il n’apparaît pas, également sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que l’ajout d’une poudre obtenue à partir des sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum, qui sont nettoyés, séchés et broyés, aux fins de l’enrichissement de denrées alimentaires biologiques, telles que les boissons biologiques à base de riz et de soja en cause au principal, soit indispensable à la production ou à la conservation de ces denrées, ni qu’il permette d’assurer le respect des propriétés diététiques prévues en vertu de la législation de l’Union. Par conséquent, il convient de considérer que ce critère n’est pas rempli en l’occurrence.

59      Il s’ensuit que l’article 28 et l’annexe IX du règlement no 889/2008, lus en combinaison avec l’article 21 du règlement no 834/2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’utilisation d’une poudre obtenue à partir des sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum qui sont nettoyés, séchés et broyés, en tant qu’ingrédient non biologique d’origine agricole, dans la transformation de denrées alimentaires biologiques telles que les boissons biologiques à base de riz et de soja en cause au principal, aux fins de leur enrichissement en calcium.

60      Cette interprétation est corroborée par les objectifs poursuivis par la réglementation en cause au principal.

61      En effet, conformément à son article 1er, paragraphe 1, l’objet du règlement no 889/2008 consiste à établir les modalités d’application du règlement no 834/2007.

62      Le règlement no 834/2007 établit des règles strictes en ce qui concerne l’adjonction de minéraux dans la production de denrées alimentaires biologiques, son article 19, paragraphe 2, sous b), prévoyant que les minéraux peuvent être utilisés dans les denrées alimentaires s’ils ont préalablement fait l’objet d’une autorisation d’utilisation dans la production biologique, conformément à l’article 21 de ce règlement.

63      Or, conformément à l’annexe I du règlement no 1925/2006, relatif à l’adjonction aux denrées alimentaires de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances, le calcium constitue un minéral.

64      Sur la base de l’article 21 du règlement no 834/2007, la Commission a établi, à l’article 27 et dans la partie A de l’annexe VIII du règlement no 889/2008, la liste restreinte des substances qui peuvent être utilisées comme additifs dans la transformation des denrées alimentaires biologiques, aux fins de l’article 19, paragraphe 2, sous b), du règlement no 834/2007. Si cette partie de l’annexe VIII classe sur cette liste le carbonate de calcium parmi les additifs alimentaires, elle précise qu’il ne peut être utilisé pour enrichir des produits en calcium.

65      En outre, l’article 27, paragraphe 1, sous f), du règlement no 889/2008 prévoit que l’emploi des minéraux est autorisé dans des denrées alimentaires de consommation courante moyennant le respect des conditions alternatives suivantes. Premièrement, il doit être « expressément exigé sur le plan juridique », c’est-à-dire directement imposé par des dispositions du droit de l’Union ou par des dispositions de droit national compatibles avec le droit de l’Union, avec comme conséquence que les denrées alimentaires ne peuvent en aucun cas être mises sur le marché en tant que denrées alimentaires de consommation courante si les minéraux ne sont pas ajoutés. Deuxièmement, en ce qui concerne les denrées alimentaires mises sur le marché comme présentant des caractéristiques ou produisant des effets particuliers sur le plan de la santé ou du point de vue nutritionnel ou en rapport avec les besoins de catégories particulières de consommateurs, l’utilisation des minéraux doit être prévue par la réglementation de l’Union relative aux denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et aux substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids, relative aux préparations à base de céréales et aux aliments pour bébés destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge, ou relative aux préparations pour nourrissons et aux préparations de suite.

66      En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle, le dossier dont dispose la Cour et l’analyse par celle-ci de l’affaire ne contiennent pas d’élément de nature à faire apparaître l’existence d’une telle règle du droit national ou du droit de l’Union qui imposerait l’ajout de calcium dans les denrées alimentaires biologiques en cause au principal, à savoir des boissons à base de riz et de soja, pour que celles-ci puissent être commercialisées.

67      Il s’ensuit que l’article 19, paragraphe 2, sous b), et l’article 21 du règlement no 834/2007, lus en combinaison avec l’article 27 et l’annexe VIII du règlement no 889/2008, interdisent l’ajout de calcium dans la transformation de denrées alimentaires biologiques telles que les boissons à base de riz et de soja en cause au principal, aux fins de leur enrichissement en calcium.

68      Il convient de relever, à cet égard, que, dans ses observations écrites, Natumi reconnaît que, dans la mesure où l’utilisation de carbonate de calcium est interdite pour enrichir les produits biologiques en calcium, de nombreux producteurs de boissons biologiques à base de soja, de riz et de céréales y ajoutent de l’algue Lithothamnium calcareum car celle‑ci présente naturellement une forte teneur en calcium. En outre, Natumi fait valoir que cette algue constitue une alternative naturelle au calcium dont l’utilisation pour enrichir les denrées alimentaires biologiques doit être autorisée.

69      Or, force est de constater qu’une interprétation selon laquelle l’utilisation d’une poudre obtenue à partir des sédiments nettoyés, séchés et broyés de l’algue Lithothamnium calcareum, qui présente naturellement une forte teneur en calcium, en tant qu’ingrédient non biologique d’origine agricole, au sens de l’article 28 du règlement no 889/2008, serait autorisée dans la transformation de denrées alimentaires biologiques telles que les boissons biologiques à base de soja et de riz en cause au principal, aux fins de leur enrichissement en calcium, reviendrait à permettre aux producteurs de ces denrées de contourner l’interdiction posée à l’article 19, paragraphe 2, sous b), et à l’article 21 du règlement no 834/2007, lus en combinaison avec l’article 27 et l’annexe VIII du règlement no 889/2008.

70      Une telle interprétation aurait, dès lors, pour effet de rendre inopérantes les règles strictes relatives à l’adjonction de produits et de substances tels que les minéraux dans la production de denrées alimentaires biologiques établies par la réglementation en cause au principal et irait à l’encontre des objectifs poursuivis par celle-ci.

71      Il convient, par ailleurs, de relever, à l’instar de M. l’avocat général aux points 90 à 93 de ses conclusions, que le projet de règlement d’exécution du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement no 834/2007 (JO 2018, L 150, p. 1), prévoit, à son article 7, second alinéa, que l’autorisation d’ajout d’ingrédients non biologiques d’origine agricole aux denrées alimentaires biologiques transformées ne jouera pas si ces derniers sont utilisés comme produits ou substances mentionnés à l’annexe II, partie IV, point 2.2.2, du règlement 2018/848, au nombre desquels figurent, notamment, les minéraux. Bien que le règlement 2018/848 et ledit projet de règlement d’exécution, y compris ses annexes, ne soient pas applicables en l’occurrence, ils démontrent toutefois une évolution en matière d’alimentation biologique, tendant à limiter l’ajout d’éléments non biologiques dans les denrées alimentaires biologiques.

72      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que le règlement no 889/2008 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’utilisation d’une poudre obtenue à partir de sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum qui sont nettoyés, séchés et broyés, en tant qu’ingrédient non biologique d’origine agricole, au sens de l’article 28 du règlement no 889/2008, dans la transformation de denrées alimentaires biologiques, telles que des boissons biologiques à base de riz et de soja, aux fins de leur enrichissement en calcium.

 Sur la troisième question

73      Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

 Sur les dépens

74      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

Le règlement (CE) no 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) 2018/1584 de la Commission, du 22 octobre 2018, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’utilisation d’une poudre obtenue à partir de sédiments de l’algue Lithothamnium calcareum qui sont nettoyés, séchés et broyés, en tant qu’ingrédient non biologique d’origine agricole, au sens de l’article 28 du règlement no 889/2008, tel que modifié par le règlement d’exécution 2018/1584, dans la transformation de denrées alimentaires biologiques, telles que des boissons biologiques à base de riz et de soja, aux fins de leur enrichissement en calcium.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.