Language of document : ECLI:EU:T:2021:923

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

 21 décembre 2021 (*)

« Recours en indemnité – Fonction publique – Agents temporaires – Ouverture d’une enquête administrative – Article 86, paragraphe 2, du statut – Obligation d’information – Durée de la procédure – Délai raisonnable – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Confidentialité de l’enquête administrative – Devoir de sollicitude – Préjudice moral – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑703/19,

DD, représenté initialement par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, avocates, puis par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), représentée par M. M. O’Flaherty, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours fondé sur l’article 270 TFUE et tendant, en substance, à la réparation du préjudice moral prétendument subi par le requérant estimé ex æquo et bono à 50 000 euros causé par l’ouverture et par la conduite d’une procédure administrative au sein de la FRA,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. L. Madise, faisant fonction de président, P. Nihoul et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, DD, a été recruté le 1er août 2000 par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), devenu l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »). Engagé initialement sous contrat à durée déterminée, il a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée à partir du 16 décembre 2006.

2        Par lettre du 13 juin 2013, le directeur de la FRA a informé le requérant de sa décision de résilier son contrat à durée indéterminée et lui a demandé de ne pas se rendre sur son lieu de travail pendant la période de préavis « commençant [le jour même] et prenant fin le 12 [a]vril 2014 ».

3        Le délai de préavis de dix mois prévu à l’article 47, sous c), i), du RAA a expiré le 13 avril 2014. Lors de la période de préavis, le requérant a été déchargé de son obligation de fournir ses services et de se rendre dans les locaux de la FRA.

4        Par courriels du 5 mars et du 9 octobre 2014 (ci-après, pris ensemble, les « courriels litigieux »), le requérant a transmis à A, un ancien fonctionnaire de la FRA, depuis son adresse électronique privée, certaines informations internes à caractère confidentiel de la FRA. Il s’agissait de documents contenant, notamment, une liste de paiements effectués par la FRA à B, son ancien conseiller juridique.

5        Le 20 mars 2015, le directeur de la FRA a ouvert une enquête administrative, au titre de l’article 2 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), portant, en substance, sur les circonstances de la transmission vers l’extérieur des documents internes de la FRA (ci-après l’« enquête » ou l’« enquête administrative »).

6        L’enquête a été menée sur le fondement de trois décisions (ci-après, prises ensemble, les « décisions afférentes à l’ouverture de l’enquête administrative »), à savoir, premièrement, la décision DIR/003/2015, du 20 mars 2015, portant sur l’ouverture de l’enquête administrative (ci-après la « décision d’ouverture de l’enquête administrative »), deuxièmement, la décision DIR/004/2016, du 3 mars 2016, portant sur l’extension de la portée de l’enquête administrative (ci-après la « décision d’extension de l’enquête administrative » ou la « décision d’extension ») et, troisièmement, la décision DIR/005/2016, du 18 mars 2016, portant sur la nomination d’un comité d’enquête.

7        Par un arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de résiliation visée au point 2 ci-dessus. Il a, en revanche, rejeté les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation de son préjudice moral.

8        Le requérant a introduit un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique, rejeté par l’arrêt du 19 juillet 2017, DD/FRA (T‑742/15 P, non publié, EU:T:2017:528).

9        Le 29 février 2016, la FRA a réintégré le requérant dans ses fonctions, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118).

10      Le 30 mars 2016, la FRA a adressé au requérant une note par laquelle elle l’a informé, d’une part, de l’ouverture de l’enquête administrative, et, d’autre part, de la tenue d’une audition prévue pour le 5 avril 2016.

11      Par un échange de courriels du même jour, le requérant a demandé à la FRA de lui fournir les éléments de preuve retenus à charge contre lui. En réponse à sa demande, les enquêteurs lui ont communiqué, le jour même, certains documents, dont une copie de son courriel du 9 octobre 2014.

12      Par un courriel du 4 avril 2016, en complément de l’envoi du courriel visé au point 11 ci-dessus, la FRA a transmis au requérant des preuves supplémentaires, dont une copie de son courriel du 5 mars 2014.

13      Le 5 avril 2016, les enquêteurs de la FRA ont auditionné le requérant ainsi que sept autres témoins.

14      Le 10 octobre 2016, le requérant a été informé que le rapport d’enquête avait été achevé.

15      Le 12 octobre 2016, le requérant a demandé à la FRA de lui transmettre les conclusions du rapport d’enquête, les conclusions de l’enquête ainsi que tout autre document directement lié aux allégations formulées à son égard.

16      Par un courriel du 20 octobre 2016, en réponse à son courriel visé au point 15 ci-dessus, la FRA a transmis au requérant les conclusions du rapport d’enquête.

17      Le 17 novembre 2016, le requérant a été invité à une audition, au sens de l’article 3 de l’annexe IX du statut, prévue le 6 décembre 2016. À cette occasion, le requérant a également reçu une copie du rapport d’enquête accompagnée de ses annexes.

18      Le 5 décembre 2016, la FRA a informé le requérant que l’audition visée au point 17 ci-dessus avait été reportée à une date ultérieure.

19      L’audition a eu lieu le 12 janvier 2017. Lors de cette audition, le requérant a produit une déclaration écrite dans laquelle il soutenait que le courriel du 9 octobre 2014 avait fait l’objet d’une fuite au sein de la FRA et a demandé l’ouverture d’une enquête interne à ce sujet.

20      Le 13 janvier 2017, le requérant a reçu le procès-verbal de l’audition visée au point 19 ci-dessus.

21      Le 20 janvier 2017, le requérant a transmis au directeur de la FRA ses observations finales sur le rapport d’enquête.

22      Le 28 avril 2017, le directeur de la FRA a décidé de clôturer l’enquête administrative sans suite. Cette décision a été notifiée au requérant le 4 mai 2017.

23      Le 27 août 2018, le requérant a introduit une demande (ci-après la « demande du 27 août 2018 ) au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, par laquelle il a sollicité, premièrement, l’accès à certains documents, à savoir les décisions afférentes à l’ouverture de l’enquête administrative, ainsi que la note du chef du directeur des ressources humaines de la FRA du 20 mars 2015 adressée au directeur (ci-après la « note du 20 mars 2015 »), deuxièmement, l’ouverture d’une enquête sur une violation de la confidentialité de l’enquête administrative et, troisièmement, la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi en raison du comportement illégal de la FRA au cours de l’enquête administrative.

24      Le 21 décembre 2018, le directeur de la FRA a partiellement fait droit à la demande du 27 août 2018 en accordant au requérant l’accès à certains documents demandés par lui, visés au point 23 ci-dessus (ci-après la « décision du 21 décembre 2018 »). Parmi les documents transmis au requérant figuraient les décisions afférentes à l’ouverture de l’enquête administrative. Ladite demande a été rejetée pour le surplus.

25      Le 5 mars 2019, le requérant a formé une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 21 décembre 2018 (ci-après la « réclamation »). 

26      Par décision du 24 juin 2019, le directeur de la FRA a communiqué au requérant la note du 20 mars 2015 et a rejeté la réclamation visée au point 25 ci-dessus pour le surplus (ci-après la « décision du 24 juin 2019 »).

II.    Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2019, le requérant a introduit le présent recours. Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés, respectivement, le 20 janvier, le 13 mars et le 29 juin 2020.

28      En raison de l’empêchement de siéger du président de la quatrième chambre, le juge L. Madise a été désigné pour le remplacer et le juge P. Nihoul a été désigné pour compléter la formation de jugement.

29      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a, d’une part, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, posé aux parties des questions écrites en les invitant à y répondre par écrit et, d’autre part, décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du même règlement, de statuer sans phase orale de la procédure. Les parties ont répondu dans le délai imparti.

30      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la FRA à réparer son préjudice moral évalué ex æquo et bono à 50 000 euros ;

–        annuler la décision du 21 décembre 2018 ;

–        si nécessaire, annuler la décision du 24 juin 2019 ;

–        condamner la FRA aux dépens.

31      La FRA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions

32      Le requérant, tout en présentant des conclusions indemnitaires, conclut à l’annulation de la décision du 21 décembre 2018 et, en tant que de besoin, de la décision du 24 juin 2019.

33      Il ressort de l’articulation entre les trois chefs de conclusions que, par le présent recours, le requérant vise l’indemnisation du dommage qu’il prétend avoir subi en raison de l’ouverture de l’enquête administrative. Une telle conclusion s’impose également eu égard au libellé du point 19 de la requête. Dans ces circonstances, il convient de considérer que le présent recours revêt un caractère exclusivement indemnitaire.

34      À cet égard, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande de dommages et intérêts fait partie intégrante de la procédure administrative qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal. Étant donné que l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le juge d’une demande en indemnité, les conclusions en annulation dirigées contre une telle décision de rejet ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 42 et jurisprudence citée).

35      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer en l’espèce de manière autonome sur les deuxième et troisième chefs de conclusions.

B.      Sur le premier chef de conclusions

36      Par son premier chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de condamner la FRA à réparer le préjudice moral qu’il a prétendument subi en raison des illégalités commises par cette dernière tant lors de l’ouverture de l’enquête administrative qu’au cours de celle-ci.

37      À cet égard, il convient de rappeler que l’engagement de la responsabilité d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union européenne est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du préjudice allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice allégué, ces trois conditions étant cumulatives (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, points 47 et jurisprudence citée).

38      À cet égard, le contentieux en matière de fonction publique au titre de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du statut, y compris celui visant à la réparation d’un dommage causé à un fonctionnaire ou à un agent par une institution, par un organe ou par un organisme de l’Union, obéit à des règles particulières et spéciales par rapport à celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, points 48 et jurisprudence citée).

39      En effet, il ressort notamment du statut que, à la différence de tout autre particulier, le fonctionnaire ou l’agent de l’Union est lié à l’institution, à l’organe ou à l’organisme dont il dépend par une relation juridique d’emploi comportant un équilibre de droits et d’obligations réciproques spécifiques, qui est reflété par le devoir de sollicitude de l’employeur institutionnel à l’égard de l’intéressé (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, points 49 et jurisprudence citée).

40      Au regard de cette responsabilité accrue de l’Union lorsqu’elle agit en tant qu’employeur, la seule constatation d’une illégalité commise, selon les cas, par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») ou par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, qu’il s’agisse d’un acte ou d’un comportement décisionnel, est suffisante pour considérer comme remplie la première des trois conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité de l’Union pour les dommages causés à ses fonctionnaires et agents en raison d’une violation du droit de la fonction publique de l’Union, et ce, par conséquent, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la question de savoir s’il s’agit d’une violation « suffisamment caractérisée » d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, points 50 et jurisprudence citée).

41      Il convient dès lors d’examiner si les conditions visées au point 37 ci-dessus sont remplies, en commençant par celle relative à l’illégalité du comportement reproché.

1.      Sur l’illégalité des comportements reprochés à la FRA

42      En l’espèce, le requérant invoque neuf illégalités, tirées :

–        la première, de ce que les enquêteurs n’auraient pas disposé d’un mandat suffisant pour enquêter, d’une part, sur une violation par lui des articles 11 et 17 du statut et, d’autre part, sur le courriel du 5 mars 2014, de sorte que l’enquête administrative serait dépourvue de fondement juridique et violerait l’article 86, paragraphe 2, du statut ainsi que l’article 2 de la décision 2013/01 du conseil d’administration de la FRA, du 22 mai 2013, sur la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires (ci-après la « décision 2013/01 ») ;

–        la deuxième, de ce que la décision d’ouverture de l’enquête administrative n’aurait pas été fondée sur l’existence d’un soupçon raisonnable ;

–        la troisième, de ce que la FRA ne l’aurait pas informé de l’ouverture de l’enquête administrative et ne lui aurait pas communiqué les décisions afférentes à celle-ci ;

–        la quatrième, d’un caractère excessif et déraisonnable de la durée de la procédure administrative ;

–        la cinquième, de ce que la décision clôturant l’enquête serait dépourvue de motivation ;

–        la sixième, de ce que le rapport d’enquête serait entaché d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation ;

–        la septième, d’une violation de la confidentialité de l’enquête par la FRA ;

–        la huitième, d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1) ;

–        la neuvième, d’une violation du devoir de sollicitude, d’un manque d’objectivité et d’impartialité ainsi que d’un détournement de pouvoir.

a)      Sur le premier chef d’illégalité, tiré de ce que les enquêteurs n’auraient pas disposé d’un mandat suffisant pour enquêter, d’une part, sur une éventuelle violation des articles 11 et 17 du statut par le requérant et, d’autre part, sur le courriel du 5 mars 2014, de sorte que l’enquête administrative serait dépourvue de fondement juridique et violerait l’article 86, paragraphe 2, du statut ainsi que l’article 2 de la décision 2013/01

43      Le requérant estime, en substance, que l’enquête administrative ne pouvait porter ni sur le courriel du 5 mars 2014, ni sur une violation des dispositions statutaires, puisque les enquêteurs n’ont pas été dûment mandatés par la FRA pour enquêter sur sa participation dans la fuite litigieuse. Il en conclut que l’enquête administrative est dépourvue de fondement juridique et viole ainsi l’article 86, paragraphe 2, du statut ainsi que l’article 2 de la décision 2013/01.

44      La FRA excipe de l’irrecevabilité du premier chef d’illégalité au motif que, dans la réclamation, le requérant n’aurait pas soulevé l’argument formulé dans le cadre du premier chef d’illégalité.

45      Il convient de rappeler, à cet égard, que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours ou l’allégation d’une faute, sans statuer préalablement sur leur recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52 ; du 11 juillet 2014, Telefónica de España et Telefónica Móviles España/Commission, T‑151/11, EU:T:2014:631, point 34, et du 15 décembre 2015, Guittet/Commission, F‑141/14, EU:F:2015:149, point 49).

46      Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé de l’argumentation du requérant, dans la mesure où, d’une part, la détermination de la portée précise de l’enquête administrative est au cœur de la présente affaire et a une incidence directe sur l’appréciation du bien-fondé des autres chefs d’illégalité soulevés par le requérant dans le cadre du présent recours et où, d’autre part, et en tout état de cause, ladite argumentation doit être rejetée sur le fond.

47      Dans le cadre de son argumentation relative au présent chef d’illégalité, le requérant allègue que l’objet de l’enquête aurait été strictement limité à l’identification de la personne qui lui aurait transmis les documents internes à caractère confidentiel, de sorte que cette enquête ne pourrait pas être considérée comme portant sur sa participation dans la fuite. En outre, le requérant fait observer que la décision d’ouverture de l’enquête administrative ne mentionnait que son courriel du 9 octobre 2014, de sorte que l’enquête administrative ne pouvait pas porter sur le courriel du 5 mars précédent et, par voie de conséquence, sur son implication dans la fuite.

48      La FRA conteste les arguments du requérant.

49      Force est de constater que le raisonnement avancé par le requérant dans le cadre du premier chef d’illégalité repose sur une lecture erronée des décisions afférentes à l’ouverture de l’enquête administrative.

50      En premier lieu, pour ce qui est de l’argument du requérant selon lequel l’objet de l’enquête ne portait pas sur le courriel du 5 mars 2014, il convient de rappeler qu’il ressort du dispositif de la décision d’ouverture de l’enquête administrative ce qui suit :

« [L]’enquête cherchera à déterminer les faits et circonstances dans lesquels [le requérant] a reçu les documents internes alors qu’il n’avait plus accès aux documents internes de la FRA depuis le 14 juin 2013. »

51      Le dispositif de la décision d’ouverture de l’enquête administrative est ainsi formulé en des termes suffisamment larges pour pouvoir être considéré comme englobant l’ensemble des éléments se rattachant à la fuite litigieuse, y compris donc, contrairement à ce qu’avance le requérant, son courriel du 5 mars 2014, de sorte que le requérant doit être considéré comme une personne concernée par l’enquête administrative.

52      En deuxième lieu, il convient de relever que la décision d’extension de l’enquête administrative a substantiellement élargi la portée de l’enquête.

53      À cet égard, il ressort du libellé du dispositif de cette décision ce qui suit :

« [La FRA] a décidé d’élargir la portée de l’enquête administrative définie par la décision DIR/003/2015, dans le temps et en ce qui concerne les personnes impliquées afin d’identifier [les] source[s] de la fuite aux acteurs extérieurs ainsi qu’aux anciens agents de la FRA. »

54      Dans ce contexte, les constats suivants s’imposent.

55      Premièrement, dans la mesure où cette décision étend la portée de l’enquête sur le plan temporel, il ne saurait être considéré, contrairement à ce que fait valoir le requérant, que l’enquête administrative ne portait que sur le courriel du 9 octobre 2014. En effet, eu égard à la définition particulièrement large de son objet, elle doit être considérée comme portant nécessairement sur tout autre document susceptible d’avoir fait l’objet d’une divulgation non autorisée présentant un lien avec le courriel du 9 octobre 2014, y compris le courriel du 5 mars 2014.

56      Deuxièmement, il y a également lieu d’observer que la décision d’extension de l’enquête administrative élargit substantiellement la portée de l’enquête sur le plan matériel. En effet, à tout le moins à la suite de cette extension, elle portait non seulement sur les acteurs internes impliqués dans la fuite, mais également sur les anciens membres du personnel de la FRA tels que, à l’époque de l’ouverture de l’enquête, le requérant. En d’autres termes, le mandat des enquêteurs ne saurait être considéré comme ayant été limité à la question de savoir qui, au sein de la FRA, a transmis les documents internes de la FRA au requérant.

57      Dans ce contexte, il convient également de relever qu’il ressort du dispositif de la décision portant sur la nomination d’un comité d’enquête (voir point 9 ci-dessus), notamment son article 2, paragraphe 1, que l’enquête avait pour objet « d’identifier les sources des informations divulguées aux personnes externes et de vérifier s’il y avait eu violation des dispositions du statut ».

58      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que l’enquête administrative avait pour objet l’ensemble des faits se rattachant à la fuite vers l’extérieur des documents internes de la FRA. Il s’ensuit que l’enquête doit être considérée comme portant sur un éventuel transfert, non autorisé, des documents internes de ladite institution intervenu tant antérieurement que postérieurement à la date à laquelle le requérant ne disposait plus d’un accès aux locaux de la FRA (voir point 3 ci-dessus), sur le rôle joué par les diverses personnes impliquées ainsi que, par voie de conséquence, sur d’éventuelles violations de dispositions statutaires par le requérant.

59      En troisième lieu et en tout état de cause, même s’il est certes vrai que l’enquête administrative a été formellement ouverte le 20 mars 2015, elle n’a pu réellement débuter qu’au moment de la nomination du comité d’enquête, laquelle n’est intervenue que le 18 mars 2016.

60      À cet égard, force est de constater que, dans ses écritures, le requérant n’avance aucun argument de nature à contredire ce constat.

61      Ainsi, dans la mesure où l’enquête administrative n’a pas réellement débuté avant la nomination du comité d’enquête, il ne saurait être raisonnablement reproché aux enquêteurs d’avoir méconnu la portée de l’enquête, telle que définie notamment par la décision d’extension, en ce qui concerne la période antérieure à la nomination du comité d’enquête.

62      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel il n’aurait pas dû être considéré comme une personne concernée par l’enquête administrative. Le fait que les décisions afférentes à l’ouverture de l’enquête administrative ne l’identifiaient pas expressément comme une personne concernée par une éventuelle violation des articles 11 et 17 du statut, ni ne mentionnaient expressément son courriel du 5 mars 2014, mais uniquement celui du 9 octobre 2014, est, à la lumière des considérations exposées aux points 55 à 61 ci-dessus, sans pertinence.

63      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le premier chef d’illégalité doit être rejeté comme non fondé.

b)      Sur le deuxième chef d’illégalité, tiré de ce que la décision d’ouverture de l’enquête administrative n’aurait pas été fondée sur l’existence d’un soupçon raisonnable

64      Le requérant fait valoir que la FRA a violé l’article 86, paragraphe 2, du statut et l’article 3, sous c), de l’annexe IX de celui-ci en ce que celle-ci a ouvert l’enquête administrative en l’absence de soupçon raisonnable d’une infraction disciplinaire étayé à suffisance de droit, comme le requièrent lesdites dispositions.

65      La FRA conteste l’ensemble des arguments avancés par le requérant.

66      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que les arguments développés par le requérant se rattachent étroitement aux arguments avancés dans le cadre du premier chef d’illégalité. En effet, son argumentation repose, de nouveau, sur la prémisse erronée selon laquelle les enquêteurs n’auraient pas été dûment mandatés pour enquêter sur le courriel du 5 mars 2014, ni sur l’implication du requérant dans la fuite litigieuse. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé notamment aux points 50 à 57 ci-dessus, tel n’est pas le cas en l’espèce.

67      À titre principal, il convient de relever que, l’AIPN, en l’espèce le directeur de la FRA, dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider si, au vu des éléments en sa possession, il convient d’ouvrir une enquête administrative en vertu de l’article 2 de l’annexe IX du statut, lequel renvoie à l’article 1er de ladite annexe, puis, le cas échéant, l’une des procédures disciplinaires prévues aux sections 4 et 5 de la même annexe (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 184).

68      Cependant, le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration pour décider s’il convient d’ouvrir une enquête, puis l’une des procédures disciplinaires prévues aux sections 4 et 5 de l’annexe IX du statut, ne saurait justifier que l’AIPN diligente une procédure sans même disposer d’un commencement de preuve à l’égard des personnes concernées. Par conséquent, afin de protéger les droits du fonctionnaire concerné, l’AIPN doit s’assurer qu’elle dispose, avant d’ouvrir une enquête, d’indices laissant présumer en ce qui concerne la personne concernée un manquement à ses obligations statutaires et, avant d’ouvrir la procédure disciplinaire, d’éléments suffisamment précis et pertinents pour étayer ses suspicions (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 185).

69      En l’espèce, par l’envoi des courriels litigieux, le requérant a divulgué vers l’extérieur les documents internes à caractère confidentiel de la FRA. Ce constat n’est pas contredit par les arguments du requérant. Ainsi qu’il découle des développements effectués dans le cadre de l’examen du premier chef d’illégalité (voir notamment points 50 à 62 ci-dessus), au moment de l’envoi du courriel du 5 mars 2014, le requérant était toujours un agent de la FRA soumis, notamment, à l’obligation de loyauté et à l’obligation de confidentialité prévues respectivement par les articles 11 et 17 du statut.

70      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il découle des éléments de réponse apportés par la FRA dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, les courriels litigieux ont été portés à la connaissance de celle-ci le 14 février 2015. Ceux-ci ont été joints, sous forme d’annexes, à une demande d’accès aux documents, introduite conformément au règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), formulée par A auprès de la FRA.

71      Force est de constater que, disposant d’une preuve de la divulgation de documents internes vers l’extérieur, lesquels étaient joints aux courriels litigieux qui avaient été portés à sa connaissance le 14 février 2015, la FRA disposait d’un indice suffisant de l’existence d’un manquement aux obligations statutaires, au sens de la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus.

72      Dans ces circonstances, eu égard à la nature des manquements reprochés ainsi qu’au caractère hautement probant de plusieurs éléments de preuve à sa disposition, la FRA a pu raisonnablement considérer qu’il était nécessaire d’ouvrir une enquête administrative en l’espèce.

73      Par conséquent, le requérant n’est pas fondé à soutenir que, en ouvrant l’enquête administrative, la FRA a violé l’article 86, paragraphe 2, du statut.

74      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les autres arguments avancés par le requérant.

75      En premier lieu, en ce qui concerne l’argument du requérant tiré de ce que l’ouverture de l’enquête administrative serait de nature à porter atteinte à sa présomption d’innocence, il suffit de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’ouverture d’une procédure administrative ne viole pas à elle seule la présomption d’innocence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 93 et jurisprudence citée).

76      Or, en l’espèce, le requérant n’ayant pas avancé d’autres éléments permettant de caractériser une éventuelle violation de la présomption d’innocence, la simple ouverture d’une enquête administrative n’est pas de nature, à la lumière de la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus, à porter atteinte à celle-ci.

77      En deuxième lieu, le requérant fait valoir que, au moment où il a reçu et, par la suite, divulgué les informations internes à caractère confidentiel de la FRA, il n’était plus en service actif auprès de la FRA, de sorte que l’envoi des courriels litigieux ne devrait pas être considéré comme intervenu « dans l’exercice des fonctions » au sens de l’article 17 du statut. À cet égard, il suffit d’observer que, au moment de l’envoi du courriel du 5 mars 2014, le requérant était, nonobstant la période de son préavis, toujours un agent de la FRA et de ce fait nécessairement soumis aux dispositions statutaires, notamment aux obligations de loyauté et de confidentialité découlant, respectivement, de l’article 11 et de l’article 17 du statut.

78      En troisième lieu, le requérant se prévaut de la période de préavis en alléguant que, durant ladite période, il ne relevait plus du régime statutaire. À cet égard, il convient de rappeler que, par lettre du 13 juin 2013 (voir point 2 ci-dessus), la FRA a informé le requérant de sa décision de résilier son contrat de travail. Au cours de cette période, le requérant était dispensé de l’obligation de fournir les prestations découlant de son contrat de travail et de se rendre dans les locaux de la FRA.

79      Force est toutefois de constater que la période de préavis précède la fin de la relation contractuelle. Il s’ensuit que cette période doit être considérée comme une période de travail normale au cours de laquelle le requérant restait soumis aux droits et aux obligations découlant du statut.

80      Par conséquent, le fait que, lors de cette période, celui-ci était libéré de l’obligation de fournir ses prestations professionnelles et de se rendre dans les locaux de la FRA n’est pas de nature à l’exonérer des obligations de loyauté et de confidentialité que lui imposaient, respectivement, l’article 11 et l’article 17 du statut.

81      En quatrième lieu, le requérant fait valoir que, au moment de l’ouverture de l’enquête administrative, la FRA était en possession de l’ensemble des informations se rapportant à sa participation dans la fuite, de sorte que l’ouverture de l’enquête à son égard n’était pas nécessaire.

82      À cet égard, il y a lieu d’observer qu’il ne peut être déduit du simple fait que la FRA était en possession des courriels litigieux, démontrant que des documents internes à caractère confidentiel avaient fait objet d’une divulgation vers l’extérieur, que, au moment de l’ouverture de l’enquête administrative, la FRA disposait de l’ensemble des informations relatives à la fuite, telles que l’ampleur de celle-ci ainsi que la nature de l’implication du requérant.

83      Par ailleurs, ainsi qu’il découle de l’analyse effectuée aux points 51 à 61 ci-dessus, l’enquête administrative en cause n’était pas, contrairement à ce que prétend le requérant, dirigée contre une personne déterminée, mais visait l’ensemble des circonstances se rattachant à la fuite des documents internes de la FRA vers l’extérieur.

84      De surcroît, il convient de rappeler que, en présence d’un commencement de preuve suffisant rendant nécessaire l’ouverture d’une enquête administrative aux fins d’établir si les faits allégués étaient susceptibles de constituer une violation des dispositions statutaires, il faut que cette enquête soit conduite jusqu’à son terme, afin que l’administration, éclairée par les conclusions du rapport d’enquête, puisse prendre une position définitive à cet égard, lui permettant alors soit de clôturer sans suite l’enquête administrative, soit, lorsque les faits allégués sont avérés et relèvent du champ d’application du statut, notamment d’engager une procédure disciplinaire en vue, le cas échéant, de prendre des sanctions disciplinaires à l’égard de l’auteur de l’infraction présumée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, points 56 et 57).

85      En cinquième lieu, pour ce qui est de l’argument selon lequel l’AIPN aurait lancé en mars 2016, selon les termes du requérant, une « opération de recherche aléatoire » (« pêche aux informations »), force est de constater que cet argument constitue une simple allégation, laquelle n’est corroborée par aucun élément concret, de sorte qu’il convient de l’écarter comme non fondé.

86      Eu égard à l’ensemble des éléments qui précédent, le présent chef d’illégalité ne peut qu’être rejeté comme étant non fondé.

c)      Sur le troisième chef d’illégalité, tiré de ce que la FRA n’aurait pas informé le requérant de l’ouverture de l’enquête administrative et ne lui aurait pas communiqué les décisions afférentes à celle-ci

87      Dans le cadre du présent chef d’illégalité, le requérant reproche, en substance, à la FRA d’avoir violé l’article 1er, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, ainsi que l’article 5, paragraphe 2, de la décision 2013/01.

88      À cet égard, les allégations du requérant peuvent s’articuler autour de deux branches. La première est tirée de ce que la FRA ne l’aurait pas informé de l’existence de l’enquête administrative en temps utile. La seconde est tirée, en substance, de ce que cette dernière ne lui aurait pas communiqué l’ensemble des documents directement liés aux allégations formulées à son égard ainsi que l’exigerait l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2013/01 en méconnaissance de ses droits de la défense.

1)      Sur la première branche, tirée de ce que la FRA n’aurait pas informé le requérant de l’ouverture de l’enquête administrative en temps utile

89      Le requérant reproche à la FRA de ne l’avoir informé de l’existence d’une enquête administrative qu’un an après son ouverture, alors que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, ainsi que de l’article 5, paragraphe 2, de la décision 2013/01, il aurait dû en être informé rapidement. La FRA n’aurait pas fourni la moindre explication pour justifier ce retard. Le requérant rappelle également qu’il a appris l’ouverture de l’enquête administrative de manière incidente, en consultant le rapport d’enquête qui lui a été transmis par la FRA.

90      Premièrement, la FRA fait valoir qu’au moment de l’ouverture de l’enquête administrative le requérant ne faisait plus partie des membres du personnel de celle-ci. Deuxièmement, dans la mesure où, en l’absence de nomination d’un panel d’enquête, jusqu’au mois de mars 2015 l’enquête administrative aurait été « en veille » et aucun acte de procédure ne pouvait être adopté lors de cette période, ladite enquête devrait être considérée comme non existante. Troisièmement, la FRA relève, en substance, que, dans ses écritures, le requérant n’explique pas en quoi le fait de n’avoir pas été informé de l’enquête administrative aurait porté atteinte à ses droits. Enfin, elle rappelle que, en tout état de cause, le 30 mars 2016, elle a informé le requérant de l’enquête administrative.

91      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 5, paragraphe 2, de la décision 2013/01 dispose ce qui suit :

« [T]ous les membres du personnel concernés par une enquête administrative devraient être informés, le cas échéant, de son existence, de son ouverture et de sa clôture, ainsi que des extensions éventuelles, à moins que le directeur ne considère que divulguer ces informations nuirait à l’enquête […]. »

92      Bien que la formulation de l’article 5, paragraphe 2, de la décision 2013/01 ne vise pas expressément les anciens membres du personnel de la FRA, la FRA ne saurait, contrairement à ce qu’elle soutient, être dispensée de son obligation d’information à leur égard. En effet, cette disposition doit être lue à la lumière des dispositions pertinentes du statut. Or, il ressort de la lecture combinée de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut que, dès qu’une enquête administrative révèle la possibilité qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire soit personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête.

93      Dans ces conditions et dans la mesure où, au moment de l’ouverture de l’enquête administrative, il existait une possibilité de l’implication du requérant dans la fuite litigieuse (voir points 50 et 51 ci-dessus), la FRA était tenue d’informer le requérant de l’enquête dès son ouverture, sauf si cette information était susceptible de nuire au déroulement de l’enquête.

94      Or, en l’espèce, premièrement, force est de constater que ce n’est que par la note du 30 mars 2016 (voir point 10 ci-dessus), soit un an après l’ouverture de l’enquête administrative (voir point 5 ci-dessus), que le requérant a été informé de l’existence de l’enquête administrative. En outre, ladite note n’indique pas la date d’ouverture de celle-ci.

95      Deuxièmement, la circonstance, invoquée par la FRA, selon laquelle l’enquête administrative n’a réellement débuté qu’un an après son ouverture formelle n’était pas de nature à l’exonérer de son obligation d’informer le requérant de l’enquête administrative dès qu’était apparue la possibilité de l’implication de ce dernier dans l’objet d’enquête, conformément aux dispositions prévues par l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.

96      De même, la FRA ne saurait se prévaloir du fait que, au cours de la période de « veille », aucun acte de procédure ne pouvait être adopté et que, en tout état de cause, le 30 mars 2016, le requérant a été informé de l’existence de l’enquête. En effet, ce fait est, de nouveau, sans incidence sur l’obligation incombant à la FRA de respecter les dispositions statutaires visées au point 92 ci-dessus.

97      Troisièmement, il y a lieu de relever que l’obligation d’information imposée tant par les dispositions du statut que par la décision 2013/01, visées aux points 91 et 92 ci-dessus, ne revêt pas un caractère absolu. En effet, il est loisible à l’AIPN concernée de s’en dispenser lorsqu’elle estime qu’une telle communication risquerait de nuire au déroulement d’une enquête administrative.

98      Or, force est de constater que, dans ses écritures, la FRA ne fait état d’aucun motif susceptible de démontrer l’existence d’un tel risque et, par voie de conséquence, de justifier un éventuel non-respect de l’obligation d’information prévue par les dispositions pertinentes du statut et de la décision 2013/01.

99      Par conséquent, il convient de conclure que, dans la mesure où le requérant, en tant qu’ancien membre du personnel de la FRA, n’a pas été informé de l’existence de l’enquête administrative dès l’ouverture de celle-ci, la FRA a violé son obligation d’information découlant des dispositions mentionnées aux points 91 et 92 ci-dessus.

100    Partant, la première branche du présent chef d’illégalité doit être accueillie.

2)      Sur la seconde branche, tirée de ce que la FRA n’aurait pas communiqué au requérant l’ensemble des documents directement liés aux allégations formulées à son égard

101    Par cette seconde branche, le requérant reproche, en substance, à la FRA d’avoir violé ses droits de la défense ainsi que l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2013/01 en ce que celle-ci ne lui aurait communiqué les documents directement liés aux allégations formulées à son égard qu’en réponse à sa deuxième demande formulée en ce sens. Il se réfère, à cet égard, à sa demande du 12 octobre 2016 (voir point 15 ci-dessus). Dans ses écritures, il vise, en particulier, les décisions afférentes à l’ouverture de l’enquête administrative.

102    La FRA conteste les arguments du requérant.

103    Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, point 37 et jurisprudence citée).

104    Ce principe est reflété dans l’obligation de communiquer à la personne concernée par l’enquête administrative tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son égard, découlant de la lecture combinée de l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2013/01 et de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe IX du statut.

105    Conformément à l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2013/01 :

« [L]e directeur communique à [la] demande [du membre du personnel concerné] l’intégralité des documents directement liés aux allégations sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties. »

106    Une dispositions analogue figure à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe IX du statut :

« L’[AIPN] communique [à l’intéressé] sur [s]a demande et sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre. »

107    Il s’ensuit que, en vertu des dispositions visées aux points 105 et 106 ci-dessus, doivent, en principe, être communiqués, à la demande du membre du personnel concerné, l’ensemble des documents directement liés aux allégations formulées à son égard.

108    Il ressort en l’espèce du dossier que dès le 12 octobre 2016 le requérant a formulé une demande visant la communication des documents liés aux allégations à son égard (voir point 15 ci-dessus).

109    Or, il n’est pas contesté que ce n’est que, d’une part, le 21 décembre 2018, en réponse à la demande du 27 août 2018, que la FRA a communiqué au requérant les décisions afférentes à l’ouverture de l’enquête administrative (voir point 24 ci-dessus) et, d’autre part, le 24 juin 2019, en réponse à la réclamation, que la FRA a transmis au requérant la note du 20 mars 2015 (voir point 26 ci-dessus), soit après la clôture de l’enquête administrative.

110    De surcroît, il convient de relever que ni au cours de la procédure précontentieuse ni devant le Tribunal la FRA n’a avancé d’arguments de nature à démontrer que la communication des documents sollicités aurait été susceptible de porter atteinte aux intérêts légitimes de tierces parties au sens des dispositions visées aux points 105 et 106 ci-dessus.

111    Il découle des constatations figurant aux points 108 et 109 ci-dessus que les obligations prévues par les dispositions susmentionnées, lesquelles mettent en œuvre le principe général du respect des droits de la défense en la matière, n’ont pas été respectées par la FRA. Dès lors, la présente branche et, partant, le troisième chef d’illégalité dans son ensemble doivent être déclarés fondés.

d)      Sur le quatrième chef d’illégalité, tiré d’un caractère excessif et déraisonnable de la durée de la procédure administrative

112    Le requérant fait valoir, en substance, que la durée de l’enquête administrative engagée par la FRA revêt un caractère déraisonnable.

113    La FRA estime que les arguments avancés par le requérant sont dénués de fondement.

114    Il convient de rappeler que, dans la mesure où le statut ne prévoit pas de disposition spécifique quant au délai dans lequel une enquête administrative doit être conduite par l’administration, l’AIPN est tenue, dans ce domaine, au respect du principe du délai raisonnable. À cet égard, il découle du principe de bonne administration que les autorités ont l’obligation de mener avec diligence la procédure administrative et d’agir de sorte que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au précédent (voir, par analogie, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 101 et jurisprudence citée).

115    Ce devoir de diligence et de respect du délai raisonnable s’impose également quant à l’ouverture de la procédure administrative, notamment, dans le cas et à partir du moment où l’administration a pris connaissance des faits et des conduites susceptibles de constituer des infractions aux obligations statutaires d’un fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 125).

116    Il importe de relever également que le principe de sécurité juridique serait remis en cause si l’administration retardait excessivement l’ouverture de la procédure administrative. En effet, tant l’appréciation par l’administration des faits et des conduites en cause que l’exercice par le fonctionnaire de ses droits de la défense peuvent s’avérer particulièrement difficiles si une longue période de temps s’est écoulée entre le moment où ces faits et ces conduites ont eu lieu et le début de l’enquête administrative. En effet, d’une part, des témoins et des documents importants – à charge ou à décharge – peuvent avoir disparu et, d’autre part, il devient difficile pour toutes les personnes concernées et les témoins de restituer fidèlement leurs souvenirs des faits de l’espèce et des circonstances de leur survenance (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 126).

117    La période à prendre en considération pour évaluer le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative n’est pas uniquement celle qui commence à partir de la décision d’ouvrir ladite procédure. La question de savoir si la procédure administrative, une fois ouverte, a été conduite avec la diligence requise sera influencée par la circonstance qu’une période plus ou moins longue se sera écoulée entre la survenance de la prétendue violation d’obligations statutaires et la décision d’ouverture de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 127).

118    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement de la partie requérante et de celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 128).

119    Aucun facteur particulier n’est déterminant. Il convient d’examiner chacun d’eux de manière séparée, puis d’évaluer leur effet cumulatif. Certains exemples de retard imputables à l’AIPN peuvent ne pas paraître déraisonnables s’ils sont considérés isolément, mais l’être s’ils le sont ensemble. Les exigences en matière de diligence procédurale ne vont cependant pas au-delà de celles qui sont compatibles avec le principe de bonne administration (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 129).

120    Afin de vérifier, à la lumière de ces principes, si, d’une part, la phase antérieure à la procédure administrative et, d’autre part, la procédure administrative proprement dite se sont déroulées dans un délai raisonnable, il convient, d’abord, de rappeler les principaux événements ayant conduit à l’ouverture de la procédure administrative, ainsi que les principales étapes de la procédure administrative elle-même, avant d’examiner, ensuite, si la durée objectivement constatée doit être considérée comme raisonnable ou non.

121    En premier lieu, il convient de rappeler, premièrement, que le fait le plus ancien reproché au requérant remonte au 5 mars 2014 et que le fait le plus récent date du 9 octobre 2014. À cet égard, ainsi qu’il a été relevé au point 70 ci-dessus, les courriels litigieux ont été portés à la connaissance de la FRA le 14 février 2015, dans le cadre de la demande d’accès aux documents introduite par A. Force est de constater que, dans la mesure où un mois s’est écoulé entre la prise de connaissance par la FRA de la survenance de la prétendue violation des obligations statutaires et la décision d’ouverture de l’enquête administrative, l’ouverture de l’enquête s’est faite dans un délai raisonnable, ce qui, au demeurant, n’est pas contesté par le requérant.

122    Deuxièmement, le requérant estime que le délai de presque un an qui s’est écoulé entre l’ouverture de la procédure administrative et la nomination d’un comité d’enquête, intervenues respectivement le 20 mars 2015 et le 18 mars 2016, revêt un caractère déraisonnable.

123    À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque, en raison de décisions prises par l’AIPN, une procédure a dépassé ce qui serait considéré normalement comme une durée raisonnable, c’est à cette autorité qu’il incombe d’établir l’existence de circonstances particulières de nature à justifier ce dépassement (arrêt du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, EU:F:2010:2, point 395).

124    Dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, la FRA a exposé les raisons pour lesquelles la nomination du comité d’enquête n’a pas pu intervenir plus tôt.

125    Tout d’abord, au soutien de ses arguments, la FRA invoque le départ du chef d’unité chargé de l’enquête administrative, lequel aurait quitté l’agence en juin 2015.

126    Ensuite, la FRA rappelle que, le 31 mars 2015, l’ancien directeur de la FRA a quitté l’agence. Dans l’attente de la nomination d’un nouveau directeur, ses fonctions ont été exercées par un directeur ad interim. Elle souligne que ses fonctions étaient limitées à la gestion des affaires courantes au sein de la FRA. À cet égard, elle estime que mandater un comité d’enquête pour enquêter sur les faits commis par le requérant n’entrait pas dans le cadre de ses compétences.

127    Enfin, elle fait valoir que, au moment où le directeur ad interim a pris ses fonctions, elle devait exécuter l’arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA (T‑658/13 P, EU:T:2015:356). À cet égard, elle rappelle que la partie requérante dans cette affaire a accusé le directeur ad interim de se trouver en conflit d’intérêts, mettant ainsi en cause le pouvoir de ce dernier d’adopter les mesures d’exécution dudit arrêt. Eu égard à la relation étroite entre A et le requérant et dans le souci de prévenir un risque que ses compétences soient, pour des raisons analogues, remises en cause par le requérant à l’occasion de la nomination d’un comité d’enquête, le directeur ad interim aurait estimé plus opportun et avisé d’attendre la prise de fonctions du nouveau directeur.

128    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, la FRA n’explique pas précisément en quoi le départ du chef d’unité chargé du dossier aurait pu provoquer un retard de plus d’un an entre la date d’ouverture de l’enquête administrative et la date de nomination du comité d’enquête.

129    Ensuite, en se limitant à invoquer certains éléments d’ordre factuel et de caractère général, la FRA n’apporte aucun élément permettant de considérer que la décision de nommer le comité d’enquête ne relevait pas des compétences du directeur ad interim. Au contraire, dans la mesure où l’enquête administrative avait été ouverte avant la prise de fonctions de celui-ci, la nomination des enquêteurs, en vue de donner la suite indispensable à la décision d’ouverture de l’enquête administrative, apparaît pouvoir s’inscrire pleinement dans la « gestion des affaires courantes » invoquée par la FRA.

130    De surcroît, il convient de rappeler, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 51 à 58 ci-dessus, que l’objet de l’enquête en cause était l’ensemble des faits se rattachant à la fuite vers l’extérieur des documents internes de la FRA.

131    Or, dans la mesure où la FRA a estimé, à juste titre, ainsi qu’il découle de l’analyse du deuxième chef d’illégalité, qu’il était nécessaire d’ouvrir une enquête administrative, elle n’aurait pu, par la suite, raisonnablement se prévaloir, en l’absence d’éléments concrets apportés au soutien d’une telle thèse, du fait que le directeur ad interim ne disposait pas de la compétence requise pour mandater le comité d’enquête.

132    Enfin, pour ce qui est de l’argument de la FRA selon lequel il existait un risque que le requérant remette en cause la nomination des enquêteurs en invoquant l’absence d’impartialité du directeur ad interim qui les aurait nommés, il peut être présumé que les enquêtes administratives ouvertes pour enquêter sur les faits susceptibles de constituer des fautes disciplinaires se déroulent dans un certain climat de tension. C’est également dans de telles circonstances que l’administration est tenue de mener les procédures internes dans un délai raisonnable.

133    Or, admettre qu’une institution, un organe ou un organisme de l’Union puisse invoquer l’existence d’une situation conflictuelle dans le cadre de procédures internes susceptibles d’aboutir à une sanction disciplinaire reviendrait à priver de tout effet utile le principe de sécurité juridique rappelé au point 116 ci-dessus et, par voie de conséquence, l’obligation de mener les procédures internes dans un délai raisonnable.

134    Enfin, face au risque éventuel d’accusations d’impartialité, il aurait été loisible au directeur ad interim de déléguer son pouvoir de nommer le comité d’enquête à une personne non concernée par un éventuel conflit d’intérêts.

135    Ainsi, force est de constater, à la lumière des éléments de réponse apportés dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, que la FRA n’a pas démontré l’existence de circonstances particulières, au sens de la jurisprudence citée au point 123 ci-dessus, de nature à justifier le retard dans la décision de nomination du comité d’enquête.

136    Troisièmement, pour ce qui est de la phase de la procédure administrative postérieure à la nomination d’un comité d’enquête, le requérant conteste le délai d’environ quatre mois qui s’est écoulé entre la finalisation du rapport d’enquête, qui a eu lieu le 1er septembre 2016, et son audition, qui s’est tenue le 12 janvier 2017. Ce délai ne saurait, toutefois, être qualifié d’anormalement long. En effet, il convient de tenir compte du fait que l’audition du requérant, initialement prévue pour le 6 décembre 2016, a été, ainsi qu’il ressort du dossier, reportée au 12 janvier 2017, car le directeur de la FRA a décidé de participer personnellement à celle-ci. À cet égard, il convient de rappeler que, entretemps, à savoir le 20 octobre 2016, le requérant s’est vu communiquer les conclusions du rapport d’enquête et, ensuite, le 17 novembre 2016, le rapport d’enquête dans son intégralité, parallèlement avec la convocation à l’audition initialement prévue le 6 décembre 2016, ce qui lui a laissé un temps suffisant pour prendre connaissance du dossier et préparer son audition. Compte tenu de la volonté du directeur de la FRA, en sa qualité d’AIPN, de participer personnellement à cette audition et du fait que le report de l’audition risquait de coïncider avec la période des fêtes de fin d’année, force est de constater que le report de l’audition au 12 janvier 2017 paraît, dans les circonstances spécifiques de la présente espèce, raisonnable au regard de la jurisprudence visée au point 118 ci-dessus.

137    En second lieu, il convient de déterminer si, pris ensemble, les constats effectués aux points 121 à 136 ci-dessus tendent à démontrer que la FRA a respecté ou, au contraire, violé le principe du respect du délai raisonnable.

138    À cet égard, ainsi qu’il a été établi aux points 121 à 136 ci-dessus, la procédure d’adoption de la décision d’ouverture de l’enquête administrative ainsi que la phase de la procédure administrative postérieure à la nomination d’un comité d’enquête se sont déroulées dans le respect du principe du délai raisonnable. Il n’en demeure pas moins que la phase antérieure à la nomination du comité d’enquête s’est déroulée dans un délai déraisonnable sans que la FRA ait établi de circonstances particulières, au sens de la jurisprudence visée au point 123 ci-dessus, de nature à justifier le retard dans ladite nomination. Dans ces conditions, dès lors que les autorités ont l’obligation de mener avec diligence la procédure administrative et d’agir de sorte que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au précédent (voir point 114 ci-dessus), la durée des différentes étapes de la procédure administrative en cause même prises ensemble ne permet pas de considérer que celle-ci s’est déroulée dans un délai raisonnable.

139    Ce caractère déraisonnable de la durée de la procédure administrative est constitutif d’une illégalité de la part de la FRA.

140    Partant, le quatrième chef d’illégalité doit être accueilli comme fondé.

e)      Sur le cinquième chef d’illégalité, tiré de ce que la décision clôturant l’enquête serait dépourvue de motivation

141    Le requérant estime, en substance, que, dans la mesure où la décision du 28 avril 2017 classant l’enquête administrative sans suite n’a pas été motivée, elle enfreint l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. À cet égard, le requérant avance que, en l’absence de motivation, il lui est impossible de comprendre les raisons pour lesquelles la FRA a décidé de s’écarter des conclusions de l’enquête en clôturant l’affaire sans suite.

142    À cet égard, premièrement, il avance qu’une telle approche serait contraire à la jurisprudence du Médiateur européen.

143    Deuxièmement, quand bien même la décision clôturant l’enquête se référerait à l’article 3 de l’annexe IX du statut, elle ne se conformerait à aucune des possibilités prévues par cette disposition, ce qui serait de nature à enfreindre le principe de sécurité juridique.

144    La FRA conteste l’ensemble des arguments avancés par le requérant.

145    Il découle de la jurisprudence que l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux est un principe essentiel du droit de l’Union qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (arrêt du 10 juin 2020, Sammut/Parlement, T‑608/18, EU:T:2020:249, point 32).

146    Ce principe a été consacré dans le statut à son article 25, deuxième alinéa. Il ressort de cette disposition que tous les actes faisant grief doivent être motivés.

147    Or, il suffit d’observer qu’une décision par laquelle l’AIPN clôture, sans suite, une procédure administrative ne constitue pas, au sens des articles 90 et 91 du statut, un acte faisant grief au fonctionnaire à l’encontre duquel la procédure a été ouverte, dans la mesure où le dispositif d’une telle décision n’est pas susceptible de modifier la situation juridique de ce fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission, F‑30/08, EU:F:2010:43, point 110).

148    Il s’ensuit que le requérant ne peut légitiment invoquer la violation de l’article 3 de l’annexe IX du statut au motif que la décision clôturant l’enquête administrative était dépourvue de motivation.

149    Eu égard à ce qui précède, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments avancés par le requérant, le présent chef d’illégalité ne peut qu’être rejeté.

f)      Sur le sixième chef d’illégalité, tiré de ce que le rapport d’enquête serait entaché d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

150    Le requérant fait valoir, en substance, que le rapport d’enquête est entaché d’une erreur dans la mesure où il conclut à la violation de l’article 11, paragraphe 2, et de l’article 17, paragraphe 1, du statut par le requérant, alors que les dispositions statutaires ne s’appliquent pas à lui, puisqu’il n’était plus en service actif au sein de la FRA au moment de l’envoi des courriels litigieux.

151    La FRA estime que le requérant n’a pas un intérêt suffisant à soulever le sixième chef d’illégalité, étant donné que le rapport d’enquête a conclu à ce que l’enquête soit clôturée sans suite et n’a pas abouti à l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son égard.

152    Toutefois, au regard du principe de bonne administration de la justice et afin de donner une réponse adéquate aux prétentions du requérant, le Tribunal estime qu’il convient, en application de la jurisprudence visée au point 45 ci-dessus, de procéder, d’emblée, à l’examen du bien-fondé des prétentions du requérant.

153    Force est de constater que les arguments avancés par le requérant dans le cadre du présent chef d’illégalité et ceux déjà analysés dans le cadre du premier et du deuxième chef d’illégalité se recoupent largement. En effet, le présent chef d’illégalité repose, de nouveau, sur la prémisse erronée selon laquelle les enquêteurs n’auraient pas été dûment mandatés pour enquêter sur une éventuelle violation des obligations statutaires par le requérant ni, notamment, sur son courriel du 5 mars 2014.

154    Toutefois, dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé au point 69 ci-dessus, au moment de l’envoi du courriel du 5 mars 2014, le requérant était toujours un agent de la FRA soumis à l’ensemble des obligations découlant du statut, il ne peut valablement soutenir que le rapport d’enquête est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il y est conclu qu’il a violé lesdites obligations.

155    Eu égard aux considérations qui précèdent, le présent chef d’illégalité doit être rejeté comme non fondé.

g)      Sur le septième chef d’illégalité, tiré d’une violation dela confidentialité de l’enquête par la FRA

156    Dans le cadre du septième chef d’illégalité, le requérant considère que la FRA a violé la confidentialité de l’enquête administrative. Au soutien de son argumentation, en premier lieu, le requérant invoque un courriel du 22 avril 2016, lequel prouverait, selon lui, que le représentant de A avait eu connaissance de l’existence de l’enquête administrative au sein de la FRA ainsi que de l’objet de celle-ci. En second lieu, il se fonde sur un courriel du 30 novembre 2015 envoyé par B, ancien conseiller juridique de la FRA, à cette dernière. Il fait également observer que cette divulgation n’est justifiée par aucune des hypothèses visées aux articles 5, 8 et 20 du règlement no 45/2001.

157    La FRA conteste la recevabilité du septième chef d’illégalité à deux égards. D’une part, celui-ci ne satisferait pas aux exigences prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. D’autre part, le présent chef d’illégalité serait irrecevable en raison du non-respect de la procédure prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

158    Toutefois, au regard du principe de bonne administration de la justice et afin de donner une réponse adéquate aux prétentions du requérant, le Tribunal estime qu’il convient, en application de la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus, de procéder, d’emblée, à l’examen du bien-fondé du grief du requérant.

159    En premier lieu, s’agissant du courriel du 22 avril 2016, il convient de relever qu’il est libellé comme suit :

« En conséquence, je vous prie de bien vouloir demander à la FRA, d’une part, s’ils ont entamé une enquête interne portant sur l’obtention illégale des données personnelles par le [requérant] après son licenciement par le biais de ses contacts à la FRA, et, d’autre part, de vous communiquer les résultats éventuels de l’enquête. »

160    Il découle de la formulation de la demande figurant dans le courriel du 22 avril 2016 que son auteur, l’avocat de A, se limite uniquement à demander à la police autrichienne de se renseigner auprès de la FRA pour savoir si celle-ci a entamé une procédure interne portant sur la divulgation non autorisée des documents internes de la FRA effectuée par le requérant.

161    Ainsi, il ne ressort pas du libellé de ce courriel, contrairement à ce qu’avance le requérant, que l’avocat de A ait été en possession d’informations précises relatives à l’enquête administrative en cause. Ce courriel, dans lequel son auteur se borne à formuler une simple demande d’informations, ne démontre nullement que celui-ci ait eu connaissance de l’existence d’une enquête administrative et, par voie de conséquence, qu’il ait été en possession d’informations ou de documents confidentiels transférés par la FRA en violation des dispositions du règlement no 45/2001.

162    Par ailleurs, force est de constater que le requérant n’avance aucun élément, même sous forme d’une simple hypothèse, susceptible de démontrer que l’envoi dudit courriel est consécutif à une prétendue fuite d’informations imputable à la FRA.

163    En second lieu, la même conclusion s’impose en ce qui concerne le courriel du 30 novembre 2015. Il s’agit d’un courriel envoyé par B à la FRA par lequel il demande à cette dernière de ne pas divulguer ses données à caractère personnel à des personnes tierces. Il demande également à la FRA si celle-ci a entamé des procédures internes relatives à la divulgation de documents confidentiels joints aux courriels litigieux. Ce courriel n’est, de nouveau, et pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 160 à 162 ci-dessus, pas de nature à établir une violation de la confidentialité de l’enquête par la FRA.

164    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 11 juillet 2019, BP/FRA (T‑838/16, non publié, EU:T:2019:494), invoqué par le requérant. À cet égard, force est de constater que la présente espèce se distingue nettement des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, même si celle-ci porte également sur une fuite de documents au sein de la FRA.

165    En effet, dans l’arrêt du 11 juillet 2019, BP/FRA (T‑838/16, non publié, EU:T:2019:494), le Tribunal a estimé que, quand bien même l’auteur de la fuite n’aurait pas été identifié, la fuite aurait été imputable à la FRA dans la mesure où il existait un indice sérieux de la divulgation des documents par un employé de la FRA. Or, en l’occurrence, le requérant n’apporte pas le moindre élément qui permettrait de considérer que les courriels du 22 avril 2016 et du 30 novembre 2015 seraient consécutifs à une fuite imputable à la FRA.

166    Il s’ensuit que le septième chef d’illégalité n’est pas fondé.

h)      Sur le huitième chef d’illégalité, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001

167    Dans le cadre du présent chef d’illégalité, d’une part, le requérant fait valoir que, en ouvrant l’enquête administrative, la FRA a violé l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001. D’autre part, il estime que, en procédant de la sorte, la FRA a également méconnu l’article 4, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

168    La FRA estime que le présent chef d’illégalité est infondé.

169    En premier lieu, le requérant prétend que, dans la mesure où il n’existait aucune base juridique permettant d’ouvrir une enquête administrative, tous les traitements de ses données à caractère personnel, à savoir le traitement des courriels privés, effectués par la FRA, violent l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001.

170    Force est de constater que les arguments avancés par le requérant se rattachent étroitement aux prétendues illégalités reprochées à la FRA dans le cadre du deuxième chef d’illégalité.

171    En effet, ceux-ci reposent de nouveau sur la prémisse erronée selon laquelle la FRA aurait ouvert l’enquête de manière irrégulière méconnaissant ainsi les dispositions prévues à l’article 86, paragraphe 2, du statut.

172    Or, ainsi qu’il découle de l’analyse effectuée dans le cadre du deuxième chef d’illégalité, l’enquête administrative en cause a été ouverte sur la base d’un indice suffisant de l’existence d’un manquement aux obligations statutaires conformément à l’article 86, paragraphe 2, du statut. Dans ces circonstances, le requérant ne saurait valablement reprocher à la FRA d’avoir violé l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001.

173    En second lieu, la même conclusion s’impose en ce qui concerne l’argument du requérant tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001.

174    Partant, le huitième chef d’illégalité doit être rejeté comme non fondé.

i)      Sur le neuvième chef d’illégalité, tiré d’une violation du devoir de sollicitude, d’un manque d’objectivité et d’impartialité ainsi que d’un détournement de pouvoir

175    Le requérant estime que, au cours de l’enquête administrative, la FRA ne s’est nullement préoccupée de ses intérêts. Il avance également que celle-ci poursuivait un autre but que celui d’identifier la source des information divulguées, à savoir celui de focaliser l’enquête sur lui alors qu’il n’existait, en l’espèce, aucun soupçon raisonnable qu’il ait commis un manquement disciplinaire.

176    Selon la FRA, les arguments avancés par le requérant dans le cadre du neuvième chef d’illégalité sont partiellement irrecevables et, en tout état de cause, non fondés.

177    D’emblée, il convient de distinguer trois branches dans les allégations du requérant. La première est tirée de la violation du devoir de sollicitude, d’un manque d’objectivité et d’impartialité de la FRA dans le cadre de l’enquête administrative. La deuxième est tirée d’un détournement de pouvoir. La troisième est tirée de l’existence d’un harcèlement moral prohibé par l’article 12 bis du statut.

1)      Sur la première branche, tirée d’une violation du devoir de sollicitude et d’un manque d’objectivité et d’impartialité de la FRA dans le cadre de l’enquête administrative

178    Le requérant estime que la FRA a violé le devoir de sollicitude et a manqué d’objectivité et d’impartialité au cours de l’enquête administrative. À cet égard, il avance essentiellement six griefs :

–        le premier, tiré de ce que la FRA ne l’aurait informé de l’existence de l’enquête qu’au moment de sa réintégration ;

–        le deuxième, tiré de ce que la FRA aurait modifié l’objet de l’enquête administrative afin de l’orienter sur lui ;

–        le troisième, tiré du caractère non nécessaire, disproportionné et non pertinent des témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête administrative ;

–        le quatrième, tiré de ce que le report de l’audition initialement fixée au 6 décembre 2016 aurait considérablement affecté sa situation ;

–        le cinquième, tiré de ce que la décision clôturant l’enquête administrative sans suite n’aurait pas été motivée ;

–        le sixième, tiré d’une violation de la présomption d’innocence à son égard.

179    La FRA estime que l’ensemble des griefs avancés par le requérant dans le cadre du présent chef d’illégalité constituent une répétition des arguments déjà soulevés dans le cadre des huit autres chefs d’illégalité et, de ce fait, que lesdits griefs doivent être rejetés comme non fondés.

i)      Sur le premier grief, tiré de ce que la FRA n’aurait informé le requérant de l’existence de l’enquête qu’au moment de sa réintégration

180    Le requérant fait valoir que la FRA ne l’a informé de l’existence de l’enquête administrative qu’un an après l’ouverture de celle-ci, et a ainsi violé son devoir de sollicitude.

181    À cet égard, il a déjà été conclu au point 99 ci-dessus, dans le cadre de la première branche du troisième chef d’illégalité avec laquelle le présent grief se confond, que, en n’ayant pas informé le requérant de l’existence de l’enquête administrative dès l’ouverture de celle-ci, la FRA a violé son obligation d’information découlant des dispositions mentionnées aux points 91 et 92 ci‑dessus. Par conséquent, il n’est pas nécessaire, pour déterminer si la première condition d’engagement de la responsabilité de la FRA, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, est remplie (voir points 37 et 41 ci-dessus), d’examiner si ce comportement constituait également une violation du devoir de sollicitude de la FRA à l’égard du requérant.

182    En tout état de cause, dans ses écritures, le requérant n’avance aucun argument de nature à démontrer qu’une telle violation aurait un impact sur l’étendue du préjudice qu’il allègue avoir subi.

ii)    Sur le deuxième grief, tiré de ce que la FRA aurait modifié l’objet de l’enquête administrative afin de l’orienter sur le requérant

183    Le requérant soutient que ce n’est qu’après le prononcé de l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), que la FRA a décidé de reprendre l’enquête administrative et de l’orienter sur lui, ce qui serait démontré par le changement soudain de portée de celle-ci.

184    Il y a lieu de relever, à l’instar des observations effectuées dans le cadre du premier chef d’illégalité (voir points 81 à 83 ci-dessus), que, eu égard à la portée particulièrement large de l’enquête administrative et au fait que celle-ci se rattachait à l’ensemble des circonstances entourant la fuite litigieuse et n’avait pas été dirigée contre une personne déterminée, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’objet de celle-ci aurait été modifié, par la décision d’extension, pour le cibler spécifiquement (voir points 50 à 57 ci-dessus). En effet, ainsi qu’il a été observé au point 51 ci-dessus, dès la décision d’ouverture de l’enquête administrative, le requérant devait être considéré comme concerné par celle-ci.

185    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté comme non fondé.

iii) Sur le troisième grief, tiré du caractère non nécessaire, disproportionné et non pertinent des témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête administrative

186    Le requérant estime, en substance, que les témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête n’étaient pas nécessaires, proportionnés et pertinents au regard de l’objet de l’enquête en cause. Il soutient, notamment, que la plupart des témoignages n’ont nullement contribué à l’enquête dans la mesure où le rapport d’enquête ne s’y référerait pas.

187    À cet égard, il convient de relever que l’administration dispose, de manière générale, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite des enquêtes administratives. En effet, compte tenu de ses ressources, il lui incombe d’instruire les dossiers de façon proportionnée, à savoir, notamment, d’une manière qui lui permette d’allouer à chaque affaire sa juste part du temps dont elle dispose. Elle jouit notamment, à cet égard, d’une large marge d’appréciation pour évaluer l’utilité d’entendre des témoins (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 38).

188    Toutefois, l’administration est également tenue, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 26 septembre 2014, B&S Europe/Commission, T‑222/13, non publié, EU:T:2014:837, point 39 et jurisprudence citée).

189    Il s’ensuit que, dans l’exercice de leurs devoirs d’enquête administrative, l’enquêteur et le responsable de l’enquête disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’utilité de procéder à l’audition d’un témoin, mais que ce pouvoir d’appréciation n’est pas discrétionnaire, dans la mesure où il doit être exercé en tenant compte de ce qui est nécessaire pour établir dans un délai raisonnable tous les éléments de fait et de droit pertinents, à charge comme à décharge, conformément au principe de bonne administration et, plus spécifiquement, à celui d’impartialité (arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 81).

190    En l’espèce, pour établir le manque d’impartialité de la part de la FRA, le requérant se borne à soutenir, en substance, que la plupart des témoins interrogés n’ont nullement contribué à l’enquête, comme en témoignerait le fait que le rapport d’enquête ne se réfère pas à leurs témoignages dans ses conclusions.

191    Une telle allégation est cependant insuffisante pour établir le manque d’impartialité de l’enquête administrative, dans la mesure où le requérant n’apporte aucun élément permettant de penser qu’il était évident, avant même les auditions, que les témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête administrative n’auraient pas été pertinents dans le cadre de l’établissement du rapport d’enquête.

192    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’observer que le comportement de la FRA n’est pas révélateur d’un manque d’impartialité.

193    Il y a lieu, dès lors, de rejeter le troisième grief comme non fondé.

iv)    Sur le quatrième grief, tiré de ce que le report de l’audition initialement fixée au 6 décembre 2016 aurait considérablement affecté la situation du requérant

194    Le requérant reproche à la FRA d’avoir reporté au 12 janvier 2017 l’audition qui avait été initialement fixée au 6 décembre 2016. Ce report l’aurait considérablement affecté dans la mesure où il a dû supporter, sur une période prolongée, des accusations pesant sur lui.

195    Il convient de rappeler que l’audition initialement prévue pour le 6 décembre 2016 a été reportée à une date ultérieure au motif que le directeur de la FRA avait décidé de participer personnellement à celle-ci.

196    Selon l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, c’est sur la base du rapport d’enquête et après avoir entendu le fonctionnaire concerné que l’AIPN peut prendre une décision quant aux suites à donner à la procédure.

197    Ainsi, le requérant n’est pas fondé à soutenir que, en reportant l’audition afin de pouvoir y participer personnellement, le directeur de la FRA, en sa qualité d’AIPN, aurait manqué à son devoir de sollicitude. En outre, le requérant n’apporte aucun argument de nature à démontrer que le report de l’audition aurait été effectué dans un autre but que celui légalement prévu (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2008, Skareby/Commission, F‑46/06, EU:F:2008:26, points 156 et 157). Enfin, il y a lieu de mentionner qu’il a été jugé au point 136 ci-dessus que le report de l’audition s’est effectué dans un délai raisonnable.

198    Au vu de ce qui précède, il convient d’écarter le quatrième grief comme non fondé.

v)      Sur le cinquième grief, tiré de ce que la décision clôturant l’enquête administrative sans suite n’aurait pas été motivée

199    Dans la mesure où le présent grief et l’argumentation soulevée par le requérant dans le cadre du cinquième chef d’illégalité se recoupent, il y a lieu de le rejeter pour les mêmes motifs (voir points 145 à 149 ci-dessus).

vi)    Sur le sixième grief, tiré d’une violation de la présomption d’innocence

200    Le requérant estime que la présomption d’innocence a été violée à son égard, puisque, en substance, la FRA aurait toujours considéré, malgré la clôture de l’enquête sans suite, qu’il avait divulgué les informations internes à caractère confidentiel de celle-ci, sans autorisation et en violation des dispositions statutaires. Cela ressortirait des déclarations de l’AIPN de la FRA figurant, d’une part, dans la décision du 21 décembre 2018 et, d’autre part, dans des témoignages émanant du directeur de la FRA et d’un autre agent de celle-ci.

201    En premier lieu, en ce qui concerne les reproches formulés par la FRA à l’encontre du requérant dans le cadre de la procédure précontentieuse, le requérant vise spécifiquement l’extrait suivant de la décision du 21 décembre 2018, lequel, selon lui, est de nature à violer sa présomption d’innocence :

« [V]ous étiez tenus par le statut de ne pas divulguer d’informations confidentielles, surtout compte tenu de la manière non autorisée dont vous les avez obtenues […] »

202    À cet égard, il convient de rappeler que, dans ladite décision, la FRA répondait essentiellement aux arguments tirés de ce que cette dernière aurait, en substance, ouvert, à tort, l’enquête administrative.

203    Or, dans la mesure où l’article 90 du statut fait obligation à l’AIPN de motiver ses décisions, où l’étendue de cette obligation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes de l’espèce et où, pour apprécier son caractère suffisant, la motivation doit être replacée dans le contexte dans lequel s’est inscrite l’adoption desdites décisions (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2011, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P, EU:T:2011:338, point 50, et du 21 novembre 2013, Arguelles Arias/Conseil, F‑122/12, EU:F:2013:185, point 83), il ne saurait être reproché à la FRA d’avoir justifié sa décision par rapport à ce qui constituait la base des allégations du requérant. En effet, admettre que la FRA aurait commis une faute alors qu’elle ne faisait que répondre aux arguments du requérant reviendrait à limiter l’effet utile de la procédure précontentieuse, instituée dans le but de favoriser un éventuel règlement amiable du différend. L’équilibre des droits et des obligations réciproques institué par le statut et par le RAA, qui est à la base du devoir de sollicitude, s’en trouverait ainsi rompu.

204    Il s’ensuit que, dans la mesure où les passages incriminés ont été rédigés dans le cadre de la réponse de la FRA aux arguments du requérant, ils ne sauraient être considérés comme étant de nature à porter atteinte à la présomption d’innocence à l’égard de ce dernier.

205    En second lieu, en ce qui concerne les témoignages du directeur de la FRA et d’un autre agent de celle-ci déposés dans le cadre de l’enquête, il convient d’observer que l’argument du requérant revient à remettre en cause la nécessité de ne pas limiter indûment la possibilité pour les enquêteurs de recueillir des témoignages afin de préserver l’effet utile de l’enquête administrative.

206    Il convient de relever que, même si les témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête administrative constituent, de manière générale, un apport précieux pour compléter le dossier, ceux-ci sont également susceptibles de contenir des éléments à caractère très subjectif, voire de simples hypothèses formulées par les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête À cet égard, le contenu desdits témoignages ne saurait être sanctionné, sauf s’il présente un caractère injurieux ou pénalement répréhensible, tel étant le cas, notamment, de faux témoignages.

207    En outre, premièrement, en ce qui concerne le caractère prétendument injurieux et diffamatoire du témoignage du directeur de la FRA, le requérant se réfère au passage suivant :

« […] Ce qu’il a dit était réellement incroyable. J’ai eu le sentiment, au vu de son langage corporel […] »

208    Force est toutefois de constater, à la lumière des considérations énoncées au point 206 ci-dessus, que ce passage est, contrairement à ce qu’avance le requérant, dépourvu de caractère injurieux et diffamatoire.

209    Deuxièmement, en ce qui concerne le témoignage de l’agent de la FRA, le requérant se réfère au passage suivant :

« Je souhaite déclarer, cependant, que, selon moi, il existe un groupe des employés qui cherchent constamment à discréditer […] [la] direction, en déposant des plaintes […], une multitude de demandes d’accès à des documents et, en divulguant des information internes de la FRA à des journalistes : [A] et [le requérant] […] »

210    Or, il y a lieu d’observer que, dans ce passage, l’agent de la FRA se limite à exprimer son opinion personnelle en ce qui concerne le transfert non autorisé de documents internes par le requérant, faisant l’objet de l’enquête administrative en cause.

211    Dans ces conditions, il ne saurait être raisonnablement conclu que ledit témoignage revêt un caractère injurieux ou diffamatoire ouvrant droit à une réparation.

212    En outre, reconnaître une violation de la présomption d’innocence par des déclarations de témoins à charge, conformément à ce que soutient le requérant, reviendrait en réalité à empêcher toute instruction interne par les institutions, organes ou organismes de l’Union et, par voie, de conséquence, à vider de leur substance les dispositions relatives aux enquêtes et à la procédure disciplinaire figurant à l’annexe IX du statut.

213    Dans ces circonstances, il convient d’écarter le sixième grief comme non fondé.

214    Eu égard à ce qui précède, la présente branche ne peut qu’être rejetée comme non fondée.

2)      Sur la deuxième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

215    Le requérant estime que le comportement de la FRA au cours de l’enquête administrative est constitutif d’un détournement de pouvoir.

216    À cet égard, il fait valoir que la modification de l’objet de l’enquête était une conséquence directe de la lettre du 30 novembre 2015 adressée par B au nouveau directeur de la FRA, avertissant ce dernier d’une visite possible de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) dans le cadre d’une enquête menée au sujet de documents divulgués par le requérant. Cette lettre non seulement laisserait entendre que le requérant aurait été responsable de l’ouverture d’une enquête par l’OLAF, mais aussi serait révélatrice d’une relation étroite entre B et la FRA. Il s’ensuivrait que l’enquête administrative, laquelle avait initialement pour objet d’identifier la ou les sources d’informations à caractère confidentiel divulguées vers l’extérieur, a été modifiée pour viser spécifiquement le requérant, afin de compromettre sa « situation juridique » au sein de la FRA après sa réintégration.

217    Dans ses écritures, la FRA estime que l’argument tiré d’un détournement de pouvoir doit être écarté comme irrecevable, puisqu’il n’a été soulevé à aucun moment de la procédure précontentieuse.

218    Toutefois, pour des motifs analogues à ceux exposés au point 152 ci-dessus, il convient d’examiner, d’emblée, le bien-fondé du grief du requérant.

219    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un détournement de pouvoir n’est réputé exister et affecter la présomption de légalité dont bénéficie l’acte d’une AIPN que s’il est prouvé que, en adoptant un comportement litigieux, cette dernière a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que l’acte en question a été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, EU:T:2006:288, point 64 et jurisprudence citée, et ordonnance du 22 octobre 2015, Macchia/Commission, T‑80/15 P, EU:T:2015:845, point 67 et jurisprudence citée).

220    À cet égard, il convient de constater que, dans la mesure où, ainsi qu’il découle de l’analyse effectuée dans le cadre du premier chef d’illégalité (voir points 51 à 58 ci-dessus), l’enquête administrative visait à établir l’ensemble des faits liés à la fuite en cause et n’était pas dirigée contre une personne déterminée, il n’apparaît pas que celle-ci ait été ouverte pour atteindre des fins autres que celles excipées. Force est de constater que le requérant n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette conclusion.

221    Il s’ensuit que la deuxième branche du neuvième chef d’illégalité doit être rejetée comme non fondée.

3)      Sur la troisième branche, tirée de l’existence d’un harcèlement moral prohibé par l’article 12 bis du statut

222    Le requérant considère que le comportement systématique et inapproprié de la FRA, tout au long de l’enquête administrative, constitue un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

223    À cet égard, il convient de rappeler que la notion de harcèlement moral se définit, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, comme une « conduite abusive » qui se matérialise par des comportements, des paroles, des actes, des gestes ou des écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », devant avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 152 et jurisprudence citée).

224    Même s’il est vrai qu’il n’est pas nécessaire d’établir que les comportements relevant de la notion de harcèlement moral ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, il n’en demeure pas moins que l’agissement en cause doit, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, points 77 et 78 et jurisprudence citée).

225    À cet égard, la qualification de « harcèlement » est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (voir arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 153 et jurisprudence citée).

226    Dans ses écritures le requérant invoque, en des termes vagues, un « comportement systématiquement inapproprié de l’AIPN tout au long de l’enquête administrative ». Il semble, notamment, vouloir reprocher à l’AIPN, premièrement, le fait que les témoignages recueillis lors de l’enquête ne présentaient pas un caractère pertinent, deuxièmement, d’avoir reporté l’audition initialement fixée au 6 décembre 2016 au 12 janvier 2017 et, troisièmement, de ne pas avoir motivé la décision clôturant l’enquête administrative.

227    Force est toutefois de constater que, ainsi qu’il découle de l’analyse effectuée, notamment, aux points 195 à 198, 199, 203 à 213 du présent arrêt, les prétendues offenses et atteintes à la dignité dont le requérant se prétend victime ne présentent pas, même prises dans leur ensemble, un caractère irrégulier en ce qu’elles s’inscrivent dans le déroulement normal d’une enquête administrative.

228    Même s’il est vrai, ainsi qu’il découle de l’analyse du troisième chef d’illégalité (voir, notamment, point 99 ci-dessus), que la FRA aurait dû informer le requérant de l’existence de l’enquête administrative dès son ouverture, une telle circonstance ne saurait, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 223 à 225 ci-dessus et en l’absence d’autres éléments, constituer un élément de preuve objectif de nature à caractériser un quelconque harcèlement moral prohibé par l’article 12 bis du statut.

229    Ainsi, dans la mesure où, dans le cadre de la présente branche, le requérant n’avance aucun autre élément susceptible de caractériser un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, celle-ci doit être rejetée comme non fondée, tout comme le neuvième chef d’illégalité dans son intégralité.

j)      Conclusions sur l’illégalité du comportement reproché à la FRA

230    Il ressort de l’analyse qui précède que les troisième et quatrième chefs d’illégalité, tirés, d’une part, du caractère déraisonnable de la durée de la procédure administrative et, d’autre part, de la violation de l’obligation d’information de l’existence d’une enquête administrative en temps utile et de communication des documents en rapport direct avec les allégations formulées à l’encontre du requérant, sont fondés.

231    Or, dans la mesure où les conditions d’engagement de la responsabilité rappelées au point 37 ci-dessus sont cumulatives, il y a lieu de statuer sur la réalité du préjudice allégué ainsi que sur le lien de causalité entre celui-ci et les comportements illégaux.

2.      Sur la réalité du préjudice allégué et sur le lien de causalité

232    Le requérant demande la réparation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi en raison des comportements prétendument illicites de la FRA. Il avance que le comportement de la FRA lui a causé un préjudice moral sous forme de stress, d’anxiété, d’humiliation, de violation de sa vie privée et de ses données à caractère personnel. Il estime que les accusations formulées par la FRA à son égard ainsi que la durée de la procédure administrative ont eu un impact négatif sur sa vie professionnelle et familiale et ont gravement porté atteinte à sa dignité, à son honneur et à son intégrité.

233    S’agissant, en premier lieu, du préjudice dont le requérant trouve la cause dans la durée excessive de la procédure administrative, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une procédure disciplinaire place tout fonctionnaire dans une situation d’incertitude quant à son avenir professionnel, qu’elle lui cause nécessairement un certain stress et une certaine anxiété et que, lorsque cette incertitude perdure pendant une durée excessive, l’intensité du stress et de l’anxiété causés au fonctionnaire augmente au-delà de ce qui est justifiable, de telle sorte que la durée excessive d’une procédure administrative doit être considérée comme faisant présumer l’existence d’un préjudice moral chez l’intéressé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, EU:F:2010:2, point 147).

234    Premièrement, en ce qui concerne la période antérieure à la date à laquelle le requérant a été informé de l’enquête administrative, force est de constater que, dans la mesure où, durant cette période, il ne pouvait raisonnablement être exposé à un risque de stress ou d’anxiété susceptible d’être causé par une telle procédure, ce dernier ne saurait se prévaloir de cette période aux fins d’établir l’existence d’un préjudice à son égard.

235    Deuxièmement, s’agissant de la période postérieure au 30 mars 2016, ainsi qu’il ressort de l’analyse du quatrième chef d’illégalité (voir points 121 à 136 ci-dessus), même s’il est vrai que la FRA aurait dû procéder à la nomination du comité d’enquête avec plus de célérité, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort du point 136 ci-dessus, la procédure s’est déroulée dans un délai raisonnable après que le requérant a été informé de l’existence de l’enquête. Il s’ensuit que l’existence d’un préjudice moral invoqué par le requérant causé par une durée excessive de la procédure administrative, au sens de la jurisprudence exposée au point 233 ci-dessus, ne saurait être présumée.

236    Or, force est de constater que, dans ses écritures, le requérant n’a pas avancé d’élément de preuve permettant de conclure que, durant la procédure administrative, celui-ci a été exposé à un niveau de stress et d’anxiété allant au-delà de ce qui peut être considéré comme acceptable dans le cadre d’une procédure administrative.

237    S’agissant, en second lieu, des autres préjudices que le requérant allègue, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, tout préjudice doit être réel et certain et qu’un dommage purement hypothétique et indéterminé ne donne pas droit à réparation (arrêt du 3 décembre 2015, CN/Parlement, T‑343/13, EU:T:2015:926, point 118). C’est à la partie qui met en cause la responsabilité de l’Union qu’il incombe d’apporter des preuves quant à l’existence ou à l’étendue du préjudice qu’elle invoque. Cette obligation s’impose également en ce qui concerne un préjudice moral. À cet égard, une simple allégation qui n’est étayée par aucun élément de preuve est insuffisante (arrêt du 3 décembre 2015, CN/Parlement, T‑343/13, EU:T:2015:926, points 119 et 121).

238    En l’espèce, afin d’établir la réalité du préjudice moral dont il demande réparation, le requérant se limite à alléguer que l’attitude et les illégalités commises par la FRA au cours de l’enquête administrative ont porté atteinte à sa dignité et à son intégrité et ont été particulièrement préjudiciables en ce qu’elles l’ont profondément blessé sur le plan psychologique. En ce sens, il n’a pas apporté le moindre élément de preuve à l’appui de ses allégations. Par conséquent, le requérant ne saurait être considéré comme ayant démontré le caractère réel et certain du préjudice moral qu’il prétend avoir subi.

239    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments du requérant relatifs à l’existence d’un préjudice moral.

240    Par ailleurs, la responsabilité d’une institution ou d’une agence ne peut être retenue que lorsqu’il existe une relation directe de cause à effet entre la faute commise et le préjudice invoqué. Selon une jurisprudence constante, le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché (arrêts du 25 juin 1997, Perillo/Commission, T‑7/96, EU:T:1997:94, point 41, et du 3 décembre 2015, CN/Parlement, T‑343/13, EU:T:2015:926, point 123). C’est à la partie qui entend engager la responsabilité de l’Union d’établir l’existence de ce lien (arrêt du 3 décembre 2015, CN/Parlement, T‑343/13, EU:T:2015:926, point 119).

241    Pour ce qui est de l’existence d’un lien de causalité, le requérant se borne à affirmer que, si les illégalités n’avaient pas eu lieu, il n’aurait pas subi le préjudice dont il se prévaut.

242    Toutefois, en l’espèce, le requérant n’avance aucun élément concret permettant de conclure que le préjudice dont il se prévaut trouve son origine dans le comportement fautif de la FRA au cours de l’enquête administrative, de sorte que son argument doit être considéré comme une pure spéculation.

243    Il s’ensuit que l’existence d’un préjudice moral et d’un lien de causalité entre celui-ci et les comportements illégaux n’a pas été établie en l’espèce.

3.      Conclusion

244    Le caractère cumulatif des conditions d’engagement de la responsabilité visées au point 37 ci-dessus implique que, lorsque l’une d’entre elles n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble (arrêt du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, EU:C:2003:259, point 30).

245    Il s’ensuit que, dans la mesure où seule l’une des trois conditions visées au point 244 ci-dessus est remplie en l’espèce, les conclusions indemnitaires du requérant et, partant, le recours dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur les dépens

246    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

247    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la FRA, conformément aux conclusions de cette dernière. À cet égard, s’agissant de la demande du requérant visant à ce qu’il ne soit pas condamné aux dépens même en cas de rejet de son recours dès lors que la FRA ne lui aurait pas, en raison de son comportement, laissé d’autre choix que d’introduire un recours, il suffit de constater qu’il n’avance aucun argument de nature à étayer cette allégation.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      DD est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA).

Madise

Nihoul

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions

B. Sur le premier chef de conclusions

1. Sur l’illégalité des comportements reprochés à la FRA

a) Sur le premier chef d’illégalité, tiré de ce que les enquêteurs n’auraient pas disposé d’un mandat suffisant pour enquêter, d’une part, sur une éventuelle violation des articles 11 et 17 du statut par le requérant et, d’autre part, sur le courriel du 5 mars 2014, de sorte que l’enquête administrative serait dépourvue de fondement juridique et violerait l’article 86, paragraphe 2, du statut ainsi que l’article 2 de la décision 2013/01

b) Sur le deuxième chef d’illégalité, tiré de ce que la décision d’ouverture de l’enquête administrative n’aurait pas été fondée sur l’existence d’un soupçon raisonnable

c) Sur le troisième chef d’illégalité, tiré de ce que la FRA n’aurait pas informé le requérant de l’ouverture de l’enquête administrative et ne lui aurait pas communiqué les décisions afférentes à celle-ci

1) Sur la première branche, tirée de ce que la FRA n’aurait pas informé le requérant de l’ouverture de l’enquête administrative en temps utile

2) Sur la seconde branche, tirée de ce que la FRA n’aurait pas communiqué au requérant l’ensemble des documents directement liés aux allégations formulées à son égard

d) Sur le quatrième chef d’illégalité, tiré d’un caractère excessif et déraisonnable de la durée de la procédure administrative

e) Sur le cinquième chef d’illégalité, tiré de ce que la décision clôturant l’enquête serait dépourvue de motivation

f) Sur le sixième chef d’illégalité, tiré de ce que le rapport d’enquête serait entaché d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

g) Sur le septième chef d’illégalité, tiré d’une violation de la confidentialité de l’enquête par la FRA

h) Sur le huitième chef d’illégalité, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001

i) Sur le neuvième chef d’illégalité, tiré d’une violation du devoir de sollicitude, d’un manque d’objectivité et d’impartialité ainsi que d’un détournement de pouvoir

1) Sur la première branche, tirée d’une violation du devoir de sollicitude et d’un manque d’objectivité et d’impartialité de la FRA dans le cadre de l’enquête administrative

i) Sur le premier grief, tiré de ce que la FRA n’aurait informé le requérant de l’existence de l’enquête qu’au moment de sa réintégration

ii) Sur le deuxième grief, tiré de ce que la FRA aurait modifié l’objet de l’enquête administrative afin de l’orienter sur le requérant

iii) Sur le troisième grief, tiré du caractère non nécessaire, disproportionné et non pertinent des témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête administrative

iv) Sur le quatrième grief, tiré de ce que le report de l’audition initialement fixée au 6 décembre 2016 aurait considérablement affecté la situation du requérant

v) Sur le cinquième grief, tiré de ce que la décision clôturant l’enquête administrative sans suite n’aurait pas été motivée

vi) Sur le sixième grief, tiré d’une violation de la présomption d’innocence

2) Sur la deuxième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

3) Sur la troisième branche, tirée de l’existence d’un harcèlement moral prohibé par l’article 12 bis du statut

j) Conclusions sur l’illégalité du comportement reproché à la FRA

2. Sur la réalité du préjudice allégué et sur le lien de causalité

3. Conclusion

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.