Language of document : ECLI:EU:T:1999:27

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 février 1999 (1)

«Fonctionnaires — Concours — Conditions d'admission — Preuve»

Dans l'affaire T-244/97,

Chantal Mertens, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Zellik (Belgique), représentée par Me Lucas Vogel, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Christian Kremer, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Christine Berardis-Kayser, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation introduite par la requérante le 28 janvier 1997 et, pour autant que de besoin, des décisions du jury de concours COM/C/3/95, notifiées à la requérante les 13 janvier et 22 août 1997, refusant son inscription sur la liste d'aptitude dudit

concours, ainsi que de la décision notifiée à la requérante le 9 juin 1997 par le directeur général de la direction générale Personnel et administration,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 19 novembre 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    La requérante, Mme Chantal Mertens, fonctionnaire de la Commission de grade D 2, a participé au concours interne de passage de la catégorie D à la catégorie C, annoncé par avis de concours COM/C/3/95 du 26 janvier 1996 (ci-après «concours») et destiné à la constitution d'une liste d'aptitude de commis adjoints. Parmi les trois domaines proposés, la requérante a choisi celui de «chef d'immeuble ou de réception: responsable d'un groupe d'huissiers, d'un bâtiment important ou d'un groupe de bâtiments, d'une réception importante ou d'un groupe de réceptions ou de salles de conférence».

2.
    Selon le point II 1 sous c), deuxième alinéa, de l'avis de concours, étaient admis au concours les fonctionnaires de la Commission qui, à la date limite pour le dépôt des candidatures, avaient «exercé à temps plein depuis plus de quatre ans, en tant que fonctionnaire ou autre agent, des fonctions correspondant» au domaine choisi.

3.
    L'inscription sur la liste d'aptitude était réservée aux «neuf meilleur(e)s candidat(e)s qui au total ont obtenu un minimum de 60 points pour l'ensemble des épreuves, ainsi que le minimum requis pour chaque épreuve».

4.
    Le 13 janvier 1997, le chef de l'unité 7 «recrutement» de la direction A «personnel» de la direction générale Personnel et administration (DG IX) (ci-après «unité IX.A.7»), M. Lennon, a adressé à la requérante, au nom du président du jury, une lettre lui annonçant que le jury du concours n'avait pu l'inscrire sur la liste d'aptitude, dès lors qu'elle avait, pour l'ensemble des épreuves, obtenu une note

globale de 89,42 sur 120, alors que, pour figurer parmi les neuf meilleurs candidats, il fallait obtenir un minimum de 89,58 points.

5.
    Le 28 janvier 1997, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») contre cette décision du jury de concours. Elle faisait valoir que, parmi les neuf candidats inscrits sur la liste, figurait une fonctionnaire, Mme G., qui ne remplissait pas les conditions d'ancienneté requises pour être admissible au concours. Soutenant qu'elle aurait très vraisemblablement pu être inscrite sur la liste si cette candidate n'avait pas été admise aux épreuves, elle demandait l'annulation de la décision du jury d'inscrire Mme G. sur la liste d'aptitude et la réouverture des travaux du jury en vue de son inscription sur cette liste.

6.
    Cette réclamation est restée sans réponse, ce qui, au 28 mai 1997, équivalait à un rejet implicite.

7.
    Le 9 juin 1997, le directeur général de la DG IX, M. Smidt, a informé la requérante de sa décision d'inviter le jury du concours à réexaminer la situation de Mme G. et d'en tirer les conséquences éventuelles pour une modification de la liste d'aptitude.

8.
    Par note du 22 août 1997, le chef de l'unité 2 «fonction publique européenne — Statut et discipline» de la direction B «droits et obligations» de la DG IX (ci-après «unité IX.B.2») a informé la requérante de ce qui suit: «Donnant suite à cette invitation, le jury s'est effectivement réuni le 7 juillet 1997. Sur base du dossier personnel de la candidate en question et plus particulièrement des rapports de notation qui y figurent, les membres du jury ont confirmé le bien-fondé de son admission au concours. Tel que M. Smidt vous en a informé par sa lettre [du 9 juin 1997] et d'après une jurisprudence constante, [...] compte tenu de l'indépendance des jurys de concours, l'administration ne dispose pas du pouvoir de modifier ou d'annuler leurs décisions (arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Delloye e.a./Commission, T-44/92, Rec. p. II-221). La décision du jury est donc définitive et, compte tenu des raisons évoquées ci-dessus, je suis dès lors au regret de vous communiquer qu'une réponse explicite à votre réclamation n'interviendra pas.»

Procédure

9.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 1997, la requérante a introduit le présent recours.

10.
    Par lettre du 14 juillet 1998, la requérante a déposé une pièce interne de la Commission, intitulée «Note au dossier» et datée du 14 décembre 1990 (ci-après «note au dossier»). La note au dossier non signée était faite sur papier à en-tête de la Commission et rédigée comme suit: «Objet: personnel 'huissier‘. Mutations

au 16.12.90. Di Giacomo F. de Luxembourg vers Berlaymont (1er étage). G de Berlaymont (1er étage) vers CCAB».

11.
    Par lettre du greffier du 31 juillet 1998, la partie défenderesse a été invitée à formuler ses observations sur cette nouvelle pièce. La défenderesse a déposé ses observations dans le délai imparti.

12.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité la partie défenderesse à préciser, par écrit, s'il existait un ou plusieurs registres attestant de l'identité des huissiers affectés dans les différents immeubles qu'elle occupe, ainsi que, le cas échéant, de la nature de leurs tâches précises et, dans l'affirmative, à produire le ou les registres relatifs au bâtiment Berlaymont à Bruxelles couvrant la période du 1er septembre 1989 au 15 décembre 1990. La partie défenderesse a déféré à cette demande dans le délai imparti.

13.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 19 novembre 1998.

Conclusions des parties

14.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision implicite, réputée intervenue le 28 mai 1997, rejetant sa réclamation introduite le 28 janvier 1997 contre la décision de ne pas l'inscrire sur la liste d'aptitude du concours COM/C/3/95, notifiée le 13 janvier 1997;

—    pour autant que de besoin, annuler également la décision notifiée le 13 janvier 1997 par le chef de l'unité IX.A.7, au nom du président du jury du concours COM/C/3/95, de ne pas l'inscrire sur la liste d'aptitude dudit concours, ainsi que la décision notifiée à la requérante par le directeur général de la DG IX le 9 juin 1997 et la décision notifiée le 22 août 1997 par le chef de l'unité IX.B.2, communiquant l'issue d'une délibération nouvelle, en date du 7 juillet 1997, du jury de concours;

—    condamner la défenderesse aux dépens.

15.
    Dans sa réplique, la requérante a, en outre, conclu à ce qu'il plaise au Tribunal à titre subsidiaire, avant de statuer sur le fondement du recours, ordonner la production des preuves suivantes:

—    tous les registres, afférents à la période du 1er septembre 1989 au 15 décembre 1990, qui ont recueilli quotidiennement la signature de l'ensemble des huissiers affectés au bâtiment Berlaymont, situé à Bruxelles, 200, rue de la Loi, ledits registres étant produits en originaux;

—    l'audition, en qualité de témoin, du ou des chefs d'immeuble en fonction dans le bâtiment Berlaymont au cours de la période du 1er septembre 1989 au 15 décembre 1990, ainsi que des huissiers affectés dans le même immeuble au cours de la période considérée, la Commission étant invitée à produire l'identité des personnes concernées.

16.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme non fondé;

—    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

17.
    La défenderesse fait observer que le rejet implicite de la réclamation étant intervenu le 28 mai 1997, le délai de recours, compte tenu du délai de distance et du report pour jour férié, expirait le lundi 1er septembre 1997. La requête ayant été déposée le 2 septembre, elle se heurterait à un problème de recevabilité. Toutefois, la défenderesse considère que le réexamen par le jury de concours de la situation de Mme G. et la notification des conclusions de celui-ci à la requérante constituent un cas d'ouverture d'un nouveau délai commençant à courir à partir de la notification de cette dernière décision (arrêt du Tribunal du 11 février 1992, Panagiotopoulou/Parlement, T-16/90, Rec. p. II-89).

Appréciation du Tribunal

18.
    Il ressort de la lettre que le chef de l'unité IX.B.2 a adressée à la requérante en date du 22 août 1997 que le jury a procédé, le 7 juillet 1997, à un réexamen de la situation de Mme G. en vue de vérifier s'il convenait de l'exclure de la liste d'aptitude et, le cas échéant, d'y inscrire la requérante. Dans ces circonstances, la décision adoptée à l'issue de ce réexamen, le 7 juillet 1997, s'est substituée à la décision précédente et ne peut être considérée comme purement confirmative de celle-ci. S'agissant d'une décision de jury de concours, susceptible d'être attaquée sans réclamation préalable, le délai de recours a commencé à courir à partir de la notification de cette nouvelle décision, soit après le 22 août 1997. Dès lors, le recours est recevable.

Sur le fond

19.
    A l'appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l'article 5 de l'annexe III du statut, et de l'avis de concours. Le second tient à une violation du devoir de sollicitude.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 5 de l'annexe III du statut, et de l'avis de concours

Arguments des parties

20.
    La requérante rappelle que, selon l'article 5 de l'annexe III du statut, le jury détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l'avis de concours et que, de même, en l'espèce, l'avis de concours précisait que le «jury peut déclarer nulle l'admission d'un(e) candidat(e) dont il constate à un stade quelconque de la procédure, qu'il(elle) ne remplit pas une ou plusieurs conditions fixées au titre II».

21.
    La requérante soutient que l'une des personnes admises à concourir et retenue en qualité de lauréate, Mme G., ne remplissait pas, à la date limite pour le dépôt des candidatures, les conditions d'ancienneté requises par le chapitre II de l'avis de concours, en ce qu'elle n'avait pas exercé pendant plus de quatre ans à temps plein, en tant que fonctionnaire ou autre agent, des fonctions correspondant au domaine de chef d'immeuble ou de réception. Or, la requérante aurait obtenu un nombre de points (89,42 sur 120) tellement proche du minimum requis pour figurer sur la liste d'aptitude (89,58 points) qu'il n'était pas douteux qu'elle eût été lauréate si le jury du concours, comme il en avait l'obligation après avoir été informé de l'admission irrégulière au concours de Mme G., avait écarté la candidature de celle-ci.

22.
    La requérante affirme que les mentions des rapports de notation de Mme G., produits par la défenderesse, ne sauraient être déterminantes pour attester de l'expérience professionnelle de ladite candidate.

23.
    Elle relève, d'abord, que le premier rapport de notation indique qu'il concerne la période du 1er juillet 1989 au 30 juin 1991, alors que Mme G. n'est entrée en fonction au sein de la Commission que le 1er septembre 1989.

24.
    La requérante estime, ensuite, que les mentions du rapport de notation, en relation avec la définition des fonctions exercées par Mme G., sont empreintes d'une excessive imprécision. Elle affirme que Mme G. n'a été affectée à des fonctions d'«huissier de conférence chargé de la préparation et de la surveillance des salles de réunion» qu'à partir du 16 décembre 1990 et que, depuis son entrée à la Commission, Mme G. a occupé les fonctions suivantes: du 1er septembre 1989 au 15 décembre 1990: huissier d'étage en l'immeuble Berlaymont; du 16 décembre 1990 au 15 janvier 1992: huissier affecté à la salle de conférence du CCAB; du 16 janvier

1992 au 31 août 1993: huissier affecté à la réception du bâtiment Evers; du 1er septembre 1993 au 15 juin 1994: huissier affecté à la réception du bâtiment Beaulieu; à partir du 16 juin 1994: travaux de manutentionnaire et de classement à la bibliothèque. A la date limite de dépôt des candidatures, Mme G. n'aurait donc pu invoquer comme expérience professionnelle pertinente que la période du 16 décembre 1990 au 15 juin 1994, soit une expérience de seulement trois ans et demi. Mme G. n'aurait donc pas rempli la condition d'expérience spécifique minimale de quatre ans requise par l'avis de concours. Par conséquent, la Commission n'aurait pu établir l'admissibilité de Mme G. au concours par la seule référence à ses rapports de notation, à l'exclusion de tout autre document et de tout élément probant, sans tenir compte du caractère inexact des mentions reprises dans lesdits rapports.

25.
    Selon la requérante, la note au dossier du 14 décembre 1990 prévoyant la mutation de Mme G. vers le bâtiment CCAB à partir du 16 décembre 1990 confirmerait qu'elle n'exerçait jusque là que la fonction d'huissier d'étage et non celle d'huissier de réception ou de salle de conférence.

26.
    Enfin, la requérante propose de rapporter la preuve du parcours professionnel réel de Mme G. de deux manières. D'une part, elle demande au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire les registres relatifs à l'immeuble Berlaymont signés quotidiennement par les huissiers pour justifier de leurs prestations pour la période du 1er septembre 1989 au 15 décembre 1990. Cela devrait démontrer que, durant cette période, Mme G. n'était affectée à aucune tâche de réception ni attachée à quelque salle de conférence que ce soit, mais occupait les simples fonctions d'huissier d'étage. D'autre part, la requérante invite le Tribunal à ordonner l'audition, en qualité de témoins, du chef d'immeuble du bâtiment Berlaymont et des divers huissiers qui exerçaient leurs activités dans ledit bâtiment durant la période du 1er septembre 1989 au 15 décembre 1990.

27.
    La défenderesse soutient que le jury ne s'est en rien écarté de l'avis de concours. Conformément à cet avis, le jury disposait pour évaluer l'expérience professionnelle de la candidate Mme G., d'une part, de son acte de candidature, et, d'autre part, de son dossier personnel avec, en particulier, ses rapports de notation.

28.
    S'agissant de l'acte de candidature de Mme G., la défenderesse relève qu'il est indiqué à la page 2 de celui-ci que son travail à la DG IX du 1er septembre 1989 au 15 juin 1994 était celui d'huissier de conférence chargé de la préparation et de la surveillance des salles de conférence, d'huissier-réceptionniste chargé de l'accueil des visiteurs («ordenanza de conferencias encargada de la preparacion y vigilencia de las salas de reunion. Ordenza recepcionista encargada de la acogida de visitantes»).

29.
    S'agissant des rapports de notation de Mme G., la défenderesse souligne qu'ils confirment entièrement les indications fournies dans son acte de candidature, le

rapport de notation pour la période du 1er juillet 1989 au 30 juin 1991 indiquant, sous la rubrique 6.b) relative à la description détaillée des fonctions, «huissier de conférence chargé de la préparation et de la surveillance de salles de réunion», celui pour la période de 1991 à 1993 constituant une reprise du rapport précédent et celui pour la période de 1993 à 1995 indiquant pour la période du 1er juillet 1993 au 15 juin 1994 «huissier-réceptionniste chargé de l'accueil des visiteurs». Selon que l'on inclue ou non la période accomplie en tant que fonctionnaire stagiaire, l'expérience professionnelle pertinente de Mme G. serait d'une durée, respectivement, de quatre ans, huit mois et quinze jours ou de quatre ans, deux mois et quinze jours, soit, en tout état de cause, d'une période supérieure à quatre ans.

30.
    La défenderesse précise que le fait que le rapport couvre la période du 1er juillet 1989 au 30 juin 1991, alors que l'intéressée n'a pris ses fonctions que le 1er septembre 1989, provient de ce qu'il s'agit d'un formulaire imprimé et ajoute que cette différence de deux mois est sans incidence dès lors que l'intéressée avait indiqué la date précise du début de son expérience professionnelle dans son acte de candidature.

Appréciation du Tribunal

31.
    Il est constant entre les parties que la légalité de la décision de refus d'inscription de la requérante sur la liste d'aptitude du concours dépend de la question de savoir si le jury a estimé à bon droit que Mme G. avait exercé, à la date limite pour le dépôt des candidatures, depuis plus de quatre ans, des fonctions correspondant au domaine choisi.

32.
    Les parties s'accordent également pour admettre que la candidate Mme G. pouvait effectivement invoquer comme expérience professionnelle spécifique la période du 16 décembre 1990 au 15 juin 1994, durant laquelle elle a occupé successivement les fonctions d'huissier affecté à la salle de conférence du CCAB, puis d'huissier affecté à la réception du bâtiment Evers et enfin d'huissier affecté à la réception du bâtiment Beaulieu, soit, au total, une expérience de trois ans et demi.

33.
    La requérante soutient, en revanche, que, antérieurement au 16 décembre 1990, Mme G. n'occupait que des fonctions d'huissier d'étage et que celles-ci ne pouvaient être prises en considération comme expérience professionnelle spécifique au sens du point II 1 sous c) de l'avis de concours.

34.
    Le Tribunal relève, à cet égard, que l'avis de concours prévoit, d'une part, au point IX, paragraphe 2, que «l'acte de candidature doit préciser les périodes (avec indication des dates de début et de fin) ainsi que la nature des taches exercées» et, d'autre part, au point V, paragraphe 3, que «l'épreuve orale et pratique vise à confirmer que le niveau réel des tâches exercées pendant la période reprise [au point I 1] sous c), tel qu'il ressort du dossier des candidat(e)s, correspond au niveau des tâches décrites sous le point I».

35.
    Il ressort ainsi que le jury du concours était invité à considérer l'acte de candidature et le dossier personnel des candidat(e)s pour déterminer s'ils possédaient l'expérience professionnelle requise.

36.
    S'agissant de Mme G., d'une part, elle avait indiqué dans son acte de candidature avoir occupé les fonctions d'huissier de conférence chargé de la préparation et de la surveillance des salles de conférence et d'huissier-réceptionniste chargé de l'accueil des visiteurs, du 1er septembre 1989 au 15 juin 1994.

37.
    D'autre part, les trois rapports de notation de Mme G. pour les périodes du 1er septembre 1989 au 15 juin 1994 confirmaient en tous points ces indications. En particulier, le premier rapport de notation, portant sur la période allant jusqu'au 30 juin 1991, mentionne, sous la rubrique 6.b), relative à la description détaillée des fonctions, que Mme G. a occupé, durant cette période, les fonctions d' «huissier de conférence chargé de la préparation et de la surveillance des salles de réunions». Cette mention claire et non ambiguë, signée par l'intéressée et contresignée par ses supérieurs hiérarchiques, pouvait être considérée raisonnablement par les membres du jury comme correspondant à l'expérience spécifique exigée par le point II 1 sous c) de l'avis de concours qui, pour le domaine choisi par la requérante, se référait sous une forme alternative, indiquée par l'utilisation du terme «ou», à: «Chef d'immeuble ou de réception: responsable d'un groupe d'huissiers, d'un bâtiment important ou d'un groupe de bâtiments, d'une réception importante ou d'un groupe de réceptions ou de salles de conférence».

38.
    Il convient de souligner, en outre, que les rapports de notation de Mme G. ont été établis in tempore non suspecto. En particulier, le premier rapport de notation portant sur la période querellée, antérieure au 15 décembre 1990, a été établi en février 1992, soit près de quatre ans avant la publication, en janvier 1996, de l'avis de concours. La crédibilité de ce rapport n'est pas affectée par la circonstance qu'il couvrirait, ainsi que la requérante le fait entendre, la période du 1er juin 1989 au 30 juin 1991, alors qu'il est constant que Mme G. n'a commencé à travailler pour la Commission qu'à partir du 1er septembre 1989. En effet, il appert de ce rapport qu'il a été établi sur un formulaire préimprimé, utilisable pour tous les fonctionnaires pour la période du 1er juin 1989 au 30 juin 1991. Néanmoins, la rubrique 2 «date de recrutement comme fonctionnaire», précisait bien que Mme G. était entrée au service de la Commission le 1er septembre 1989.

39.
    Enfin, ces rapports de notation ont été rédigés et signés par trois supérieurs hiérarchiques de Mme G., respectivement chef d'immeuble, chef du service intérieur et chef de l'unité «services intérieurs», lesquels doivent être considérés comme étant les personnes les mieux placées pour déterminer exactement les tâches auxquelles l'intéressée était affectée.

40.
    Par conséquent, c'est à bon droit que le jury a considéré, au vu de l'acte de candidature de Mme G. et de ses rapports de notation, qu'elle possédait l'expérienceprofessionnelle spécifique requise.

41.
    Force est de constater que pour tenter de renverser ces preuves, la requérante s'est bornée, tant lors de la réclamation administrative qu'au stade du présent recours, à formuler de simples affirmations nullement étayées par le moindre document ou élément probant. La seule pièce documentaire produite par la requérante, au demeurant de manière tardive, au stade de la procédure judiciaire, à savoir la note au dossier, est dénuée de pertinence dès lors qu'elle mentionne uniquement que Mme G. sera mutée au bâtiment CCAB à partir du 16 décembre 1990. Ce document, non signé et ne figurant pas au dossier personnel de l'intéressée, ne fournit aucune information précise sur les tâches exercées par Mme G. durant la période pertinente antérieure au 15 décembre 1990. Dans ces conditions, ce document ne saurait être de nature à contredire les informations précises contenues dans les documents officiels produits par la défenderesse.

42.
    S'agissant de la demande de la requérante d'ordonner la production de deux moyens de preuve, d'une part, le Tribunal constate que la défenderesse a expliqué, dans le cadre de sa prise de position à la suite d'une mesure d'organisation de la procédure ordonnée par le Tribunal, que, les registres n'étant conservés que pendant une année, elle ne disposait plus de registres relatifs à la période pertinente. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la citation de témoins demandée, au demeurant tardivement, par la requérante.

43.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

44.
    A titre surabondant, le Tribunal rappelle qu'il résulte d'une jurisprudence constante que le jury de concours sur titres et épreuves dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer les titres et l'expérience professionnelle des candidats et que le Tribunal doit se borner à vérifier si l'exercice de ce pouvoir n'est pas entaché d'une erreur manifeste (arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Wolf/Commission, T-101/96, RecFP p. II-949, points 64 et 68). Or, en l'espèce, il ne saurait être considéré que le jury a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que Mme G. était admissible au concours dès lors qu'il s'est fondé sur des documents écrits, établis in tempore non suspecto, à savoir l'acte de candidature et les rapports de notation de Mme G., lesquels établissaient clairement que l'intéressée possédait l'expérience professionnelle exigée par le point II 1 sous c) de l'avis de concours.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude

45.
    La requérante soutient qu'en refusant d'annuler les décisions du jury incriminées et de réparer le préjudice qui en résulterait pour elle l'autorité investie du pouvoir de nomination aurait méconnu son devoir de sollicitude consacré à l'article 24 du statut. De même, le jury aurait manqué à son devoir de sollicitude en refusant de rectifier l'illégalité qu'elle avait dénoncée.

46.
    A cet égard, il suffit de constater que ce moyen ne saurait prospérer dès lors qu'il repose sur l'hypothèse selon laquelle la candidate, Mme G., ne remplissait pas les conditions d'admission au concours. Or il a été démontré, dans le cadre de l'examen du premier moyen, qu'elle n'était pas fondée.

47.
    Il y a lieu d'ajouter que, en se basant sur des preuves écrites officielles telles que l'acte de candidature et les rapports de notation, et en examinant à plusieurs reprises le cas qui lui était soumis, le jury de concours a certainement fait preuve de toute la diligence et de toute l'objectivité qui s'imposaient à lui dans l'intérêt des fonctionnaires et d'une bonne gestion.

48.
    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

49.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Il s'ensuit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Jaeger
Lenaerts
Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 février 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1: Langue de procédure: le français.